Présentation de l'épreuve
Comme cela est prévu depuis déjà deux ans, ce Grand Prix d'Australie sera le dernier à se disputer à Adélaïde. Dès mars 1996, soit dans cinq mois, la Formule 1 retrouvera le pays des kangourous, mais à Melbourne, sur un tout nouveau circuit tracé à l'intérieur du Parc Albert. Pour justifier l'abandon d'Adélaïde, Bernie Ecclestone déclare s'être lassé des critiques de la presse australienne envers le coût de cet événement. En fait, la Formule 1 se détourne de l'État d'Australie-Méridionale car celui-ci a édicté en 1993 une législation anti-tabac, au bénéfice de l'État de Victoria qui accepte encore la publicité pour les cigarettiers dans les compétitions sportives. Néanmoins, et comme un pied-de-nez à Ecclestone, les Australiens du Sud se déplacent en masse pour cet événement: on dénombrera dimanche 205 000 spectateurs dans les tribunes (record absolu de l'histoire de la F1), et 520 000 sur les quatre jours !
Cette dix-septième épreuve aux Antipodes est dépourvue d'enjeu puisque les deux titres pilotes et constructeurs sont déjà attribués à Michael Schumacher et à Benetton-Renault. Le double champion du monde allemand conserve néanmoins un objectif, à savoir remporter sa dixième victoire de la saison pour établir ainsi un nouveau record. Le seul « suspens » concerne la troisième place du championnat des pilotes que se disputent David Coulthard (49 points), Johnny Herbert (45 pts) et Jean Alesi (42 pts).
Ce Grand Prix est en fait surtout celui des adieux: auréolé de deux couronnes mondiales à seulement 26 ans, Michael Schumacher quitte son « cocon » de Benetton pour rejoindre la Scuderia Ferrari. Flavio Briatore va devoir impulser un nouveau rythme à une écurie qui ne vivait que pour le champion allemand. Renault ne le voit pas non plus partir sans regret: « Schumi » aurait sans doute pu apporter bien d'autres lauriers au Losange. Jean Alesi et Gerhard Berger, les enfants chéris des tifosi, vont faire cet hiver le chemin inverse, de Ferrari à Benetton. Quant à David Coulthard, c'est avec amertume qu'il dispute sa dernière course pour Williams-Renault: bien qu'il n'ait absolument pas démérité au cours de cette saison 1995, dominant même souvent Damon Hill, il doit céder sa place au jeune Jacques Villeneuve dont l'arrivée en F1 sera l'événement de 1996.
Coulthard a cependant trouvé un point de chute des plus appréciables chez McLaren-Mercedes. Il y prendra la place de Mark Blundell qui lui n'a pas de contrat pour l'année prochaine. Le teigneux Londonien a pourtant assumé avec brio sa tâche d'« intérimaire prolongé » suite au départ précipité de Nigel Mansell au printemps. Ron Dennis a cependant constaté que jamais il n'avait pu s'approcher de Mika Häkkinen, et estime que Coulthard sera plus à même de titiller le virevoltant Finlandais. Blundell guigne encore un volant chez Sauber ou Tyrrell, mais il est plus probable qu'il trouvera refuge en IndyCar. Il a ainsi reçu une offre de l'écurie PacWest de Bruce McCaw.
Le jeune Anglais Oliver Gavin, récent champion de Grande-Bretagne de Formule 3, devait prendre la place d'Andrea Montermini chez Pacific pour ce dernier Grand Prix, moyennant finances bien entendu. Hélas, comme Katsumi Yamamoto à Aïda, Gavin se voit refuser sa super-licence par la FIA, sous prétexte qu'il ne remplit pas les critères requis. Montermini conserve donc le baquet de la seconde Pacific. L'avenir de la petite écurie de Keith Wiggins s'annonce bien sombre puisqu'elle n'a pas de budget pour 1996. En outre, Bertrand Gachot, pilote et copropriétaire du team, est las du tirer le diable par la queue et envisage de se retirer à l'issue de ce Grand Prix.
