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Son petit nom est Sinanthropus pekinensis. Mais la communauté scientifique le surnomme plus communément « l'Homme de Pékin ». Cet humain préhistorique fascine les chercheurs. Son histoire, il est vrai, est peu commune. Le cinéaste français Jacques Malaterre l'a racontée dans son documentaire, L'Homme de Pékin, les derniers secrets de l'humanité, diffusé en France au printemps dernier.
Ce film a été projeté aux quatre coins de la Chine durant un mois et demi, du 5 octobre au 21 novembre dernier. Ce documentaire est présenté, ce 2 décembre, au musée de Zhoukoudian, l'équivalent chinois de notre Muséum d'Histoire naturelle, pour célébrer la découverte du crâne de ce sinanthrope.
Héros d'un docu-fiction franco-chinois
Tourné dans des conditions épiques, en pleine pandémie de Covid, ce long-métrage évoque ce que l'on sait de ce lointain ancêtre de l'homme moderne. Cet Homo erectus a vécu il y a 780 000 ans, selon une datation établie par l'équipe de chercheurs de Guanjun Shen (université de Nanjing en Chine). Soit à une période alternant de très rigoureux hivers et des étés tempérés.
Il devait mesurer entre 1,50 m et 1,65 m, si l'on en juge par la taille des fémurs retrouvés. La taille de sa boîte crânienne, à peine plus petite que celle de Sapiens, devait lui conférer les mêmes capacités cognitives que nous. Des traces de feux accréditent d'ailleurs l'idée que cet hominidé maîtrisait le feu et s'était même, peut-être, sédentarisé. Des outils découverts laissent aussi entendre qu'il pratiquait aussi bien la chasse et la pêche que la cueillette.
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« L'Homme de Pékin » a rayonné sur de vastes territoires puisqu'on retrouve des squelettes présentant les mêmes caractéristiques anatomiques jusqu'en Indonésie. L'expansion de cette branche de l'humanité serait intervenue en deux temps : une première vague vers le nord de la Chine, et une autre vers l'île de Java où l'un de ses lointains « cousins » aurait vécu jusqu'en 50 000 avant J.-C.
Un homme qui nous ressemble
Disposait-il d'un langage articulé ? « Les chercheurs que j'ai consultés le pensent », confie le réalisateur, qui reconnaît néanmoins que « beaucoup de choses restent à découvrir sur ce sinanthrope ; ce chapitre de l'histoire humaine est captivant quand on sait que cohabitaient ici sept espèces humaines différentes qui ont toutes disparu ».
La coproduction sino-française qu'il a dirigée a bénéficié d'un budget de 6 millions d'euros, notamment grâce à la chaîne publique chinoise CCTV. Elle a eu, pour conseillers scientifiques, Yves Coppens et Antoine Balzeau. « C'est fort de leur expertise en paléoanthropologie que j'ai imaginé le scénario de ce film, qui raconte le destin des hommes et des femmes du moment de la découverte du feu aux grandes migrations vers le détroit de Béring », poursuit le cinéaste.
La sortie de son film sur « l'Homme de Pékin » s'est déroulée un siècle tout rond après le début de la campagne de fouilles qui, à Zhoukoudian à une trentaine de kilomètres au nord-est de Pékin, a contribué à sa découverte. Tout a, en effet, commencé au printemps 1921, quand le paléontologue autrichien Otto Zdansky (1894-1988) a exhumé, dans l'une des grottes de cette localité, une dent humaine.
À LIRE AUSSI Ludovic Slimak : « J'explore l'humain en essayant de défricher des sujets que les archéologues abordent peu » Cette découverte a été le début d'un immense chantier scientifique visant à retrouver d'autres restes d'Homo erectus sur place. Plusieurs équipes occidentales se sont passionnées pour le sujet. Il faut dire que, depuis 1899 et l'identification par l'Allemand K.A. Heberer de deux fossiles intrigants, la communauté scientifique s'interrogeait sur le fait de savoir si le berceau de l'humanité n'était pas en Chine.
Baptisés Lung Ku et Lung Ya (« os » et « dents de dragon »), les fossiles d'Heberer se sont finalement avérés être ceux de primates. Mais de nombreuses équipes européennes se sont mises en quête, à partir de 1918, de restes d'hommes préhistoriques dans les cavités karstiques de Zhoukoudian.
« La ruée vers l'os »
Les Suédois ont été les premiers à dépêcher sur place une équipe chargée de découvrir ces traces humaines. Conduit par un prospecteur minier passionné de paléontologie, Johan Gunnar Andersson (1874-1960), le Comité de recherches sino-suédois est alors soutenu par l'université d'Uppsala, pour laquelle travaille précisément Otto Zdansky.
L'équipe d' Andersson fouille d'abord un site proche du village de Yangshao, au nord du Henan, sur les bords du Huáng hé, le fameux « fleuve jaune » qui traverse le pays sur plus de 5 700 kilomètres. Y est identifiée une civilisation néolithique remontant à 5 000 ans avant J.-C. Entre 1922 et 1923, les chercheurs suédois reprennent les fouilles de Zhoukoudian et révèlent la présence, en ce lieu, d'habitations humaines dans des couches datées entre 500 000 et 300 000 ans. La nouvelle ne passe pas inaperçue. À LIRE AUSSI Mort du pape de la préhistoire Yves CoppensUn Français, le père jésuite Émile Licent (1876-1952), qui conduit, de son côté, des fouilles sur le plateau d'Ordos, plus au sud, écrit au professeur Marcellin Boule (1861-1942) qu'il conviendrait d'envoyer un chercheur du Muséum d'Histoire naturelle pour savoir de quoi il retourne.
