La présente invention a pour objet un procédé de fabrication de fibres de carbone à partir de matières cellulosiques.
Dans le présent exposé. le terme carbone englobe les formes graphitique et non graphitique du carbone.
Le carbone est un élément possédant de nombreuses propriétés chimiques et physiques intéressantes et utiles. C'est une matière qui peut être trouvée dans la nature et qui peut être produite synthétiquement. Le carbone est une matière facile à travailler et pouvant être façonnée en presque n'importe quelle forme, même les plus compliquées. Actuellement, les utilisations du carbone dans l'industrie sont innombrables.
A ce jour, la plupart des articles en carbone employés dans l'industrie sont fabriqués par un procédé consistant à mélanger des particules de carbone non graphitique avec un liant carbonisable, à extruder ou mouler le mélange pour lui donner la forme désirée, puis à le chauffer à une température suffisante pour carboniser le liant. Si, au cours de ce chauffage, la température maximum à laquelle l'article est exposé est de l'ordre de 700-9000 C, I'article est qualifié d'article entièrement en carbone non graphitique. D'autre part, si l'article est soumis à un chauffage plus prolongé, le portant à une température de l'ordre de 2000-25000 C et plus, on dit qu'il est transformé en une forme graphitique du carbone, généralement appelée graphite.
Récemment, on a introduit le carbone sous la forme d'un textile dans la technologie du carbone. Cette forme de carbone est remarquable par le fait qu'elle possède la souplesse d'un textile tout en étant caractérisée par les propiétés électriques et chimiques associées aux articles de carbone produits de la manière classique.
Un procédé bien connu pour la fabrication du carbone sous la forme d'un textile consiste à chauffer un textile cellulosique sous atmosphère inerte à une température progressivement croissante jusqu'à ce qu'une carbonisation substantielle du textile se produise. Le produit ainsi obtenu possède les qualités chimiques et physiques des articles en carbone fabriqués de la manière classique tout en conservant la souplesse et les autres caractéristiques physiques associées à la matière textile de départ, en particulier le toucher et le drapé.
Un procédé bien connu pour la fabrication de graphite sous forme textile consiste à chauffer une matière de départ cellulosique sous atmosphère inerte à des tempéraures progressivement croissantes pendant des temps variés jusqu'à ce qu'une température d'environ 9000 C soit atteinte, puis à continuer le chauffage à des températures supérieures, sous une atmosphère protectrice adéquate, jusqu'à ce qu'une graphitisation substantielle se produise. Le produit ainsi obtenu présente les propriétés chimiques et physiques généralement associées au graphite fabriqué de la manière classique tout en conservant les caractéristiques textiles de la matière de départ.
Récemment, une forme à haut module et à haute résistance de fibre de graphite a été mise sur le marché. En gros, cette matière est produite par un procédé, décrit notamment dans le brevet français No 1432042, consistant à étirer une fibre pratiquement tout en carbone en la chauffant aux températures de graphitisation.
Bien que cette forme améliorée de fibre de graphite possède des propriétés que l'on ne rencontre pas dans les fibres de graphite produites par les procédés classiques mentionnés ci-dessus, le procédé pour leur fabrication est affecté d'au moins une difficulté importante. La force élevée nécessaire pour réaliser à la fois la résistance maximum et un haut module d'Young est un facteur limitatif pendant la graphitisation sous tension de la fibre déjà carbonisée. En effet, pour obtenir les valeurs optimums de résistance et de module, la tension nécessaire est dangereusement proche de la force de rupture de la fibre de carbone. Il va sans dire que ces limites étroites ne facilitent pas une mise en oeuvre industrielle satisfaisante.
D'autre part, I'équivalence des fibres cellulosiques et des fibres polyacrylonitrile postulée dans le brevet français Ns 1432042 n'existe pas en ce qui concerne le comportement au cours de la carbonisation. Il est à noter tout d'abord que ce brevet français ne décrit d'une façon détaillée que le traitement de fibres d'origine cellulosique. La cellulose et le polyacrylonitrile sont des substances fondamentalement différentes et l'enseignement du brevet français ne laissait nul lcmcnt prévoir que I'application d'une traction à une fibre cellulosique pendant sa carbonisation produirait un effet bénéfique.
En effet. les fibres de polyacrylonitrile sont des fibres en une matière fortement orientée, formées de chaines dc liaisons carboite-carbone qui ne subissent que très peu de ruptures pendant le traitement thermique, en sorte que lon peut s'attendre à ce que l'application d'une traction procure un avantage en maintenant ou en renforçant l'orientation moléculaire (dont dépend un haut module).
