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Archives à vendre ou à laisser

La Bibliothèque nationale de France compte acquérir les documents de travail de Michel Foucault pour 3,8 millions d'euros. Une transaction symptomatique d'une mutation, et qui pose des questions éthiques et financières.

Par Raphaëlle Rérolle

Publié le 20 décembre 2012 à 14h58, modifié le 20 décembre 2012 à 16h11

Temps de Lecture 12 min.

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Le philosophe français Michel Foucault à Paris.

L'affaire n'est pas conclue, mais Bruno Racine est confiant : avant 2013, le président de la Bibliothèque nationale de France (BNF) pense pouvoir réunir la somme destinée à l'acquisition du fonds d'archives de Michel Foucault. Pas moins de 37 000 feuillets, soit la quasi-totalité des documents de travail du philosophe, mort en 1984. Ses notes de lecture, les textes de ses conférences et les trente-neuf carnets dans lesquels il jetait ses idées de livres, d'articles ou de cours. Son prix ? 3,8 millions d'euros. Soit bien au-delà de ce qu'une institution, fût-elle prestigieuse, peut prélever dans sa propre escarcelle.

C'est donc à des mécènes que la BNF demande de l'aide pour acheter ces archives. Des objets de valeur, suffisamment en tout cas pour avoir été classés "trésor national" depuis le 22 mars 2012. Cette mesure interdit leur sortie du territoire pendant trente mois, à charge pour les institutions de se démener pour réunir l'argent nécessaire. Voilà qui est en passe d'être fait. S'agit-il d'une bonne affaire ? C'est une autre question. Ou plutôt, l'une des nombreuses questions que soulève cette transaction, symptomatique d'une petite révolution. Car la commercialisation d'archives à des prix élevés est un phénomène récent. Et son développement, qui pourrait faire naître un marché là où il n'en existait guère, une nouveauté propre à bouleverser les habitudes.

Le goût des manuscrits célèbres, lui, ne date pas d'hier. Dès le début du XIXe siècle, des amateurs et des marchands se sont passionnés pour les traces laissées par des personnages illustres, surtout les correspondances et les textes autographes de grands livres ou de poèmes. On a même vu circuler des faux et il n'était pas rare, au début du XXe siècle, que des écrivains produisent des manuscrits secondaires pour satisfaire les bibliophiles. En 1988, le texte du Procès, de Kafka, se vend 10 millions de francs chez Sotheby's. Treize ans après, c'est le cahier autographe du Voyage au bout de la nuit, de Céline, qui part à l'Hôtel Drouot pour 11 millions de francs. Record largement battu, quelques jours plus tard, à New York, par la première version tapuscrite de Sur la route, de Kerouac : l'équivalent de 3,6 millions d'euros.

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