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jeudi 20 avril 2006
 
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Au sommaire du 3 novembre 2001

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- Un village rayé de la carte
- PAS DE PAUSE POUR LE RAMADAN
- Les sandinistes super mobilisés
- L’ONU paralysée
- Au Pakistan le désespoir a envahi les camps de réfugiés afghans qui fuient les bombardements intenses de l’aviation américaine. " Les États-Unis nous tuent et personne ne dit rien "
- Nicaragua : élection présidentielle sous tension
- Israël : le grand pardon de Chico
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Israël : le grand pardon de Chico

Envoyé spécial de l’UNESCO pour la paix, Chico Bouchikhi, le fondateur des Gipsy King, a donné un concert lors du festival de la paix, organisé en Israël le jour de l’an. Un acte symbolique pour celui dont le frère avait été assassiné en 1973 par le Mossad.

" Pendant des années, j’ai détesté Israël et tout ce qui tournait autour de ce pays. Mais il n’y a qu’avec le pardon que l’on pourra reconstruire. La haine ne fait que détruire ". Chico Bouchikhi a encore en tête les bravos, les vivas et les rappels offerts par les 15 000 jeunes Israéliens qui participaient au festival Beresheet, un vaste rassemblement de pacifistes qui avait lieu le 19 septembre dernier, jour de l’an juif, à 30 kilomètres de Haïfa.

Car, après la publication d’un article dans le quotidien Yedioth Ahronoth, nul en Israël n’ignore l’histoire tragique de Chico Bouchikhi, Arlésien d’origine marocaine, fondateur des Gipsy King, revenu au premier plan avec son nouveau groupe Chico and the Gipsys. Son frère aîné Ahmed, celui qui lui avait offert sa première guitare, a en effet été abattu " par erreur " par les services secrets israéliens en 1973, alors qu’il résidait dans la ville norvégienne de Lillehamer.

Le commando du Mossad avait, à l’époque, confondu Ahmed Bouchikhi avec Ali Hassan Salamé, un leader palestinien de l’organisation Septembre noir, responsable de l’attaque contre les athlètes israéliens lors des jeux Olympiques de Munich. Ali Hassan Salamé était depuis en tête de la " liste Golda ", une succession de noms à éliminer donnés par le premier ministre Golda Meir aux agents du Mossad. " Mon frère était quelqu’un de très ouvert, de très tolérant, un grand voyageur qui avait fait le tour du monde ", se souvient aujourd’hui Chico Bouchikhi. " Il travaillait dans cette station touristique où il venait de rencontrer sa femme. Elle était enceinte de trois mois quand il a été assassiné de plusieurs balles devant chez lui ".

Très rapidement, le commando dans son ensemble est arrêté par la police norvégienne. Ses membres ne seront condamnés qu’à de courtes peines, de un à cinq ans et demi de prison. " Jamais le gouvernement israélien n’a eu un mot pour ma famille ", constate amèrement Chico Bouchikhi, qui avait dix-neuf ans à l’époque. " Nous avons tous été abasourdis par cette nouvelle. La mort de mon frère a été très rapidement passée par pertes et profits, laissant mes parents, des gens simples, dans le plus grand chagrin. " Longtemps Djelloul " Chico " Bouchikhi a porté cette blessure en lui, d’autant qu’Israël n’a reconnu, officieusement, sa participation à l’attentat qu’en 1993, avant d’indemniser sa belle-sour et sa nièce.

Mais la vie de ce guitariste, qui s’est imprégné de culture gitane, va de nouveau basculer en 1994. Devenu une star mondiale avec les Gipsy King, il est invité par l’UNESCO à chanter à Oslo pour les délégations israéliennes et palestiniennes, dont Yasser Arafat et Shimon Peres, alors en pleines négociations. " À la fin du concert, je suis allé serrer la main de Yasser Arafat et de Shimon Peres ", se souvient l’artiste. " Deux personnes que je considérais responsables de la mort d’Ahmed. L’un parce qu’il dirigeait les opérations des Palestiniens, l’autre parce que c’était un dirigeant politique israélien qui avait approuvé la liste Golda. L’UNESCO m’a alors nommé envoyé spécial pour la paix. "

Un titre que Chico Bouchikhi prend très au sérieux. En 1997, il va se produire à Ramallah, dans les territoires occupés et émet le vou d’aller chanter de l’autre côté, ce qu’il a fait la première fois pour la fête de Roch Hachana, le nouvel an juif. En réalisant ce geste symbolique de pardon, il espérait des excuses ou des condoléances officielles. Elles ne sont pas venues. Un jeune homme, travaillant à l’organisation du festival, a atténué sa déception. Guidi Rodan, enseignant habillé à la mode indienne comme la majorité des participants de ce festival pour la paix où la jeunesse israélienne se plonge dans la philosophie hippie, fumant de la marijuana une kippa sur la tête, vit lui aussi " avec ce drame depuis 30 ans ". Si son père faisait partie du commando du Mossad qui avait ramené le dignitaire nazi Eichmann en Israël, sa mère, également membre des services secrets, était présente à Lillehammer.

" Si le gouvernement ne présente pas ses excuses, je tiens à les faire à titre personnel ", lâche Guidi Rodan à un Chico ému. " Depuis que je suis adulte, je vais dans les écoles et les universités pour parler de notre erreur de Lillehammer, cette affaire honteuse qui a causé ce drame et qui me poursuit. Je suis heureux qu’il soit venu apporter grâce à sa musique du bonheur et un message de paix à un peuple qui en manque depuis des années ".

Les créateurs du festival de Beresheet l’ont conçu comme une enclave de paix dans une région du monde troublée. Malgré les grillages et les 1 500 militaires qui coupent cette zone du reste du monde, la plupart des groupes internationaux qui devaient se produire, dont les Californiens de Red Hot Chili Pepers, ont annulé leur participation après les attentats de New York et de Washington. La moitié de l’orchestre de Chico Bouchikhi a également refusé le déplacement, par crainte de la tension au Moyen-Orient.

" Je suis heureux de cette soirée avec Chico ", se réjouit Roni Tabechnik, fondateur du festival et ancien officier de l’armée de l’air israélienne, revenu totalement transformé de plusieurs voyages en Inde et en Europe. " Pour nous, c’est un moment historique. Porter en cette période de guerre un message de paix et de tolérance, d’autant par quelqu’un qui a tant souffert, est une grande leçon pour nous tous. Nous aussi, nous devons vivre en paix avec nos voisins, et nos voisins sont les Palestiniens. Nous en avons assez de la guerre. "

Représentants de la jeunesse " ouliste " du pays, les participants à ce festival pour la paix, dont de nombreux objecteurs de conscience qui refusent de faire leur service dans les territoires, sont aujourd’hui une minorité grandissante. Ils représentent la part israélienne du mouvement pacifiste et antimondialiste, qui de Seattle à Gênes, a crié sa révolte. Une révolte contre l’ordre du monde, mais aussi contre leur propre endoctrinement, qui de l’école à l’armée leur a toujours appris à nier la réalité palestinienne.

" Ces jeunes donnent une leçon à leur gouvernement en montrant une autre image de leur pays ", conclut Chico Bouchikhi, qui rêve d’un concert sur un check point réunissant Israéliens et Palestiniens. " Je n’oublie pas ce qui se passe dans les territoires, mais ces gens veulent la paix. Et c’est avec eux qu’il faudra la faire ".

Marc Leras

Article paru dans l'édition du 3 novembre 2001.

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