Alcoolisme étudiant en France
L'alcoolisme étudiant en France est le développement de certaines pratiques de surconsommation d'alcool chez les étudiants, avec de nombreuses conséquences sur le plan sanitaire et social.
Phénomène générationnel aux multiples facettes
[modifier | modifier le code]En France, la surconsommation d'alcool dans le milieu étudiant a fait l'objet de rapports politiques, tel que le rapport Wauquiez[1] et le rapport Daoust[2], sociologiques[3], et sanitaires[4]. Elle est un enjeu de santé publique, à la fois pour les risques à court terme qu'induisent la surconsommation d'alcool (perte de mémoire, risque accru de violence et de mort accidentelle), que des risques médicaux à long terme (hypertension, cirrhose). La consommation d'alcool augmente le risque d'accidents de la route, qui sont la première cause de décès en France des jeunes de 15 à 24 ans[5].
Les études toxicologiques de l'Insee montrent, chez les jeunes de 17 ans, une augmentation de l'ivresse depuis 2003, qui s'accompagne d'une baisse de l'usage du tabac et du cannabis[6]. De manière générale, la consommation moyenne d'alcool en France a baissé de 40 % en 40 ans[7].
Selon une enquête de la mutuelle LMDE en 2006[8], 23 % des étudiants consomment de l'alcool au moins une à deux fois par semaine. Caractérisée par un certain nombre de pratiques spécifiques, entre autres le développement du binge-drinking, cette surconsommation d'alcool se manifeste principalement dans le cadre de week-ends d'intégrations et de soirées étudiantes, l'alcool étant associé à la fête pour 75 % des étudiants selon cette même enquête. Elle peut également être mise en relation avec la persistance de certaines pratiques de bizutage incluant une consommation d'alcool aboutissant parfois à des comas éthyliques[9].
Certains incidents appuient que ce phénomène, loin d'être endigué, représente encore un réel problème de santé publique. Parmi les affaires les plus médiatisées, on peut citer notamment :
- En 2010, des cas de comas éthyliques survenus à l'école HEC Paris[10] et à l'université catholique de Louvain[11], une bagarre au bar de l'ESSEC ayant entraîné la mutilation d'un étudiant[12], décès d'un étudiant de l'École polytechnique[12], mort d'un étudiant de l'ISC Paris[12], mort d'un étudiant lors du rendez-vous annuel des étudiants en pharmacie[13], mort d'un étudiant en droit lors d'un séjour organisé par son université[14], plaintes pour viol d'une étudiante de Grenoble École de management à la suite d'un WEI[15]ainsi que de l'ICN Nancy[16].
- En 2011, la mort d'un étudiant de la Skema Business School, étouffé lors de son sommeil en déglutissant[17].
- La mort d'un étudiant en médecine au cours d'un week-end d'intégration en 2009[18].
- Le coma éthylique d'un étudiant de l'ESC Toulouse en 2008 lors d'un week-end d'intégration[19].
- La mort d'un étudiant de l'École centrale Paris après une soirée d'intégration en 2005[20].
- Le saccage dans la nuit du des locaux de l'HEC Paris après une beuverie organisée par des étudiants[21].
- Les polémiques autour des soirées organisées dans le cadre du carnaval étudiant de Caen, notamment en 2019[22].
Facteurs à l'origine du phénomène
[modifier | modifier le code]Différents facteurs sont invoqués pour expliquer ce phénomène. Premièrement, le développement de campus en banlieue des grandes villes dans les années 1970[23] qui pousse les associations étudiantes à organiser des soirées alcoolisées sur ces campus plutôt que dans des salles de soirée conventionnelles.
Deuxièmement, certaines stratégies marketing spécifiques de fabricants de boissons alcoolisées : conditions d'achats intéressantes, sponsoring de certaines activités étudiantes, création de produits destinés spécialement à cette catégorie de consommateurs, comme le prémix, encourageant la surconsommation[3][source insuffisante].
Enfin, on peut également citer des facteurs tel que la pression des pairs et la valorisation de la beuverie dans la culture estudiantine[24]. Le manque d'efficacité de certaines stratégies de prévention[25][source insuffisante] peuvent aussi jouer. En particulier, des stratégies insistant sur le risque pour la santé se révéleraient contre-productives.
Réaction des pouvoirs publics
[modifier | modifier le code]La loi Evin de 1991 interdit le parrainage des soirées étudiantes par les fabricants ou les distributeurs d'alcool[26] :
« Toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques »
En 2008, une charte des bonnes pratiques est signée par la Conférence des grandes écoles et vise à améliorer la prévention et la sécurité lors des événements festifs[27]. Cette charte a été ratifiée par toutes les écoles membres.
