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-------------------------------------------"REPORTAGE", "Le loup étend son territoire et sème la colère dans les plaines", "Les attaques se multiplient dans les élevages ovins de la Haute-Marne et de l'Aube", "", "", "Nully (Haute-Marne) Envoyée spéciale - Allez, on vient! » Une fois, deux fois, trois fois, la voix puissante de Nicolas Boucley résonne dans les plaines délicatement vallonnées de la Haute-Marne, derrière lesquelles le soleil commence à se coucher. Les brebis, qui paissent à l'extrémité de la prairie, finissent par se mettre en branle. D'un coup, le troupeau se forme, court et rentre dans le parc de nuit. L'éleveur ferme prestement la clôture mobile et rallume l'électrificateur. Car le loup, venu des Alpes et des Vosges, rôde maintenant dans les plaines champenoises.",
"", "« C'est un parc temporaire qu'on a monté il y a dix jours, le temps de finir d'installer une clôture électrifiée, plus haute, autour de l'ensemble de nos prairies. On ne pense pas que ça protégera nos moutons, mais il faut bien faire quelque chose » , soupire le jeune éleveur.", "", "Le quotidien de la famille Boucley a basculé le 22 juin. Comme tous les matins, Jean-Paul, le père, fait le tour des cinq prairies, 35 hectares au total, réparties sur les communes de Nully, Blumeray et Ville-sur-Terre. Mais ce jour-là, il revient en catastrophe à la bergerie. « Il avait une tête d'enterrement » , se souvient sa femme Michèle. Dans les prés, des brebis gisent, dépecées et éventrées. Certaines se traînent avec difficulté, deux côtes ou le gigot rongé. Beaucoup ont des morsures à la gorge, là où le prédateur les attrape. Bilan : six brebis moribondes et 17 blessées. « On a passé deux jours à les recoudre et faire des constats, raconte Michèle Boucley. C'est très dur psychologiquement. Maintenant, on a peur tous les matins. » En l'espace de trois mois, son cheptel de 1 300 bêtes essuiera huit attaques.",
"", "A une vingtaine de kilomètres, à Lignol-le-Château, dans l'Aube voisine, le même sentiment d'abattement et d'impuissance a gagné la ferme de Bernard Piot. Ici, le loup s'est acharné sur le troupeau de 230 têtes : 16 attaques depuis le 25 mai, faisant 51 victimes, les dernières le 2 octobre. L'éleveur désigne les rescapées dans un box de la bergerie. Les traces de morsures et les plaies sont encore visibles sous la toison. « Voir des animaux morts fait partie de notre métier, mais on n'est pas habitués à une telle violence » , souffle-t-il.",
"", "Aux premières attaques, les éleveurs doutaient de la présence du loup dans ces plaines. Mais le 13 septembre, un piège photographique immortalise le prédateur à proximité du clos des Boucley. « Le rythme des attaques [une quarantaine sur les deux départements en 2013] et le nombre de proies [près de 200 brebis mortes et blessées], font privilégier le scénario d'un loup isolé, assure Bertrand Baillard, sous-préfet de Bar-sur-Aube. Il faut maintenant voir s'il s'installe ici. »",
"", "Pour les éleveurs, cela ne fait aucun doute. « Pourquoi partirait-il? Il a un garde-manger toujours ouvert » , ironise Nicolas Boucley. « Nos élevages ne sont pas adaptés à l'arrivée du loup , reconnaît sa mère. On n'est plus au temps du beau-père où il y avait un berger qui rentrait les moutons le soir. »", "", "Aujourd'hui, les troupeaux des plaines de l'Aube et de la Haute-Marne ne sont presque plus gardés. L'élevage ovin vient en complément des grandes cultures de céréales - blé, orge et colza - dans lesquelles la Champagne-Ardenne s'est spécialisée. « On utilise les moutons pour valoriser les coteaux que l'on ne peut pas cultiver , explique Bernard Piot, qui gère 400 hectares de cultures et 37 de prairies. Maintenir des zones d'herbe nous permet de bénéficier des aides de la Politique agricole commune. »",
"", "Conséquence : les aires de pâturage sont généralement petites, dispersées et souvent éloignées des bergeries. Les moutons y demeurent jour et nuit, entre huit et dix mois de l'année, sans présence humaine. L'étable accueille seulement les brebis et leurs tout jeunes agneaux promis à la vente.", "", "« On ne peut pas rentrer les bêtes à l'étable à 18 heures quand on est sur la moissonneuse , vitupère Nicolas Boucley. Et si on embauche, on ne rentre pas dans nos frais. » La famille dispose bien de deux chiens patous, mais ils ont été dressés contre les voleurs et non les loups, et « ne peuvent pas rester seuls loin de la bergerie » . « Le loup étant une espèce protégée, c'est à l'Etat d'assumer » , fustige-t-il.",
"", "Alors que la grogne monte dans les bergeries - 21 élevages ont été touchés -, les préfets de la Haute-Marne et de l'Aube ont autorisé des tirs de défense, par des agents assermentés, à proximité des troupeaux attaqués. Mais aucun loup n'a pu être repéré. L'Etat a également financé l'achat et l'installation de clôtures électriques pour deux éleveurs, dont les Boucley. Enfin, des indemnisations sont versées, 160 euros par victime. La facture s'élève cette année à 17 600 euros pour la Haute-Marne et 14 000 euros pour l'Aube.",
