Présentation du parcours virtuel par Jean-Michel Armand
Le fonds Michel BASDEVANT est constitué de photographies réalisées par le studio parisien Henri MANUEL dans le cadre du reportage que le Ministère de la Justice lui a commandé en 1929. L’intention du ministère quant à cette commande reste à ce jour inconnue, les archives ne livrant aucune information sur les attendus qui ont pu la motiver.
Des quelque centaines de clichés réalisés par le studio entre les années 1929 et 1931 (*), certains sont connus des spécialistes pour avoir été utilisés dans des ouvrages d’historiens (**), plus rarement pour illustrer des articles, publiés notamment par le journal « DETECTIVE » lors des campagnes de presse des années 1934-1937 contre les « bagnes d’enfants ». On trouve aussi quelques cartes postales.
* C’est grâce aux éphémérides que l’on peut voir sur les clichés des salles de classe ou des bureaux administratifs des établissements que l’on peut dater approximativement le reportage.
**C’est le magistrat Henri GAILLAC qui, dans son ouvrage de référence « Les Maisons de correction » publié en 1971 (Editions CUJAS) utilise en guise d’iconographie des clichés du reportage alors bien oublié.
L’essentiel a été dit sur la qualité des photographies réalisées par le studio Henri Manuel dont le regard professionnel ne cède en rien aux tristes réalités de ces colonies pénitentiaires pour mineurs rebaptisées Maisons d’Education surveillée en 1927 dans le cadre d’une réforme générale de ces établissements que d’aucuns appelèrent « la réforme de papier », le législateur se contentant de toiletter le vocabulaire usuel plutôt que de réformer fondamentalement les pratiques violentes d’encadrement de ces «mineurs de justice».
Certaines des photographies de cette collection sont assez inédites puisqu’au-delà ce que le photographe restitua à son commanditaire, il fit publier pour son compte des albums (***) devenus aujourd’hui des objets rares et convoités tant des institutions concernées que des collectionneurs avisés.
*** C’est de l’un de ces rares albums que sont tirés les clichés présentés.
Dans le cadre de son reportage, Henri Manuel va sélectionner quelques établissements pénitentiaires, maisons d’Arrêt ou maisons Centrales pour hommes et pour femmes.
En revanche, il photographiera les neuf établissements pour mineurs relevant de l’administration pénitentiaire :
Les Maisons d’Education Surveillée d’Aniane, de Belle-Ile-en-Mer, de Saint-Maurice et de Saint-Hilaire
La Maison d’Education Surveillée/Quartier Correctionnel d’Eysses
Les Ecoles de Préservation de Cadillac, Clermont-de-l’Oise et Doullens
La prison pour mineurs de la Petite Roquette à Paris.
Ce parcours propose, à partir d’une sélection du fonds Basdevant, d’évoquer les écoles de préservation pour jeunes filles.
Les écoles de préservation pour jeunes filles
Si la loi « Corne » du 5 août 1850 instituait des colonies pénitentiaires publiques pour les garçons et des maisons pénitentiaires pour les filles, ces dernières furent très peu nombreuses puisque les mauvaises filles étaient très majoritairement prises en charge par des œuvres religieuses telle que celle du Bon Pasteur. Les refuges, asiles et miséricordes ne manquaient pas en ce milieu du 19ème siècle pour cette catégorie de public.
Aussi, l’administration pénitentiaire n’ouvrira que trois établissement pour filles de justice.
Ce public mal connu a donné aux personnels de ces établissements bien du tracas car face aux turbulences de ces filles, l’administration répugnait à utiliser les moyens excessifs admis pour le « traitement » des garçons alors.
Le nom même de ces établissements pour filles témoigne d’une approche nuancée : il s’agit non plus de surveiller mais aussi de préserver des adolescentes contre les tentations d’une vie débridée (prostitution) mais aussi contre elles-mêmes dans ce que l’on supposait participer d’une naïveté naturelle.
L’Ecole de Préservation de Doullens (Somme)
La première maison pénitentiaire qualifiée d’école de préservation ouverte par l’administration fût celle de Doullens, le 1er janvier 1895. Installée dans l’enceinte de la vieille citadelle, elle comportait initialement deux sections distinctes :
une école de préservation de 126 cellules individuelles pour les filles jugées coupables mais non discernantes confiées à l’établissement généralement jusqu’à leur majorité civile (21 ans) au titre de l’article 66 du Code pénal.
un quartier correctionnel de 40 cellules individuelles pour les filles indisciplinées ou ayant été condamnées en récidive légale.
14 cachots de punition de jour comme de nuit (punition à temps qui ne pouvait excéder 15 jours à la discrétion du directeur, les punitions supérieures en jours devant faire l’objet d’une décision de l’administration centrale de l’Administration pénitentiaire).
Une note officielle en date de 1901 décrit les métiers enseignés aux pupilles lesquels renvoient aux classiques tâches ménagères que toute honnête femme doit connaître : blanchisserie, couture, repasseuse, jardinière ou…fille de ferme. Mais, précise la note ministérielle : « en dehors du temps consacré spécialement à l’apprentissage de ces métiers, chaque enfant est employée successivement au ravaudage du linge, à la cuisine et au ménage afin d’y acquérir les connaissances domestiques indispensables à toute femme de condition modeste et peut-être même aux autres ».
