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-------------------------------------------"Après le loup dans les Alpes, l'ours exaspère les éleveurs des Pyrénées", "Des bergers et des élus ont manifesté à Foix (Ariège) contre les dégâts commis dans les troupeaux de moutons de la vallée d'Orlu par deux jeunes plantigrades. La réintroduction des grands prédateurs leur paraît incompatible avec l'élevage en altitude", "", "TOULOUSE de notre correspondant - NATURE La réintroduction des grands prédateurs dans les montagnes françaises suscite une colère croissante chez les éleveurs et certains élus. Après les loups dans les Alpes, les ours des Pyrénées provoquent la mobilisation des bergers, qui estiment que la présence des bêtes sauvages est incompatible avec la montée des troupeaux dans les prairies d'altitude, durant l'été. SOUTENUS par des élus, les éleveurs de la vallée d'Orlu, en Ariège, ont manifesté, jeudi 13 août à Foix, contre les dégâts commis par deux jeunes plantigrades qui ont tué une cinquantaine de brebis en trois mois. DANS LA VALLÉE de la Bréda (Isère), les bergers s'estiment impuissants face aux loups. Les chiens censés protéger les brebis attaquent les randonneurs, et la pose de clôtures électriques pose de sérieuses difficultés. CERTAINS ÉLEVEURS menacent de déserter les montagnes.",
"", "La vallée d'Orlu, en Ariège, présente un concentré des richesses pyrénéennes : la réserve de chasse accueille des centaines d'isards et encore plus de marmottes, les forêts abritent des coqs de bruyère et la rivière est pleine de truites. Mais, depuis l'arrivée des ours au début de l'été, ce petit paradis pour randonneurs, chasseurs et pêcheurs est décrit comme un enfer par les bergers et les éleveurs qui y mènent traditionnellement leurs bêtes en estive. Deux jeunes plantigrades ont en effet décidé de prendre leurs quartiers d'été dans cette vallée si plaisante. Ils y auraient croqué 55 brebis, selon les derniers comptages officiels. En tout, depuis le début de l'année, les bergers ont été indemnisés (de 650 francs à 1 300 francs pièce) pour 69 brebis tuées dans les Pyrénées.",
"", "C'est beaucoup trop pour le député de la circonscription et ancien maire d'Orlu, Augustin Bonrepaux (PS), qui a appelé élus et éleveurs à manifester publiquement leur colère, jeudi à Foix. Une petite centaine d'élus, ceints de leur écharpe tricolore, et autant de bergers et d'éleveurs, en bérets, ont donc défilé dans la préfecture avec un troupeau de brebis tarasconnaises. \" Attention, bergers et randonneurs, la montagne est en danger ! \", avertissait l'une des nombreuses banderoles du cortège alors que d'autres, plantées sur la nationale 20, clamaient \" Oui à l'homme, non à l'ours ! \". Pour les responsables du syndicat ovin de l'Ariège, cela ne fait aucun doute : l'ours est incompatible avec l'élevage en montagne.",
"", "LES REJETONS DE MELLBA ?", "", "\" Nos anciens avaient sorti l'ours, ils savaient pourquoi \", dit Cédric Bernadac, un jeune berger qui garde 1 300 têtes à Orgeix, dans la vallée d'Orlu. Les ours lui en ont déjà dévoré six, malgré une surveillance renforcée. Agé de vingt ans, Cédric s'apprête à s'installer à son compte en tant qu'éleveur, mais il se demande encore s'il remontera dans la vallée d'Orlu l'an prochain avec ses bêtes. Les autres bergers, qui avaient délaissé leurs estives pour se rendre à la manifestation se posent la même question.",
"", "Augustin Bonrepaux, qui se plaît à souligner qu'il avait déjà contribué à la \" réintroduction \" d'un éleveur dans la vallée, n'en est que plus conforté dans son positionnement hostile à l'ours. Le député de l'Ariège avait déjà pris position à plusieurs reprises contre le programme de réintroduction de l'ours mené depuis 1996 dans le département voisin de la Haute-Garonne. Dès les premiers lâchers, les élus ariégeois se sont plaints d'avoir été politiquement écartés de cette décision dont le principe remonte à 1994, avec la signature d'une charte entre le ministère de l'environnement et quatre communes de la haute vallée de la Garonne. \" L'opération de réintroduction est un fiasco \", juge aujourd'hui Augustin Bonrepaux.",
"", "Trois ours, deux femelles et un mâle, avaient été capturés en Slovénie pour être relâchés à Melles (Haute-Garonne), avant de s'éparpiller dans la montagne jusqu'en Ariège et en Espagne. Les deux jeunes ours qui ont sévi en vallée d'Orlu sont probablement les rejetons de Mellba, l'une des deux femelles, qui fut tuée par un chasseur le 27 septembre 1997. Agés de deux ans, ces \" subadultes \" seraient à la recherche d'un territoire où se fixer, ce qui explique leur comportement erratique. L'un d'eux a même été signalé au printemps dans l'Aude, puis les Pyrénées - Orientales.",
"", "Les éleveurs ariégeois craignent qu'ils ne se fixent à demeure dans la vallée d'Orlu. Ils redoutent également d'avoir hérité des ours les plus sanguinaires : 52 des 69 attaques de bétail répertoriées cette année sont attribuées à ces deux individus. C'est la raison pour laquelle élus et éleveurs du département ont obtenu un premier geste du ministère de l'environnement. Les deux animaux pourront être capturés afin de leur poser un collier émetteur qui facilitera le suivi de leurs déplacements.",
"", "L'EXEMPLE DU BÉARN", "", "Cette concession, arrachée après une première manifestation à la préfecture de Foix, le 19 juillet, va à l'encontre de l'avis de certains naturalistes qui rappellent qu'un ours était mort lors d'un piégeage, en 1998 en Espagne. Le ministère s'était ainsi opposé à la capture d'un ourson en Béarn, où réside l'autre noyau de population ursine des Pyrénées françaises.", "", "Les tentatives de piégeage des ours dans la vallée d'Orlu, restées vaines à ce jour, ne sauraient cependant satisfaire les manifestants de Foix, qui réclament désormais \" l'exil ou la prison \" pour les fauteurs de troubles. \" La solution, c'est le cantonnement des ours dans une zone spécialement aménagée \", affirme M. Bonrepaux, qui se dit prêt à consacrer plusieurs centaines d'hectares pour parquer les ours dans son département.",
