Margaux Herman
Researcher at CESSMA-Paris UMR 245 Centre d’études en sciences sociales
sur les mondes africains, américains et asiatiques- Université de Paris
Coordinator of the Working Group "Women and Gender in the Horn of Africa: social construction and dynamics" at CFEE (Addis Abeba/Ethiopia)
Associate Researcher at CFEE (French Center for Ethiopian Studies/Addis Abeba)
Affiliated Researcher at the Institut des Mondes Africains (IMAf- Paris-France/ UMR 8171)
Former Assistant Professor in History and Heritage Management for medieval and post-medieval Ethiopian Studies at Debre Berhan University- Ethiopia (2012-2014)
sur les mondes africains, américains et asiatiques- Université de Paris
Coordinator of the Working Group "Women and Gender in the Horn of Africa: social construction and dynamics" at CFEE (Addis Abeba/Ethiopia)
Associate Researcher at CFEE (French Center for Ethiopian Studies/Addis Abeba)
Affiliated Researcher at the Institut des Mondes Africains (IMAf- Paris-France/ UMR 8171)
Former Assistant Professor in History and Heritage Management for medieval and post-medieval Ethiopian Studies at Debre Berhan University- Ethiopia (2012-2014)
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Papers by Margaux Herman
The 16th century is the turning point between the end of long "Middle Ages" and the beginning of the so-called “Gondarine” era at the beginning of the 17th century. A major change in the monarchy, brought in the 16th century, is the modification of royal matrimonial practices: the medieval polygamous monarchs attempt to become monogamous.
The royal monogamy results from the combination of political and religious issues. The main factor can be found in jihad lead by Imam Ahmad from Adal. His attacks reduce drastically the power of Ethiopian kings by burning churches and by converting many Christians to the Muslim faith. He even succeeds to penetrate in the heartbeat of the kingdom, forcing the king and his family to hide in the northern part of his country. This war brings the question of faith in the limelight. Matrimonial practice is then discussed. From these proceedings this conclusion was drowned: monogamy is necessary in order to respect the religious law.
Starting with the reign of Lebna Dengel (1508-1540), only one wife, the woman who received the religious sacrament of marriage, could become queen (nəgəśt) and receive a reigning name, in opposition to previous Kings whose official wives without any exceptions get the status of queen, a reigning name and an individual title. Although polygyny still exists in practice, the monogamous king keeps at his side only one official wife who bears the title of queen (nəgəśt). If he has other women, they are all restricted to the lower status of concubine, though their children stay potential heirs to the throne. These new matrimonial customs modify both the way of choosing his official wife and the organization and titles of the queens at the Ethiopian court. The competition that used to happen between the wives of the polygamous king passes on to the official wife of the monogamous monarch and the queens of his predecessor still present at his court. In response of this new political order, the status of Queen Mother bearing the title of Itege is created, which is then the highest rank a queen can expect to receive.
We want to investigate on the reasons of these evolutions and their consequences on the matrimonial practice and on the organization of the different queens at the royal court.
Résumé
Sujet inédit, cet article est une étude détaillée du changement des pratiques matrimoniales de la royauté éthiopienne s’étant opérées au cours du 16e siècle. De rois chrétiens pratiquant la petite polygynie ayant cinq épouses et des concubines jusqu’à la fin du 15e siècle, les rois du siècle suivant tendent à deviennent monogames. Cette évolution influe de manière conséquente sur le statut de « l’épouse royale » et donc sur le rang de « reine » et ses attributions dans le système monarchique. En effet, au 15e siècle, le roi est entouré de femmes aux statuts variés, concubines ou reines au rang hiérarchisé. Leur progéniture masculine reste néanmoins éligible à la succession ce qui engendre jeu d’influence, réseau et concurrence. Le choix de ces femmes royales répond également à une logique de contrôle territorial favorisant les unions dynastiques avec les régions chrétiennes, musulmanes ou païennes. Au 16e siècle, le royaume est confronté à une conquête de leur voisin musulman d’Adal qui force les rois chrétiens à nouer une alliance militaire avec le royaume du Portugal, alors à la recherche du royaume du « fameux Prêtre Jean ». Cette aide est secondée de l’envoi de missions jésuites à partir du milieu du siècle. Au
sortir de la guerre, le royaume est affaibli, doit se reconstruire et réunir son peuple de croyants. Les échecs face aux musulmans sont pensés localement comme un jugement divin : les rois ayant des pratiques matrimoniales déviantes auraient été punis. En parallèle, les jésuites questionnent les pratiques religieuses éthiopiennes, les interprétant comme étant empreintes de judaïsme. Le roi éthiopien se positionne donc face à son peuple et face aux jésuites pour s’affirmer en roi chrétien légitime. La mise en avant de la monogamie et l’instauration du mariage religieux fait partie de ce programme. La cour se retrouve donc uniquement avec deux reines, l’épouse royale et la mère du roi. Le choix de l’épouse change, le roi s’unit désormais aux familles chrétiennes puissantes de son royaume. Les mariages dynastiques interreligieux
étant désormais le fait des unions princières.
Il devient nécessaire de gérer et de légiférer la nouvelle concurrence établie entre la mère du roi et son épouse, toutes deux reines. C’est ainsi qu’est créé le titre d’itēgē ou « mère du royaume ». Ce titre est accordé à vie par le roi à l’une des reines de sa cour, son épouse, sa mère ou sa grand-mère. Il assure à celle qui le détient une autorité principale sur les autres reines et lui permet d’assurer la régence en cas de minorité, une nouveauté du 16e siècle dans le système monarchique.