"", "« Cela rembourse le coût d'achat de la brebis, mais pas le manque à gagner de l'agneau qui n'est pas né , calcule Bernard Piot. Sans compter le stress pour les autres brebis gestantes qui risquent d'avorter. » Des pertes indirectes qui inquiètent Michèle Boucley : ses brebis qui ont subi des prédations ont trois mois de retard dans leur gestation.", "", "Pour les éleveurs-céréaliers, la cohabitation entre l'homme et le grand canidé est impossible dans la région. Une certitude que partage le député UMP de l'Aube, Nicolas Dhuicq, qui a cosigné, le 10 octobre, une proposition de loi visant à « autoriser l'abattage de loups dans des zones de protection renforcée » . « C'est un animal qui s'adapte très vite. Si on ne fait rien, il sera partout en France » , prévient-il.",
"", "« En Italie et en Espagne, les loups sont très nombreux et cela ne pose pas de problème car les bergers gardent leurs troupeaux , rétorque Pierre Athanaze, président de l'Association pour la protection des animaux sauvages. Le statut d'espèce protégée est menacé par une frange de l'élevage qui est dans un refus dogmatique des grands prédateurs alors qu'ils sont essentiels aux écosystèmes. »", "", "« Si les attaques se poursuivent l'an prochain, on arrêtera l'élevage , menacent de leur côté les éleveurs. On élève des brebis, pas des loups. On n'a pas signé pour faire des croquettes fraîches. »",
"", "", "Le loup étend son territoire et sème la colère dans les plaines", "Eric Marboutin : « La population de loups croît en France à un rythme de 20 % par an »", "Questions à Eric Marboutin, responsable du réseau loup-lynx à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage", "", "Propos recueillis par A. G.", "", "Où trouve-t-on des loups aujourd'hui en France?", "", "Les loups, réapparus en France en 1992 après avoir été massivement chassés et empoisonnés, sont aujourd'hui présents dans 24 départements. Les animaux sédentarisés sont essentiellement localisés dans les Alpes, mais aussi dans les Pyrénées-Orientales, la Lozère, et le sud du massif vosgien. Des loups isolés ont également été aperçus en Aveyron, dans le Gers, dans l'Aube et la Haute-Marne.",
"", "Comment expliquer la croissance de cette espèce?", "", "La population de Canis lupus , qui regroupe entre 250 et 300 individus, croît en France à un rythme de 20 % par an. Elle se développe, comme ailleurs en Europe, en raison de la croissance des forêts, de la nourriture abondante et diversifiée (le nombre d'ongulés sauvages est en hausse depuis trente ans) et d'un statut de protection favorable, avec la convention de Berne de 1979 et la directive Habitat Faune Flore de 1992.", "", "Le loup est un super-prédateur : il n'a pas de concurrence avec d'autres espèces. Néanmoins, la croissance actuelle de cette population ne se situe pas à son maximum biologique : avec des paramètres de survie et de fécondité au maximum théorique, le taux de croissance peut atteindre 40 %.",
"", "Comment les loups s'implantent-ils sur de nouveaux territoires?", "", "Des loups quittent la meute à deux périodes de l'année : avant l'hiver, quand il y a une concurrence pour l'alimentation au sein de la meute car les jeunes de l'année ont besoin de presque autant de nourriture que les adultes; et à la fin de l'hiver, au moment du rut, quand il y a conflit pour accéder au statut de reproducteur. Ces animaux cherchent alors un nouveau territoire et peuvent parcourir 40 à 50 km par nuit. Au final, ils s'installent en moyenne à 200 km de la meute d'origine.",
"", "Comment choisissent-ils leur habitat?", "", "On ne sait pas pourquoi un loup s'installe quelque part si ce n'est qu'il cherche un territoire avec de la nourriture. Son régime alimentaire est composé de 75 % à 90 % d'animaux sauvages (comme les chevreuils ou lièvres) et de 25 % à 10 % d'animaux domestiques (des moutons et, de temps en temps, de jeunes bovins et caprins). Il mange en moyenne 2 à 3 kg de viande par jour, mais peut jeûner plusieurs jours et compenser ensuite.", "", "Mais le loup peut biologiquement vivre n'importe où : dans les montagnes, les forêts, les grandes plaines agricoles, les déserts froids, les régions chaudes, etc. Il n'y a pas grand-chose qui l'arrête : il n'est par exemple pas inféodé aux forêts dans ses déplacements. C'est vraiment une espèce « plastique » qui s'adapte à tous les écosystèmes. C'est d'ailleurs le mammifère terrestre qui a eu l'aire de répartition historique la plus large au monde : l'hémisphère Nord.",
"", "Peuvent-ils se rapprocher des villes?", "", "Les loups peuvent passer près de zones habitées mais ce n'est pas quelque chose qu'ils recherchent : il n'y a pas assez de nourriture dans les villes et, comme tous les animaux sauvages, ils craignent la présence humaine et le bruit.", "", "Néanmoins, au XVIIIe siècle, il y avait des loups partout en France, y compris près de Paris, dans les forêts de Rambouillet, de Versailles ou en Sologne. L'espèce a finalement reculé en raison de la concurrence avec l'homme."
