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Production expérimentale de savon humain dans l'Allemagne nazie

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs scientifiques allemands du Troisième Reich auraient tenté une production expérimentale de savon humain. Cette production, qui aurait été très limitée, n'est attestée que dans le cas du docteur Rudolf Spanner, devant une commission d'enquête polonaise. Les conclusions de cette commission, qui chargent Spanner, sont contredites plus tard par la justice allemande.

Au début du XXIe siècle, ce thème reste un sujet délicat : les négationnistes de la Shoah prétendent que les historiens seraient revenus sur une opinion qui aurait été la leur, à savoir que du savon aurait été fabriqué industriellement à partir des cadavres de Juifs assassinés. Il se trouve toutefois que les historiens, au contraire de Simon Wiesenthal, n'adhèrent pas à une telle thèse de fabrication « industrielle » de savon humain et s'en tiennent tout au plus à une « expérimentation » très limitée par Spanner ou dans le camp de concentration croate de Jasenovac[1],[2].

Rumeurs pendant la Première Guerre mondiale

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L'affirmation selon laquelle les Allemands utilisent la graisse de cadavres humains pour fabriquer des produits a déjà été avancée par les Anglais pendant la Première Guerre mondiale. The Times écrit en que les Allemands font bouillir les corps de leurs soldats morts pour en faire du savon et d'autres produits[3].

En 1925, le ministre des Affaires étrangères britannique, Austen Chamberlain, admet cependant que l'histoire de « l'usine à cadavres » est entièrement imaginaire[4].

Savon en graisse de Juifs

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La même assertion resurgit très vite durant la Seconde Guerre mondiale[réf. souhaitée], trop tôt pour que les allégations soient fondées. Toutefois, des plaisanteries, menaces, rumeurs et insultes de l'époque montrent que beaucoup de monde les pense vraies. La principale source de ces rumeurs est la croyance que les lettres RIF, imprimées sur chaque pain de savon en Allemagne, sont un sigle signifiant Reines Jüdisches Fett (« Pure graisse juive ») ; ces initiales correspondent en fait à Reichsstelle für industrielle Fettversorgung (« Centre national pour l'approvisionnement industriel en graisse »), qui produit un savon de mauvaise qualité[5].

En , le rabbin américain Stephen Wise publie un rapport qui cautionne l'allégation du savon fait à l'aide de cadavres de Juifs. L'historien Raul Hilberg rapporte que de telles histoires où les Juifs sont « bouillis dans du savon » sont diffusées à Lublin dès octobre 1942 et que des Polonais craignant de subir un sort similaire boycottent l'achat de savon[6]. Ayant eu connaissance du rapport de Wise, le dignitaire nazi Heinrich Himmler écrit le au chef de la Gestapo Heinrich Müller :

« Vous devez me garantir que, partout, les corps de ces Juifs décédés sont brûlés ou enterrés, et que nulle part, il ne peut être procédé autrement avec les cadavres[7]. »

Le , lors d'un entretien public, le rabbin Wise réitère l'allégation du savon fait à l'aide de chair humaine de Juifs. À quelqu'un qui lui rappelle qu'une accusation semblable a déjà été portée contre les Allemands pendant la Première Guerre mondiale, il répond qu'il a reçu du département d'État des documents selon lesquels l'allégation est dûment contrôlée et confirmée[8].

Selon Gilles Karmasyn[9], au cours du procès de Nuremberg de 1946, le Tribunal militaire international reçoit un seul témoignage émanant d'un ancien prisonnier de guerre britannique et basé essentiellement sur des rumeurs faisant état de fabrication de savon à partir de graisse humaine. Dans son jugement, le tribunal se borne à évoquer les tentatives effectuées à Dantzig[10].

Tombe d'un cimetière d'Afula (Israël) contenant du savon censément fabriqué par les nazis à partir de cadavres humains.