L’étude particulière des histoires régionales, ici celle de la région du Goggam, est révélatrice de la politique de réécriture de l’histoire mise en place par les souverains du 19e siècle. L’histoire du Goggam s’insère donc plus largement dans la politique d’écriture d’une histoire nationale où chaque région du territoire serait intégrée. Dans ce processus de légitimation de contrôle territorial et d’unité nationale, les femmes deviennent un maillon essentiel : elles permettent de prouver une filiation aux rois bibliques et aux rois médiévaux mis sur le devant de la scène et des revendications foncières sur les espaces régionaux. A partir du 16e siècle, nous pouvons démontrer que les femmes étaient propriétaires et qu’elles gardaient leur nom de jeune fille et leurs biens après leur mariage. Elles avaient le droit de les transmettre par héritages à leurs enfants, qu’ils soient des filles ou des garçons. Au 19e siècle, toutes les revendications politiques ou foncières passent alors nécessairement par des femmes. Les femmes sont donc des personnages importants de l’écriture des histoires régionales du 19e siècle. Elles sont pour les éthiopiens du 19e siècle, le chainon historique validant des histoires régionales entremêlées de mythes apocryphes et chrétiens.
During the 15th century, two kings, Dāwit (1379/80-1413) and his fourth son Zar’a Ya’eqob (1434-1468), promoted the cult of two Christian female figures to legitimize their religious policies and to exalt their own image within the monarchy. Spotlighted were the historical Queen Helena, the mother of Emperor Constantine (272-237), and the biblical Virgin Mary. To justify their increasing involvement within religious affairs, the kings associated their own persons and images with these two feminine characters so as to enhance the sacral dimension of their power. In parallel, they
organized and imposed the cults of these women by translating a variety of texts, dedicating to them holy days within the synaxarium, and developing an iconography to give visual support to these new devotions. I argue that one of the consequences of this was to enable, or at least to accompany, female political participation. At the end of the 15th century, the principle of regency was introduced. During the 16th century, queens were regents, they started to build royal churches, the new rank of itēgē was created to replace the old system of the queens’ titles, and they become advisers to the king or protectors of the clergy. In parallel, their descriptions within the royal chronicles are increasingly linked with Helena and Mary. Hence, queens started to be
integrated into the representation of the royal power and family. During the 17th century, they were represented as Mary within the royal and religious iconography. These analogies became the model for representation of the queen’s rank. In the middle of the 18th century, this archetype reached its climax with queen-itēgē Mentewwāb. Twice regent for her son and grandson, she ruled the country for almost half a century. In order to do so, she developed around her a strong propaganda, appearing as Mary and as Helena, as a queen in her own right, and as the true sovereign of the kingdom thereby de facto supplanting the ruling king.
Résumé
Au cours du XVe siècle, les rois Dāwit (1379/1380-1413) et Zar’a Ya’eqob (1434-1468) ont promu le culte de deux figures féminines chrétiennes pour légitimer leur politique religieuse et exalter leur propre image au sein de la monarchie. La reine Hélène, mère de l’empereur romain Constantin (272-337), et la Vierge Marie furent ainsi mises à l’honneur. Afin de justifier leur implication croissante dans les affaires religieuses, les souverains associèrent leur personne et leur image à celles de ces deux femmes, de façon à renforcer la dimension sacrée de leur propre pouvoir. En parallèle, ils organisèrent et imposèrent le culte de ces figures en leur dédiant des jours saints
dans le synaxaire, en faisant traduire différents textes et en développant une iconographique susceptible de servir de support visuel à ces nouvelles dévotions. L’auteure soutient l’idée que l’une des conséquences de cette promotion fut de permettre ou, tout au moins, d’accompagner la participation politique des femmes. À la fin du XVe siècle, le principe de la régence fut introduit. Au cours du XVIe siècle, les reines exercèrent la régence et se mirent à construire des églises royales. Le nouveau rang d’itēgē fut créé en remplacement de l’ancienne titulature des reines et les souveraines devinrent les conseillères du roi ou les protectrices du clergé. En parallèle, leurs descriptions dans les chroniques royales les associèrent de plus en plus à Hélène ou Marie. Dès lors, les reines commencèrent à être intégrées à la représentation du pouvoir et de la famille royale. Au cours du XVIIe siècle, les reines furent représentées sous les traits de Marie dans l’iconographie royale et religieuse. Ce type d’analogie devint le modèle pour représenter le rang de la reine. Au milieu du XVIIIe siècle, cet archétype atteignit son apogée avec la reine -itēgē Mentewwāb. Régente de son fils puis de son petit-fils, elle dirigea le pays pendant près d’un demi siècle. Dans ce but, elle développa une importante propagande la faisant apparaître à l’image de Marie ou d’Hélène, en tant que reine à part entière et véritable souveraine du royaume supplantant de fait le roi régnant.
The thesis highlights two transitional periods in the history of the monarchy. Replacing the rivalry between the XVth century official wives, from the beginning of the XVIth century, emerged a competition between the unique wife and the experienced queens who had stayed at the court after the death of their husbands.
Then a dignity of the "mother of the kingdom" is created. Placed at the top of the hierarchy of the queens, the "mother of the kingdom" becomes an essential pillar to the monarchic system and takes as models Marie's feature, "a queen decorated with glory and sciences, a queen of the world ".
The career of Sabla Wangēl (ca. 1516-1579), married to King Lebna Dengel (1508-1540) and first "mother of the kingdom ", is redrawn in details according to all the acknowledged, published or unpublished resources. Her career is a great help in understanding the eminent role that some queens were able to play and so, to propose a new reading both of the royal history and of the writing of this history.
"
Deux époques charnières de l’histoire de la royauté sont mises en évidence. À la rivalité entre les épouses officielles du XVe siècle se substitue, dès le début du XVIe siècle, une compétition entre l’unique épouse et les reines d’expériences restées à la cour après la mort de leur époux.
Puis la dignité de « mère du royaume » est créée. Placée au sommet de la hiérarchie des reines, la « mère du royaume » devient un pilier essentiel du système monarchique et prend comme modèle la figure de Marie, « une reine ornée de gloire et de sciences, une reine du monde ».
