Nick Heidfeld, né le 10 mai 1977, fut pendant longtemps le grand espoir de Mercedes qui espérait en faire un nouveau Schumacher. Ironie de l'Histoire, il devint le leader de BMW, le rival du constructeur de Stuttgart, avant de revenir dans le giron de la firme à l'étoile en 2010. Seulement, alors qu'il espérait un volant en course, il dut se contenter du rôle de réserviste au profit de... Schumacher.
Nick fait ses débuts en karting en 1986 et décroche de nombreux titres en Allemagne dans cette catégorie. A vingt ans il remporte le championnat national de F3, le plus prestigieux d'Europe après celui de Grande-Bretagne. Mercedes le pousse alors en F3000 dans son écurie West Competition Team. En 1998, il termine vice-champion derrière Juan-Pablo Montoya. Il remporte finalement le titre en 1999 devant Jason Watt, avec quatre victoires à Imola, Barcelone, Magny-Cours et Zeltweg. Parallèlement, il a le privilège d'être essayeur chez McLaren-Mercedes.
En 2000, il fait ses débuts en F1, chez Prost GP. C'est un véritable désastre puisque non seulement la voiture est une vraie mule, mais en plus les relations entre Prost et le motoriste Peugeot sont absolument détestables. Dans ces conditions, Nick, comme son illustre équipier Jean Alesi, ne marque pas un point au championnat du monde. La saison tourne même parfois au grotesque, comme lorsque les deux coéquipiers se percutent au Grand Prix d'Autriche.
C'est avec une cote au plus bas qu'il atterrit chez Sauber-Petronas en 2001. Mais la saison est très bonne car Nick, bénéficiant cette fois d'une voiture performante, réussi à marquer douze points et à finir sur le podium au Brésil. Cependant, son jeune équipier Räikkönen lui fait beaucoup d'ombre. En effet non seulement le Finlandais parvient à le dominer quelques fois, mais en plus il lui subtilise la place qui aurait dû lui revenir chez McLaren-Mercedes, du fait de son partenariat avec le constructeur allemand.
En 2002, Heidfeld reste chez Sauber et fait moins bien qu'en 2001, puisqu'il ne marque que sept points. Il domine malgré tout son jeune équipier Massa, confortant ainsi sa position dans l'équipe suisse. Mais cette dernière est en perte de vitesse, et « Quick Nick » ne peut faire mieux en course que quatrième, au Nürburgring.
2003 est une mauvaise saison pour Sauber et pour Nick qui se montre bien en deçà de son niveau habituel et qui ne marque que six petits points, dont quatre à Indianapolis où, sous la pluie, il amène sa Sauber C22 au cinquième rang. Mais son équipier Frentzen se montre bien plus à son avantage et marque deux fois plus de points que son compatriote. A la fin de l'année, la cote d'Heidfeld est au plus bas et Peter Sauber décide de se passer de lui pour 2004.
Nick trouve au dernier moment un volant chez Jordan-Cosworth pour la saison 2004. Au volant d'une mauvaise monoplace, il se montre brillant et inscrit tout de même trois points, avec une septième place à Monaco et une huitième à Montréal. Il n'a également aucune peine à dominer son équipier Giorgio Pantano. Ainsi, malgré une carrière jusqu'ici au point mort, le taciturne Allemand parvient à se rappeler au bon souvenir des écuries de pointe.
C'est alors que va se présenter la chance de sa vie : durant les essais hivernaux 2004-2005, Williams décide de le confronter à Antonio Pizzonia dans le but de l'engager en 2005. Nick réussit brillamment à dominer son rival et décroche donc le second baquet aux côtés de Mark Webber.
Heidfeld fait une bonne saison au volant de la FW27. Il prend rapidement le dessus sur Webber et monte à trois reprises sur le podium. Au Nürburgring, il signe même à la surprise générale sa première pole position devant Räikkönen. Le lendemain, il finit second et obtient ainsi son meilleur résultat en course. Mais à partir de l'été, les Williams perdent toutes leurs capacités et se traînent en fond de grille. Victime d'un gros crash en essais privés à Monza, puis d'une chute à vélo Nick est forfait pour les cinq dernières courses. Mais qu'importe, l'allemand est en effet d'ores et déjà assuré d'un baquet pour 2006 dans la nouvelle équipe BMW, ex-Sauber.
Une nouvelle aventure commence donc pour Nick chez le constructeur bavarois, aux côtés de Jacques Villeneuve. La première saison est réussie : grâce à une grande fiabilité, Heidfeld arrive souvent dans les points. Il réalise sa meilleure performance en Hongrie où après une course chaotique sous la pluie, il amène sa voiture en troisième position, donnant ainsi à BMW son premier podium en Formule 1.
