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CONGRES
ARCHÉOLOGIQUE
DE FEANCP].
XXIW SESSION
/ /
SEANCES GENERALES
TliNL'ES
ASAUMUR, A LYON,
AU MANS, A BLBEUF ET A DfVES,
EN !$«•>,
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
POUR I.A CONSERVATION PES MONUMENTS.
Le Coinpte-rendu du Congrès parai.', chaque aunée , au mois de mai. le prix
de la cotisation des membres souscripteurs est de 10 fr.
PARIS,
DERACHE, RUE DU BOULOY, 7.
CAEN, — CHEZ A. HARDEL , IMPRIMEUR-LIBRAIRE,
BUE FROIDE, 2.
1863.
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES
A SAUMUR, A LYON,
AU MANS , A ELBEUP ET A DIVE8,
EN 1SG9.
CONGRÈS
ARCHÉOLOGIQUE
IDE FEANOB.
XXIXe. SBSSIOY.
^-^î^'-^-o
r f
SEANCES GENERALES
TENUES
ASAUMUR,ALYON,
AU MANS, A ELBEEF ET A DIVES,
KM 18fi2,
PAU LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
POUR I.A CONSERVATION DES MONUMENTS HISTORIQUES.
-o-fc:«gSe^-o-
PARIS,
DEBACHE, BUE DU BODLOY, 7;
CAEN,— CHEZ A. HARDEL, IMPRIMEUR-UBRAIRE,
RUE FROIDE , 2.
1863.
LISTE GENERALE
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE ,
Yav oyAtù GtoqTa^\n<\ut i\ \V^W\>iVw\M (1).
BUREAU CENTRAL.
MM. DE CAUMONT, fondateur et directeur de la Société, à Caen, rue
des Carmes, 23, et à Paris, rue Richelieu, 63.
L'abbé LE PETIT, chanoine honoraire, doyen deTilly-sur-SculIes,
membre de l'Institut des provinces, Secrétaire-général.
BOUET, Inspecteur des monuments du Calvados.
L. GAUGAIN, Trésorier, rue de la Marine, 3, à Caen.
CONSEIL D'ADMINISTRATION.
Le Conseil se compose de MM. les Inspecteurs dirision-
uaires ', des Inspecteurs des départements et de quarante
membres résidant dans les différentes parties de la France ,
indiqués, dans la Liste générale, par des caractères italiques.
Les Ministres, le Directeur-général des Cultes, l'Inspeeteur-
général des monuments historiques . les Cardinaux, Arche-
vêques et Evêques de France font de droit partie du Conseil.
(t) Cpui de MM. les Membres de la Société dont les noms seraient
omis sur cetle lise, et ceux qui auraient à indiquer des rectifications
pour leurs nom, qualités ou domicile, sont priés d'adresser leurs récla-
mations à M. le Secrétaire-général de la Société, ou à M. Gaugain, tré-
sorier-archiviste, rue de la Marine, 3, à Caen.
M
LISTE DES MEMBRES
LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES.
L'astérisque (*) désigne les membres de la Société abouties
au Bulletin monumental (1).
( Les noms des membres du Conseil sont distingués par le caractère italique. )
1". DIVISION.— MORD, PAS-DE-CALAIS, SOMME ET OISE.
Inspecteur divisionnaire : * M. LE GLAY, archiviste du département,
à Lille.
Nord.
Inspecteur: M. le comte de Caulaixcourt.
Allard, banquier, à Dunkerque.
Boitelle (Edouard), banquier , à
Cambrai.
Bonvarlet (A.) fil?, à Dunkerque.
Bury (l'abbé), chanoine, à Cam-
brai.
Caharet, receveur des finances, id.
* Caulaincoirt (le comte Anatole
de), à Lille.
* Cousin, ancien magistrat, avocat
et président de la Société dun-
kerquoise, à Dunkerque.
* Cuvelier (Auguste), à Lille.
Delattre, receveur municipal , à
Cambrai.
Godefroî de Mesmlglaise ( le
marquis de ), ancien sous-préfet,
à Lille.
Lefebvre, secrétaire-général de la
Société d'émulation de Cam-
brai.
* Le Glay (André), directeur des
Archives, correspondant de l'In-
stitut , président de la Com-
mission historique du départe-
ment du Nord, inspecteur divi-
sionnaire de la Société française
d'archéologie, à Lille.
Leroy, archiviste, id.
Minart, conseiller à la Cour im-
périale de Douai.
Nys, propriétaire, à Dunlerque.
(1) Le Bulletin monumental, qui a conquis, depuis 29 ans, un rung
si distingué parmi les publications archéologiques de la France et de
l'étranger, parait de six semaines en six semaines , illustré d'un grand
,, nombre de ligures.
DE LA SOCIÉïl FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
* Hegnier (MgT. ), archevêque de
Cambrai.
Roth , membre de la Société
d'émulation , au château de
Beauval, près Cambrai.
* Sldue (l'abbé), supérieur du
grand-séminaire, à Cambrai.
Vallée (l'abbé), vicaire-général,
id.
vil
* Van-dei.-Ciiussb de Waziers, à
Lille.
Vr.ndegiks ; le comte Charles de),
a Cambrai.
Vincent Charles), chef de division
a la préfecture, à Lille.
• WiLBF.nr ( Alcibiade), président
de la Société d'Émulation , à
Cambrai.
l'as— de— Calais.
Inspecteur : • M. Desciiamps dp. Pas, ingénieur des ponls-et-cbaussécs,
à St. -Orner.
Cahdevaqub ( Alphonse de ) , pro-
priétaire, ù St. -Orner.
* Desciiamps de Pas, ingénieur des
ponts-et-cha ussées, id.
* Dovercne, à Hesdin.
Givenchy (Charles de), à St. -Orner.
Gkigny (Alexandre de), architecte,
à Arras.
Hagékie ( Amédéc de Bengny d'),
au château de Sozinglieim.
* Héricourt (le comte d'), à Arras.
Hékicourt (d') fds , à Souciiez.
Le Febvke (l'abbé F.), à Halin-
gbem.
Lequette ( l'abbé ) , chanoine ho-
noraire, proresseur au grand-
séniinairr, a Arras.
• Lin m ( le chevalier de ) , à
Arras.
* Partais (Mgr. ), évéque d'Arras.
Sèiie (de), juge au Tribunal civil
de Monlreiiil.
Souqiet (GustaAe), vice-consul de
Dunemarck, a Étaples.
Vasdriyal ( l'abbé ) , chanoine
honoraire, professeur au grand-
séiuinaire, à Arras.
Inspecteur: Vf. Mbnseciiet, juge, à Amiens.
•Boucher de Peuthes, président de Dumas (Charles), lilaleur, a St.-
la Société d'Émulation, à Abbe- Acheul-lès-Amirus.
ville. * Duvui , chanoine titulaire * à
• Corblkt (Tablé), à Amiens. Amiens.
Cosbtte-Émont, propriétaire, id. Ebmigry (d*),à Péronne.
VIII
LISTE DES MEMBRES
Fergusson-Faire, négociant, à
Amiens.
Fergusson fils, id.
Mathan ( le baron Edgard de ) ,
lieutenant-colonel en retraite ,
id.
* Mennechet (Eugène-Alexandre),
juge au Tribunal civil, à Amiens.
"Praron (Eugène), propriétaire, à
Abbeville.
Vallois (Georges), sous-préfet, à
Péronne.
Oise.
Inspecteur: * M. l'abbé Barraud, chanoine titulaire, membre
de l'Institut des provinces , àBeauvais.
"Barrald, chanoine titulaire, à
Beauvais.
Colson (le docteur) , président du
Comité archéologique de Noyon,
correspondant de l'Académie de
Médecine , à Noyon.
Danjou, président du Tribunal
civil de Beauvais.
* Danse, président honoraire du
Tribunal civil , id.
Decrouy , ancien notaire, à Com-
piègne.
Lb Franc (l'abbé) , professeur à
l'Institution de St.-Vincent, à
Sentis.
Marsy (Arthur de), à Compiègne.
Mathon , archiviste, à Beauvais.
Ponthiedx (Nicolas), fabricant de
carreaux mosaïques, à Auneuil,
près Beauvais.
Salomon, receveur des Douanes,
à Dives.
Voillemer , docteur-médecin , à
Senlis.
* Vuatrin, avocat, à Beauvais.
Weil, architecte du Gouverne-
ment, id.
2'. DIVISION.—- AiSNE ET ARDEXNES.
Inspecteur divisionnaire : * M. GOMABT , membre de l'Institut des
provinces, à St. -Quentin.
Aisne.
Inspecteur : M. l'abbé PoqcEt, chanoine honoraire , à Berry-au-Bac.
Chauvenet (de), juge d'instruction Dersu , juge au Tribunal civil de
au Tribunal civil, à St. -Quentin. Laon.
Delbarre, architecte, à Château- "Gomart, membre de l'institut
Thierry. des provinces, à St.-Quentin.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE b'ARCIlÉOLOGIE.
IX
Le Clerc de La Prairir ( Jules),
président de la Société archéolo-
gique, à Soissons.
Le Fêvre , officier du génie , en
retraite, id.
Le Roux, docteur-médecin, à Cor-
bény, canton de Craonne.
Martin, membre du Conseil géné-
ra! de l'Aisne, à Rosoy-sur-Serre.
Piette, contrôleur principal des
contributions directes, à Laon.
Poquf.t (l'abbé), chanoine hono-
raire, doyen de Berry-au-Bac.
Tévcnart (l'abbé) , chanoine hono-
raire, archiprêtre de Laon.
Vignoine (l'abbé) , chanoine ho-
noraire, archiprêtre de Vervins.
Williot, secrétaire de la Société
archéologique de Soissons.
ordonnes.
Inspecteur : M. l'abbé Tourneur, archiprêtre de Sedan.
Quéant (l'abbé), curé de St.-
Loup-Champagne.
Tourneur (l'abbé), chanoine bon.
de Reims, archiprêtre de Sedan.
3e. DIVISION. — MARNE ET SEINE-ET-MARNE.
Inspecteur divisionnaire : * M. le comte DE MELLET , membre de
l'Institut des provinces.
Harne.
Inspecteur : M. Givelet, propriétaire, à Reims.
Duplessis , notaire lion., à Reims.
Duquenelle, membre de l'Acadé-
mie, id.
Fournier (l'abbé), doyen du Cha-
pitre de Reims, archiprêtre de
Notre-Dame, id.
Gauinet (Jules), conseiller hono-
raire de préfecture, ù Châlons.
* Givelet, membre de l'Académie
impériale de Reims.
Godauu (Isidore), suppléant du
juge de paix, à Epernay.
* Gousset (Mgr. ), cardinal-arche-
vêque de Reims.
Allonville (le comte Pierre d' ) ,
au château de Somsois.
Aubert (l'abbé) , curé-desservant
de Juvigny.
Dara (Mgr.), évêque de Châlons.
Bigault deGranrut, architecte ,
à Châlons.
Bouquet, instituteur, à Poix.
Brice-Didier, négociant, à Reims.
Chassagne, préfet de la Marne.
CosQiiiN, membre du Conseil gé-
néral.
Counhate, ù Suippes.
Didier (Jules;, négociant, ù Reims.
X L1STI- DES MLMBKES
Joirxiac, propriétaire, à Reims. Qrrry, (l'abbé), vicaire-général,
La Chapelle, filateur, id. à Reims.
* Mellet (le comte de) , membre Regnault, notaire et maire, à
de rinslitut des provinces , au Fismes.
château de Chaltrail. Rodf.rt, propriétaire, à Reims.
Nittot, membre du Conseil gé- Saubinet, membre de l'Acad. , id.
néral, à Cbàlons. Savy, agent-voyer chef, à Cbàlons.
* Pekrier, docteur en médecine, Simon, à Reims.
à Épernay. Sitaine (Henri), négociant , id.
Poisel, architecte, à Châlons. Tortrat, architecte, id.
Seine— et— Hante.
Inspecteur: * M. le vicomte de Bo^neuil, à Melun, et à Paris, rue
St.-Guil!aurae, 29.
Gast, docteur en médecine, a Vieillot, président du Tribunal
Crécy-en-Brie. civil et de la Société d'agi icul-
Moustier ( le comte de ), membre lure, sciences et arts, a Meaux.
du Conseil général, à la Chapelle.
4<\ DIVISION. — LMA'AUOS, MANCHE, ORNE BURE
ET S FI X E-l X FÉRI Kl' R F.
Inspecteur divisionnaire : M. DE CAUMONT.
Calvados.
Inspecteur: * M. Bolet.
Aciiauddb Vacogkes ( Amcdée ^ , à chef de division à la Mairie de
Bayeux. Caen.
Aubcrt , membre du Conseil de Abvray (l'abbé), curé de Moult.
l'Association normande, rue des *B\rroche, receveur-général, à
Chanoines, 5 Caen. Caen.
Alger (le comte d'), propriétaire, Bazin (Alphonse), courtier de
id. navires, id.
Audrieu (Alfred), membre cor- Beaucourt (de), au château de
respondant de la Société dun- Moraimillc , au Mesii'l-siir-
kerquoise, id. Blaugy.
Abvray , architecte de la Ville. * Bealjoir, notaire, à Caen.
DE LA SOCIÉTÉ FUAM.
*Bellefonds (M'ue. la comtesse de),
à Cacn.
Belrose, à Bayeux.
Bertrand, doyen de la l'acuité
des lellres, maire de Caen.
Besnou, juge au Tribunal civil, id.
* Billon , docteur-médecin , a Li-
sieux.
Blangy (Auguste de), au château
du Juvigny.
Bonnechose (de), à Monceaux.
Boscain, graveur, à Cuen.
Boscher, curé de Maisoncelles-
sur-Ajon.
* Bouet, à Caen.
* Bolgy ( le marquis Olivier de) ,
au cliàleau de Bougy.
Bourmont ( le comte Charles de) ,
à Caen.
* Brébisson (de), a Falaise.
* Bricqueville (le marquis de), à
Gueron.
Broche ( le prince Auguste de ) ,
a St. -Georges -d' A unay.
Campagnolles (de), membre de
l'Association normande, à Cam-
pagnolles , près Vire.
* Çampion, avocat, chef de bureau
à la Préfecture, à Caen.
* Caumont (de), id.
Cachons (Mme. de), id.
Chatel (Victor), à Valcongrain.
Chaulieu (le baron de ) , ancien
représentant , à Vire.
Choisy ( de ), à Caen.
Coquakt (l'abbé), curé de Gui-
bray , à Falaise.
Cornihee ( le comte de), à Caen,
AISE D'ARCHÉOLOGIE. XI
Court y, avocat, a Caen.
* Cussy (Cb. de), à la Cambe.
Cussv (le vicomte Fritz de), à
Vouilly.
* Dagallier, premier président de
la Cour impériale, à Caen.
* Dan de La Vautcrie , docteur-
médecin, id.
* Daifresne, membre du Conseil
général, id.
Daufresne , à Lisieux.
De Dhuval, a Caen.
* De La Chouquais , président
honoraire a la Cour impériale ,
id.
Delaiway, architecte, à Baveux.
Deschamps, architecte, à Cacn.
Desfrièches (l'abbé) , curé d'Ussy.
Deshayes, architecte, à Caen.
Deswoters, avocat, à Bayeux.
* Desportes, ancien notaire , à
Cacn.
Des Bot-ours i>e Chaulieu, ancien
représentant, à Vire.
"Didiot M«r.). évoque de Bayeux
et de Lisieux.
Do ( l'abbé ) , chapelain de la Vi-
sitation, à Caen.
* Doiesnel (Alexandre), député, à
Bayeux.
Duboliig, juge au Tribunal civil
de Falaise.
Du Ferrage, propriétaire, a Caen.
* Du Manoir ( le comte ) , maire
de Juaye.
* Du Moncel ( e vicomte), membre
de l'Institut des provinces , a
Caen.
XII
LISTE DES MEMBRES
Dumont (l'abbé), vicaire de Mai-
soncelles-sur-Ajon.
Duplessis , vice-président du Tri-
bunal civil, à Caen.
Dupont, sculpteur, id.
* Dupray-Lamahérie, substitut du
procureur-général, id.
Elouis, directeur de la Cuisse
commerciale, id.
* Fédérique ( Cbarles-Antoine ) ,
avocat, à Vire.
* Floquet, correspondant de l'In-
stitut, au château de Formentin
( Calvados ) , et rue d'Anjou-
St. -Honoré, 52, à Paris.
* Fontette ( le baron Emmanuel
de), ancien député, à Monls.
* Formigny de La Londe ( de) , a
Caen.
Fouques ( l'abbé ) , curé de Trois-
Monts.
Fournès ( le marquis Arthur de ) ,
à Vaux-sur-Seulles.
Fournies (l'abbé), curé de Clin-
champs.
* Gaugain, propriétaire, à Caen.
* Grandval ( le marquis de ) ,
membre du Conseil général ,
au château de Sl.-Denis-Mai-
soncelles.
* Guilbert (Georges), membre de
l'Association normande, à Caen.
Guillard, conservateur du Musée
de peinture, id.
" Guy, ancien architecte de la
ville, id.
"Ha.ndjf.ri (le prince), au châ-
teau de Manerbe.
* Hardel, imprimeur de la Société,
à Caen.
Huakd ( l'abbé ) , curé de St.-
Vaast.
Jardin , membre de l'Association
normande, à Caen.
* Laffetay (l'abbé) chanoine titu-
laire, à Bayeux.
* L\ Mariouze de Prévarin ( de),
directeur des Domaines, ù Caen.
* Lambert, conservateur de la Bi-
bliothèque , à Bayeux.
Lamotte , architecte, à. Caen.
Langlois (l'abbé Henri), chanoine
honoraire de Bayeux, directeur
de l'Institution SlVMarie, id.
* Le Bart , maire de Baron.
* Le Blanc, ancien professeur de
mathématiques, à Caen.
Le Bret (l'abbé , curé de Hollot-
en-Auge.
Le Cerf, avoué, à Caen.
Le Cordier, ingénieur, àTrouvi'le.
Le Court, avoué, à Pont-1'Évéqur.
Le Couvreur ( l'abbé ) , curé
d'Audi ieu.
* Le Petit ;l'abbé;, curé-doyen de
Tilly-sur-Seulles.
* Le Provost de Launaï, préfet
du Calvados.
Létot, propriétaire, à Caen.
* Le Vardois fils, id.
"Lidéhard, propriétaire, id.
LicNAf'.D, peintre-verrier, id.
Loir (l'abbé), procuré de Manerbe.
Magron (Jules), à Caen.
* Mallf.t , ancien notaire , à
Bayeux.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE. XIII
Marcotte, architecte du dépar-
tement, à Caen.
Marguerit de Rochefort (Léonce
de ), a Vierville.
Marie ( l'abbé ) , chanoine hono-
raire d'Angers, doyen d'Évrecy.
* Montcommf.ry (!e comte de), à
Fervaques.
* MoniÈRE, professeur à la Faculté
des Sciences de Caen.
Nicolas (Alexandre), architecte
de la ville de Lisieux.
* Nogct-Lacoudre ( l'abbé ) , cha-
noine honoraire, supérieur du
séminaire de Sommervieu.
* Oilliamson ( le marquis d' ) ,
au château de St.-Germain-
Langot.
* Olive, maire d'Ellon, rue Écho,
à Bayeux.
* Olivier, ingénieur en chef des
ponts-et-chaussées, ;\ Caen.
* Pannier, avocat, à Lisieux.
* Paolmiek , ancien député , à
Bretteville-sur-Laize.
Pelfresnc, architecte, à Caen.
Petiville (de), à Bons-Tassilly.
"Pierres (le baron de), membre
du Conseil général, à Louvières.
Piquot (l'abbé), supérieur des Mis-
sionnaires de la Délivrande.
Rasac (Frank de), a Caen.
Regmer (l'abbé), doyen du canton
de Dozuié, curé de Dives.
* Renault, conseiller à la Cour
"Saint-Jean, membre du Conseil
général, à Bretteville-le-Rabct.
Sevin, propriétaire, à Falaise.
Target ( Paul ) , président de la
Société d'agriculture, à Lisieux.
Tavigny du Longpré, avocat, à
Bayeux.
TnEissiER, avocat, à Vassy.
Tirard (l'abbé) , chanoine hono-
raire, doyen de Notre-Dame de
Vire.
* Torsay (Mme. la comtesse de),
à Mouën.
Toustain (le vicomte Henri de ) ,
ancien oflicier de marine, au
château de Vaux-sur-Aure.
Tranchant (l'abbé), curé de Jort.
* Travers, ancien professeur à la
Faculté des lettres , secrétaire
perpétuel de l'Académie de
Caen.
* Vassecr ( Charles), membre de
l'Association normande, à Li-
sieux.
* Vautier (Abel), député, à Caen.
Vautier (l'abbé) , chanoine hono-
raire , doyen de Thury-Har-
court.
Vengeon (l'abbé), curé de Luc.
* Villers (Georges de) , adjoint au
maire de Bayeux.
Vincent (l'abbé), doyen de Mor-
teaux-Coulibeuf.
* Youf (l'abbé) , chanoine hono-
raire, supérieur du Bon-Sau-
veur, à Caen.
impériale de Caen.
* Rioilt de Neuville (le vicomte Yvory, sculpteur, à Bayeux.
Louis de), à Livarot.
XIV
LISTE DES MEMBRES
Manche.
Inspecteur: * M. le comle de Tocqueville, au château de Nacquevillc.
Aigneaux (le marquis Paul cl'), à
risle-Marie.
* Annoville (Michel d'), maire, à
Auderville.
* Beaufort (le p<: de), au château
dePlain-Marais, à Picauville.
La Sociélé archéologique, â Avran-
clies.
Le Cardonnel (l'abbé), vicaire
de St.-Jores, par Prétot, près
Carentan.
Le Creps, propriétaire, à St.-Lo.
* Bignon (le baron de), au château Le Goupils (l'abbé), curé de Brix.
du Rosel (canton des Pieux).
Bonvouloir (le comte de), près
Morlain.
* Bravard (Mgr.), évêque de Cou-
tances et d'Avranches.
Castel, agent-voyer chef, à St.-Lo.
DESCHAMrs, D.-M.-P., â Torigny.
Desponts (l'abbé) , chanoine ho-
noraire, curé de St. -Nicolas , à
Coutances.
* Du POERIER DE PORTRAIL, à Va-
lognes.
Noël , ancien maire , membre de
l'Institut des provinces, à Cher-
bourg.
* Pongibaud (le comte César de),
au château de Fontenay , près
Montebourg.
* Quéxault , sous-préfet, à Cou-
tances.
Rouge (le comte de), au château
de St.-Symphorien.
Sauvage, juge de paix à Couptrain
(Mayenne).
Gilbert (l'abbé), vicaire-général, Sksmaisons (le comte Yves de), au
à Coutances. château de Flamanville , canton
* Guiton (le vicomte de), au châ- des Pieux.
teau de Montanel , près Avran- Sorel ( Armand ) , entrepreneur,
ches. à Valognes.
» Laine, président de la Société Tocqueville ( le comte de ) , au
archéologique, à Avranches. château de Nacqueville.
Orne.
Inspecteur : * M. Léon de La Sicotière , membre du Conseil général,
à Alençon.
» Barberay (de), au château de * Caix (de), à son château, près
Matignon, à Essay. d'Écouché.
Beaurepairb (de), ancien élève Dagoury , sous-inspecteur des fo-
de l'École des Charles, à Alençon. rets . à Alençon.
DE LA SOCIÉTÉ FgANÇ
Daicremont Saint-Manvieu fils,
substilut du Procureur impérial,
à Morlagne.
* Falandre (le marquis de), à
Moulius-Lamarclie.
* Fay (le vicomte de), au château
de la Guimandière.
* Fleury ( Edouard ) , juge , à
Alençon.
* La Perrière ( le comte de ) , au
château de Ronfongeray.
La Garenne (de), conseiller de
préfecture , à Alençon.
AISE D'ARCHÉOLOGIE. XV
* La Sicotiere (Léon de), avocat,
a Alençon.
Lai rouR, ancien maired'Argentan,
membre du Conseil général de
l'Orne.
Lecointrk (Eugène), à Alençon.
Le Vavasseur (Gustave), à la
Lande-de-Lougé.
Massiot (Gustave, avocat, à
Mortagne.
Patc de Saint-Vincent , au châ-
teau du Pi n-Ia-Ga renne.
Eure.
Inspecteur: * M. Raymond Bordeaux, docteur en Droit, à Évreux.
Anisson du Péron (le comte), au
château de S*.-Aubin-d'Écros-
ville.
Bardet, docteur-médecin, à Bernay.
Barrey (le comte de), maire de
Verneuil.
* Blossf.ville (le marquis de), dé-
puté, au château d'Amfiéville-
la-Campagne.
* Bordeaux ( Raymond) , docteur
en Droit , membre de l'Institut
des provinces, à Évreux.
Bostenney (de) , maire , à la Saus»
saye.
Bourdon ( l'abbé) , curé de Dru-
cou rt.
Caresme (l'abbé), curé de Sl.-
Germain, à Pont-Audemer.
Chemnevière fils, à Louviers.
* Devoucoux (Mg\ ) , évéque d'ft-
vi eux.
* Dibon (Paul), propriétaire, à
Louviers.
Goujon fils, au Vaudreuil, près
Louviers.
Glillard ( Emile), avoué-, à Lou-
viers.
* Janvier de La Moite, préfet de
l'Eure, à Évreux.
Lair (Casimir), à St.-Léger-de-
Rostes.
Lalun, architecte, à Évreux.
La Roncière Le Noury (le baron
Clément de), contre-amiral , au
château de Cracouville.
Le Blond , entrepreneur de bâti-
ments, à Gisors.
"Le Metayer-Masselin, inspecteur
de l'Association normande, à
Bernay.
* Le Reffait, conseiller général ,
a Pont-Audemer,
XVI
LISTE DES
* Loisel , maître de poste , à La
Rivière-Thibouville.
Malbranche, greffier du Tribunal
de commerce, à Bernay,
Marcel (Léopold), adjoint au maire
de Louviers.
Mérï (Paul) , à Évreux.
Mesml du Buisson ( le comte du )
à Neuilly, près Paris (Seine).
Montreuil ( le baron de ) , ancien
député, au château de Tierce-
ville, près Gisors.
MEMBRES
Petit (Guillaume), membre du
Conseil général , à Louviers.
* Phitippc-Lemaîlrc (Mmc. ), à II-
leville, canton de Montfort.
* Prétavoine, maire de Louviers.
* Quesxé (Victor), au château de
Montaure, près Louviers.
Renault, avocat, adjoint au maire
de Louviers.
Rostolan (de), à Évreux.
Vigan de Cernières (le baron de),
à Cernières.
Scitse— Inférieure*
Inspecteur: M. Léonce de Glanville , membre de l'Institut
des provinces , à Rouen.
Argentré (le vicomte d'), à Rouen.
Ballin, directeur du Mont-de-
Piété, id.
Baroche (Henri), avocat, id.
* Barthélémy père, architecte, id.
Barthélémy fils, architecte, id.
Baudicourt (Théodule de), id.
Bazile (Marcel), négociant, id.
Berthe (le docteur ) , membre de
l'Association normande, rue
Étoupée, 6, id.
Beuzeville, rédacteur en chef du
Journal de Rouen, id.
Boivin-Jenty , négociant, id.
* Bonet, sculpteur, Rampe-Bou-
vreuil, id.
Bons (Eugène de) , membre de
l'Académie des Arcades de Rome,
id.
Roucher, architecte, à Rouen.
* Bouel (le comte de ), à son chu-
te au, près Neufchalel.
Burel (l'abbé), vicaire de St.-
Remi , à Dieppe.
Carlier, ingénieur des ponts-et-
chaussées, à Fécamp.
Caze (de), membre de l'Académie,
à Rouen.
Chadoux, entrepreneur, id.
Chaventré (Isidore), rue Martain-
ville, 214, id.
* Chevreaux, au château de Bosc-
mesnil, près Sl.-Saëns.
Clogenson, conseiller honoraire à
la Cour impériale, vice-président
de l'Académie des Sciences, à
Rouen.
* Cochet (l'abbé), ancien au-
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D' ARCHÉOLOGIE. XV1L
mônier du collège , à Dieppe.
* Colas (l'abbé), chapelain de la
Maison des Saints-Anges , à
Rouen
Courtonne, architecte, id.
Ci'sson, secrétaire-général de la
mairie, id.
David ( Emile ) , propriétaire à
Rouen.
* Decokde (l'abbé), curé de Bures
(canton de Londinières).
DeLAMARE-DeROETTEYII.LK, filatetll',
à Rouen.
Delaunay, professeur de peinture,
id.
Dergny, propriétaire, à Gran-
court.
Desbois, docteur-médecin, à Rouen.
"Des Boves, lieutenant de dra-
gons, id.
Desmarest (L.), architecte en chef
du département, id.
Desvé, propriétaire, id.
Devillb (Ch.-S.-C.) , membre de
l'Académie des Sciences, conser-
vateur de la section géologique
au Collège de France, id.
Dieisy jeune, négociant, id.
* Duranyille ( Léon de ), proprié-
taire, id.
*Ernemont (le vicomte d'), membre
du Conseil général, à Ernemont,
près Goumay.
Estaintot père (le Clc. d'), inspec-
teur de l'Association normande,
aux Autels, près Doudeville.
* Estaintot fils (le vicomte Robert
d'), avocat, ù Rouen.
Falquet (Oct.), (dateur, ù Rouen.
Fleuri (Charles), architecte, id.
Gaignoeux (R.), directeur d'assu-
rances, id.
Gallet ( Napoléon ) , apprèteur ,
président du Conseil des Pru-
d'hommes, id.
* Germiny (le comte Adrien de ),
receveur-général, id.
Gille* (P.), manufacturier, id.
Gtbancoubt (de), à Vaiimpré,
près Neufchatel.
' Glanville (de), inspecteur de la
Société, à Rouen.
* Grandin (Gustave-Victor), prési-
dent de la Société archéologique,
à Elbeuf.
Grimaux, entrepreneur, à Rouen.
* Guériteau (l'abbé) , aumônier
du collège, a Dieppe.
Gueuout, ancien notaire, à Rouen.
Hommais, avocat, id.
La Londe (Arthur de), rue La
Rochefoucauld, id.
* La Londe (de), ancien oflicier de
cavalerie, id.
Lanchon ( l'abbé), curé de St.-
Godard, id.
Le Ber (Arsène), ancien notaire,
id.
Le Comte (l'abbé ), vicaire de St,-
François, au Havre.
Lecocpeir , docteur-médecin , à
Rouen.
Lefort, avocat, id.
Legendre, propriétaire, id.
Lemire, avocat, id.
* Le Pel-Lointet, a Juiniéges,
M1II
LISTE DLS MEMBRES
Le Pkincf., au château de Lam-
berville, par Yvelol.
Lf.provost, agréé, à Rouen.
* Le Roy, libraire, à Cany.
Leseigneur, fdateur, à Rouen.
* Lfay (Edmond), architecte, id.
Lizot (ils , substitut du procureur
impérial, id.
* Lucas (l'abbé) , curé de Hanouard.
près Cany.
Mabire, maire de Neufchatel.
Mathon , conservateur de la bi-
bliothèque de Neufchatel.
Mvudi.it, avocat, à Neufchatel.
Mélicieux (l'abbé), curé-doyen
de Gournay.
Méraux (Amédée) , artiste compo-
siteur, à Rouen.
Motxet, (ilaleur, id.
Osmont, architecte, id.
Palier, ancien manufacturier, id.
* Petiteville (de) , propriétaire ,
id.
Pottikr ( André ) , conservateur
du Musée d'antiquités et de
la Bibliothèque publique, à
Rouen.
Pouyek-Qiertier, député, id.
Provost ( l'abbé ) , curé de Ju-
miéges.
Quesnel (Henri ) , propriétaire, ù
Rouen.
Qlixet (Edouard), propriétaire,
id.
Revel, avocat, id.
Rondeaux, ancien député, id.
Rowcliffe-Barker, fondeur, id.
Saint-Laurent ( le comte Henri
de), id.
"Simon, architecte, boulevard
Beuuvoisine, id.
Simon (Léopold), propriétaire, à
Bures.
TnoiROCDE-DANGn, constructeur,
à Rouen.
Waddington, négociant, id.
. DIVISION. —SEINE, SEINE-ET-OISE, YONNE, LOIRET,
AURE ET EURE-ET-LOIR.
Inspecteur divisionnaire : * M. le vicomte DE CUSSY , rue Cau-
martin , 26, à Paris.
Seine.
Inspecteur : * M. Darcel, correspondant du Ministère de l'Instruction
publique, rue de la Chaussée-d'Antiu , 27 bis, à Paris.
Aramon (le comte d') , rue de * Arthus-Bertrand (Mme. veuve),
Poitiers, 52 , à Paris. rue Hautefeuille, à Paris.
Af.ribault, ingénieur des ponts- * Aubert (le chevalier), rue
et-chaussées, id. d'Amsterdam, 39, id.
DE LA SOCIÉTÉ FRAMjAlSE I> ARCHÉOLOCiK. XIX
Barbier, employé au Ministère de
la guerre, à Paris.
* Barthélémy (Anatole de), ancien
sous-préfet, id.
* Barthélémy ( Edouard de ) ,
maître des Bequétes au Conseil
d'État, rue Casiinir-Périer , 3,
id.
* Beaufort (le comte Ch. de), rue
delaVille-l'Évêque, 29, id.
* Beaulny ( Camille de ) , rue
d'Aguesseau, 9, id.
* Belbeuf (le marquis de), sé-
nateur, rue de Lille, 79, id.
Bétiiisy ( le marquis de ) , rue
de l'Université, 53, id.
* Blacas (le comte Stanislas de) ,
rue de Varennes, 52, id.
Blanche, ancien secrétaire-général
du Ministère d'État, id
Boisrenaud ( le comte de), rue St.-
Guillaume, 3 id.
* Bon vouloir (Auguste de), rue de
l'Université, 15, id.
* Bottée de ïoulmon , rue des
Saints-Pères, 7 bis, id.
BouvENNE(Aglans),rue Jacob,! 0,id.
Breval (Henri), graveur, cbaussée
de Clignancourt, id.
Bruère, curé de St.-Martin, id.
Bucaille ( Gustave ) , inspecteur
de l'Association normande, bou-
levard du Temple, 51, id.
* Cvpelli, boulevard Pigalle , 38 ,
à Montmartre.
Carlier (J.-J. ) , ancien-agent de
change, rue des Martyrs, 47 ,
à Paris.