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-------------------------------------------"Dans le Mercantour, le loup défie les éleveurs Les coûts de la prévention et des indemnisations", "", "", "", "Prévention ", "En 2011, les mesures de prévention définies par le plan national sur le loup ont coûté 6,2 millions d'euros. Prises en charge par le ministère de l'agriculture, elles financent notamment l'emploi des aides-bergers, les clôtures fixes ou mobiles, les chiens et leur entretien.", "", "Indemnisations Financées par le ministère de l'écologie, ces dispositions visent à compenser les prédations et les manques à gagner. En 2011, 1,5 million d'indemnisations a été versé.",
"", "Tirs de prélèvement Depuis 2004, 9 loups ont été abattus « légalement », après que l'Etat a autorisé des « tirs de prélèvement ». Cette mesure exceptionnelle est prise conjointement par les ministères de l'écologie et de l'agriculture.", "", "", "", "", "Les tensions sont de plus en plus vives entre les bergers et les gardes du parc national qui protègent le prédateur", "", "Comme un tourbillon, le troupeau se rassemble sous la pression des chiens de conduite. Au pied de son refuge d'alpage perché à près de 2 000 mètres dans la vallée de la Tinée, au coeur du parc national du Mercantour, où il a pris ses quartiers depuis le 1er juillet, Bernard Bruno a décidé de compter ses moutons et ses brebis en les faisant passer un à un dans un enclos. Pratiquant un pastoralisme traditionnel, l'éleveur, originaire de Saint-Vallier-de-Thiey, au-dessus de Grasse (Alpes-Maritimes), a transhumé à pied avec ses 2 000 bêtes. Il ne redescendra dans la vallée que le 15 octobre. Le premier hameau est à 1 h 15 de marche, le premier village à plus de deux heures, le paysage sublime, malgré la sécheresse de l'été.",
"", "Depuis qu'il a débuté « l'estive », le pâturage de haute montagne, Bernard Bruno subit l'attaque répétée des loups. Déjà dix prédations qui ont fait trente et une victimes parmi les brebis. « Dès le premier soir, ils m'en ont tuée une », raconte calmement le berger, 46 ans, belle gueule, avec sa barbe de quatre jours, ses cheveux dans le cou et ses rides creusées par le soleil.", "", "Un de ses chiens patous, un grand « montagne des Pyrénées » blanc, porte les marques d'un combat, une blessure profonde à la patte. L'éleveur s'est entouré de ces gardiens depuis plusieurs saisons. Cet été, il en a sept auprès de lui, plus cinq chiots qu'il a commencé à dresser au contact de tout jeunes agneaux pour les préparer à devenir l'un des leurs. Il s'est aussi doté d'un parc mobile, pour rassembler les moutons la nuit et faciliter la tâche de ses chiens. Une logistique lourde : les filets et les sacs de croquettes pour les patous ont été acheminés par hélicoptère. Le parc de nuit doit être régulièrement déplacé pour éviter le surpâturage.",
"", "Malgré ces mesures de protection financées par l'Etat dans le cadre du plan d'action national sur le loup, d'année en année, le prédateur, protégé par la convention de Berne (1979), s'adapte et déjoue la vigilance des éleveurs. « Je ne sais plus ce qu'il faut faire. Cette année, c'est pire que tout, les loups attaquent le jour. Il y a quelque temps, je discutais avec quatre personnes à côté de la cabane. A 80 mètres, le loup s'est jeté sur une brebis. C'est lui qui nous surveille », poursuit Bernard Bruno.",
"", "Chaque matin, l'éleveur scrute le ciel, guettant la présence des vautours, annonciateurs de mauvaises nouvelles. Lorsque les rapaces balaient le ciel, il sait qu'il peut contacter les gardes du parc pour qu'ils viennent constater les dégâts et enclencher la procédure d'indemnisation. Il faut aller vite : en 48 heures, les charognards auront fait disparaître toutes les traces de prédation. Ce mardi 28 août, s'il a décidé de faire les comptes, c'est qu'il est persuadé d'avoir perdu des bêtes. « Le problème, c'est de le prouver. L'agent du parc ne constate que ce qu'il voit. S'il ne reste que de la laine, pas de carcasse, et bien je ne suis pas indemnisé. »",
"", "Ces disparitions ne sont pas seulement imputables au loup. Elles font parfois sourire dans la vallée, où l'on soupçonne certains éleveurs d'écouler une partie de leur production sous le manteau.", "", "Voilà trente ans que l'homme exerce son métier de berger, mais le découragement le gagne. « Mon grand-père, mon père étaient éleveurs. J'ai commencé à quatorze ans, j'avais un mouton. Je doute que mes enfants reprennent. Avant le loup, ici, c'étaient les vacances ! »", "", "",
"Sa première attaque remonte à 1997, cinq ans après le retour du loup dans le Mercantour. En novembre 1992, l'animal est aperçu pour la première fois en France, après soixante années d'absence. A l'occasion d'un comptage de chamois, en haute Vésubie, on découvre un loup de souche italienne, provenant, selon les experts, de la chaîne des Apennins. Depuis, l'animal a étendu son territoire à douze départements français. Entre 200 et 250 loups vivraient dans l'Hexagone, dont 30 à 40 dans les Alpes-Maritimes.",
"", "", "L'été 2012 a été particulièrement difficile dans le département, qui totalise un tiers des prédations constatées sur l'ensemble du territoire. Au 17 août, avec 406 attaques, on atteignait presque le nombre de celles recensées en 2011. Les tensions se font sentir. Le 8 août, à Châteauneuf-d'Entraunes, un éleveur, à bout après une quinzième attaque, s'est violemment accroché avec l'un des gardes dépêché sur place pour constater les dommages. Le parc a déposé plainte pour coups et blessures. L'affaire est instruite à Nice.",