Par contre, les chaincs dont sont formées les fibres cellulosiques ne com- prennent pas que des liaisons carbone-carbone, mais sont composées de motifs de cellobiose reliés à travers des atomes d'oxygène. Pendant la carbonisation. l'oxygène contenu dans la fibre est expulsé, ce qui rompt les liaisons entre les motifs de cellobiose et produit une fibre presque compltte- ment désordonnée n'ayant que peu oti pas d'orientation mo séculaire. Par suite dc la désintégration complète des chaînes polymEriques et de la disparition de l'orientation moléculaire au cours de la carbonisation.
il n'était pas vraisemblable que l'application d'une traction contribue en quelque mesure au maintien dc l'orientation des chaînes. On murait pu avoir quelque espoir d'ameliorer l'orientai on au moyen d'une traction si la cellulose subissait une diminution de l'orienta- tion moléculaire au cours de la carbonisation. mais la destruction quasiment complète de I'orientation moléculaire ne pouvait que suggérer à I'homme du métier que la masse amorphe qui subsiste est incapahle d'orientation.
Le but de l'invention est atteint par un procédé caractérisé en ce qu'on chauffe une fibre partiellement carbonisée d origine cellulosique jusqu'à une température suffisante pour carboniser sensiblement complètement ladite fibre sans la graphitiser et on étire simultanément ladite fibre au moyen d'une force de traction suffisante pour réaliser un pourcentage d'extension effective d'au moins 20 %.
La fibre de carbone non graphitique ainsi produite présente un module d'élasticité d'Young supérieur à celui qui était obtenable jusqu'ici dans des fibres de carbone non graphitique par les techniques connues. En outre. la fibre de carbone non graphitique ainsi produite se prête tout spécialement aux traitements de graphitisation sous tension usuels.
Par exemple, des fibres de carbone non graphitique. carbonisées sous tension par le procédé selon l'invention, qui ont été subséquemment graphitisées sous une tension de 450 g/deux bouts ont présenté un module d'Young et une résistance de rupture de 39000 kgi'mm- et 197 kg,imm-, respectivement.
alors que des fibres produites de la manière antérieure, c'està-dire par graphitisation sous tension d'une fibre carbonisée de la façon usuelle. ont nécessité une force de 1300 g/deux bouts pour reproduire ces propriétés physiques.
Les fibres qui conviennent à la mise en oeuvre de l'invention sont celles qui ne fondent ou ne s'agglomèrent pas lors de la carbonisation mais tendent à prendre leur orientation propre lorsqu'elles sont ainsi traitées thermiquement.
Spécifiquement, les fibres qui conviennent à la mise en oeuvre de l'invention sont des fibres d'origine cellulosique naturelle ou régénérée qui ont été soumises à un traitement thermique préalable les transformant en fibres carbonées partiellement carbonisées. A cet effet, on chauffe tout d'abord les fibres cellulosiques brutes dans une atmosphère inerte ou oxydante jusqu'à une température d'environ 100 à As()|] 350 C pour les fibres qui ont été traitées par un actisateur de carbonisation. tel que l'acide phosphorique. ou à une température d'environ 150 à 350 " C pour les fibres non traitées.
Les exemples qui suivent illustrent l'invention.
Exeniple 1:
On a construit un appareil pour l'étirage à chaud de fibres carbonées, de préférence sous forme de filé. Cet appareil consiste en un four tubulaire vertical chauffé par résistance électrique, d'une longueur d'environ 61 cm et d'un diamètre de 51 mm, avec une tige de graphite placée en travers de l'extrémité supérieure du four tubulaire et des moyens de contrôle de l'atmosphère pour la régulation de l'atmosphère dans la zone chaude du four. Un filé partiellement pré-carbonisé. préparé par chauffage d'un fil de rayonne de 1650 deniers, 720 filaments en 1 bout. à une température d'environ 250" C. a été doublé sur la tige de support et passé à travers l'appareil. Ce fil a été réuni à ses deux ex trématés et le poids désiré (voir tableau I) a été fixé au fil.
le mettant ainsi sous une tension ou contrainte appliquée longitudinalement. Les fibres se trouvant dans le four ont été ensuite chauffées progressivement jusqu'aux températures carbonisantes. Le programme de chauffage a été de 600 > C par heure entre la température ordinaire et 900t} C. suivi d'un refroidissement immédiat à une vitesse initiale d'environ 400" C/h. Ce refroidissement à 400" CIh s'est rapidement ralenti, en sorte que la durée approximative entre 9000 C et la température ordinaire a été d'environ 16 h. Une atmosphère d'argon a été entretenue dans le four. aussi bien pendant le chauffage du fil que pendant son refroidissement.
Le degré d'extension subi par le fil pendant la carbonisation sous tension a été mesuré au moyen d'un cathétomètre de précision.