Cattois (le docteur) , rue Cassette,
20 , à Paris.
Calmont, rue Monsieur-le- Prince,
47, id.
* Challes, rue de Londres, 52, id.
Château (Léon), directeur de l'In-
stitution professionnelle d'Yvry^
* ClIAUBRY DE TuONCENORD ( le
baron de) , rue Ncuve-de-1'Uni-
versilé , à Paris.
Ciiossote ( l'abbé ) , curé de St.-
Mandé.
Coinde ( J.-P. ) , membre de plu-
sieurs Académies, à Paris.
* Courtavel (le marquis de), rue
St.-Guillaume, 34, id.
* Cussy (le vicomte de), rue Cau-
martin, 26, id.
* Daigusson (Maurice), archiviste-
paléographe, quai des Orfèvres,
18, id.
Damiens , statuaire, rue du Cher-
che-Midi, 55, id.
* Darcel, correspondant du Minis-
tère de l'Instruction publique ,
rue de la chaussée-d'Anlin ,
27 bis, id.
David, ancien ministre plénipo-
tentiaire , rue de Ponthieu ,
20, id.
* De Bouis, docteur-médecin, rue
du Faubourg-St.-Honoré , 1G8 ,
id.
Dshon (Léon), avocat, id.
* Dequeuï de Saint-Hilaire ( le
marquis), rue Soufïlot, n". 1, id.
Des Cars (le duc), rue de Gre-
nelle-St.-Germain, 79, id.
XX
LISTE DES MEMBRES
* Didron , ancien secrétaire du
Comité des arts, directeur des
Annales archéologiques , rue
St.-Dominique, 23, à Paris.
* Dietrich, graveur, id.
* Doué père, membre de l'Institut
des provinces, cité Doré , boule-
vard de la Gare, 108, id.
Doyen, sous-directeur de la Ban-
que de France, membre de l'In-
titut des provinces, id.
* Dufour (l'abbé Valentin), vicaire
de St.-Paul-St. -Louis, id.
* Erceville ( le comte Gabriel ) ,
rue de Grenelle-St. -Germain ,
13, id.
* Foucher de Careil ( le comte ) ,
rue des Champs-Elysées, 69, id.
Gautier , conseiller à la Cour de
cassation, id.
Gérard (l'abbé), rue de Pontoise,
30, id.
Godefroy-Ménilglaise (le marquis
de), ancien sous-préfet, rue de
Grenelle-St.-Germain , 93, id.
Hubert-Ménage, fabricant d'or-
nements d'église , rue de Vau-
girard , 17, id.
Husson, propriétaire, rue Meslay,
18, id.
Joly de Villiers , contrôleur des
contributions, rue Neuve-des-
Petits-Champs, 97, id.
* JoiANNE,ruedeVaugirard, 20, id.
Keller (Emile), député, rue de
Las-Cases, 7, id.
Kergorlay (de), dePInstitutdes pro-
vinces, rue de Las-Cases, 2/1, id.
* Labarte (Jules), rue Drouot ,
2, à Paris.
Labille ( Aimable ) , architecte ,
boulevard Poissonnière, 24, id.
*Lallier (Justin), employé au
Ministère des finances, rue de
Verneuil, 9, id.
Lamaille (Ferdinand ), rue de la
Ferme-des-Mathurins, 16, id.
La Panouze ( le comte de) , rue
du Faubourg-St. -Honoré, 29,id.
*LaRochelambert (le marquis de),
sénateur, rue de Lachaise, 9, id.
Le Blei, docteur en médecine, id.
"Le Danois (Edmond), ancien ré-
férendaire au sceau , rue de
Rivoli, 3.
Légier de Mesteyme ( HenriJ) ,
avocat à la Cour impériale, id.
* Le Harivel-Di rocher, de l'In-
stitut des provinces , rue du
Regard, 6, id.
Lelorain, docteur-médecin , rue
Bonaparte, 57, id.
Le Normand , rue de Madame ,
34, id.
* Leroyer , directeur de l'École
professionnelle, membre de l'In-
stitut des provinces, à Vincennes.
* Liesville (de) , aux Batignolles,
à Paris.
Liger, architecte, rue Blanche,
60, id.
Longueil ( de ) , graveur , rue
Royale-St.-Honoré, 8, id.
* Llsson, peintre-verrier, id.
* Luynes ( le duc de ) , rue St.-
Dominique, 33, id.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE. XXI
OiMNOT de La Faverie , rue de
l'Ouest, 56, à Paris.
Palustre de Montifault (Léon) ,
rue Bonaparte, 18, id.
Paris (Louis), ancien bibliothé-
caire de la ville de Reims, rue
Rambutcau, 2, id.
Paris ( Paulin ), membre de l'In-
stitut de France, place Royale ,
id.
Marc (Gédéon), notaire, à Paris.
* Marion, inspecteur de la Côfe-
d'Or, rue Gaudot-de-Mauroy ,
29, id.
Martin (L.), rue de Rivoli, 73, id.
Maubert, sculpteur, rue du Fau-
bourg-Poissonnière, 185, id.
* Maurenq, ruedeTivoly, 9, id.
Migne (l'abbé), au Petit-Mont-
Rouge, barrière d'Enfer, id.
Minoret (E.), avocat à la Cour Pasquier ( Lucien ), étudiant, id.
impériale, boulevard de Stras- Pernot , peintre, rue Stp.-Hya-
bourg, 6, id.
* Mirepoix (le duc de), rue St.-
Dominique-St.-Germain , 102,
id.
Moll, architecte, id.
* Montalcmberi (le comte de), an-
cien pair de France, membre
de l'Académie française, rue du
Bac, 40, id.
* Montlaur ( le marquis de ) ,
membre de l'Institut des pro-
vinces, id.
* Montlaur ( le comte de ) , pro-
priétaire, id.
Montluisant (de) , capitaine d'ar-
tillerie, rue St.-Dominique-St.-
Gerrnain, 2, id.
* More au (Ferdinand), agent de
change, rue de Londres, 29, id.
* Mosselmax , rue d'Anjou-St.-
Honoré, 63, id.
Nettancourt ( de ) , colonel en
retraite, rue de Madame, 37, id.
Nugent (de), rue du Regard, 5, id.
* Oilliamson (le vicomte d') , rue
de la VilIe-l'Évêque, 29, id.
cinthe-St.-Honoré, 7, id.
* Petit (Victor), membre de l'In-
stitut des provinces , rue de
Lille , 23, id.
Pinieix (le chevalier de), rue Cau-
martin, id.
* Pomereu ( le vicomte Armand
de), rue de Lille, 67, id.
* Pontois de Pontcarré (le mar-
quis de), rue d'Anjou-St.-Ho-
noré, 42, id.
Ponton d'Amecourt (le vicomte
de), rue d'Enfer, 43, id.
Poussielgue-Rusand (Placide), or-
fèvre, rue Cassette, 45, id.
Reizet (le comte de), secrétaire
d'ambassade, rue d'Amsterdam,
35 bis, id.
Riancey ( Henri de) , avocat ,
id.
Robert , chef de division au Mi-
nistère de la guerre, id.
* Rotsciiili) ( le baron de ) , rue
Laffitte, 25, à Paris.
Rousset (A.), correspondant du
Ministère de l'Instruction pu-
XXII
LISTE DES MEMBRES
Leniercier
blique , 22 , rue
(Batignolles).
Rouyer (Jules), sous-chef à la
Direction générale des postes, à
Paris.
Roys (le vicomte Ernest de) , au-
diteur au Conseil d'État, 6,
place Vendôme, id.
* Ruillé (le comte de), rue
d'Aujou-St. -Honoré, 80, id.
* Sagot , membre de plusieurs
Académies, rue et hôtel Laffitte,
id.
* Saint-Paul ( P.-L. de), avocat,
rue d'Aguesseau, 1, id.
Salvandy (le comte Paul de) , rue
Cassette, 30, id.
* Sarty (de), ancien préfet, rue
Rumfort , 14, id.
Simi an, avocat, quai des Augus-
tins, 37, id.
Terrât de Mont-Vindé ( le vi-
comte), conseiller à la Cour
impériale, id.
* Thiac, membre de l'Institut des
Seine— et— Oise.
provinces, rue St.-Lazare, 24, à
Paris.
Thiollet , passage Stc.-Marie ,
n°. 8, id.
Tournier (Mme. veuve) , rue de
Berlin, 32, id.
*Varin, ancien avoué, rue de Mon-
ceaux, 12, id.
Vautier-Galle, sculpteur, rue de
la Chaise, 10.
Verdier, architecte, rue Cassette,
20, id.
* VWefosse (Héron de), archiviste-
paléographe, rue de Buffon,25,id.
*Villegille (de La), secrétaire du
Comité historique , id.
Vincent, membre de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres,
id.
* Vogué ( le comte Melchior de ) ,
rue de Lille, 90, id.
Walsh ( le vicomte Edouard ) , rue
de l'Université, !xi , id.
* Wint (Paul de), id.
Bossin, horticulleur,
court.
Inspecteur
Brûlé ( l'abbé ) , aumônier
Ste.-Colombe, à Sens.
* Challe, sous-directeur de l'In-
stitut des provinces et membre
du Conseil général de l'Yonne ,
à Auxerre.
a Hannc- *Dion (Henri de), ingénieur, à
Monlforl-l'Amaury.
Yonne.
* Mgr. Jolly , archevêque de Sens.
de
Clermont-Tonnerre ( le marquis
de), au château d'Ancy-le-Franc.
Cotteau, juge, à Auxerre.
Dormois ( Camille ! , économe de
l'hospice, à Tonnerre.
Droit (l'abbé), curé d'Island.
I)L LA SOCIÉTÉ rKANÇALSL D'ABCHÉOLOGIE. XX 11 I
Jollv (Mgr.!, archevêque de Sens.
* Havei.t (le baron du), au château
des Barres, à Saintpuils, parEn-
trains-sur-Nohuin.
lit r.Nou , ingénieur en chef, à
Auxerre.
Laitier, président du Tribunal civil,
membre du Conseil général, à
Sens.
* La Tour-du-Pin-Goi vernet ( le
marquis de), à Chaumonl-sur-
Yonne, parYilleneuve-la-Guyurd.
Laurent (l'abbé), directeur du sé-
minaire, ù Auxerre.
Le Maistre (le chevalier), membre
correspondant de la Société ar-
chéologique, à Tonnerre.
(Juaniin , archiviste du départe-
ment, à Auxerre.
Ra\ in, notaire, à Villiers-St. -Benoit,
Roguier ( l'abbé ) , aumônier de
l'École normale d'Auxerre.
"Textoms, au château de Chenny,
par Tonnerre.
* Tonnellier , greffier en chef du
Tribunal civil, a Sens.
Tonnellier, président du Tribuna
civil, à Auxerre.
Loiret.
Inspecteur: * M. l'abbé Dksnoyeus, chanoine, vicaire-général , membre
de l'Institut des provinces , à Orléans.
Aueecourt i,d'), ancien officier,
à Orléans.
* Boucher de Molandon , à Or-
léans , et à Reuilly, par Pont-
aux-Moines.
Buzonnière ( de), membre de ITn-
stitut des provinces, à Orléans.
"DeFayes de C.HAULNEs(le vicomte),
rue des Feuchers , id.
*Desnoïeks (l'abbé), chanoine,
vicaire-général , membre de l'In-
stitut des provinces , id.
* Dupanlolp ,Mgr.), évêque d'Or-
léans.
"Dipuis, membre de l'Institut des
provinces , conseiller à la Cour
impériale, à Orléans.
Guillaume, juge, à Montargis.
Jacob, imprimeur-libraire, à Or-
léans.
Marchand, correspondant du Mi-
nistère de l'Instruction publiqu e
près Briare.
Nitot , membre du Conseil gé
néral , à Ay.
Petit , membre du Conseil gé-
néral , à Triguères.
Poulain, conducteur des ponls-et-
chaussées, à Montargis.
Rocher ( l'abbé ) , chanoine hono-
raire , membre de la Société ar_
chéologique, à Orléans.
\X1V
LISTE DE5 MEMBRES
Aube.
Inspecteur : * M. l'abbé Tridon , chanoine honoraire , membre de
l'Institut des provinces, û Troyes.
Adnot, notaire, à Ghappes, canton
de Bar-sur-Seine.
Baubeau-Rémond, propriétaire aux
Riceys.
Batier , conducteur des ponts-et-
chaussées , à Bar-sur-Seine.
Bonnemain (l'abbé), chanoine ho-
noraire , vicaire de Ste. -Made-
leine, à Troyes.
*Gamusat de Vaugocrdon, vice-
président de la Société acadé-
mique de l'Aube, id.
C'offinet (l'abbé), chanoine, ancien
vicaire-général du diocèse, id.
* Fléchey-Cousin , architecte , à
Troyes.
Fontaine-Gris , président de la
Ghambre de commerce, id.
Gaussen, artiste-peintre, auteur du
Portefeuille archéologique , id.
* Gayol (Améilée), ancien dé-
puté, membre de l'Institut des
provinces, id.
Gréau ( Jules ) , manufacturier ,
à Troyes.
Hervey, docteur-médecin, id.
Huot (Charles), manufacturier,
id.
La Huproye (Truchy de), pro-
priétaire, id.
Marcillac (le comte de), à Bar-
su r-Aube.
Millot, architecte, à Troyes.
Roizard (l'abbé), chanoine-archi-
prêtre de la cathédrale, vicaire-
général , id.
Royer (Jules), architecte, aux
Riceys.
* Triuon (l'abbé) , chanoine hono-
raire , membre de l'Institut des
provinces, à Troyes.
* Vendelvre (le comte Gabriel de),
ancien représentant, à Veii-
deuvre-sur-Barse.
Vermet (Alphonse), propriétaire,
à Troyes.
Etire— et— Lois'.
Inspecteur : * M. Charles d'Alvimaue, à Dreux.
* Alvimare (Charles d';, à Dreux.
* Durand (Paul) , à Chartres.
Leffroy, propriétaire, à Dreux.
* Merlet, secrétaire de la Société
archéologique d'Eure-et-Loir.
Morissurc ( de ) , secrétaire du
Comice agricole, à Nogent-le-
Rolron.
Prou, président du Tribunal civil,
à Chateaudun.
*Tellot (Henri), propriétaire, à
Dreux.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE U'AHCHÉOLOGIE. XXV
6*. DIVISION.— SARTHE, MAINE-ET-LOIRE ET MAYENNE.
Inspecteur divisionnaire : ' M. le comte DE MAILLY, ancien pair
de France, au château de la Roche-de-Vaux , près le Mans.
Sarthe.
Inspecteur : * M. Hucher, de l'Institut des provinces.
Anjubault , bibliothécaire, au
Mans.
* Baglion ( de ) , au château de
Boscé.
BAUCHET(Paul),urchitecte,auMans.
* Blavette ( Edmond de ) , au
château de Goupillères.
Blottière, sculpteur, au Mans.
Bouvet (l'abbé), ouré de Neuvy.
Charles (Léopold), antiquaire, à
la Ferlé-Bernard.
* Chevreau (l'abbé), vicaire-gé-
néral du Mans.
Clermont-Gallerande ( le comte
de ), au Maus.
* Cumont ( le vicomte Charles de ),
à Crissé.
David, architecte, au Mans.
Delarue , architecte du déparle-
ment, id.
Deslais ( l'abbé ) , curé de la Cou-
ture, id.
* Espautart ( Adolphe d' ) , pro-
priétaire, adjoint au maire, id.
Étoc de Mazî, médecin de l'Asile
des Aliénés, id.
Foubert , sculpteur, à Sillé-le-
Guillaume.
Guérangf.r (Dom),abbé de So-
lesmes.
Hamon , membre du Conseil gé-
néral, au Mans.
* Hucher, membre de l'Institut des
provinces, id.
Joisset des Berries, juge d'in-
struction, id.
La Belle-Dagoneac, rue Garnicr,
id.
Le Normand de Lourmel, directeur
des Contributions directes, id.
Le Pelletier , docteur-médecin ,
id.
Le Tessier (l'abbé), vicaire de la
Couture, id.
L'Hermite , membre du Conseil
général, à St.-Calais.
Livet (l'abbé), chanoine hono-
raire, curé du Pré, au Mans.
Lottix (l'abbé), chanoine, mem-
bre de l'Institut des provinces ,
id.
* Loyac ( le marquis de) , à Ven-
deuvre.
* Mailly (le comte de), ancien pair
de France, au château de la
r»oche-de-Vaux, près le Mans.
Ménard de La Groie (Mme. Hippo-
lyle ), au Mans.
* Paillart-Duclêré , membre du
Conseil général, id.
XXVI
LISTE DES MEMBRES
Pebsigan (l'abbé) , chanoine titu-
laire, au Mans.
Picot dp. Vaulogé ( ie comte de) ,
à Vaulogé.
* Pkovost , juge de paix , a Sillé-
le-Guillaume.
Riobé , procureur impérial, à La
Flèche.
Rousseau , professeur de dessin ,
au Mans.
* Saint-Paterne ( le comte de ) , à
St. -Paterne.
\Sinchkr, directeur de la Compa-
gnie d'assurance mutuelle mobi-
lière, au Mans.
Vallée ( Gustave), juge suppléant ,
id.
Verdikr, professeur de mathéma-
tiques en retraite, id.
Voisin ( l'abbé), de l'Institut des
provinces, id.
Maine— et— Loire.
Inspecteur : * M. Godard Faultrier, à Angers.
Allard (l'abbé), curé de La Breille.
Baillou de La Brosse, propre., id.
Barbier de Montault, membre de
l'Institut des provinces
Béclard , avocat , membre de la
Société d'agriculture, sciences et
arts, à Angers.
Bouchard , docteur-médecin , à
San mur.
Boutel (Camille), propriétaire, id.
Bouton -Lévêque , maire des
Ponts-de-Cé.
Briffaut (l'abbé), ancien curé, à
Saumur.
Bruas ( Charles ) , propriétaire id.
Blcaille, propriétaire, id.
Chedeau, adjoint au Maire, id.
Chevalier (l'abbé) , aumônier de
l'hôpital, à Candé.
Courtiller, conservateur du Mu-
sée, à Saumur.
Delavau (Victor), ancien capi-
taine d'état-major, id.
Delavau (Henri), membre du Con-
seil d'arrondissement, à Saumur.
Ducamps (Théodore), id.
Dipuis ( Charlemagne), proprié-
taire, id.
Épinay (d'), juge du Tribunal
civil, id.
Fos (F. de), propriétaire, id.
Gallard , agent-voyer d'arrondis-
sement, id.
* Godard-Faultrier, à Angers.
Godet, imprimeur, à Saumur.
* Joly-te-Terme , architecte , id.
* Joubbrt ( l'abbé ) , chanoine ho-
noraire, à Angers.
Lambert aîné, à Saumur.
La Selle (le comte de) , membre
du Conseil général, au château
de La Tremblaye.
Lestoile (de) , à la Lande-Chasle ,
près Angers.
Louvet, député au Corps légis-
latif, maire de Saumur.
DE LA SOCIÉTÉ FKAM.i
Mack ( l'abbé ) , curé de Notre-
Dame-des-Ardilliers.
Mahi-.u fils , prop™. , à Sauninr.
Mabest (de), maire de Bagneux,
prèsSaumur.
Mayaud (Albert), membre du Con-
seil général des Deux-Sèvres, à
St. -Hilaire-Sl .-Florent
Mayaud (Paul), propriétaire, à
Saumur.
O'Neil, sous-préfet de Saumur.
Parrot (A.), à Angers.
* Prévost , capitaine-commandant
AISK o'abguéologie, XXVU
du génie, à Saumur.
Pichon , docteur-médecin, id.
Pip.tif, architecte, id.
Qlatrebarbbs (le comte Théodore
de), à Angers.
Raimbai'lt, vétérinaire, à Saumur.
Roffoy, architecte, id.
Tardif ( l'abbé ) , chanoine-secré-
taire de Pévêché, à Angers,
Trouillard ( C. ) , propriétaire , à
Saumur.
Vidal, propriétaire , à St.-Hilaire-
St.-Florent.
Mayenne*
Inspecteur : M, Le Fisblier, à Laval.
Bodard (Anatole de), a Craon. Hercé (le comte Armand de), au
* Champagivey (M°e, la marquise
de), au château de Craon.
Chedeau, avoué, a Mayenne.
Coismer Le Provost (Stéphen),
à Laval.
château de Monguéré.
La Broize (de), place de Hercé,
à Laval.
* Le Fiselier , secrétaire de la So-
ciété de l'industrie, id.
Descars (l'abbé \ chanoine hono- Prldhomme (l'abbé), vicaire, id.
raire, directeur de l'Institut ec- * Sarcus ( le baron de ) , \
clésiastique de Châleau-Gontier. Mayenne.
* Destouches, propriétaire, à Laval. Sebaux (l'abbé), supérieur du
Gahmer, agent-voyer, à Laval. Grand-Séminaire, à Laval.
7e. DIVISION.— LOIR-ET-CHER, CUKR, INDRE-ET-LOIRE,
INDRE ET NIÈVRE.
Inspecteur divisionnaire : M. DE LASAUSSAYE, membre de l'Institut.
Loir— et— (lier.
Inspecteur : M. le marquis de Vibraye , membre de l'Institut des
provinces, à Cour-Cheverny, près Blois.
* Lacroix de Rochambeau (le C'".), Vendôme, et à Paris, rue de
au château de Rochambeau, près Hanovre, k.
XXVUI LISTE DES MEMBRES
•La Saussaye (de), membre de département , à Blois.
l'Institut de France. Tract (de) , à Suèvres.
Launay, professeur au collège de * Vibraye (le marquis de), membre
Vendôme. de l'Institut des provinces , à
Martonne (de), archiviste du Cour-Cheverny, près Blois.
Cher.
Inspecteur :*M. Boirdaloue, membre de l'Institut des provinces.
Berry, conseiller à la Cour impé- Sociétés archéologiques, à Bour-
riale, à Bourges. Ses«
♦Bourdaloue, membre de l'Institut Le Noir ( l'abbé ), curé de Charly.
des provinces , id. Maréchal, ingénieur des ponts-
«Du Moctet, membre de plusieurs et-chaussées, à Bourges.
Indre-et-Loire.
Inspecteur : * M. le comte de Galembert, propriétaire , à Tours.
Bacot de Bomans (Jules), à Tours. Jacquemin, architecte, à Tours.
Boisleve-Desnoyers, maire à Lan- * Lambron de Lignim (le baron) ,
geais, membre de l'Institut des pro-
* Bourassé (l'abbé), chanoine li- vinces, id.
tulaire, à Tours. * Pécard, conservateur du musée
Browne , membre de la Société archéologique , id.
archéologique de Touraine, id. Lobin (Léopold), directeur de la
•Charlot (Grégoire), id. , id. manufacture de vitraux peints,
* Cougny (G. de), au château de la id.
Grille, près Chinon. Rose-Cartier, propriétaire, id.
* Galembert ( le comte de ) , pro- * Sarcé ( de ), au château de Hod-
priétaire, à Tours. berd-St. -Christophe.
» Guérin fils, architecte, id. Thieiry (Jules), à Amboise.
Indre.
Inspecteur: * M. Maurenq, rue de Tivoly, 9, à Paris.
* Charon (l'abbé) , curé de St.- * Voisin (l'abbé), curé de Douadic
Marcel, canton d'Argentan. (canton du Blanc).
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE B* ARCHÉOLOGIE. \\l\
Nièvre.
Inspecteur : * Mgr. Crosnibr, protonotaire apostolique, vicaire-général
de Nevers , membre de l'Institut des provinces.
Choulot (le comte de), àSavigny- Millet (l'abbé), chanoine hono-
les-Vaux , près Nevers. raire , doyen de St.-Amand-en-
* Crosnier (Mgr. ), protonotaire Puisaye.
apostolique, vicaire-général de Violette ( l'abbé ), archiprêtre de
Nevers, membre de l'Institut des Cosne.
provinces.
8e. DIVISION.— PUY-DE-DOME, CANTAL, HAUTE-LOIRE,
LOIRE ET LOZÈRE.
Inspecteur divisionnaire : * M. J.-B. BOUILLET, membre de
l'Institut des provinces, à Clermont-Ferrand.
Puy-de-Dôme.
Inspecteur : M. Thibault, peintre-verrier, à Clermont.
* Bouillet ( J.-B. ) , membre de * Mallay , architecte du départe-
Plnstitut des provinces, à Cler- ment, à Clermont-Ferrand.
mont-Ferrand. Sartige ( le baron de), id.
* Chardon du Banquet, id. * Sédaignes (le vicomte Jacques-
*Desbouis , bibliothécaire de la Alfred de), au château de l'Ora-
ville, id. don, près Clermont-Ferrand.
Large, inspecteur de l'Académie, * Thibault, peintre-verrier, à Cler-
mont-Ferrand.
Haute— Loire.
Inspecteur : M. Albert de Brives , membre du Conseil général de
l'Agriculture, au Puy.
* Bertrand de Doue, ancien pré- Brives ( Albert de), membre du
sident de la Société académique, Conseil général de l'Agriculture,
au Puy. au Puy.
Le Blanc , conservateur de la bi- Calemard de La Fayette, prési-
bliothèque de Brioude. dent de la Société d'agriculture,
XXX
LISTE DES MEMBRES
château de Chanalellles.
sciences, arls, industrie et com-
merce du Puy. Chaulnes (Gabriel de), avocat, au
Chanaleilles ( le marquis de ) , au Puy.
Loire.
Inspecteur ; * M. Paul d'Albicny de Villeneuve, membre de l'Institut
des provinces de France, secrétaire-général de la Société impériale
académique de la Loire, etc.,, à St.-Étienue.
Albigny de Villeneuve (d }, à
St.-Étienne.
"Buhet (Eugène), notaire, id.
Chaverondirr (Auguste) , docteur
en Droit, archiviste du dépar-
tement, id.
* Coste (Alphonse), négociant, a
Roanne.
Dard (l'abbé) , curé de Bénissous-
Dieu.
Gérard, agent-voyer en chef, à
SL-Étienne.
* Gonnard, employé à la Recelte
générale, id.
Le Roux, ingénieur civil, rue Ste.-
Gatherine, id.
* Meaux (le vicomte de), au château
d'Écclay.
Noël as, docteur-médecin . à St.-
Haon-le-Chàtel.
* Palliât de Besset (Joseph), pro-
priétaire, à Sl.-Élieune.
" Philip-Thiollière , négociant ,
vice-président de la Société impé-
riale académique de la Loire ,
id.
Robichon, propriétaire, id.
Testenoire-Lafayette, notaire ho-
noraire, id.
Viek (Louis), adjoint au maire, id.
Lozère.
Inspecteur : M. de More, propriétaire, a Serverelte.
* Chapelain de Saint- Sauveur ( le * More (de), propriétaire, à Serve-
baron de) à Mende,
Faybessb, avocat, id.
FoM/(7u«er(Mgr.),évêquede Mende.
Le Franc , ingénieur des pouts-et-
chaussées , à Mende.
rette.
Polce (l'abbé), secrétaire-général
de Pévêché de Mende.
* Roussel, président de la Société
d'agriculture, a Mende.
1)6 LA SOC1KTÊ fl*ANÇÀÏéE D'AfLCHÊOLOGtE. XXXI
9'. DIVISION. — ILLH-ET-VILAINE , tlOTES- DU-NORD ,
FINISTÈRE, MORBIHAN ET LOIRE-INFÉRIEURE
Inspetteur divisionnaire: * M. AUDREN DE KERDREL, ancieu
député, membre de l'Institut des provinces, à Renues.
lllc-et-Yilaine.
*
Inspecteur : M. Lanclois, architecte, à Rennes.
André, conseiller à la Cour impé-
riale, à Rennes.
Audren de Kerdrel, ancien dé-
puté, rue St.-Sauveur, 3, id.
Aussant, D.-M. , id.
* Rorderie ( de La ) , membre de
château delà Chapelle-Chaussée,
près et par Bécherel.
"Lafaye l'Hôpital (de), rue de la
Monnaie, 6, a Rennes.
" Larigle (le vicomte de), à Vitré.
"Lanclois, architecle, à Rennes.
l'Institut des provinces, a Vitré. Montessuy ( le comte de), délégué
* Breil de Lanual ( le comte), au de la Société archéologique d'Ille-
chateau de Landal. et-Vilaine, id.
Brune (l'abbé), chanoine, à Rennes. Niepce, procur. impérial, membre
Danjou de La Garenne, à Fougères. de l'Institut des provinces , id.
De La Bigne- Villeneuve, à Rennes. Ramé ( A. ), de l'Institut des pro-
Fruglave (le comte de La), au vinces, rue de La Fayette, 2, id.
Grand-Fougeray, commune de Toulmouche, membre de plusieurs
Port-de-Roche. Académies, id.
* Genouilhac (le vicomte de), au
Côtes— du— I\'oi*d.
Inspecteur : M. Geslin de Bourgogne, à St.-Brieuc.
Fréminville (Raoul de), à SU- "Geslin de Bourgogne, à St. -Brieuc.
Brieuc. Keranflech (le comte de), au
Gautier-du-Mottay , à Plérin , château de Quelenec , par Mur-
près St.-Brieuc. de-Bretagne.
Finistère.
Inspecteur: * M. du Marhallach, à Quimper.
* Mois (A. de), ancien député, château de Kernuz,près Pont-
membre de l'Institut des pro- l'Abbé.
vinces , à Quimper. "Hallégubn, docteur-médecin, à
* Du Chatellier , membre de Chateaulin.
l'Institut tles provinces, au * Mariuu.ach ( du ), à Quimper.
XXXIÏ LISTE DES MEMBRES
Morbihan,
Inspecteur : * M. de Kéridec , à Hennebont.
Lallemand (Alfred), juge de paix, * Kéridec (de), à Hennebon».
à Vannes.
Loire—Inférieure.
Inspecteur :* M. Nau, architecte, membre de l'Institut des provinces, a
Nantes.
Bertrand-Geslin ( le baron ) , Martel, directeur du grand-sémi-
membre du Conseil général , naire, a Nantes.
boulevard Delorme , à Nantes. "Nau, architecte, membre de
Blanciiet, docleur-médecin , place l'Institut des provinces , id.
Boyale, 15, id. * Nicolif.re (Stéphan de La ), id.
Gahour, aumônier du Lycée im- Phelippes-Beaulieux , avocat , rue
périal, id. des Arts, 29, id.
Cailliaud (Frédéric) , membre de Phelippes-Beaulieux, (Emmanuel],
l'Institut des provinces, rue des avocat, id.
Arts, 29, id. Poulain des Dodièhes (Robert), au
Driolet, architecte de la ville, id. château de Bois-Thoreau.
* La Tour-du-Pin-Chambly (le * Raymond (Charles de), architecte,
baron Gabriel de ) , boulevard à Nantes.
Delorme, 26, id. Richard (l'abbé), vicaire-général,
Lehoux, docteur-médecin, rue de à l'évéché, id.
la Chalotais, 1, id. Tilly ( le marquis Henri de), rue
Le Macxon (l'abbé), chanoine, rue Tournefort, 1, id.
Royale, 10, id. * Van-Iseghem (Heuri), architecte,
*MARiONNEAU,ruedu Calvaire, l,id. rue Félix, 1, id.
10e. DIVISION.— VIENNE ET DEUX-SEVKES.
Inspecteur divisionaire : * M. l'abbé AUBER, chanoine titulaire,
membre de l'Institut des provinces, à Poitiers.
Vienne.
Inspecteur : M. Le Cointre-Dupont.
*Auber (l'abbé), chanoine tilu- provinces, à Poitiers,
laire, membre de l'Institut des Bexyk (le Père), itl«
!)!• LA SOCIÉTÉ RaAAÇAISJÎ D'ARCHÉOLOGIE. XXXIII
* Cardin, ancien magistral, à Poi- Sous-St.-Cybar, à Poitiers.
tiers. Hcdct, archiviste du déparlement ,
Delavau (Achille) , propriétaire, à membre de l'Institut des pro-
Loudun. vinces, id,
La Brosse (le comte de) , pro- Robert (l'abbé), chanoine, id.
priétaire, à Poitiers. Souvignt (Charles de), propriétaire,
Le CoiiNtre-Dupont, propriétaire, id.
id. Tourette (Gilles de La), proprié-
Ménardièue ( Camille-Arnaud ) , taire, à Loudun.
avocat, docteur en Droit, rue
lïeux— Sèvres.
Inspecteur : M. Segrestain, architecte du déparlement, à Niort.
Arnault ^Charles) , correspondant Ledaiïi, avocat, de la Société des
du Ministère d'État, à Niort. Antiquaires de l'Ouest, à Par-
Barral'd, juge suppléant, à Bres- thenay.
SUÎre. * Ravan, trésorier de la Société de
Beaulieu, membre de l'Institut, à statistique , à Niort.
ÎSioi t. Rondier., juge honoraire, à Melle.
David, député au Corps législatif, *Roulière (ViclormdeLa),à Niort.
id. Rousseau (l'abbé), curé de Vcr-
Imbert, propriétaire, membre de ruyes, canton de Mazières.
la Société des Antiquaires de Segrestaiv , architecte du dépar-
l'Ouest, à Thouars. temeut, à Niort.
1J". DIVISION.— ÎIHARENTE-IXFÉRIEURE ET VENDÉE.
Inspecteur divisionnaire : M. l'abbé LACUB1E, chanoine honoraire,
ancien aumônier du collège de Saintes.
CîBarenie— Inférieure.
Inspecteur : M. Brisson, secrétaire en chef de la mairie de La Rochelle.
Avril de La Vkrgnék (Ernest) , Clervaix (Jules de), à Saintes.
avocat, à La Rochelle. DujiORisso>i,jugedepaix du canton
Beauchamp (Charles de), à Pons. de Pons.
Bourgeois (Justin), à Saintes. Douulet (l'abbé), curé de Rétaux.
Brisson, secrétaire en chef de la Esciias-seriaux (le baron), député
mairie de La Rochelle. au Corps législatif, a Saintes.
mil
LISTE DÉS .\ii:MiiKts
'Gastink.au ( l'abbé ), curé de La collège de Rochefort.
Jurd, à Saintes. * Phelippot, propriétaire, au Bois
* Lacluie (i'abbé), chanoine bono- ( île de Ré).
raire, ancien aumônier du collège Rocuet (l'abbé), aumônier de l'hô-
de Saintes. pitaJ civil, à St.-Jean-d'Angély.
* Landriot ( Mg'. ) , é\êque de La Romieux ( Gaston ) , secrétaire de
Rochelle. l'Académie, à La Rochelle.
M kxijt, employé des Douanes, a 'Paillasson, pharmacien, à Saintes.
