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Santé La grande « débrouille » des pharmaciens face à la pénurie de médicaments

Les acteurs du médicaments ont promis de mieux s'organiser pour limiter les pénuries, mais la situation reste tendue dans les officines.

La rédaction avec AFP - 03 févr. 2024 à 12:48 | mis à jour le 03 févr. 2024 à 15:19 - Temps de lecture :
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Près de 5 000 signalements de ruptures et risques de ruptures de stocks ont été recensés en 2023. Photo Sipa / Syspeo

Près de 5 000 signalements de ruptures et risques de ruptures de stocks ont été recensés en 2023. Photo Sipa / Syspeo

Face aux tensions sur l'approvisionnement de médicaments, qui se sont encore aggravées en 2023, la « débrouille » prévaut chez les pharmaciens pour pouvoir fournir à leurs patients antibiotiques, mais aussi antalgiques, corticoïdes, paracétamol, antidiabétiques ou vaccins. « On est dans une forme de bricolage », soupire Florence Guer, pharmacienne à Marseille. « On se met en quatre, mais c'est épuisant. Certains confrères essaient de faire des petits stocks, histoire de pouvoir respirer et ne pas aller tous les jours à la pêche au manquant, mais ça ne sert à rien: ce qui va manquer est toujours différent » décrit-elle.

Les difficultés d'approvisionnement de médicaments, problème récurrent en France comme dans d'autres pays, ont empiré en 2023: près de 5 000 signalements de ruptures et risques de ruptures de stocks ont été recensés par l'Agence du médicament (ANSM), soit +30% en un an. Ils ont plus que doublé par rapport à 2021. Problèmes de fabrication, défauts de qualité, capacité de production insuffisante et hausse des besoins en raison du vieillissement des populations: les causes sont multiples, selon l'ANSM. Les acteurs du médicament (industriels, dépositaires, grossistes-répartiteurs, pharmaciens d'officine et hospitaliers) ont promis de mieux s'organiser pour lutter contre les pénuries, dans une charte signée en novembre avec le ministère de la Santé. Mais la situation reste tendue dans les officines, selon les professionnels.

Échange de boîtes

« Chaque jour, le mot que j’utilise le plus c’est "rupture" », confirme Fabrice Camaioni, vice-président du principal syndicat de pharmaciens d'officines FSPF, pharmacien dans les Ardennes. Pour s'en sortir, « c’est toujours la même recette : pour ce médicament que je n’ai pas, est-ce que je peux donner un générique ? Encore faut-il qu’il ne soit pas lui-même en rupture. Est-ce que je peux le trouver chez un confrère ? Les labos ont-ils une boîte pour dépanner ? », énumère-t-il.

« Une à deux fois par jour, je vais chercher une boîte chez mes confrères, et j’en donne autant », renchérit Guillaume Racle, pharmacien préparateur et conseiller économiste de l’USPO, autre syndicat. « En fait, il n’y a plus de règles. On a l’impression que c’est tout le temps, et que ça touche toutes les familles de médicaments [...] On se bat au quotidien pour que les gens suivent bien leur traitement, et on se retrouve d'un jour à l’autre à leur dire de l'interrompre parce qu’on a plus rien. Ça me rend fou », ajoute-t-il.

Une telle interruption de traitement peut signifier « une perte de chances pour le patient », rappelle Catherine Simonin, membre du bureau de France Assos Santé, fédération d'association de patients. Ces situations extrêmes restent néanmoins  « exceptionnelles », nuance Fabrice Camaioni. « On réussit généralement à trouver une solution. Mais ça peut être une solution dégradée », comme la substitution du médicament préférentiel, dit de « première ligne » , par un produit aux effets secondaires potentiellement plus importants, selon lui.

12h par semaine

Reste que cela est très chronophage. Selon une étude de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), le temps consacré à gérer ces tensions d'approvisionnement est de l'ordre de douze heures par semaine. Les circuits d'approvisionnement peuvent varier entre pharmacies d'une même région, voire d’une même ville, en fonction des contrats passés entre industriels, fournisseurs et officines. Mais les acteurs s’accordent sur un point: un déficit d’information fiable, selon eux, sur l’état des stocks et de l’approvisionnement, notamment parce que pharmaciens et industriels utilisent deux réseaux d'information distincts, qui ne communiquent pas.

« En 2020, le rapport Biot préconisait la création d'une espèce de ''tour de contrôle'' du médicament pour centraliser l'information, puis le Covid est passé par là et nous n'avons plus eu de nouvelles », souligne Catherine Simonin, plaidant pour la création d'un office unique de suivi de l'information, « pourquoi pas au niveau européen ». « On ne pourra pas régler ce problème sans avoir des données fiables sur toute la chaîne. La première des mesures, c’est celle-ci. Nous devons pouvoir savoir exactement où sont les médicaments », confirme Guillaume Racle.

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