"", "", "« On avait prévenu que ça allait mal finir. On peut parler de souffrance. Le travail des éleveurs est dévalorisé, leur vie est devenue impossible, les couples se séparent », tempête Michel Dessus, président de la chambre d'agriculture. Le climat pèse sur les relations avec les agents du parc du Mercantour, soupçonnés il y a vingt ans d'avoir réintroduit le loup et toujours perçus comme les défenseurs zélés du prédateur.", "", "Dès sa création, en 1979, le parc du Mercantour est devenu un objet de conflit, car perçu comme un outil trop contraignant par les chasseurs, les éleveurs et certaines communes. « Je ne peux pas les saquer, s'emporte Louis Ascenzi, éleveur dans la vallée de la Vésubie. Ce sont des intégristes du loup qui rêvent de nous voir disparaître ou juste de garder quatre gars pour le folklore. Pendant des années, ils nous ont interdit de toucher au mélèze alors qu'on savait, nous éleveurs, que si on ne débroussaillait pas, c'était des garde-manger rêvés pour les loups. Eh bien maintenant, ils ont enfin compris et ils nous payent pour les couper ! »",
"", "", "« Nous essayons de concilier la protection de l'espèce, qui est inscrite dans nos missions, et la sauvegarde du pastoralisme, dont nous ne négligeons pas le rôle dans la protection des paysages, des habitats et de la biodiversité », se défend le chef de secteur de la moyenne Tinée, Philippe Pierini.", "", "", "« C'est un service que nous rendons à l'Etat, mais cela ne facilite pas le relationnel, reconnaît Alain Brandeis, le directeur du parc. Il faut sans doute réfléchir à un système déclaratif plus léger. » Les gardes mettent en avant leur travail d'« accompagnement du pastoralisme », les contrats passés avec les éleveurs pour améliorer la gestion des pâturages et tenter de limiter la taille des troupeaux, l'installation de captage d'eau, le prêt de matériel, la pression sur les communes pour créer de nouveaux refuges. Les éleveurs pestent, eux, contre la réglementation au coeur du parc particulièrement stricte, où les tirs d'effarouchement ne sont pas autorisés. Ils tentent donc de trouver des subterfuges pour effrayer autrement les loups. Cette année, les gardes ont tenté d'expérimenter avec Bernard Bruno un système de faisceau lumineux. Mais l'appareil n'a jamais fonctionné.",
"", "Toutes les nuits, dans son refuge, Bernard Bruno guette à l'oreille le troupeau. Il se lève souvent trois ou quatre fois, alerté par des mouvements anormaux ou les aboiements des chiens. Parmi les aides, il peut bénéficier de la présence d'un berger, mais y a renoncé. « L'an dernier, ça a fini aux prud'hommes. Le gars estimait avoir fait trop d'heures. Cette année, le nouveau est parti au bout de quatre jours, il ne voulait pas se lever la nuit. »", "", "", "Dans la vallée voisine, à La Bollène-Vésubie, pour garder son troupeau de 1 000 brebis, Michel Barengo, 47 ans, emploie un aide-berger, un homme de 52 ans dont il ne veut surtout pas se séparer. « J'ai 490 hectares avec des creux et des vallons. J'ai quatre chiens patous. J'en aurais 50, cela ne changerait rien car le terrain est tellement accidenté qu'il leur est impossible de surveiller tout le troupeau. »",
"", "L'éleveur est excédé. Ses brebis, qui restent dans la montagne la quasi-totalité de l'année, subissent des attaques quelle que soit la saison. Le 23 mars, il a écrit au préfet des Alpes-Maritimes pour demander « une régulation massive, efficace et intelligente du loup » au nom « de la paix sociale ». « Avant le loup, c'était le paradis. C'est devenu désespérant. Depuis le 24 décembre 1994, date de ma première attaque, j'ai perdu plus de 1 500 bêtes. Au début, mon père, qui n'avait pas subi le loup, me traitait de bon à rien. J'avais honte. Quand j'ai passé des heures à faire téter des agneaux, je n'ai pas envie de retrouver leur carcasse. Ce ne sont pas les indemnisations qui peuvent nous rassurer, car le loup menace notre profession et, au-delà, la biodiversité ».",
"", "", "Son collègue Louis Acsenzi va se séparer de la moitié de son troupeau. « Les loups sont en train de me faire baisser les bras. Mon fils en a assez. Chaque soir, il passe cinq heures à rassembler les brebis pour les parquer. C'est du stress et autant d'heures de pâturage en moins et donc de viande à la fin de la saison. C'est pas évident d'arrêter, de vendre un troupeau à la casse. »", "", "", "Pour calmer les esprits, la préfecture a autorisé « un tir de prélèvement », jargon administratif pour ne pas prononcer le mot « abattage ». Une mesure « trop symbolique » pour les éleveurs, « inutile et dangereuse » pour les défenseurs du loup. Le retour au calme n'est pas pour demain dans le parc du Mercantour.",
"", "", "", "", "Dans le Mercantour, le loup défie les éleveurs", "", "Une expertise scientifique demandée par Delphine Batho", "", "s. ", "", "", "", "QUE FAIRE POUR CONCILIER protection de l'espèce et maintien du pastoralisme ? Dès sa nomination le 21 juin, Delphine Batho a trouvé sur son bureau, au ministère de l'écologie, le dossier du loup, qui brûle les doigts.", "", "", "A l'occasion d'un déplacement le 22 juillet à Caille dans les Alpes-Maritimes, la ministre venue pour la fête du nouveau parc régional des Préalpes d'Azur fut fraîchement accueillie par une délégation d'éleveurs et de représentants de la profession. « Une rencontre improvisée » où les éleveurs ont rappelé plusieurs chiffres : 450 attaques en 2011 dans les Alpes-Maritimes; 1 450 animaux tués. Le département représente un tiers des prédations constatées au plan national.",