La Rochelle. Tacnay , juge d'instruction , à
Person ( l'abbé ) , aumônier du Rochefort.
Vendée.
liispCitrur : M, Léon Alué , conseiller de préfecture, à Bourbon-
Vendée.
* Aude (Léon), conseiller de pié- Poeydayant , receveur de l'Enre-
fcclure, à Bourbon-Vendée. gislremenl, en retraite, à Mail-
* Baudry ( l'abbé Ferd. ), curé du lezais.
Bernard. Rabillald ( l'abbé ) , curé de
Collet (Mgr. I, évêque de Luçon. Maillezuis.
Fillox (Benjamin;, à Fontenay.
12'. DIVISION. — HAUTE-VIENNE ET CREUSE.
Inspecteur divisionnaire : * f»f. Félix DE VERNE1LH, membre de l'ïn-
stitul des provinces, à Puyrazeau , près Noulron (Dordogne).
BSaiiêe— 1 ienne.
Inspecteur; * M. l'abbé Aubellot, chanoine honoraire, curé-
nrchiprèlre, à Rochechouarl.
Ali.uaud, président de la Société
archéologique du Limousin ,
membre de l'Institut des pro-
vinces, à Limoges.
* Aubellot (l'abbé], chanoine ho-
noraire, curé-archiprêtre, a Ro-
chechouart.
Buisson, avocat, à Limoges.
Forgkhon (André), à Chalus.
Folt.èle, docteur-médecin, à Li-
moges.
Gay de Vernon (le baron), ancien
oflicier d'état-major, à St.-Léo-
nard.
Mai blanc (de), à Sî.-Junien.
Pabant (Arthur), à Limoges.
Tandf.au de M arsac ( l'abbé) , vi-
caire de St. -Pierre, id.
Taknaud (F. ), banquier, id.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE t> -ARCHÉOLOGIE. XXXV
Creuse.
Inspecteur: * M. l'abbé Ruy-Piekkf.fittb, doyen de Bellegarde.
Chaî ssat (le docteur), à Aubusson.
* Cornudf.t (le vicomte de), mem-
bre du Conseil général , ù Croq.
Coi'stin de Masnaimud (le marquis
Henri de ) , au château de
Sazcrat.
Masbrenier, conducteur des ponts-
el-cba ussées, a Guéret.
Perathon ( Cypricn), négociant ,
a Aubusson.
* Roy- Pierre ffittè (l'abbé) , doyen
de Bellegarde.
Latoi-iiette (de) député au Corps Vigieu (Antoine), notaire et maire,
législatif. à Vallière.
13e. DIVISION.— (i! RONDE, LANDES, DORDOGNE, CHARENTE
ET LOT-ET-GARONNE.
Inspecteur tli visionnaire: * M. Charles DES MOULINS, sous-directeur
de l'Institut des provinces , à Bordeaux.
Gironde.
Inspecteur: * M. Léo Droiyn, à Bordeaux.
* Alzac de La Martime ( d' ),
propriétaire, à Castillon-sur-
Dordogne.
Blatairol ( l'abbé), professeur de
Théologie à la Faculté de Bor-
deaux, à Bordeaux.
Bourroisse de Laffore, cours
d'Aquitaine, n°. 90, id.
* Castelnau d'Essenuult (le baron
Guillaume de), id.
* Chasteigner (le comte Alexis de) ,
rue des Remparts, 73, id.
Chasteigner ( Paul de) , rue de
Cbeverus, 25, id.
T.irot de La Ville (l'abbé), cha-
noine honoraire , professeur
d'Écriture sainte à la Faculté de
Théologie, membre de l'Institut
des provinces, à Bordeaux.
CoRiiiER (l'abbé), rue St. -Charles.id.
Desle de La Laxde ( Henri ) , à
Puyremont , par Lussac de
Libourne.
*Des Moulins ( Charles), sous-df-
recteur de l'Institut des pro-
vinces, à Bordeaux.
Despax (l'abbé P.), curé de Ver-
theuil.
* Drouyx (Léo) , à Bordeaux.
Dllignon-Desgranges, id.
Dir.ANo (Charles) architecte, rue
St.-Michel, 16, id.
Faisande (l'abbé), à Caslillon-sur-
Dordogne.
XXIVi
LlSiE DL5 MEMBRES
FoMrAiRieu (Prosper tle), à Ville-
neuve d'Ornon.
Gillari) (l'abbé), curé d'Arsac.
Grellet-Balguekik , juge d'in-
struclion, à La Réole.
* Jabouin, sculpteur, à Bordeaux.
Kercado (le comte de ) , membre
«le plusieurs Sociétés savantes,
place Dauphine, 30, id.
LaiSet (J.-A. ), conservateur du
Musée d'armes, id.
Lalanne (Emile), rue du Parle-
menl-Sle.-Calherine, n°. 14, id.
* Lapocïade, président du Tribu-
nal civil, à La Réole.
*Le Roy (Octave), juge au tri-
bunal civil, id.
Marquessac (le baron Henri de),
rue de Cheverus, n°. 30, à
Bordeaux.
Mbnabd (J.), rue d'Engluer), n°. 1,
id.
Landes.
Menou (l'abbé), rue des Ayres, 20,
à Bordeaux.
Mekedieu (de), avoué, id.
Montaigne (Octave de La), a
Lugon, canton de Fronsac.
* Paquerée, membre de plusieurs
Sociétés savantes, à Castillon-
sur-Dordogne.
Pichakd père (de), cours d'Albret,
46, à Bordeaux.
Rambalu (l'abbé), curé de Baron.
*Sabatier (l'abbé), chanoine ho-
noraire , doyen de la Faculté de
théologie de Bordeaux.
Tiiapald-de-Colombk (G.) , à Florac.
* Villees (de) , receveur-général ,
à Bordeaux.
* Villiet (Joseph), peintre , roule
d'Espagne, 6i, id.
Virac , rue Pellegrin . n*. SI ,
id.
Inspecteur : M. Auguste du Pevrat, directeur de la Ferme-École des
Landes, àBeyrie, près Mugron.
* Pevrat (Auguste du), directeur
de la Ferme-École des Landes, à
B ey rie, près Mugron.
Toulouset (le baron de), à St.-
Sever.
* Epivknt (Mgr. ), évèque d'Aire.
Gi-illoutet (de), membre du Con-
seil général des Landes, au châ-
teau de la Case , commune de
Parlebosq.
Lalrence, principal du collège , à
Monl-de Marsan.
Bordog'ne.
Inspecteur: M. le vicomte Alexis de Gourgies, membre de l'Institut
des provinces, à Lauquais.
* Abzac de Ladoize (le comte Briker, peintre, à Périgueux.
lirich d'), à Périgueux. Cruveilher, architecte, id.
DE LA SOCIÉTÉ FRANC USE D'ARCBÉOLOGIK. XXX Tl'
Fayolle (le marquis de), SFayolle. Rochechouart ( le comte de), à
*Galï , d.-m. , à Périgueux. Jumilhac.
* Gouugubs (le vicomte Alexis de), * Roumejoux (Anatole de), à Péri-
ù Lanqnais. gueux.
Goyiif.nèche (l'abbé), au château de Sacette (l'abbé1, ciné d'AHrmans.
Montréal. Sairt-Exopéry (l'abbé de), vi-
Laciiai;i> , préposé en chef de l'Oc- (aire-général, a Périgueux.
iroi , à Périgueux. Taixlefer (le marquis Wlgrain
Lafaye dr Sai.nt-Privat (de), à de), id.
St. -Privât. * Ver.meilii (Félix de), membre de
Massoubbe (Eugène), rédacteur de l'Institut des provinces , à Puy-
VEcho de Vésonc, à Périgueux. razeau.
Rigny (le comte de) , receveur des Verneith (Jules de), prop™. , id.
finances , à Nontron. Vidai, , pasteur, à Bergerac.
Charente*
Inspecteur : M. de Chancel, président de la Société archéologique,
à An,roulém<\
Chancel de), président de la So- * Coussectu ( Mg'. ), évoque d'An-
ciété archéologique , à Angou- goulùme.
lème. * Lauriers (de), à Angoulémc.
Lot— et— Garonne.
Inspecteur : M,
•Béchadr , ancien percepteur , à VilIeneuve-sur-Lot.
St. -Barthélémy. Paillard (Alphonse), préfet de
La Borie Saixt-Sclpice (de), à Lot-et-Garonne, a Agen.
14e. DIVISION.— TAB X-tT-GARIXXE, TARN. LOT,
AVEVnOX ET GERS.
Inspecteur divisionnaire : M. le comte DE TOULOUSE-LAUTREC,
à Rabastens.
Tarn.
Inspecteur: * M. Rossignol, à Mon tans, près Gaiilac.
Alibekt, pharmacien, îi Roque- de Lastours.
courbe. Combettes-de-L'JC ( Louis de ) ,
Belfortès Eugène de), au château à Rabastens,
XXXVIII LISTE DES MEMBUES
Combf.ttes La Bourelie ( de ) , à * Rossigivoi, (Élie-Antoine), à Mon-
Brcns, par Gaillac. tans, près Gaillac.
* Du Molay-Bacon, secrétaire-gé- Saint-Sauveur (Conslant de), à
néral de la préfecture, à Alby. Gaillac.
Moulis (l'abbé), curé de Gra- * Tonnac-Villeneuve (Henri de),
zac. id.
Rivières (le baron Edmond de), au * Toulouse-Lautrec (le comte
château de Rivières, près Gaillac. Raymond de), à Rabasteus.
Lo*.
Burguet (G. du), maire d'Allemans.
Aveyron.
Inspecteur : M. l'abbé Azémyb, professeur d'archéologie.
Azémar ( l'abbé ) , professeur d'ar- priélaire à Millau.
cliéologie. Marchal, ingénieur en chef des
* Brion Marlavagxe (L.), pro- ponls-et-chaussécs, à Rodez.
Gers.
Inspecteur: M. Noulens, directeur de la Revue d' Aquitaine.
Dctamarre ( Mgr.) , archevêque Rivière ( de ), membre du Conseil
d'Auch. général , à Vic-Fezensac.
Noulens , directeur de la Revue * Salon , juge au Tribunal civil ,
d'Aquitaine , à Gondom. a Auch.
15e. DIVISION.— HAUTE-GARONNE, HAUTES-PYRÉNÉES ,
BASSES-PYRÉNÉES, AUïîE, PYRÉNÉES— ORIENTALES ET
AR1EGE.
Inspecteur divisionnaire : M. le vicomte DE JUILLAC, à Toulouse.
Hante— Gavosuno.
Inspecteur : * M. de Saint-Simon, rue Tolosaue , à Toulouse.
Bournazel (le marquis de), à Tou- Roumeguèrr , secrétaire de la So-
louse. ciété archéologique du Midi de
* Loupot, architecte, à Bagnères- la Fiance, à Toulouse.
de-Luchon. Saint-Paul (Anthyme) , à ?.îou-
* Morel , avocat , à St.-Gaudens. trejau.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE B'aBCHÊOLOGIS. XXXiX
Haute8»Pyrénées.
Inspecteur: M. Loupot, architecte, à Bagiières-rfe-Lnchoii
( Haute-Garonne).
* Agos (le baron il'), à Tïbiran, canton de Nes'ior.
Basses— Pyrénées.
Inspecteur: * M. H. Durand, architecte du département, à Bajoune.
* Gknestet de Cbairac, bibliothé- Vican (de), inspecteur des forcis,
caiie, à Bayonne. a Pau.
Aude.
Inspecteur : M. Mahli, ancien préfet à Carcassonne, rue de Las-Gascs,
li), à Paris.
*Toirnal (de) , a Narbonne. * Cros-Muiieieil, à Ma: bonne.
Fyrénées— Wrieniales.
Inspecteur : M. de Bonnefoy, à Perpignan.
Gramer de Cassagxac (l'abbé;, di- * Rathevu, capitaine-chef du génie,
recteur du Collège, à Perpignan. à Amélic-les-Bains.
16e. division.— noi*( m s-di-rhone, Hérault, <;ard
KT VAU( IXSE.
Inspecteur divisionnaire ;*M. ROUX (P.-Y!.\ sous-directeur de l'Institut
des provinces, à Marseille.
L'oueîf es-=<ÎQï=»r. hône.
* Inspccttur : M. Talon, avocat, à Aix.
Balthazab, à Arles. Clot-Bey , docteur-médecin , à
* Berluc-Pf.rlssis (Léon de), à Mar eille.
Au. Dol, avocat, cours du Chapitre, 2,
Berriat, sculpteur, id. id.
XL
LISTE DES MEMBRES
Le Pbltiek, substitut du pro- * Sabatier , fondeur, rue des Or-
cureur-impérial, à Marseille. févres , 8 , à Aix.
Masse (Etienne-Michel), à la Ciolat. Seco.\d-Crf.ps, avocat, bibliothé-
Montbelil , juge de paix , à Mur- caire de la Société de Statistique,
seille. à Marseille.
* Roix (P.-M. ), sous-directeur de Seymard (A.), conseiller à la Cour
l'Institut des provinces , rue impériale d'Aix.
Montgrand, id. * Talon, avocat, ù Aix.
Hérault.
Inspecteur : * M. Ricard, secréta're de la Société archéologique,
à Mcntpellier.
Resim: (Henri), architecte, rue
Pelil-St.-Jean, à Montpellier.
Bonnet, conservateur du Musée,
a Béziers.
Chailan (l'abbé), aumônier des
prisons, id.
Corone (l'abbé), cuvé de Sérignan.
Farre aîné (l'abbé) , chef d'insti-
tution au couvent de Noire-
Dame, à Gignac.
Fabbège (Frédéric ) , élève de l'É-
cole des Chartres, à Mont-
pellier.
Hot (l'abbé), curé de Cabian ,
pur Roujan.
Lagarricle (Ferdinand), chevalier
de l'Ordre royal d'Isabelle-la-
Calholique , vice-président ho-
noraire, délégué de l'Institut po-
lytechnique universel, à Béziers.
Mathon, conservateur du Musée,
id.
Pai.lhes ( l'abbé), curé à Abcilhan,
par Béziers.
Pai!linii r ( l'abbé) , curé de Sl'.-
Ursule, à Pézénas.
Pégat (Georges), étudiant en Droit,
à Montpellier.
* Vinos (l'abbé), membre de l'In-
stitut des provinces, curé de
Jonquières.
Gard.
Inspecteur: * M. Auguste Plllt, à Nimes.
Baume (G. de La ) , premier pré-
sident de la Cour impériale, à
Nîmes.
Chadenèdr (de La) , président du
Comice agricole, à Alais.
Dkspeïroux, professeur de physique
et de chimie au collège, id.
* Gareiso ( l'abbé ) , supérieur du
grand-séminaire de Nîmes.
* Matharel (le vicomte de),
receveur-général des fmancps ,
a Ni mes
* Pellt (Auguste) , id.
I)L LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D ARCHÉOLOGIE.
XU
Vaneluse,
Inspecteur: ' M. Valère Martin, membre de l'Institut des provinces,
à Cavaillon.
Andréom (Em. ) , professeur d'his-
toire , à Carpentras.
Arnaud aîné , inspecteur de l'Uni-
versité, a Apt.
Athenosy (Isidore), D.-M. , rue
Culande, 30, à Avignon.
Bernard (le docteur Camille) ,
maire d'Apt.
Bertrand (l'abbé), curé d'Apt.
Boudin (Augustin), rue Boucane,
20, à Avignon.
Cakbonnel (Jules), curé de St.-
Pierre, id.
Collionon , pharmacien, à Apt.
Davon-Sainte-Colombe , juge sup-
pléant, id.
Debelay ( Mg'. ) , archevêque d'A-
vignon.
Deloye (Augustin ), conservateur
de la bibliothèque et du muiée
Calvet, à Avignon.
Guilbert ( Camille), président du
Tribunal civil, à Apt.
Lambert , conservateur de la bi-
bliothèque de Carpentras.
Le Courtois (l'abbé), curé à Mont-
favé-!ès-Avignon.
"Martin (Valère), membre de
l'Institut des provinces, à Ca-
vaillon.
Pontb riant ( le comte de ) , sous-
préfet, à Apt.
Pougnct (l'abbé Joseph), rue Cor-
derie. 6, à Avignon.
Redon (l'abbé) , professeur au sé-
minaire de Slc. -Garde.
Rousset (E.-Henri), propriétaire,
à St. -Saturnin d'Apt.
Semluf.s (de), receveur particulier
des finances, à Apt.
Sevmard (EIzéar), avocat, id.
Sollier ( E. ) , architecte de la
ville d'Apt.
17". DIVISION.— VAR , HAUTES-ALPES, BASSES— ALPES,
ET ALPES-MARITIMES.
Inspecteur divisionnaire: * M. DE BERLUC-PÉRUSSIS.
Vai\
Inspecteur: * M. Rostan, membre de l'Institut des provinces,
à St.-Maximin.
CAZF.jdocleur-médecin. à Colignac.
Gibaud-Magloire (l'abbé), cha-
noine honoraire , officier d'Aca-
démie, curé de Si.-Cyr.
XLll LISTE DES MEMBRES
M wirin (!e docteur;, ex-chirurgien
de la Marine, médecin du Che-
min de fer, au Lud.
* Mesure, îngéu. civil, a Brignolles.
Poi lle ( Raymond ) , avocat , à
Diaguignnn.
* Rostam , membre de l'Institut
des provinces, à St.-Mnx'unin.
Si<;aui>-Bkksc (de), au château de
Bresc.
* Veuillot, contrôleur des Contri-
butions directes, à Brignolles.
Manies— Alpes.
Inspecteur : M. l'abbé Sauzkt, à Embrun.
Arbauo (Paul), au château de rieur du séminaire d'Embrun,
Roussel. président de l'Académie flo-
Sauzet (f'abbé), chanoine , supé- sa'pine.
BSasses— Al pes
Inspecteur: M. Eyssrrie Saint-Marcel, à Forcalquier.
Alivon (l'abbé), aumônier du col- nistère de l'Instruction publique
lége, a Forcalquier. pour les tra\aux historiques.
Allègre , inspecteur primaire , à Hugues (Henri), avocat, à Digne.
Marius-Terrasson ( l'abbé ) , curé
Sisteron.
Aubebt (l'abbé Fé'ix ) . aumônier
du collège, à Digne.
Carronnf.l (l'abbé), ùNiozelles.
ETrssFKiE Saint-Marcel , jnge
d'instruction, à Eorcalquicr.
Fera un ( l'abbé), curé de Sieyès,
de Forcalquier.
Monjalard, propriétaire, à Si-
miane.
Pjcon (l'abbé), curé de Vîont-Laux.
Rembaux (l'abbé!, à St.-Maime, par
Forcalquier.
membre correspondant du Mi- Richaud (Léopold), aux Mées.
Al|îes— >5arîiÊnios.
Inspecteur : M. Félix Clappikr, substitut, à Grasse.
Tisserand (l'abbé), chef d'institution, à Nice.
18e. DIVISION.— RHONE, ARl>È<;iIE , AIN, DROSSE, ISERE
ET SAVOIE.
Inspecteur divisionnaire : * M. YEMEMZ, à Lyon.
Rbôoe.
Inspecteur : * M. le comte Georges de Sol lirait.
* BE.NOisT,*archilecte, à Lyon. Sula, 56, à Lyon.
P.izot (Ernest), architecte, rue Blanc (Edouard ), id.
I>E LA SOCIÉ'tÉ l'RANCi ;:.!•: G>' ARCHÉOLOGIE. XI. III
*Bona(d (Mgr. de), cardinal-ar-
chevêque de Lyon.
Boue (l'abbé) , curé d'Ainay.
Bbi\ ( de ) , conseiller à la Cour
impériale de Lyon.
* Carra u», propriétaire, à Lyon.
Du'.kstf. DB La Chavanne , pro-
priétaire , i;l.
Debombourg ( Georges ) , ici.
* Desjardins , architecte, ici.
Dubourg (F.), propriétaire, id.
* Dupasquicr (Louis), id. , id.
Fkaisse (Charles-Antoine), membre
de l'Académie , id.
Gutllard, chef d'institution , id.
Gujmet ( Emile) , id.
Hlhbert fils, architecte, id.
Laforest, notaire, id.
Lagrevol (de), propriétaire, id.
Lefervre, receveur-général , id.
Martin-Daussigny , conservateur
du Musée, id.
Martin (Pierre), architecte, id.
Mott.akd , propriétaire, id.
Pallias ( Honoré ) , id.
Pkladan, directeur de la France
littéraire , à Lyon.
Pi.nir.R (Léonard), sculpteur, id.
Richard DE Nancy (D.-M.) , id.
Saint-Olive (Paul de), id.
Saint-Olive (Gabriel de), id.
Saint-Victor (Charles de), id.
*Saussaye (cie La), recteur de
l'Académie, id.
* Svvoye (Amédée), architecle, id.
Savv (C. Vays), rue de Cuire, 19,
à la Croix-Rousse.
Smith (Valentin1, conseiller à la
Cour impériale, id.
* Soi'ltrait (le comte Georges de),
percepteur des finances, id.
Vaganay, propriétaire, id.
Vrrnances (l'abbé), docteur et
professeur à la Faculté de théo-
logie , id.
Vingtrinikr, imprimeur, directeur
de la Revue du Lyonnais, id.
Uxeloip de Rosrmont (d') . id.
* Yemkmz , id.
Ag-dcelic.
Inspecteur : M. Seguin, architecte, à Aimonay.
Be-.dx (Furcy) , à Sl.-Péray.
* Montravel (le vicomte Louis de),
ù Joyeuse.
Raymondon, architecte du dépar-
tement.
Rouchier, chanoine honoraire, au-
mônier du Sacré-Cœur, à Ah-
nonay.
•Seguin (J. ) , architecte, id.
Treillot (l'abbé), à St.-Péray.
Ain.
Inspecteur : * M. Dupasquier, architecte, à Lyon ( Rhône).
Baux , archiviste du département , Jolibois (l'abbé), curé de Trévoux,
à Bourg-en-Bresse. Martin (l'abhé), curé de Foissiat.
* Blains ( des), à Ambronay.
XL1V
LISTE DES MEMBRES
Drônie.
Inspecteur: * M. l'abbé Gustave Jouve, chanoine titulaire de la cathé-
drale, membre de l'Institut des provinces, ù Valence.
"Arbalestier (le baron d'), au cha- Lyon (l'abbé), curé d'Étoile.
teau de la Gardette, près Lo- Lyonnet (Mgr.) , évèque de Va-
riol. Icnce.
* AuniFFitET (le comte d'), receveur- Nugues ( Alphonse) , à Romans.
général, à Valence. Perosier (l'abbé), professeur de
Chanabas, curé de Léonce). mathématiques au pelil-sémi-
Chapouton , membre du Conseil nuire , à Valence.
général, juge de paix, à Grignan. Porthoux (du), à Roman».
Coursblles (de), sous-préfet, à Die. Roinzikk (Yves), avoué , à Valence.
" Jouve (l'abbé Gustave), chanoine Sieyès (le marquis de), id.
titulaire de la cathédrale, à Vallentin (Ludovic) , juge d'in-
Valence. struction , à Monlélimart.
Inspecteur
Isère.
M. Victor Teste, architecte, à Vienne.
* Advielte ( Victor) , secrétaire en
chef de la Sous-Préfecture, àSt.-
Marcellin.
* Berthin ( Vital ) , membre du
Conseil général, a Beaurepnire-
d'Isère.
Brye (le docteur de), à Vienne.
* Dardeleï, graveur, à Grenoble.
David (Auguste), docteur-médecin,
à Morestel.
bliolhèque publique de Gre-
noble.
Guf.dy (l'abbé), chanoine, curé
de Vézeronces, canton de Mo-
resle!.
Jaii.let (l'abbé), curé de Salaize.
* Labé, juge de paix, à Hèyrieux.
Leblanc, professeur au collège, à
Vienne.
Le Couturier, architecte, à Vienne.
Dubois-Mammès, ancien juge au Mège (l'abbé), archiprêtre du
Tribunal de commerce de Lyon, canton de Tullins.
à Sermerieu.
Du Boys ( Albert) , ancien magis-
trat à Grenoble.
Faure ( Amédée ) , ancien magis-
trat, id.
* Gabriel, conservateur de la bi-
Millot (l'abbé), curé de St.-Pierre
de Chandieu.
Moufflet, proviseur du Lycée, à
Grenoble.
Picuot (l'abbé), curé de Serme-
rieu, canton de Morestel,
Quérangal (Mmf. de), à Vienne.
* Saini-Andeol (de), propriétaire
à Moiruns.
Simian (Paul) , avocat , à St.-
Goër.
IJIi LA SOCIÉTÉ FRANGAJSE a' ARCHÉOLOGIE. XIV
* Terrebasse ( le marquis dej , au
Péage de Boussillon.
* Testb (Victor), archit., a Vienne.
Values (Gustave), propriétaire,
place St. -André, a Grenoble.
Savoie.
Inspecteur : M. le marquis Costa de Beaiirf.gaud, à Chambéry.
Berbau, secrétaire-général de la TRÉPiER(l,abbé),enrésidencelerapo-
préfecture, à Chambéry. raire au château de Franquières.
"Costa de Beairegard ( le mai- Ducis, membre de la Société Ho-
quis de ) à Chambéry. salpine, à Annecy.
19*. DIVISION. -—COTE-D'OR, SAONE-ET-LOIRE,
ALLEER ET HAUTE-MARNE.
Inspecteur divisionnaire: * M. le comte Charles DE MONTALEMBERT,
ancien pair de France, à Paris.
Côte-d'Or.
Inspecteur: * M. Marion (Jules), rue Godot-de-VIauroy, 39,
à Paris.
* Abbertin (Charles), conservateur Dhétel, notaire, à St.-Jean-de-
du Musée historique de la ville Losne.
de Beauiie. Du Parc (le comte), rue Vannerie,
* Baudot (Henri), président de la 35, a Dijon.
Commission archéologique de la "Dupont, à Mersault, près de
Côte-d'Or, à Dijon.
Bolgaud (l'abbé), chanoine hono-
raire, secrétaire particulier de
Mgr. l'Évêque.
Bretemère (Edmond de), à Dijon.
Bruno, propriétaire, id.
Changarmer-Moissenet , négo-
ciant, à Beaune.
Cuevrot, propriétaire, à Dijon.
Destourbet, président du Comice
Beaune.
Guillemot, président du tribunal
civil de Beaune.
Liger-Belatr (le comte de), h
Dijon.
* Loyère (le comte de La), au
château de Savigny , près
Beaune.
Menne (le général), rue Montigny,
à Dijon.
agricole, membre de l'Institut Protat ( Hippoly te), propriétaire,
des provinces, id. à Brazey-en-PIaine.
XLVi
liste des Membres
Saint-Seine (le marquis de),
membre de l'Institut des pro-
vinces, à Dijon.
Suisse, architecte du département,
à Dijon.
Vesvrotte (le comte de), id.
Saojte— ci— 3.oîrc.
Inspecteur: * M. le comte de Cissey , au château de Cissey
(Côle-d'Or).
Bathailt (Henri), secrétaire de la Lacroix, pharmacien, à Maçon.
Société archéologique de Châlon- Mac-Mahon (le comte de), à
sur-Saône. Auluii.
BccixiOT (l'abbé), aumônier de Marrjuerye ( Mgr. de), évêque
l'Institution ecclésiastique, id. d'Aulun.
*Billiot, membre de la Société Nicot ( Charles ), à la Villeneuve
Éduenne, à Auluu. p,ès Cuisery.
* Canal de Chizy (Marcel), prési- Ocliier (M-5, veuve), à Cluny.
dent de la Société archéologique, Pailuoux (le docteur), maire de
à Chalou-sur-Saôûfe. St.-Ambreuil.
Cakat de Chizy (Paul), id. Pailhoux (M"0. Élisa), id.
Charmasse (de), membre de la So- Peqlenot ( l'abbé) , curé de Cou-
ciété Éduenne, à Aulun. ches.
Chéviuer (Jules), id. * Surigny (de), à Màcon.
* Cissey ( le comte Louis de) , au Thomas ( l'abbé ) , missionnaire, à
château de Cissey. Aulun.
Esterno (le comte d'), au château Varax ( le comte André de ) , au
de Vésore, près Aulun. château de Montcoy.
Febvre (Mme.), rue de la Barre, 9, Varax (Bernard de), id.
à Màcon.
Allier.
Inspecteur: * M. Albert de Bures, à Moulins.
Arcy (le comte d'), receveur gé-
néral, à Moulins.
* Bellenaves (le marquis de) , à
Bdlenaves, près Ébreuil.
* Boudant (l'abbé), chanoine ho-
noraire, doyen de Chantelle,
* Bouruo.n-Busset (le comte Charles
de ), à Busset.
Brugières de La Motte, ancien
sous-préfet, à Monlluçon.
* Blrcs (Albert de), à Moulins.
* Dadole (Emile), architecte, id.
membre de l'Institut des pro- Desrosiers (l'abbé), curé de Bour-
vinces. won TArchambault.
DE U SOCIÉTÉ Fi; Al\(.: VIS1-: !>' ARCHÉOLOGIE. Xt.Vll
* Desroskrs (l'abbé), au couvent Martine (l'abbé) , curé «le St.-Ni-
des Miristes, à SP.-Foy-les- colas, a Moulins.
Lyon. Meiuielrat df.s Phi reaix (Louis),
* Dreux- lirézé (Mgr. de), évoque M.
du Moulins. * Montlaur ( le marquis Eugène
* Dupiié, professeur au séminaire de), de l'Institut des provinces ,
d'Iseure. î<]., et à Paris, rue de Grenelle-
* Ksmonnot, architecte du dépar- SL-Germain, 75.
tement, à Moulins. Pai'on de La Meigné , juge d'in-
Ëstoille (e conile de L'), id. » slruction, à Moulins.
Girard, notaire, id. Saist-Gbrani) (de), à St.-Gérand-
Grandpré Guillaume), ancien pré- de-Vaux.
sidenl du Tribunal de commerce, Skiillet, ancien notaire, à Moulins.
id, Simia.n (Alf.-Paul), avorat, a St.-
Léger-Tailhardat, architecte, à Goër (Isère).
Munlluron. Vajjdeu (l'abbé), curé d'Huriel.
BBauie— "îïarne.
* Guéiin ( Mj>r. ) , ëvêque de Pernot; artiste-peintre, à Vassy.
Langres.
20'. D VISION.— i>OUBS, .JURA OMSAUTE-SAOSi:.
Inspecteur divisionnaire : * M. WEISS, membre de l'Institut , conser-
vateur de la Bibliothèque de Besan ;on.
Bout».
Inspecteur ; * M. Victor Baille, architecte, à Besançon.
Terrier-Santans (le marquis de1, * Vlillerjït, Grande rue, "101, à
à Besançon. Besançon.
Jura.
Inspecteur; M. Edouard Clehc, président de !a Cour impériale de
Besançon, membre de l'Institut des p ovinces.
BBaute— Saôjie.
Inspecteur : * M. Jules de Buyer, à La Chaudeau,
* Longcuami', avocat, à Vesoul. Svlloï, docteur-médecin, à Vesoul.
X 1^1 II LISTE. DES MEMBRES
21«. DIVISION.— MEUSE, MOSELLE, MEURTIiE, VOSGES,
BAS— RHIN, ET HALT-KH3N.
Inspecteur divisionnaire ; * M. Victor SIMON, conseiller à la Cour
impériale de Metz.
lieuse.
Inspecteur : * M. Liéxard, secrétaire de la Société Philoinalique ,
à Verdun.
Bcvigmf.r ( Amand ) , membre de Jeantin, président du Tribunal
rinstitutdesprovinces,àVerdun. civil, a Montmédy.
Degoijtin (Alphonse), président du * Liénard, secrétaire de la Société
Tribunal de lre. iustance, id. Philomatique à Verdun.
Moselle.
Inspecteur: * M. Auguste Prost, à Metz.
* Boulangé, ingénieur des ponts- Durand (Louis), propre., à Metz.
et-cbaussées, rue Olivier, 27, Magden, avocat à la Cour iuipé-
à Paris. riale, id.
* Bouteiller ( Ernest de) , ancien Olivier, id.
capitaine d'artillerie , membre * Prost (Auguste), id.
de l'Académie impériale, à * Simon (Victor), conseiller à la
Metz. Cour impériale, id.
Charert, propriétaire, id. * Van der Straten (le comte de) ,
Derohe, architecte du départe- membre de l'Institut des pro-
ment, id. vinces, id.
Ileurthe,
Inspect ur: * M. le baron P.-G. de Dlmast, membre de l'Institut
des provinces, à Nancy.
Bastien (l'abbé), chanoine hono- Monnier (Auguste), président de
raire, curé de la cathédrale, à la Société d'agriculture, a Nancy.
Nancy. Montureix (le comte), à Arra-
* Dumast (P.-G. de) , membre de court.
rinstituldes provinces, à Nancy, Opperman (A.), chef d'escadron au
Humberg, aiciitecte, à Vie. 7c.régimentdelauciers, à Nancy.
1)K I.A SOCIÉTÉ FRANÇAIS! D'AKCHfcOÏ.OGJF.. XI.1X
Itas-ltliiu.
Inspecteur: * M. l'abbé Straub, professeur au petit séminaire,
de Strasbourg.
Beuger-Levrault , imprimeur-li-
braire, à Strasbourg.
Dachelx ( l'abbé ), professeur au
petit séminaire, id.
Du-.rieu , receveur-général des
finances, id.
Eck (l'abbé), chanoine honoraire ,
curé de Barr.
Eissen , médecin cautonal , à
Strasbourg.
Faviers (le baron Mathieu de ) , à
Kintzheim.
Frey (Henri), à Guebwiller.
* Goldekberg (Alfred), à Saverne.
Greixer , pharmacien , à Schilti-
gheim. ^
* Glerber (l'abbé V.), curé de St.-
Georges , à Haguenau.
Herrgott, professeur à la Faculté
de Médecine, id.
* Jjung , professeur au séminaire
protestant , bibliothécaire de la
ville , à Strasbourg.
Klotz , architecte de l'OEuvre-
Notre-Dame, id.
Lang (l'abbé), curé de Bischheim.
* Lasvignes , ingénieur , à Nieder-
bronn.
*Morlet (de), colonel du Génie,
en retraite, à Saverne.
Mi'he Paul), à Strasbourg.
Munch (l'abbé), curé de Sand.
Miry ( l'abbé Pantaléon ) , profr.
au petitsérainairede Strasbourg»
Mury (l'abbé Joseph), id., id.