Depuis les années 1980, les historiens de la Shoah considèrent le « mythe du savon juif » comme une des légendes noires de la Seconde Guerre mondiale, et non comme un reflet de la réalité d'une production de masse d'un tel savon en Allemagne à l'époque[11]. Ce point de vue est soutenu par plusieurs historiens juifs comme Walter Laqueur[12], Gitta Sereny[13], et Deborah Lipstadt[14], ainsi que le professeur Yehuda Bauer[15] de l'Université hébraïque de Jérusalem ou (en)Shmuel Krakowski, directeur des archives de Yad Vashem[16],[17],[18]. Il reste cependant, principalement en Israël, plusieurs mémoriaux et cimetières avec du savon présenté comme étant fait à partir de graisse humaine[19].

Cas du professeur Spanner, de l'Institut d'Anatomie à Dantzig

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À un stade plus avancé de la guerre, quand des cadavres humains sont effectivement exploités pour en tirer des matières premières (les cheveux comme feutrine ou matériau d'isolation, par exemple), certains scientifiques allemands auraient fait des expériences sur la production de savon à partir de graisse humaine. En 1943-1944, Rudolf Spanner, professeur à l'Institut d'Anatomie de Dantzig, aurait produit entre dix et cent kilogrammes de savon fait avec des cadavres provenant de l'(de)hôpital psychiatrique de Konradstein, d'une prison de Königsberg, et du camp de concentration du Stutthof.

Peu après la guerre, le , un témoin interrogé par une commission polonaise[20] dit qu'on fait construire durant l'été 1943 un bâtiment spécial destiné au traitement des cadavres pour faire cuire les os. Selon lui, il existe un laboratoire pour fabriquer des squelettes humains et incinérer la chair et les os inutiles. Il déclare aussi que pendant l'hiver 1943-1944, Spanner donne l'ordre de conserver la graisse humaine et, en , lui communique la « recette » pour préparer du savon à partir de graisse humaine. La cuisson industrielle aurait demandé de 3 à 7 jours. Le témoin aurait participé à deux séances de cuisson qui auraient produit plus de 25 kg de savon à partir de 70 à 80 kg de graisse humaine provenant de 40 cadavres environ. Spanner aurait supervisé le tout et se serait tenu en liaison avec la direction des prisons et des camps de concentration pour les livraisons des cadavres à l'institut. Il aurait aussi ordonné de conserver la peau humaine, qu'il traite avec des substances chimiques pour la dégraisser.

En 1947 et 1948, Spanner, interrogé par la justice allemande, déclare que ce savon n'a été utilisé que pour faire des injections aux ligaments des articulations dans les préparations anatomiques[21]. La justice allemande conclut qu'aucun fait punissable ne peut être mis à charge de Spanner et qu'il n'y a pas lieu à poursuites[22].

Même si on en croit les témoins qui accusent Spanner, il ne s'agit que d'une production expérimentale et limitée. Il n'y a aucune preuve pour étayer la théorie d'une production industrielle de savon fait de graisse humaine, juive ou non, par le Troisième Reich.

Selon une étude de Joachim Neander, il n'y a même pas eu une production expérimentale de savon en graisse humaine à l'Institut d'Anatomie de Dantzig. La graisse humaine ne diffère guère de la graisse animale à l'aide de laquelle les chimistes allemands fabriquent du savon et ils n'a pas besoin d'un profane tel qu'un professeur d'anatomie pour faire des expériences en la matière. Ce qui est certain, c'est qu'une graisse saponacée apparaît toujours comme sous-produit dans la fabrication des préparations anatomiques ; ce qui est possible, c'est que cette graisse saponacée ait servi non seulement à l'usage reconnu par Spanner (injections aux ligaments des articulations), mais aussi au nettoyage des tables et du sol, que Spanner n'aurait pas avoué parce qu'il constitue alors le délit (mineur) de non-respect dû aux morts[23].