"", "Le député a sans doute à l'esprit l'exemple du \" parc à loups \", qui s'est ouvert depuis trois ans dans la vallée d'Orlu, grâce à son appui. Mais les responsables de ce parc, qui attire 40 000 visiteurs par an, ne partagent pas son avis. Militant ouvertement pour le retour des grands prédateurs, comme le loup ou l'ours, dans la nature, ils constatent que la présence des ours dans la vallée a plus attiré de touristes qu'elle n'en a fait fuir. \" Il faudra bien que nos élus le comprennent \", lâche doucement Dominique Coumes, l'un des six employés du parc. Dans l'enceinte du parc, des panneaux expliquent que la cohabitation entre bergers et prédateurs est possible, et pratiquée dans de nombreux pays. Elle n'a ainsi jamais cessé d'exister dans le Béarn voisin, où les élus en sont même à demander désormais un renforcement de la population ursine par de nouvelles réintroductions.",
"", "", "Après le loup dans les Alpes, l'ours exaspère les éleveurs des Pyrénées;DOSSIER D'UNE PAGE SUR LA REINTRODUCTION DES ANIMAUX SAUVAGES EN MONTAGNE", "Dans la vallée de la Bréda (Isère), le casse-tête de la protection des troupeaux REPORTAGE", "", "", "LA FERRIÈRE de notre envoyé spécial - Installé à 1 750 mètres d'altitude au coeur du massif de Belledonne, Philippe Girard observe à la jumelle les pentes et les sommets qui l'entourent. Dans ce paysage encore tacheté de quelques névés qui ont résisté à la chaleur, il est chargé de la surveillance d'un troupeau de 970 moutons. C'est la première fois que ce berger de trente-trois ans, titulaire depuis cette année d'un brevet de technicien supérieur (BTS) de gestion et protection de la nature, monte en alpage. La combe Madame - le site qu'il a rejoint, le 27 juin, avec son troupeau - domine la vallée de la Bréda, d'où partent régulièrement des randonneurs et des alpinistes.",
"", "Philippe Girard n'a pas été confronté à une attaque de loup. L'été dernier, le troupeau avait été également épargné. La présence du grand prédateur est pourtant avérée dans ce secteur. L'alpage voisin, celui de l'Arpette, qui s'étend sur la commune de La Ferrière-d'Allevard, a été attaqué il y a quelques jours, et une brebis a été tuée. Les résultats des analyses génétiques, qui confirmeront ou non la présence d'un loup lors de cette attaque, ne sont pas encore connus. Un peu plus loin de là, sous la montagne de Perioule, Jean-Pierre Jouffrey prétend avoir perdu cinq moutons dans la nuit du 14 au 15 juillet. Ils ont été égorgés par un loup qu'il a ensuite, dit-il, \" tiré avec [sa] carabine. Depuis, on est tranquilles, mais on continue de monter la garde \".",
"", "Pour cet alpagiste originaire d'Arles (Bouches-du-Rhône), qui attribue au loup la perte, l'été 1998, de 100 de ses 3 000 moutons, l'heure n'est plus à la discussion. \" Il n'y a qu'une solution efficace : le fusil \", lance l'éleveur, convaincu que toute cohabitation est impossible en montagne entre le pastoralisme et le loup. \" Si ça continue, on quitte l'alpage \", menace M. Jouffrey, prêt à suivre la voie ouverte récemment par deux de ses collègues des Hautes-Alpes. Ceux-ci ont redescendu précipitamment leurs troupeaux après plusieurs attaques attribuées au loup. Cent soixante moutons furent tués, au cours de juillet, dont la plus grande partie se sont précipités du haut d'une falaise.",
"", "Leprésident de la chambre d'agriculture de l'Isère, René Blanchet, favorable à une défense armée des bergers contre le loup, estime que le départ des troupeaux serait une \" catastrophe pour la montagne \". Il considère que la protection du loup, prônée par le ministère de l'environnement, condamne toute la politique d'aménagement du territoire menée en altitude en compromettant gravement le système d'élevage extensif qui assure l'entretien des pentes et la conservation de l'espace montagnard.",
"", "\" En 1992, lorsque le retour du loup a été annoncé dans le Mercantour, cela m'a émerveillé. Mais si je vois, un jour, plusieurs dizaines de mes brebis allongées sur le sol après l'attaque d'un loup, je ne sais pas comment je réagirai \", explique Louis-Sylvain Lecomte, responsable du groupement pastoral local. Ses 270 moutons font partie du troupeau d'un millier de têtes qui occupe la combe Madame. M. Lecomte affirme respecter les mesures de protection édictées par l'administration en faveur du loup et refuse notamment que son berger soit armé. Il a également décliné l'offre qui lui a été faite d'accueillir un chien de défense des troupeaux.",
"", "Depuis les attaques de loups de l'été 1998, la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Isère subventionne, en effet, l'installation dans les alpages des chiens patous, originaires des Pyrénées (leur prix s'élève à plus de 10 000 francs). Pour l'éleveur, la présence de cet animal n'est pas compatible avec celle des randonneurs qui fréquentent assidûment le gîte d'alpage exploité par la famille du berger. Les chiens patous, qui vivent au milieu des moutons et se déplaçent avec eux, n'acceptent aucune personne étrangère aux abords immédiats des troupeaux.",
"", "PROBLÈME DE RESPONSABILITÉ Des randonneurs ont été bloqués, parfois pendant plusieurs heures, par ces animaux, le temps que le troupeau se déplace naturellement. Selon la chambre d'agriculture de l'Isère, plusieurs maires de communes de montagne s'apprêtent à interdire cette race de chien sur leur territoire en raison de leur dangerosité. Les patous, qui ne doivent jamais être séparés du troupeau, ont provoqué une série d'incidents dans les villages traversés lors de leur montée en alpage au mois de juin.",
"", "Selon Bruno Caraguel, technicien à la Fédération des alpages de l'Isère, \" l'activité pastorale n'est pas la seule en alpage. Les chiens de protection sont forcément mordeurs. On leur demande de chasser l'intrus, notamment les chiens errants et les loups. Mais ce peut être un randonneur ou un parapentiste qui se pose en catastrophe dans un champ situé dans le périmètre de sécurité d'un chien patou qui sera pris pour cible. Il y a pour les éleveurs un grave problème de responsabilité \". Enfin, certains propriétaires de troupeaux émettent des doutes sur l'efficacité des patous lorsqu'ils sont confrontés directement au loup.",
"", "La pose de clôtures électriques est également préconisée par l'administration. Mais ce dispositif a, lui aussi, ses limites. Il exige le transport par hélicoptère du matériel, puis l'installation souvent très acrobatique des barrières. Louis-Sylvain Lecomte a clos une partie de la combe Madame, qui s'étend sur 1 300 hectares, notamment l'entrée de la forêt où est susceptible de se cacher le loup. Mais ce système de protection est fragile et l'efficacité des clôtures électriques n'est pas encore prouvée vis-à-vis des grands prédateurs.",
