Musique yéménite
La musique yéménite est pratiquée dans les diverses régions du Yémen, un pays situé aux confins de la péninsule arabique. Bien qu'elle soit apparentée à la musique arabe, elle présente de nombreuses particularités formelles et instrumentales, dues à l'influence de la musique de l'Afrique de l'Est et de l'océan Indien. Terre d'échanges, de caravanes et de marins, le Yémen partage bien des traits musicaux avec la musique égyptienne et la musique d'Arabie et du Golfe. Principalement de tradition orale, elle commence à être documentée à partir du XIVe siècle, grâce aux recueils manuscrits de la poésie semi-dialectale homaynî. Après 1948, de nombreux musiciens yéménites de confession juive se sont expatriés en Israël où ils sont très appréciés (comme Ofra Haza ou Talya G. A Solan).
L’UNESCO a proclamé la tradition musicale de Sanaa, al-Ghina al-San'ani, comme étant un chef-d'œuvre du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, le .
Musique traditionnelle
[modifier | modifier le code]On peut catégoriser les musiques du Yémen entre d’une part les musiques citadines, dominées par le modèle d’un chanteur, en général un homme, s’accompagnant lui-même au luth oriental (’ûd), et étant éventuellement accompagné par des instruments de percussion, et d’autre part, des chants populaires ruraux dont une grande partie accompagne le travail agricole, et une autre les occasions de représentation de la tribu[1].
Le répertoire poétique des chants citadins est principalement lyrique : l'amour, l'amitié, la séparation, l'absence... La poésie la plus prisée, la poésie homayni, est semi-dialectale et remontre à la tradition classique du muwashshah andalou, par des poètes yéménites qui l’ont rapportée du Caire vers le XIVe siècle. Dans la première génération enregistrée sur disque 78 tours dans les années (1930 à 1950) à Aden[2] durant la présence britannique, on distingue trois ou quatre grandes traditions citadines, par ordre d’apparition dans la discographie :
1 / Le Chant de Sanaa (al-ghinâ al-san'ânî) : le Sheykh Ali Abû Bakr BâSharâhîl[3], Mohammed al-Mâs, Qâsim al-Akhfash (qui jouaient du luth yéménite, qanbûs, et non du ‘ûd oriental), Ibrâhîm al-Mâs, Sâlih al-‘Antarî, Ahmed ‘Ubayd al-Qa‘tabî. Dans les années 1970, cette forme va connaître un grand essor, grâce à la libéralisation suite à la Révolution de 1962 à Sanaa, avec des grands musiciens comme Ahmed al-Sunaydâr, ‘Alî al-Anisî, Mohammed al-Hârithî, ‘Alî Hamûd al-Sima qui font des grandes carrières grâce à la radio et l’industrie de la cassette. Plus tard, dans les années 1990, on redécouvrira des musiciens qui étaient restés dans l’intimité de la pratique familiale ou communautaire, et qui jouaient encore du luth yéménite : Hassan al-‘Ajamî, Yahyâ al-Nûnû, Mohammed al-Dhamârî, ainsi que Mohammed al-Khamîsî au plateau en cuivre, sahn. Ces musiciens prolongeaient la tradition locale du magyal, la séance d’après-midi, souvent accompagnée de la consommation du qat, et moment privilégié pour jouer de la musique.
2 / Le genre Lahjî provient d’une petite ville située près d’Aden, où s’est développé un style nouveau au début du XXème siècle, sous l’impulsion d’un prince local du Sultanat de Lahej, Mohammed Fadil (al-Komandan) qui était à la fois parolier et compositeur. Il était le mécène du chanteur Fadl al-Lahjî[4] qui chantait ses poèmes, ainsi que d’autres. Le style lahjî est caractérisé par des airs populaires issus des zones rurales ou afro-arabes, avec des rythmes rapides, souvent polyrythmiques (une combinaison de binaire et de ternaire accompagnant une danse très populaire du même nom. Dans les années 1970-80, la star du Lahjî est Faysal ‘Alawî.
3 / Le Hadrami, genre en provenance du Hadramawt et représenté dès les années 1930 par Mohammed Jum’a Khân[5]. Ce style est en particulier influencé par la musique indienne, mais surtout basée sur un genre poétique local, le dân. Le Hadrami est parmi le premier à introduire deux ou trois violons à côté du chanteur instrumentiste soliste. A partir des années 1970, la grande star hadramie est Abû Bakr Sâlim Bal-Faqîh, qui s’adjoint une orchestration importante, y compris un synthétiseur.