Petit-Gérard , peintre-verrier , à
Strasbourg.
Petiti, architecte , id.
Rapp (l'abbé) , vicaire-général du
diocèse , id.
Reich ( l'abbé ) , chanoine hono-
raire , supérieur du petit sémi-
naire, id.
Rihlmann, principal du collège, id.
Sacm , sous-chef de division à la
Préfecture , id.
Schauenbotjrg (lebaron de), ancien
pair de Fiance, id.
Sieffert (l'abbé), curé de Weyers-
heim.
Sjpach (Louis), archiviste en chef
du département, id.
"Straub (l'abbé), professeur au
petit séminaire de Strasbourg.
Wolf (Gustave), avoué, id.
Zimmer, notaire, id.
Haut—Rhin.
Inspecteur : M. Poisat, archilecle de la ville, à Belfort.
Fromext (l'abbé), aumônier de Jister (Louis), à Belfort.
l'hôpital militaire, à Belfort. * Poisat, arcliiiecte de la v ille, id.
d
t LISTE l)KS MEMBRKS
Riehi. ( l'abbé Léon ) , curé de Thann.
Bretten. Seheult, à Mulhouse.
Ri'hlmamv, principal du collège, à Sester (l'abbé) , vicaire, id.
22e. DIVISION.— ALGÉRIE.
Inspecteur divisionnaire : * M. BERBRUGGER, bibliothécaire et
conservateur du Musée, à Alger.
Berthoud (Adolphe), homme de lettres, rue Sainte, 2, à Alger.
Province d'Oran.
Inspecteur ."M. Hugues (Henri), juge de paix, à Tlemcen.
Province de Constantine.
Inspecteur : M. Cherbonneau, professeur d'arabe, à Constantin**
* flor.KP., couservaieur du musée, à Philippeville.
MWMU ÉTRANGERS.
S. M. LE ROI DE SAXE, à Dresde.
S. A. R. LE DUC DE BRABANT, ù Bruxelles.
A. B.
Aixswor.TH )le général), à Monnet Baehh, conseiller aulique, profes-
(Yorkshire). seur à l'Université de Heidel-
Alford (le Rév. ) , doyen de Can- berg.
torbéry (Angleterre). Bakuffi (G. 1), professeur émérite
Alvin, directeur de l'instruction à l'Université de Turin.
publique, à Bruxelles. Bayer (de), conservateur du
Ajjdries (l'abbé J.-O.), chanoine, musée, à Carlsruhe.
à Bruges. Bavley (W.-H.) , à Londres.
AuEswoLD,p!'ésident de la Régence, Bedfort (Sa Grâce le duc de),
à Trêves. Brighton-Square, à Londres.
Autesesses (le baron de), directeur Bell, docteur en philosophie,
de la Société du musée germa- id.
nique, à Nuremberg. Rikgbam ( le colonel) , membre de
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE d'akchÉOLOGIK. Il
Devey (esqr.) , arcli., a Londres.
Dikgf.rich , professeur à l'Athénée
d'Anvers (Belgique).
Donalston, secrétaire de l'Institut
des architectes, a Londres.
Dbueby (John Henry), membre de
la Société des Antiquaires de
Londres, àNorwich, comté de
Norfolk (Angleterre).
Duby , pasteur protestant, à Ge-
nève.
Di mortier, membre de la Chambre
des représentants, à Tournay.
la Société archéologique du comté
de Kent, juge de paix de ce
comté, u Rochester (Angleterre).
Binoham (Mme. ), id.
Bold (Ed.), capitaine de la marine
royale, àSoulhampton.
Brinckeu (de), conseiller d'État,
à Brunswick.
Bisscher ( Edmond de ) , membre
de l'Académie royale de Bel-
gique, à Gand.
C.
Capitaine (Ulysse) , secrétaire de
|£ l'Institut archéologique Liégeois,
à Liège (Belgique).
Carton ( l'abbé ), président de la
Société d'Émulation, membre de
l'Académie royale de Belgique,
directeur de l'Institut des sourds
et muets, à Bruges (Belgique).
Cononuau (de), conservateur des
archives, à Zurich.
Coppietters (le docteur), à Ipres.
Cox, vice-président de la Société
d'histoire naturelle du comté de
Kent, à Fordwieh, près Cantor-
béry.
Cox (M-V, id.
Czoermng (le baron de), président
de la Commission impériale
d'Autriche pour la conservation
des monuments, à Vienne.
D.
Decharme, ingénieur en chef, à
Bologne (Italie).
Dectorff (le comte), à Gothidgen.
F.
Fabrï-Rossics, docteur ès-lettres,
à Liège.
Fazy, conservateur du musée d'an-
tiquités, à Genève.
Firmenich (Jean-Mathieu), homme
de lettres, à Berlin.
Florencourt ( de ) , membre de
plusieurs Académies , adminis-
trateur du musée d'antiquités,
à Trêves.
Forster , membre de plusieurs
Académies, a Munich.
Forster, professeur d'architecture
à l'Académie des Beaux-Arts, à
Vienne.
* Firstemberg Staniieim (le comte
de), chambellan du roi de
Prusse, à Apollinarisberg, près
Cologne.
G.
Gf.issel ( Mgr. ), cardinal , arche-
vêque de Cologne,
LU r.tSTE DLS
Gfi.vkt (le comté dé), a Eslon,
près Maestrcch.
Gsrgens , secrétaire de la Société
archéologique de Mayence.
Gildenhuis, négociant, à Rotter-
dam.
Goffist-Delrue, avocat , à Mons.
Go.NEI.LA.
* Gosse fils, à Genève (Suisse).
Granugagnage, membre de l'Insti-
tut archéologique de Liège.
* Grant (Mgr. ), évêque de" Sout-
wurlh , à Sl.-Georges, à Lon-
dres.
Gi'erlache (le baron de), premier
président de la Cour de cassa-
tion, à Bruxelles.
Guillery, professeur , membre de
l'Académie, id.
H.
Hacmans, bibliothécaire de l'In-
stitut archéologique Liégeois, à
Liège (Belgique).
Hakman (Th.), négociant , à Os-
tende.
Hartsuome (Rev. C. H.), archéo-
logue, à Londres.
Hailleville (de), littérateur, à
Bruxelles.
Higvet (l'abbé), à Ath (Belgique).
Hulsch, membre du Conseil supé-
rieur des bâtiments, à Carlsruhe.
Himeert fils, architecte des Mis-
sions étrangères , à Canton
(Chine).
J.
James ( sir WpJter ) , baronne! ,
M i: MB Kl. S
membre de la Société archéolo-
gique du comté de Kent , à
Sandwich (Angleterre).
Jlst (Théodore), conservateur du
musée d'antiquités , membre de
l'Académie royale de Belgique ,
à Bruxelles.
Klllf.r ( le docteur ) , secrétaire
de la Société archéologique de
Zurich.
Kervïn de Lettenhove, à Bruges.
Kestelood, propriétaire, à Gand.
Khedser , membre de plusieurs
Sociétés savantes, à Cologne.
Kkieg de Hocfelde.\, aide-de-camp
de S. A. R. le grand-duc de
Bade , à Baden-Bade.
Kigler ( Franc ) , professeur à
l'Académie de Berlin.
Kill , professeur à l'Académie de
Berlin.
Kiocker (Edouard), esq., ancien
maire de Douvres , membre de
la Société archéologique du
comté de Kent , à Castle-Hill
( Angleterre ).
L.
Labis (Mgr. ), évêque de ïouruay.
Lancia di Brolo ( Fretlerico ), se-
crétaire de l'Académie des
sciences, à Palerme.
Larking , secrétaire de la Société
archéologique du comté de Kent,
à.Ryarsh (Angleterre).
DE LA SOCIÉTÉ IT. \ >(, \!SL D'ARCHÉOLOGIE.
Mil
L\[ RF.M(iMgr.), évoque de Luxem-
bourg.
Lk Grand de Hellandt, archéo-
logue, à Anvers.
Lk Maistre, d'Anstaing, président
de lu Commission archéologique,
à Tournay ( Belgique ).
* Lenderschmit , conservateur du
musée de Mayence.
Lemiard (Franz), sculpteur, à
Cologne.
*Le Roi, professeur d'archéologie
à l'Uni \crsité de Liège.
Leutsch (Charles-Chrétien de ) , ù
Wetzlar ( Prusse ).
Lk.htlé ( l'abbé ), curé catholique
de Christiania ( Nonvége).
* Lopez (le commandeur ), con-
servateur du musée d'antiquités
de Parme.
M.
Makgis (Gustave ), libraire, à
Bonn.
Matexfisch ( le baron de), cham-
bellan de S. M. le roi de Prusse
et de S. A. le prince de Hohen-
zollern-Sigmaringen , à Sigma-
ringen ( Prusse ).
Mayer (Joseph), à Liverpool.
Meyer (F.), à Francfort-sur-Mein.
Milligam { le Rév. H. M.^M. A. ),
membre de la Société archéolo-
gique du comté de Kent , à
Sulton, Valence ( Angleterre ).
MiNEBviNi(Giuliano) , conservateur
du musée de Naples.
M*>m? , directeur des archives gé-
nérales du grand-duché de Bade,
à Carslruhc.
Mo*s ( le Cercle archéologique de
la ville de ).
RIosler (Charles), professeur à
l'Académie royale de Dusseldorf.
•Miller (Mgr.), évéque de
Munster.
Mlllrr (le docteur Charles), à
Stultgaid.
N.
Neyeh (Auguste), propriétaire, à
Luxembourg.
Xicbols ( John-Gough ) , membre
de la Société des Antiquaires
de Londres.
Nilson ( S. ) , ancien professeur
d'histoire, à Stockholm (Suéde).
Noex (de], propriétaire, à Cologne.
O.
* Olfkrs (d* ), directeur-général
des musées, a Berlin.
*Otrepi>e de Bouvette (d'), pré-
sident de l'Institut Liégeois, à
Liège (Belgique ).
Oidard, négociant, à Gènes (Sar-
daigne).
P.
Pamzzi (Anlonio), l'un des con-
servateurs de la bibliothèque de
Londres.
Pagx , aneien maire de Douvres
(Angleterre ).
L1V
LISTE DES MEMBRES
* Parker , membre de la Société
architecturale d'Angleterre, de
Tins! i tut des provinces de France,
à Oxford.
Peeters-Wilbaix , membre de la
Société historique et littéraire,
à Tournay (Belgique ).
Petit de Roses , à Tongres.
* Pipers, professeur à l'Université,
et directeur du musée d'archéo-
logie chrétienne, à Berlin.
Q.
* Qucist (le baron) , conservateur
général des monuments histo-
riques de Prusse, membre étran-
ger de l'Institut des provinces
de France.
Ram (Mgr. de), prélat romain,
membre de l'Académie royale de
Belgique , recteur magnifique
de l'Université catholique de
Louvain.
Rambou, conservateur du musée
de Cologne.
Reichensperger , conseiller à la
Cour de cassation , à Berlin ,
vice-président de la Chambre
des députés de Berlin.
Reichekspercer , conseiller à la
Cour de cassation, à Berlin.
Reider, professeur à l'École poly-
technique de. Bamberg.
Respilecz ( l'abbé ) , chanoine ,
doyen de la cathédrale de Tour-
nay.
Biddel (sir W.-B. ), baronnet,
membre de la Société archéo-
logique du comté de Kent , à
Londres.
Riggembach , architecte , à Bàle.
Bipalda (le comte de), délégué de
l'Académie espagnole d'archéo-
logie, uMadrid, membre étranger
de l'Institut des provinces de
France.
Roach-Smith, membre de la So-
ciété des Antiquaires, à Lon-
dres.
* Robiano ( le comte Maurice de ),
sénateur, membre de plusieurs
Sociétés savantes , rue Léopold,
à Bruxelles.
Robson ( Edward ) , architecte , à
Durham (Angleterre).
* Boisix (le baron Ferdinand de),
chevalier de Malte, à Bruxelles,
Ronse (Edmond), archiviste, à
Furnes ) Belgique).
Rossi (le chevalier), à Rome.
Roulez, professeur à l'Université
de Gand, membre étranger de
l'Institut des provinces.
Russel Hord Ch.), à Londres.
Hasting Rissel , id.
S.
San Quintino ( le comte de ) ,
membre de plusieurs Sociétés
savantes, à Turin.
Sausail-Souhaigive (le baron de),
à Francfort.
Schémas , professeur au collège
royal de Trêves.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE.
J.T
Schenase (Charles), conseiller à la
Cour de cassation de Berlin.
Schriebeh , professeur des sciences
auxiliaires historiques à l'Uni-
versité de Fribourg.
Schulte ( l'abbé ) , doyen de Free-
kendorf, diocèse de Munster.
•Serra m Falco (le duc de), prince
de San Pietro, membre étranger
de l'Institut des provinces, à
Païenne.
Sheffielt-Grace , à Know-House,
comté de Kent.
Smolveren, membre de la députa-
tion permanente de la province
d'Anvers.
Stampe (de), président du Tribunal
de Munster.
Stielfried (le baron de) , grand-
maître des cérémonies du Palais,
à Berlin.
Stirling (sir Walter), baronnet,
membre de la Société archéolo-
gique du comté de Kent, à Tun-
brigde-Wels (Angleterre).
Stone (Rev.-Can.), membre de la
Société archéologique du comté
de Kent, à Cantorbéry (Angle-
terre).
Stuart-Menteath (Charles), à
Entry-Hill-House-Bath (Angle-
terre ) .
Stuart-Menteath fils, id.
T.
Tempest, membre de la Société des
Antiquaires de Londres.
Thomsex, directeur-général de»
musées, à Copenhague.
U.
Uruchs, professeur, directeur du
musée d'antiquités, a Bonn.
V.
Vandamme-Bernier , trésorier de la
Société royale des Beaux-Arts et
conseiller provincial, à Gand.
Vanden Beereboom, membre de la
Chambre des représentants de
Belgique et bourgmestre de la
ville d'Ypres.
Vax de Rutte, chanoine, curé-
doyen, à Poperinghe (Belgique).
Van Lempoel, de Niemunster, mem-
bre de la chambre des représent'*
et ancien sénateur, à Bruxelles.
Voisin (l'abbé), vicaire-général, à
Tournay.
* Yates, membre de plusieurs So-
ciétés savantes, à Londres.
Yorio (l'abbé), chanoine, l'un
des conservateurs du musée de
Naples.
W.
* Walleustein (le prince de), an-
cien ministre, à Munich.
Wardel (William), architecte,
trVI LISTE DES
membre de l'Institut royal des
architectes d'Angleterre, à Lon-
dres.
Warnkoenig, membre de l'Institut
et professeur à Tubingen, mem-
. bre étranger de l'Institut des
provinces.
Wetter , membre de plusieurs
académies, à Mayence.
Whewel, docteur en tbéologie ,
professeur à Cambridge.
Wiesenfeld, professeur d'archi-
tecture, à Prague (Bohême).
# Wioani) (Paul de), chevalier de
MEMBRES,
l'Aigle - Rouge , à Welzlar
(Prusse).
Willem, directeur de la Société
archéologique de Sinsheim.
Willis, membre de plusieurs aca-
démies, professeur à Cambridge.
Wikemam-Martin (Charles), ancien
membre du Parlement, vice-pré-
sident de la Société archéologique
du comté de Kent, au château
de Leeds , près de Maidstone
(Angleterre).
Witmann, directeur de la Société
archéologique de Mayence.
Ai!«Siéîons.
M. Blanchetikrf , conducteur des ponls-et-chausj-ëes , à Domfronl
lOrne).
La Société française d'archéologie renouvelle à ses associés
la recommandation, qu'elle leur a faite antérieurement, de
faire tous leurs efforts pour augmenter le nombre des mem-
bres de la Compagnie; il n'est pas de membre qui ne puisse,
dans sa circonscription, trouver chaque année deux ou trois
nouveaux associés. Quand on songe qu'en Angleterre, cer-
taines associations comptent 10,000 membres et plus, nous
devons croire qu'avec un peu de zèle, nous pourrions qua-
drupler le nombre des membres de la Société française d'ar-
chéologie.
COMPTE
RENDU PAR LE TRESORIER
DES RECETTES ET DÉPENSES
DE L'ANNÉE 18eS.
RFXETTES.
Excédant .du compte de 1861 , compris 45 "/. reçus
et à recevoir sur les 17,686 fr. 50 déposés chez
M. Donnet, ancien banquier. . . .
Cotisations recouvrées sur l'année 1859.
Id. id. 1860.
ld. id. 1861.
Recette de 1862
Vente de Comptes-rendus des séances
Cotisations reçues par avance sur 1863
Total.
DÉPENSES.
RECOUVREMENT DES COTISATIONS.
Frais de recouvrement
Frais de retour de billets non payés.
CONCIERGES.
Traitement du concierge du Pavillon et fournitures.
Id. id. du Musée archéologique. .
IMPRESSIONS.
121,104 58
10 »
30 »
3,100 »
5,932 »
24 »
80 »
30,280 58
368 01
125 Z|5
72 40
20 »
Impressions et gravures 4,288 32
Vignettes pour le Compte-rendu des séances. . . 305 »
AFFRANCHISSEMENTS ET PORTS DE LETTRES.
Affranchissement du Compte-rendu des séances . .
Ports de lettres, paquets, caisses , affranchissement
de circulaires et menues dépenses
SEANCES GENERALES.
Frais relatifs aux séances générales de Saumur, St.-
Étienne et Lyon . .
Frais relatifs à la fête internationale de Dives. . .
469 50
154 75
579 40
934 »
A reporter 7,316 83
l.VlIt (.:OWTt: RENDU PAR LE TRÉSORIER.
Report. . * . . 7,316 83
MÉDAILLES.
Achal et gravure de médailles 221 35
CONGRÈS SCIENTIFIQUE.
Cotisations au Congrès de Sl.-Étienne 30 »
DESSINS ET PLANS.
Dessins et plans faits pour le compte, de la Société. . 401 75
i
ALLOCATIONS.
Membres chargés de la sur-
veillance et de la direction
des travaux.
M. l'abbé Straub. Soldedesréparationsde l'église
d'Obersteigen 159 50
ld. Restauration des tapisseries
de Neuwiller 120 »
M. l'abbé Auber. Id. des fresques de l'église de
Cbauvigny 100 »
M. Doïère. Fouilles à Sourdauviile. . . Z»0 »
M. Aubertin. ld. aux environs de Beaune. . 100 »
M. Paul Simian. Réparations à la chapelle de
St.-Étienne de St.-Geoirs. . 100 »
MM. Godard- Faul-
TR1ER et JOLY-LE-
Tbrme. Réparations à la chapelle de
St.-Maur-sur-Loire. . . . 300 »
M. l'abbé LECOuvREUR.Id. à l'église d'Audrieu. . . 100 »
MM. Léo Drodyn et
l'abbé Despax. Fouilles dans la crypte de
l'église de Vertheuil. . . 50 »
M.IeC,e.D'HÉRicouRT. Réparationsà l'église d'Ablain-
St.-Nazaire 100 »
Total 9,139 A3
BALANCE.
Recettes 30,280 58
Dépenses. . . . . 9.139 ho
21,1^1 15
f.OMlTK RfiNOfJ Mfi fc>E TRÉSORIERS I.IX
ALLOCATIONS NON ENCORE ACQUITTEES.
Membres chargés de la sur-
veillance et de la direction
des travaux.,
M. l'abbé Le Petit. Réparations à l'église de Mouen 200 ».
M. Chaubry de Tron-
cenord. Rétablissement des volets du
rétable de Fromentières. . 20 »
Id. Id. d'une croix commémora-
live du sire de Joinville. . 50 »
MM. de Gaumont,
Gaugain, G. Villers. Souscription pour la consoli-
dation de la tour centrale
de la cathédrale de Bayeux. 1,000 »
MM. de Berlcc-Pé-
rdssis et Bomer-
bale. Fouilles à Dauphin (Basses-
Alpes) 100 »
M. Paqlerée. Réparations à l'église de Ville-
martin 100 »
Id. Fouilles dans le département
de la Gironde 100 »
M. l'abbé Stracb. Réparations au cloître de
Wissembourg 200 »
M. Ringeissept. Déblai et consolidation du
château de St.-Ulrich. . . 100 »
MM. de Verneilh et
de Vernow. Réparation d'une inscription
tumulaire dans l'église St.-
Léonard 100 »
Id. Plaque commémorative du
combat de trois chevaliers
français contre un nombre
égal de chevaliers anglais. . 50 »
M. de Margderit. Consolidation du clocher de
Vierville 100 »
MM. R. Bordeaux et
Vasseur. Restauration de deux verrières
de l'église de St. -Victor de
Ghrétienville 200 »
M. l'abbé Le Petit. Réparations à l'église d'Essay. 100 »
Id. Fouillesdanslecantond'Orbec 200 »
Id. Moulages à Holtot-en-Auge . 100 »
A reporter 2,720 »
LX COMPTK RH.NDL PAR LE TfifcSORll-R.
Report 2,720 »
M. l'abbé Stral'B. Débadigeonnage de l'église
d'Altorf. 100 »
M. le docteur Billon. Fouilles et achat d'objets an-
tiques à Lisieux 100 »
M. Bouet. Réparation des statues de
l'église de St.-Gennaiu-de-
Livet 100 »
MM. Des Moulins,
Drouyn, Paquerée,
d'Auzac de La Mar-
xinie. Colonne commémoralive de la
bataille de Castillon ... 100 »
M. l'abbé Régnier. Réparations à l'église de Dives. 100 »
M. le Curé de Mar-
tragny. Réparations à l'église de Ruc-
queville 100 »
M. leCurédeCottun. Souscription pour la répara-
tion de l'église de Cotlun. . 50 »
MM. Joly-le-Terme et
Godard-Faultrier. Fouilles à Gennes 200 »
M. le Cte. de Galem-
pert. Moulage des piliers de Cravan. 100 »
Id. Découverte d'une mosaïque à
Poligny 100 »
Id. Moulage des statues de Fon-
tevrault 400 »
M. Joly-le-Terme. Réparations à l'église de St.-
Martin de Sanzay. ... 100 »
M.leC'.D'EsTAiNTOT.ld. à l'église de Lamberville. 100 »
M Teste. Id. , à la crypte de Salaise
(Isère) 50 »
Total h,uïo »
RESULTAT DEFINITIF.
Excédant 21,141 15
Allocations à solder • 4,420 »
Fonds libres 16,721 15
Caen, le 5 mars 1863.
Le. Trésorier,
L. GAUGAIN.
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANGE.
XXIXe. SESSION
TENUE
A SAUMUR,
LE 1er. JUIN 1862 ET JOURS SUIVANTS.
Séance d'ouverture
Présidence de M. Loivet, maire de Saumnr, député au Corps
législatif, officier de la Légion-d'Honneur.
Le Ier. juin 1862, à 2 heures après midi , a eu lieu , dans
une des salles de l'Hûtel-de- Ville de Saumur, l'ouverture du
Congrès archéologique de France.
On remarquait dans la salle :
MM. De Caumont, directeur de la Société.
Le comte de Galembert, inspecteur du département
d'Indre-et-Loire, à Tours.
Godard-Faultrier , inspecteur du département de
Maine-et-Loire, à Angers.
Bouet, inspecteur du Calvados, à Caen.
Joly-le-Terme, architecte, à Saumur.
Ramé , inspecteur divisionnaire de la Société française
d'archéologie , à Rennes.
Baudry, curé du Bernard ( Vendée ).
1
2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
MM. Segretain , inspecteur du département des Deux-
Sèvres, à Niort.
Le comte de Mailly, inspecteur divisionnaire de la So-
ciété française d'archéologie, au Mans.
Le marquis de Costa de Beauregard , président de
l'Académie de Chambéry, commandeur de la Légion-
d'Honneur.
L'abbé Le Petit, secrétaire-général de la Société fran-
çaise d'archéologie, à Tilly (Calvados).
Louvet, député au Corps législatif, maire de Saumur.
Le Clerc de La Prairie , président de la Société ar-
chéologique, à Soissons.
Le vicomte de Genouilhac, de l'Institut des provinces,
à Rennes.
L'abbé Prudhomme, vicaire, à Laval.
Victor Petit , membre du Conseil général administratif
de la Société française d'archéologie, à Paris.
Félix de Verneilh, inspecteur divisionnaire de la Société,
àNontron.
Peeters Wilbaux, à Tourna y (Belgique).
Gilles de La Tourette, docteur-médecin, à Loudun.
Verdier, membre de l'Institut des provinces, au Mans.
Gaugain, trésorier de la Société française d'archéologie,
à Caen.
Marionneau, membre du Conseil de la Société, à Nantes.
Paul de Chasteigner, de Bordeaux.
Le Père Benye, de Poitiers.
Le comte de Toulouse-Lautrec, de Rabastens (Tarn).
Le colonel de Morlet , de l'Institut des provinces , à
Strasbourg.
L'abbé Bourassé, membre du Conseil de la Société , à
Tours.
L'abbé Joubert, à Angers.
XXIX\ SESSION, A SAUMUR. à
MiVl. Henri Delavau, à Saumur.
L'abbé Allard, curé de La Breille (Maine-et-Loire).
Le comte de La Selle, membre du Conseil général,
au château de La Tremblaye (Maine-et-Loire).
Ch. Bruas, à Saumur.
L'abbé Brifaut, membre de la Société française, id.
Beclard , avocat, membre de la Société d'Agriculture ,
Sciences et Arts, à Angers.
Bouchard, docteur-médecin, à Saumur.
Camille Boutel, id.
Bucaille, propriétaire, id.
Browne , membre de la Société archéologique de Tou-
raine, à Tours.
O'Neil, sous-préfet de Saumur.
Grégoire Charlot, membre de la Société archéologique,
à Tours.
Courtiller, conservateur du musée, à Saumur.
Chedeau, adjoint au maire, id.
G. de Cougny , au château de La Grille , près Chinon.
Théodore Ducamps, à Saumur.
De Marest, maire de Bagneux, près Saumur.
Charlemagne Dupuis, propriétaire, à Saumur.
E. de Fos, id.
D'Épinay, juge au Tribunal civil, id.
Godet, imprimeur, id.
Gallard, agent-voyer d'arrondissement, id.
Imrert, propriétaire, membre de la Société des Anti-
quaires de l'Ouest, à Thouars.
Jagquemin, architecte, à Tours.
Ledain, avocat.de la Société des Antiquaires de l'Ouest,
à Parthenay.
Federico Lancia di Brolo, secrétaire de l'Académie
des sciences, à Palerme.
k CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
MM. Lambert aîné, à Saumur.
Albert Mayaud, membre du Conseil général des Deux-
Sèvres, id.
Paul Mayaud, id.
Maher fils, id.
L'abbé Macé, curé de Notre-Dame-des-Ardilliers.
Pecard, conservateur du Musée, à Tours.
Prévost, capitaine-commandant du génie, à Saumur.
Pichon, docteur-médecin, id.
Piette, architecte, id.
Raimbault, vétérinaire, id.
Roffoy, architecte, id.
C. ïrouillard, id.
Léon de La Tourette , docteur-médecin , à Loudun.
L'abbé Tardif, chanoine-secrétaire de l'évêché, à Angers.
Vidal, propriétaire, à St.-Hilaire-St.-Florent (Maine-
et-Loire ).
Sur l'invitation de la Société française d'archéologie ,
M. le Maire de Saumur préside la séance et déclare la session
ouverte.
Sont appelés au bureau : MM. de Caumont, directeur de la
Société française d'archéologie ; (J'ISeil , sous-préfet de l'ar-
rondissement; le comte de Mailly, inspecteur divisionnaire au
Mans ; de Verneiih , inspecteur divisionnaire de la Haute-
Vienne et de la Creuse ; l'abbé Le Petit, secrétaire-général
de la Société française ; Courtiller, bibliothécaire et conser-
vateur du musée, à Saumur ; Joli/, architecte , à Saumur, et
Victor Petit, de Paris, membres du Conseil général adminis-
tratif de la Société. M. Godard- Faultrier , inspecteur de
la Société française d'archéologie pour le département de
Maine-et-Loire, et M. le comte de Galembert s inspecteur
des monuments d'Indre-et-Loire , secrétaires-généraux.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 5
M. Louvet se lève et prononce le discours suivant :
« Messieurs,
a Le choix que la Société française d'archéologie a fait de
Saumur, pour y tenir la première partie de son Congrès de
1862 , est un grand honneur pour notre ville et fera époque
dans nos annales saumuroises. C'est une bonne fortune pour
nous de voir réunis dans nos murs des hommes distingués,
venant de toutes parts pour étudier ce que notre contrée ren-
ferme de curieux au point de vue de la science. Je suis donc
l'interprète du sentiment public en adressant les remercî-
ments les plus sincères à tous nos éminents visiteurs, et en
particulier à notre honorable et savant président , M. de
Caumont , qui dirige notre Société , depuis de longues années,
avec une habileté, un zèle et un dévouement au-dessus de
tout éloge.
« Vos travaux , Messieurs , sont de ceux dont l'utilité ,
lente parfois à se faire connaître , n'en est pas moins grande
et incontestable. En ressuscitant le passé par vos studieuses
et patientes investigations , vous fécondez le présent et vous
préparez l'avenir. Malheureux est l'homme qui méconnaît la
puissance de la tradition et la chaîne mystérieuse qui relie
nos œuvres et celles de nos enfants aux oeuvres de nos pères.
Le grand dogme chrétien de la solidarité des générations
s'applique à toutes choses ici-bas, aux monuments, aux insti-
tutions , aux mœurs , aussi bien qu'aux individus et aux fa-
milles. Chaque siècle est le fds de celui qui l'a précédé et
engendre à son tour le siècle qui suivra. Et, d'ailleurs,
quand votre étude du passé n'aurait d'autre résultat que de
nous apprendre à respecter et à honorer ceux qui furent jadis
nos précurseurs et nos maîtres , elle serait encore très-utile
et salutaire. Enfin , n'est-ce pas une chose louable que de
montrer à notre société moderne , agitée, fiévreuse et si ira-
6 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
patiente de vivre qu'elle jouit à peine du présent et qu'elle
dévore l'avenir , que de montrer , dis-je , à cette société
combien il y a de charme à se réfugier dans les temps anciens,
et à se promener paisiblement au travers des vieux 3ges, à la
douce clarté du flambeau de la science!
« Soyez donc ici les bienvenus , Messieurs. Celui qui
vous salue ainsi est un des vôtres , le plus petit d'entre
vous tous assurément. Depuis que j'ai l'honneur de faire
partie de voire Société (et il y a déjà plusieurs années),
il ne m'a pas été donné de siéger une seule fois parmi vous.
Il m'est doux de prendre aujourd'hui ma place dans vos rangs,
au milieu même de ma ville natale, et de pouvoir, à l'aide
de vos leçons , connaître et apprécier , mieux encore que je
ne l'ai fait jusqu'ici , les richesses archéologiques de notre
pays du Haut- Anjou , de ce cher et beau pays où Dieu s'est
complu à réunir , par une faveur singulière, un doux climat,
un sol fertile , une population laborieuse et intelligente , de
grands souvenirs historiques, et qui est en ce moment si
heureux et si fier de l'hospitalité que vous êtes venus lui
demander. »
Cette allocution est vivement applaudie.
M. de Caumout prend ensuite la parole en ces termes :
« Messieurs,
« C'est pour la seconde fois que le Congrès archéologique
de France vient siéger dans le département de Maine-et-
Loire. En 1861 , il y a vingt ans accomplis, la session que
nous ouvrons aujourd'hui à Saumur se tenait à Angers.
Depuis lors, bien des publications ont vu le jour, bien des
congrès ont eu lieu, et pourtant il reste tant à faire encore,
que le XIXe. siècle et peut-être le XXe. ne pourront ter-
miner la lâche, entreprise il y a déjà plus d'un siècle, de dé-
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 7
crire les monuments anciens de l'Anjou, d'en reconnaître
toutes les vicissitudes , d'en indigner toutes les dates.
« Le Congrès a pour but principal de réchauffer le zèle
de ceux qui se livrent à cette tâche difficile , souvent in-
grate , et dont il importera toujours de relever l'importance
morale aux yeux des populations. Nous venons tendre une
main amie aux hommes dévoués qui explorent les belles et
historiques contrées de la Loire , les remercier au nom de
la France académique, et les prier de persévérer dans l'apos-
tolat qu'ils ont entrepris. Nous venons aussi engager toutes
les personnes studieuses du pays à observer avec nous les
types variés d'architecture que l'Anjou et la Touraine offrent
à nos yeux dans cette riche vallée.
« Nous serions heureux si la session du Congrès archéolo-
gique à Saumur pouvait faire naître quelques vocations nou-
velles et conquérir de nouveaux adeptes aux sciences histo-
riques et archéologiques.
Cet espoir devra se réaliser. Nous voyons, en effet
dans cette enceinte , des hommes qui , comme M. le co-
lonel de Morlet , M. le commandant Prévost, ont publié de
savants ouvrages sur la géographie ancienne ; des hommes
qui , comme M. le comte de Galembert , 31. de Verneilh
et M. Godard-Faidtrier , sont allés en Orient pour y
étudier l'architecture byzantine ; des architectes dont le
nom fait autorité dans toutes les parties de la France ,
R1M. Joly et Segretain ; des hommes, enfin, dont les publications
remarquables ont contribué à amener les sciences historiques
et archéologiques au point où nous les voyons aujourd'hui. Il
me suffit de citer, parmi ces derniers : M. le comte de Mailly,
ancien pair de France , qui a relevé plusieurs ruines impor-
tantes ; M. le vicomte de Genouilhacet M. Ramé, de Rennes ;
88. Pelers, de Belgique; M. Victor Petit , si connu par ses
belles publications. Tout fait donc espérer, Messieurs , que
8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
notre session de 1862 sera féconde , qu'elle continuera à
propager le goût des études historiques. C'est le but que
poursuit depuis trente années la Société française d'archéo-
logie , car elle sait qu'il faut faire comprendre la valeur des
monuments historiques pour qu'ils soient respectés.
«Je ne terminerai pas ces quelques mots d'introduction sans
remercier l'honorable M. Louvet, maire de Saumur et député
au Corps législatif, qui a bien voulu quitter ses travaux
pour venir nous installer dans ce beau palais ; M. Chedeau ,
adjoint ; MM. Courtiller , Joly , et tous les membres du
Conseil municipal , de l'accueil sympathique qu'ils ont fait
à la Société française d'archéologie , quand elle a témoigné
le désir de tenir ses assises à Saumur. Ce bienveillant em-
pressement à seconder nos efforts est le gage le plus sûr du
succès que nous en attendons. C'est aussi pour nous tous un
puissant encouragement, et nous y répondrons en redoublant
de zèle pour bien remplir notre mission, et faire en sorte
que le Congrès archéologique de Saumur soit un des plus
intéressants de ceux qui ont eu lieu jusqu'ici en France. »
Après avoir donné lecture de diverses lettres par lesquelles
plusieurs membres de la Société s'excusent de ne pouvoir
assister au Congrès, M. de Caumont présente les ouvrages
offerts au Congrès :
Far M. le colonel de Morlet , Photographie de pierres
tombales du musée de Saverne.