"", "Rassembler chaque soir les animaux dans un enclos protégé est également l'une des solutions préconisées. Mais elle est souvent inapplicable en montagne où les troupeaux sont dispersés parfois sur plusieurs milliers d'hectares dans des sites raides et escarpés. \" Notre race d'ovin, l'Inra 401, est assez peu docile, nerveuse et craintive. Si nous voulons déplacer les bêtes, elles vont fuir. Plus elles sont manipulées, plus les risques de chute sont importants \", explique l'éleveur. \" Si l'on veut protéger les troupeaux [contre le loup], il faut un berger, un chien de protection et un parc pour la nuit. Il ne faut pas laisser les animaux en totale liberté \", conclut Bertrand Pedroletti, ingénieur à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Isère, et \" M. Loup \" dans le département.",
"")
-------------------------------------------"", "Le loup, rédempteur au-delà des Alpes, intrus en deçà", "De nuisible, la bête est devenue utile, se transformant en argument de vente L'ouverture d'un parc de vision enclos a permis de relancer l'activité touristique en lisière du parc national des Abruzzes italiennes. De ce côté-ci de la frontière, en revanche, les éleveurs alpins constatent les dégâts sur leurs troupeaux", "", "", "PESCASSEROLI (Abruzzes) de notre envoyé spécial - Dino Silla ne s'est jamais demandé s'il était pour ou contre. \" Les loups sont là \", lâche-t-il simplement. L'homme jette un regard vers les sommets qui surplombent sa bergerie : quelque part, là-haut, d'autres yeux l'épient peut-être, menace embusquée dans le paysage. \" Un berger doit aimer tous les animaux \", raisonne-t-il. Un silence. \" Même si le loup n'est pas un animal comme les autres. \"",
"", "Les loups sont indissolublement liés à ces montagnes des Abruzzes. Alors Dino vit avec, comme ses aïeux, partagés entre respect et crainte. A vingt-quatre ans, le berger, qui vient de reprendre l'exploitation familiale, élève 1 500 moutons à Scanno, en lisière du parc national. Le troupeau reste dans la vallée d'octobre à juin. Il monte le reste de l'année dans les riches alpages, situés à l'intérieur de l'espace protégé. L'estive se déroule au milieu de la centaine d'ours, de la cinquantaine de loups et de la dizaine de lynx dont la préservation a fait la réputation de cet exceptionnelle arche de Noé, située à deux heures de route à peine de Rome et de Naples.",
"", "Derrière Dino Silla, deux chiens se cherchent soudain querelle. Le maître les sépare d'une bourrade. Les deux mâtins retournent fondre leur pelage blanc au milieu de celui des moutons. L'éleveur possède une vingtaine de mastiffs des Abruzzes, grosses peluches aux airs patauds, capables pourtant de défier les plus féroces animaux. \" J'ai des bons chiens, explique-t-il. C'est pour cela que je n'ai pas vraiment de problème avec les loups. \"", "", "Pour le jeune éleveur, les vrais prédateurs sont ailleurs, au-delà de ces monts, à Bruxelles. Dino Silla ouvre le laboratoire aseptisé où il fabrique ses fromages : il a dépensé plus d'un million de francs pour se conformer aux règles européennes. Sans aucune aide. \" Car ici, les hommes politiques... \" Suit un geste peu amène. A écouter ses interminables doléances, l'élevage ovin est devenu un sacerdoce. Avant la guerre, Scanno exhalait le suint : le village comptait une centaine de bergers et 36 000 moutons. Aujourd'hui, il ne reste plus dans cette commune que 3 200 bêtes et sept bergers, pour la plupart d'âge respectable. Le pastoralisme décline et les loups n'y sont pour rien.",
"", "Mais, ici comme ailleurs, l'animal a été le bouc émissaire ancestral de la misère humaine. \" Naguère, quand un loup était repéré, une battue était organisée sous la direction du curé, du maire et des carabiniers \", se souvient Franco Tassi. En 1969, ce jeune avocat plein d'avenir a débarqué ici sur un coup de tête, acceptant l'improbable poste de directeur du parc national, resté sans titulaire pendant des années. Le site protégé, créé en 1920, n'était plus qu'une structure moribonde que ne fréquentaient guère que les braconniers.",
"", "Franco Tassi pressent immédiatement comment la fascination-répulsion qu'inspire cet animal à part peut relancer l'intérêt de l'endroit. En 1971, il ouvre un parc de vision enclos à Civitella Alfedena. En un an, le nombre de visiteurs passe de 3 000 à 120 000. L'activité touristique est lancée. Dans ce village en déshérence, le loup devient un argument de vente. Sa physionomie est omniprésente sur le moindre bibelot. De nuisible, la bête est devenue utile, à mesure qu'ouvraient les échoppes d'artisanat et les pensions de famille.",
"", "LA RELIGION À LA RESCOUSSE", "", "\" Le loup fait peur parce qu'on ne le connaît pas. \" Trente années durant, M. Tassi a oeuvré à réhabiliter l'animal. Avec une patience toute paysanne, il a fait accepter par les habitants ce voisinage. Contrairement à l'imaginaire français, qui a fait du loup la représentation absolue du mal, la culture italienne offrait quelques contre-feux dont l'érudit a su jouer : \" Il y a bien sûr la louve de Rome, mais également le fait que les familles baptisaient souvent leur premier-né \"Lupo\", signe de force et de courage \", explique-t-il. Dans cette très catholique région, le pragmatique directeur baptisera son entreprise de sauvetage \" Opération saint François \", enrôlant à sa cause le saint qui fraternisait avec les loups.",
"", "Aujourd'hui, deux millions de visiteurs se pressent chaque année sur les 50 000 hectares du parc, dans l'espoir de croiser un prédateur. Beaucoup ne les verront qu'à l'infirmerie, où les animaux blessés sont soignés dans des enclos. Les spécimens en liberté ne resteront au mieux que quelques points minuscules dansant au bout des jumelles. Mais cette présence même invisible suffit à créer l'émoi.", "", "L'exode rural qui avait vidé la région depuis le début du siècle est aujourd'hui stoppé. Des exilés sont revenus au pays pour ouvrir des boutiques. Une récente étude a démontré que les revenus par habitant étaient plus élevés dans le parc qu'à sa lisière. Au fil des années, plusieurs communes se sont agrégées à la structure pour profiter de la manne. Aujourd'hui Franco Tassi s'attache esentiellement à ne pas voir son oeuvre étouffée par le succès. L'afflux d'argent a attiré les convoitises. Le directeur a dû repousser les vélléités pressantes de promoteurs immobiliers parfois peu scrupuleux. Lui et sa famille ont reçu des menaces de mort. Il a résisté pour préserver l'équilibre et la biodiversité de l'endroit, gages de sa longévité.",
