L'affaire date d'il y a vingt ans, mais elle a marqué les esprits. Le 24 juin 1991, les gendarmes découvrent le cadavre de Ghislaine Marchal dans la cave de sa villa de Mougins. Le lendemain de cette sinistre découverte, ils arrêtent son jardinier, Omar Raddad, et le placent en garde en vue. Le 27, celui-ci est inculpé d'homicide volontaire et écroué à la prison de Grasse. C'est, pour cet homme qui n'a cessé de clamer son innocence, le début d'un périple judiciaire qui le voit condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, avant que le président Jacques Chirac ne lui accorde, en 1996, une grâce partielle.
Depuis lors, Omar Raddad et son avocat, Jacques Vergès, n'ont eu de cesse de remettre en cause les éléments de preuve qui avaient étayé cette condamnation ainsi que les contradictions de l'enquête. En pure perte, puisque la Cour de révision confirme en 2002 la culpabilité d'Omar Raddad, non sans qu'un certain nombre de doutes soient mis en évidence.
L'un des éléments qui a contribué tout à la fois à étayer cette culpabilité et à faire entrer cette affaire criminelle dans la mémoire collective est l'inscription célèbre, écrite en lettres de sang sur les murs de la cave : "Omar m'a tuer". Cette formule macabre, digne du baroque d'un roman-feuilleton du XIXe siècle, a fait, par son étrangeté, le lit de plus folles hypothèses et d'une bataille graphologique visant à prouver si la victime en était ou non l'auteur.
A partir d'aujourd'hui, la formule donne son nom à un film, réalisé par Roschdy Zem. Après une comédie enlevée sur fond de mixité conjugale (Mauvaise foi, 2006), l'acteur-réalisateur passe au registre, plus grave, du film plaidoyer. Quand bien même le film avance à pas relativement prudents sur cette voie, les deux livres dont il s'inspire - Pourquoi moi ?, d'Omar Raddad (Seuil, 2002), et La Construction d'un coupable, de Jean-Marie Rouart (Ed. de Fallois, 1994) - le prouveraient.
Le réalisateur intègre d'ailleurs l'écriture de Jean-Marie Rouart à la trame de son film qui se partage, en montage alterné, entre le processus judiciaire qui accuse Omar Raddad (interprété par Sami Bouajila) et le combat livresque que décide de mener en sa faveur l'écrivain Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Denis Podalydès) dès l'annonce du verdict en 1994.
Recherche de la vérité
Cette manière de conduire le récit du film procure deux avantages au réalisateur. Il permet, d'une part, une variation de registre entre la fantaisie du personnage de l'écrivain parisien qui mène avec un certain panache sa contre-enquête, et l'accablement moral de l'inculpé, homme fruste pris dans l'engrenage de la machine judiciaire qui le broie.
Par ailleurs, l'association de ces deux registres - l'un consacré à la recherche de la vérité par une tierce personne, l'autre au développement officiel d'une instruction à charge - libère en quelque sorte le réalisateur du soupçon du film à thèse.
Cette neutralité affichée du film, qui n'avance rien qui ne soit documenté, est aussi, s'agissant d'un fait divers sanglant d'ores et déjà jugé, un effet de rhétorique. La thèse qu'il défend est, sinon l'innocence d'Omar Raddad, du moins la faillibilité d'une justice qui l'a accablé sans preuves suffisantes, selon une logique, implicitement suffisante, qui veut qu'un immigré sans ressources, jugé dans le sud de la France, soit considéré comme le coupable idéal.
Honnête et sincère dans son propos, le film de Roschdy Zem n'en appelle pas moins certaines réserves. Le choix d'un acteur connu, quand bien même il serait aussi talentueux que Sami Bouajila, pour interpréter Omar Raddad en est une. Le morceau de bravoure passe difficilement la rampe : comment croire à l'analphabétisme d'un personnage dont l'interprète est aussi "capé" ? Le bénéfice irait, de toute façon, davantage à l'acteur qu'au personnage.
Par ailleurs, la nécessaire prudence à laquelle est tenu le film le rend moins percutant qu'une pure fiction, tel ce Prophète, de Jacques Audiard, auquel on pense souvent.
LA BANDE-ANNONCE
Film français de Roschdy Zem avec Sami Bouajila, Denis Podalydès. (1 h 25.)
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