La carrière de Sabla Wangēl (ca. 1516-1579), épouse du roi Lebna Dengel (1508-1540) et première « mère du royaume », est retracée dans le détail, à partir de l’ensemble des sources connues, publiées ou inédites. Elle permet de comprendre le rôle éminent qu’on put jouer certaines des reines et de proposer ainsi une lecture renouvelée de l’histoire royale et de l’écriture de cette histoire.
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Talks by Margaux Herman
This presentation is dedicated to the study of the matrimonial practices of the Ethiopian nobility at the end of the 15th century and during the 16th century. The study reveals the geopolitical map of the Ethiopian Christian Medieval Kingdom, the different networks of the political elites and their evolution. Moreover, it highlights the marriages strategies used by the kings, queens and the princesses to keep or to reach power. In the 15th century, kings were allowed to have five wives and therefore usually got married to the daughters of regional leaders to maintain peace and prosperity in the kingdom. Princesses were married to close officials and traditional partners of the crown. Yet, it has to be noticed that some princesses tried to take power and rebelled against their own father. However, two main novelties introduced in the monarchic system at the end of the 15th century and during the 16th century impacted the tactics of contracting dynastic alliances: the introduction of the regency and of the monogamy. At the end of the 15th century, the principle of shared regency given to the mother of the infant king and to high officials pushed the different queens of the court to create strong networks in order to reach power. These networks were also created through dynastic alliances. Therefore, when the matrimonial practices of the kings evolved from small polygyny (five wives) to monogamy, the strategies changed. This paper therefore aims to highlight how the multiple alliances of the 15th century’s kings to maintain their power where substituted throughout the 16th century by the marriages of the princesses. Moreover, it also enhances the fact that the “Queen-Mother” or itege, a title created in the middle of the 16th century, used the same strategies and networks to keep its new power and legitimacy while confronting the other queens of the court.
Dans l’historiographie dédiée à la monarchie chrétienne éthiopienne, les alliances matrimoniales ont systématiquement été analysées comme un outil politique utilisé par les dirigeants en place pour asseoir leur pouvoir et leur règne. Cette recherche veut, au contraire, prendre le contre-pied de ce schéma et aborder différentes stratégies de femmes des élites, qui, une fois mariées, se sont hissées en haut de l’échelle politique et ont permis l’ascension sociale de leur famille. En effet, même si le mythe de fondation exclu les femmes de tout exercice du pouvoir politique et bien que les chroniques royales ne leurs dédient qu’une infime considération en comparaison de celle qui est accordée à leurs homologues masculins, les femmes des élites ont réussi, dans la durée, à acquérir une marge de manœuvre importante sur l’administration du pays et à influer sur l’histoire politique du royaume. L’étude de la carrière de ces femmes de pouvoir, ayant vécu entre le 17ème et la fin du 19ème siècle, permet dès lors de revisiter l’histoire géopolitique de cette partie de la Corne de l’Afrique et d’aborder les rapports évolutifs des différentes régions composant le royaume éthiopien moderne sous un nouvel angle.
Of the use of matrimonial alliances as a tool of social advancement of women elite
(Ethiopia-17th-19th centuries)
In the historiography dedicated to the Christian Ethiopian monarchy, matrimonial alliances were systematically analyzed as a political tool used by leaders to legitimize their power and reign. This research examines, on the contrary, the opposite view by enhancing the various strategies of women elite, who, once married, raised themselves at the top of the political level, and allowed the upward social advancement of their relatives. Indeed, even if the royal myth of foundation excluded women of the political sphere, and even if Royal Chronicles dedicate them few considerations in comparison with the ones granted to their male counterparts, elite women managed, on a mid and long-term basis, to acquire a role on the kingdom’s administration and to influence its political history. The study of the carrier of these women of power, who lived between the 17th and the end of the 19th century, allows us to revisit the geopolitical history of this part of the Horn of Africa and to approach the moving relationships of the various regions composing the modern Ethiopian kingdom in a new light.
After the death of the Christian King Lebna Dengel in 1540, and then of Imam Ahmed in 1543, the war between the Muslim and Christian Ethiopian powers have known a truce. In the 1540s, their widows, Queens Sabla Wangel and Dalwambarah, have negotiated regarding in particular the release conditions of their respective sons. In this session, this unknown aspect of the political history of the 16th c. will be explored by two specialists of the period.
(Margaux Herman, Dabra Berhan)
The production of regional histories, like that of Goğğām at the end of the 19th century, raises essential questions for the understanding of the writing of Ethiopian history. This phenomenon was promoted by neguś Menelik II (1865-1913). Firstly, neguś of Šawā (1865-1889), he asked the gathering of numbers of traditions and legends relative to this region as to legitimize his rights and the place of Šawā in the kingdom. He continues this project, being neguśa nagaśt of Ethiopia (1889 1913), by sponsoring his royal chronicle written in Amharic and destined to become the “national” history. It is in parallel and/or in reaction of this phenomenon, that ālaqā Takla Iyāsus, attached to Takla Ḫāymānot, neguś of Goğğām and Kāffā, decided to produce a Genealogy and a History of Goğğām between 1892 and the first decades of the 20th century. Of Oromo origin, he grew up in Goğğām, acquires its culture and decided to write its history since the Ancient Times till the beginning of the 20th century. This presentation is focused in the writing of the royal presence in Goğğām, starting from its founding myths up to the 16th century. The history starts with a myth inspired from the Kebra Nagaśt, but the author proposed a Goğğāmite version. It continues with the story of Jesus and Mary followed by the coming of the aksumites Kings Abrehā et Aṣbeḥa (5th c.) who achieved the saga of Goğğām’s Christianization. These three mythical events are the vectors of actual Goğğām’s identity. However, the analysis of the sources and traditions collected here revealed that the history of the 16th century is fundamental in order to validate the global nature of the project. Moreover, it is the role of the 16th century’s queens, and by extension of the princesses, that is tacitly revealed in it being the historic markers of the royal presence in medieval Christian Goğğām, an area geographically limited to the very Eastern part of the contemporary region.
