La Course des Champions se tient à Brands-Hatch le 16 mars 1969, deux semaines après le Grand Prix d'Afrique du Sud, manche inaugurale du championnat du monde des conducteurs.
Quatorze monoplaces se présentent à cette épreuve. La Ferrari de Chris Amon, qui avait été munie d'une aile avant, a été bloquée à la frontière franco-italienne par une grève des douaniers... Les McLaren sont équipées pour la première fois d'un système biplan, tout comme la Lotus de Jo Siffert qui cependant conserve son élément avant. Les Lotus officielles n'ont en revanche des stabilisateurs qu'à l'arrière, en plus des « nageoires » disposées de part et d'autre du nez. Chez BRM, John Surtees est comme à Kyalami le seul à disposer du V12 à quarante-huit soupapes.
Mais cette course est surtout l'occasion pour Ken Tyrrell et Jackie Stewart de lancer dans le grand bain la Matra MS80. L'Écossais représente seul l'équipe anglo-française, Jean-Pierre Beltoise ne faisant pas le déplacement.
En 1966, Frank Williams a fondé une écurie spécialisée dans la préparation et la revente de châssis Brabham de Formule 2 et de Formule 3, avec un certain succès. Il se lance désormais en F1 avec son ami Piers Courage qui reçoit une Brabham BT26 à moteur Ford-Cosworth. On note aussi la présence de l'Américain Roy Pike (un pilier de la F3 britannique) au volant d'une vieille Brabham BT23B à moteur Climax, et de Pete Lovely qui récupère à titre privé la Lotus 49B conduite Mario Andretti en Afrique du Sud.
Les qualifications
Deux séances de qualification devaient se dérouler les vendredi et samedi après-midi. Mais le samedi le tracé est enveloppé par le brouillard, et seuls les chronos de la séance de la veille sont comptabilisés. Hill réalise la pole position en 1'28''2''' devant Stewart (1'28''3''') et Siffert (1'29''3'''). Rindt a connu un nouvel effondrement d'aileron, mais se classe tout de même quatrième. Il partage la seconde ligne avec Brabham. Suivent les Néo-Zélandais McLaren et Hulme, puis Oliver sur BRM. Lovely se classe neuvième devant Ickx qui a très peu tourné à cause de soucis techniques. La dernière ligne comprend Rodríguez, Courage et Pike.
Surtees sort de la route le vendredi, puis déclare forfait après qu'un corps étranger a envahi son V12. Les mécaniciens de BRM n'ont pas voulu passer une nouvelle nuit blanche à monter un vieux moteur sur sa monoplace...
La Grand Prix
Elle se déroule par temps froid et sous un ciel chargé. 40 000 amateurs se sont tout de même massés dans les tribunes. Pike renonce avant même le départ à cause d'un souci de pompe à essence.
Comme à Kyalami, Stewart prend un « départ canon » et efface aussitôt Hill. Rindt s'immisce au troisième rang devant Siffert. Suivent McLaren, Brabham et Hulme, tandis que Courage s'arrête aux puits dès la fin du premier tour pour faire changer sa timonerie de boîte. Stewart s'échappe très rapidement, au rythme d'une seconde au tour. Hill et Rindt bataillent pour la deuxième place. Brabham effectue une belle remontée : il double McLaren au deuxième tour, puis Siffert quatre boucles plus loin. McLaren est à la peine à cause de problèmes d'allumage, et après deux tentatives de dépannage infructueuses, il finit par renoncer au quinzième tour. Stewart compte à cet instant une dizaine de secondes de marge sur les Lotus de Hill et de Rindt. A plusieurs reprises, l'Autrichien se porte à la hauteur de son équipier, sans trouver l'ouverture. Brabham était dans un bon jour, mais il renonce au vingtième tour sur panne d'allumage. A cet instant disparaît aussi Courage, victime d'un réservoir d'essence percé.
La seconde partie de la course est peu animée. Rien ne vient troubler la démonstration de Stewart. Siffert menace la quatrième place détenue par Hulme mais, handicapé par ses freins, il décide prudemment de ne pas porter l'estocade. Oliver mène une course sage au sixième rang. Ickx renonce suite à une avarie d'allumage tandis que Rodríguez et Lovely combattent pour la septième place. Au 34ème tour, le Mexicain doit cependant abandonner, moteur serré. Il n'y a plus alors que sept voitures en piste.
Pendant ce temps-là, Rindt se fait de plus en plus pressant et réalise le meilleur tour de l'épreuve (1'26''8'''). Hill commence à s'inquiéter lorsque son collègue disparaît de ses rétroviseurs : pression d'huile à zéro, Rindt jette l'éponge, fort déçu.
Au cours des dix derniers tours, le moteur Ford de Stewart émet un son étrange. Hill se rapproche et grappille quelques dixièmes à chaque tour, ce qui est toutefois insuffisant pour rattraper la Matra. Stewart continue, imperturbable. Le mal est bénin : il ne s'agit que d'un tuyau d'échappement fêlé.
Jackie Stewart remporte cette Race of Champions sans jamais avoir été menacé. Hill finit second à sept secondes. Il précède Hulme et Siffert. Les quatre premiers sont les mêmes qu'à Kyalami ! Oliver termine cinquième à deux tours, Lovely sixième à quatre boucles.
Les journalistes constatent avec quelque dépit que l'association Stewart - Tyrrell - Matra - Ford paraît imbattable. La MS80 triomphe dès sa première sortie, preuve de l'excellent travail réalisé par les ingénieurs de Vélizy. Stewart ayant atteint le sommet de son art, si aucune riposte sérieuse n'émerge, la saison 1969 pourrait paraître très longue aux spectateurs...
Tony