"", "Les bergers tirent également bénéfice de ce succès populaire. Dino Silla et ses confrères survivent essentiellement grâce à la vente directe aux vacanciers. Les bêtes égorgées sont correctement remboursées par le parc. Pasqualino Leone, le chef des gardes, est chargé d'expertiser les cadavres et sait distinguer l'attaque d'un loup ou d'un ours de celle d'un chien errant : \" La surveillance des troupeaux est dissuasive : les prédateurs préfèrent s'attaquer aux cerfs ou aux chamois, qui constituent des proies plus faciles et abondantes en raison de l'interdiction de la chasse. \"",
"", "Mais - la fable aurait été trop belle - le loup ne peut pas sauver l'agneau. Le pastoralisme se meurt. Aujourd'hui, les bergers qui surveillent les bêtes à l'estive viennent pour la plupart des Balkans : Albanais ou Monténégrins payés une misère. Le directeur du parc a entrepris de sauver la profession en organisant des stages pour les jeunes citadins italiens. Mais cette nouvelle entreprise de réhabilitation ne sera pas la plus facile.", "", "CHAMBÉRY de notre correspondant - Au Grand Châtelard, au-dessus de la station de La Toussuire, en Maurienne (Savoie), Hubert Covarel a mis trois jours pour clôturer son alpage de 80 hectares. Il a installé trois kilomètres de filets électrifiés pour protéger son troupeau de 1 200 brebis et agneaux, installé un berger dans une caravane à 2 000 mètres d'altitude, épaulé par cinq chiens - dont un berger des Abruzzes et un dogue du Tibet -, qui campent au milieu du troupeau, chassant le moindre intrus. Plus l'été avance, plus M. Covarel sait qu'il devra se montrer vigilant. Les jeunes chevreuils et chamois auront alors grandi, les vieux et les malades auront été depuis longtemps dévorés et le gibier facile se faisant plus rare, le loup se rapprochera des troupeaux.",
"C'est durant l'été 1997 que ce moutonnier de quarante-cinq ans a subi les premières attaques : \" A l'époque, j'avais pensé qu'il s'agissait d'un lynx. \" Un an plus tard, toujours durant la saison d'estive, il a perdu une cinquantaine de brebis, et des analyses génétiques ont confirmé qu'il s'agissait d'un loup. M. Covarel a décidé de protéger son troupeau. \" Lorsque des bêtes sont égorgées, c'est tout le troupeau qui est stressé. Les brebis ne mangent plus, perdent leur lait et les agneaux maigrissent. \" D'une crête de l'alpage du Grand Châtelard, on aperçoit la chaîne de Belledonne, toute proche. Il y a un mois, les gardes de l'Office national de la chasse ont identifié deux loups. Des bergers prétendent en avoir repéré quatre. \" Côté Isère, un collègue transhumant subit des attaques régulières et a déjà perdu une trentaine de bêtes cette saison \", commente M. Covarel.",
"ATTAQUES EN HAUSSE \" C'est incontestable, un noyau de meute est désormais présent dans le massif de Belledonne et un autre en Haute-Maurienne, à la frontière franco-italienne \", admet Alain Pinchart, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de la Savoie. Combien de loups sont installés dans le département ? Personne n'est capable de répondre avec précision. Vraisemblablement moins d'une dizaine en Maurienne, alors qu'en haute Tarentaise la présence d'animaux erratiques a été signalée du côté de Val-d'Isère ou de Champagny-en-Vanoise.",
"Fait incontestable, les dégâts augmentent d'année en année. Les statistiques officielles de l'administration font ainsi état de 9 interventions imputables aux loups et 17 brebis égorgées en 1997; 26 attaques et 106 animaux tués en 1998; 54 agressions pour 280 victimes en 1999.", "Sur les quelque 120 unités pastorales que compte la Savoie, seulement une vingtaine font aujourd'hui l'objet de mesures de protection. En 1999, les éleveurs ont bénéficié de près de 3,4 millions de francs (518 300 euros) d'aide publique pour défendre leurs troupeaux, embaucher des aides-bergers dans le cadre d'emplois-jeunes ou acheter des chiens, suivant le programme Life. 285 000 francs d'indemnisation leur ont été alloués pour compenser les pertes reconnues comme imputables aux loups, soit 1 000 francs environ par bête tuée. \" Dans les secteurs équipés, le nombre d'attaques a baissé. Mais si on devait protéger tous les alpages savoyards, près de 160 millions de francs de crédits publics seraient nécessaires \", reconnaît M. Pinchart.",
"\" Si on veut faire plaisir à une population citadine à la recherche de fantasmes, il faudra payer, tranche M. Covarel. Le gouvernement nous parle de zonage, mais c'est une utopie. C'est méconnaître la montagne et les habitudes de l'animal pour prétendre qu'on puisse le cantonner dans tel ou tel massif. Le résultat sera que les jeunes déserteront encore un peu plus le pastoralisme et que les alpages d'altitude ne seront plus broutés ni entretenus. \"", "", "", "", "Un chercheur, Michel Ingigliardi, qui suit depuis dix ans l'évolution des loups dans le parc du Mercantour (Alpes-Maritimes), affirme avoir repéré la présence d'un couple et d'un petit à deux kilomètres d'Utelle, à 25 kilomètres à vol d'oiseau de Nice. Le chercheur constate que les attaques de troupeaux se sont stabilisées dans la région. Il a répertorié en 1999 cinq loups tués par piégeage ou par arme à feu. Au total une trentaine d'individus, répartis en plusieurs meutes ou clans, seraient aujourd'hui cantonnés dans les parcs du Mercantour (Alpes-Maritimes) et du Queyras (Hautes- Alpes), où leur présence a été signalée dès 1992, en Savoie et en Isère (lire ci-contre). Un loup, qui pourrait être originaire des Abruzzes (nord de l'Italie) est présent dans les Pyrénées-Orientales depuis 1996. En 1977, un animal avait été signalé sur le plateau de l'Aubrac (Lozère). En 1998, un loup a été écrasé par une voiture dans le Cantal.",
"")
-------------------------------------------"", "REGIONS Le loup revient dans l'ensemble du massif alpin TROIS QUESTIONS À...", "FRANÇOIS MOUTOU", "", "", "", "1. Vous êtes vétérinaire au Centre national d'études vétérinaires et alimentaires et président de la Société française pour l'étude et la protection des mammifères. Où en est exactement la réintroduction du loup en France ?", "", "Depuis son retour spontané dans le sud des Alpes, en 1992, il doit exister une vingtaine d'animaux en France : deux meutes fixées autour du parc national du Mercantour (Alpes-Maritimes) et quelques individus plus périphériques ou même en phase de tentative d'installation plus au nord (en Isère et Savoie). Maintenant certains individus peuvent traverser des espaces de plusieurs centaines de kilomètres avant de se fixer.",
