"Pedro a mis vingt ans à me pardonner"
Antonio Banderas campe un chirurgien pervers dans La piel que habito. Retrouvailles très attendues avec Almodóvar.
Vingt ans. Antonio Banderas a dû patienter pas moins de deux décennies avant d’avoir le droit de revenir, avec La piel que habito ("la peau que j’habite"), devant la caméra de Pedro Almodóvar. Le cinéaste qui a lancé sa carrière dans les années 1980 en cinq films : Le Labyrinthe des passions (1982), Matador (1986), La Loi du désir (1987), Femmes au bord de la crise de nerfs (1989) et Attache-moi (1990). Celui à qui le comédien espagnol dit "devoir presque tout". Et celui qui lui a fait payer très cher le fait d’aller tenter sa chance aux États-Unis. "Il m’avait créé, j’étais en quelque sorte sa chose. Il a vu mon départ comme une trahison. Il lui a fallu du temps pour me pardonner".
Un terrible affront
En 1991, Almodóvar lui propose de jouer dans Kika. Mais entre-temps, Banderas s’est vu offrir le rôle principal dans une production américaine, The Mambo Kings. L’occasion est trop belle, mais l’affront terrible. "Pedro a eu des mots très durs : 'Hollywood va te broyer, tu vas gâcher ton talent. Je t’aurais prévenu…'" Quand le film d’Arne Glimcher est sorti, Almodovar a envoyé à Banderas une photo de Victoria Abril et eux deux prise lors du Festival de Berlin. "Derrière, il avait écrit : 'Les Mambo Kings chantent des airs bien tristes.' Je ne lui en ai jamais voulu. Car Almodóvar est un génie qui a révolutionné le cinéma. Et en génie qui se respecte, il est caractériel et allergique à toute contradiction. Mais je l’aime, je l’ai toujours aimé et je l’aimerai toujours."
Une relation qui fait penser à celle qu’entretient le personnage de chirurgien plastique campé par Banderas avec sa patiente et victime dans La piel que habito : il a des sentiments pour elle mais la manipule, prend un plaisir certain à la torturer et veut la modeler à son image. "Et je serais qui dans l’histoire?", plaisante Banderas. "Même si Pedro et moi étions à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, on se téléphonait, on se voyait régulièrement. Il se montrait toujours critique vis-à-vis de mon travail". Les deux hommes parlaient souvent de refaire un film, mais bizarrement, il y avait toujours quelque chose qui faisait capoter le projet. "En 1998, à l’issue de l’avant-première du Masque de Zorro, il m’a lancé : “Tu vas devenir tellement cher qu’on ne pourra plus jamais retravailler ensemble.” Il avait trouvé l’excuse parfaite! Mais avec le temps, on devient plus raisonnable. Et l’envie de faire du beau cinéma est plus forte que tout".
Ressembler à Delon dans Le Cercle rouge
Antonio Banderas savait que ses retrouvailles avec Pedro seraient comme celles de deux amoureux, heureuses et douloureuses. Avec La piel que habito, Almodóvar lui offre un personnage à l’opposé de tout ce qu’il a joué jusque-là. "C’est un psychopathe, mais Pedro m’a tout de suite prévenu : 'Pas question de jouer un monstre. Je ne veux pas d’un truc façon Hollywood. Cette fois, tu vas devoir être subtil'.” Le cinéaste demande à l’acteur de regarder Le Cercle rouge de Jean-Pierre Melville, alors le comédien fait tout pour ressembler à Alain Delon. "Comme lui, je voulais qu’on ne lise rien sur mon visage. Il fallait que je devienne le contraire de moi : glacial, calculateur, tout en retenue et en économie. Ce n’était pas toujours facile".
Quand Banderas ose dire que du coup, il trouve son personnage un peu plat, Almodóvar l’envoie balader. "Il m’a propulsé dans un registre qui n’était pas le mien, m’a poussé dans mes retranchements, obligé à explorer mon côté obscur. Et j’en suis ressorti meilleur acteur. J’ai retrouvé la même excitation que sur nos premiers films, ce même désir de Pedro de toujours repousser les limites, de surprendre, de faire mieux et autrement. Bref, il vieillit, mais il ne change pas". Surtout pas en plateau. L’acteur a retrouvé un Almodóvar aussi "infernal" qu’autrefois. Qui pinaille sur tout. "C’est lui, le psychopathe! On recommence la scène jusqu’à ce qu’il obtienne exactement ce qu’il veut. On a parfois envie de lui faire manger sa caméra! Et pas la peine d’essayer de donner son avis… Combien de fois je l’ai entendu dire [Banderas imite la voix d’Almodóvar] : 'Les idées, c’est mon affaire. Contente-toi de les jouer correctement'. Alors on serre les dents très fort car tout cela est au service d’une formidable vision artistique". Antonio Banderas aimerait faire partie d’une autre aventure encore. Et cette fois, pas dans vingt ans. "J’ai dit à Pedro que j’adorerais qu’on tourne une comédie, qu’on rigole comme il y a trente ans. Vous savez ce qu’il m’a répondu? 'Ça tombe mal. J’ai l’intention de ne plus faire que des thrillers'.”
Source: JDD papier
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