Camp de Jasenovac

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En Croatie, dans une partie de l'ex-Yougoslavie occupée par l'Axe, dans le grand camp de concentration de Jasenovac, réputé pour sa cruauté[24], une petite usine de conversion de restes humains (serbes, juifs, tziganes) en savon a été créée par des membres du groupe oustachi[25].

Des parties de la « fabrique de savon humain » sont découvertes lors de fouilles menées en 1961 et de recherches anthropologiques sur les fosses communes de Donja Gradina. Outre les fours, un décanteur, un réservoir à haute pression et un séparateur existent toujours et sont visibles dans la zone commémorative de Donja Gradina, aujourd'hui en Bosnie-Herzégovine[2],[26],[25].

Dirlewanger à Lublin

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En 1942, le juge SS Konrad Morgen, qui enquête à Lublin sur l'unité Dirlewanger à propos d'accusations d'atrocités et de corruption, note des rumeurs accusant Oskar Dirlewanger d'avoir, avec des membres d'unités de support de la Wehrmacht, injecté de la strychnine à des Juives détenues illégalement et ayant été déshabillées, d'avoir regardé leur agonie et, à leur mort, d'avoir découpé leurs cadavres en morceaux, mélangé à des morceaux de cheval avant de les bouillir et d'en faire du savon. Morgen écrit n'avoir que des soupçons sur cette affaire[27],[28].

Humour noir

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Durant la Shoah, l'humour noir est un moyen de réduire l'angoisse de la conscience de la mort[29]. Les blagues juives sur le savon sont une réponse aux rumeurs qui commencent à circuler en 1942 au sujet du savon produit à partir de la graisse des Juifs[29].

  • Un exemple connu à Varsovie : « Moïshe, pourquoi utilises-tu du savon avec tant de parfum ? - Quand ils me transformeront en savon, au moins je sentirai bon, répond Moïshe »[29].
  • « Au revoir sur la même étagère ! »[30],[31].
  • « Ne mangez pas beaucoup : les Allemands auront moins de savon ! »[30],[31].