The 16th century is the turning point between the end of long "Middle Ages" and the beginning of the so-called “Gondarine” era at the beginning of the 17th century. A major change in the monarchy, brought in the 16th century, is the modification of royal matrimonial practices: the medieval polygamous monarchs attempt to become monogamous.
The royal monogamy results from the combination of political and religious issues. The main factor can be found in jihad lead by Imam Ahmad from Adal. His attacks reduce drastically the power of Ethiopian kings by burning churches and by converting many Christians to the Muslim faith. He even succeeds to penetrate in the heartbeat of the kingdom, forcing the king and his family to hide in the northern part of his country. This war brings the question of faith in the limelight. Matrimonial practice is then discussed. From these proceedings this conclusion was drowned: monogamy is necessary in order to respect the religious law.
Starting with the reign of Lebna Dengel (1508-1540), only one wife, the woman who received the religious sacrament of marriage, could become queen (nəgəśt) and receive a reigning name, in opposition to previous Kings whose official wives without any exceptions get the status of queen, a reigning name and an individual title. Although polygyny still exists in practice, the monogamous king keeps at his side only one official wife who bears the title of queen (nəgəśt). If he has other women, they are all restricted to the lower status of concubine, though their children stay potential heirs to the throne. These new matrimonial customs modify both the way of choosing his official wife and the organization and titles of the queens at the Ethiopian court. The competition that used to happen between the wives of the polygamous king passes on to the official wife of the monogamous monarch and the queens of his predecessor still present at his court. In response of this new political order, the status of Queen Mother bearing the title of Itege is created, which is then the highest rank a queen can expect to receive.
We want to investigate on the reasons of these evolutions and their consequences on the matrimonial practice and on the organization of the different queens at the royal court.
Résumé
Sujet inédit, cet article est une étude détaillée du changement des pratiques matrimoniales de la royauté éthiopienne s’étant opérées au cours du 16e siècle. De rois chrétiens pratiquant la petite polygynie ayant cinq épouses et des concubines jusqu’à la fin du 15e siècle, les rois du siècle suivant tendent à deviennent monogames. Cette évolution influe de manière conséquente sur le statut de « l’épouse royale » et donc sur le rang de « reine » et ses attributions dans le système monarchique. En effet, au 15e siècle, le roi est entouré de femmes aux statuts variés, concubines ou reines au rang hiérarchisé. Leur progéniture masculine reste néanmoins éligible à la succession ce qui engendre jeu d’influence, réseau et concurrence. Le choix de ces femmes royales répond également à une logique de contrôle territorial favorisant les unions dynastiques avec les régions chrétiennes, musulmanes ou païennes. Au 16e siècle, le royaume est confronté à une conquête de leur voisin musulman d’Adal qui force les rois chrétiens à nouer une alliance militaire avec le royaume du Portugal, alors à la recherche du royaume du « fameux Prêtre Jean ». Cette aide est secondée de l’envoi de missions jésuites à partir du milieu du siècle. Au
sortir de la guerre, le royaume est affaibli, doit se reconstruire et réunir son peuple de croyants. Les échecs face aux musulmans sont pensés localement comme un jugement divin : les rois ayant des pratiques matrimoniales déviantes auraient été punis. En parallèle, les jésuites questionnent les pratiques religieuses éthiopiennes, les interprétant comme étant empreintes de judaïsme. Le roi éthiopien se positionne donc face à son peuple et face aux jésuites pour s’affirmer en roi chrétien légitime. La mise en avant de la monogamie et l’instauration du mariage religieux fait partie de ce programme. La cour se retrouve donc uniquement avec deux reines, l’épouse royale et la mère du roi. Le choix de l’épouse change, le roi s’unit désormais aux familles chrétiennes puissantes de son royaume. Les mariages dynastiques interreligieux
étant désormais le fait des unions princières.
Il devient nécessaire de gérer et de légiférer la nouvelle concurrence établie entre la mère du roi et son épouse, toutes deux reines. C’est ainsi qu’est créé le titre d’itēgē ou « mère du royaume ». Ce titre est accordé à vie par le roi à l’une des reines de sa cour, son épouse, sa mère ou sa grand-mère. Il assure à celle qui le détient une autorité principale sur les autres reines et lui permet d’assurer la régence en cas de minorité, une nouveauté du 16e siècle dans le système monarchique.
L’étude particulière des histoires régionales, ici celle de la région du Goggam, est révélatrice de la politique de réécriture de l’histoire mise en place par les souverains du 19e siècle. L’histoire du Goggam s’insère donc plus largement dans la politique d’écriture d’une histoire nationale où chaque région du territoire serait intégrée. Dans ce processus de légitimation de contrôle territorial et d’unité nationale, les femmes deviennent un maillon essentiel : elles permettent de prouver une filiation aux rois bibliques et aux rois médiévaux mis sur le devant de la scène et des revendications foncières sur les espaces régionaux. A partir du 16e siècle, nous pouvons démontrer que les femmes étaient propriétaires et qu’elles gardaient leur nom de jeune fille et leurs biens après leur mariage. Elles avaient le droit de les transmettre par héritages à leurs enfants, qu’ils soient des filles ou des garçons. Au 19e siècle, toutes les revendications politiques ou foncières passent alors nécessairement par des femmes. Les femmes sont donc des personnages importants de l’écriture des histoires régionales du 19e siècle. Elles sont pour les éthiopiens du 19e siècle, le chainon historique validant des histoires régionales entremêlées de mythes apocryphes et chrétiens.
