Grèce romaine
La période de domination romaine en Grèce s'étend conventionnellement de 146 av. J.-C. après la mise à sac de Corinthe par Lucius Mummius Achaicus jusqu'à la reconstruction de Byzance par Constantin Ier et sa proclamation en tant que seconde capitale de l'Empire romain en 330 ap. J.-C.
Installation des Romains en Grèce
[modifier | modifier le code]Bien que l’occupation romaine commence par convention en -146, la présence romaine est effective dès le IIIe siècle av. J.-C. Certains États grecs demandèrent une alliance avec Rome. Les premiers furent les cités de l’Adriatique, pour lutter contre les pirates illyriens. Puis en -212, les Étoliens sollicitent une alliance avec Rome contre les Antigonides. L’intervention romaine en Illyrie (en -228 et -219) et en Macédoine (-214 et -205), bien que limitée, profita surtout à Rome pour agrandir le nombre de cités grecques qui appartenaient au système de clientèle qui lui était propre[1]. La reprise d’une politique d’expansion de la part de la Macédoine, sous le règne de Philippe V, marque le début de la seconde guerre de Macédoine et la victoire des Romains sur les Macédoniens à Cynoscéphales en -197. La Macédoine devient alors un protectorat romain, mais Titus Quinctius Flamininus garantit l’indépendance de la Grèce en -196, lors des Jeux isthmiques de Corinthe, ce qui livre la Grèce à des querelles internes[2].
L’affaiblissement de la Macédoine favorisa les projets d’Antiochos III qui voulut envahir la Grèce. En -192, il débarque en Grèce mais ne reçoit guère de soutien si ce n'est celui de la Ligue étolienne. Il est battu en -191 aux Thermopyles, puis repasse en Asie, où il est écrasé en -190 à Magnésie par L. Scipion l'Asiatique (frère de Scipion l'Africain).
La troisième guerre de Macédoine voit la victoire de Paul Émile sur le fils de Philippe V, Persée de Macédoine, à Pydna en -168, mettant ainsi fin à la dynastie des Antigonides. La Macédoine est également divisée en 4 districts dont les chefs-lieux étaient Amphipolis, Thessalonique, Pella et Pélagonia[3].
Après la victoire de Pydna, les Romains accentuent leur présence en Grèce et y font défendre leurs intérêts. Mais cet interventionnisme est mal perçu par les populations, qui se révoltent en Macédoine (-148) et dans le Péloponnèse (-146)[4]. Ces soulèvements s’achèvent par le sac de Corinthe en –146 et la péninsule devient alors protectorat romain, auquel les îles de la mer Égée sont ajoutées en -133. Athènes et d’autres cités se révoltèrent en -88 mais furent écrasées par le général romain Sylla. Les guerres civiles romaines dévastèrent le pays encore plus, jusqu’à ce qu’Auguste organise toutes les provinces, dont la péninsule en tant que province d’Achaïe en -27.
Les autres cités-États finirent petit à petit par rendre hommage à Rome, perdant de fait leur indépendance, mais sauvegardant divers degrés d'autonomie : les Romains laissèrent l’administration locale aux Grecs, sans essayer d’abolir leurs habitudes politiques. Ainsi l’agora d’Athènes continua à être le centre de la vie politique et civique.
L'édit de Caracalla, en 212 de notre ère, étendit la citoyenneté hors d’Italie à tous les hommes libres de l’ensemble de l’Empire romain, élevant les populations provinciales à un statut égal de celui de Rome. Les sociétés déjà intégrées, telles que la Grèce, étaient plus favorables à ce décret que les provinces plus lointaines, trop pauvres ou se sentant trop étrangères telles que la Bretagne, la Palestine ou l’Égypte. Le décret de Caracalla n’a pas mis en route le processus qui mènera au transfert du pouvoir d’Italie vers l’orient et la Grèce, mais l’a accéléré, jetant les fondations d’une Grèce, puissance majeure en Europe et en Méditerranée pendant le Moyen Âge, que l'historien allemand Hieronymus Wolf appela au XVIe siècle « Byzance ».
Influence de la Grèce sur l'Empire romain
[modifier | modifier le code]La Grèce était la province orientale clé de l’Empire romain, puisque la culture romaine fut pendant longtemps, de fait, gréco-romaine. La langue grecque servait de lingua franca dans l’est et était utilisée comme langue de culture à côté du latin, en Italie et dans les provinces d'Occident. Nombre d’intellectuels grecs tels que Claude Galien auraient réalisé beaucoup de leurs travaux à Rome.