Par M. Ferdinand Piper, de Berlin, une brochure en alle-
mand : Théologie monumentale.
Par M. le capitaine Râteau, d'Amélie-les-Bains (Pyrénées-
Orientales), Monographie du château de Salz, dans les Py-
rénées.
Par M. Cherbonneau , Êpigraphie de l' Algérie , en cinq
volumes.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 9
Par M. de Caumout , pour la Bibliothèque de la ville de
Sauimir, le premier volume de la classe des sciences de l'In-
stitut des provinces.
Poteries gallo-romaines trouvées au Mans en 1809.
Statistique monumentale du Calvados,
M. de Caumont analyse ensuite brièvement plusieurs com-
munications écrites qui lui sont parvenues.
M. l'abbé Persigan , du diocèse du Mans, envoie un tra-
vail contenant : 1°. des notions générales sur le canton de
St. -Paterne, qui faisait autrefois partie de l'ancien Sermois;
2°. une reconnaissance détaillée de la voie romaine de Char-
tres à Rennes par Jublains, qu'il annonce avoir suivie depuis
St. -Remy-du-Plain, canton de Mamers, jusqu'à la Pooté
(Mayenne) , en passant par Ancines , St.-Paterne, etc. Il en
décrit les vestiges reconnaissables à plusieurs endroits.
M. l'abbé Persigan conslate l'existence d'une autre voie an-
cienne, d'Oximum à Suindinum. Cette route, que M. de
Caumont a reconnue du bourg d'Exmes jusqu'à Séez, l'au-
teur la retrouve à son débouché dans le Maine, à Cerisay, près
Courteilles , traversant la Sarlhe en un gué , près de Monldi-
dier, puis se rendant à Estrée pour se réunir à la voie précé-
demment décrite en un lieu appelé la Croix-du-Pont, sur la
route d'Ancinesà Alençon. M. l'abbé Persigan termine en di-
sant qu'il est persuadé que la voie romaine venant deCondé-
sur-Iton à Ste.-Ceronne par Mortagne, tombait dans une des
routes qui précèdent.
M. l'abbé Lacurie écrit de Saintes à M. de Caumont, pour
lui annoncer la publication de la Statistique de la Charente-
Inférieure et l'acquisition de plusieurs ruines antiques , et
notamment celles de l'amphithéâtre de Saintes; il envoie un
rapport de M. Lacour , inspecteur de l'arrondissement de
St.-Jean-d'Angély , au sujet de la découverte d'une con-
struction romaine sur la commune de Varaize.
10 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. Dupuis, conseiller à la Cour d'Orléans, envoie la liste
des inscriptions gallo-romaines existant au musée d'Orléans,
suivie d'une note sur deux anciens ponts établis sur la Loire,
vers le milieu de son cours.
Après avoir déposé sur le bureau un certain nombre de
rapports écrits , dont la présentation devait être faite parce
qu'ils rendent compte de fouilles ou de travaux exécutés aux
frais de la Société française , M. de Gaumont propose l'ordre
suivant pour les séances du Congrès pendant la semaine qui
commence : séances générales , à 8 heures du matin et à
2 heures après midi; conférences le soir, à 7 heures 1/2 ,
pour lesquelles les portes seront ouvertes au public. Une invi-
tation spéciale est faite aux dames de Saumur pour les en-
gager à assister aux conférences , dont les sujets sont variés
et mis à la portée de tous.
Les excursions projetées auront lieu : à Gennes et à Cunault, le
mardi, 3 juin ; à Fontevrault, Candes et Chinon, le jeudi, 5 juin.
x\près ces préliminaires , M. le Président donne lecture de
la 1". et de la 2e. question du programme :
Présenter le tableau des voies romaines de l' Anjou et
des contrées voisines.
Indiquer, sur une carte, la position de toutes les localités
de la même région dans lesquelles des substructions ont été
observées,
M. Godard-Faultrier demande la parole et lit le mémoire
suivant :
RAPPORT DE M. GODARD-FAULTRIER.
Nous croyons devoir répondre a ces deux questions en les
réunissant et même en changeant leur ordre , de façon que
la première deviendra la seconde ; en effet , il nous semble
plus naturel de constater d'abord , sans parti pris, les points
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 11
gallo-romains jusqu'ici reconnus. Ces points seront comme
autant d' amorces qui serviront de repères pour bien établir
les directions de nos voies romaines entr'elles ; car des uns
aux autres, tous ces points appelleront nécessairement des
chemins de communication entr'eux.
Essayons donc de répondre d'abord à cette question :
Indiquer, sur une carte , la position de toutes les localités
de la même région dans lesquelles des substructions ont
été observées.
Une carte nous paraissant insuffisante, nous la ferons
précéder des observations suivantes. D'un autre côté , nous
procéderons par arrondissement, en ce qui concerne le dé-
partement de Maine-et-Loire.
Arrondissement d'Angers.
Des traces gallo-romaines y ont été constatées sur les
communes suivantes :
Angers, Ste. -Gemme-sur-Loire , Murs, Essiré, Ponts-de-
Cé, St. -Barthélémy, Andard, St.-Remy-la-Varenne , Sa-
venières, Cbâlonnes, Thouarcé , Alençon et Chavagnes ,
Chorcé et St.-Ellier , St.-Jean-de-Linières , Bouchemaine ,
Ingrande , Lcroux-Beconnois , Denée , Écouflanl , Feneu ,
La Bohalle, Juigné-sur-Loire, Beaulieu, Faveraye, Faye.
Arrondissement de Baugé.
Communes de: Sl.-Martin-d'Arcé , Vaulandry, Beaufort ,
Corné, Mazé , St.-Georges-des-Bois , La Lande-Chasle ,
Seiches, Beauvau, La Rairie, Marcé , Suetle ,.Cuon.
Arrondissement de Cliolet.
Communes de: St.-Marlin-de-Beaupréau , Andrezé , La
Chapelle-du-Genèt , Geste, Jallais, Du May, La Blouère ,
Champtoceaux , La Chapelle-Rousselin , Sie. -Christine ,
Neuvy , La Tour-Landry , Chanleloup , Nuaillé , Tout-le-
12 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Monde, Trémentines, Vezins, Yzcrnay , St.-Laurent-de-
la-PIaine, St.-Crespin , Longeron, La Renaudière , Boussay,
Tilliers, Torfou , Chaudron, La Chaussaire , Fief-Sauvin ,
St.-Remy-en-Mauges , St. -Florent-le-Vieil , La Romagne ,
Cholet , Bouzillé.
Arrondissement de San mur.
Communes de : Saumur , Bagneux , Distré , St.-Hilaire-
St. -Florent, Vivy, Allonnes, Doué, Douces, Forges, Gennes,
Trèves-Cunauld , Chenehulte-les-Tuffeaux , Toureil-Bessé-
St.-Maur, St.-Georges-des-Scpt-Vuies , St.-Cyr-en-Bourg ,
St.-Jusl-sur-Dives , Vihiers ,* Souzoy , Montsoreau , Brezé ,
Epieds, Les Rosiers.
Arrondissement de Scgré.
Communes de : Châtelois , La Ferrière , Louvaines ,
Marigné , Lion-d'Angers, Chambellay , Brissarte.
Il serait trop long d'entrer dans quelques détails sur cha-
cune de ces communes. Qu'il suffise de savoir que ces
détails existent en un mémoire (1) que nous avons écrit vers
1858, et qui est présentement en cours d'impression dans
le Répertoire archéologique de /' Anjou,
Ces points de repère constatés , il nous reste à rechercher
les voies et routes qui en facilitaient la communication, car
elles ont nécessairement existé. Cette méthode à posteriori
nous semble la meilleure , et par là je suis amené naturel-
lement à traiter la question :
Présenter Le tableau des voies romaines de l'Anjou et
des contrées voisines.
Mais établissons d'abord que l'un de nos plus anciens docu-
(1) Ce mémoire a obtenu la médaille d'or du Conseil général de
Maine-et-Loire (année 1859) et une mention honorable au concours
de la même année ( Académie des Inscriptions et Belles-Lettres).
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 13
raents sur la topographie des Gaules est la Carte de Peuiinger.
Elle porte le nom de ce savant, parce que, découverte à
Spire vers 1500, elle lui fut léguée pour qu'il la publiât,
ce qui pourtant n'eut lieu qu'en 1598 , après sa mort.
Scheyb l'a réimprimée à Vienne en 1753. Bien que
M. Fortia d'Urban, en 18^5 , ait donné une nouvelle édition
de cette Table , celle de Scheyb n'en reste pas moins pré-
cieuse. Elle se compose de douze segments , détachés de
manière à pouvoir être placés les uns à la suite des autres.
Le segment n°. 1er. renferme nos quatre positions gallo-
romaines angevines les plus anciennes, savoir : Jiiliomagus ,
puis, à l'est, Robrica ; à l'ouest, Combaristum et , au sud-
ouest , Segora.
Ces positions , dans la Table de Peutinger , se trouvent
toutes sur la rive gauche de la Loire, tandis que s'il est vrai
que Juliomago soit Angers, comme nous n'en doutons pas,
et que Combaristum soit Combrée , ce qui nous paraît fort
incertain, ces deux dernières positions devraient être placées
sur la rive droite. Il en est ainsi de beaucoup d'autres villes
Ce qui prouve que l'auteur inconnu de cette Table a
moins eu le dessein de faire un travail géographique que
celui de dresser une carte routière ou postale des distances,
qui sont toutes partiellement indiquées en chiffres romains
d'une étape à l'autre. Il suffit de jeter les yeux sur l'ensemble
de cette Table pour voir qu'elle n'est qu'un ruban ou plutôt
qu'une litre allongée d'occident en orient, et qui ne tient
compte d'aucunes proportions du nord au sud et fort peu de
l'est à l'ouest. Dans cette Table , également appelée Théodo-
sienne , l'on ne s'est évidemment préoccupé , je le répète ,
que des distances en chiffres et d'une approximative orien-
tation , sans prendre beaucoup garde autrement que pour
mémoire à la distribution des mers , fleuves et rivières. On
serait tenté de croire qu'elle aurait été dressée comme on
\k CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
trace un plan à vue d'oeil et sur lequel on place des cotes
provisoires qui , plus tard , pourraient servir à mettre en
rapport les chiffres avec les lignes.
Malgré ses imperfections , cette carte de l'Empire romain
est le monument le plus précieux sur lequel nous puissions
faire quelques fondements pour notre géographie angevine.
On croit qu'elle fut exécutée à Gonstanlinople, vers l'an 393,
sous Théodose-le-Graud , ou encore vers 635 , du temps de
Théodose II. Peut-être même est-elle plus ancienne; quel-
ques auteurs sont disposés à le croire.
Indépendamment de nos quatre positions gallo-romaines
précitées, nous remarquons sur cette carte, pour ce qui
concerne l'Anjou, le tracé de trois voies principales, ce
qui n'implique pas qu'il n'y en ait point eu davantage;
l'une part de Juliomago ( Angers ) et se dirige au sud-ouest
vers Segora, pour ensuite gagner, de l'est à l'ouest, Portu
Nannelu (Nantes) ; l'autre part également de Juliomago et
va, se dirigeant de l'est à l'ouest, à Combaristum , pour en-
suite , par Sipia , gagner Condate ( Rennes ) ; la troisième
part toujours de Juliomago et va se dirigeant vers Robrica ,
de l'ouest à l'est, pour ensuite gagner Casarodunum (Tours).
Cette carte, combinée avec l'Itinéraire d'Antonin, a servi
de base à tous les systèmes de topographie gallo-romaine et
angevine que nous allons exposer.
Station Robrica.
Danville, Richard et Lapie placent cette station à Longue ;
Walckenaer, à Beaufort; La Sauvagère et Bodin , à Ghene-
hutte ; M, Boreau, à Bagneux , près de Saumur ; M. Joly ,
à Saumur même (1) , et M. Boreau se rend à cette opinion.
M. de Matty place cette station au Gué-d'Arcis.
(1) Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire , IXe. vol.,
page àh.
gj •• g s g,- s
XXIX». SESSION , A SAUMUR. 1 5
Station Combaristum.
MM. Bodin et de Beauregard la placent à Combrée ;
M. Boreau , à Châtelois ; M. de Matty , à Gandé.
Station Segora.
Walckenaer place celte station à Segré ; La Sauvagère et
Bodin, à Doué ; Bodin , successivement à Montreuil-Bellay ,
à Lezon ou St.-Just-sur-Dive, et enfin à La Segourie, com-
mune du Fief-Sauvin ; MM. Tristan-Martin, Desvaux, Chan-
louineau, de Beauregard et Faye, à La Segourie; MM. Dupin
et de La Fonlenelle, à Secondigny ; M. Aude, à Sigournoi;
M. Isidore Massé, à Mortagne ; D. Fonteneau , à Airvault ;
Sanson, Danvilleet l'abbé Bellay, à Bressuire ; Mgr. Cousseau
et M. Touchard, à Faye-l'Abbesse; M. de Matty voit quelque
probabilité à la placer à Breuil-Chaussée ou encore à Faye-
l'Abbesse. Vraiment nous n'avons que l'embarras du choix !
Quant aux voies romaines , il faut constater, d'abord , que
celles d'Angers à Subdinum (le Mans) ; d'Angers à Jublains
et d'Angers à Lemuno (Poitiers), ne sont point marquées
sur la Carte de Peutinger.
Passons en revue les diverses opinions qui ont été émises
sur toutes ces voies.
I. Voie de Juliomagus ( Angers ) à Casarodunum (Tours).
Suivant La Sauvagère , la voie d'Angers à Tours traversait
la Loire aux Ponts-de-Cé , se rendait à Juigné-sur-Loire , à
Gennes , puis à Chenehutte-les-Tuffeaux , où elle traversait
de nouveau la Loire pour gagner Vivy , Allonnes , Bour-
gueil, etc., etc.
Selon Bodin, la même voie allait d'Angers à St. -Barthé-
lémy , à Andard, à Corné, à Mazé , à Beaufort, où elle se
16 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
bifurquait pour se rendre , d'une part, à Longue , à Brain-
sur-Allonnes, h Bourgueil, etc. ; et , d'autre part , aux lieux
dits la Grande-Boire, la Touche-Bruneau, Fourcelle , le
Gué-d'Arcis, Vivy, Allonnes et Bourgueil où cessait la bifur-
cation.
D'après M. de Matty, qui place Jaliomagus (môme localité
que Juliomago) auCamp-de-Fremur ,la voie romaine de Julio-
magusa Casarodunum passait au-dessus de Ste. -Gemme-sur-
Loire, au-dessus de Forges, traversait Trelazé, Andard, Corné,
Mazé, Beaufort, le Gué-d'Arcis, Vivy, Allonnes, Bourgueil,
etc., etc.
IL Voie de Juliomago à Condate ( Rennes).
Bodin trace la voie romaine d'Angers à Rennes par Le
Lion-d'Angers et Combrée.
M. de Matty dirige la voie romaine de Jidiomagus (pour
lui situé en Fremur) à Rennes par Bouchemaine et Candé ,
où il place Combaristum. Il admet concurremment une voie
secondaire tVAndecavi (Angers) à Rennes, par Le Lion-
d'Angers, La Jaillette , Louvaines, St.-Aubin-du-Tavoil et
Châtelôis.
M. Bizeul fait passer la voie d'Angers à Rennes par Le
Lion-d'Angers, La Jaillette, Cliâtelois, La Guerche, Viseiches
et Venèfles.
>
III. Voie de Juliomago a Portu-Nannetu (Nantes).
M. de Matty paraît admettre que la voie romaine de
Juliomago (pour lui Fremur) a Nantes passait par Murs et
le Fief-Sauvin. La direction de celte voie laisse encore beau-
coup à désirer.
IV. Voie de Juliomago à Lemuno (Poitiers).
Selon Bodin, cette voie traversait les Ponts-de-Cé, puis
XX1X\ SESSION, A SAU.UUR. 17
Juigné-sur-Loire , où elle se bifurquait. L'une des branches
(la principale) se rendait par Brissac à Doué, à Montreuil-
Bellay , etc. , etc. L'autre branche , voisine de la Loire (rive
gauche), passait au-dessus du coteau par St.-Jean-des-
Alauvrels , St.-Saturnin, puis, sur les hauteurs du Toureil
et de Bessé , gagnait Gennes et Chenehutte-les-Tufleaux
d'où elle allait rejoindre la première branche à Doué.
M. de Matty, toujours en partant de Juliomagus (pour
lui Frémur) , admet une voie se dirigeant vers Poitiers par
St.-Jean-de-la-Croix , Murs, Notre Dame-d'Alençon , Doué,
etc., etc.
D'après M. de La Fontenelle , cette voie communiquait
avec le Poitou par Doué , les Verchers , Passavant et Claire ;
d'après MM. Gaillard de Neuville, Guillaume de Lisle et J.-B.
Nolin , par Doué, Brossay , Montreuil-Bellay, etc.; selon
d'autres , par Doué et le Puy- Notre-Dame.
V. Voie de Juliomago à Subdinnum ( Le Mans).
Selon M. l'abbé Voisin, dans ses Cénomans, t. Ier., p. 50,
la voie d'Angers au Mans passait près de Suette et Marcé ,
traversait la forêt de Chambiers , allait au Château-de-Miré ,
à La Rairie, au Gué-de-1'Arche, longeant le camp romain de
Gré, etc. , etc.
VI Voie d' Angers à Jublains.
Suivant le môme abbé Voisin, une voie romaine conduisait
d'Angers à Jublains en traversant le pont des Angevinières
sur la Vaige (p. 79).
Indépendamment de ces six voies qui partaient d'Angers ,
quelques auteurs en présentent d'autres qui passaient sur
notre département.
M. de Malty admet une voie du Mans à Poitiers , qui , al-
9
18 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
lant (lu nord au sud, traversait le Gué-d'Arcis, près de Vivy;
mais, d'après M; l'abbé Voisin, p. 50 de ses Cénomans,
t. Fr. , la voie du Mans à Poitiers passait près de Pontvallin ,
près du Lude , et gagnait Candes-sur-Loire , Loudun et Poi-
tiers. Cela étant, cette voie devait traverser, dans le départe-
ment de .Maine-et-Loire , les communes de Cbigné , Denezé ,
Auverse , Linières-Boulon , Vernoil-Ie-Fourier, La Breille,
Brain-sur-Allonnes et Varennes-sous-Montsoreau, dans la di-
rection du nord au sud.
• M. de Matty admet le tracé d'une voie d'Andard (1) à
Poitiers par La Bohalle , Blaison , Coutures , Cbemellier ,
Louerre , Rochemenier , Doué , etc. , etc.
A son sens, cette voie aurait été celle que suivit Dumnacus
lors sa défaite par les Romains , défaite qui se serait effectuée
vis-à-vis et au sud d'Andard. La nouvelle carte des Gaules
sous le proconsulat de César , dressée en 1860 d'après les
ordres de S. M. l'Empereur , rejette cette situation de la
bataille.
Rfl; Faye, sur sa carte concernant Segora , admet une voie
romaine de Nantes à Poitiers en passant dans le Maine-et-
Loire par le Fief-Sauviu , La Chapelle-du-Genest, Andrezé ,
Le May, Trementines où elle se bifurquait; l'une des bran-
ches allait dans le Poitou par Nuaillé , Tout-le-Monde , La
Crilloire, Yzernay , Les Echaubroigues, etc., etc.; l'autre
branche s'y rendait par Vezins , Chanteloup, La Plaine et
Sotnloire.
Tel est l'inventaire succinct des voies romaines plus ou
(I) Andiiril, à 11 kilomètres d'Angers, fut, selon M. de Matty,
chef-lieu des Andes au temps de César. Dans notre mémoire de 1858 ,
en cours d impression , nous avons cru devoir réfuler les conjectures
de cet csL malle 'auteur sur Andard comme chef-lieu, et sur la si-
tuation en Frémur qu'il donne à Juliumatjus.
XXIXr. SESSION, A SAIWIUK. S ':)
moins bien constatées, jusqu'à ce jour, sur le département de
Maine-et-Loire.
Ceci posé , qu'à notre tour il nous soit permis de nous
livrer aux diverses conjectures que vont susciter les nombreux
points de repère par nous précédemment établis. Ils sont
comme autant d'amorces qui nous indiquent le passage des
voies par tels ou tels lieux.
I. Voie d'Angers à Tours.
Au moyen de nos amorces.il est pour nous incontestable
que cette voie , suivant la rive droite de la Loire , traversait,
de l'ouest à l'est, St.-Barlhélemy , Andard , Corné, Mazé,
St.-Pierre-du-Lac , Beaufort, les marais de Chape, le Gué-
d'Arcis, Vivy, Allonnes; puis, cette voie entrait en Touraine
par Bourgueil.
L'on se rendait aussi à Tours , sur la rive gauche de la
Loire, par les Ponts-de-Cé et Juigné, par les hauteurs de
St.-Remy-la-Varenne et du Tonreil , par Gennes , Trêves et
Chenehutte-les-Tuffeaux, où se trouvent les traces d'un camp
en face duquel l'on retombait dans la voie de la rive droite ,
au moyen d'un pont entre Chenehutle , St. -.Martin-de-la-
Place et le Gué-d'Arcis.
Nos amorces nous font aussi connaître que l'on allait
d'Angers à Tours par Andard, iMazé, Gée, Briou , La Lande-
Chasle , Mouliherne, Brcil, Rillé, etc., etc.
II. Voie d'Angers à Rennes.
Nos amorces nous prouvent que l'on se rendait d'Angers à
Rennes par le Lion-d'Ang<rs, Louvaines, La Ferrière et
Chûlelais.
Elles nous montrent également que l'on s'y rendait par le
Camp-de-Fremur , Bouchemaine , St.-Jean-de-Linières, La
Pooèzo, Arigrie et Candé.
20 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
III. Voie d'Angers à Nantes.
On traversait le camp de Frémur , l'ancien pont de Bou-
chemaine, puis la commune d'Epiré, Savenières, la Pos-
sonnière et Ingrande , rive droite de la Loire, etc. , etc.
On se rendait également à Nantes par Murs , Chalonnes ,
St.-Laurent-de-la-Plaine, Ste. -Christine, le Fief-Sauvin et
la Chaussaire.
Une troisième voie pouvait y conduire aussi ( rive gauche
de la Loire) par Chalonnes , St. -Florent-le- Vieil et Champto-
ceaux.
IV. Voie d'Angers à Poitiers.
On s'y rendait par les Ponts-de-Cé, Juigné-sur-Loire ,
Notre-Dame-d'Alençon , Doué, Doulces, près du moulin de
Fierbois ; par un endroit nommé la Levée, le bois de Fosse-
Sèche, du côté de la Madelaine et de St.-Hilaire-le-Doyen ;
enfin , par Montreuil-Bellay.
On pouvait s'y rendre encore du camp de Chenehutte, par
Forges et Doué.
V. Voie d'Angers au Mans.
Nous admettons le tracé de M. l'abbé Voisin , précédem-
ment cité.
VI. Voie d'Angers à Jublains.
Même remarque que pour la voie d'Angers au Mans.
Voies partielles passant sur l'arrondissement de Cholet.
La voie de Poitiers à Nantes passait au sud- ouest de Maine-
et-Loire, arrondissement de Cholet, par la Chaussaire, la
Segourie , la Chapelle-du-Genest, Andrezé , le May ; là , elle
se bifurquait pour sa principale branche aller par Nuaillé ,
ïout-le-Monde , Yzernay , les Échaubroignes , etc. , etc. La
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 21
seconde branche se rendait à Poitiers par Trementines, Vezins,
Chanteloup, la Plaine et Somloire ; ces deux branches se
réunissaient en dehors de Maine-et-Loire, à Faye-PAbbcsse.
On trouve encore, sur l'arrondissement de Cholet, des traces
de deux voies qui, de la Segourie, se rendaient dans le dépar-
tement de la Vendée : l'une vers le sud-ouest , par Geste ,
Tilliers et St.-Crespin ; l'autre, du nord au sud, par la Blouère,
Villedieu, la Renaudière, Roussay et le Lougeron.
^Dans le même arrondissement , des traces d'une voie se
remarquent également, de l'ouest à l'est, par Trementines,
Vezins , Vihiers et Doué.
Voies partielles sur l'arrondissement de Bauge'.
Nos amorces nous prouvent qu'une voie, sur l'arrondisse-
ment de Baugé, partait de Beauveau et traversait, du nord au
sud, St.-Georges-des-Bois, pour tomber sur St.-Pierre-du-
Lac, près de Beaufort.
Celte voie partielle, à son extrémité nord, gagnait la voie
d'Angers au Mans , et , à son extrémité sud, la voie d'Angers
à Tours.
Dans le même arrondissement de Baugé, une voie partielle
descendait, du nord au sud, par Vaulandry, St.-Marlin-d'Arcé,
la Lande-Chasle, Vivy, et pouvait mettre en communication
la partie méridionale des Cénomans avec la Loire.
Voie partielle dans l'arrondissement de Segré.
Une voie partielle entrait dans la Mayenne par le Lion-
d'Angers, Chambellay et Marigné.
Telles sont, en résumé, les directions que l'on peut déduire
de la position de nos amorces ou points de repère.
Dans notre mémoire de 1858, nous avons groupé un grand
nombre de preuves qui établissent que la situation de Julio-
magus a été à Angers même et non au Frémur: nous n'y re-
22 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
viendrons pas; mais ii nous reste à discuter ia position des
trois stations de la Carte de Peutinger, savoir : Segora, Con-
baristum et Robrica.
Segora.
En jetant les yeux sur la Carte de Peutinger , nous trou-
vons Segora situé dans la direction du sud-ouest par rapport
hJuliomagus ; nous trouvons encore que, deSegoraà Portu-
iSamnetu , la direction va en ligne droite de l'est à l'ouest.
Or, si nous regardons entr'elles les positions actuelles d'An-
gers, de Nantes et de la Segourie, nous verrons que ce der-
nier point coïncide très-bien avec celui de Scgoia. Ajoutons
que l'analogie qui existe entre le nom de Segourie et celui
de Segora est évidente. Joignons à tout ceci la découverte
de ruines romaines faite à la Segourie, puis le calcul des
distances fait par MM. Tristan-Martin et Faye, et l'on sera
contraint d'a\ouer qu'il faut aller chercher désormais l'an-
cienne station Segora à la Segourie , commune du Fief-
Sauvin, arrondissement de Cholet.
Conbaristum.
Nous avons vu précédemment que Bodin a placé cette sta-
tion à Comhrée , d'après l'analogie des deux noms ; mais,
comme l'on n'a jamais trouvé de trace d'occupation romaine
en cet endroit, il s'ensuit que le doute est permis.
M. de Matty place Conbaristum à Candé, comme s'accor-
dant mieux arec les distances de la Table Thcodosicnne et
les restes d'une voie romaine allant dans le sens de l'est à
l'ouest.
Cette voie aurait atteint Candé en traversant la rivière à
Bonchemaine, puis en passant par un lieu dit La Chaussée et
par Pontron.
M. de Matty ne répugne pas à rapprocher l'élymologie
xxixr. smssion, a SAUMîir. 23
qu'il donne à Candé, Conderisium , Canderistum , Couda-
liscum , de celle de Conbarisium ; mais est-il bien assuré de
la valeur de ces élymologies? On peut en douter devant le
vrai nom latin de Candé, qui était Condate Andegavorum.
Quoiqu'il en soit, la position de Conbarisium à Candé
est plus conforme aux exigences de la Carte de Peutinger
que la situation de Conbarisium à Comblée, ou a, Châlelais ,
ces deux points étant trop au nord par rapport à cette carte ;
il est vrai qu'elle est si erronée souvent, dans son orientation,
qu'il me semble bon d'y regarder de près.
D'un autre côté , M. Boreau a donné d'excellentes raisons
pour placer Conbarisium à Chàtclais.
Le doute n'est donc pas encore levé pour nous.
V
Robrica.
Nous ne sommes point également en mesure de nous pro-
noncer péremptoirement sur la position de Robrica ; toute-
fois, nous ne croyons pas pouvoir admettre la situation de
Beaufort ni celle de Longue. Nous hésitons entre le Gué-
d'Arcis et Chenehutle; mais nous penchons plus volontiers
vers ce dernier emplacement, à cause de son camp romain.
Cependant, si nous tenions au calcul des distances, les
17 lieues gauloises de Juliomagus à Robrica tomberaient
assez bien sur Saumur ou sur l'endroit nommé Bagneux.
Ajoutons qu'en cette commune des bains gallo-romains ont
été découverts.
Quoi qu'il en soit, c'est à 18 lieues gauloises de Julio-
magus , vers le sud-ouest, qu'il faut aller chercher Segora ;
à 17 , Robrica , vers l'est; à 16, Conbarisium , vers l'ouest.
Je dis lieues gauloises, parce qu'il paraît dûment établi
que, depuis la Seine et la Marne, au nord, jusqu'à la Garonne
et à Lyon , vers le sud , la Table Théodosiennc indique les
distances en lieues gauloises.
1k CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
La lieue gauloise vaut environ 2,300 mètres; je dis en-
viron , car la mesure de celte lieue laisse encore à désirer sur
son exactitude. M. Pistolet de Saint-Fargueux la porte à
2,M5 mètres, d'autres à 2,468 mètres 33 centimètres, plu-
sieurs à 1,150 toises.
En résumé, si le scepticisme a quelquefois sa raison d'être,
c'est bien en matière de stations et de voies romaines. On y
marche à tâtons le plus souvent. Est-ce à dire qu'il faille
renoncer à cette étude? Non. Il faut au contraire redoubler
de zèle, mais aussi de réserve. Il est bien entendu que celle
recommandation ne s'adresse qu'à moi seul , et je ne la fais
en ce moment que pour me bien rendre compte si je n'y ai
pas manqué.
Après cette lecture, qui a captivé l'attention de l'Assem-
blée , une conversation s'engage entre divers membres sur
les difficultés que présente l'exécution de la carte de la Gaule
ordonnée par l'Empereur. Le travail fait jusqu'ici ne peut
êtie considéré que comme une ébauche dont les lacunes ne
peuvent être comblées que par les archéologues de la pro-
vince résidant sur les lieux.
M. Ledain , de Parlhenay, dit que, dans ce premier tra-
vail, on a confondu Allones, près Poitiers, avec une autre
commune du même nom , située près de Parlhenay. M. Go-
dard ajoute qu'on a donné à l'Anjou quatre monuments cel-
tiques seulement, tandis qu'à sa connaissance, il en possède
plus de 80. M. Prévost , capitaine du génie à Saumur , ob-
serve que le but de la Commission de la carte impériale est
de provoquer la discussion sur les points douteux et de pro-
fiter des renseignements que les hommes spéciaux, dans chaque
province, voudront bien lui adresser.
M. Joly-Leterme appelle l'attention du Congrès sur la sta-
tion Robrica de la Carte de Peuiinger, dont M. Godard laisse
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 25
la position incertaine. Il demande si l'on ne pourrait pas la
placer à Rou , près Saumur , où l'on trouve de nombreux
restes d'anliquités. M. Raimbaud croit, de son côté, que
Longue doit convenir à la position de cette station.
M. de Caumont demande si l'on a retrouvé, dans la contrée,
des bornes milliaires. Sur la réponse qui lui est faite qu'on
n'en counaîl aucune, il émet l'opinion que cela tient, sans
doute, à la nature friable des matériaux employés par les
Romains.
M. Ledain , de Parthenay , dit que , dans le Poitou , on a
trouvé des bornes milliaires qui auraient été creusées au
moyen-âge pour servir de tombeaux. Cet usage en a
conservé un certain nombre qui se trouvent au Musée de
Poitiers.
Une discussion s'engage ensuite sur le mode de con-
struction des voies romaines en Anjou. M. Godard décrit
celle qu'il a vue d'Angers à Ere mur, commune de Ste.-
Gemme-sur-Loire. Elle se composait d'une première couebe
de gros blocs, d'une seconde de pierres cassées comme notre
macadam , sur laquelle étaient placées de larges dalles s'em-
boîtant par les angles les unes dans les autres.
M. Imbert, de Thouars, signale le bameau de Vraire, com-
mune de Montbrun , canton de Tbouars , comme une mine
féconde d'antiquités celtiques et romaines.
M. Ledain, de Parthenay, parle de la découverte faite dans
la commune de Gourgein, arrondissement de Parthenay, de
tombes romaines dans des conditions peu ordinaires. Elles
ont, en effet , été rencontrées dans des excavations creusées
en forme de puits, à plusieurs mètres de profondeur.
-M. le Président donne ensuite lecture de la 3e. question :
Quels sont tes vestiges de constructions g allô -romaine s les
plus importGîits? En prendre des plans mesurés.
26 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. Godard-Faultrier, en réponse à cette question , lit un
mémoire étendu qui sera publié dans le compte-rendu du
Congrès, et que l'heure avancée ne lui permet pas d'achever.
La séance est levée à h heures 1/2.
Le Secrétaire-général ,
Cte. DE GALEMBERT,
Inspecteur des monuments d'Indre-et-Loire.
lre. Séance du 9 juin.
Présidence de M. le vicomte de Genouilhac, membre de l'Institut
des provinces.
A 8 heures du matin, la séance est ouverte.
Siègent au bureau : MM. de Caiimont; de Verneilh, in-
specteur divisionnaire de la Haute-Vienne et de la Creuse ;
Segretain, architecte, de Niort, inspecteur des Deux-Sèvres;
le comte de Galembert , inspecteur des monuments d'Indre-
et-Loire ; l'abbé Prud'homme , vicaire de St.-Vénérand , à
Laval, remplissant les fonctions de secrétaire.
Le procès-verbal de la séance d'ouverture est lu et adopté.
M. de Caumont annonce au Congrès l'offrande qui lui est
faite par Mgr. Landriot, évêque de La Rochelle et de Saintes,
des trois premiers volumes de ses Discours et Instructions
pastorales, in-8°. , et d'un volume in -12, intitulé : La Prière
chrétienne, 1". partie. Ces livres seront déposés à la Biblio-
thèque de Saumur.