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Soap made from human corpses » (voir la liste des auteurs).
(ru) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en russe intitulé « Шпаннер, Рудольф » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) John Drobnicki, Marc Fleisher, Julian Hendy ; Deceit and Misrepresentation: The Techniques of Holocaust Denial. The Soap Allegations. Cliquer sur next pour voir les autres pages de l'argument. Voir également Gilles Karmasyn, « Le savon humain. Rumeur, réalité et histoire », PHDN, 2000
  2. a et b (en-US) « Soap factory », sur Donja Gradina Memorial (consulté le )
  3. (en) Philip Knightley ; The First Casualty ; New York, 1975 ; pages 105-106
  4. (en) Arthur Ponsonby ; Falsehood in Wartime ; New York, 1929 ; pages 102, 111-112
  5. (en) Zoë. Waxman, Writing the Holocaust : identity, testimony, representation, Oxford University Press, (ISBN 978-1-4294-6000-2, 1-4294-6000-8 et 978-0-19-151407-4, OCLC 86020555, lire en ligne), p. 168
  6. (en) Raul Hilberg, The destruction of the European Jews, (ISBN 0-8419-0832-X et 978-0-8419-0832-1, OCLC 9541865, lire en ligne), p. 967
  7. Joachim Neander, « Seife aus Judenfett – Zur Wirkungsgeschichte einer urban legend », communication à la 28e conférence de la German Studies Association (28. Konferenz der German Studies Association), (Himmler to Müller, 30 Nov. 1942, US National Archives, Record Group 242, Microfilm Series T-175/Roll 58/Frame 2521486. As quoted in Breitman, Richard, "Secrecy and the Final Solution," from Millen, pp. 70-71), Washington, octobre 2004, consultable sur le site de l'Université de Californie à Santa Barbara.
  8. Inez Robb, « Chistians Alone Can Save Jews, Says Rabbi », The Milwaukee Sentinel, 27 novembre 1942, p. 8-B, consultable sur Google News. Selon cet article, le rabbin Wise avait déjà mentionné le savon en graisse humaine le 25 novembre 1942.
  9. « Présentation de Pratique de l’histoire et dévoiements négationnistes », Bibliographie de Gilles Karmasyn, sur phdn.org (consulté le )
  10. Gilles Karmasyn, « Le savon humain : rumeur, réalité et histoire », sur phdn.org (consulté le )
  11. (en) Jewish Virtual Library ; The Soap Myth. Voir également Gilles Karmasyn, op. cit.
  12. (en) Walter Laqueur ; The Terrible Secret ; Boston, 1980 ; pages 82 et 219
  13. (en) Gitta Sereny ; Into That Darkness ; A. Deutsch ; Londres, 1974 ; page 141
  14. (en) Nazi Soap Rumor During World War II ; Los Angeles Times ; 16 mai 1981 ; page II/2
  15. Yehuda Bauer, Jerusalem Post, 29 mai 1990, traduit par PHDN.
  16. (en) Bill Hutman ; Nazis never made human-fat soap ; The Jerusalem Post - International Edition ; semaine terminant le 5 mai 1990
  17. (en) Holocaust Expert Rejects Charge That Nazis Made Soap from Jews ; Northern California Jewish Bulletin ; 27 avril 1990 ; réédité le 21 mai 1990 dans le Christian News
  18. (en) A Holocaust Belief Cleared Up ; Chicago Tribune ; 25 avril 1990 ; réédité dans le Ganpac Brief en juin 1990, page 8
  19. « New Israeli film debunks myth that Nazis made soap from Jews - Jewish World Features », sur Haaretz.com, (consulté le )
  20. (en) Témoignage de Sigmund Mazur, assistant du docteur Spanner
  21. (en) Auschwitz-Birkenau Memorial and Museum ; Human Fat Was Used to Produce Soap in Gdansk during the War « Copie archivée » (version du sur Internet Archive) ; 13 octobre 2006
  22. Joachim Neander, « The Danzig Soap Case : Facts and Legends around "Professor Spanner" and the Danzig Anatomic Institute 1944-1945 », German Studies Review, 29:1 (février 2006), p. 63-86, consultable sur le site de l'université de Californie à Santa Barbara.
  23. J. Neander, « The Danzig Soap Case : Facts and Legends around "Professor Spanner" and the Danzig Anatomic Institute 1944-1945 », German Studies Review, 29:1 (février 2006), p. 63-86, consultable sur le site de l'université de Californie à Santa Barbara.
  24. (en) « Expert: 800,000 Serbs were killed in Croat WW2 death camp - English - on B92.net », sur B92.net (consulté le )
  25. a et b (en-GB) « WHAT IS JASENOVAC? – Jasenovac and Holocaust Memorial Foundation » (consulté le )
  26. (en) Martin Winstone, « The Holocauste sites of Europe », sur Jasenovac.Info, I.B. Tauris, p. 395
  27. « Le savon humain : rumeur, réalité et histoire », sur phdn.org (consulté le )
  28. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, , p. 836-837
  29. a b et c (he) Chaya Ostrower, « בטיפולנט | הומור כמנגנון הגנה בשואה » [« L'humour comme mécanisme de défense dans l'Holocauste »], sur בטיפולנט | פורטל לשירותים פסיכולוגיים בישראל (consulté le )
  30. a et b (en) Arié Sover, « Jewish Humor: An Outcome of Historical Experience, Survival and Wisdom - Cambridge Scholars Publishing », sur www.cambridgescholars.com, (consulté le )
  31. a et b (en) Arie Sover, Jewish Humor: An Outcome of Historical Experience, Survival and Wisdom, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 978-1-5275-6808-2, lire en ligne), p. 139-142

Articles connexes

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Liens externes

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