Mais voilà, à partir de ce même Grand Prix de Hongrie, son coéquipier Villeneuve est remplacé par le jeune Robert Kubica. Le Polonais, très prometteur, éclipse Heidfeld et décroche lui aussi un podium à Monza. De plus, BMW engage également un nouvel essayeur, Sebastian Vettel, dix-neuf ans, qui se montre immédiatement très rapide. Ainsi, malgré une saison satisfaisante, la position de Heidfeld chez BMW semble fragilisée fin 2006.
La saison 2007 de Nick sera sa meilleure en F1. En effet, BMW a effectué de grands progrès durant l'hiver, et l'équipe allemande se positionne comme étant la troisième force du plateau. Jamais une écurie n'aura d'ailleurs autant mérité cette étiquette, car si les BMW sont cette année-là largement supérieures aux équipes du ventre mou du peloton (Renault, Red Bull, Toyota et Williams), elles sont par contre très loin des deux top teams McLaren-Mercedes et Ferrari. Heidfeld peut ainsi finir très souvent dans les points (quatorze fois en dix-sept courses), mais rarement se mêler à la lutte entre les Gris et les Rouges. Il signe tout de même deux podiums : une seconde place au Canada derrière Hamilton et une troisième place en Hongrie. Le reste du temps, il finit entre la quatrième et la sixième place. Le solide pilote allemand réussit également à globalement dominer son fougueux équipier Kubica. Il termine l'année à la cinquième place au championnat pilotes, le meilleur résultat de sa carrière.
Début 2008, la nouvelle BMW F1.08 se révèle encore meilleure que sa devancière mais, paradoxalement, Nick connaît une saison médiocre. En effet cette voiture convient mal au style de pilotage tout en finesse de l'Allemand. Ce dernier a ainsi beaucoup de mal à mettre ses gommes en température, ce qui lui vaut moult déconvenues en qualifications. Kubica est en revanche très à l'aise avec cette monoplace, et prend cette année-là l'avantage sur son équipier.
C'est donc le Polonais qui offre à BMW sa première victoire au Canada, Heidfeld ne pouvant qu'assurer le doublé. L'Allemand échoue d'ailleurs quatre fois à la seconde place en 2008 : en Australie pour l'ouverture de la saison, au Canada donc, à Silverstone sous la pluie et en Belgique, après le déclassement de Hamilton. Toujours très fiable, il parvient à récolter un nombre conséquent de points, mais avec moins de régularité qu'en 2007. Il connaît ainsi quelques courses très ternes qu'il achève dans l'anonymat du peloton. Surtout, il souffre de la comparaison avec Kubica, et des rumeurs annoncent son remplacement par Alonso pour 2009. L'Espagnol reste chez Renault, et Heidfeld garde donc finalement son volant. Il finit la saison au sixième rang, derrière Kubica. Mais il a toutefois réussi le rare exploit de terminer toutes les courses du championnat, ce qui n'était plus arrivé depuis Michael Schumacher en 2002.
La saison 2009 d'Heidfeld n'est qu'un long calvaire. La nouvelle réglementation ne permet pas à BMW de prendre le pouvoir en F1, bien au contraire. La nouvelle monoplace, la F1.09, est un échec total et l'Allemand, comme Kubica, se contente d'essuyer les plâtres. La belle deuxième place acquise sous la pluie à Sepang ne peut faire oublier les nombreuses courses anonymes passées au fond de peloton. Le pire est atteint au Grand Prix de Bahreïn où il termine dix-neuvième et dernier à la régulière ! Malgré tout, Heidfeld fait toujours preuve de solidité en finissant toutes les courses jusqu'en septembre, établissant ainsi un record de trente-trois courses consécutives sans abandon. La série prend fin à Singapour, après un stupide accrochage avec Sutil. L'allemand ne se contente pas de finir les courses. En fin de saison, la BMW s'améliore, et il parvient à inscrire quelques points. Il finit cinquième en Belgique, septième en Italie, sixième au Japon, cinquième à Abou Dabi.
Mais ce championnat 2009 est bel et bien à oublier pour Heidfeld, qui finit treizième avec dix-neuf points.