"", "2. Et dans le monde ?", "", "Le nombre de loups est tombé au minimum autour des années 60 en Europe et en Amérique du Nord. Puis on a pris conscience que cet animal était différent de son image très négative. Parallèlement, l'agriculture, l'élevage, les paysages avec le reboisement ont changé dans nos pays. Une meilleure gestion des ongulés sauvages a permis d'augmenter les possibilités alimentaires des grands carnivores les éloignant de ce fait des troupeaux domestiques. Les loups sont plusieurs centaines en Italie, en Espagne, dans les Balkans. Ils sont récemment revenus à l'est de l'Allemagne. Les Américains en ont réintroduit dans le parc national de Yellowstone.",
"", "3. Faut-il s'en réjouir ou le regretter ?", "", "Il est certain que l'on pourrait vivre sans le loup en France, mais alors il faut admettre que l'on pourrait aussi vivre sans Mozart ou même sans football... Il y a certainement un choix éthique au départ. Pouvons-nous condamner sciemment une autre espèce ? Au-delà, il faut admettre que sa présence, là où il se fixe, a un coût pour la société. Il faut aussi distinguer l'impact perçu de l'impact réel. Entre les importations de viande ovine de Nouvelle-Zélande, le coût de la brucellose ovine (une maladie qui nous coûte 40 millions de francs par an, et il y en a d'autres) et les dégâts dus aux chiens \"errants\" (au moins plusieurs dizaines de milliers de moutons tués par an), l'impact du loup reste modeste sur la filière ovine. Il faut dépassionner le débat et trouver un système national d'encouragement aux mesures préventives.",
"", "", "REGIONS Le loup revient dans l'ensemble du massif alpin", "Les chiens patous à la rescousse", "", "Originaires des Pyrénées, les chiens patous sont unanimement considérés commes les meilleurs défenseurs des troupeaux face aux attaques des loups. S'ils sont incapables de guider les moutons et ne pourront jamais remplacer les chiens de berger, ils assument parfaitement leur rôle de gardiens. Vivant au milieu du troupeau, ils réagissent à la moindre agression extérieure. Pourquoi dans ces conditions ne pas en introduire dans les Alpes pour faire face aux attaques des chiens ou des loups ? Cette solution, qui a la faveur des naturalistes, se heurte aux réticences des éleveurs. Ces derniers mettent en avant le coût important d'une telle opération : le patou coûte cher et il en faudrait énormément pour garder l'ensemble des troupeaux. Autre argument : ces chiens peuvent s'attaquer aux promeneurs. \"Pour les mordre\", disent les uns. \"Seulement leur pincer un peu les mollets\", répliquent les autres.",
"", "Mardi 15 septembre 1998, p. 11", "", "REGIONS", "Le loup revient dans l'ensemble du massif alpin", "Gibier plus abondant, avancée de la forêt et exode rural : les conditions sont réunies pour que les meutes se réinstallent en montagne - au grand dam des éleveurs. Loup et élevage sont-ils compatibles ? L'homme et les grands prédateurs peuvent-ils vivre ensemble ?", "", "FRALON JOSE ALAIN", "", "", "MASSIF DE BELLEDONNE (Isère) de notre envoyé spécial - \"Nous allons dans la Lune et nous sommes incapables de savoir à quel animal nous avons affaire.\" Bertrand Pedroletti, ingénieur à la DDAF de l'Isère et désigné comme le \"M. Loup\" du département, n'est pas le seul à vouloir enfin connaître la nature exacte de la \"Bête\" qui a causé de nombreux dégâts dans les alpages cet été. \"Loup ?, lynx ?, chien ? Nous menons une enquête, mais sans les moyens de la police scientifique\", ironise-t-il en espérant que les analyses des poils de l'intrus, réalisées dans un laboratoire grenoblois, permettront enfin de savoir.",
"", "En attendant, comme chaque fois qu'il est question du loup en France, à chaque peuple son imaginaire, le petit chaperon rouge d'un côté des Alpes, Romulus et Remus de l'autre, les hostilités se sont ravivées. Sur le premier front, ouvert dans le parc national du Mercantour (Le Monde du 1er septembre 1997), dans les Alpes du Sud, là où les premiers loups se sont installés en 1992, la bataille ne s'est toujours pas calmée. Si l'on en croit l'édition du mois d'août du bulletin de liaison de la Société française pour l'étude et la protection des mammifères, \"des empreintes de loup sur la neige et des traçes de vomissure contenant du sang ont permis de mettre en évidence une fois de plus que le loup est victime des empoisonneurs du Mercantour\".",
"", "\"Il paraissait évident, estime Bertrand Pedroletti, que le loup s'approcherait des Hautes-Alpes du fait de l'existence d'un parc protégé, celui des Ecrins, mais aussi d'un fort exode rural qui a dépeuplé la région et fait avancer la forêt. Avec la présence de plus en plus nombreuse des ongulés : chamois, cerfs, mouflons, le loup était assuré du gîte et du couvert.\" Il fallait donc se préparer à son arrivée. Dès le mois de décembre 1997, une cinquantaine de personnes concernées, éleveurs, naturalistes, chasseurs, vétérinaires, se réunissent et décident de la formation d'un groupe de travail. Rapidement, celui-ci décide de former un réseau d'observateurs appelé à mieux suivre l'évolution de la situation et à mener quelques expériences de protection, dont la mise à la disposition de quelques éleveurs des chiens patous, considérés commes les meilleurs défenseurs des troupeaux contre les attaques des loups.",
"", "Mesures utiles puisque, dès juin, les observateurs assermentés recueillent, tout près d'Huez-en-Oisans, les témoignages de deux bergers affirmant avoir vu un loup. \"J'ai tapé dans mes mains, et il est parti en trottinant\", précise l'un d'entre eux, qui sera toutefois incapable de fournir d'autres précisions permettant de certifier la présence d'un loup. Un mois plus tard, Jean-Pierre Jouffrey, berger dans la haute vallée de Veyton, dans le massif de Belledonne, retrouve 13 de ses brebis égorgés près du collet d'Allevard. Il attribue lui-même ce carnage à des chiens et déplace son troupeau. En pure perte : 20 brebis sont tuées quelques semaines plus tard. Les attaques se multiplient : 87 de ses brebis seront égorgées. La mort dans l'âme, il quitte l'alpage avec quelques semaines d'avance. On croit avoir affaire à un lynx, mais deux experts estiment cette hypothèse peu probable. Ils ne peuvent toutefois pas trancher entre chien et loup.",