En 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoire mentionne[28] :
« l’interdiction, sauf dans le cadre d’opérations de dégustation, de fêtes et foires traditionnelles déclarées ou nouvelles autorisées, d’offrir gratuitement à volonté des boissons alcooliques dans un but commercial ou de les vendre à titre principal contre une somme forfaitaire »
Cependant, certaines associations estiment que cette mesure est insuffisante, en partie parce qu'elle n'interdit pas aux distributeurs de faire de la publicité sur internet[29].
À l'initiative de Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et après une série particulièrement importante d'incidents graves en 2010[30], des mesures sont mises en place pour mieux encadrer la consommation d'alcool dans le supérieur[31] à la suite du rapport Daoust[2]. Ces mesures comprennent l'obligation de déclarer tout événement festif en mairie ou en préfecture, la généralisation des contrôles pour vérifier que la loi HPST sur les open-bars est correctement appliquée, ainsi que des cours de prévention dispensés dans les universités.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- https://www.assembleenationale.fr/12/rap-info/i3494.asp
- Martine Daoust, Rapport du groupe de travail sur la mission « soirées étudiantes et week-ends d’intégration », Poitiers, , 35 p. (lire en ligne)
- https://www.ove-national.education.fr/medias/images/concours/Memoire_NGOM.pdf
- La Consommation d'alcool en milieu étudiant, enquête épidémiologique, par Leclef et Philippot, Université Catholique de Louvain, ISSN 1142-1983
- https://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATCCJ06206
- https://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF06234
- https://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF06219
- La Mutuelle des étudiants, La santé des étudiants 2005-2006. Enquête nationale et synthèses régionales, Paris, Editions de la Vie Universitaire, , 300 p. (ISBN 978-2-84643-006-7, lire en ligne)
- « Grandes ecoles, grandes beuveries ! ! : educobs », sur nouvelobs.com via Wikiwix (consulté le ).
- Le Parisien, « Le petit fils de Balladur blessé à HEC », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le ).
- « Sudinfo.be », sur La Nouvelle Gazette (consulté le ).
- « Deux étudiants de grandes écoles décèdent après des excès d'alcool », sur nouvelobs.com via Internet Archive (consulté le ).
- Delphine Chayet, « Un étudiant trouve la mort lors d'une fête alcoolisée », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
- « La Voix du Nord », sur La Voix du Nord (consulté le ).
- Jérémy Maccaud, « Soupçon de viol lors du week-end d'intégration », L'Express, (lire en ligne, consulté le ).
- « letudiant.fr/etudes/ecole-de-c… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « La Voix du Nord », sur La Voix du Nord (consulté le ).
- « parismatch.com/Actu-Match/Soci… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « L’alcool et la misogynie, les ingrédients d’un bizutage “réussi” », sur Letudiant.fr (consulté le ).
- Le Parisien, « Mort à l'école Centrale : mise en examen pour «homicide involontaire» », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le ).
- Samuel Aslanoff, « INFO France Bleu 107.1 : Des étudiants de HEC saccagent leur campus », sur Francebleu.fr, (consulté le ).
- « Carnaval étudiant de Caen: 249 jeunes secourus après avoir consommé de l'alcool et de la drogue », BFM TV, (lire en ligne)
- Hottin, Christian, « Les Délices du campus ou le douloureux exil », sur Revues.org, Histoire de l’éducation, no 102, ENSL, (ISBN 2-7342-0984-5, ISSN 0221-6280, consulté le ), p. 267–293.
- Benjamin Masse, « Rites scolaires et rites festifs : les « manieres de boire » dans les grandes écoles: », Sociétés contemporaines, vol. no 47, no 3, , p. 101–129 (ISSN 1150-1944, DOI 10.3917/soco.047.0101, lire en ligne, consulté le )
- https://www.iae.univ-lille1.fr/SitesCongres/JIMS/images/10_Werle%20et%20alii.pdf
- « Article L3323-2 - Code de la santé publique », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
- « cge.asso.fr/Societe/CHARTE%20E… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « L’alcool, les étudiants et la loi | Fil santé jeunes », (consulté le )
- « Loi Bachelot: combattre l'alcool et l'obésité mais pas la pub », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
- Christine Ducros, « Pécresse en croisade contre l'alcoolisme étudiant », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
- « Pécresse s'attaque aux week-ends d'intégration », sur Le Point, (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jacqueline Freyssinet-Dominjon, Anne-Catherine Wagner, L'alcool en fête : manières de boire de la nouvelle jeunesse étudiante, L'Harmattan, 2003.
- Viviane Kovess-Masféty, N'importe qui peut-il péter un câble ?, Odile Jacob, 2008.
- Guy Caro, De l'alcoolisme au savoir-boire, L'Harmattan, 2007 (étude sur la consommation d'alcool dans une ESC).
- Benjamin Masse, Rites scolaires et rites festifs : les « manières de boire » dans les grandes écoles, Presse de Science Po, 2002. ISSN 1150-1944.