M. de Caumont donne ensuite communication d'une lettre
de M. Charles , de La Ferté-Bernard , envoyant au Congrès
une épreuve photographique d'une maison de La Ferlé ( XVe.
XXIX'. SESSION , A SAUMUR. 27
siècle) , sur la façade de laquelle se retrouve le martyre de
saint Etienne , accompagné de la Sirène ou Mélusine.
N. Charles rappelle que 84. de Caumont, dans sa Statistique
de l'arrondissement de Bayeux, décrit, d'après M. R. Bor-
deaux , une façade en bois présentant le même sujet , et re-
marque qu'il est assez singulier de rencontrer ainsi , à de
grandes distances , des scènes religieuses accompagnées du
même être fantastique.
M. Chariot, de Tours, offre au Congrès une broch. in-12,
inlitulée : Notes sur Les abeilles, et une broch. in-8°. : Essai
historique sur la sériciculture de Chenonceaux.
M. le colonel de Morlet fait hommage au Congrès d'une
carte qu'il a dressée du Bas-Rhin , indiquant le tracé des
voies romaines dans les arrondissements de Strasbourg,
Saverne et Wissembourg.
Enfin , M. Godard-Faultrier prie M. de Caumont de rece-
voir , de la part de M. Barassé, un exemplaire du Bulletin
archéologique publié à Angers par 11. de Soland.
Après ces différentes communications, M. le Président in-
vite M. Godard-Faultrier à continuer la lecture de son tra-
vail sur la 3'. question :
Quels sont les vestiges de constructions gallo-romaines
les plus importants ? En présenter des plans mesurés.
RAPPORT t)E ÎH. GODARD-FAULTRIER.
Amphithéâtre.
La ville d'Angers avait non-seulement un cirque et des
bains publics, mais encore un amphithéàlre.
Il n'en reste, rue Hannelou (ancien couvent de la Fidélité),
que de rares vestiges , en cmplecton à petit appareil , mais
d'une dureté extrême.
28 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Le plan le plus authentique qui a été dressé de ce monu-
ment fut fait vers la fin du XVIIIe. siècle, par M. Beauma-
noir ; on le trouve à la bibliothèque d'Angers , dans le
t. Ier. des Manuscrits de feu M. Berlhe, qui le tenait de
M. Beaumanoir lui-même.
A l'époque où ce dernier le dressa , on voyait encore quel-
ques murailles de h à 5 mètres d'élévation (1). D'après le
calcul de M. Beaumanoir , cet amphithéâtre pouvait contenir
dix mille personnes.
Nous ne répéterons pas ici ce que les auteurs modernes
ont écrit sur ce monument , qui portait le nom de Grohan,
tout le monde pouvant les consulter. Bornons-nous donc à
citer quelques lignes des Origines de la langue française,
de Ménage, p. 376, au mot Grohan :
« Dans un des faubourgs de la ville d'Angers, appelé le
« faubourg de Bressignè , il y a une hôtellerie appelée la
« Côte de Baleine où il y a un jardin , et auprès de ce jardin
« il y avait une vigne, il y a cinquante ans (2), dans le
« milieu de laquelle il y avait une place en ovale où l'on
« voyait des restes d'un amphithéâtre ancien , qu'on appelait
« Grohan. M. Mesnard , lieutenant delà prevosté d'Angers,
« fit graver ces restes d'amphithéâtre en 1636, et la môme
« année , il fit imprimer une dissertation sur cet amphi-
(1) E» 1860 et 1861, l'on découvrit, en ouvrant la rue de la
Fidélité , six fragments de murailles de cet amphithéâtre ; on y voyait
de la brique. Ils ont été relevés par M. Joyau , d'après un croquis
communiqué par M. Sansfourche, architecte. Peut-être en publierons-
nous le plan, qui pourra compléter celui plus général publié, en 1843 ,
dans Angers pittoresque. On découvrit encore dans ce lieu des os
d'éléphant, une tête de lion, des défenses de sanglier, puis des pièces
des empereurs Commode, Marc-Aurèle, Antonin-le-Pieux, Victorin ,
Gordien, Posthume, comme aussi divers vases antiques.
(2) Ménage, qui a écrit ces lignes, est mort le 23 juillet 1692.
XXIXe. SESSION, A SAUMUH. 29
« théâtre , qu'il dédia à M. Servien , secrétaire d'État re-
« légué en ce temps-là à Angers ^1). M. Mesnard prétend ,
« dans cette dissertation , que cet amphithéâtre avait été
« appelé Grohan parce qu'il était consacré à Apollon
« Grannus
« Pour moi (continue Ménage), je suis très-persuadé que
« cet amphithéâtre fut appelé Grohan du mot bas-hreton
« Growan , qui signifie encore aujourd'hui sable. » (Voyez
le petit dictionnaire bas-breton de Quiquer , imprimé à
St.-Brieucen 1640. )
« On appelait arènes (2) la plupart des amphithéâtres...
o Les Latins appelaient arenas leurs amphithéâtres parce
« que le sol était de sable battu ; et de là arenarius pour
» un gladiateur Le lieu où était cet amphithéâtre de
(1) Cet opuscule se trouve à la bibliothèque d'Angers, et la gravure,
au Musée des Antiquités , qui possède encore un tableau provenant de
l'ex-oratoire d'Angers, tableau au bas duquel on lit: « Typus am-
« pliitheatri Andegavensis , vulgo dicti de Grohan nuper e ruderibus
« et parietinis erutiexquo antiquitaset amplitudo civitatis demonstran-
« lur. »
Cette peinture n'a pas de caractère authentique, et la gravure de
Ménard, à ce point de vue, ne nous satisfait pas non plus.
Le dessin publié dans Angers pittoresque est une restitution plus
exacte.
(2) En parcourant, eu janvier 1862 , le Cartulaire de St. -Aubin, qui
est à la bibliothèque d'Angers, et que l'on fait remonter au XIIe.
siècle, nous y avons trouvé, folio là, n°. 1, ce passage: « Très
« quarlerios vinee apud Andecavis prope Arenas, » et folio 15, verso
il". 8 : » Vineani ex possessione nostra arpennuin I, que sita est prope
« civilate Andecavensi in locura qui dicitur Ad Arenas ad locuni
« Sancti Albini. » L'abbaye deSt.-Aubin, en cet endroit nommé
les Arènes, possédait des vignes. On voit par là que le nom d'Arènes
s'était perpétué au moyen-âge.
30 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE UE FRANCE.
« Grohan est aujourd'hui le jardin des religieuses de ta
« Fidélité. »
Nous compléterons ces lignes de Ménage , en disant que
ce couvent fut vendu à la Révolution , et qu'il est présente-
ment divisé en plusieurs habitations particulières (1).
L'un des anciens propriétaires , feu M. Gaultier-Goupil,
trouva, en 1812 , al mètre de profondeur, au sud-est de
l'intérieur de l'arène , les curieux objets suivants , qu'il a ,
depuis, donnés au Musée d'antiquités.
1°. Un fragment de marbre antique , orné d'une in-
scription dont il ne reste que six lettres dépareillées.
VRI
Fil . . ., . .
2°. Une figurine en bronze, autrefois doré, d'un style
remarquable , représentant un Antinous , d'après certains
archéologues, ou le Faune flûteur, selon d'autres.
Ces derniers croient que le bras gauche de la statuette
était appuyé sur le tronc d'un arbre, et que la main droite
se trouvait ouverte et pendante.
Cette figure, haute de \k centimètres, prouve, par
l'extrême délicatesse de son travail, que les arts n'étaient
pas demeurés sans culture en Anjou , au temps de la do-
mination romaine.
Cet Antinous a dû faire partie d'un système général
(1) M. Louis Raimbault , de Sauiuur, nous a récemment adressé,
sur cet amphithéâtre, plusieurs documents des années 1415, 1425,
1437, 4441 , 1472 et 1522, qui ne manquent pas d'intérêt et que
l'on trouvera insérés dans le Répertoire archéologique , n". de jan-
vier 1862.
On y voit qu'au XVe. siècle, ce lieu portail le nom de Ckalel de
Gourhan , chasteau Grohan , lostel de Grohan.
XXIXe. SESSION, A SAUMUK. 6\
d'ornement , ainsi qu'il est aisé de s'en convaincre , en
examinant l'uti des pieds qui porte encore la trace de sa
liaison présumée avec l'extrémité de l'une des tiges de métal,
habituellement destinées à consolider la balustrade du podium
dans les amphithéâtres.
On sait que l'empereur Adrien (117-138 de Jésus-Christ),
fit élever un temple à Antinous, et qu'il donna le nom de ce
favori à un grand nombre de villes ; ajoutons qu'il multiplia
les statues et les médailles de cet esclave.
Si notre statuette représente réellement Antinous, elle
aurait l'avantage de nous mettre en voie de connaître
l'époque probable de la construction de l'amphithéâtre ; il
aurait été, en ce cas, bâti entre l'année 132, date delà
mort d'Antinous, et l'année 138 , date de celle d'Adrien; car
c'est probablement entre ces deux dates que les images de
ce favori auront été multipliées.
3°. Une romaine à peser, en bronze, analogue à plusieurs
autres , qui ont été trouvées à Pompeia , et que les Italiens
nomment siadere. Elles ont quelque ressemblance avec celles
dont on se sert encore dans nos campagnes et qui continuent
de porter le nom de romaines.
La découverte de notre stadera dans l'amphithéâtre d'An-
gers ne surprendra pas, si l'on songe qu'auprès des théâtres,
des cirques , des bains , des amphithéâtres , et en général
de tous les lieux publics chez les anciens , on voyait des
marchands de vin et d'aliments cuits, des vendeurs de porc
salé et des botularii, marchands de boudins.
4°. Une clef , en fer oxydé , avec poignée en bronze ,
représentant un quadrupède.
5°. Une sorte de loqueleau , en bronze, avec ressort.
6°. Un anneau d'argent.
7°. Un morceau de bronze d'un usage inconnu.
Près de cet amphithéâtre , se trouvait un champ appelé
32 C0NG1IÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Rogus (Bûcher). Dans les Titres de saint Aubin, « ce champ
« était, dit Robin ( Nos origines, t. II, p. 106) , destiné à
« brûler les corps des gladiateurs. Il joignait, du côté de
« l'orient, le carrefour de Hannelou, et du côté de l'occident,
« les maisons de l'amphithéâtre. »
D'une charte du commencement du XIIIe. siècle résulte
qu'il existait « un lieu nommé de Rogo sancti Albini , que
« le P. Robert dit vulgo le Ray ; M. Mesnard a cru qu'il
« fallait dire le Champ du bâcher, et que c'était le lieu où
« l'on brûlait les corps et les victimes, proche l'amphithéâtre
« de Grohan, du temps des Romains. » (Roger, p. 122. )
Capitale.
« A l'imitation de Rome, lisons-nous dans ['Encyclopédie
« de Diderot, diverses villes voulurent avoir leur capitole,
« soit temples , soit forteresses. » Angers fut de ce nombre.
A la fin du XVIIIe. siècle, on appelait encore de ce nom
(dit le curé Robin dans son t. II, p. 116, de ses Recher-
ches sur nos origines), l'appartement situé sur la grande
salle de l'évêché , bien qu'il ne remonte pas à l'époque ro-
maine.
Le même auteur cite l'extrait d'une charte du XIe. siècle,
ainsi conçu :
« Octrannus abbas sancti Albini et Ralduinus eleemosina-
o rius in capitolium Sancti Mauricii ubi Fulco cornes, Euse-
« bius episcopus , et Sigo abbas Sancti Florentii de hac re
« judicaturi convenerant. »
Quelle que soit la valeur de cette tradition, il est du moins
certain que diverses parties de l'évêché actuel sont très-
antiques, principalement plusieurs murailles de la façade
vers le nord.
Cette façade, depuis peu de temps démasquée , demeurait
à peu près inconnue des Angevins.
XXIXe. SESSION, A SAU.YIUR. 33
Originairement , nous venons de le dire , cet édifice porta
le nom de Capiwle , il est , en effet , reçu que là fut le siège
de l'administration romaine. Plus lard, le capitole devint
naturellement la maison des consuls ou comtes temporaires
de l'Anjou, et notamment de Rainfroy, au commencement
du VHP. siècle. Inutile, ici, de retracer la biographie de ce
Neustrien célèbre : il suffira de savoir qu'il fit remanier notre
ancien capitole.
Jusqu'au IXe. siècle, ce palais fut à l'usage des comtes
d'Anjou ; mais à cette époque , c'est-à-dire sous le règne de
Charles-le-Chauve et l'épiscopat de Dodon ( milieu du IXe.
siècle) , cet évêque en prit possession, donnant en échange
un terrain sis où se trouve aujourd'hui le château. Depuis
lors , cet édifice n'a pas cessé d'être la résidence épis-
copale.
Quoi qu'il en soit , nous distinguons sur notre façade l'ap-
pareil de trois époques:
1°. Du petit appareil gallo-romain avec joints en ciment
et pierres de tuf, alternées d'assises de briques;
2°. Des reprises en sous-œuvre avec pierres à grand appa-
reil et moulures en style du XIIe. siècle ;
3°. Des fenêtres modernes dans le goût des XVIIe. et
XVIIIe. siècles.
Cette façade , qui donne sur la place Neuve , se relie
avec l'ancien rempart gallo-romain. Elle a aussi à peu près
la même épaisseur dans la partie inférieure de sa muraille,
c'est-à-dire environ h mètres.
M. Ernest Dainville, architecte, en a fait un fort beau
dessin que l'on peut voir au musée d'antiquités.
C'est ici qu'il convient de parler d'une statue romaine ,
découverte en septembre 1861, lorsque l'on creusait les fon-
dements de l'aile moderne du palais épiscopal, construit sous
la direction de M. Joly, architecte.
3
3i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Par les soins de MM. Renault, employé de la poste;
Tardif, chanoine d'Angers, et Aïvas, agent-voyer de la ville,
cette statue, dont la tête et les bras manquent, fut transportée
au musée d'antiquités; dans son entier, elle ne devait pas
avoir moins de lm. 85e. de hauteur sur une largeur moyenne
de 55e. Elle est en pierre de tuf et entièrement drapée; près
de sa jambe gauche on aperçoit une sorte d'autel. La partie
postérieure de cette statue présente un appendice longitu-
dinal qui prouve qu'elle avait dû être engagée dans une mu-
raille ; l'exécution laisse à désirer , mais le style en est large
et d'un assez grand caractère. Comme les attributs man-
quent, il est difficile de bien préciser quelle est cette déesse;
cependant on croit y voir une Vesla. Elle a été trouvée ren-
versée sur la poitrine, les pieds à l'est, et couverte de ce
mortier que les anciens, au rapport de Pline, formaient de
chaux , de sable et de cendres mélangées de parcelles de
charbon de bois. Elle était noyée dans l'intérieur de cette
muraille gallo-romaine , sur laquelle s'appuie l'évêché vers le
jiord , près de l'endroit nommé Porte-Angevine. L'extrémité
de cette muraille , qui faisait partie de la primitive enceinte
d'Angers, n'a pas moins de k"\ d'épaisseur à sa base, épais-
seur égale à celle du vieux mur de la Porte-Toussaint , que
M. Vallon, préfet de Maine-et-Loire et l'Administration mu-
nicipale firent, il y a quelques années, entourer d'une grille.
La muraille, près de l'évêché , avait pour assises des pierres
sèches, bloquées pêle-mêle, sans doute pour prévenir l'humi-
dité ; les autres assises étaient un composé de mêmes pierres,
mais celles-ci bloquées dans le mortier, genre de construc-
tion uommé emplecton petit appareil , ou encore hérisson,
qui excluait l'emploi de la truelle. Sous ce massif, où n'en-
trent que très-accidentellement de rares ardoises , pierres
trop plates pour le blocage à bains de chaux , l'on découvrit
plusieurs assises d'énormes pierres carrées, les unes en tuf,
XXIXe. SESSION, A SAUMUK. 35
les autres en oolithe. Celle espèce de construction, employée
surtout dans les fondements des tours qui accompagnaient, à
droite et à gauche, les portes des villes municipales vers la
fin de l'époque romaine, est très-bien décrite dans Grégoire
de Tours, à propos des murs de Dijon : « Murus vero... de
« quadratis lapidibus desuper a minuto lapide edificatus
« habetur. »
Traduction : « C'est une muraille qui passe pour être faite
« de pierres carrées, surmontées d'assises en petit appareil
« (rninuto lapide). » Grégoire de Tours, lib. III, alin. 19.
Voilà bien les deux appareils en présence : le grand en-
dessous, le petit en-dessus , absolument comme dans le mur
de l'évèché d'Angers.
Mais pourquoi la statue de Vesta , ainsi qu'un tambour de
colonne et un fragment de corniche, ont-ils été bloqués dans
cette muraille? Avant de répondre à cette question , il con-
vient de dire qu'en 1813 et 1838 on découvrit, dans les
fondations de l'enceinte primitive d'Angers (maison Puységur,
au sud du transept de la cathédrale, puis à la porte de la
Vieille- Chartre), divers autres débris d'architecture romaine
et des inscriptions lapidaires, le tout noyé dans du mortier.
La réponse au pourquoi se trouve au titre XII, De operibus
■publias, des lois romaines. On y voit, en effet, qu'au com-
mencement du Ve. siècle, la loi de se fortifier devint obli-
gatoire en Occident : e muros vel novos debere facere vel
« veteres fîrmius renovare. » Et le Code autorise à se servir
des édifices antérieurs : « diruta penitusque destructa et
« qua2 parum sunt in usu civitatum. »
Ajoutons que le christianisme, étant devenu maître des
cités delà Gaule, ne voyait pas d'un mauvais œil les monu-
ments païens tomber en ruine et disparaître.
Dès lors, écrit M. de Caumont , « tout ce qui rappelait
« le culte païen fut démoli pour être employé à l'usage de la
36 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
• défense des cités. » (V. Bull, monum., p, 63 , an 1859. )
Un fait remarquable , c'est que plus de chiquante cités
de la Gaule ont présenté , dans leurs murailles , comme à
Angers , des débris de sculpture et d'architecture païennes.
Me sera-t-il permis maintenant de risquer une conjecture,
qui consisterait à dire qu'il n'est peut-être pas invraisem-
blable d'admettre qu'un temple dédié à Vesta aurait existé
dans l'emplacement de notre cathédrale , près de laquelle a
été trouvée notre statue , et que le christianisme , afin de
mieux affermir son triomphe sur l'ancien culte, aurait pri-
mitivement consacré ce même temple à la Vierge ?
Hiret nous apprend, en effet, que la cathédrale, dans son
origine , était une chapelle dédiée à Marie , dès le temps de
l'empereur Zenon, vers l'an klk.
Nous pourrions citer plus d'un exemple à ce sujet, et
entr'autres celui du Parthénon, qui, d'abord temple de
Minerve , devint plus tard temple de la Sainte-Vierge. Ce
n'était point là une transaction, qu'à bon droit , jamais les
évêques n'auraient acceptée, mais un moyen fort légitime de
sanctifier un lieu que le paganisme avait occupé.
Lion gallo— romain.
Ce lion , trouvé vers 1813 , sous le vieux mur de la cité ,
dans une cave de la maison de M. Puységur , a été tout
d'abord déposé au Jardin-des-Plantes ; il fait aujourd'hui
partie des monuments que l'on voit au musée Toussaint.
Bodin, dans ses Recherches, l'a décrit de la sorte :
« C'est un lion en tuf blanc, dont la pose est semblable à
« celle des sphinx que les anciens mettaient à la porte des
« grands édifices ; il tient , sous une de ses pattes de devant ,
« une tête de bélier. Ce morceau de sculpture, de 83 cen-
« timètres de longueur sur 50 de hauteur, est du plus
« mauvais goût. »
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 37
Bodin n'a pas cherché à découvrir le sens emblématique
de ce petit monument ; nous essayons de le faire.
M. Félix Lajard , dans ses Mémoires de l'Institut de
France, année 1860 , s'exprime ainsi : « Selon les doctrines
« de l'antiquité , le lion est le symbole de la chaleur, le
« symbole du principe igné... Il est un symbole astro-
« nomique et physique. »
Le même auteur, au tome XV, année 1845, dit: « Cela
« posé , il ne m'a pas été difficile de faire comprendre pour-
« quoi le lion devint l'attribut caractéristique de Mithra...
« De là les Mithras Iéontocéphales. »
Or , l'on sait que , chez les Romains , Mithra c'est le so-
leil : Soli Deo invicto Mitrhce.
On sait également que ce culte mithriaque , venu de
l'Orient , s'établit à Rome sous le règne de Trajan , vers
l'an 101 de J.-C. , et qu'il pénétra plus lard dans les
Gaules.
Partout ce qui précède, notre lion gallo-romain a donc
été , probablement , un emblème du soleil.
Ce point établi , le reste s'explique par surcroît. Qu'est-ce,
en effet, que ce thème de la tête du bélier sous la griffe du
lion , sinon le symbole idéographique de l'entrée du Soleil
dans le signe zodiacal du Bélier?
Ce petit monument peut être considéré , dans son en-
semble, comme une représentation figurée du mois de mars
qui, chez les Romains , était le premier de l'année.
Sa tournure de sphinx tend à prouver qu'il devait être
placé au-devant d'un édifice fondé , sans doute , au mois de
mars.
Long-temps j'ai pu croire que ce lion était de la famille de
ceux qui , foulant sous leurs griffes un serpent, se trouvaient,
au moyen-âge , placés à droite et à gauche de l'entrée des
églises, inter leones; mais j'ai dû. renoncer à cette interpré-
38 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tation , parce qu'au lieu d'un serpent placé sous les griffes
du lion , c'est bien une tète de bélier ; ensuite , parce que
ce lion a été découvert sous l'ancien mur de la cité, et enfin,
parce que l'explication précédente nous semble être la plus
naturelle.
' Enceinte gallo— romaine d'Angers.
La Commission arcbéologique de Maine-et-Loire, recher-
chant avec soin, dans l'année 1858, les traces de cette
enceinte, a très-bien pu la déterminer, depuis la Porte-Tous-
saint jusqu'à l'esplanade nommée le Bout-du-Monde , en
suivant la rue Toussaint, la rue St. -Gilles, la place Neuve,
la rue Baudrière, le bas de la Montée-Sl. -Maurice et la rue
du Château.
Je m'exprime mal , lorsque je dis en suivant les rues:
j'aurais dû dire en visitant les maisons qui bordent le côté
de ces rues vers l'ouest ; car notre enceinte , en général ,
n'est visible que derrière lesdites maisons.
1°. 11 résulte de cette enquête que la muraille gallo-ro-
maine qui enveloppe la Cité, partie d'Angers la plus an-
cienne , a été remaniée dans sa construction , notamment au
XIIe. siècle ;
2'. Qu'elle domine certaines cours d'une hauteur qui
varie : rue Toussaint , de 5 à 8 mètres , et rue Baudrière,
de 1 5 h 17 mètres ;
3°. Que son épaisseur varie entre 3 et h mètres ;
• U°. Que son appareil le plus ancien se distingue de celui
qui l'est le moins par l'absence de pierres d'ardoises ;
5". Qu'elle est flanquée , en de rares endroits , de petites
tours carrées ou puissants contreforts, et en d'autres de tours
rondes ;
6°. Que ces tours carrées sont les plus anciennes généra-
lement ;
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 39
7°. Que ladite enceinte affectait un plan ovale et suivait
les accidents du rocher sur lequel fut établie la Cité ;
8°. Qu'elle avait quatre portes, savoir : vers le nord, la
Porte- Angevine ; vers l'est, la Porte-Hugon ou de la Vieille-
Chartre;\ers l'ouest, la Porte-de-Fer ; et enfin, vers le sud,
la Porte-des- Champs (1) , dont on ignore la situation pré-
cise , mais qui devait être voisine du lieu que l'on nomme
aujourd'hui Por te -Toussaint ;
9°. Que les assises horizontales de briques et de moellons,
qui sont les véritables restes de la muraille gallo-romaine ,
ont été constatées vers la Porte-Toussaint, au-dessous de la
maison Ponceau, derrière une grille en fer ; rue Toussaint,
derrière la maison Ganneray; rue St. -Gilles , maisons à
gauche en descendant; place Neuve , façade du palais épis-
copal ; rue du Château, maison des dames Laurent. Tous ces
alternats de briques et de moellons existent en effet , et dans
un bon état de conservation ;
10°. Que le petit appareil de la muraille, en quelques
parties , n'est pas orné de cordons de briques ;
11°. Que les pierres de ce même petit appareil sont, en
certains endroits , rejointoyées avec soin, comme pour enca-
drer carrément chacune d'elles ; ces joints paraissent avoir
été, avant que le mortier fût sec, faits au moyen d'un
fer aigu et d'une règle;
12°. Que, dans deux endroits où des fouilles furent pra-
tiquées, les premières en 1813 , maison Puységur, près de
la cathédrale, et les secondes en 1838, maison Baillif, près
de la porte de la Virille-Chartre , on a découvert , sous le
mur même de l'enceinte gallo-romaine, et lui servant de
fondements, plusieurs pierres sépulcrales, savoir: dans les
(1) Grégoire de Tours, liv. III, alin. 19, écrit en parlant de Dijon :
c Quatuor porlcv a quatuor ptagis mundi sunl positœ.
UO CONGBÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
caves de la maison Puységur, le lion décrit précédément,
la frise d'un cirque , trois épitaphes , et un autel ; enfin ,
dans la maison Baillif , la tombe d'Aelia Epicarpia ;
13°. Que celte enceinte passait derrière le grand-autel
actuel de la cathédrale et derrière les anciennes prisons de
l'évêché ;
\h°. Que le seuil de h porte de Fer se fait encore remar-
quer, au bas de la montée St. -Maurice , par une pierre en-
gagée dans une maison à main gauche en descendant.
Il résulte en outre de l'enquête de la Commission, que la
partie de la muraille à petit appareil repose généralement sur
des pierres de tuf à grand appareil , et celles-ci sur un lit
de moellons fort durs de 10 à 15 centimètres d'échantillon ,
lesdits moellons bloqués d'une façon oblique ; c'est ce que
nous avons très-bien pu voir dans la cave de la maison
Baillif, voisine de la porte de la Vieille-Chartre , ainsi qu'à
la porte Angevine , lors de la construction de l'aile moderne
de l'évêché. Ajoutons ici qu'en 1847, le long de la rue du
Château , en creusant les fondements de la maison Bodinier ,
on découvrit une partie de l'enceinte imbriquée. Cette partie
était placée sur le rocher qui domine la Maine, vers le nord-
ouest de li cité. Mais ce mur différait un peu, dans sa com-
position de ceux de la porte Toussaint. Il en différait: 1°. par
son épaisseur qui était seulement de 2 mètres k0 cent. ,
parce que, se trouvant bâti sur un point de la cité naturelle-
ment fortifié , il n'avait pas besoin autant de solidité ; 2°.
par la disposition des briques à rebord qui étaient encastrées
les unes dans les autres , et liées entr'elles horizontalement
par assises avec du mortier ; il en différait enfin par une
particulière disposition en pilastres , pilastres qui firent sup-
poser l'existence d'arcades intérieures par rapport au mur
d'enceinte, ainsi qu'on le voit à Rome. Les fondements
étaient établis solidement au moyen de gros blocs de tuf;
XXIX*. SESSION , A SAUMUR. kl
on apercevait les alternais de briques et de moellons à l'exclu-
sion de l'ardoise.
Les pierres d'ardoise , en effet, lorsqu'elles se rencontrent
en masse dans les parties de notre mur d'enceinte, indiquent
toujours un remaniement postérieur à l'ère gallo-romaine.
Le plan et les coupes des vestiges trouvés dans la propriété
de M. Bodinier ont été dressés par M. Tendron, architecte ,
et offerts au Musée d'antiquités par le premier.
Le mur d'enceinte se poursuivait au-delà de l'endroit
nommé le Bout-du-Monde, et au-delà de la douve du château,
si profonde de ce côté ; en effet , nous avons signalé l'exis-
tence d'une construction en briques à la base de la plus
haute tour du XIIe. siècle, vers l'ouest. Ensuite il surplom-
bait le rocher de la Maine, dans cette partie de notre cita-
delle où l'on voit une haute et longue muraille à petit appa-
reil, autrefois percée de fenêtres romanes. De l'extrémité
sud- ouest de cette muraille, qui date au moins du IXe. siècle,
il se dirigeait (1) en-dedans du château actuel par un retour
à l'est, vers la porte Toussaint. On le remarque encore for-
mant arrachement , sur la pente intérieure de la contrescarpe
du fossé vers l'ouest.
Cette enceinte, à peu près ovale, formait une circonférence
d'environ 1,200 mètres (2). Plusieurs fois remaniée, elle
(1) En 1859, avant la réparation du château, du côté de la rivière,
j'aperçus très-bien l'extrémité occidentale du mur gallo-romain avec
son petit appareil chaîné de briques; depuis lors celte partie a été
recouverte par une maçonnerie en ardoises.
(2) Les enceintes des anciennes cités gallo-romaines sont générale-
ment petites, a Dans cinquante villes à peu près de ce genre, écrit
« M. de Caumont, j'ai trouvé que la surface est presque la môme, et
o ne dépasse pas 10 hectares. »
Il fait remarquer que les villes chefs-lieux sont généralement les
seules qui aient eu des enceintes; il ajoute que ces chefs-lieux de-
vinrent un peu plus tôt, un peu plus tard , des villes épiscopales.
42 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fut la seule à défendre la ville d'Angers, depuis l'ère gallo-
romaine jusqu'au commencement du XIe. siècle. Au XIIe.,
elle a été réparée, comme l'indique une tour ronde de
cette époque , placée entre la rue Baudrière et la maison des
Sœurs grises ; comme l'indiquent encore des moulures de
cette même époque , sculptées sur la façade du palais épisco-
pal , du côté de la place Neuve.
La porte Angevine , au IXe. siècle , servait de prison ; la
porte de la Vieille-Chartre eut la même destination au
XVe. (1). Il résulte d'un différend qui eut lieu entre le cha-
pitre de la cathédrale et les habitants d'Angers, qu'au XVIe.
siècle les portes de la cité existaient encore, puisque ceux-ci
firent opposition , le 20 mai 1562 , à leur fermeture (Voir
Journal de Louvet , p. 267 ; Revue d'Anjou et de Maine-
et-Loire, mai-juin, 3 livraisons, an 185Zi ).
Quant à l'enceinte, il est incroyable qu'elle ait pu résister
encore aussi bien à tous les usages auxquels on l'emploie ;
ici, ce sont des terrasses que l'on a établies sur son sommet ;
là, des lieux d'aisances que l'on a creusés à sa base ; ailleurs,
c'est un four que l'on y a pratiqué ; plus loin, une alcôve a été
formée dans son épaisseur.
Mais à quelle époque remonte cette enceinte ? Cette ques-
tion mérite d'être étudiée.
L'espace que notre enceinte renferme porte encore le nom
de cité, et ce nom est très-significatif. On sait, en effet, qu'il
s'applique traditionnellement aux plus anciennes parties d'une
ville. En Gaule , la cité , sur la fin de l'Empire, correspon-
dait généralement à ce que l'on nommait en Grèce une
acropole.
Notre primitive enceinte d'Angers , qui comprend la ca-
thédrale, l'évêché et le château , formait à peine la neuvième
(1) Péan de La Tuillerie, p. 24 et 65.
XXIXe. SESSION, A SAUMUU. A3
partie de la ville actuelle ; aussi notre évêque d'Angers ,
Talasius, pouvait-il à bon droit, en l'an 661, appeler sa ville
épiscopale civitatuta mea , c'est-à-dire ma très-petite
cité. (1). Cette qualification s'applique bien à notre enceinte,
et nous prouve qu'elle n'est pas de date postérieure à l'an
661 ; aussi l'appelonj-nous primitive , dans la persuasion où
nous sommes que du temps des Romains notre ville, qui
était certainement plus étendue, n'avait point de clôture.
Je dis que notre ville , antérieurement à sa primitive en-
ceinte, était plus étendue; en effet, le cirque , les bains, le
cimetière et l'amphithéâtre n'étaient point compris dans la
clôture imbriquée; évidemment donc l'évêque Talasius a
écrit cwitatula mea ( ma petite cité), par opposition avec ce
qu'elle avait été auparavant ; et nous en concluons qu'Angers
vit restreindre son étendue à une époque assez voisine de
son épiscopat ; ceci répond bien à ces lignes de M. de
Caumont : « Il est à remarquer, dit-il , que toutes les cités
« ainsi environnées de murailles furent rétrécies dans leurs
« proportions, pour être d'une défense plus facile. » (Bul-
letin motiwnental, p. 63, an 1859.)
Essayons de rechercher quels événements ont dû , avant
l'année 661 , porter ses habitants à se resserrer ainsi dans de
plus étroites limites.
Ne perdons pas de vue que l'autorité romaine régnait
encore dans nos murs en 661 , et qu'elle ne disparut com-
plètement que vers l'an 675 , après la mort du comte Paul ,
tué de la main même de Childéric I".
Mais cette autorité élait déjà fort compromise, puisqu'au
rapport de Y Histoire parlementaire de Bûchez et de Roux ,
t. Ier. , p. 18, notre ville d'Angers fut au nombre des
(1) Voir Gallia christiana Sammarthanorum , au titre: Episcopi
andegavenses, Talasius.
hU CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
vingt-deux cités qui , liguées entr'elles sous le nom de
Confédération des Armoriques , issue de l'insurrection ba-
gaude , s'efforcèrent d'amoindrir l'influence romaine pour
ressaisir leur vieille indépendance gauloise. Cette confé-
dération, que les Romains voulurent détruire en lui opposant
au midi de la Loire les Visigoths, n'acquit son entier dé-
veloppement que vers l'an 409.
Par suite de la cession de l'Aquitaine, faite en 412 d'après
l'ordre de l'empereur Honorius à Wallia , roi des Visigoths ,
la ville d'Angers, les voyant à ses portes, eut tout intérêt
à s'en garantir.
On conçoit donc très— bien que ses habitants, avides d'in-
dépendance et très-ennemis de l'arianisme , aient vers ce
temps-là songé à ceindre leur cité d'une épaisse muraille, et
l'on conçoit très-bien aussi que l'impuissant comte Paul ait
laissé faire.
Ajoutons que , vers le milieu de ce même Ve. siècle ,
arrivaient du Nord de sinistres nouvelles. Il faut lire , dans
Grégoire de Tours, ce que faisaient naître d'inquiétude les
marches et contre-marches des barbares.
Je ne crois donc point trop m'avancer en disant que notre
ville dut établir sa première clôture dans la première moitié
du Ve. siècle (1), en même temps qu'elle restreignait son
étendue.
