Les illustrés aussi niais qu'immoraux dont se repaissent tant d'adolescents seraient moins appréciés, donc moins redoutables, si la " bonne littérature " qu'on leur propose en échange présentait assez d'attrait et d'intérêt pour supporter la concurrence. Malheureusement, la cruelle constatation d'André Gide semble s'appliquer aux livres d'enfants comme aux autres : nombre de romans ou de récits réputés "édifiants" sécrètent l'ennui et tombent d'autant plus vite des mains qu'ils sont destinés à être mis entre toutes.
Parmi les efforts accomplis depuis quelques années par les éditeurs spécialisés pour rendre la vertu plus séduisante et disputer à " Tarzan " les faveurs du jeune public, ceux de la collection " Signe de piste " (éditions Alsatia) méritent une mention particulière. Se détachant de la " mythologie " scoute, qui fut à l'origine de leurs succès, les livres de cette collection, lancés à un rythme accru - un titre par mois. - aborderont désormais à leur façon les sujets les plus brûlants de l'actualité " pour mineurs ".
Deux des derniers romans de la série attestent cette évolution. Le Coup d'envoi est donné par M. Philippe Avron (1). C'est une réussite. L'auteur parvient en effet à faire partager au jeune lecteur, avec la même fièvre que s'il s'agissait d'une course au trésor ou d'une exploration de château perdu, l'aventure sans soleil d'une " bande " d'enfants de la banlieue parisienne. Terrains vagues, logements sordides, usines en grève, décrits sobrement et sans fausse émotion, servent de cadre à l'histoire de ces " chiens sans collier " que l'amitié d'un garçon moins déshérité arrache, ensemble, au désespoir et à sa conséquence inévitable : le délit.
Dans les Voleurs (1), de Serge Dalens, le mal est déjà fait. L'auteur de la célèbre trilogie d'Eric met toute son expérience de magistrat à décrire le combat que se livrent dans le cœur du " dévoyé " la volonté de redressement et la tentation de la récidive. Grâce à un récit riche d'imprévus et toujours à sa mesure le jeune lecteur apprend quel travail de Sisyphe accomplissent obscurément les hommes chargés des mineurs délinquants et leurs auxiliaires, dont une soirée de mauvais conseils suffit à ruiner six mois d'efforts.
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