Vendredi, Eddie Irvine est de méchante humeur: il ne retrouve plus son téléphone portable et pense qu'on lui a volé ! Il s'agit en fait d'une simple blague de Gerhard Berger qui a un temps subtilisé le précieux objet avant de le remettre à son propriétaire. Toutefois, quelques jours plus tard, Irvine aura la mauvaise surprise de recevoir une note de téléphone salée: Berger a profité de son « emprunt » pour appeler ses amis en Europe ! Autre scène de vie, toujours avec Eddie Irvine. Celui-ci est attablé dans un bar d'Adélaïde lorsqu'il aperçoit son futur équipier Michael Schumacher: « - Salut Michael, tu prends un verre ? - Désolé Eddie, je ne bois jamais d'alcool », ment le champion du monde. « - Et alors quoi, tu es enceinte ? » reprend Irvine. L'Allemand apprécie peu...
Côté technique, les écuries apportent peu de nouveautés aérodynamiques pour cet ultime rendez-vous de la saison. Elles éprouvent surtout leurs systèmes de freinage sur ce tracé-référence en la matière. Chez Benetton, Schumacher teste ainsi des disques de 26 puis de 28 mm, alors que Ferrari inaugure des étriers Brembo à huit pistons. Les Arrows-Hart de Morbidelli et Inoue sont munies du nouvel extracteur qui cette fois fonctionne sans mal.
Grave accident pour Mika Häkkinen
Vendredi 10 novembre 1995. Il est 13h13 à Adélaïde, la première session qualificative vient de s'ouvrir sous un chaud soleil. Mika Häkkinen, lancé pour un tour rapide, aborde à environ 175 km/h le virage n°9 (Brewery Bend) qui débouche sur la longue ligne droite de Brabham Straight. Soudain le pneu arrière-gauche de la McLaren-Mercedes explose. Häkkinen monte sur ses freins mais avec trois roues cette action est bien vaine. Sa machine dérape, décolle sur le vibreur, tournoie sur elle-même et s'encastre par l'avant-gauche, avec une grande violence, dans la pile de pneus qui fait office de glissière. Le choc est très rude et Häkkinen demeure immobile dans son cockpit. L'équipe médicale se met aussitôt en route vers le lieu de l'accident. Les caméras de télévision se détournent. L'angoisse se répand dans le paddock. Lorsque le Pr. Sid Watkins se penche sur la McLaren accidentée, la situation est gravissime: Häkkinen a avalé sa langue et est en train d'étouffer ! Par bonheur, le médecin ne perd pas son sang-froid: avec l'aide de ses collègues, il extrait prudemment le malheureux de son habitacle et pratique sur celui-ci une trachéotomie à même le sol, lui sauvant ainsi la vie.
Grâce à cette opération improvisée, Häkkinen peut de nouveau respirer et reprend connaissance, mais il souffre de terribles maux de tête qui laissent augurer de graves blessures. Il est transporté vers le Royal Hospital d'Adélaïde qui par chance ne se situe qu'à cinq minutes du circuit. Ron Dennis et Didier Coton, son agent, le rejoignent rapidement. Les médecins australiens pratiquent une IRM. Celle-ci révèle que Häkkinen souffre d'une fracture à la base du crâne et de lésions sévères de l'oreille interne. Néanmoins, aucune blessure « extérieure » n'est détectée. Le Finlandais est placé sous sédatifs et assistance respiratoire. Il sombre dans un coma artificiel. Dans la soirée, le Royal Hospital tient un point presse. Le médecin en charge du service de réanimation déclare que Mika Häkkinen se trouve dans un « état grave mais stable ». « Sa situation neurologique reste imprévisible pour les prochains jours », ajoute l'homme de l'art.
Heureusement, le pilote finlandais passe une bonne première nuit et, dès le samedi, réagit à des stimuli. Ron Dennis convoque la presse pour faire part d'un optimisme mesuré. Samedi après-midi, les parents de Mika Häkkinen s'envolent d'Helsinki pour se rendre au chevet de leur fils. L'état de celui-ci évolue favorablement. Le soir, le Royal Hospital publie un nouveau communiqué rassurant: « Nous constatons une amélioration significative de l'état de santé de M. Häkkinen. Il s'est réveillé au cours de la journée, il est conscient, il s'assoit, il parle. » Ses jours ne paraissent donc plus en danger.