"", "\"LE SANG COULAIT ENCORE\"", "", "Dans le même temps, des dégâts sont constatés dans le sud du Vercors et, surtout, dans l'Oisans, dans le massif d'Emparis, face à la Meije. Une bergère affirme avoir vu un loup dans ses jumelles. \"Il m'a regardé fixement, j'en ai eu le sang glacé\", dit-elle, sans vraiment convaincre les experts. N'aurait-elle pas vu plutôt un grand canidé, et pourquoi pas un chien de traîneau qui s'était justement échappé de la Grave quelques jours auparavant ?",
"", "René Tavan, éleveur depuis plusieurs générations son grand-père accomplit sa première transhumance en 1905, se souviendra longtemps de ce matin du dimanche 2août, alors qu'il venait rejoindre ses bêtes pâturant dans le Montfroid, au-dessus du col de la Croix-de-Fer, où il constata qu'une dizaine de brebis avaient été égorgées et qu'autant s'étaient tuées en tombant dans les rochers. \"Quand je suis arrivé, le sang coulait encore\", dit cet homme de cinquante-six ans. Il ajoute : \"Pourtant, je suis un vaillant, mais j'en suis encore tout retourné. Je n'accepte pas que l'on brutalise les animaux. Mon rôle, ce n'est pas de me défendre, mais de protéger la nature.\" Il est catégorique : loup et élevage ne sont pas compatibles. \"Si les Dauphinois ont été surnommés brûleurs de loups, c'est parce que, pour se débarrasser des loups, ils n'ont pas hésité à faire cramer leurs forêts.\" \"Tout le monde a le droit de vivre, y compris nous, conclut-il, avant de menacer, si je vois un loup, je n'aurais aucun remords à lui tirer dessus.\"",
"", "Il se sent soutenu par la Fédération ovine de la région à laquelle il a \"prêté\" quelques-uns de ses moutons pour une manifestation à Gap. Pour ce syndicat, aussi, la cohabitation est impossible. Même opinion tranchée de la part de la Fédération ovine de la Drôme qui concluait ainsi son bulletin spécial de mai 1998 \"Bêle et tais-toi\" consacré au loup : \"Nous sommes aujourd'hui convaincus de l'impossibilité de la cohabitation des loups et d'une activité pastorale moderne.\"",
"", "Jean-Paul Vieron, guide naturaliste et administrateur de la Fédération des Alpes de la protection de la nature, n'est pas du même avis. Pour lui, le loup, \"exutoire de nos peurs ancestrales, qui fait partie de la faune française, est un symbole de diversité et joue un rôle de régulateur important, notamment du fait de l'augmentation des mouflons, des chamois et des cerfs\". Contrairement à Brigitte Bardot, qui avait fortement réagi, il se dit d'accord avec l'arrêté pris en août par le préfet de l'Isère autorisant à se débarrasser des chiens errants. \"Le retour du loup, c'est un retour au naturel, alors que le problème des chiens est un problème de société\", explique-t-il. Ne chiffre-t-il pas à 70 000 le nombre de moutons tués chaque année en France par les chiens. Pas toujours errants, d'ailleurs. Il arrive souvent que des chiens de garde quittent leur \"domicile\" la nuit pour aller attaquer les brebis, avant de rentrer chez eux tranquillement, et bien repus, au petit matin. Pour lui, l'arrivée du loup pourrait permettre une revalorisation et une réorientation de l'élevage ovin, dont il stigmatise le coût important pour la collectivité. Il met aussi en cause la surenchère de certains éleveurs \"qui voient des loups partout, car ils savent bien que les dégâts attribués aux loups sont dédommagés, contrairement à ceux causés par des chiens\".",
"", "QUESTION D'ÉQUILIBRE", "", "Les avis ne sont pas toujours aussi tranchés. Hervé Réant, président de la Fédération des chasseurs de l'Isère, ne s'oppose pas au fait que \"les loups ou les lynx retrouvent les territoires qui leur avaient été dévolus à condition que tout cela soit équilibré\". Selon lui, \"il y a 99 chances sur 100 pour que les prédateurs qui ont frappé cet été soient des chiens dans le massif de Belledonne et un loup venu du Mercantour dans l'Oisans\". Quant au directeur de la Fédération des alpages de l'Isère, Yves Raffin, il veut d'abord dire à quel point les troupeaux sont nécessaires ici. \"Comme la montagne serait triste sans eux !\"",
"", "Le député de la circonscription, le socialiste François Brottes, tente une timide synthèse. Se gardant de passer pour \"un anti-loup primaire\", il veut aussi éviter \"la prolifération de ce genre d'animal dans les pâturages\". \"Nous parlons tous de biodiversité, mais chacun met un peu ce qu'il veut dans ce concept. Il faudrait parvenir à l'appliquer massif par massif, et puis, à partir de cette analyse, définir un code de conduite pour tout le monde.\"", "")
-------------------------------------------"", "REGIONSLe loup est réapparu dans les Pyrénées;DISPARITION ET REAPPARITION DU LOUP EN FRANCE", "Un retour par étapes", "", "En 1934, en Corrèze, en 1937 dans l'Allier ou en 1977 sur le plateau de l'Aubrac (Lozère), le doute subsiste sur la date et le lieu de la mort du dernier loup \" français \".", "", "27 décembre 1987 : sur le territoire de la commune de Fontan (Alpes-Maritimes), des chasseurs abattent un loup qui, depuis plusieurs mois, dévorait des brebis. Les spécialistes estiment qu'il s'agit d'un animal d'élevage. Mais dès 1992, deux loups sont aperçus dans le parc national du Mercantour.",
"", "Août 1994 : \" la bête des Vosges \" fait un carnage dans plusieurs troupeaux et met en émoi les populations durant des mois avant d'être retrouvée morte, enterrée, en janvier 1995. Il s'agissait bien de Canis lupus. Par ailleurs, désormais au moins six loups - probablement venus des Abruzzes italiennes - sont recensés dans le Mercantour.", "", "8août 1996 : le tribunal administratif de Nice ordonne la suspension des battues contre les loups décidées par trois communes des Alpes-Maritimes à la suite de la mobilisation des éleveurs et chasseurs. Chaque année, le nombre des moutons égorgés dépasse la centaine.",
"", "Août 1998 : un jeune loup est photographié dans le massif des Lorès en Vanoise (Savoie). La présence de meutes sera bientôt signalée dans le massif de Belledonne (Isère), le Vercors et l'Oisans.", "", "REGIONS", "Le loup est réapparu dans les Pyrénées", "Pour la première fois depuis des décennies, les traces de la présence d'un \" Canis lupus \" ont été identifiées avec certitude, aux confins de l'Ariège et des Pyrénées-Orientales. L'analyse de son ADN indique qu'il vient des Abruzzes italiennes",
