Il y avait un peu du combat de David contre Goliath, jeudi 7 mars, lors de la cinquième cérémonie des Pégases. Dans le rôle du géant : Assassin’s Creed Mirage, d’Ubisoft Bordeaux. Et face au dernier épisode de la licence phare du leader du jeu vidéo français, il y avait non pas un mais deux David : Jusant, des Parisiens de Dont Nod, et Chants of Sennaar, conçu par cinq développeurs au sein du studio toulousain Rundisc.
C’est finalement ce dernier, succès surprise de l’année 2023, qui a raflé le prix du meilleur jeu à l’occasion de la grand-messe du jeu vidéo français, dans la salle parisienne de La Cigale. Il succède ainsi au jeu montpelliérain Stray, lauréat du prix lors de l’édition précédente. Fascinant jeu d’enquête, Chants of Sennaar consiste à déchiffrer des langues étrangères durant l’exploration d’une tour de Babel. En s’imposant également dans deux autres catégories majeures – meilleur jeu indépendant et meilleur game design –, il fait office de grand gagnant de la soirée.
Mais Ubisoft ne revient pas bredouille, loin de là. Sa superproduction bordelaise, qui se déroule à Bagdad au IXe siècle, a gagné le prix du public. Et deux jeux de l’éditeur ont aussi glané des statuettes : la simulation automobile The Crew Motorfest (prix du meilleur service d’exploitation) et l’émouvant récit sur la première guerre mondiale Soldats Inconnus : Frères d’armes (meilleur jeu mobile, au-delà du jeu vidéo, excellence narrative). Le jeu d’escalade atmosphérique Jusant a, quant à lui, décroché la récompense du meilleur univers sonore.
Mettre les créateurs « sous les projecteurs »
Depuis 2020, la cérémonie des Pégases récompense les productions vidéoludiques françaises ainsi que quelques étrangères. Cette remise de prix annuelle, organisée par le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), en partenariat avec la société Webedia, se présente comme un équivalent, pour les jeux vidéo, de ce que les Césars sont au cinéma.
Les prix sont décidés par une académie des arts et techniques du jeu vidéo composée de près de 2 600 professionnels du secteur, qui ont dû départager 96 jeux. En retour, pour espérer remporter l’un des 19 prix distribués cette année, les éditeurs ont dû s’acquitter d’un ticket d’entrée dans les différentes catégories.
« Les professionnels du jeu vidéo évoluent dans l’ombre, c’est une occasion pour nous, une fois par an, de les mettre sous les projecteurs », résumait en amont de la soirée Anne Devouassoux, la présidente du SNJV. La promesse a été tenue puisque la cérémonie a largement laissé la parole à ses invités et lauréats. Elle prenait ainsi le contrepied de la cérémonie américaine des Game Awards 2023, qui bridait largement la parole de ceux qui venaient recevoir des prix.
En plus des félicitations distribuées, les professionnels du jeu vidéo montant sur scène ont ainsi pu adresser des messages plus personnels, par exemple en faveur de la diversité, d’incitation à la participation à des événements caritatifs ou de soutien aux nombreuses personnes licenciées dans l’industrie depuis 2023.
Mélange de divertissement et de sérieux
L’animatrice Salomée Lagresle, qui présente la soirée depuis cinq ans, était cette année en tandem avec Samuel Etienne, journaliste et animateur de France Télévisions, devenu streamer sur Twitch. Le duo a tenu à évoquer, sur un ton très décontracté, les différentes professions du secteur avec les invités sur scène. La cérémonie, qui a duré deux heures et demie, était rythmée par des improvisations humoristiques et des moments de pur divertissement, comme une séquence dansée de Just Dance ou un amusant détournement de Death Stranding.
Sur un ton plus sérieux, deux ministres sont également venues sur scène. Rachida Dati, ministre de la culture, a félicité « l’excellence française » en matière de jeux vidéo et affirmé sa détermination « à continuer de structurer le secteur ». Marina Ferrari, secrétaire d’Etat chargée du numérique, a quant à elle remis un Pégase d’honneur à la game designer Muriel Tramis. Cette pionnière du jeu vidéo français, qui n’a pas pu faire le déplacement depuis la Martinique, a contribué à la création de titres du studio Coktel Vision qui ont marqué les années 1980 et 1990, comme les logiciels éducatifs ADI (1991), le jeu d’aventure Méwilo (1987) ou l’improbable Gobliiins (1991).
Côté productions étrangères, Little Nightmares a décroché le titre du meilleur jeu mobile étranger et COCOON, celui de meilleur jeu indépendant étranger. Enfin, des membres francophones du studio belge Larian Studios sont venus récupérer la statuette du meilleur jeu étranger pour Baldur’s Gate III, jeu de rôle dérivé de Donjons & Dragons qui est devenu le plus primé de l’année 2023. L’occasion pour un membre de l’équipe, en cette période où les licenciements sont nombreux dans le secteur, d’appeler tous ceux qui se trouvent sur le carreau en « ne pas perdre espoir, ne pas perdre la foi et à ne rien lâcher ». Preuve que cette remise de prix du jeu vidéo n’était pas qu’une occasion de s’autocongratuler.
- Meilleur jeu vidéo : Chants of Sennaar (Rundisc/Focus Entertainment)
- Meilleur jeu vidéo indépendant : Chants of Sennaar (Rundisc/Focus Entertainment)
- Meilleur jeu vidéo mobile : Soldats Inconnus : Frères d’armes (Ubisoft Montpellier/Old Skull Games)
- Meilleur premier jeu vidéo : En Garde ! (Fireplace Games)
- Meilleur jeu vidéo étudiant : Sikaria : A Silent Hunt (Isart Digital)
- Au-delà du jeu vidéo : Soldats Inconnus : Frères d’armes (Ubisoft Montpellier/Old Skull Games)
- Excellence visuelle : Dordogne (Un Je Ne Sais Quoi/Umanimation/Focus Entertainment)
- Meilleur univers sonore : Jusant (Don’t Nod Entertainment)
- Excellence narrative : Soldats Inconnus : Frères d’armes (Ubisoft Montpellier/Old Skull Games)
- Meilleur game design : Chants of Sennaar (Rundisc/Focus Entertainment)
- Meilleure innovation technique : Headbangers : Rythm Royale (Glee-cheese Studio)
- Meilleure accessibilité : KarmaZoo (Pasta Games/Devolver)
- Meilleur service d’exploitation : The Crew Motorfest (Ivory Tower/Ubisoft)
- Meilleur jeu vidéo étranger : Baldur’s Gate III (Larian Studios)
- Meilleur jeu indépendant étranger : COCOON (Geometric Interactive/Annapurna Interactive)
- Meilleur jeu mobile étranger : Little Nightmares (Tarsier Studios/Bandai Namco/Playdigious)
- Prix du public : Assassin’s Creed : Mirage (Ubisoft Bordeaux)
- Personnalité de l’année : Mickaël Newton (Président de l’association Loisirs Numériques)
- Pégase d’honneur : Muriel Tramis
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