La cause de cet accident est vite établie: il s'agit d'une crevaison consécutive à une déchirure sur le pneu arrière-gauche. Au cours du week-end, trois autres pilotes (David Coulthard, Gerhard Berger et Pedro Lamy) sont victimes d'une coupure semblable, sans aller jusqu'à la crevaison. Goodyear alerte le pouvoir sportif, mais aucun autre incident ne sera déploré sur l'ensemble du week-end. En revanche, les pilotes critiquent la sécurité très déficiente dans ce droit rapide de Brewery Bend. L'impact encaissé par Häkkinen n'a pu être amorti par l'unique rangée de pneus disposée là en guise de glissière. Vendredi soir, Roland Bruynseraede conduit une inspection avec Michael Schumacher, Gerhard Berger et Damon Hill. Ceux-ci font regarnir la muraille litigieuse.
Essais et qualifications
Pour la dernière fois, la grille de départ est déterminée par deux séances qualificatives. Samedi, les pilotes ont du mal à améliorer leurs chronos de la veille, car entretemps le mercure grimpe de quelques degrés et l'asphalte se couvre de poussière. L'avantage est aux Williams-Renault. Hill, souverain, réalise sa onzième pole position (1'15''505''') sans jamais être inquiété. Coulthard (2ème) se plaint de sous-virage mais ne rend qu'un dixième à son compagnon d'écurie. Schumacher (3ème) met comme souvent du temps à bien équilibrer sa Benetton-Renault. Herbert réalise le huitième chrono. Les Ferrari sont assez proches des machines motorisées par Renault. Berger est un temps disqualifié car il accomplit vendredi treize tours au lieu des douze réglementaires, mais ses chronos lui sont rendus car il a en fait effectué un de ces tours sous drapeau rouge. Victime d'un problème moteur, l'Autrichien ne peut améliorer samedi mais partira tout de même quatrième. Alesi est affecté vendredi par deux pannes électriques et se déchaîne pour conquérir le lendemain le cinquième chrono.
Frentzen décroche une superbe sixième place avec sa Sauber-Ford. Vendredi matin, Wendlinger sort rudement dans le second tournant et heurte les glissières de face. Un retour de volant lui abîme les mains. Il reste au garage l'après-midi, et le lendemain se contente de se qualifier au 21ème rang. Pour une fois, Barrichello (7ème) place sa Jordan-Peugeot devant celle d'Irvine (9ème). Blundell se classe dixième avec la seule McLaren-Mercedes encore en lice. Brundle retrouve sa place chez Ligier et réalise le onzième temps, trois dixièmes devant Panis (12ème). Morbidelli (13ème) confirme les progrès sensibles de l'Arrows-Hart et fait du petit bois du pauvre Inoue (19ème). Les Tyrrell-Yamaha (Salo 14ème, Katayama 16ème) côtoient dans le ventre mou les Minardi-Ford (Badoer 15ème, Lamy 17ème). Jolie prestation des Forti-Ford (Moreno 20ème, Diniz 21ème) qui ne concèdent « que » cinq secondes aux meilleures et devancent de plus d'une seconde leurs rivales directes, les Pacific-Ford (Montermini 22ème, Gachot 23ème).
Le Grand Prix
Il se déroule par une forte chaleur et devant une affluence massive, comme on l'a vu plus haut. Les Williams dominent de nouveau lors du warm-up, et une fois encore Hill se montre plus rapide que Coulthard. Du fait de la chaleur, Goodyear recommande trois arrêts aux stands, consigne suivie par les top teams. Parmi les favoris, seul Herbert planifie deux pit-stops. Peu avant le départ, l'ensemble des employés de McLaren se réunit autour de Mark Blundell, lequel brandit un panneau délivrant un message de soutien à Mika Häkkinen: « Get well soon Mika ».
Tour de formation: Badoer ne parvient pas à démarrer à cause d'une panne de sa centrale de gestion électronique. Malgré les efforts des ingénieurs de Minardi, l'Italien ne pourra pas prendre le départ.
Départ: Hill fait quelque peu patiner ses roues. Il tente de se rabattre devant Coulthard, bien parti, mais ce dernier déborde malgré tout son équipier par l'extérieur au premier freinage. Schumacher peine à démarrer et se retrouve derrière les Ferrari de Berger et d'Alesi.