"", "", "", "", "TOULOUSE de notre correspondant régional - Au coeur des hautes solitudes du massif de Madrès, aux limites des départements des Pyrénées-Orientales et de l'Ariège, Michel Gougeon, le berger qui veille sur un troupeau d'un millier de brebis, s'en doutait depuis un moment : un loup sévissait dans le coin. Les caractéristiques des attaques contre ses bêtes - \" uniquement de nuit, sans laisser de blessées et sans toucher aux viscères \", dit-il - portaient la marque du grand prédateur et non celle de chiens errants.",
"", "Au début, personne n'y croyait. C'est qu'à la différence des ours, les loups ont disparu des Pyrénées depuis des lustres. S'il en reste quelque deux milliers en Espagne, à l'autre extrémité (ouest) de la chaîne, jamais aucune trace du passage de l'un d'entre eux n'a été relevée dans le reste du massif, en particulier sur le versant français. Quelques observations récentes et fiables ont cependant alerté des spécialistes et l'administration. L'Office national des forêts (ONF) et celui de la chasse (ONC) se sont donc mis en piste cet hiver.",
"", "Au printemps, des traces - empreintes et crottes - sont retrouvées vers Nohèdes, dans la réserve naturelle. Des poils sont envoyés à un laboratoire de l'université de Grenoble à fin d'analyse génétique. Les résultats viennent d'être connus et l'analyse ADN ne laisse pas de doute : il s'agit bien d'un loup, un mâle, sans confusion possible avec un chien ou un lynx. Pour la première fois, officiellement, la présence du loup est ainsi établie au sein du massif pyrénéen. Michel Gougeon, qui estime avoir perdu cent cinquante brebis à cause de lui, n'a donc pas rêvé.",
"", "Les résultats de l'analyse ADN laissent cependant percer une énigme de taille : le loup de Madrès ne vient pas d'Espagne, comme on pourrait logiquement le supposer en raison de la continuité territoriale du massif pyrénéen, mais des Abruzzes, en Italie ! Les populations espagnoles et italiennes, qui vivent séparées depuis longtemps, possèdent en effet des caractéristiques génétiques différentes. Comme ses congénères qui sont récemment passés dans les Alpes françaises, le loup de Madrès est italien. Comment est-il arrivé jusqu'ici ? Ce n'est pas tant la distance qui pose problème - un loup est capable de franchir une centaine de kilomètres par jour - que la nature du terrain. Entre la frontière italienne et l'extrémité orientale des Pyrénées françaises, la route du littoral est fortement urbanisée. Impossible qu'un loup fraye son chemin entre autoroutes, TGV et conurbations tentaculaires !",
"", "Il est donc passé ailleurs. Les spécialistes ne peuvent qu'avancer une hypothèse. A partir des Alpes, le carnassier aurait \" contourné \" la Provence-Côte d'Azur, piqué sur le sud du Massif central par les Cévennes, puis, à travers la Montagne Noire, le Minervois et les Corbières, il se serait enfoncé dans les Pyrénées, à l'ouest du Canigou, où il aurait trouvé une configuration écologique favorable. Comment a-t-il survécu à un aussi long trajet et aux aléas de la civilisation humaine ? N'a-t-il pas fallu quand même qu'il traverse le couloir rhodanien ? Mystère. \" Sa feuille de route n'est pas dans ses gènes \", dit-on à l'ONC. A ceux qui pourraient penser que l'animal s'est échappé d'une réserve animalière, trouvant refuge dans la montagne, l'observation de son comportement apporte un démenti flagrant. \" C'est impossible que cet animal ait été précédemment en contact avec des humains, assure Alain Mangeot, le conservateur de la réserve naturelle de Nohèdes. Rien dans son comportement n'est imprégné par l'homme. \"",
"", "Le mystère ne s'arrête pas là. Le loup de Madrès est-il, contrairement aux usages de son espèce, un solitaire, ou vit-il déjà en meute ? Des témoignages, en particulier celui d'un agent de l'ONF, laissent à penser qu'une louve et deux petits auraient été repérés. Michel Gougeon, lui aussi, croit avoir vu plusieurs animaux. Ces témoignages restent cependant fragiles. L'hypothèse d'un loup solitaire, \" erratique \" comme le qualifient les spécialistes, est plausible. Exclu de sa meute pour \" comportement antisocial \", il serait parti en quête d'un nouveau territoire.",
"", "Puisque au moins un loup est là, rien n'empêche que d'autres le rejoignent. Si l'un d'entre eux a pu passer, d'autres peuvent le faire, voire venir d'Espagne. La rumeur court déjà qu'on aurait aperçu une bande dans la forêt d'Iraty, au Pays basque. Dans le massif, là haut à 2 400 mètres d'altitude, on se prépare à l'arrivée possible de meutes. \" On anticipe \", disent les bergers. Des filets de protection électrifiés sont tendus pour aménager des parcs refuges. Quelques-uns préparent leurs fusils.",
"", "L'arrivée du loup dans les Pyrénées va ranimer, s'il en était besoin encore, le débat sur la présence de la faune sauvage dans les montagnes françaises. Le retour de celle-ci se trouve encouragée par trois facteurs : une politique de protection de l'environnement qui crée des conditions écologiques favorables; la décroissance démographique des cantons de montagne et la déprise agricole qui l'accompagne; l'élevage de haute montagne. Le loup de Madrès n'est qu'à quelques kilomètres de distance - une vallée d'écart - de deux ours qui, eux aussi, ont quitté leur territoire, plus à l'ouest, et dont la présence a provoqué récemment une manifestation des élus de l'Ariège à Foix (Le Monde du 14 août).",
"", "La France est coupée en deux : il y a ceux qui ne veulent ni des loups ni des ours et il y a ceux qui plaident pour la cohabitation entre l'homme et les grands mammifères. Les uns font valoir la prééminence de l'élevage et de l'activité économique qu'elle génère; les autres estiment, exemples italien et espagnol à l'appui, que les espèces sauvages sont compatibles avec une économie pastorale, à condition d'adapter les techniques d'élevage, et que leur présence constitue un atout de développement touristique (le parc des Abruzzes reçoit près de 2 millions de visiteurs par an et chaque village profite d'un tourisme diffus). D'un côté, on énumère un nombre impressionnant de brebis égorgées; de l'autre, on cite les statistiques officielles : 2 000 ovins tués par des prédateurs sauvages contre 150 000 par les chiens errants.",
"", "Au tournant du siècle, le loup de Madrès repose, bien malgré lui, la question de la place de l'homme dans la nature.")
