EXPOSÉ DE THÈSE
Catherine Duprat, Le temps des philanthropes. La philanthropie parisienne des Lumières à la monarchie de Juillet xxvii - 2220 p. , thèse présentée pour l'obtention du doctorat d'État, sous la direction de M. Maurice Agulhon. Université de Paris I, soutenance le 8 juin 1991.
« Un des principaux devoirs des hommes est ... de concourir au bien de [leurs] semblables, d'étendre leur bonheur, de diminuer leurs maux... Certainement, un pareil objet entre dans la politique de toutes les nations et le mot de Philanthrope a paru le plus propre à désigner les membres d'une Société particulièrement consacrée à remplir ce premier devoir du citoyen ». Ainsi les officiers de la Société Philanthropique de Paris évoquent-ils leur mission en 1787 (Calendrier philanthropique. Année 1787, p. xxx). Conduites altruistes, service du bien et du bonheur de ses semblables, dévouement à la patrie, tels sont en fait les devoirs communs prescrits au philosophe, au maçon et au citoyen. C'est alors la première des vertus sociales, au double sens du terme — la vertu originelle et la vertu la plus élevée dans l'ordre moral — que désignent les termes d'humanité, bienfaisance, ou philanthropie. Le principe en est connu. Être social, l'homme est porté vers ses semblables par une affection innée. Celle-ci l'incline à rechercher les autres hommes, à trouver son bohneur en leur société, à les obliger et les secourir. La bienfaisance n'est pas que sentiment ou émotion, elle est exigence d'action efficace, une action soucieuse de l'intérêt d'au- trui, de l'utilité sociale, du progrès social.
A la fin du xvme siècle, la philanthropie est ainsi l'objet d'un discours moral, philosophique et patriotique constitutif d'un rôle social majeur. Multiples sont les pratiques prescrites, donner sans doute, mais plus encore enquêter, informer, dénoncer, expérimenter, proposer, s'associer et militer pour le bien. Deux traits distinguent alors les conduites philanthropiques de celles de notre société contemporaine. D'une part, celles-ci ne sont pas définies comme des pratiques de l'homme privé par opposition à l'homme public. La perfection au contraire de ce modèle d'humanité se trouve incarnée par l'homme d'État philanthrope : n'a-t-il pas tout pouvoir de faire le bien et donc de réaliser le plus grand bonheur possible pour le plus grand nombre d'hommes. Mais surtout — et quoique sa fonction corrective des inégalités de classes soit explicite chez certains auteurs, tel Jaucourt dans l'article Égalité de Y Encyclopédie — le rôle du philanthrope n'est jamais réduit à un simple rôle de classe, ce que serait un modèle relationnel de puissants à inférieurs, de riches à pauvres. Comme d'ailleurs celui du chrétien charitable, il est un rôle social universel, accessible à tous — le rôle de l'homme en société — ce que manifestera bientôt la fraternité /réciprocité révolutionnaire.
L'objet de cette recherche est l'étude des propositions et des pratiques philanthropiques des Parisiens de 1780, année de la fondation de la Société Philanthropique, jusqu'au début des années 1840, moment défini comme le terme de la philan-