1er tour: Schumacher déborde Alesi au bout de Brabham Straight. À l'issue de cette première boucle, Coulthard devance Hill, Berger, Schumacher, Alesi, Frentzen, Herbert, Irvine, Barrichello et Brundle.
2e: Les Williams-Renault s'échappent assez facilement. Schumacher pourchasse Berger.
3e: Une seconde et demie sépare Coulthard et Hill. Schumacher est dans les roues de Berger. Montermini part en tête-à-queue dans la dernière courbe. Il ne parvient pas à réenclencher un rapport et gare sa Pacific le long du muret des stands.
5e: À l'épingle, Schumacher dépasse Berger au forceps car l'Autrichien lui laisse juste assez d'espace pour se faufiler. Mais le double champion du monde a perdu du temps derrière la Ferrari: il concède plus de dix secondes aux Williams.
6e: Coulthard précède Hill (1.9s.), Schumacher (11.3s.), Berger (13.4s.), Alesi (15.6s.), Frentzen (16.7s.), Herbert (17.1s.), Irvine (21.5s.), Barrichello (25s.) et Brundle (26s.).
7e: Les Ferrari ne sont guère performantes: Alesi est ainsi menacé par Frentzen et Herbert. L'Avignonnais rattrape superbement un début d'embardée à la sortie de la chicane.
8e: Schumacher réduit quelque peu son retard sur les Williams. Gachot exécute un tête-à-queue sans conséquence au virage n°13. Wendlinger rentre à son garage car ses blessures aux mains le font trop souffrir pour continuer.
9e: Herbert poursuit Frentzen pour le gain de la sixième place, sans pouvoir passer.
10e: L'intervalle entre Coulthard et Hill demeure stable, autour d'une seconde et demie. Schumacher roule à dix secondes de la seconde Williams.
12e: Les leaders rencontrent les premiers attardés. Schumacher ne remonte plus sur Hill car il est déjà en délicatesse avec ses gommes.
13e: Coulthard est premier devant Hill (1.1s.), Schumacher (12.4s.), Berger (21.7s.), Alesi (25s.), Frentzen (29.1s.), Herbert (30.2s.), Irvine (37s.), Barrichello (43.6s.), Brundle (46.3s.), Blundell (55.5s.) et Panis (55.7s.).
15e: Hill a perdu un peu de temps derrière le retardataire Katayama et rend maintenant deux secondes à Coulthard.
16e: Hill réagit et réalise le meilleur chrono de l'après-midi: 1'17''943'''. Schumacher est repoussé à douze secondes de l'Anglais. Herbert harcèle encore Frentzen, en vain.
17e: Schumacher rejoint Inoue sur Flinders Street. Peut-être intimidé d'apercevoir le champion du monde dans ses rétroviseurs, le Japonais part en tête-à-queue, frotte le muret avec son museau et échoue dans l'échappatoire. Sa remarquable saison avec Arrows se termine ainsi.
18e: Deux secondes entre Coulthard et Hill. Schumacher bute un temps sur Katayama, l'autre Japonais... Herbert fait l'intérieur à Frentzen au bout de Brabham Straight, mais il freine trop tard et glisse vers l'extérieur, ce qui permet au jeune Allemand de conserver l'ascendant.
19e: Hill arrive chez Williams pour le premier de ses trois pit-stops (9.1s.) et repart troisième. Berger opère aussi un ravitaillement (11.2s.).
20e: Coulthard rentre aux stands pour ravitailler. Mais lorsqu'il braque pour entamer la pit-lane proprement dite, il garde le pied sur l'accélérateur tout en rétrogradant de 3e en 2nde. Logiquement, la Williams ne tourne pas et s'encastre dans les glissières ! L'Écossais abandonne là sa Williams, tout penaud, tandis que les commissaires agitent les drapeaux jaunes à l'entrée des stands.
21e: Schumacher se retrouve premier avec seulement trois secondes d'avance sur Hill qui bénéficie de pneus neufs. La Jordan de Barrichello bondit lorsque celui-ci rétrograde pour tourner au virage n°13. Le Brésilien tire tout droit dans la muraille de pneus.
