La question lui semble presque incongrue. « Non, je ne suis pas inquiet. Depuis soixante-dix ans, je n’ai jamais connu d’inondation », assure Michel, un retraité qui préfère taire son nom. Sa maison de plain-pied est pourtant en zone rouge, c’est-à-dire très exposée à un risque de submersion : elle n’est située qu’à 200 mètres derrière la dune de la Rémigeasse, dans l’ouest de l’île d’Oléron, une zone plus basse que le niveau moyen de l’eau et bordée par un marais. Chaque année, la mer grignote un peu plus la plage tandis que les enrochements, des amas de roches déposés en guise de protection, s’affaissent dans le sable. Pas de quoi tourmenter le septuagénaire. Il y a quelques années, il a bien installé une échelle dans la salle de bains, pour pouvoir accéder au toit, mais n’y pense plus depuis lors.
Il reconnaît que la dune est « deux fois moins haute » que dans son enfance et qu’« on ne sait pas comment tout ça va se terminer ». Mais, comme ses voisins, il ne s’imagine pas vivre ailleurs que dans cet écrin de nature bercé par le roulis de la mer, aux noms de rues qui vendent du rêve : avenue de la Grande-Baie, route des Dunes, allée Beau-Soleil.
Derrière l’image de carte postale, l’île de Charente-Maritime est particulièrement vulnérable aux risques littoraux, tant la submersion que l’érosion – la plus forte d’Europe. En cause : ses 100 kilomètres de côtes, sa quasi-absence de relief, son territoire composé à 40 % de marais, et sa localisation dans un golfe de Gasgogne soumis aux tempêtes. Des menaces qui ne vont cesser de s’aggraver sous l’effet de l’inéluctable élévation du niveau de la mer, due aux émissions de gaz à effet de serre humaines. Si les élus et les professionnels entreprennent de s’adapter tant bien que mal au dérèglement climatique, la population, elle, reste sereine, semblant hésiter entre attentisme et déni.
Adaptation dans l’urgence
Oléron risque-t-elle d’être rayée de la carte à la fin du siècle, comme le clament parfois les médias ? Ces dernières années, des projections montrant les trois quarts de l’île sous les eaux d’ici à 2100 « ont semé la panique dans la population. La réalité est moins pessimiste », assure Xavier Bertin, directeur de recherche (CNRS) à La Rochelle, qui coordonne le service national d’observation du trait de côte. Ces projections n’intègrent pas les défenses côtières et leur évolution. Et les incertitudes sont grandes, rappelle-t-il, quant au niveau d’élévation de la mer – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat projette entre 30 centimètres et plus de 1 mètre selon les trajectoires d’émissions – de même que l’évolution de la morphologie sous-marine, qui n’est pas prise en compte. « Les scénarios à long terme sont très risqués. On a du temps pour se préparer », juge-t-il.
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