Julien Absalon : "Après ma retraite, je me suis lancé dans plein de projets par peur de m’ennuyer"
Depuis qu’il a pris sa retraite en 2018, Julien Absalon, double champion olympique de VTT, fourmille de projets. Manager de sa propre équipe, ambassadeur d'une marque de vélos à assistance électrique, le Français est particulièrement occupé. Interview.
Paris Match. Après une longue carrière et deux titres olympiques en VTT, vous avez annoncé la fin de votre carrière en 2018. Comment avez-vous géré les premiers mois de cette retraite ?
Julien Absalon. C’est assez violent en fait. Personnellement, je crois que je me suis lancé dans plein de projets de peur de m’ennuyer ou pour vraiment m’occuper l’esprit, je ne sais pas.... Parfois, je me dis que je suis dix fois plus pris que lorsque j’étais coureur. Je parle de retraite alors que je travaille dix fois plus que pendant ma carrière. En tout cas, le besoin de m’entraîner est toujours là, il y a un manque psychologique mais il y a aussi une dépendance physique à l’effort sportif et à l’entraînement. Dans tous les cas, un athlète qui a fait du sport à haut niveau va connaître un arrêt de carrière très difficile. Chacun doit le gérer différemment. Certains athlètes arrivent à totalement arrêter le sport du jour au lendemain. Il y a notamment des nageurs qui en ont vraiment marre et quand ils arrêtent ils ne mettent plus le pied dans un bassin. Moi j’ai arrêté, non pas par écoeurement de l’activité, au contraire je suis toujours passionné par le VTT.
Au quotidien, le manque se fait-il ressentir ?
Lorsqu’on vient d’un sport d’endurance, c’est impossible d’arrêter totalement le sport. En tout cas pour moi ça aurait été impossible parce que je sais que je suis encore totalement dépendant de l’activité sportive. C’est le corps qui demande. Mais de toute façon, j’avais une contre indication de la part de mon cardiologue puisque j’ai développé un cœur qui s’est atrophié avec l’effort. Il bat au repos à 28 pulsations minutes. Et donc le médecin m’a dit qu’il allait falloir que je diminue progressivement l’activité physique. Ca serait dangereux pour le muscle cardiaque d’avoir un arrêt trop brutal de l’activité sportive parce qu’il ne comprendrait pas vraiment.
Vous faites d’ailleurs de la course à pied et du trail…
C’est vrai que je cours pas mal. La course à pied ça me permet de trouver ma dopamine assez rapidement. C’est quelque chose que j’apprécie depuis un certain nombre d’années. Et c’est encore plus pratique que le vélo parce qu’on peut pratiquer partout. Je suis allé courir ce matin dans Paris. On a juste besoin d’une tenue de sport, de baskets et on peut aller n’importe où, surtout en pleine nature, ça ressource, ça permet d’évacuer le stress.
Vous voyez-vous un jour faire un marathon ?
Pour le moment c’est juste pour le plaisir. Peut-être que d’ici quelques temps j’aurais besoin de me lancer de nouveaux défis mais pas dans les prochains mois. Je ne ressens pas le besoin de me mesurer aux autres en compétition.
""Cela me tient à cœur de faire la promotion de ce nouveau mode de transport"
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Vous êtes devenu ambassadeur du vélo à assistance électrique et participez aujourd’hui à des compétitions. Etait-ce un besoin de retrouver ces sensations, de vous mesurer aux autres ?
Non, je ne me considère plus comme sportif professionnel. Les compétitions de vélo à assistance électrique pour moi c’est du plaisir. Si j’ai arrêté ma carrière ça n’est pas pour me remettre la pression. C’est juste que je m’éclate à faire ça. Les sensations au guidon de l'e-bike permettent d’atteindre des vitesses supérieures à ce que je pouvais faire lorsque j’étais compétiteur en VTT. Donc ça me permet d’aller chercher ce côté grisant de la vitesse, tout en ayant moins d’entraînement. Aujourd’hui, je suis surtout ambassadeur pour Moustache Bikes et je suis manager de ma propre équipe de VTT cross country, Team Absolute Absalon.
Parlez-nous de ce nouveau rôle d’ambassadeur.
Ca s’est fait assez naturellement. Je connais les créateurs de Moustache Bike, qui est une formidable succès story. Ils ont commencé il y a huit ans et ont senti le potentiel du marché. Ils ont tout risqué, personnellement et professionnellement pour monter Moustache Bike. Aujourd’hui ils sont 100 salariés et l’entreprise continue à recruter. Donc quand ils ont fait leur premier vélo ils m’ont proposé de tester, j’étais encore professionnel en VTT. Et j’ai commencé à intégrer l’e-bike dans ma préparation olympique de cross-country, j’ai pris du plaisir à le découvrir. Et maintenant que je ne suis plus athlète de haut niveau, j’ai plus de temps pour me faire plaisir en e-bike et donc je suis devenu ambassadeur. Ca m’a tenu à cœur de faire la promotion de ce nouveau mode de transport, ce nouveau sport. Et c’était intéressant pour moi de dire, j’ai été athlète de haut niveau, je sais pédaler très fort sur un VTT mais je prends aussi du plaisir comme ça.