4 / Le style Adeni, né un peu plus tard, à la fin des années 1940, qui s’inspire à la fois d’un fond populaire local citadin et la vague de popularité de la musique égyptienne (’Abd al-Wahhâb, Umm Kalthum). À partir des années 1960, ce style va être brillamment illustré par Mohammed Murshid Nâjî et Ahmed Qâsim.
Il en existe quatre variantes vocales au Yémen jouées notamment lors de réunions publiques samra au sein de grandes maisonnées :
- ghina al-Sanaani (à Sanaa), dont le chant est soliste (le chanteur s'accompagne parfois au luth oud ou au qanbûs) et est parfois accompagné de percussions discrètes tel le plateau en cuivre sahn. Chanté en arabe, avec des influences andalouse et ottomane, les rythmes s'organisent en une suite (proche de la nouba) nommée qawma. Le répertoire comprend des poésies chantées (en dialecte) homaynî (proche du muwashshah arabe),
- hadrami (à Hadramaout), dont le dân est le chant classique fredonné sans paroles, mais sur des syllabes poétiques ; il est tout autant populaire que traditionnel, chanté par les Bédouins notamment. Il peut être a cappella ou accompagné au luth oud et aux percussions. En outre dans cette région, un chant de bienvenue est déclamé à l'arrivée d'un invité lors d'un mariage.
- sôt (dans les villes), est une suite de chants accompagnés au luth oud ou à la cithare qanûn et aux percussions darbouka ou mirwas. Le chant tawshîha en arabe est parfois repris par l'assistance.
- zâr, est un rite où un chant d'extase et de guérison spirituelle en dialecte est accompagné à la lyre tanburah.
Les danses masculines barâ, lebâ, djel, shaniyya et mansarî sont aussi exécutées lors de fêtes plus importantes, avec des sabres et un accompagnement aux tambours tabl, tâsa et marfa' et à la clarinette mizmar lors de processions musicales zamel. Parmi les autres danses il y a la hafka (danse de bienvenue), le shanab (en solo), les murraka et chahar (des femmes), les gotnî et shâhib (des Bédouins, mixtes) et le zirbadî (madkhal (procession), hajrî (des vieillards), mûzi'î, bandarî (des jeunes) et banî mighrah (retour de chasse).
Parmi les musiciens on notera Ahmed Fathey, Mohammed Sâlem Ben Shamekh, Muhammad al-Harithi, Osama al Attar, Mohamed Zamari, Takia et Ayoob Tarish Absi.
Instruments de musique
[modifier | modifier le code]Vents :
Cordes :
- oud
- qanbûs ou cûd et turbi
- qanûn
- simsimiyya ou tanbura
Percussions :
Musique actuelle
[modifier | modifier le code]Liens internes
[modifier | modifier le code]Bibliographie et liens
[modifier | modifier le code]- Étienne Bours, Dictionnaire thématique des musiques du monde, Fayard, 2002.
- Identité culturelle régionale
- Musique et danse
- Chant de Sanaa
- Chant de Sanaa
Références
[modifier | modifier le code]- Lambert, Jean (https://www.jean-lambert.com), « "Identité nationale et régionalisme musical", Le Yémen, passé et présent de l'unité. », Revue d'Etudes du Monde Musulman et de la Méditerranée, vol. 67, no 1, , p. 171-186 (lire en ligne)
- Lambert, Jean, Rafik al-Akouri, « Patrimonialisation « sauvage » et archéologie industrielle de la musique yéménite. Les premiers enregistrements commerciaux à Aden (1935‑1960) », Égypte/Monde arabe, vol. Troisième série, no 22 | 2020, (lire en ligne)
- غنى على نايف - علي با شراحيل, مركز التراث الموسيقي اليمني (, 5:19 minutes), consulté le
- (ar) « "Sâdat 'uyûn al-mahâ », sur YouTube, NazBox, (consulté le )
- (ar) Muhammad Jum'ah Khân, « Khabbirî yâ nasmat al-sihri (Odeon, Ad. 586-587) » [audio], sur YouTube/Mustafa Bohamed, (consulté le )