"", "", "Depuis deux ans, alors que l'Etat avait parlé d'une stabilisation des prédations, les attaques sont en augmentation. Le ministère de l'écologie reconnaît qu'au plan national, fin août, 68 attaques supplémentaires par rapport à août 2011 ont été relevées. Estimant que les mesures de prévention ont montré leurs limites, les éleveurs réclament une « régulation de la population des loups ». « C'est un enjeu, qu'il nous faudra trancher avant la fin de l'année, explique prudemment Delphine Batho. J'ai été frappée par la détresse des éleveurs qui doit être entendue, mais j'ai bien noté qu'aucun ne parle plus d'éradication ». S'ils se gardent d'évoquer le terme, les éleveurs suggèrent cependant de restreindre le « territoire » du loup.",
"", "", "Le ministère de l'écologie et le ministère de l'agriculture ont mis en chantier l'élaboration d'un nouveau « plan d'action national sur le loup », le troisième depuis 2004, qui sera applicable de 2013 à 2017.", "", "", "Signataire de la convention de Berne, la France s'est engagée à protéger le loup, qui avait été éradiqué dans les années 1930.", "", "Pour préparer les nouvelles dispositions, Delphine Batho, qui réunira début septembre un comité national loup, a confié au Muséum national d'histoire naturelle une expertise scientifique sur l'évolution de la présence du loup sur le territoire national.",
"", "", "Une phase de concertation département par département sera organisée sous l'égide des préfets, suivie d'une phase de concertation au niveau national. « Je veux construire une démarche sérieuse dans le respect et l'écoute avec le plus de sérénité possible », indique la ministre de l'écologie.", "", "C'est en France que la présence du loup suscite le plus de tensions entre éleveurs et défenseurs du prédateur. En Espagne, où l'on compte 2 500 loups, et en Italie, où l'on en dénombre entre 500 et 800, la cohabitation est plus sereine. Sans doute parce que l'élevage est différent. Les Italiens pratiquent surtout un élevage laitier destiné à la fabrication de fromage. Les troupeaux sont plus petits et donc plus faciles à surveiller et à protéger.",
"")
-------------------------------------------"Mercantour : un berger affirme avoir été attaqué par un loup", "", "La proie et l'odeur de la proie", "Tous les scientifiques s'accordent à dire que le loup n'attaque pas l'homme. Une spécialiste du comportement animal, installée à Mougins, explique toutefois que l'odeur du berger « imprégnée de mouton » a pu déclencher l'attaque du prédateur", "", "Spécialistes et autorités appréhendent ce dossier avec une prudence extrême. Prudence à la hauteur des enjeux et de l'intensité du débat qui ne manquerait pas de s'instaurer s'il s'avérait que le berger de Saint-Étienne-de-Tinée a bel et bien été mordu par une louve.",
"", "Les avis recueillis hier auprès des scientifiques ne mettent évidemment pas un point final à la discussion. Et s'ils éclairent le dossier, c'est pour mieux relancer la discussion, notamment à la suite des déclarations d'une éthologue qui développe une thèse pertinente sur l'odeur, facteur déclenchant de l'attaque du prédateur.", "", "Claude Gonella, adjoint à la directrice départementale de l'Agriculture, se borne, pour sa part, à souligner, en attendant les résultats de l'enquête et des expertises, qu'il n'y a pas d'exemple récent d'attaque d'un loup sur l'homme.",
"", "Ce constat est rappelé au cours de tous les colloques sur le sujet : depuis le début du siècle dernier, aucun cas n'a été rapporté ni en France ni en Europe - et tout spécialement en Italie, Espagne et Pologne - voire aux États-Unis.", "", "Les responsables du parc du Mercantour, qui se seraient bien passés de ce genre d'affaire en pleine saison estivale, affichent la même mine circonspecte.", "", "« L'homme, animal dominant... »", "", "Anne Ménatory, responsable technique du Parc du Gévaudan, en Lozère, l'un des plus importants parcs à loups de France, est plus prolixe. Elle confirme la thèse généralement avancée par les spécialistes avec, toutefois, certaines réserves.",
"", "« En principe, dit-elle, à l'état sauvage, le loup n'attaque pas l'homme qui apparaît comme un animal dominant. Son odeur effraie le loup . Dans le cas que vous me décrivez, la louve aurait dû s'enfuir avec les louveteaux... En revanche, ce pourrait être le comportement typique d'un chien qui fonce sur l'homme ou d'un loup croisé avec un chien. »", "", "Spécialiste du comportement animal à l'état naturel, l'éthologue Paola Alquié, installée à Mougins, a vécu quinze ans avec les animaux sauvages. Son approche est fort nuancée.",
"", "Dans un premier temps, elle confirme la thèse avancée communément : « Le loup ne s'approche pas de l'homme debout et il n'avancera vers lui que s'il est bloqué, acculé contre une paroi sans possibilité de fuir ou de reculer. »", "", "Elle précise encore, rejoignant en cela Anne Ménatory : « Ce peut-être en revanche le comportement d'un chien retourné à l'état sauvage. »", "", "« L'odeur du mouton... »", "", "Dans un second temps, Paola Alquié développe une thèse pertinente : « Je ne crois pas à l'attaque spontanée de la louve, même si le berger était passé à côté de la tanière avec les louveteaux. En revanche, ce qui a pu se produire, et cette hypothèse n'est pas à exclure, c'est que la louve a déclenché son attaque sur l'odeur. On peut supposer que ce berger était imprégné de l'odeur du mouton. L'animal en chasse l'a associé à un mouton car l'odeur de l'humain ne prévaut pas. Le berger, proche d'un point d'eau, peut être en position légèrement penchée, s'apprêtant à boire, est devenu une proie. Le mouton isolé que la louve chassait pour elle et ses louveteaux.",
"", "« Cela dit, nous restons dans les normes animalières et cette attitude de la bête, qui est un prédateur, ne veut pas dire que nous avons à faire à un tueur qui va s'attaquer systématiquement aux humains. »", "", "Loup ? Chien ? Berger à l'odeur de mouton ? Le débat est relancé avec, en toile de fond, le rapport irrationnel qui unit, depuis l'antiquité, l'homme au loup . Et ne favorise pas la sérénité.", "", "", "", "Mercantour : un berger affirme avoir été attaqué par un loup",