-------------------------------------------"Les 400 moutons morts dans l'Authion ont été incinérés hier au kérosène", "", "L'opération a nécessité la mise en place d'un dispositif impressionnant. Le berger à qui appartenaient les bêtes sera intégralement indemnisé", "", "La Besse de la Déa, au-dessus de Camp d'Argent et de Turini, en plein cœur de l'Authion et du Mercantour, est habituellement un lieu paradisiaque où les nombreux amateurs de randonnée en montagne \"se régalent\".", "", "Depuis vendredi, au contraire, ce paysage merveilleux offre le spectacle de la désolation la plus complète : 400 moutons décomposés gisent par petits groupes sur des pentes à 35°. C'est le résultat d'une attaque de loups qui a poussé les bêtes affolées à se jeter dans le vide (voir nos précédentes éditions).",
"", "Lundi, toute la journée, il a été question d'un hélitreuillage des dépouilles : cinquante rotations étaient prévues pour les amener dans une bâche jusqu'aux camions d'une société d'équarrissage postés au col de Brouis, près de Breil-sur-Roya. Mais cela s'est avéré irréalisable compte tenu de l'état des brebis qui empêchait toute manipulation.", "", "Brûlés sur place", "", "Et, après une réunion au sommet en préfecture, c'est finalement hier matin qu'une décision définitive a été prise : les moutons allaient être brûlés sur place.",
"", "Aussitôt, la mobilisation générale a été décrétée par M. Abdel Aïssou, sous-préfet chargé de l'Est du département. Et un commando s'est immédiatement préparé à partir sur les lieux pour se retrouver à 14 heures sur une plateforme située à quelques kilomètres de là, qui permettait l'atterrissage des hélicoptères : en faisaient partie les équipes du SDIS O6 placées sous la responsabilité du commandant Michel Conti ; celle de l'ONF, du Mercantour, de la gendarmerie, et des services concernés de la préfecture ; huit sauveteurs la CRS O6, commandées par le lieutenant Laurent Jaunatre ; chef de la section montagne. Le délégué militaire départemental, le colonel Eric Fullenwarth, était représenté par le maréchal des logis-chef Patrick Barthod.",
"", "Un PC important", "", "Et autour d'Abdel Aïssou, un PC fut mis en place en quelques minutes. Une reconnaissance fut alors effectuée à bord de l'hélicoptère de la Sécurité civile, car le sous-préfet ne voulait prendre aucun risque de déclencher un incendie.", "", "Les dangers ayant été jugés inexistants, la préparation des foyers destinés à brûler les carcasses fut entreprise. De vieux pneus furent utilisés de manière à obtenir une combustion prolongée sans risque de propagation. L'après-midi était déjà bien avancé lorsque ce nettoyage par le feu à l'aide de kérosène commença pour se poursuivre jusqu'à la tombée de la nuit. Avec, pour monter la garde, deux hélicoptères bombardiers d'eau prêts à intervenir.",
"", "Une page était tournée, après une longue attente. Mais celle-ci, bien que contrariante, était absolument nécessaire, selon le sous-préfet : « Nous ne pouvions pas faire n'importe quoi », nous a indiqué M. Abdel Aïssou.", "", "\"Mercredi, tout a été fait pour résoudre le problème, mais ce n'était pas possible. Dès qu'une solution réalisable et ne présentant aucun danger a été trouvée, les grands moyens ont été mis en œuvre. On ne peut pas dire que les services de la préfecture ont agi à retardement : la précipitation aurait été une erreur. Il n'y a plus, désormais, aucun risque sanitaire et de pollution. Je compatis, de plus, de tout mon cœur, au malheur du berger. M. Giordano. La procédure de son indemnisation a été lancée hier par les services de la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt\".",
"", "Sur place, d'ailleurs, tout le monde était impressionné par le dispositif mis en place, y compris le maire de Moulinet, M. Alain Blanc, qui s'est montré satisfait du travail accompli.", "", "Mais cette page tournée ne met pas fin à l'angoisse et au découragement des bergers, qui continuent de penser qu'on privilégie le développement des hordes de loups dans le Mercantour au détriment de leur gagne-pain", "", "M. Abdel Aïssou, sous-préfet, entouré des responsables de l'opération qu'il a mise en œuvre.",
"", "", "", "", "", "Le berger Jean-Claude Giordano : \"Il faut choisir entre les loups et nous\"", "", "Après la perte de ses bêtes, le fermier sospellois a perdu la foi et songe à abandonner l'élevage de moutons", "", "Les 400 moutons morts dans l'Authion ont été incinérés hier au kérosène Le berger Jean-Claude Giordano :", "", "\"Il faut choisir entre les loups et nous\"", "", "Après la perte de ses bêtes, le fermier sospellois a perdu la foi et songe à abandonner l'élevage de moutons",
"", "\"Il faut choisir entre les loups et nous !\".", "", "Jean-Claude Giordano, le propriétaire des moutons, n'est même plus vraiment en colère. Il est découragé, désabusé, et triste.", "", "\"Depuis 1995, j'ai perdu au moins 700 bêtes dans les mêmes conditions\", raconte-t-il. \"Chaque saison, les attaques de loups provoquaient la mort de groupes de trente ou quarante moutons. Cette fois-ci, j'en perds 400 d'un coup. Il m'en reste certes encore 687 qui sont toujours sur place, mais jusqu'à quand ? D'ailleurs, elles ont failli disparaître aussi : heureusement, le troupeau s'est scindé en deux lors de ce vendredi noir.\"",
"", "Jean-Claude va être indemnisé, cela a été confirmé hier, mais, pour lui, cela ne résout rien. \"Ce sont les plus belles bêtes du troupeau qui sont mortes\", dit-il. \"On va au mieux me rembourser leur valeur marchande, mais on ne me dédommagera pas du soin que j'en ai pris, de leur excellente santé, de l'affection que je leur portais. Et puis, pour mes collègues et moi, l'angoisse persiste. Est ce que cela vaut vraiment la peine que l'on se donne ? Personnellement, je supporte de plus en plus mal des drames pareils.\"",
"", "Jean-Claude a une ferme à Sospel, et il se demande s'il ne va pas complètement abandonner ses activités de berger.", "", "\"Je n'ai plus envie de continuer dans des conditions pareilles\", affirme-t-il. Trop, c'est trop. Tout se passe comme si l'Etat voulait nous éliminer au profit du développement du loup . Il n'y a qu'à nous dire une fois pour toutes que l'on ne veut plus de nous dans le Mercantour. Au moins, cela aura le mérite d'être clair. Mais nous laisser perdre nos bêtes de cette manière, c'est démoralisant. En plus, Des opérations comme celles de ces deux jours coûtent une fortune au contribuable\".",
"", "Pour l'instant, Jean-Claude et ses collègues continuent à faire paître leur cheptel, mais leur moral est à zéro.", "", "Le spectacle de la désolation. ", "", "Jean-Claude Giordano : toujours berger, mais jusqu'à quand ?", "")