Quelle a été la réaction des gens en vous voyant promouvoir ces vélos ?
Au début je me suis un peu fait lyncher sur les réseaux sociaux parce que quand je m’affichais en e-bike, ça n’était pas encore rentré dans les mœurs. On m’a traité de faignant, de tricheur, parce que les gens ne connaissaient pas. Ils pensaient vélo électrique alors que c’est à assistance électrique. Il faut pédaler et faire autant d’efforts que pour un vélo classique. Ca ne m’a pas découragé, au contraire. J’ai essayé de répondre, de dire à ces gens d’essayer.
Qu’est-ce qui vous plaît tant dans l’e-bike ?
C’est un formidable outil que tout le monde peut utiliser, moi je prends toujours autant de plaisir à rouler en VTT classique mais aussi avec le vélo à assistance électrique. Les modèles ont évolué, ils sont plus légers, l’autonomie a progressé et ça peut permettre à des gens qui n’ont pas la capacité physique de redécouvrir le VTT avec une aide. Et puis pour les autres, ceux qui veulent faire des performances, ça permet de pratiquer ça d’une autre manière, d’aller plus loin, plus haut, plus vite.
Peut-on imaginer dans le futur, des compétitions de même niveau que celles en VTT ?
Je pense que la vitrine de compétition restera le VTT classique mais on va voir des compétitions s’ouvrir à l’e-bike, c’est sûr. Mais je vois ça se développer comme des compétitions de loisirs de masse. Après, évidemment, lorsqu’on a un outil performant, il y a des gens qui veulent se confronter, faire la course. On est encore un peu en train de se chercher sur les formats de courses qui vont se créer. On est au tout début de la compétition e-bike. Certains commencent à emboiter le pas. Il y a un Italien qui faisait partie du top 10 mondial qui a décidé exclusivement de se consacrer à la compétition e-bike. Et il y a un intérêt de la part des fabricants. Donc comme les marques montrent un intérêt, elles vont demander à leurs athlètes de participer, de communiquer de plus en plus.
""Quand j’ai commencé, je n’avais pas à publier de choses sur Instagram"
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Vous en parliez tout à l’heure, vous êtes également le manager de votre propre équipe. Comment s’est déroulée la création de Team Absolute Absalon ?
J’ai créé la structure fin 2017, pour pouvoir courir en 2018. J’étais avec un pilote. Et ensuite j’ai décidé d’arrêter puis j’ai recruté quatre pilotes pour faire évoluer et grandir la structure. Je suis content notamment de la rencontre avec Jordan Sarrou, qui est le dernier coureur que j’ai recruté et qui est l’un des meilleurs mondiaux. Il est dans la catégorie élite et il a pour objectif de se qualifier et participer aux Jeux olympiques de Tokyo ! C’est intéressant de travailler dès la première année de l’équipe avec un coureur capable d’aller chercher des podiums internationaux.
Pourquoi avoir décidé de vous lancer dans un tel projet ?
J’avais envie de transmettre ce que j’ai moi-même connu en compétition. J’ai recruté des jeunes coureurs français pour les accompagner vers le haut-niveau. Et personnellement, ça me permet de continuer à vivre la compétition, les émotions de la compétition, même si c’est de l’autre côté.
On sait que le VTT est très peu médiatisé en France, quelles difficultés rencontrez-vous ?
C’est vrai qu’on n’est pas un sport majeur en France, mais on a la chance d’être un sport olympique et d’être mis en lumière tous les quatre ans, il faut en profiter. Cela dit, il est clair que hors JO, c’est plus difficile d’être visible. Parfois, c’est frustrant, mais on a la chance d’être mieux lotis que certains autres sports olympiques où on voit des athlètes qui s’entraînent durs et qui, malgré leurs bons résultats, ont quant même du mal à vivre.
Les réseaux sociaux ont-ils permis de communiquer autrement ?
Oui ! Moi, quand j’ai commencé, je n’avais pas à publier de choses sur Instagram (il rit, ndlr). Les réseaux sociaux ont aidé. Finalement c’est une chance pour nous sports mineurs parce que c’est difficile d’exister dans les médias traditionnels qui parlent beaucoup de foot, de tennis… Alors que sur les réseaux sociaux, tout le monde est présent et les fans de VTT ont pris cette habitude d’aller pêcher leurs infos sur les réseaux sociaux. C’est aussi une chance de voir que les jeunes regardent presque plus le sport en live streaming sur Internet qu’à la télévision. On a la chance d’avoir Red Bull qui produit toutes les images de la coupe du monde de VTT, et on voit que les audiences ont progressé ces dernières années. Les jeunes regardent sur leur smartphone et grâce à ça on peut atteindre directement la cible des jeunes passionnés de VTT.