D'un autre côté, nos évêques gallo-romains, que l'on fut
heureux de rencontrer à ces époques difficiles pour leur
(1) Il est certain, par le passage ci-dessous, qu'à la fin du VIe. siècle
l'enceinte primitive d'Angers existait.
Ce passage nous apprend que saint Lézin, évêque, fit construire un
monastère en dehors de la ville, non loin des murs : extra civitatem
non longe e mûris (Voir Vie de saint Lézin, par Marbode, archidiacre
d'Angers, et plus tard évêque de Rennes; dans Beaugendre, p. ihlS ,
Bibl. de l'évêché, A. 26, 2).
XXIXe. SESSION, A SAtJMUR. Û5
confier (du moins en fait) le gouvernement des affaires
temporelles , ne virent pas d'un mauvais œil que l'on ren-
versât les monuments païens, afin d'en jeter pêle-mêle les
débris dans les fondements du mur d'enceinte; et c'est là
ce qui peut expliquer la découverte , faite en 1813 , 1838 et
1861, des tombeaux, inscriptions et sculptures ci-dessus
décrits (1). M. de Caumont n'hésite même point à attribuer
aux évêques la construction des enceintes : « Il est évident ,
« dit-il (p. 62 du Bulletin monumental pour l'année 1859),
« que l'évêque défenseur de la cité , comme il en avait les
« titres et les fonctions, dut succéder aux magistrats romains
« et prendre soin de mettre, par ce moyen, son troupeau
« à l'abri des attaques du dehors. »
Il fait remonter ces enceintes généralement au IVe. siècle.
Quoiqu'il en soit, on a pu voir que, pour Angers, nos
conjectures se rapprochaient de cette date.
Bains.
De même que la plupart des villes municipales de la
Gaule, Angers eut ses bains publics. Depuis 18^7, j'ai pu
moi-même constater les traces de canaux allant de l'est à
(1) « On utilisa surtout, dit M. de Caumont, les monuments situés
« au pourtour des villes. » — Cet auteur croit môme à l'existence d'un
rescrit, qui aurait permis de détruire tous les monuments dont la con-
servation était indispensable, pour les employer à la défense des cités,
o Dès-lors, écrit-il, tout ce qui rappelait le culte païen fut démoli pour
« être employé à cet usage. » (Voir Bull, monum., p. 63, an 1859.)
« On sait qu'au commencement du Ve. siècle , la loi de construire
« devint obligatoire en Occident : muros vel novos debere facere , vel
« veteres fwmius renovare. Au titre XII , De operibus publias, le Code
« autorise à se servir des édifices antérieurs : diruta penitusque
* destructa et quœ parum sunt in usu civitatum. » (Voir Revue d'Anjou,
p. 371, septembre 1859.)
46 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE TRANCE.
l'ouest dans la direction de la fontaine Froite-Pènii , à Les-
vières (Aquaria). Ces travaux traversaient le cimetière gallo-
romain d'Angers , se bifurquaient en divers sens , pour aller
se rendre dans les jardins du Doyenné, des Belles-Poitrines,
et de Lesvières. J'en ai même remarqué des restes près de
la nouvelle manufacture de MM. Joubert et Guinoyseau ,
au-dessus de ÏEcce-Homo (1).
Le mieux conservé de ces canaux fut découvert près de
la gare ; il présentait , en coupe à sa base, une ouverture,
large de 1 mètre U cent. , qui allait en s'évasant. Le fond
et les parois, à l'intérieur, étaient garnis d'une couche déci-
ment gris-rose de 10 cent, d'épaisseur ; la profondeur du
méandre était de 25 cent. ; et quant aux murs qui le soute-
tenaient , ils avaient à leur base 33 cent, d'épaisseur, et dans
les parois extérieures, U5 cent, d'un côté et 70 de l'autre.
D'autres canaux , moins larges, étaient formés d'un blo-
cage de petites pierres noyées dans un mortier fort dur, qui
avait beaucoup de ressemblance avec noire béton moderne.
On découvrit également un puits d'absorption sur les
hauteurs des Belles-Poitrines. Son orifice était voûté en
belles briques Irès-rouges mélangées de moellons.
Ces bains avaient une étendue de plusieurs hectares, et le
terrain sur lequel ils étaient établis présentait divers
mouvements favorables à l'écoulement des eaux en diverses
directions.
Les noms de Belles-Poitrines et de Lesvières sont, ici ,
très-significatifs.
Non loin du puits d'absorption , on trouva trois médailles
romaines: une consulaire crénelée de la famille Mamilia;
(1) Nous publierons peut-être un jour le plan des ruines de l'enclos
des Belles-Poitrines, plan dressé vers 1850.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 67
deux en bronze, de Tiberivs Clavdivs Drvsvs, et de Lv-
civs Domitivs Nero.
Il y a plus d'un siècle et demi que l'historien Claude
Ménard avait déjà fait mention de l'existence de ces bains.
Un titre de 1326 ( autrefois aux archives de la cathédrale)
parlait d'une place située devant les bains d'Angers : cujus-
dam arecv ante balneas andegavenses ( sic , d'après Bodin ,
Bas-Anjou , t. Ier. , p. 522). Un autre titre de l'abbaye de
Toussaint mentionne un aqueduc de l' Épine-Sèche , de Spi-
na sicca, près de cette abbaye.
La fontaine d'où provenait l'eau qui entretenait ces bains
se voit encore à un kilomètre d'Angers , route des Ponts-de-
Cé. Elle porte le nom de fontaine Frotte-Pênil. Hirel, à la
page 615, parle de ces bains alimentés par cette fontaine.
M. de Bernard , qui en est aujourd'hui propriétaire , a su
tirer de cette eau vive un très-beau parti pour irriguer ses
délicieux jardins. Il a bien voulu remettre au musée d'anti-
quités un fragment d'inscription en lettres romaines , qu'il
a découvert au-dessus de la voûte d'un canal souterrain situé
dans sa propriété. Ce fragment porte les lettres suivantes :
r dit, malheureusement trop altérées pour en connaître le
sens.
Cette fontaine, dont les eaux étaient sans doute plus abon-
dantes à l'époque gallo-romaine , n'alimentait pas seulement
les bains d'Angers, elle entretenait encore un aqueduc qui se
rendait en Frémur auprès des Châteliers , en traversant les
fermes nommées la Diablerie , l'Enfer et les Jonchères.
Ne quittons pas nos bains d'Angers sans dire quelque chose
de la découverte, faite à Lesvières, d'une singulière statuette
antique sur laquelle nous lisons ces deux mots : rex tvsenos.
C'est là un nom jusqu'ici entièrement inconnu et qui ré-
clame de notre part une courte dissertation , car nous avons
lieu de croire qu'il se rapporte à l'un de ces rois électifs et
48 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
temporaires, qui, antérieurement à la conquête romaine et
même durant cette conquête , étaient chargés du gouverne-
ment d'une cité gauloise. On sait que l'on devait entendre
alors par cité une petite peuplade et non pas une ville, comme
cela est arrivé sur le déclin de l'Empire romain (V. Samson).
On sait encore que la Gaule , conquise par César , ne
renfermait pas moins de 60 cités.
Ces rois des cités, appelés rheys (1) et par les Latins reges,
étaient annuels suivant Strahon (liv. IV , ch. h). Chaque
cité, ajoute-t-il, nommait un gouverneur et un général d'ar-
mée . « La naissance , écrit quelque part M. Aurélien de
« Courson (2) , condition préalable à l'éligibilité, comme
« chez les Germains , désignait au suffrage les rois de la
« cité: Regcs ex nobilitate, duces ex virtute sumunt «(Tacite,
Germ. , vil. )
Les druides jouaient le premier rôle dans l'élection de ces
rois qui ne semblent avoir été, en définitive, que des adminis-
trateurs proposés à la surveillance des intérêts publics.
Ceci bien établi , revenons à Tusenos dont le nom a été
découvert précédé de sa qualité de rex sur une figurine en
terre de pipe trouvée parmi des débris gallo-romains dans
les jardins de Lesvières , appartenant à M. Goullion-Mamert,
conseiller de préfecture.
Nous parlerons ci-après de cette statuette , nous bornant à
disserter présentement sur l'inscription. Les lettres sont ro-
maines, le premier mot (rex) est latin, le second (tvsenos)
possède une terminaison grecque. Comment expliquer ici ce
produit de deux langues autrement que par leur intervention
à des degrés divers dans la Gaule ? César nous apprend , en
(1) Histoire des Gaulois, par Clavel, p. à.
(2) Origines et iiistitutions des peuples de la Gaule armoricaine ,
p. 105.
XXIV. SESSION , A SAUMOR. 49
effet , que les peuples de celle contrée se servaient de lettres
grecques dans les affaires publiques et privées ( Comm., lib.
VI, alin. 14). Mais, d'un autre côté , il résulte de certain
passage de ses Commentaires, qu'ils en ignoraient la lan-
gue (1) ; d'où l'on doit inférer que leur savoir hellénique se
bornait, dans les régions du centre et du nord, à la con-
naissance des caractères de cette langue et de quelques-unes
de ses désinences. Je dis à dessein dans Les régions du centre
et du nord de la Gaule, parce qu'il est constant que, plus de
six siècles avant la conquête romaine , la partie méridionale
était en possession de la langue grecque , et notamment
Marseille, ville que les Phocéens fondèreut environ 700 ans
avant notre ère.
Ce mélange des lettres romaines avec des mots à dési-
nences grecques se rencontre également sur certaines mon-
naies celtiques : par exemple, sur celles de Tours portant la
légende tvroinos] triccos ; et encore celles de Duratins
de Poitiers, dvrat-ivuos ; de giamilos, d'vLATOS , de
pixtilos, etc. (2).
Quant à l'introduction des caractères latins dans les
Gaules, il n'est pas douteux qu'elle ait eu lieu au temps de
la Conquête, c'est-à-dire un demi-siècle avant Jésus-Christ ;
ce qui permet de croire que la plupart des monuments cel-
tiques, ayant des lettres romaines avec des mots à dési-
nences grecques , prennent leur plus vieille date dans la se-
conde moitié du siècle qui précéda notre ère. La médaille
du celle Durat-lulios vient à l'appui de cette conjecture;
on sait, par les Commentaires, que cet antagoniste de notre
célèbre Dumnacus vécut au temps de Jules-César. D'après
cela, il sera loisible de penser que Tusenos, ce petit roi d'une
(1) César, Commentaires, lib. V, alin. 48.
(2) Voir, sur les lettres grecques, Cochet, La Seine-Inférieure au
temps des (Uiulois, p. 8.
k
30 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cité , a bien pu être leur contemporain. Mais dans quelle cité
de la Gaule a-t-il eu le commandement ? La réponse est em-
barrassante , et nous tombons ici dans le domaine des con-
jectures. En effet , le nom de la cité ne se rencontre point
dans l'inscription , et le lieu où la statuette a été découverte
est, pour nous , le seul indice tendant à prouver queTusenos
pourrait bien avoir été roi dans la cité des Andes ; on
sera même fondé à le croire jusqu'à ce que d'autres rensei-
gnements , s'il s'en trouve jamais, restituent ce personnage
à une autre cité des Gaules. Cette conjecture , nous devons
le dire , est fort compromise par la découverte qui a été faite
à Gorseul , en Bretagne , d'une statuette semblable, au rap-
port de M. Bizeul ( 1". juillet 1858 ). La question, du reste ,
n'en devient que plus intéressante. Dans la Vénus de Gorseul,
l'inscription est au-dessous des seins.
En 1857 , nous avons vu une statuette analogue , en terre
de pipe, au musée de Tours; mais elle ne portait pas d'in-
scription ; sa main gauche tenait un rouleau , et ses parties
féminines nues étaient fortement accusées. Elle fut trouvée
dans le lac de Soing, en Sologne.
Quelques mots maintenant sur notre statuette.
Non compris la tète , qui n'existe plus , elle a de longueur
environ 16 cent, avec largeur en proportion ; style médiocre,
parties charnues très-plates, corps entièrement nu et les
parties génitales très-apparentes; corps divisé de haut en
bas par une sorte de plaquette, en terre de pipe, qui lui sert
d'encadrement de façon à faire paraître cette statuette bas-
relief devant et bas-relief derrière. La plaquette est ornée,
des deux côtés , de moulures étoilées et perlées , ainsi que
de petits cercles concentriques dont les analogues se re-
trouvent sur quelques monnaies celtiques , dites de la fin de
la deuxième époque.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 51
Cette statuette représente une Vénus populaire. Le cou
est paré d'un demi-collier de petites perles supportant cinq
anneaux à cercles concentriques, le tout assez bien modelé;
un semis d'autres petites perles , placées en ligne droite ,
environne les seins. Le bras droit est coudé de manière à
permettre à la main, qui porte un rouleau, de se poser au-
dessus du creux de l'estomac. Plusieurs veulent voir dans
ce rouleau l'image d'un phallus. L'autre bras est pendant,
ménageant toutefois un espace entre lui et le buste , réservé
à l'inscription : rex tvsenos. Par derrière , cette figurine
laisse voir le cou sans collier.
Maintenant pourquoi, et nous terminerons par là , le nom
de Tusenos se trouve-t-il sur cette étrange figurine ? En
serait-il l'artiste? Ne la lui aurait-on point dédiée ?
Pourquoi également ce rouleau mystérieux?
Questions que nous abandonnons à de plus érudits.
Cette statuette appartient à M. Mamert, qui nous a per-
mis d'en tirer un moulage.
Camp de César en t- réunir, près d'Angers.
Quittons la ville d'Angers et transportons-nous dans la
commune de Sle. -Gemme-sur-Loire , au centre du camp
dit de César.
De forme triangulaire , cette station militaire comprenait :
1°. le camp proprement dit ; 1°. ses dépendances. Le tout
n'a pas moins de 9 kilomètres de pourtour , vers le sud. La
Loire le défendait vers l'ouest ; la Maine au nord-est avec une
très-longue levée, moitié de main d'homme et moitié natu-
relle. Celte levée a , de hauteur moyenne , 5 mètres en-
viron du côté de l'extérieur de l'enceinte. Ce serait une
erreur de croire que les camps étaient toujours de forme
carrée. Végèce nous apprend, en effet, qu'ils avaient une
.V2 CONGRÈS ARCHÈOLOG1QUK DE FRANCK,
forme soit carrée , soil ovale , soit triangulaire , suivant la
disposition du sol : a Interdùtn autem quadrata , interdùm
a trigona , mlerdùm sentir otunda , semioblonga , prout loci
i qualitas aut nécessitas postulaverit, castra facienda sont. »
L'un des angles de notre camp de César s'appelle Pierre-
Martine. Ce nom m'inlrigue , car je le retrouve près de
l'igeac, appliqué à un rouler. Dans le département du
Nord , on cite également les pierres Martines de Solre-le-
Chàteau ; elles sont classées au nombre des monuments
druidiques ( Voir Revu "archéologique de Leleu du 15 juillet
1859, p. Ihk).
Et c'est aussi non loin de notre pierre Martine, qu'en
un lieu nommé Pouillè l'on découvrit , en 1861, dans un
vase de terre, neuf bracelets celtiques en bronze et du poids
de "2 kilogrammes; M. Aimé de Soland en est le proprié-
taire ( Voir Répertoire archéologique du département de
Maine-et-Loire , n". de juin 1861 , p. 171 ).
Revenons à notre station militaire. Le camp proprement
dit, lieu seulement où l'on trouve des antiquités, occupait
l'espace situé entre les Cbâteliers et Empiré ; il était tra-
versé , de l'est à l'ouest , par le ruisseau doré , ainsi nommé
des pièces d'or celtiques et romaines qu'on y a trouvées. Au
nord de ce ruisseau , l'on voit encore les vestiges d'une
enceinte semi-circulaire formée de terres rapportées et haute,
en moyenne , de h mètres. Quelques débris de murailles et
de tours avec ou sans briques , à petit appareil , se font
remarquer aux cornes de cet hémicycle. Cette petite en-
ceinte très-élevée , située dans le vaste triangle , comprend
environ 35 ares de superficie ; c'est le réduit du camp. La
chapelle Ste. -Apolline des Cbâteliers est assise sur la partie
oriental»- de la levée de ce réduit , et , chose bizarre ! les
habitants de la campagne vous disent encore naïvement que
le loi César y allait à la messe.
X\tXr. SESSION , A SAliMUR. 53
Toujours au nord du ruisseau doré, à moins de 100
mètres du réduit ou prétoire du camp , à main gauche en
descendant , on aperçoit , au centre d'une vigne nommée
les Dix-Quartiers , deux piliers cubiques en petit appa-
reil avec cordons de briques (il en existait d'autres au
XVIII*. siècle); ils servaient de supports aux arcades d'un
aqueduc dont quelques restes furent trouvés le 6 février
1852.
Il serait trop long de m'étendre ici davantage sur ce camp
auquel j'ai consacré un chapitre entier dans un mémoire
spécial, et qui est en cours de publication ; qu'il suffise de
savoir que le Musée des antiquités d'Angers possède trois
vitrines pleines d'objets gallo-romains trouvés dans ce camp.
Cependant, à ceux qui pourraient s'étonner de la longueur
du retranchement de notre camp de César en Frémur (en-
viron 3 kilomètres vers le nord-est ) , nous dirons que César,
dans sa première campagne des Gaules, fit élever, en moins
de quinze jours, depuis le lac Léman jusqu'au mont Jura ,
un rempart de dix-neuf mille pas de longueur et de la
hauteur de 16 pieds, et qu'il y joignit un fossé (1).
Napoléon I"r. , dans ses Remarques sur le premier livre des
Commentaires de César (2) dit : « La toise courante de
« retranchement, cubant Vïh pieds (une toise 1/2) , était
« faite par un homme en trente-deux heures ou trois jours
» de travail , et par douze hommes en deux ou trois heures.
« La légion pouvait donc faire 6 lieues de retranchement ,
« qui cubaient 21,000 toises , en cent vingt heures , ou dix
<( à quinze jours de travail. »
D'après ces données, l'étendue de notre retranchement
de Frémur ne paraîtra point exagérée. Du reste , cette po-
(1) Commentaires de César , liv. Ier., alin. 8.
(2) Traduction des Commentaires par Artaud. Pari*, 18<>tt.
5U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sition militaire était un stativum castrum et un camp d'hi-
vernage (1).
César nous apprend encore qu'on dilatait ou resserrait un
camp à volonté, suivant le besoin des circonstances (Voir
livre V, alin. 69). Et c'est ce qui ressortira de la description
des deux stations militaires suivantes.
Camp de la Segourie , arrondissement de Cholet, commune du }
Fief-Sauvin.
Ce camp n'a pas de forme arrêtée ; il est limité par la
réunion de deux cours d'eau , savoir : au sud, par un ruis-
seau; à l'est, parl'Evre ; à l'ouest, par un ravin ; au nord, par
une très-haute levée de main d'homme établie en manière
de chevron : de telle façon que l'angle externe se trouve
en dehors du camp ; c'est un plateau d'environ 2 hectares
de superficie.
Vers le nord-ouest , à l'extérieur du camp , au lieu dit le
Petit-Nombault, sont de vieilles murailles parmi lesquelles
l'on a rencontré des meules à bras, des briques à rebord,
des poteries rouges , des peintures murales , des pièces gau-
loises portant le type du cheval androcéphale ; des monnaies
d'argent, des familles romaines Cassïa et Serviiia; des pièces
d'Auguste, Vespasien , Trajan , Hadrien , Antonin-le-Pieux ,
Marc-Aurèle , Caracalla et des deux Faustines ; puis des
intaillcs , propriété de M. Tristan-Martin , trois statuettes,
etc., etc. , tous objets incontestablement gallo-romains.
Le camp de la Segourie nous paraît être le véritable em-
placement de la station Segora.
(1) « Ipse (Caesar) in Carnutes , Andes Turonesque legionibus in
hiberna deductis, etc. » (Lib. II, in fine ). — « Publius Crassns ado-
« lescens cura legione septima... in Andibus hiemabat. » ( Lib. III ,
alin. 7).
X\IXr. SESSION, A SAUMUR. 55
Camp de Chenehulle, arrondissement de S an mur , commune des
Tu ff eaux.
11 esl situé sur la cime d'un coteau dont la base est
baignée par la Loire ( rive gauche) ; il domine le fleuve d'au
moins 35 mètres, vers le nord. Au sud- est , est un ravin
profond qui contourne la colline. Dans ce ravin coule un
ruisseau qui décharge ses eaux dans la Loire. A l'ouest, ce
camp est défendu par une levée artificielle et polygonale.
La hauteur de cette levée varie entre U et 7 mètres; sa
plus giande largeur de base peut mesurer de 28 à 30 mètres,
et sa longueur esl d'environ 250 mètres. Ce camp, à part
les angles de sa levée, affecte une forme ovale dont la cir-
conférence a plus de 950 mètres. Sa largeur est de 240 et
sa longueur de 370. Bodin en a donné un plan exact. On y
trouve des briques à rebord , des fragments de poteries
rouges, des monnaies du Haut-Empire allant d'Auguste aux
Antonins.
Sur un des versants de cette station, du côté sud, nous
vîmes, en 1854, une agglomération d'esquilles d'ossements
d'animaux qui provenaient sans doute du macellum, lieu où
l'on abattait et distribuait les viandes.
Nous aperçûmes aussi , dans le même camp , une citerne
carrée, enduite de ciment rose, qui venait d'être découverte.
En octobre 1856, on trouva un autre bassin (celui-ci
octogone) ayant 1 mètre 95 de diamètre; il était encombré
de tuiles tégulaires , d'une couche de charbon qui paraissait
provenir de charpentes incendiées , et enfin , d'une seconde
couche (celle-ci de blé carbonisé).
M. Joly, si je ne me trompe, a relevé le plan de ce bassin,
et feu M. de Beauregard , de regrettable mémoire , en a
publié une description , dans les Mémoires de la Société
56 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
d'agriculture, sciences et arts d'Angers, 2e. série, vol. VIII,
p. 52, année 1857.
Au sud-est de ce camp , Bodin a découvert une voie
romaine, sur 500 mètres de longueur, qui se dirigeait vers
Doué. Sa largeur était de U à 5 mètres ; elle formait comme
un chemin couvert pratiqué au-dessous du ramp , le long cl
sur le versant oriental du coteau. Cette voie était soutenue,
ça et là, par un mur rustique de 2 mètres de hauteur. La
coupe de cette voie présentait : 1°. des pavés non taillés ;
2°. une couche de tessons de briques ; 3°. de vieilles
ferrailles ; U°. des ossements d'animaux ; 5°. des mâchefers.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce camp, persuadé
que des renseignements plus nouveaux vous seront donnes
dans cette séance.
Commune de la Romagne.
Sur cette commune existe un camp, de forme rectan-
gulaire, au lieu dit la Bouirie , sur la limite des deux dé-
partements de Maine-et-Loire et de la Vendée. 11 ne se
compose que de retranchements en terre.
Le côté nord est intact, et n'a pas moins de 135 mètres
de longueur. Le talus a pour moyenne de hauteur 5 mètres :
il est entre deux fossés: l'un externe, d'environ 12 mètres
de large; l'autre, interne, est plus petit. Entrée au centre
de la ligne.
Le côté ouest est également intact; il a de 125 à 130
mètres en longueur. Entrée vers le centre de la ligne , mais
plus près de l'angle sud. Fossés externe et interne.
Le côté sud n'est qu'à moitié conservé. Ce qui reste de ce
côté se trouve entre deux fossés, comme les côtés précédents.
Le côté est a disparu. Aucuns vestiges de constructions;
point de médailles, de briques, ni de poteries.
Ce camp de la Boulrie contient 1 hectare environ.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. &1
Commune de Cfaolet.
Sur celle commune voisine de celle de la Romagne ,
au lieu dit la Bauge du Château , près le Chêne- Landry,
propriété de M. Lavau , il existe un point fortifié , en tout
semblable à celui delà Boulrie, sauf qu'il est plus petit. Nuls
vestiges de constructions modernes.
Chose à remarquer, ce camp de la Bauge du Château n'a,
comme celui de la Boutrie, que deux côtés et un demi-côté
conservés; serait-ce que les garnisons, en quittant ces lieux
fortifiés, les auraient ainsi mulilés à dessein pour qu'ils ne
pussent désormais servir? C'est d'autant plus probable, que
l'on remarque la même mutilation dans un troisième camp,
nommé Camp des Anglais, sans doute parce qu'ils s'en
seront servis; il est situé sur la commune de St.-Aubin-de-
Baubigné ^ Deux-Sèvres). Et, chose plus notable encore!
dans ces trois camps, le côté oriental et le demi-côté mé-
ridional sont les seuls mutilés.
Le camp de la commune de St.-Aubin-de-Baubigné porte
le nom de Fief des Houlleries ; il est en quelque façon sur
la limite des départements de Maine-et-Loire et des Deux-
Sèvres, non loin des communes de Maulévrier, des Cerqueux
et d'Yzernay.
Comme les camps de la Boutrie et de la Bauge du Château,
celui-ci est également carré; il a de longueur 125 mètres,
de l'est à l'ouest, sur H 5 mètres du nord au sud. La hauteur
des retranchements varie entre 3 et 5 mètres. Vers le nord ,
le fossé a 20 mètres de large.
C'est à MM. Paul Loyer et Tristan-Martin que nous
devons ces renseignements.
Nous pourrions signaler d'autres positions militaires ïituécs
en Maine-et-Loire , mais qui sont plus ou moins contes-
58 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
labiés; on les trouve marquées sur notre Carte gallo-romaine,
mais avec un point d'interrogation.
Gennes , arrondissement de Saumur , présente encore
quelques vestiges gallo-romains d'un assez grand intérêt ;
nous en parlerons sur le lieu , puisque le Congrès se propose
de le visiter.
Un membre du Congrès fait remarquer qu'à St. -Florent,
près de Saumur , il a retrouvé des briques romaines et autres
vestiges de constructions gallo-romaines. M. Imbert, de
Tbouars, fait connaître qu'à St.-Jean-de-Bonneval , près
Tbouars, sur un endroit nommé le Clos-du-Vicomte, il a con-
staté des subslruclions romaines très-nombreuses ;°briques ,
poteries , bassins , canaux , tout semble annoncer que 'cet
endroit était remplacement primitif de la ville de Tbouars.
M. le Président passe à la question suivante, ainsi conçue :
En quoi consistent les monuments ép'tgraphiques de
l'époque romaine dans le pays?
M. Godard-Faultrier lit, en réponse à cette question, le
mémoire suivant :
MÉMOIRE DK M tiODARD-FAULTK 1ER.
Il est aisé de prouver qu'Angers fut une \illc gallo-
romaine, par les monuments dont la relation suit :
Inscriptions.
Dans l'ex- cimetière de l'église de St. -Julien, aujourd'hui
détruite , existait une grosse urne de pierre (1) que l'on voit
(1) Description de ta ville d'Angers , par Péan do La Tuilerie.
Angers, 1788, chez Charles-François Billault, imprimeur-libraire, rue
St.-Laud, p. 95. —Voir Hiret , p. 298 ; il écrivait en 1618. Voir un
dessin de TartiCume, Man. de la bibl. d'Angers, n°. 9'tO , p. 237.
Tartifurue écrivait en lfi2;3.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 59
présentement au Jardin-des-Plantes. 'Elle porte cette in-
scription :
VXORI
OPTIMAE
T FLAVIVS
AVG LIB
ASIATICVS
« Feu M. de Tillemont , écrit Péan , croyait que ce Titus
« Flavius était l'un des affranchis de l'empereur Vespasien ,
« ou de Tite ou de Domitien , qui tous trois portaient le
« nom de Titus Flavius. »
« Le cognomen Asiaticus, dit Bodin (1) , annoncerait qu'il
« avait fait la guerre en Asie. »
On peut traduire ainsi cette inscription, qui est en belles
et grandes lettres romaines :
A son épouse
très-bonne
Titus Flavius Asiaticus
affranchi de l'Empereur
Le tombeau où se trouve gravée cette épitaphe est en
granité ; il a une forme cubique vers sa partie inférieure et
octogone à son sommet. Il mesure 1 mètre de hauteur , et
75 centimètres de largeur. On aperçoit, à l'un de ses côtés ,
un trou pratiqué sans doute pour recevoir les cendres de
la défunte.
Au mois de septembre 1817, Bodin fit la découverte d'une
inscription à la porte Toussaint (2). Cette inscription, gravée
sur le devant d'un aulel , provenait de la démolition, faite
en 1813, d'un mur gallo-romain situé près de l'église de
(1) Recherches sur Angers et le Bas-Anjou, par J.-F. Bodin , l. Ier.,
p. 50. Saumur, 1821 , chez Degouy, imprimeur.
(2) Bodin, Bas- Anjou, Ier. vol., p. 47.
60 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
St. -Maurice. Cet autel était formé de deux pièces; la partie
supérieure seule a été trouvée et déposée d'abord au Jardin-
des-Plantes , ensuite au musée Toussaint. Cette partie su-
périeure, assez bien conservée, porte :
MATRIOVC
AVG
ClVIlECTKI.
Bodin croit , mais avec réserve, que l'on peut expliquer
cette inscription de la sorte :
Martio viro clarissimo augustali civùatis lectum tributum.
« Cela , écrit-il , signifierait que la cité des Andes se
« serait imposé une contribution pour élever une statue ou
« une colonne à un personnage , nommé Martius, qui était
« augustal. »
Mais M. de Longperrier, auquel j'ai fait voir ce monument
en 1852, ne partage pas cette opinion et croit qu'il s'agit ici
d'un autel érigé au dieu Mars de tel endroit ; il lut la pre-
mière ligne ainsi :
Marti loue.
Le t forme une double lettre équivalant à TI; M. Co-
marmond , dans son Musée lapidaire de Lyon , page 1 ,
reproduit une inscription où le mot salvtis est écrit de la
sorte : salvts.
Quant au mot Loue, c'est toujours, d'après M. de Long-
perrier , un nom de lieu à chercher. On pourrait donc lire :
Marti loue
Augusto
Civùatis lectum tributum.
Quoi qu'il en soit , ce docte membre de l'Institut n'hé-
site pas à faire remonter cet autel au siècle d'Auguste.
En juillet 1838, on découvrit à Angers, près de la porte
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 61
de la Vieille-Chartre , sous le mur de la Cité , uue tombe
chargée de l'épitaphe que voici :
D. M.
ae : iae epjcarpiak (1)
: on ; vg :
BEN j DE SE MERITAE
A j : j I10CLES
AVG DISP
Cette tombe, que l'on peut voir au musée Toussaint, a
1 mètre 16 cent, de haut, sur autant de large; l'épaisseur
de la pierre de tuf, qui était autrefois d'un seul bloc, est de
50 cent. ; les capitales creusées ont environ 8 cent, de lon-
gueur et sont d'un beau romain.
Après avoir retourné cette inscription en divers sens, je
me suis arrêté à la rétablir ainsi :
Dits Manibus
Aeliae Epicarpiae
conjugis
benè de se meritae
Agaihocles
Augusii dispensaior.
Il suffit d'ouvrir Gruter pour savoir, en etfet, que les
lettres D. m. signifient Diis Manibus.
Quant au nom d'Aelia , on le trouve fréquemment daus
les épitaphes romaines recueillies par le même auteur. Le
(1) Peut être devrait-on lire evcarpiae ? Ce nom se trouve , en effet,
sur un sarcoplvt^e dans le jardin du rouvent de St.- Barthélémy, près
«le Nice f Voir Untlctiu monumental de M. de Caumout , année 186.');.
62 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
mot conjugis va tout'seul ; et pour ce qui est de la quatrième
ligne, bewe de se, etc. , c'est une formule que l'on rencontre
encore dans Gruler et notamment à la page 596 , épitaphe
de Julia Pelagia.
Agaihocles ne présente aucune difficulté ; et il en est de
même d'Augusti dispensator : c'était une charge , dans la
maison de l'Empereur , correspondant à celle d'intendant ,
d'économe, de trésorier ou de maître-d'hôtel. Gruter, sous
le titre : Officiorum domus augustee et privatorum , men-
tionne beaucoup d'inscriptions ( pages 596 et 597 ) portant
les mots d'Augusti dispensator.
On pourra donc traduire l'épitaphe en question comme
suit:
Aux Dieux Mânes
d'Aelia Epicarpia
épouse
gui a bien mérité
Agathoclès
intendant de L'Empereur
Il est remarquable que les noms Epicarpia et Agathoclès
ont une origine grecque.
Ces trois inscriptions ne sont pas les seules qui aient été
découvertes à Angers , mais elles sont les seules de ce genre
qui existent aujourd'hui.
D'après M. de Longperrier , elles appartiennent incon-
testablement à la belle époque de l'épigraphie , c'est-à-dire
au Ier. siècle de notre ère. Constatons que le nom abrégé
à' Auguste, avg., figure sur chacune d'elles. C'est là comme
une date de la haute antiquité de notre ville d'Angers, dont
le nom de Juliomagus indique suffisamment qu'elle était
XXIX\ SESSION, A SAUMUR. 63
Julienne, je veux dire honorée de porter le nom de Jules-
César (1).
Parmi les inscriptions aujourd'hui perdues, nous en ci-
terons une recueillie dans la Description de 'la ville d'An-
gers, de Péan de La Tuilerie; Angers, Billault , 1778 :
« Le 29 janvier 1625, dit-il, des paveurs, qui travaillaient
« près cette même église (St.- Julien), trouvèrent une pierre
« ardoisiue sur laquelle était gravée , en lettres romaines ,
« celte épitaphe :
SUB HUJUS LAPIDIS TEGUMENTO CONDIT.E
VIKI BON.E MEMORISE NOMINE ;
SEPTIMO IDUS APRILIS OBIIT IN PACE,
IN PRIMO ANNO REGNANTE CESARE.
Nous ne croyons pas à l'authenticité de cette épitaphe; sa
dernière ligne : In primo anno régnante Cccsare, ne nous
semble point avoir appartenu au vrai style lapidaire des
anciens.
Nous avions raison, car depuis, en lisant le journal de
Louvet, p. 132, Revue d'Anjou, 2e. livr. , 1856, nous avons
trouvé que la véritable inscription ne porte point In primo
anno régnante C césar e , mais bien In primo atino regni.
Carol.
Quel est ce Charles? Louvet semble croire qu'il s'agit de
Charlemagne ; mais je crois qu'il se trompe , et nous en
faisons ressortir la preuve de l'une de ses propres phrases;
car il dit que les lettres de cette épitaphe sont romaines.