During the 15th century, two kings, Dāwit (1379/80-1413) and his fourth son Zar’a Ya’eqob (1434-1468), promoted the cult of two Christian female figures to legitimize their religious policies and to exalt their own image within the monarchy. Spotlighted were the historical Queen Helena, the mother of Emperor Constantine (272-237), and the biblical Virgin Mary. To justify their increasing involvement within religious affairs, the kings associated their own persons and images with these two feminine characters so as to enhance the sacral dimension of their power. In parallel, they
organized and imposed the cults of these women by translating a variety of texts, dedicating to them holy days within the synaxarium, and developing an iconography to give visual support to these new devotions. I argue that one of the consequences of this was to enable, or at least to accompany, female political participation. At the end of the 15th century, the principle of regency was introduced. During the 16th century, queens were regents, they started to build royal churches, the new rank of itēgē was created to replace the old system of the queens’ titles, and they become advisers to the king or protectors of the clergy. In parallel, their descriptions within the royal chronicles are increasingly linked with Helena and Mary. Hence, queens started to be
integrated into the representation of the royal power and family. During the 17th century, they were represented as Mary within the royal and religious iconography. These analogies became the model for representation of the queen’s rank. In the middle of the 18th century, this archetype reached its climax with queen-itēgē Mentewwāb. Twice regent for her son and grandson, she ruled the country for almost half a century. In order to do so, she developed around her a strong propaganda, appearing as Mary and as Helena, as a queen in her own right, and as the true sovereign of the kingdom thereby de facto supplanting the ruling king.
Résumé
Au cours du XVe siècle, les rois Dāwit (1379/1380-1413) et Zar’a Ya’eqob (1434-1468) ont promu le culte de deux figures féminines chrétiennes pour légitimer leur politique religieuse et exalter leur propre image au sein de la monarchie. La reine Hélène, mère de l’empereur romain Constantin (272-337), et la Vierge Marie furent ainsi mises à l’honneur. Afin de justifier leur implication croissante dans les affaires religieuses, les souverains associèrent leur personne et leur image à celles de ces deux femmes, de façon à renforcer la dimension sacrée de leur propre pouvoir. En parallèle, ils organisèrent et imposèrent le culte de ces figures en leur dédiant des jours saints
dans le synaxaire, en faisant traduire différents textes et en développant une iconographique susceptible de servir de support visuel à ces nouvelles dévotions. L’auteure soutient l’idée que l’une des conséquences de cette promotion fut de permettre ou, tout au moins, d’accompagner la participation politique des femmes. À la fin du XVe siècle, le principe de la régence fut introduit. Au cours du XVIe siècle, les reines exercèrent la régence et se mirent à construire des églises royales. Le nouveau rang d’itēgē fut créé en remplacement de l’ancienne titulature des reines et les souveraines devinrent les conseillères du roi ou les protectrices du clergé. En parallèle, leurs descriptions dans les chroniques royales les associèrent de plus en plus à Hélène ou Marie. Dès lors, les reines commencèrent à être intégrées à la représentation du pouvoir et de la famille royale. Au cours du XVIIe siècle, les reines furent représentées sous les traits de Marie dans l’iconographie royale et religieuse. Ce type d’analogie devint le modèle pour représenter le rang de la reine. Au milieu du XVIIIe siècle, cet archétype atteignit son apogée avec la reine -itēgē Mentewwāb. Régente de son fils puis de son petit-fils, elle dirigea le pays pendant près d’un demi siècle. Dans ce but, elle développa une importante propagande la faisant apparaître à l’image de Marie ou d’Hélène, en tant que reine à part entière et véritable souveraine du royaume supplantant de fait le roi régnant.
The thesis highlights two transitional periods in the history of the monarchy. Replacing the rivalry between the XVth century official wives, from the beginning of the XVIth century, emerged a competition between the unique wife and the experienced queens who had stayed at the court after the death of their husbands.
Then a dignity of the "mother of the kingdom" is created. Placed at the top of the hierarchy of the queens, the "mother of the kingdom" becomes an essential pillar to the monarchic system and takes as models Marie's feature, "a queen decorated with glory and sciences, a queen of the world ".
The career of Sabla Wangēl (ca. 1516-1579), married to King Lebna Dengel (1508-1540) and first "mother of the kingdom ", is redrawn in details according to all the acknowledged, published or unpublished resources. Her career is a great help in understanding the eminent role that some queens were able to play and so, to propose a new reading both of the royal history and of the writing of this history.
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Deux époques charnières de l’histoire de la royauté sont mises en évidence. À la rivalité entre les épouses officielles du XVe siècle se substitue, dès le début du XVIe siècle, une compétition entre l’unique épouse et les reines d’expériences restées à la cour après la mort de leur époux.
Puis la dignité de « mère du royaume » est créée. Placée au sommet de la hiérarchie des reines, la « mère du royaume » devient un pilier essentiel du système monarchique et prend comme modèle la figure de Marie, « une reine ornée de gloire et de sciences, une reine du monde ».
La carrière de Sabla Wangēl (ca. 1516-1579), épouse du roi Lebna Dengel (1508-1540) et première « mère du royaume », est retracée dans le détail, à partir de l’ensemble des sources connues, publiées ou inédites. Elle permet de comprendre le rôle éminent qu’on put jouer certaines des reines et de proposer ainsi une lecture renouvelée de l’histoire royale et de l’écriture de cette histoire.