22e: Schumacher arrive chez Benetton pour changer de gommes et remettre de l'essence (6.9s.). Il reprend la piste un cheveu derrière Alesi. Arrêt-ravitaillement également pour Frentzen. Les commissaires évacuent les machines de Coulthard et de Barrichello.
23e: Hill est maintenant leader. Schumacher prend l'aspiration d'Alesi sur Brabham Straight et lui fait l'intérieur avant l'épingle. Mais il se rabat un peu trop tôt alors que son adversaire ne dévie pas d'un pouce. La roue avant-droite de la Ferrari arroche la roue arrière-gauche de la Benetton. Le choc est assez rude et si Alesi passe devant Schumacher, sa moustache droite traîne au sol. Il regagne ensuite les stands pour changer de pneus et de museau.
24e: Panis s'arrête chez Ligier pour ravitailler. En fin de boucle, Schumacher revient à son stand pour remplacer ses pneus et faire vérifier son châssis. L'Allemand reprend la piste au bout de vingt-sept secondes, en septième position. Alesi abandonne: depuis sa collision avec Schumacher, sa direction tirait vers la droite. Lamy exécute en tête-à-queue sur Wakefield Road et se retrouve dans l'échappatoire. Il rappuie sur le champignon... et part en toupie en pleine piste ! Il se relance finalement après avoir martyrisé ses pneus.
25e: Hill précède dorénavant Herbert de trente-deux secondes, Berger de quarante secondes. Irvine et Lamy passent aux stands pour ravitailler et changer de pneus. L'asphalte paraît très glissant à l'entrée des stands: Moreno y exécute un tête-à-queue et heurte le muret intérieur par l'arrière ! Il parvient à regagner son stand et met pied à terre car sa suspension arrière est faussée.
26e: Schumacher rejoint de nouveau les stands. Sa suspension arrière-gauche a trop souffert de la collision avec Alesi et il doit se retirer. L'Allemand ne gagnera pas son dixième Grand Prix de la saison. Salo observe un pit-stop.
27e: Brundle est chez Ligier pour un arrêt-ravitaillement. Diniz et Gachot passent aussi aux stands.
28e: Morbidelli fait escale chez Arrows pour remettre de l'essence et chausser des gommes fraîches. Il recule au neuvième rang derrière les Ligier. Premier arrêt aussi pour Katayama.
29e: Hill est premier devant Herbert (33.1s.), Berger (44.8s.), Frentzen (56s.), Irvine (1m. 07s.), Blundell (-1t.), Brundle (-1t.), Panis (-1t.), Morbidelli (-1t.) et Salo (-2t.).
30e: Herbert est rappelé aux stands par Benetton. Il décélère pour atteindre la pit-lane, mais il dérape sur de la poussière, traverse le terre-plein et... se retrouve sur la piste ! Il va devoir parcourir une boucle supplémentaire...
31e: Herbert parvient cette fois à entrer aux stands et subit son premier ravitaillement (9s.). Il repart en quatrième position. Brundle pourchasse Blundell pour le gain de la sixième place. L'Anglais de McLaren se défend vigoureusement face à son compatriote et tous deux entrent au contact à l'épingle. Brundle doit renoncer avec une biellette de direction cassée.
32e: Hill jouit d'une très confortable avance de quarante-huit secondes sur Berger. Frentzen est troisième à une minute du leader.
34e: Blundell effectue le premier des deux ravitaillements planifiés par McLaren et reprend la piste en huitième position, entre Morbidelli et Salo.
35: Le moteur de Berger explose sur Hutt Street. L'Autrichien n'a plus qu'à se garer dans une échappatoire. Le V12 italien achève ainsi tristement sa glorieuse carrière.
36e: Hill devance désormais Frentzen (1m. 09s.), Herbert (1m. 10s.), Irvine (-1t.), Panis (-1t.), Morbidelli (-1t.), Blundell (-1t.), Salo (-2t.), Lamy (-2t.), Katayama (-2t.), Diniz (-2t.) et Gachot (-3t.).