"", "Selon Aimé Ségur, sérieusement blessé, une louve accompagnée de deux louveteaux lui aurait sauté au visage, le 9 août dernier, près d'Isola. L'attaque, si elle se confirme, serait une première. Une enquête est en cours", "", "Tous les spécialistes sont unanimes : le loup ne s'en prend jamais à l'homme (lire ci-contre). Et pourtant, un berger de la vallée de la haute Tinée assure avoir été attaqué par un loup . Plus exactement, et cela a son importance par une louve accompagnée de ses deux louveteaux. Les faits remontent au 9 août et sont survenus à environ 2 000 mètres d'altitude dans le parc du Mercantour au sud-ouest du village d'Isola dans le secteur du quartier d'Aoust au lieu-dit Galestrière. Mais, Aimé Ségur, un « dur au mal » de 56 ans qui a pansé ses nombreuses plaies au visage avec un produit à base d'aluminium qu'il destine d'ordinaire à ses moutons, a tenu à rester auprès de ses quelque 400 brebis et de ses deux juments. Ce n'est que lundi soir qu'il est redescendu de ses montagnes pour se faire soigner et raconter aux gendarmes ce qui ne peut être, selon lui, qu'une attaque de loup .",
"", "« J'en suis absolument sûr, elle était grise avec ses deux petits d'environ 30 centimètres, des louveteaux nés au printemps et elle m'a attaqué alors que j'allais boire à la source », raconte le berger, le visage tuméfié et le crâne recouvert d'un épais pansement.", "", "« J'allais me désaltérer lorsque je l'ai vue sortir du bois et m'arriver dessus, elle m'a sauté au visage, m'a planté ses crocs autour de l'œil et ses griffes, je suis tombé, mais j'ai pu donner lui donner un coup de bâton et lui faire lâcher prise, et mes deux chiens sont arrivés », détaille Aimé Ségur qui dit également en montrant sa blessure avoir été mordu au mollet par l'un des louveteaux. « Mes Patous l'ont fait fuir, se sont lancés à ses trousses et l'ont suivi longtemps puisqu'ils ne sont rentrés que vers 22 heures et l'un d'eux, le blanc, est ouvert sur vingt centimètres en haut de la cuisse », poursuit le berger qui avoue avoir eu très peur. « Juste après, j'ai senti mes jambes flageoler et je suis allé me réfugier dans ma cabane ».",
"", "Loup ou chien errant ?", "", "Sorti de l'hôpital Saint Maur de Saint-Etienne-de-Tinée où il a passé une nuit, Aimé va récupérer quelques jours dans la maison qu'il partage avec son frère dans le village d'Isola avant de retrouver son troupeau. Comme la très grande majorité des autres bergers, il est violemment hostile à la présence du loup . « Il faut les enlever car ça va arriver, ils vont tuer quelqu'un et maintenant que l'un d'entre eux a goûté le sang humain, il peut recommencer », estime ce fils et petit-fils de berger dont le troupeau a déjà été attaqué il y a trois ans par un « grand canidé ». Il a été indemnisé pour la perte de ses 9 brebis.",
"", "Cette attaque présumée de loups a été prise très au sérieux tant par le parquet qui a ordonné une enquête que par le ministère de l'Environnement qui suit de très près le « dossier sensible » du loup . Dès hier, afin de savoir s'il s'agit d'un loup ou d'un chien errant, des agents du Parc national du Mercantour se sont rendus sur les lieux en vue de déceler d'éventuelles traces de passage de loups, ce secteur n'étant pas particulièrement fréquenté par ces canidés. Ces experts vont rechercher des empreintes, des excréments, des poils afin d'en extraire l'ADN. Des agents de l'Office national de la chasse devraient se rendre sur place aujourd'hui dans le cadre de l'enquête. A la demande du parquet de Nice, le berger a été examiné hier par un médecin légiste qui a confirmé que les blessures du berger pouvaient avoir été occasionnées par un animal. Les blessures des deux chiens d'Aimé Ségur vont également être examinées avec précision.",
"", "Si des traces sont retrouvées sur place, des analyses ADN seront pratiquées afin d'établir s'il s'agit d'un loup ou d'un chien.", "", "Des examens très longs et très « pointus » car les ADN des « grands canidés » et des loups sont très proches.", "", "Toutefois, sans attendre les résultats, Christian Estrosi, député RPR de la circonscription du haut-pays niçois, a réaffirmé son opposition à la présence du loup dans le Mercantour, incompatible, selon lui, avec toutes formes d'activités humaines.",
"", "Aimé Ségur, berger de la haute Tinée assure avoir été attaqué par un loup .", "", "", "", "", "", "Mercantour : un berger attaqué par une louve", "", "Un berger de la haute Tinée assure avoir été blessé par une louve et deux louveteaux le 9 août dernier près d'Isola village. Aimé Ségur était en train de boire lorsque l'animal lui a, selon lui, sauté au visage. Une enquête a été confiée à la gendarmerie de Saint-Etienne-de-Tinée. Si elle se confirme, cette attaque d'un homme serait une première. (Photo Richard Ray)",
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-------------------------------------------"Le loup a-t-il égorgé onze agneaux à Saint-Jeannet ?. « Il faut suivre la procédure »", "", "Alors loup ou pas loup ? Impossible, et même interdit, de dire avec certitude si le loup est responsable ou pas de cette nouvelle attaque. Interdit de trancher avant que l'État ne le fasse...", "", "Éric Marboutin, responsable des études et conduites sur le loup et le lynx à l'ONCFS - Office national de la chasse et de la faune sauvage, est formel : « Il faut suivre la procédure. »", "",