Il y a lieu de noter ici que la matière de départ cellulosique partiellement carbonisée a une tendance naturelle à se contracter pendant qu'elle se carbonise complètement. Par conséquent, le pourcentage d'extension effective indiqué dans le tableau I ci-dessous est déterminé par mesure de la différence de longueur entre une longueur unité de matière carbonisée sous tension et une longueur unité similaire de matière carbonisée sans tension, et division de cette valeur par la longueur de la matière carbonisée sans tension, puis multiplication de la valeur obtenue par 100. Ceci est donc la signification à donner au terme pour cent d'extension effective tel qu'utilisé dans le présent exposé.
Le tableau I donne des résultats illustrant les propriétés dc fibres de carbone carbonisées sous tension conformément à la technique ci-dessus.
Tableau I
Force t0 Module Résistance
Echantillon sur les fibres d'extension d'Young à la traction
No (g/2 bouts) effective (kg/mm2) (kg/mm2)
1 * 5 0,05 4100 51
2 250 20 5600 44
3 400 35 7100 58
4 500 50 7300 50 * comparatif
Note : La force de 5 g/bouts appliquée sur l'échantillon 1 est simplement destinée à aligner la fibre dans le four pendant sa carbonisation. On admet que cette force n'exerce aucune tension significative sur le fil pendant sa carbonisation.
Par conséquent. les valeurs du module d'Young et de la résistance à la traction trouvées sur l'échantillon N 1 Exemple 2 :
En utilisant la même technique, le même appareil et le même type de fibres de départ que décrit dans l'exemple on a carbonisé des fibres sous tension en leur appliquant une force de tension de 400 g/2 bouts en les chauffant jusqu'à une température d'environ 900 C. On a ensuite graphitisé ces fibres, carbonisées sous tension. en les chauffant jusqu'à 2800 C dans des conditions essentiellement sans charge. Les propriétés des fibres ainsi produites sont présentées dans le représentent les propriétés que l'on obtient en carbonisant ull fil de rayonne de manière connue.
Les autres résultats expérimentaux. mentionnés dans le tableau I. indiquent qu'une extension effective d'au moins 20 c doit être réalisée pendant la carbonisation sous tension pour que les fibres ainsi traitées présentent des propriétés notablement améliorées.
tableau 11. Pour produire des fibres de graphite présentant des propriétés similaires par les techniques antérieures de graphitisation sous tension, il a été nécessaire d'employer une force de tension double de celle nécessaire dans la méthode de carbonisation sous tension. A titre de comparaison.
les propriétés de fibres produites conformément à l'invention et par la méthode antérieure sont présentées dans le tableau Il.
Tableau Il
Domaine de
Force température effectif Module Résistance
sur les fibres dans lequel la force d'Young à la traction
Méthode (g/2 bouts) a été appliquée (foc) (kg/mm2) (kg/mm2)
Carbonisation sous tension (suivie de graphitisation
sans tension jusqu'à 2800" C) . . . 400 250- 900 16.450 126
Graphitisation sous tension (technique connue) . 800 1000-2800 16.150 123
Il ressort des résultats ci-dessus que la présente invention apporte un procédé de fabrication de fibres à haut module ne nécessitant pas de soumettre les fibres à des efforts importants pendant leur graphitisation subséquente.
Exemple 3:
En utilisant les mêmes appareil, technique et type de fibres de départ que décrit dans l'exemple 1, on a carbonisé des fibres sous tension en leur appliquant une force de traction de 450 g/2 bouts tout en les chauffant jusqu'à une température d'environ 900ri C. Ces fibres carbonisées sous tension ont été ensuite graphitisées sous tension en leur appliquant une force de traction de 400 g/2 bouts tout en les chauffant jusqu'à une température d'environ 2900 C. Les propriétés de fibres ainsi produites sont présentées dans le tableau III. A titre de comparaison, les propriétés de fibres de graphite produites par les techniques connues de graphitisation sous tension sont également indiquées dans le tableau III.
Tableau III
Domaine de
Force température effectif Module Résistance
sur les fibres dans lequel la force d'Young à la traction
Méthode (g/2 bouts) a été appliquée ( C) (kg/mmo) (kg/mm2)
Carbonisées sous tension . . . 450 250- 900
(et subséquemment graphitisées sous tension) . . 400 900-2900 36500 197
Graphitisées sous tension (technique connue) . 1300 1000-2800 38600 204
D'après les résultats présentés dans le tableau III. on peut voir que la carbonisation sous tension diminue l'effort nécessaire à la production de fibres à haut module. à haute résistance par la graphitisation sous tension de fibres déjà carbonisées.