37e: Étonnant second, Frentzen est néanmoins menacé par Herbert. Pis: il est bouchonné par Blundell qui pense être dans le même tour que lui ! L'Allemand tente de s'en défaire à l'épingle, mais le pilote McLaren lui claque la porte au nez. Frentzen monte sur ses freins pour éviter la collision. Herbert essaie d'en profiter pour lui faire l'extérieur au tournant suivant, mais « HHF » garde sa ligne et sa position.
38e: Frentzen « déboîte » Blundell dans Brabham Straight et s'impose au freinage. Il lui exprime alors le fond de sa pensée en dressant son majeur hors de son cockpit... Herbert se défait aussi de Blundell dans la foulée.
39e: Hill s'arrête chez Williams pour son deuxième ravitaillement (8.7s.) et conserve bien entendu la première place.
40e: Frentzen ne parvient plus à rétrograder et se gare dans la pelouse à quelques mètres des stands. À mi-course, seuls onze bolides sont encore en lice !
42e: Herbert est dorénavant le seul pilote à rouler dans le même tour que Hill, à cinquante-six secondes de celui-ci. Irvine effectue son deuxième arrêt-ravitaillement et demeure troisième. Trois Britanniques occupent les trois premières places.
44e: Hill mène devant Herbert (56s.), Irvine (-1t.), Panis (-1t.), Morbidelli (-1t.), Blundell (-1t.), Salo (-2t.), Lamy (-2t.) et Katayama (-2t.).
46e: Hill n'a plus qu'à rallier l'arrivée pour empocher une victoire en solitaire. Son avance sur Herbert dépasse la minute.
48e: Les positions sont figées puisqu'aucun pilote n'en menace un autre. Hill tourne deux secondes au tour plus vite que Herbert.
50e: Hill jouit d'une minute et cinq secondes de marge sur Herbert. Irvine est à quarante-quatre secondes du pilote Benetton.
51e: Salo opère son deuxième pit-stop et cède la septième place à Lamy. Arrêt aussi pour Diniz.
52e: Hill prend un troisième tour à Katayama... non sans mal. Le Japonais a toujours autant de peine à regarder ses rétroviseurs.
53e: Hill est en tête devant Herbert (1m. 02s.), Irvine (-1t.), Panis (-1t.), Morbidelli (-1t.), Blundell (-2t.), Salo (-2t.), Lamy (-2t.), Katayama (-3t.), Diniz (-3t.) et Gachot (-4t.). Katayama et Gachot subissent leurs seconds ravitaillements.
55e: Herbert stoppe chez Benetton pour son deuxième ravitaillement (12.2s.). Il reprend la piste avec un tour de retard sur Hill. Panis, Morbidelli et Lamy passent aussi aux stands pour remettre de l'essence et des pneus neufs.
57e: Blundell subit son deuxième pit-stop (10s.). Il retrouve le circuit juste devant Irvine et le bouchonne ensuite sur plusieurs virages. Le jeune Anglais ne semble pas très au courant du classement...
58e: Hill est premier devant Herbert (-1t.), Irvine (-1t.), Panis (-1t.), Morbidelli (-2t.), Blundell (-2t.), Salo (-2t.), Lamy (-3t.) et Katayama (-3t.). Irvine fait escale chez Jordan pour son troisième et dernier arrêt-ravitaillement (8.8s.).
59e: Hill apparaît aux stands pour son troisième pit-stop. Ses mécaniciens peinent à remplacer sa roue avant-gauche et il ne redémarre qu'après vingt-deux secondes d'immobilisation. Mais, du fait de son avance phénoménale, il reste évidemment en tête.
61e: Hill compte cinquante-huit secondes de marge sur Herbert à vingt tours du drapeau à damiers. Si les choses en restaient là, l'Anglais de Benetton passerait devant Coulthard au classement mondial.
63e: Le moteur Peugeot d'Irvine cafouille. Le Nord-Irlandais regagne son stand pour faire vérifier sa distribution pneumatique, puis redémarre en quatrième position.
64e: Irvine rentre pour de bon à son garage, sans rappel de soupapes. Il n'y a plus que dix pilotes en piste.
65e: Hill précède Herbert (58s.), Panis (-1t.), Morbidelli (-2t.), Blundell (-2t.), Salo (-2t.), Lamy (-2t.) et Katayama (-3t.).