"« Dans les 48 heures suivant l'attaque, un agent constatateur va passer et inspecter une à une chaque bête morte ou blessée. Et remplir le formulaire que l'on appelle : \"Constat d'attaque\". Puis, il l'enverra à la DDT (Direction départementale des territoires) pour que toutes les données soient analysées afin de déterminer si oui ou non c'est un loup qui est responsable. S'il y a le moindre doute, il profitera toujours à l'éleveur qui sera indemnisé comme si c'était un loup avec certitude », explique Éric Marboutin.",
"", "Et le travail de l'agent constatateur n'est pas simple. « Il va devoir inspecter d'abord la morsure de mise à mort, qui est le plus souvent au niveau du cou. Il va devoir en déterminer la force. Il va soulever la peau, regarder les lésions, par exemple si la trachée-artère a été écrasée ou pas. Plus la force est grande, plus il y a de chances que ce soit un canidé de grosse corpulence, c'est-à-dire un chien ou un loup , plutôt qu'un renard. »", "", "« Mais ce n'est pas tout », poursuit le spécialiste : « L'agent regarde ensuite les morsures et les hématomes. Il regarde la violence des morsures. Puis, il se concentre sur le taux de consommation et la caractéristique de la consommation qui sont également des indications. »",
"", "À la DDT ensuite de procéder à toutes les analyses de ce constat d'attaque à l'aide de grilles d'évaluation. Afin de conclure si l'attaque est « typée » Loup (canis lupus)... Ou chien canis lupus familiaris).", "STEPHANIE GASIGLIA", "", "", "", "", "", "", "Le loup a-t-il égorgé onze agneaux à Saint-Jeannet ?. Quelles indemnisations pour les éleveurs ?", "", "Des compensations financières sont prévues pour les éleveurs ayant subi des dommages dûs au loup . L'argent provient du Fonds national pour la nature et l'environnement financé par le ministère de l'Environnement.",
"", "Et il est fonction de plusieurs critères, comme l'explique Eric Marboutin, spécialiste de l'ONCFS. Pour les pertes directes, c'est-à-dire les bêtes tuées ou blessées, l'indemnisation va varier selon le sexe, la classe d'âge, la lignée génétique, l'origine, le statut (brebis gestante ou allaitante...).", "", "Et puis, il y a aussi une indemnisation sous forme de forfait selon la taille du troupeau, pour les pertes indirectes. Les bêtes enceintes qui pourraient avorter de la peur. Des bêtes stressées...",
"", "Et comme, il vaut mieux prévenir que guérir, l'État, qui indemnise les attaques, subventionne également les éleveurs afin que ceux qui le souhaitent puissent se procurer des chiens de protection.", "", "", "", "", "", "", "", "", "", "inquiétude Le loup ne s'était jamais attaqué à des bêtes aussi près du littoral.", "", "Il s'en est pris au troupeau de Noël qui élève 500 têtes sur le Baou", "", "Le loup a-t-il égorgé onze agneaux à Saint-Jeannet ? + VAR", "", "Écœuré. Et inquiet pour les mois qui vont suivre. « Comment vais-je protéger mon troupeau ? », se désole Noël. Un éleveur assommé hier matin, mais aussi extrêmement surpris !",
"", "Surpris, car, c'est la toute première fois que le loup s'attaque à ses bêtes sur le Baou de Saint-Jeannet au lieu-dit du Jas Jausserand, à tout juste trente minutes de 4X4 du village ! Le loup , qui s'en est déjà pris à des troupeaux dans le Mercantour mais aussi dans le haut-pays grassois, est descendu encore plus bas cette fois-ci.", "", "Car, ce propriétaire de 500 brebis et agneaux en est certain, c'est bien un loup , ou plusieurs qui, dans la nuit de lundi, a massacré onze de ses agneaux qui venaient tout juste d'avoir un mois.",
"", "Hier après-midi, huit d'entre eux agonisaient dans la bergerie en attendant d'être euthanasiés. La peau du dos en lambeaux, des pattes arrachés, des cous entaillés... Les trois autres ont été retrouvés morts au petit matin. Et il n'en restait pas grand-chose...", "", "« Je dors dans une cabane qui est à 500 mètres environ de mes bêtes. J'ai découvert le massacre en me levant », souffle Noël. Qui n'a rien entendu. D'abord parce qu'il n'a pas de chiens pour protéger son troupeau. « Jusqu'à maintenant, on n'avait pas trop le droit d'avoir des chiens pour nos bêtes parce que le Baou c'est touristique, il y a beaucoup de gens qui passent. Mais maintenant, il va falloir que ça change. Sinon, ça va être un massacre d'ici septembre. Mes brebis, elles, viennent de mettre bas il y a un mois seulement...».",
"", "Au village, personne n'a encore entendu parler de « l'attaque du loup ». Mais il est encore tôt. C'est trop frais ! Au bar des Baous, Néné dodeline : « Oh non alors, on le saurait pourtant ? ». Il n'a pas l'air d'y croire beaucoup.", "", "Cet autre habitant, bien du cru, lève les yeux au ciel. Lui n'y croit pas du tout : « Il n'y a pas de loup , c'est forcément un ou plusieurs chiens. ».", "", "Pourtant.", "", "« On va encore avoir des attaques »", "", "« Pourtant, jure Noël, c'est un ou plusieurs loups, j'en suis certain. Je suis du Mercantour. Je n'installe mes animaux que 6 mois par an au Baou. Et dans le Mercantour, le loup , on le connaît bien. On perd 80 ou 90 bêtes par an à cause de lui. Alors, je vous le dis, cette nuit, c'était bien un loup . Il a mis sa marque quand il a saigné mes agneaux. Il les a pris à la trachée, sous l'oreille ! ».",
"", "Noël attend maintenant « l'agent constatateur » de l'Office de la Chasse qui a 48 heures pour passer faire les relevés en vue de la future indemnisation de l'éleveur.", "", "Noël, lui, regarde ses bêtes en sang, prêt à craquer. « Ça fait trop mal au cœur. Surtout que l'on va encore avoir des attaques, je le sais. »", "", "« On commence à peine avec le loup . Ça fait 15 ans qu'il est de retour, mais je vous le dis, on commence à peine avec lui... » Et s'il s'avère que c'est bien le loup qui est responsable de cette attaque, ce serait l'une des rares preuves de son retour dans les pré-Alpes et sur les baous."
