Au centre ville de Tiaret, sa ville natale, Djamel Dahou ne peut pas passer inaperçu. Souvent, il se voit obligé de marquer des arrêts pour se photographier avec des fans ou faire des selfies. Tout le monde le connaît ici. C'est le champion. Le héros. La prouesse de Djamel Dahou dans le monde de la boxe a fait de lui, une personne très sollicitée notamment par les médias. Mokhtar Dahou, son père et manager personnel, nous donna rendez-vous à 12h dans un hôtel d'Alger. «Nous avons des séances d'enregistrement avec des chaînes de télévision et ensuite, nous devrons rentrer directement à Tiaret», nous confie-t-il. La famille Dahou devra préparer les valises pour un vol aux Etats-Unis (Las Vegas) pour un stage bloqué (achevé il y a quelques jours). Epuisés financièrement Depuis que Djamel Dahou a commencé à glaner des titres de renommée mondiale (World Boxing Council et Union of Boxing Organisation), le challenge a grandi et imposé plus de «lois et exigences» dans la vie de celui qui devient désormais un sportif de haute classe. Pour conserver ses ceintures de champion, le boxeur de 23 ans devra disputer des combats, selon le calendrier mis en place par les organisateurs. «On nous propose des challenges contre des boxeurs de toutes nationalités qui aspirent s'imposer devant Djamel et décrocher ainsi le titre qu'il détient, explique le manager. Mais quelques fois, à cause du manque d'argent, nous déclinons ces propositions et demandons qu'elles soient reportées ou annulées carrément. A titre d'exemple, la WBC nous a envoyés une correspondance faisant état d'un éventuel combat contre un boxeur philippin qui était programmé pour le 8 mai dernier. J'ai tellement voulu mener ce défi qui coïncide, comme vous pouvez le constater, avec une date marquante de l'histoire de notre pays, mais nous avons dit (non), faute de moyens financiers». Selon l'invitation de la WBC, le montant global qu'aurait coûté le combat avoisine les 10 000 $, (environ 100 millions centimes), une somme que ni le père ni le fils ne peut procurer comme le confirme M. Mokhtar : «Je n'étais pas capable de payer une telle grosse somme alors j'ai essayé par tous les moyens de trouver un sponsor mais, hélas, aucun n'a donné suite à mes sollicitations». Aux chevets de Djamel Loin des yeux des responsables du sport algérien, le boxeur a souffert pour surmonter les difficultés financières auxquelles il fait face. Mais il n'a pas céder au désespoir. Grâce à quelques proches de la famille et surtout son père, les affaires ont marché mais difficilement, dira Djamel : «Mon père, qui est un simple employé, a dû vendre des biens comme sa voiture et la maison qu'il a hérité de ses parents pour qu'il me donne l'argent qu'il faut pour payer les billets d'avion et tout ce qui suit. En outre, il y a ma mère et ma grand-mère qui sont venues me jeter des sommes dans la poche après avoir vendu leurs bijoux et quelques objets précieux. Cela m'a tellement touché que j'ai décidé d'aller jusqu'au bout et essayer de remporter le maximum de prix pour les rendre heureuses». Promesses non tenues Le 19 décembre 2014, un combat de boxe s'est tenu à Bordj Bou-Arreridj entre Djamel Dahou et son rival mexicain Daniel Valenzuela. Objectif pour le représentant algérien : défendre le titre de la WBC qu'il détient pour l'Algérie. Pour ce challenge, on a parvenu à y trouver un financement entier assuré par une grande entreprise d'électroménager. «Un homme d'affaire est heureusement venu à notre rescousse pour nous sponsoriser à cette occasion, glisse Mokhtar Dahou. Il a déclaré en plein conférence de presse qu'il prendra en charge, par le biais de son entreprise, toutes les retombées financières du combat». L'homme d'affaire qui parlait devant un parterre de journalistes a confirmé que le boxeur Djamel Dahou sera dorénavant sponsorisé par l'entreprise, or, les jours suivants ont prouvé le contraire. «La fameuse déclaration de l'homme d'affaire, qui s'est engagée pour financer Djamel dans son sport, n'était que des paroles en l'air. Evidemment, le monsieur n'a pas tenu cette promesse et refusait de donner suite à une nouvelle sollicitation. Pire, je pense à mon avis que sa déclaration aux journalistes a fait que les autres sponsors n'ont rien proposé à Damel Dahou parce qu'ils le croyaient en contrat avec le premier en question», ajoute l'orateur. Entre le marteau et l'enclume Au-delà de la question du sponsoring, il faut dire que tout sportif algérien a droit à un minimum de prise en charge par l'Etat algérien. Alors pour chercher le pourquoi de cette «marginalisation» du plus jeune champion de la WBC, (à l'âge de 22 ans et 3 mois, pour la catégorie welters, réservée au athlètes pesant entre 63 et 66 kg), nous avons contacté le premier responsable de la boxe algérienne, M. Nabil Saâdi, qui est le président de la Fédération. Ce dernier précise que le problème avec Djamel Dahou réside dans le fait qu'il ne soit pas affilié à un club ou une association. «Pourquoi le problème des boxeurs pros ne se pose pas à l'étranger et précisément en Europe ?», se demande t-il d'un ton ironique avant de rebondir : «Parce que, tout simplement, cette discipline est bien organisée là-bas. Tous les sportifs disputent sous l'égide de clubs professionnels et se sont ces clubs-là qui veillent au sponsoring des combats de leur boxeurs». Cependant, M. Saâdi ajoute un détail très important par rapport à la relation entre la Fédération internationale de boxe amateur (Fiba) et les autres qui se disent pros : «Il y a un certain conflit entre les deux parties qui ne s'entendent plus depuis 2012. Le TAS (Tribunal arbitral du sport) s'est vu même obligé d'intervenir pour calmer les esprits et trancher sur des questions relatives à la gestion de la boxe amateur et professionnelle. La Fiba a répliqué par la suite en interdisant à tous les présidents de fédération de se mêler des affaires des boxeurs pros ou de les aider en quoi que ce soit». Apparemment ce blocage entre la Fiba et ses jumelles fédérations est à l'origine du malheur de Djamel Dahou, qui n'a rien à s'en vouloir dans ce conflit. Espoir et volonté Au centre de cette tornade qui frappe le haut palier de la boxe mondiale, le King Dahou continue de travailler normalement avec l'aide de son père. En le quittant à l'hôtel, son sourire ne se cache pas et ses mots sortent avec force et une hargne qui se fait sentir. Son père, lui, promet de ne jamais baisser les bras et jure d'épauler son fils à fond sans relâche.