67e: Une minute toute ronde sépare Hill et Herbert. Panis, troisième, roule à près d'un tour du pilote Benetton.
70e: Herbert se gare dans une échappatoire avec une boîte de vitesses en flammes. Il ne sera pas troisième du championnat du monde. C'est aussi la première fois de la saison qu'il renonce suite à une panne. Panis se retrouve deuxième, Morbidelli troisième.
71e: Panis effectue un troisième ravitaillement assez inattendu (8s.), mais il demeure second, vingt-cinq secondes devant Morbidelli.
72e: Hill devance Panis (-1t.), Morbidelli (-2t.), Blundell (-2t.), Salo (-2t.), Lamy (-3t.), Katayama (-4t.), Diniz (-4t.) et Gachot (-5t.).
74e: Suite à une fuite d'huile, le moteur Yamaha de Katayama explose avant Brabham Straight. Diniz et sa Forti se retrouvent septièmes, soit à la porte des points.
76e: Hill est maintenant seul dans son tour et se dirige en toute quiétude vers sa quatrième victoire de la saison.
78e: La Ligier de Panis émet une très inquiétante fumée bleue. Le V10 Mugen-Honda agonise... mais ne rompt pas ! Plus loin, Blundell roule à treize secondes de Morbidelli mais n'a pas les ressources nécessaires pour l'attaquer.
79e: Panis poursuit sa route bien que son moteur soit manifestement en train de mourir. Par chance, il est sur le point de concéder un deuxième tour à Hill et pourrait ainsi recevoir tout de même le drapeau à damiers.
80e: Panis laisse passer Hill pour la seconde fois. Il s'épargne ainsi un tour supplémentaire et prie pour que son moteur tienne jusqu'au bout...
81ème et dernier tour: Glenn Dix salue Damon Hill, vainqueur du GP d'Australie avec deux tours d'avance (!) sur Panis. La Ligier fumante franchit la ligne d'arrivée in extremis, juste avant le feu d'artifice final du moteur Mugen ! Morbidelli finit troisième et apporte à Arrows son premier podium depuis six ans. Blundell se classe quatrième, Salo cinquième. Sixième, Lamy offre à Minardi un point précieux, synonyme de droits TV ! Seuls Diniz et Gachot rejoignent aussi l'arrivée.
Après la course: Hill et les veinards
Cette victoire incontestable tombe à point nommé pour Damon Hill qui semblait ne pas devoir se relever de son terrible automne (trois accidents en cinq courses). Le fils de Graham Hill rappelle à ses détracteurs qu'il n'est pas fini, est encore capable de gagner des courses, et qu'il faudra compter avec lui pour le titre mondial en 1996. « Dans un pays bien connu pour ses mouches, tous mes rivaux sont tombés comme ces insectes », commente-t-il, pince-sans-rire. « La course n'a pas été facile: quatre-vingt-un tours sur ce circuit, c'est très long. Vous êtes sans cesse à l'écoute du moindre bruit suspect sur la voiture. Mais en définitive, j'ai gagné et c'est bien là le principal. » David Coulthard quitte en revanche Williams sur une note piteuse et pourra sa targuer d'être le responsable de l'accident le plus stupide de la saison. Jamais dans les annales de la Formule 1 un pilote ne s'était crashé en entrant dans les stands ! « En passant de 3e en 2e, le moteur a repris des tours », narre le pauvre Écossais. « Comme j'avais le pied sur le frein, la voiture a tiré droit dans le mur... J'aurais dû rétrograder plus tôt... »
La saison s'est aussi achevée en eau de boudin pour Michael Schumacher et Jean Alesi qui, ironie de l'histoire, échangeront leurs baquets l'an prochain. « Un accrochage idiot », commente l'Allemand. « Alesi était vexé de se faire doubler à nouveau. Alors il a essayé de me rendre la pareille à l'extérieur, où il n'y avait pas de place. Dès qu'il baisse sa visière, il y a quelque chose qui se débranche dans son cerveau... » L'Avignonnais ne le suivra pas sur ce terrain glissant: « Michael et moi avons discuté et échangé nos versions. Il n'y a pas de polémique entre nous. Nous sommes deux pilotes professionnels. Nous en reparlerons s'il le désire. » Dont acte. Ferrari conclut en tout cas une saison décevante par un nouvel double abandon. La Scuderia termine troisième du championnat des constructeurs avec une seule victoire et 73 points, soit presque exactement son total de 1994. Michael Schumacher devra réveiller les hommes de Jean Todt qui ne progressent plus mais stagnent...