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-------------------------------------------"CAUSSOLS", "", "Le berger et le loup...", "", "Avec son fils Ludovic, Patrick Bruno mène encore son troupeau à Beuil pour la transhumance. Mais il s'interroge sur l'avenir de son métier. Notamment par rapport aux attaques de loups", "", "Dans la famille Bruno, on ne devient pas berger par hasard. « Il faut une piqûre dès la naissance » opine Patrick, 53 piges, entre deux taffes de clope. Des Gauloises. Derrière sa moustache grisonnante et ses yeux bleus alliant sagesse et tristesse se cache un homme usé. Pour la trentième année, Patrick Bruno a pris le chemin de Beuil avec ses 2 000 bêtes. « En règle générale, on part pour la Saint-Jean et on revient pour la Saint-Michel, en octobre » précise Patrick.",
"", "Pendant six jours, Patrick Bruno, son fils Ludovic - 19 ans - leurs sept chiens et des amis encadrent le troupeau pour l'amener sur les hauteurs. Là où l'herbe est plus verte. « Durant le trajet, on dort à la belle étoile. À l'ancienne ».", "", "Cinquante-quatre brebis perdues", "", "Arrivés à Beuil, l'exploitant agricole et son fils s'installent pour de longues semaines. « Là-haut, nous travaillons vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le confort est minimal. Nous avons une cabane sans eau chaude, éclairée à la lampe à gaz, une couche sommaire et peu de temps pour penser à autre chose qu'aux bêtes, argumente Patrick Bruno. Surtout avec les loups... »",
"", "Depuis peu, et notamment avec la réintroduction de l'animal en milieu naturel, Patrick Bruno ne conçoit plus son métier de la même façon. « L'an dernier, j'ai perdu 54 brebis dans la montagne, lâche-t-il. Nous ne sommes pas en sécurité.Le loup se reproduit etn'hésite pas à attaquer les troupeaux. Ce n'est plus vivable. Mon fils débute dans la profession et ça va vite le décourager... »", "", "Le mal-être est là. Palpable.", "", "Patrick Bruno garde en lui cette rage qu'il ne dissimule pas dans ses mots. « Il faudra choisir. Nous, ou le loup . A ce rythme, le métier de berger va mourir. L'espèce en voie de disparition, c'est nous.",
"", "À la base, c'est une passion mais le loup est en train de gagner la bataille. Je continue car il faut payer les factures mais la flamme qui m'animait n'est plus là. »", "", "La solitude du berger", "", "Les mots sont lâchés. Patrick Bruno est fatigué, las de cette nouvelle vie. Jouer à cache-cache avec le loup , ça ne l'enchante pas.", "", "« J'ai toujours mon fusil dans le 4x4, on ne sait jamais. Mais mon fils, qui n'a pas de permis pour tirer sur les loups, que doit-il faire si l'un d'eux vient tourner autour du troupeau ? Lui jeter des pierres ? Il faut savoir qu'à la moindre attaque de loup , on doit remplir des tonnes de papier. Si j'ai fait ce métier, ce n'est pas pour faire de la bureaucratie. »",
"", "D'autant que ce dernier doit savoir tout faire. « Pour être berger, il faut être un peu vétérinaire, électricien, plombier, menuisier, martèle Patrick Bruno. Mon fils, les brebis c'est toute sa vie. Il m'accompagnait déjà quand il avait trois ans. Aujourd'hui, il a voulu se mettre à son compte avec 350 brebis mais la mairie de Caussols n'a pas daigné lui prêter une parcelle agricole. Déjà que moi je n'ai pas l'électricité sur la mienne en dépit de nombreuses demandes...»",
"", "Un troupeau, c'est une passion", "", "L'homme est déçu. Énervé. Inquiet. « On attend qu'il y ait un drame pour agir... De trop nombreux exploitants agricoles sont dans la même situation. Au lieu de mettre de l'argent dans la protection des loups, on aurait peut-être mieux fait de le mettre dans l'amélioration de nos conditions de travail. Une brebis, ça ne se fait pas en une journée. Chez les Bruno, on est assez fier. On a toujours eu l'envie d'avoir de belles bêtes. Un troupeau, ce n'est pas n'importe quoi. C'est une passion avant tout. »",
"", "Et la passion, Patrick Bruno, il ne l'a plus...Son métier est devenu un sacerdoce. « Je ne sais pas si je repartirai l'an prochain. »", "", "Pire, l'homme a parfois des idées noires. « On est en stress permanent, seuls, abandonnés. Souvent, je m'imagine finir en prison car j'aurai pété un câble avec le loup . Je m'y prépare. On attend toujours un drame pour agir...»", "", "Ne cherchez plus, dans l'esprit de Patrick Bruno, le loup est définitivement entré dans la bergerie. Et c'est triste.",
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