A la fin de l'année, BMW décide de mettre un terme à son engagement en F1. Peter Sauber rachète alors son ancienne équipe, mais refuse curieusement de reprendre Heidfeld. Ce dernier est un temps annoncé chez Renault, puis, et surtout, dans la nouvelle équipe Mercedes, ex Brawn. Mais le retour de Michael Schumacher empêche l'Allemand d'obtenir le volant d'une flèche d'argent. Sans contrat pour 2010, il est contraint d'accepter une offre quelque peu humiliante de Mercedes : devenir pilote d'essais et de réserve de la marque mais, du fait de la suppression des essais privés, il ne pilotera jamais la W01.
Pour s'occuper un peu, Nick se fait élire président du GPDA en lieu et place de Pedro de la Rosa, son successeur chez Sauber, avec comme vice-présidents Felipe Massa et Sebastian Vettel. Sa présidence est très courte puisqu'il cède sa place dès le mois d'août à Rubens Barrichello. Toujours en août, il devient l'essayeur officiel de Pirelli qui est à partir de 2011 le nouveau manufacturier pneumatique de la F1. Cette connaissance des futurs pneumatiques fait surtout de lui un pilote convoité.
En septembre Peter Sauber, semble-t-il revenu de ses préventions à son égard, propose à Heidfeld le baquet de Pedro de la Rosa pour les cinq dernières courses de la saison 2010. L'Allemand accepte la proposition et signe ainsi pour la troisième fois avec l'équipe suisse, où il est opposé au très prometteur Kamui Kobayashi. Avant de reprendre le volant en course, il finit ses essais avec Pirelli.
Ces cinq courses sont assez satisfaisantes, puisqu'après un accrochage avec son vieil ennemi Schumacher à Singapour, il parvient à inscrire six points, soit autant que de la Rosa avant lui. Toutefois il est sérieusement malmené par Kobayashi, plus jeune et plus éblouissant. Avant même la dernière course, Peter Sauber annonce qu'il a engagé le jeune Mexicain Sergio Pérez pour 2011. Heidfeld doit donc de nouveau quitter l'écurie suisse.
L'Allemand se remet donc en quête d'un volant, mais comme l'année précédente toutes les portes se ferment devant lui. Un temps pressenti chez Force India, celle-ci lui préfère Paul di Resta. Finalement, il semble s'acheminer vers un retour chez BMW. Le constructeur bavarois lui propose en effet de devenir l'essayeur de ses futures berlines destinées au DTM.
Mais le 6 février 2011, le très grave accident de son ancien équipier Kubica, numéro un de Renault, va lui offrir une nouvelle chance. L'écurie anglo-française cherche en effet pour remplacer le Polonais un pilote solide et expérimenté. Heidfeld est le seul candidat correspondant à ce profil et libre de tout contrat. Après quelques essais de pure forme, il est engagé officiellement jusqu'au retour de Kubica, en fait pour toute la saison. La Renault R31 est une monoplace prometteuse, et celui qui est désormais un vétéran du plateau peut enfin aborder une saison avec de nombreux espoirs.
Mais il sera très vite déçu. Lors de la première course en Australie, il ne se qualifie qu'en dix-huitième position et termine douzième, tandis que son équipier Vitaly Petrov monte sur le podium. Il se reprend en Malaisie en finissant brillant troisième, mais les ennuis vont aussitôt le rattraper. Visiblement mal à l'aise au volant d'une voiture finalement médiocre, Heidfeld est sérieusement malmené par Petrov et bientôt mis sur la sellette par son patron Éric Boullier. Il obtient quelques points en Turquie, en Espagne, à Monaco, mais cela ne suffit pas à l'équipe qui attendait qu'il se comporte en vrai leader à l'instar de Kubica, ce qu'il ne semble pas pouvoir faire. Au début de l'été les relations entre Boullier et Heidfeld deviennent très tendues. Le système de diffuseur soufflé mis en place par Renault, soi-disant révolutionnaire, est une impasse technique et les R31 ne cessent de dégringoler dans le classement. En Hongrie, les voici quasiment en fond de grille. Suite à une surchauffe lors d'un changement de pneus, la machine de Nick prend soudainement feu à la sortie des stands. Il doit sortir en catastrophe de sa monoplace devenue un dangereux braiser. Triste image. Fin août, avant le Grand Prix de Belgique, Boullier décide de briser son contrat et de le remplacer par Bruno Senna. Heidfeld tente de poursuivre l'équipe devant un tribunal, mais renonce rapidement après un accord à l'amiable.
Sans espoir de volant pour 2012, Nick Heidfeld pourrait bien avoir tiré un trait définitif sur sa carrière en Formule 1. Un retour chez BMW pour disputer le DTM, le championnat allemand de voitures de tourisme, est très envisageable.
Tony