Dans ce labo français de Nokia sont conçues des puces aux propriétés particulières
En octobre, Nokia, Thales et le CEA fêtaient les 20 ans du III-V Lab. Visite guidée des laboratoires, à Paris-Saclay.
Une machine dont les hublots rappellent le sous-marin de «Vingt Mille Lieues sous les mers» et qui occupe à elle seule presque toute la largeur d’une des salles blanches du III-V Lab, à Paris-Saclay (Essonne). À l’intérieur, un réacteur accueille des plaques de silicium. Une fois celui-ci refermé, des tuyaux d’arrivée de gaz génèrent un flux à la surface de la plaque qui, petit à petit, permet d’empiler des couches successives de matériaux III-V sur la plaquette de silicium. Cette machine d’épitaxie par jet moléculaire est l’une des huit machines d’épitaxie (ou croissance de couches atome par atome) que compte le III-V Lab. Ce groupement d’intérêt économique a été fondé en 2004 par Nokia et Thales, rejoints en 2011 par le CEA pour travailler sur les semi-conducteurs III-V – désignés ainsi en raison de leur appartenance aux colonnes III et V du tableau périodique de Mendeleïev.
Des semi-conducteurs aux propriétés particulières, consistant notamment à générer de la lumière ou à transporter des signaux électroniques à très grande vitesse. Ils sont utilisés dans les capteurs pour détecter de la lumière en raison de leur grande sensibilité à la lumière infrarouge. Mais aussi dans la microélectronique pour les transistors de puissance, essentiels aux véhicules électriques. Avec des applications dans la défense et la sécurité pour les radars et les lasers de puissance, ou les amplificateurs large bande. «Aujourd’hui, tous les systèmes d’optique comme les lasers reposent sur des semi-conducteurs III-V», précise Jean-Luc Beylat, le président de Nokia Bell Labs France.
Transferts technologiques
L’un des défis sur lequel travaillent les quelque 120 chercheurs du III-V Lab, avec ceux du CEA-Leti à Grenoble ? L’amélioration constante de l’intégration de ces composants III-V sur silicium, afin d’augmenter les performances et la miniaturisation tout en réduisant les coûts. Ainsi, la toute dernière acquisition du III-V Lab, une machine d’épitaxie par dépôt chimique, permet de travailler sur des galettes de silicium de 300 mm, les plus répandues aujourd’hui dans l’industrie, contre 100 mm environ sur les machines de la précédente génération.
Autre innovation : il est possible de réaliser des contrôles en temps réel des épaisseurs déposées grâce à des instruments situés au-dessus du réacteur. «Le processus commence par l’épitaxie. Nous avons recours à des machines capables de souder dans des conditions de chaleur extrême afin de créer des connexions atomiques, car les composants III-V, qui n’existent pas à l’état naturel, sont particulièrement difficiles à intégrer sur le silicium. Nous y parvenons aujourd’hui», assure Myriam Oudart, la directrice de communication du III-V Lab.
Les innovations développées par ce laboratoire ont fait l’objet de transferts technologiques, notamment vers Lynred en 2012 (capteurs infrarouges) et vers United Monolithic Semiconductors (microélectronique). Doté d’un budget annuel de 25 millions d’euros, financé équitablement par les trois partenaires, le III-V Lab est en cours de discussion avec les autorités européennes. Objectif : bénéficier de subventions complémentaires dans le cadre d’un Chips act européen 2, révèle Jean-Luc Beylat.
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3737 - Décembre 2024
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