Plusieurs empereurs firent édifier de nouveaux bâtiments dans les villes grecques, particulièrement sur l’agora d’Athènes, où l’Agrippeai de Marcus Vipsanius Agrippa, la bibliothèque de Pantaneus et la Tour des Vents entre autres furent construits. La vie en Grèce continua sous l’Empire romain à peu près comme avant. La culture romaine fut largement influencée par celle des Grecs. Les épopées d’Homère inspirèrent l’Énéide de Virgile, et des auteurs tels que Sénèque le Jeune écrivaient en utilisant un style grec. Les nobles romains qui considéraient les Grecs comme arriérés et sans importance étaient les principaux opposants politiques de héros romains, tels que Scipion l'Africain, qui étudiaient la philosophie et considéraient la culture et la science grecques comme des exemples à suivre. De la même façon, beaucoup d’empereurs romains tendaient à être philhellènes. L’empereur Néron visita la Grèce en 66 et participa aux Jeux olympiques en dépit de l’interdiction faite aux non-Grecs d'y participer. Il y remporta une victoire dans chaque discipline et en 67 proclama la liberté des Grecs aux Jeux isthmiques de Corinthe, 263 ans après que Flamininus eut fait de même. Hadrien était également admirateur des Grecs. Avant de devenir empereur, il fut archonte éponyme d'Athènes. Il fit aussi construire l’arche qui porte son nom, et eut un amant grec, Antinoüs. À cette époque, la Grèce, tout comme une grande partie de l’Empire romain d’orient, subit l’influence du christianisme. Paul de Tarse prêcha à Corinthe et à Athènes, et la Grèce devint rapidement une des régions les plus christianisées de l’Empire.
Empire romain tardif
[modifier | modifier le code]Pendant le deuxième et troisième siècle, la Grèce est divisée en provinces dont l’Achaïe, la Macédoine et la Mésie. Pendant le règne de Dioclétien à la fin du IIIe siècle, la Mésie fut organisée en diocèse et dirigée par Galère. Sous Constantin Ier, la Grèce faisait partie des préfectures de Macédoine et de Thrace. Théodose Ier divisa la préfecture de Macédoine en provinces de Crète, d’Achaïe, de Thessalie, de vieille Épire, de Nouvelle Epire et de Macédoine. Les îles de l’Égée formèrent la province d’Insulae dans la préfecture d’Asiana. Toujours sous le règne de Théodose, la Grèce dut faire face aux invasions des Hérules, des Wisigoths, des Goths et des Vandales. Stilicon, régent pour Arcadius, évacua la Thessalie lorsque les Wisigoths envahirent cette région à la fin du IVe siècle. Flavius Eutropius, chambellan d’Arcadius, autorisa Alaric à entrer en Grèce ; ce dernier pilla Athènes, Corinthe et le Péloponnèse. Stilicon le repoussa finalement vers 397 et Alaric fut fait magister militum en Illyrie. Finalement, Alaric et les Goths migrèrent vers l’Italie, pillèrent Rome en 410 et établirent en Ibérie et dans le sud de la France le Royaume wisigoth, qui durera jusqu’en 711 et l’arrivée des Arabes.
Bien que la Grèce continuât d'appartenir à la partie orientale, de plus en plus hellénisée, de l’empire romain, elle n'était désormais plus le centre culturel de l'hellénisme, qui s’était déplacé vers l’est, à Constantinople et en Anatolie, depuis le règne de Constantin. Athènes, Sparte et les autres cités de la péninsule déclinèrent et beaucoup de leurs statues et autres œuvres d’art furent déplacées à Constantinople. En revanche, le pays devint l’un des plus grands centres de la Chrétienté à la fin de l’Empire romain et au début de la période byzantine. Cette évolution transparaît dans la signification des mots « Hellènes » (Έλληνες / Hellênes) et « Romées » (Ῥωμαῖοι / Rōmaíoi) qui, en Grec médiéval (Μεσαιωνική Ελληνική), signifient respectivement « Hellène payen, antique » et « Grec chrétien, citoyen de l'Empire romain ».
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Roland Étienne, Christel Müller et Francis Prost, Archéologie historique de la Grèce antique, Paris, Ellipses, , 3e éd.
- Maurice Sartre, Le Haut-Empire romain : Les provinces de Méditerranée orientale d'Auguste aux Sévères, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoires », (1re éd. 1991).
- (en) Maud W. Gleason, « Greek Cities Under Roman Rule », dans David S. Potter (dir.), A Companion to the Roman Empire, Malden et Oxford, Blackwell, , p. 228-249
- (en) Angelos Chaniotis, Age of Conquests : The Greek World from Alexander to Hadrian, Cambridge, Harvard University Press,
- Catherine Grandjean (dir.), Gerbert-Sylvestre Bouyssou, Christophe Chandezon et Pierre-Olivier Hochard, La Grèce hellénistique et romaine : D'Alexandre à Hadrien, 336 avant notre ère-138 de notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes Anciens »,
Notes et références
[modifier | modifier le code]- D'après Grèce, Guides Bleus, 2000
- Fernand Braudel, Les Mémoires de la Méditerranée, 1998 (ISBN 2-7441-2834-1).
- Rome et l'intégration de l'Empire, t.2 Approches régionales du Haut-Empire romain, Claude Lepelley, Nouvelle Clio,1998 (ISBN 2-13-048711-4)
- D'après Grèce, Guides Bleus