Des rubans et des cordons d’honneur que l’on coud sur la blouse viennent récompenser les plus méritantes. Mais laissons le règlement général des écoles de préservations de l’année 1910 nous en dire plus :
« A l’égard des filles relativement sages qui composent l’effectif, on use plutôt de privations, de récompenses que des punitions proprement dites et l’on arrive à ces dernière qu’après avoir épuisé toutes les moyens de redressement qu’une saine indulgence peut suggérer » .... « …/… il n’en va pas de même au quartier correctionnel où l’indulgence réussit rarement et où l’application de l’article 614 du Code d’instruction criminelle devient parfois nécessaire…/… » ...« ainsi dirigée et conseillée, la pupille grandit se développe physiquement et moralement et atteint ainsi le jour fixé de sa libération ».
C’est pour n’avoir pas été assez patiente que la jeune Albertine DAMIEN (17 ans) qui se fait appeler Anick (*) saute le mur d’enceinte réputé infranchissable le 19 avril 1957 et se casse ce petit os du pied, l’astragale qui fût aussi le titre éponyme de son premier roman. Pantelante et ensanglantée, elle est ramassée par un voyou romantique, Julien SARRAZIN qu’elle épousera en prison deux ans après.
(*) Anick devenue Albertine SARRAZIN publiera pas moins de douze romans, recueils de poésie et lettres dont les passionnants « Biftons de prison » (Ed. Pauvert, 1976). Elle meurt à 29 ans d’un accident d’anesthésie après huit années passées derrière des barreaux.
Histoire - parcours virtuel - L'école de préservation de Doullens
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L’Ecole de Préservation de Cadillac (Gironde)
La maison pénitentiaire pour filles de Cadillac ouvre en 1891 dans les locaux de la maison centrale de femmes, elle-même installée depuis 1818 dans cet ancien château construit à la fin du 16e siècle pour le duc d’Epernon. Suite aux agitations permanentes des filles qui y séjournent, elle ferme en 1896 avant de rouvrir en 1905 sous le nom d’ « École de préservation ». L’effectif est de 200 pupilles et les activités qui leur sont proposées sont les mêmes qu’à Doullens puisque régit par le même règlement général : couture, lingerie, broderie, réfection de matelas ou travaux de jardinage, basse-cour et élevage.
Les différents rapports d'inspection à la fin des années 1930 décrivent un lieu de maltraitance institutionnelle dénoncé dans le cadre des campagnes de presse contre "les bagnes d'enfants", ce que reprend en 1944 le Dr Blouin, médecin de l'établissement, qui n'hésite pas à écrire : "Elles ne sont pas vêtues, leur cachot est un parc à cochons et leur dortoir un pigeonnier."
C’est dans ce cadre que la jeune Direction de l’Éducation surveillée décide dès octobre 1944 de rénover l’institution en plaçant à sa tête une directrice innovante, Melle RIEHL, psychologue de formation. Sa devise : "un reclassement social des mineures inadaptées", dans une ambiance "saine, heureuse, et gaie" avec une organisation la plus proche possible de la "vie réelle", encadrée par des éducatrices psychologues.
Transformé en IPES (Institution publique d’éducation surveillée) pour filles après 1945, l’établissement ne parviendra pas à se réformer. En 1951, suite au suicide d’une pensionnaire, Marguerite B., l’IPES de Cadillac est fermée par décision administrative.
L'école de préservation de Clermont-de-l'Oise (Oise)
Appelée par la population locale le château des filles maudites, c’est la dernière des trois écoles de préservation puisqu’elle ouvre au mois de juin 1908 dans les bâtiments du château des comtes de Clermont, transformés en maison centrale pour femmes en 1826. L’anarchiste et communarde Louise MICHEL y fût détenue durant l’année 1885. Bombardée en 1940, les pensionnaires furent évacuées sur la maison centrale pour femmes de Rennes.
Louis ROUBAUD, dans son enquête sur les colonies pénitentiaires publiée sous le titre « Les Enfants de Caïn », décrit ainsi les cellules de punition (1925) : « ce sont les caves humides sans air ni lumière où les comtes de Clermont hospitalisaient leurs ennemis. La petite prisonnière qui connait la sonnerie du trousseau de clef nous attend droite et sage. C’est une blonde (…/…) elle garde dans les yeux un peu du ciel parcimonieux de la lucarne, la blouse à carreaux blancs et bleus ne l’enlaidit pas».
On constate que l’Etat, à travers son administration pénitentiaire, puis celle de l’Education Surveillée, dans les organisations successives qu’il donnera à ses établissements pour filles, resteront de type « disciplinaire » dans l’anonymat des grands groupes. Si le système est largement inefficient pour les garçons, il l’est encore moins pour les filles générant dans les affects des adolescentes des effets pathologiques.
L'école de préservation de Clermont-de-l'Oise (Oise)
L'école de préservation de Clermont-de-l'Oise (Oise)
L'école de préservation de Clermont-de-l'Oise (Oise)
L'école de préservation de Clermont-de-l'Oise (Oise)
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