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This presentation is dedicated to the study of the matrimonial practices of the Ethiopian nobility at the end of the 15th century and during the 16th century. The study reveals the geopolitical map of the Ethiopian Christian Medieval Kingdom, the different networks of the political elites and their evolution. Moreover, it highlights the marriages strategies used by the kings, queens and the princesses to keep or to reach power. In the 15th century, kings were allowed to have five wives and therefore usually got married to the daughters of regional leaders to maintain peace and prosperity in the kingdom. Princesses were married to close officials and traditional partners of the crown. Yet, it has to be noticed that some princesses tried to take power and rebelled against their own father. However, two main novelties introduced in the monarchic system at the end of the 15th century and during the 16th century impacted the tactics of contracting dynastic alliances: the introduction of the regency and of the monogamy. At the end of the 15th century, the principle of shared regency given to the mother of the infant king and to high officials pushed the different queens of the court to create strong networks in order to reach power. These networks were also created through dynastic alliances. Therefore, when the matrimonial practices of the kings evolved from small polygyny (five wives) to monogamy, the strategies changed. This paper therefore aims to highlight how the multiple alliances of the 15th century’s kings to maintain their power where substituted throughout the 16th century by the marriages of the princesses. Moreover, it also enhances the fact that the “Queen-Mother” or itege, a title created in the middle of the 16th century, used the same strategies and networks to keep its new power and legitimacy while confronting the other queens of the court.
Dans l’historiographie dédiée à la monarchie chrétienne éthiopienne, les alliances matrimoniales ont systématiquement été analysées comme un outil politique utilisé par les dirigeants en place pour asseoir leur pouvoir et leur règne. Cette recherche veut, au contraire, prendre le contre-pied de ce schéma et aborder différentes stratégies de femmes des élites, qui, une fois mariées, se sont hissées en haut de l’échelle politique et ont permis l’ascension sociale de leur famille. En effet, même si le mythe de fondation exclu les femmes de tout exercice du pouvoir politique et bien que les chroniques royales ne leurs dédient qu’une infime considération en comparaison de celle qui est accordée à leurs homologues masculins, les femmes des élites ont réussi, dans la durée, à acquérir une marge de manœuvre importante sur l’administration du pays et à influer sur l’histoire politique du royaume. L’étude de la carrière de ces femmes de pouvoir, ayant vécu entre le 17ème et la fin du 19ème siècle, permet dès lors de revisiter l’histoire géopolitique de cette partie de la Corne de l’Afrique et d’aborder les rapports évolutifs des différentes régions composant le royaume éthiopien moderne sous un nouvel angle.
Of the use of matrimonial alliances as a tool of social advancement of women elite
(Ethiopia-17th-19th centuries)
In the historiography dedicated to the Christian Ethiopian monarchy, matrimonial alliances were systematically analyzed as a political tool used by leaders to legitimize their power and reign. This research examines, on the contrary, the opposite view by enhancing the various strategies of women elite, who, once married, raised themselves at the top of the political level, and allowed the upward social advancement of their relatives. Indeed, even if the royal myth of foundation excluded women of the political sphere, and even if Royal Chronicles dedicate them few considerations in comparison with the ones granted to their male counterparts, elite women managed, on a mid and long-term basis, to acquire a role on the kingdom’s administration and to influence its political history. The study of the carrier of these women of power, who lived between the 17th and the end of the 19th century, allows us to revisit the geopolitical history of this part of the Horn of Africa and to approach the moving relationships of the various regions composing the modern Ethiopian kingdom in a new light.
After the death of the Christian King Lebna Dengel in 1540, and then of Imam Ahmed in 1543, the war between the Muslim and Christian Ethiopian powers have known a truce. In the 1540s, their widows, Queens Sabla Wangel and Dalwambarah, have negotiated regarding in particular the release conditions of their respective sons. In this session, this unknown aspect of the political history of the 16th c. will be explored by two specialists of the period.
(Margaux Herman, Dabra Berhan)
The production of regional histories, like that of Goğğām at the end of the 19th century, raises essential questions for the understanding of the writing of Ethiopian history. This phenomenon was promoted by neguś Menelik II (1865-1913). Firstly, neguś of Šawā (1865-1889), he asked the gathering of numbers of traditions and legends relative to this region as to legitimize his rights and the place of Šawā in the kingdom. He continues this project, being neguśa nagaśt of Ethiopia (1889 1913), by sponsoring his royal chronicle written in Amharic and destined to become the “national” history. It is in parallel and/or in reaction of this phenomenon, that ālaqā Takla Iyāsus, attached to Takla Ḫāymānot, neguś of Goğğām and Kāffā, decided to produce a Genealogy and a History of Goğğām between 1892 and the first decades of the 20th century. Of Oromo origin, he grew up in Goğğām, acquires its culture and decided to write its history since the Ancient Times till the beginning of the 20th century. This presentation is focused in the writing of the royal presence in Goğğām, starting from its founding myths up to the 16th century. The history starts with a myth inspired from the Kebra Nagaśt, but the author proposed a Goğğāmite version. It continues with the story of Jesus and Mary followed by the coming of the aksumites Kings Abrehā et Aṣbeḥa (5th c.) who achieved the saga of Goğğām’s Christianization. These three mythical events are the vectors of actual Goğğām’s identity. However, the analysis of the sources and traditions collected here revealed that the history of the 16th century is fundamental in order to validate the global nature of the project. Moreover, it is the role of the 16th century’s queens, and by extension of the princesses, that is tacitly revealed in it being the historic markers of the royal presence in medieval Christian Goğğām, an area geographically limited to the very Eastern part of the contemporary region.
Among other things, the powerful Queen Säblä-Wängēl played a not insignificant role in the war against Ahmed Graň and his descendants, who ravaged Christian Ethiopia and devastated many churches in the 1540s. She impresses foreigners who describe her with full details in their papers about this expedition they wrote after coming back in Europe.
After the death of her husband, Säblä-Wängēl served as Queen mother and regent during the reigns of her sons Gälawdēwos (r.1540-1559) and her grandson Sarsa-Dengel (r.1563-1596). She was given the highest title of received the Itēgē (lit.means Empress) and keep it until she died in 1578. Oral and written relevant traditions keep the memory of the quarrel that appears during the reign of her son Minas (r.1559-1563). As, she started to lose influence and power during the reign of Minas who favored his wife Selus-Hayla (Ädmäs Mogäsa) over his mother and gave the latter the honorific title of Itēgē. Selus-Hayla was unlawfully promoted to the status of Itēgē by her husband Minas, while Säblä-Wängēl was still alive.