Olivier Panis a eu chaud, dans tous les sens du terme. Son V10 Mugen-Honda a failli lui fait perdre une splendide deuxième place qui permet à Ligier de s'emparer de la cinquième place du championnat des constructeurs aux dépens de Jordan-Peugeot. D'autre part, Flavio Briatore ne pourra plus dorénavant critiquer le manque de résultats du jeune Français. « La voiture était bien équilibrée, tout s'est bien passé jusqu'à ce que surgisse mon problème moteur », explique Panis. « Je ne tirais plus que 6000 tours/minute et j'avais les yeux sur la température d'eau qui ne voulait pas descendre en dessous des 106°C, alors que normalement elle ne dépasse pas 90°C. J'aurais pu casser mais j'ai eu la chance de tenir jusqu'au bout. Quelle belle journée au final ! »
Une belle journée également pour Gianni Morbidelli qui grimpe sur son premier podium en Formule 1. L'écurie Arrows n'avait pas été à pareille fête depuis la troisième place d'Eddie Cheever au GP des États-Unis 1989 ! En conférence de presse, le sympathique italien fait la conquête des journalistes par sa gaîté et son humour: « Mon problème en fin de course fut une terrible odeur dans mon habitacle. Je me demandais d'où elle pouvait bien venir... Émanait-elle de ma voiture ? À chaque tour, je disais à celle-ci: « allez, vas-y, encore un, encore un !... Finalement je me suis aperçu que ça venait de la Ligier de Panis ! » Plus sérieusement, Morbidelli rend un vibrant hommage à son patron Jackie Oliver. Celui-ci l'a tiré du Super-Tourisme italien où il avait trouvé refuge pour lui redonner une seconde chance en F1 en 1994, puis l'a conservé en dépit de son manque de budget, y compris en tant que réserviste durant l'« intermède Papis ». « Jackie m'a offert l'opportunité de revenir en F1. Maintenant, c'est à mon tour de lui faire ce cadeau », énonce-t-il avec émotion. Hélas, Morbidelli n'a pas de sponsor pour 1996 et Oliver l'a prévenu que cette fois il aurait besoin de deux pilotes payants. « Je vais essayer de trouver... J'espère que ce podium m'aidera un peu. Je pense qu'il n'est pas correct de s'acheter un volant. Il est absolument fou de devoir payer pour travailler, vous ne trouvez pas ? » Les journalistes applaudissent ces sages paroles.
Clap de fin sur 1995
Dimanche soir, Ron Dennis, son épouse Lisa, Didier Coton et Jo Ramirez se rendent au Royal Hospital d'Adélaïde pour prendre des nouvelles de Mika Häkkinen. Ce dernier est hors de danger, mais va devoir rester sous observation médicale pendant plusieurs semaines. Gardera-t-il des séquelles de son terrible accident ? Sera-t-il sur pied pour la saison 1996 ? Sid Watkins annonce à Ron Dennis son intention de rester quarante-huit heures de plus en Australie afin de ne pas laisser le Finlandais seul à l'autre bout du monde et de préparer son rapatriement en Europe. Une longue convalescence attend Häkkinen, mais d'ores et déjà celui-ci accorde son éternelle reconnaissance au Dr. Watkins qui lui a indéniablement sauvé la vie en pratiquant cette trachéotomie d'urgence vendredi après-midi.
Pendant ce temps-là, Damon Hill célèbre sa victoire dans un night-club en compagnie de son ami le George Harrison. Ils y retrouvent de nombreux pilotes, notamment Michael Schumacher. Passablement éméché, le « Beatle » provoque celui que Hill surnomme « Hermann the German » et lui lance que, s'il le voulait, il pourrait être « un mec super. » Schumacher, qui lui aussi n'a peut-être pas bu que de l'eau, répond en versant le contenu d'une chope de bière australienne sur la tête de Damon Hill... Ces deux-là ne se sont pas encore réconciliés...
Tony