C'est le début de ce qu'Yves Coppens appellera plus tard, avec humour, « la ruée vers l'os » et qui se déroule alors non pas en Afrique comme aujourd'hui mais en Asie. On dépêche à Pékin un chercheur au profil atypique : Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) : un père jésuite féru de géologie qui s'est passionné à partir de 1908 pour l'étude de l'Homme de Néandertal.
Un jésuite passionné d'archéologie
Teilhard de Chardin arrive à Pékin le 15 mai 1923 et met d'abord le cap sur le site de Gansu avant de rejoindre Zhoukoudian. Il va y passer 37 ans de sa vie à chercher des reliques laissées par nos lointains ancêtres. En 1926, l'anatomiste canadien Davidson Black (1884-1934) rejoint à son tour le site. Il vient de publier un papier dans la prestigieuse revue Nature et Science où il affirme être convaincu que l'origine de l'Homme se situerait en Asie centrale.
Fort du soutien de la fondation américaine Rockfeller, il lance à Zhoukoudian une nouvelle campagne de fouilles avec le Suédois Birger Bohlin (1898-1990) et le Chinois Pei Wenzhong (1904-1982). Lorsque, le 16 octobre 1926, émerge une nouvelle dent de lait, Davidson Black publie un article baptisant Sinanthropus pekinensis l'espèce humaine qui a vécu là, à la préhistoire.
Cet Homo erectus gagnera un visage, le 2 décembre 1929, lorsque Pei Wenzhong mettra au jour le premier crâne humain jamais retrouvé dans cette grotte. C'est cette découverte que nous commémorons aujourd'hui.
Durant la décennie suivante, treize autres calottes crâniennes vont être retrouvées sur le site. Leur état de conservation est exceptionnel. À la mort de Davidson Black, en 1934, Pierre Teilhard de Chardin prendra la tête des opérations. Les fouilles vont se poursuivre encore trois ans. La guerre sino-japonaise qui débute le 7 juillet 1937 marquera le coup d'arrêt de cette campagne.
Un trésor perdu
Au total, une quarantaine d'« Hommes [et de femmes] de Pékin » auront été identifiés. Ces découvertes rassemblent, outre 14 crânes humains, une douzaine de mandibules, 147 dents et 11 fragments crâniens. Cette collection unique a malheureusement disparu en 1941 entre Pékin et le port de Chinwangtao où elle devait être embarquée pour les États-Unis à bord du paquebot Président Harrison.
Que s'est-il passé ? « Deux hypothèses coexistent : soit ces ossements ont été volés, soit ils ont été détruits dans un bombardement », explique Jacques Malaterre qui a, un temps, rêvé de consacrer un film à cette aventure archéologique.
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À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre En attendant de tourner un jour ce long-métrage de fiction qui pourrait constituer une version chinoise de la série Indiana Jones, le réalisateur français entend traiter d'une autre aventure scientifique sino-française au cinéma. « Ce serait une évocation de la vie et de l'œuvre du naturaliste Armand David (1826-1900).
Cet autre homme d'Église, dont nous célébrerons le bicentenaire dans deux ans, a conduit plusieurs missions autour de Pékin, mais aussi en Mongolie et dans le Sichuan », indique Jacques Malaterre. Les travaux de ce Français ont permis l'identification de plus de 2 000 espèces végétales inconnues à l'époque en Chine, ainsi que de 70 types d'animaux inédits. Le plus connu ? Le panda.
Le gros problème est qu'un organisme seulement sur un million est fossilise, et que les hominides, voici 700 000 ans, étaient quelques milliers sur Terre.
Si on a trouvé autant de fossiles d’hominides en Afrique orientale, c’est aussi parce que le climat sec y a mieux conservé les ossements... Alors que le climat chaud et humide en Asie (et en Afrique) tropicale les détruit rapidement.
C'est ce que reconnaissent beaucoup de paléontologues.
Si j'ai bien compris l’article, l’homme de Pékin était un homo erectus. Les homos erectus, apparus vers deux millions d'années en Afrique, ont conquis l’Eurasie vers un million d’années.
Or cette époque correspond au Pléistocène, de 2, 7 millions d’années à -11 700 ans, où alternent de longues périodes glaciaires de 100 000 ans environ et des périodes chaudes interglaciaires, d’une vingtaine de milliers d'années, provoquées par les cycles astronomiques de Milankovic.
Il est probable que les évolutions des hominides ont été provoquées par la sécheresse touchant l’Afrique durant les périodes glaciaires, qui gardent d’énormes masses d’eau dans les banquises. Et les homos erectus ont pu sortir d’Afrique et explorer l’Eurasie à la faveur d’une période chaude interglaciaire.
Mais comment sont apparus les homos sapiens, qui dérivent des homos erectus ?
Peut-être à cause de la pression adaptative subie par les homos erectus subissant les grandes glaciations en Eurasie ?
Ou ce sont les homos erectus restés en Afrique, affrontant des sécheresses durant une grande glaciation ?
Article malheureusement entaché d'inexactitudes ou de maladresses qui le dévaluent. Difficile d'écrire sur un sujet que l'on ne maîtrise manifestement pas suffisamment :
" La taille de sa boîte crânienne, à peine plus petite que celle de Sapiens, devait lui conférer les mêmes capacités cognitives que nous ". Ah bon ? Vous tenez cela d'où ? La lecture ou l'écoute de Jean Jacques Hublin, notre plus grand paléanthropologue et une sommité mondiale, vous renseignerait du contraire.
" Il vient de publier un papier dans la prestigieuse revue Nature et Science". Etes vous sur que la revue était aussi prestigieuse qu'aujourd'hui à cette date ? A mon avis non.
" quand on sait que cohabitaient ici sept espèces humaines différentes qui ont toutes disparu »". Toutes disparu. IL n'y a donc plus d'homo sapiens en Chine ?