One of the major church foundations of Säblä-Wängēl is Mangesta Samayat Kidana Mehrat, currently known as Mangesto located in her native province of East Gojjam between the rivers Suha and the Yäbärt. It seems that even after the destruction of the church by the Oromos which appends during the reign of Iyasu the Great, Adyam Sagad (r. 1682-1708), the church survived in the memory as a place of great spiritual fathers with abba Zekre and Abba Pawli. Queen Mentewwab during the regency of her son Iyasu II (1730-1755), when she founded the great church of Dabra Tsehay Qwesqwam in Gonder, called their memory as the fathers of the faith of Gojjam and Qwara. One century later, the church is rebuilt by the King Takla Haymanot, King of Gojjam and Kaffa, and his daughter also called Säblä-Wängēl. They give to the church the same apparel of clergymen and lands as it used to be at the time of its foundation. Learned men with great knowledge rewrite manuscripts on the history of this church and of Gojjam and developed really interesting developments of the settlement of the people of Gojjam making their ancestor Queen Säblä-Wängēl as the queen of the Kingdom of Heaven, the center of Gojjam.
Le patrimoine occupe une place incontournable en Éthiopie, où il tient souvent lieu de politique culturelle. Omniprésent dans la communication politique de l’État fédéral mais aussi des régions, des villes, sa promotion et sa protection mobilisent aujourd’hui une armée de travailleurs (fonctionnaires, tour-operators, guides, etc.). L’enjeu se veut d’abord économique : valoriser la richesse historique, géographique et la diversité culturelle du pays pour désenclaver les régions isolées et pour soutenir le développement du pays. L’Éthiopie veut se hisser au premier rang des destinations touristiques africaines (pays qui compte le plus grand nombre de sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO). Avec la notion de « patrimoine immatériel », des objets de toute nature peuvent « faire patrimoine ».
Régulièrement amené à accompagner les institutions éthiopiennes dans leur politique de valorisation du patrimoine, le CFEE réunit aujourd’hui une équipe interdisciplinaire étudiant :
- Le développement des institutions en charge de la construction du patrimoine en Éthiopie (y compris la formation universitaire des cadres de ce domaine), un développement qui est lié à l’appropriation de la notion de patrimoine et des discours afférents, mais qui fait écho à d’anciennes pratiques des institutions religieuses et l’État ;
- Les revendications et appropriations locales liées à la notion de patrimoine en Éthiopie, entre construction de l’État-nation (« sentiment patrimonial » des élites du pays) et fédéralisme ethno-régional déclinant les processus de patrimonialisation et de muséification des productions culturelles (musique, architecture, cuisine, langues, etc.)
- Les implications des politiques de « mise en patrimoine » pour les acteurs en charge de leur mise en œuvre et pour les populations les plus directement concernées, ce qui permet de revisiter les rapports entre élites et différentes classes sociales, entre l’État, ses régions et les populations administrées, etc. ;
- Les relations de l’Éthiopie avec le reste du monde, notamment avec les organisations internationales et les réseaux d’expertise compétents dans ce domaine, dans lesquels les Éthiopiens sont de plus en plus visibles, ou encore les transformations au sein de la population éthiopienne quant à son rapport à l’extérieur
L’essor de l’approche genre se perçoit de plus en plus dans divers domaines. Le phénomène de la migration ne fait pas exception à cette donne. En effet, depuis une vingtaine d’années « une féminisation de la migration » a été observée par les chercheurs s’intéressant à cette question et l’approche genrée y a été privilégiée depuis la dernière décennie. Les migrations qu’elles soient internationales (Sud-Nord), régionales (Sud-Sud), ou national (rurale-urbaine) affectent les femmes à différentes échelles et remodèlent les rapports établis entre les hommes et les femmes que ce soient dans la zone « d’accueil », au cours de leurs trajets ou encore dans la terre d’origine. Les motivations de la migration sont elles aussi variées et reliées à différents facteurs non-négligeables qu’ils soient économiques (travail domestique ou sexuel, famine …), sociaux (mariage, regroupement familial…) ou politiques (idéologie, guerre…). Dès lors, les conditions des migrantes varient considérablement et soulèvent des problématiques diverses faisant ressortir des paradigmes tout aussi positifs que négatifs quand ils sont ramenés à la question du genre. Ainsi, des schémas d’émancipation féminine et de nouveaux modèles sociaux sont révélés aussi bien dans la population accueillant l’immigration que dans celle qui en est le moteur. En parallèle, sont également soulevé des schémas plus négatifs et alarmants de domination, de violence et de soumission dans ces deux mondes qui se servent l’un l’autre. La problématique des femmes, du genre et des migrations dans la Corne de l’Afrique est donc une question plurielle qui mérite d’être abordée en profondeur et d’être exploitée dans sa diversité tant les apports sociaux qu’elle révèle sont nécessaires et révélateurs à l’appréhension de notre société actuelle en illustrant aussi bien des évolutions considérées comme « positives » que ses travers les plus « négatifs ».
Bibliographie sélective : Femmes, Genre et Migrations dans la Corne de l’Afrique
Almaz Eshete, “Perspectives on Gender and Development”, in: Tsehai Berhane Selassie (ed.) Gender Issues in Ethiopia, (Institute of Ethiopian Studies. Addis Ababa: Addis Ababa University Press, 1991), pp. 1-5.
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De Regt, Marina, “Ethiopian women increasingly trafficked to Yemen”, Forced Migration Review, 25, 2006, pp. 37-38.
De Regt, Marina, « Ethiopian Women’s Migration to Yemen », Chroniques yéménites, 17, 2012. [online: URL : https://cy.revues.org/1853]
De Regt, Marina, Destremau Blandine et Latte Abdallah Stéphanie, « Genre et mobilités au Yémen et dans la Corne de l’Afrique », Chroniques yéménites, 17, 2012, [online: URL : https://cy.revues.org/1862]
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Fransen, Sonja and Katie Kuschminder (2009). Migration in Ethiopia: History, Current Trends and Future Prospects. Paper Series. Maastricht: Maastricht Graduate School of Governance.
Grabska Katarzyna, Gender, Home & Identity. Nuer Repatriation to Southern Sudan, Martlesham: Boydell & Brewer, 2014, 240p.
Grabska Katarzyna, “When Women become Men: Gendered Experiences of ‘Return’ Migration of Nuer Southern Sudanese Women”, Development and Change, forthcoming.
Grabska Katarzyna, "Constructing ‘Modern Gendered Civilised’ Women and Men: Gender Mainstreaming in Refugee Camps", Gender and Development, 19(1), 2011, pp. 81-93.
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Lalem Birhanu, Gender and Migration: A Comparative Investigation into the Experiences and Expectations of Ethiopian Women Labour Migrants to the Middle Eastern Countries, 2004.
7 mars 2015, Addis Abeba, Alliance éthio-française
A l’occasion de la journée internationale de la femme (8 mars), l’Ambassade de France et le Centre français des études éthiopiennes organiseront une rencontre autour d’Anne-Marie Moulin, médecin spécialisée en médecine tropicale et agrégée de philosophie, directrice de recherche émérite au CNRS (Université Paris VII), spécialiste de l’histoire de la médecine, en particulier dans le monde musulman, auteure de nombreux ouvrages, dont Le labyrinthe du corps. Islam et révolutions scientifiques (2013) et Science and Empires (1992, en collaboration).
La question des mutilations génitales féminines est intéressante en Éthiopie. Les autorités éthiopiennes appuient les initiatives visant à lutter contre ces pratiques. Elles ont adopté une loi interdisant celles-ci en 2004, même si son application a été plus tardive. Le gouvernement éthiopien s’est fixé comme objectif leur éradication avant 2023. Grâce à la mobilisation nationale et internationale, la pratique a rapidement reculé dans le pays. On estime aujourd'hui à moins de 60 % le taux des femmes qui en ont été victimes, avec une forte disparité entre les régions et parfois au sein même de ces régions. Malgré une baisse globale de ces pratiques depuis plusieurs années, on constate néanmoins aujourd’hui une certaine recrudescence dans certaines régions.
Réunis autour d’A.-M. Moulin, cinq à six chercheurs et acteurs engagés dans la lutte contre les mutilations génitales féminines sur le continent africain seront invités à mesurer l’efficacité de ces actions, les progrès mais aussi les reculs, envisager les obstacles persistants et repérer les méthodologies innovantes méritant d’être répliquées. Chaque intervenant sera invité à apporter un éclairage fondé sur une expérience militante et/ou de recherche, en suivant une démarche commune préalablement diffusée. La réflexion pourrait par exemple conduire à examiner successivement les différents leviers d’action (différents registres argumentatifs, types d’intermédiaires sur lesquels faire porter le travail de sensibilisation, différentes ressources matérielles et sociales mobilisables, etc.).
Dans cette rencontre, Anne-Marie Moulin sera invitée, en amont, à fixer le cadre du questionnement commun, à destination des intervenants de la table-ronde, puis à proposer une conclusion de la rencontre, pointant les éléments les plus saillants de la discussion, resituant ces derniers dans un contexte plus large, et surtout apportant un éclairage propre nourri de son expérience propre, associant pratique et recherche.
Les intervenants pressentis :
- Mme Barkahoum Ferhati, directrice de recherche au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques, Alger
- Mme Kadidia Aoudou Sidibé, Association Malienne pour le Suivi et l'Orientation des Pratiques Traditionnelles (AMSOPT), Bamako
- Mme Bogaletch Gebre, fondatrice et directrice de Kembatti Mentti Gezzimma (KMG), Addis-Abeba
- Mme Aïcha Dabele, Femmes Solidaires, Paris
Public invité :
- Acteurs militants, praticiens et universitaires (réseau des ONG françaises en particulier, universitaires)
- Bailleurs et agences onusiennes impliqués (ambassade de Norvège, Canada, Pays-Bas, DFID, Union européenne, UNICEF
Langue de la rencontre : anglais.
Lieu : Alliance éthio-française.
Prolongements :
Dans le prolongement de cette table ronde, nous organiserons la projection du documentaire « Kimbidalé » (2015), réalisé et écrit par Emmanuelle Labeau, qui traite des actions de deux militantes en pays Afar pour mettre fin aux pratiques d’excision et d’infibulation.
Le CFEE propose également de monter une séance de séminaire autour du travail d’Anne-Marie Moulin sur le thème « Santé publique et culture : le corps des femmes », en lien avec nos partenaires universitaires. Un tel séminaire s’inscrirait dans le nouveau programme de recherche interdisciplinaire lancé par le CFEE sur le thème transversal des Femmes en Éthiopie, piloté par Margaux Herman, qui pourra, au nom du CFEE, introduire la rencontre en dressant un aperçu historique de la question concernant l’Éthiopie, et plus largement de la relation entre santé publique et femmes sur la longue durée.
The Centre français des études éthiopiennes (CFEE- Addis Abeba/Ethiopia) :
Please consult
https://cfee.hypotheses.org/category/divers/evenements-events/la-vie-du-centre-our-activities
https://www.cfee.cnrs.fr/spip.php?article270
L’Institut des Mondes Africains (IMAf-Paris/France) :
https://imaf.cnrs.fr/