Or, comme ces lettres ne sont redevenues en usage qu'au
commencement du XVIe. siècle en Anjou , il s'ensuit que le
nom deCaroli ne peut guère s'appliquer ici qu'à Charles IX,
(1) Voir, pour les villes Atténues, l'Encyclopédie de 1778, au mot
Jllia. Voir Revue des Sociétés savantes, oe. livr., septembre 1857,
Mémoire de M, Félix Bourquelof, p. 270.
64 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
et conséquemmenl que ladite inscription n'est pas romaine.
Le savant abbé Cochet , dans une lettre qu'il nous écrit
(Dieppe, 1k mai 1862), croit qu'elle est du IXe. ou du
Xe. siècle, à cause de sa teneur; il la compare à d'autres
inscriptions dont la formule est analogue et qui même
remontent à l'époque mérovingienne (Voir, nous dit-il,
l'ouvrage de M. Leblant sur les inscriptions chrétiennes de
la Gaule, antérieures au XIII*. siècle). Quoi qu'il en soit ,
cette épitaphe n'est pas romaine, et c'était là surtout ce que
nous avions à cœur de prouver.
Il en est autrement de trois autres que M. Berthe, dans
le tome Ier. de ses Manuscrits , nous a conservées. Elles ont
été découvertes vers 1813 , dans une cave que M. Puységur
fit creuser sous le mur gallo-romain d'Angers, près de l'aile
sud de St. -Maurice. On ne sait ce qu'elles sont devenues. La
première était une épitaphe gravée sur une pierre de h pieds
6 pouces de hauteur sur 2 de large. Les lettres étaient peintes
en rouge :
DUS MANIBVS
DVRON1AE
GEMIMNAE
DVRONIVS
PJLAGVS
FIL1AE PIISSIMAE
POSV1T
Aux Dieux Mânes
de Duronia
Geminina
Duronius
Pitagus
à sa fille très- pieuse
érigea ce monument.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 65
La seconde épilaphc était haute de 5 pieds 6 pouces, sur
2 pieds 6 pouces de large :
nus MANIBVS
AIBKIXL1SI
DIANTAE VXORIS
SEXTVS (1)
L1GVRVS
SEXTVS
POSV1T.
La seconde ligne est-elle un seul nom , ou l'ensemble de
plusieurs prénoms ! En outre, la lettre K, d'origine grecque,
et que les Latins n'adoptèrent qu'avec réserve, rend l'in-
terprétation de cette ligne fort difficile. Quant au mot Sextus,
deux fois répété au nominatif, je crois qu'il y a erreur dans
la copie de RI. Berthe : il faudrait pour le premier le génitif
Sexti; ce qui nous porte à croire que Bodin a mieux
reproduit cette partie de l'épitaphe , en écrivant Sex , qui
permet l'adoption de Sexti.
Malheureusement cet auteur n'a risqué aucune inter-
prétation, et nous devrions peut-être l'imiter; cependant,
sous toute réserve, nous essaierons de traduire ainsi :
Aux Dieux Mânes
de (un prénom d'origine grecque présumée, à cause du K)
Dianta, épouse
de Sextus ,
Ligurus
Sextus
a érigé ce monument.
(1) Bodin écrit seulement Sex. Voir p. 45, t. Ier. , Bas- Anjou. La
distribution du nombre de mots dans chaque ligne n'est pas non plus
la même.
66 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ce Ligurus Sextus était sans doute le frère , tout au moins
le parent du Sextus, mari de Dianta.
La troisième épitaphe était très-ornée. On y voyait, sur un
fronton triangulaire, une figure gravée en creux, représentant
un buste de femme, les mamelles nues. Ce buste était inscrit
entre deux lignes courbes, du milieu de chacune desquelles
pendait une branche à cinq feuilles. Au-dessous du fronton
triangulaire, régnait une sorte de frise ornée d'au moins huit
rameaux droits. Venait, plus bas, l'épilapbe entre deux
ornements, colonnes ou pilastres.
Les lettres avaient deux pouces de hauteur et étaient
peintes en rouge :
D M
ET MEMORIA [e]
AETERNAE
NVINTARVSER
CONIVGIS PIENT1SSIMA [E]
MELIVS GEKVIN1VS M. T.
NERVLNVS CENÏVRIO
LEG W. P. E.
F C
Le nom ou les noms de la quatrième ligne m'embarrassent.
Les sixième et septième lignes renferment-elles un seul nom
ou bien deux ? Les lettres M. T. sont-elles les initiales de
deux prénoms ou d'une charge? Les trois derniers caractères
de la ligne huit laissent de l'incertitude. Voici nos essais de
traduction :
Aux Dieux Mânes
et à la mémoire éternelle
de ( nom à chercher )
épouse très méritante,
XXIXe. Sr.SSION , A SAUMUK. 67
Melius Gervinius , tribun des soldats,
et iServinus , centurion
de la légion X ,
ont pris soin d'élever ce monument.
Dans cette traduction, M ï signifient militum tribunus ;
¥ (1, faciendwn curaverunt ; LE'G, legionis ; W , X (con-
sulter à ce sujet Comarmoiid , p. xxxvm , p. 236-261 , p.
LUI, p. xxvil de sa Description du musée lapidaire de Lyon).
M. Albert Lemarchand, dans son Rapport sur le concours
de 1858 (Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et
arts d'Angers» p. 29, année 1859), complète ainsi notre
traduction :
Aux Dieux Mânes
et à la mémoire
éternelle
de Nut'nta , épouse de Ru fus Sirvius
très-méritante ,
Melius Gervinius, tribun des soldats,
et IServinus , centttrion
de la légion X, ses parents,
ont pris soin d'élever ce monument.
Dans ce système, les lettres de la quatrième ligne doivent
se lire : nvintae rvf servii , et le p et Te de la huitième
ligne, PARENTES E1VS.
11 est remarquable que quatre de ces inscriptions sont
dédiées à des épouses, et une cinquième à une fille.
Enfin il est une dernière inscription que nous voulons
citer , c'est celle qui nous a fait connaître l'existence d'un
cirque à Angers, monument qu'il ne faut pas confondre avec
notre amphithéâtre.
Une belle frise en pierre calcaire, brisée en plusieurs
08 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
morceaux, fut découverte vers 1813, dans les caves delà
maison Poységur, place St. -Maurice. Celte frise portait cette
partie d'une inscription en lettres de 3 pouces 6 lignes, creusées
et peintes en rouge :
C. RVFIO CIRCV. MI. T. V. EXT. ; ; j • LPX.
Peut-être devra-t-on l'interpréter ainsi : Consule Rufio
circus Minervcc tributo urbano exsiructus ; c'est-à-dire :
Rufius étant consul , un cirque fut construit en l'honneur
de Minerve, à l'aide d'un impôt municipal. Quant aux
lettres LPX , j'ignore ce qu'elles peuvent signifier , à moins
que ce ne soit ludi publici x , jeux publics dix , en l'hon-
neur de la déesse ; mais comme, entre le mot ext et les
lettres lpx, il existe une lacune , il sera toujours difficile de
bien se rendre compte de cette fin de l'inscription.
Pour ce qui est du nom de rvfivs , on le trouve souvent
dans Gruler, et la Table de Riccioli fait mention de quatre
consuls de ce nom , savoir :
L'an 365 de Jésus-Christ, Rufius Albinus.
423 Rufius Marinianus.
501 Rufius A vie nu s.
502 Rufius Avienus , le jeune.
Le premier de ces consuls nous paraît devoir être celui
qui peut le mieux se rapporter à notre inscription : d'abord,
parce qu'au milieu du IVe. siècle les jeux du cirque étaient
en vogue, et même à Constantinople sous les empereurs Con-
stantin et Théodose ; ensuite parce que , le paganisme étant
loin d'être banni de la Gaule en 365 , la déesse Minerve
pouvait encore très-bien à celte époque être honorée sur la
frise du cirque d'Angers; car, d'après notre inscription,
nous ne doutons point qu'il n'en ait existé un en notre ville.
Il est regrettable que la frise en question ai! élé aussitôt
XXÏX*. SESSION , A S'AUMUR. 69
perdue que découverte (1 ) ; heureusement que la biblio-
thèque d'Angers en possède un dessin dans le tome Ier.,
page 14, des manuscrits de M. Berthe.
Ce dessin nous représente un entablement composé d'une
corniche, d'une frise et d'une architrave , qui ne pouvaient
convenir qu'au fronton d'un édifice public.
Mais où pouvait être ce cirque?
Jusqu'ici personne ne s'en est préoccupé, et cela devait
être en l'absence de tontes traces quelconques d'un pareil
monument. Les choses en étaient là , lorsqu'en septembre
18M , dans un terrain appartenant à M. Cassin et situé le
long du boulevard de la Basse-Chaîne, en regard du château,
à main gauche en descendant , l'on découvrit, en préparant
les fondations de la maison qu'occupe aujourd'hui M. Servais,
marbrier, une enceinte serai- circulaire d'une étendue de
23 mètres, mais qui devait être beaucoup plus grande, les
déblais n'ayant pas été continués jusqu'aux extrémités de la
courbe. Le dos de la combe regardait le nord-nord-est. Le
mur de celte enceinte était formé de grandes pierres
de taille, au sommet desquelles régnait une corniche d'en-
viron 16 centimètres de saillie. Ce mur pouvait avoir 66 cenf.
d'épaisseur à son sommet, autant à sa base, et 50 seulement
au milieu de sa hauteur; car il avait ce que l'on nomme du
fruit, c'est-à-dire qu'il affectait celte forme en retraite que
l'on remarque dans nos manèges modernes; et, disons-le de
suite, c'est cette forme qui nous a déterminé à croire que
cet hémicycle avait dû être le rond-point d'un cirque ,
autrement d'un hippodrome romain.
Ce mur semi-circulaire, haut de 2 mètres 33, qui pouvait
bien avoir été le podium du cirque, était enterré d'autant
sous les décombres. Ces décombres, chose assez remarquable!
(J) Voir Bulletin tic la Société industrielle d'Angers, p. *20o, t. IX.
70 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
étaient en grande partie composés de fragments de vases en
terre rouge , d'un beau vernis, et sur lesquels on voyait en
relief des chasses , des combats et des scènes mythologiques.
Au pied du podium et sur l'aire de l'hémicycle, se trouvait
une couche de sable fin , de 30 centimètres d'épaisseur. Ce
sable recouvrait un fond de schiste très-horizontalement taillé.
La façade de ce cirque devait être au sud-sud-ouest ,
comme aussi son inscription dédiée à Minerve. On sait
qu'un cirque diffère d'un amphithéâtre, en ce qu'il affecte la
forme d'un carré long, terminé d'un côté par un hémicycle,
tandis que l'amphithéâtre est elliptique.
Ordinairement , la façade carrée d'un cirque était percée
de trois portes, au-dessus desquelles régnait une frise portant
inscription. Or, comme la partie semi-circulaire de notre
cirque était au nord-nord-est , sa façade , sans aucun doute ,
regardait le sud-sud-ouest.
En 1860, l'on trouva, dans le même endroit du boulevard
de la Basse-Chaîne , maison Jeanneteau , une statuette an-
tique en cuivre, haute de 13 centimètres, représentant un
génie nu, ailé, tenant dans ses mains une boule. Ce génie ,
coiffé d'une sorte de bonnet phrygien, se tient dans l'attitude
d'une personne qui court; il est debout sur un dauphin
dont la queue se dresse jusqu'à la hauteur des ailes du génie.
Ce dauphin paraît posé sur un globe légèrement ovoïde ,
engagé dans une douille hexagone dont la partie creuse
permettait à une tige de métal d'être introduite. A cette
douille est fixée une espèce d'anse oblongue , où devait s'at-
tacher une chaîne. Rapprochement assez curieux! le dauphin
était l'ornement obligé de tous les cirques (Voir Dictionnaire
des antiquités romaines et grecques , traduit par Cherruel ,
au mot Delphinus). Ajoutons que, dans ces mêmes cirques,
ou voyait des dauphins posés sur des globes (Encyclopédie,
au mot Dauphin).
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 73
Il est donc plus que probable que notre petit bronze, classé
sous le n°. 8, 2e. catal. du musée des antiquités d'Angers, se
rapportait à l'ornement du cirque de notre cité. Mais quelle
signification pouvaient avoir le dauphin et le globe ovoïde ?
Le dauphin , dit Cherruel précité , « était choisi en l'honneur
« de Neptune , l'œuf en l'honneur de Castor et de Pollux. »
Or, Neptune fit, suivant la fable, sonir des entrailles de la
terre le premier cheval ; on lui donnait le soin des chevaux
et des chars, et ses fêtes se célébraient par des jeux équestres.
On l'appelait Hippws, parce qu'il fut le premier qui trouva
l'art de dompter les chevaux. Donc le dauphin, son emblème,
convenait parfaitement à l'ornement d'un cirque.
D'un autre côté , Castor était le patron de ceux qui dis-
putaient le prix de la course à cheval , et Pollux celui des
lutteurs, parce qu'il avait remporté le prix aux jeux olym-
piques dans les courses de chars ; on voit le rapprochement.
On entend alors la note suivante , de M. Dupuis, sur les
inscriptions gallo-romaines du musée d'Orléans.
NOTE DE M. DUPUIS.
Inscription trouvée dans les fouilles de la fontaine de CEtuve'e,
à 2 kilomètres nord d'Orléans.
AUG. ACION^.
SACRUM.
CAPILLUS. ILLIO
MARI. PORTIGUM.
CUM. SUIS. ORNA
MENTIS. V. S. L. M.
Aciona est regardée comme la divinité topique de la fon-
taine.
72 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
lias-relief trouvé dans les fondations d'une tour de fortification sur le
quai d'Orléans.
Pierre lumulaire représentant un homme armé d'un fouet.
Au-dessus est l'inscription suivante :
D. M. L. M.
MARCO. MARSILLIA
Elle est gravée dans l'ouvrage de Jollois sur les antiquités
du Loiret.
Borne milliaire trouvée sur la voie de Genabum à Salioclilum
C Saclas ) , lors de la construction du chemin de fer.
JMP. C. L. D. AURE
LIANO. P. F. INVI. C.
AUG. POINT. M. P. P. T. P. Vil.
COSS. III. GERM. GOT. M. PA
R. M. DA. M. CAR. M. IM.
Que le catalogue du musée traduit ainsi :
Imperatori Caio Lucio Domilio Aurdiano
pio fetici invicto Cœsari augnsto
pontifia maximo patri patries
tribuno plebis Vil consuli lll
Germanico Golhico maximo Parthico
maximo Dacico maximo Carpico
maximo l millia (passuum)
Sur le socle d'un cheval de bronze trouvé à Reuvy , en Sullias.
AUG. RUDIOBO SACRUM
CUR. CASSICIATE D. S. P. D.
SER. ESUMACIUS. SACROVIR. SERIOMAGIUS. SEVERUS
F. C.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 73
ANCIENS PONTS SUR LA LOIRE, VERS LE MILIEU DBj-SON COURS.
I. Ponts détruits. — Il y avait un pont gaulois à Gena-
bum. Il n'en reste aucune trace , malgré les prétentions
contraires, ni à Orléans, ni à Gien, ni à Chàtcauncuf qui
revendiquent la position de Genabum. Les ruines de piles
qu'on a prétendu retrouver sont ou des arrachements na-
turels, ou des restes de barrages.
On rencontrait encore , sur la Loire, quelques ponts ap-
partenant au moyen-âge dans les localités suivantes :
A Gien. Le pont, détruit vers la fin du XV4. siècle,
occupait le même emplacement que le pont actuel.
A Sully. 11 avait été construit au XIe. siècle et a été
détruit au commencement du XVIIe.
A Javgeau. Bâti au XIIIe. siècle, détruit au XVIIIe. ; il
occupait le lieu du pont suspendu actuel.
A Orléans. Le pont fut détruit au milieu du XVIe. siècle.
A Meung. Bâti au XIIIe. siècle, le pont fut ruiné au
milieu du XVIIe.
A Blois, il existait, en 1089, un pont qui fut détruit au
commencement du XVIIIe. siècle.
A Amboise, sur le bras gauche. Pont supposé du XV. siècle.
A Tours (de St.-Symphorien ). Le pont fut bâti vers
1037, d'après une charte d'Eudcs-le-Champenois , comte
de Chartres et de Blois.
A Saumur. Les anciens ponts en bois de Saumur furent
construits en 1161. L'ancien pont des Sept- Voies a été
construit en 1230.
Aux Ponts-de-Cè. Le pont St. -Aubin, construit en 1050 ;
le pont St.-Maurille , dans le XIP. siècle.
II. Ponts existants. — Gien et Blois possédaient des
ponts au commencement du XVIII". siècle.
Bcaugency. Il existait un pont dans cette localité au XIU.
siècle.
7i CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Il est donné communication de la note suivante, par
M. l'abbé Lacurie, sur les nouvelles acquisitions du musée
lapidaire de Saintes.
NOTi; DE M. L ABBÉ LACURIF.
N°. 93. Fragment d'une corniche tirée des fouilles de
l'Hôpital civil en l.si 2.
N°. 96. Fragment d'une inscription provenant des fouilles
dans les murs de l'Hôpital en 1852.
N°. 95. Fragment d'une frise provenant des fouilles faites
dans les murs de l'Hôpital en 1852.
N°. 96. Fragment d'une corniche, faisant suite aux nos.
33 , 35 , 38 , 60 , provenant des fouilles faites dans les murs
de l'Hôpital en 1855.
N°. 97. Fragment de corniche provenant des fouilles
faites dans les murs de l'Hôpital en 1862.
N°. 98. Fragment d'une frise provenant des fouilles
faites dans les murs de l'Hôpital en 1862.
N°. 99. Fragment d'une corniche , faisant suite au p°. 93,
provenant des fouilles faites dans les murs de l'Hôpital en 1862.
IN0. 100. — Fragment d'une inscription, faisant partie d'un
édifice en l'honneur de CORNETO DVBNO , provenant des
fouilles faites dans les murs de l'Hôpital en 1853.
N°. 101. Fragment d'une frise, faisant suite aux n05. 31 ,
32 , 67 , 69 , provenant de fouilles faites à l'Hôpital en 1853.
N°. 102. Fragment d'un cippe funéraire tiré^des murs
de l'Hôpital en 1853.
Ce marbre a été lu ainsi par M. Comarmond :
Diis Manibus.
ET MEJV10RI
AE Caii Lucii RVFI RVFI
MARITI S VI.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 75
Le reste manque.
N°. 103. Fragment d'un groupe, représentant la partie
supérieure d'un cavalier et la tête de son cheval , sous une
arcade, provenant des fouilles dans les murs de l'Hôpital
en 1858
N°. 104. Fragment d'un groupe, dont on ne voit que la
partie inférieure (ce bloc faisait angle à un édifice qu'on
ne peut juger), provenant des fouilles dans les murs de
l'Hôpital en 1858.
N°. 105. Fragment d'une corniche, couronnant un dessus
de passage, provenant des fouilles dans les murs de l'Hôpital
en 1858.
N°. 106. Fragment d'une statue de saint Sébastien, donnée
par la famille Bruneau en 1 859.
N°. 107. Fragment trouvé dans les murs de l'Hôpital en 1862.
N°. 108. Chapiteau corinthien, à feuilles de laurier, pro-
venant des fouilles dans les murs de l'Hôpital en 1858.
N°. 109. Chapiteau historié provenant des fouilles faites
sur la place de St.-Eutrope en 1857.
N°. 110. Cippe funéraire trouvé sous le pavé de l'église
d'Aulnay en 1859.
Ce marbre a été lu ainsi par M. l'abbé Paris :
Lucius avtivs Uicii Yiiius
ANimt vOBtissimi ivLit
MlLes LEGionis XIIII
GEMince, ANNCW
XXXV STlPendiarius XV
Hic sepultus Est.
N°\ 111, 112, 113. Fragments de cippes funéraires
trouvés à Aulnay en 1859.
N°. 1 1 £i. Fragment d'un groupe que l'on ne peut guère
juger, faisant angle , provenant des fouilles dans les murs de
l'Hôpital.en 1858.
76 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
N°. 115. Torse d'un soldat nu et armé, provenant des
fouilles dans les murs de l'Hôpital en 1859.
N°. 116. Auge sépulcrale creusée dans une colonne im-
briquée, trouvée dans les fouilles de St. -Vivien en 1858.
N°. 117. Tête de Caracalla couronnée de lierre , trouvée
dans les anciens fossés de Saintes , en 1857 ; le reste n'a pas
pu être trouvé.
N08. 118,119. Fragments de mosaïque trouvés au bord
de !a rivière, dans le périmètre de la ville gallo-romaine.
Ncs. 120, 121. Mosaïque trouvée à Bernay , arrondis-
sement de St.-Jean-d'Angély , offerte parla commune de
Bernay.
N°. 122. Fragment d'inscription ayant fait partie d'un
édifice considérable élevé à la mémoire d'un père par sa fille.
N°. 123. Tête trouvée dans le périmètre de la ville gallo-
romaine en 1861. Don de M. André Taillasson.
N°. 12Zi. Fragment d'une tète de Midas trouvée dans le
périmètre de la ville gallo-romaine en 1861. Don de M. André
Taillasson.
N°. 125. Inscription tumulaire provenant de l'église de
St.-Maur. Don de M. Marc Arnauld.
N°. 126. Vitrine renfermant des débris celtiques et ro-
mains, et un échantillon des roches du département.
Cette lecture est suivie de quelques renseignements que
M. le commandant Prévost veut bien donner, à la demande
de M. de Caumont, sur le château de Saumur que le Congrès
doit visiter à midi. M. Prévost remarque d'abord qu'on
manque de documents sur l'origine et l'histoire primitive
de ce château, qu'il fait remonter au XIIe. siècle; puis il
donne quelques détails sur ses quatre tours , reliées par des
courtines: sur la forme do ces tours, circulaires à la base et
octogones à la partie supérieure, forme qui annonce deux
XXIX*. SESSION , A SAl'MUR. 77
époques. M. Prévost signale des contreforts du XVe. siècle et
une partie toute moderne où se trouve une toiture plate de
mauvais goût. Enfin , M. Prévost veut bien proposer au
Congrès de donner, sur les lieux mêmes, des renseignements
plus complets.
M. de Caumont demande à M. Prévost de vouloir bien
faire connaître au Congrès des murs vitrifiés qu'il a pu
observer dans plusieurs localités et à Sr.-Suzanne, petite
ville de la Mayenne. Quelle est la nature de ces vitrifications?
Quelle en peut être l'origine?
M. Prévost lit le travail suivant , en réponse à cette
question :
NOTE DE M. PRÉVOST.
Parmi les anciens édifices militaires qui méritent le plus
d'attirer l'attention des arebéologues , il en est dont la con-
struction est restée jusqu'à ce jour un problème, une énigme:
nous voulons parler des murs vitrifiés.
On les trouve en Ecosse, où ils formaient des châteaux
entiers , et dans quelques départements de l'ouest de la
France: notamment dans l'Orne, au vieux manoir de La
Courbe j. près Argentan; dans les Côtes-du-Nord , à Péran ,
et dans la Mayenne , à Ste. -Suzanne.
M. de Caumont vient de nous faire connaître que M. Garnicr
a récemment découvert des vitrifications dans un ancien fort ,
à St. -Jean-sur-Mayenne , non loin de Laval. A en juger par
les descriptions qui ont été faites des forts vitrifiés de
l'Ecosse (1), ils ont une grande analogie avec une partie de
l'enceinte de Ste. -Suzanne. Ce que l'on voit à La Courbe est
(1) Voir Parlscîe inséré , par M. Ballier , dans les Mémoires de l'Aca-
démie celtique, t. III , 1809 , p. 399.
78 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DU, FRANCE.
trop peu caractérisé pour être étudié avec fruit. Nous ue
connaissons qu'imparfaitement les murs de St.-Jean, sur
lesquels nous attendons les plus amples renseignements.
Quant à Péran , le phénomène a été l'objet de minutieuses
investigations de la part de M. Geslin de Bourgogne (1).
Ici, les vitrifications existent à l'intérieur des murs bien plus
que sur les parements extérieurs; l'action ignée paraît avoir
beaucoup plus tourmenté les maçonneries qu'elle ne l'a fait
à Ste. -Suzanne et en Ecosse, où les remparts présentent
d'ordinaire l'aspect suivant: ce sont des pierres d'un petit
volume et de formes très-irrégulières ; leur nature est un
grès plus ou moins réfractaire , mais très-coloré par de
l'oxyde de fer (2). Elles sont reliées entre elles à l'aide d'une
substance vitreuse, en tout semblable aux laitiers des hauts-
fourneaux. On dirait un opus inee'rtum, dans lequel un verre
grossier tiendrait la place du mortier ou du ciment usités
pour les constructions ordinaires. Chaque pierre est noyée
et entourée par la matière vitrifiée ; elle-même porte des
traces non équivoques de l'action d'un feu violent. Les murs
sont construits de la façon que nous venons d'indiquer ,
dans toute leur épaisseur ; seulement il ne nous a pas été
possible de vérifier, à St". -Suzanne, si la vitrification est
aussi complète à. l'intérieur du massif que sur le parement :
nous ne le pensons pas.
Par quel procédé obtenait-on ces maçonneries vitrifiées?
Tous les savants, qui ont étudié cette question, sont una-
nimes pour reconnaître que l'application du feu a été faite
sur de grands massifs de murs à la fois ; mais ils diffèrent
pour les détails de l'opération.
Suivant Williams et Black (3), « quand on voulait con-
(1) Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. VIII, 1846.
(2) APéraa, les pierres sont granitiques ou schisteuses.
[o) Voir le mémoire de M. Ballier précité.
XXIX*. SESSION , A SAUMUR. 79
<< slruire une muraille de verre, on commençait parfaire
« un moule composé, selon toute apparence, de deux levées
<i de terre ou de gazon , qui laissaient entre elles un intcr-
« valle exactement égal à l'épaisseur que devait avoir la mu-
« raille, et qui la surpassaient un peu en hauteur. On rem-
it plissait ce moule de bois et de matières vitrifiables réduites
« en éclats d'un médiocre volume. On allumait, on entre-
« tenait le feu , et il en résultait une première couche de
« matière vitrifiée , qui allait se déposer au fond du moule.
« On obtenait une seconde couche par un procédé tout
« semblable, et l'on répétait l'opération jusqu'à ce que la
« muraille eût atteint la hauteur qu'on voulait lui donner.
« Le moule enfin , étant détruit , laissait voir la muraille à
« découvert. C'est ainsi que, sans mortier , sans maçons et
« sans autres instruments que ceux propres à couper le bois
« et à casser la pierre, on venait à bout d'élever des murailles
<« très-hautes et très-solides.
« Dans ces temps-là , le bois n'était pas rare sans doute :
« et il est reconnu que la pierre la plus commune dans le
« pays est de nature à entrer assez facilement en fusion. »
L'emploi de ce moyen nous paraît inadmissible ; nous ne
concevons pas comment on aurait pu avoir une ventilation
assez active pour former une température capable de fondre
des pierres: manquant de l'air nécessaire, le bois serait
resté à l'état de charbon.
En tout cas, pour ce qui est des murs de Ste. -Suzanne ,
ce n'est pas ainsi qu'on a dû s'y prendre. Les moellons de
grès ne sont pas arrivés à l'état de fusion , ils ont conservé
leur forme première et sont simplement entourés d'une pâte
vitreuse.
M. Geslin de Bourgogne suppose , pour les murs de IJé-
ran , qu'on les a maçonnés avec des fragments de granit,
de quartz et de schiste, sans mortier; des matières combtis-
80 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
libles, mêlées en quantité suffisante avec les pierres du massif,
des évenls convenablement ménagés pour la ventilation per-
mettaient d'obtenir la température voulue. Avant de mettre
le feu , on entourait le tout de terre qui empêchait la dé-
formation de la muraille, et qu'on a, du reste , laissée même
après l'opération terminée.
11 nous semble qu'il eût été plus sûr de construire d'abord,
avec des pierres , de la chaux et du sable , la maçonnerie ;
puis de l'envelopper de combustible qu'il aurait été facile
de renouveler jusqu'à ce que le résultat désiré eût été obtenu.
Brûlant à l'air libre, le bois pouvait se consumer complète-
lement et fournir les cendres nécessaires pour composer ,
avec le sable et la chaux du mortier , l'espèce de verre qui
enveloppe chaque pierre. La déformation du mur n'était pas
à craindre puisqu'il était bien homogène, sans matière com-
bustible dans son intérieur.
Quoi qu'il en soit , si l'on ignore les procédés mis en usage
pour arriver à créer ces fortifications de verre , tout le monde
est d'accord pour les faire remonter à une antiquité très-
reculée.
Nous pensons qu'il y a beaucoup à rabattre de cette anti-
quité prétendue, au moins pour les murs de St*. -Suzanne.
Nous ferons observer, d'abord, que leurs vitrifications n'existent
que sur une longueur de 10 mètres au plus et sur une hau-
teur de 1 mètre au-dessus du sol extérieur actuel. Peut-être,
au-dessous, en trouverait-on si l'on faisait des fouilles; mais
ce ne serait pas à une bien grande profondeur , le rocher qui
supporte le mur est trop près. 1M. l'abbé Gérault (1), M. de La
Pylaie et M. Mérimée (2), dans leur étude sur Sle. -Suzanne ,
n'ont pu éclaircir cette question du procédé employé pour
(1) Notice sur Sle.-Suzanne, 1840.
(2) Tome VIII des Mémoires de la Sodélé dis Antiquaires de France.
\Xt\'. SMSSION , A SAUMUK. 81
édifier ta portion vitrifiée de l'enceinte ; il résulte de leurs
observations, qu'on ne doit pas attribuer la pâte de verre
à l'existence d'un four à chaux ou d'un haut-fourneau accolé
au rempart: la position, exceptionnellement élevée, et l'accès
difficile du mamelon sur lequel est située la ville ne
permettent aucun doute à cet égard. M. Dupeyroux , dans
son intéressant ouvrage intitulé : Les Alpes Mancelies (1) ,
indique comme possible l'incendie d'un agger , construit en
fascines par des assiégeants , auquel les défenseurs auraient
mis le feu, au moment où ce moyen d'attaque, après avoir
atteint les murs, allait livrer passage aux ennemis.
L'idée de cet agger nous paraît difficile à admettre. Le
petit chemin qui règne aujourd'hui entre le sommet du
ravin et le pied de l'enceinte de Ste. -Suzanne est moderne ;
il n'existait autrefois, en cet endroit, que des blocs de
rochers irrégulièrement amoncelés par la convulsion géolo-
gique qui a créé le lit de la rivière d'Erve, et la déchirure
escarpée dont les bords sont couronnés par les remparts.
Pour conduire un agger jusqu'aux pieds de ces derniers, on
aurait eu à combler un large et profond ravin ; et ce travail ,
comparable à ce qui s'est fait dans les plus laborieux sièges
de l'antiquité et du moyen- âge, aurait eu un retentissement
dont nos annales conserveraient des traces ; or , il n'en est
parlé nulle part.
Voici quel est notre avis sur la cause des vitrifications de
S". -Suzanne :
Après avoir vu leur enceinte ouverte par une brèche de
10 mètres de largeur, les habitants auront profité de la nuit
pour enlever les débris du mur écroulés, nettoyer le pied
de la brèche et y entasser des fagots auxquels ils auront mis
le feu. Puis, pendant plusieurs jours , jetant sans relâche des
(4) Le Mans, 1860, p. 286.
82 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
matières combustibles dans le foyer, ils se seront fait un
obstacle igné contre les tentatives des assaillants.
Cette défense des brèches par le feu est fréquente à toutes
les époques de l'histoire; elle est, de nos jours, recommandée
dans les ouvrages classiques sur l'art des sièges.
Les conséquences d'un pareil incendie, long-temps en-
tretenu , sont trop faciles à saisir pour que nous insistions
davantage. A l'appui de l'hypothèse que nous venons d'émettre,
nous citerons une observation qui nous paraît importante :
il y a vingt ans, on voyait eucore saillir, sur le parement
vitrifié de S,e.-Suzanne, une excroissance presque entièrement
sphérique, de près de 0"'. 60 centimètres de diamètre. C'était
comme une grosse loupe de laitier, provenant d'une tem-
pérature excessive sur ce point de la muraille; une plus
grande fluidité des matières fondues dans le massif de la
maçonnerie aura permis cet écoulement , qui se sera figé
à sa sortie. Cette loupe a disparu ; on voit à sa place un
creux dont les parois sont tapissées de verre, de cendre
et de scories. Il nous semble évident que , si l'on avait eu
l'intention de construire des murs vitrifiés de toutes pièces ,
on aurait , une fois l'opération achevée , enlevé cette ex-
croissance, qui dépareille un parement très-régulier et très-net
dans tout le reste de sa surface. Nous le répétons , il n'y a
lieu de voir à Sls.-Suzanne qu'un accident, et nous croyons
l'avoir expliqué.
La maçonnerie qui surmonte la portion vitrifiée est bien
évidemment d'une date plus récente.
En admettant la supposition d'une brèche défendue par le
feu, il reste à trouver à quelle époque remonte le siège dont
il s'agirait ici, Mous croyons, tout d'abord, qu'il y a lieu
d'écarter l'hypothèse d'une muraille renversée par le bélier,
il n'existait pas autour de la place un espace assez large pour
installer cet engin de destruction. Nous sommes donc forcé
XXIXe. SESSION, A SAUMUtt. 83
de recourir à l'usage du canon , et nous n'hésitons pas a
proposer l'époque du siège de St'. -Suzanne , par Salisbury,
c'est-à-dire l'année 1624. Voici ce qu'on lit, sur ce fait de
guerre , dans la Chronique de La Pucelle (1) :
« Il (le comte de Salisbury) vint mettre le siège devant
« les chastel et ville de Saincte-Suzanne , au uiesme pays du
Maine , où estoit capitaine messire Ambroise de Loré ;
« et ycelui comte y fit assortir et asseoir plusieurs grosses
« bombardes, à la venue duquel ledit messire Ambroise fit
« plusieurs belles escarmouches et saillies, lesquelles por-
« tèrent grand dommage aux Anglois ; et , après ce , le siège
« fut clos de toutes parts. Et , quand il y eut esté quelque
« dix jours , il commença à faire tirer les dits canons et
<' bombardes incessamment jour et nuit , tellement qu'ils
« abattirent grand foison des murs de la dite ville , et y
« fit-on plusieurs escarmouches et saillies d'un costé et
« essays pour assaillir... »
La ville fut obligée de se rendre.
En terminant l'exposé qu'on vient de lire, nous ferons
observer que nous donnons l'explication des vitrifications
de Ste. -Suzanne , par un feu au pied de la brèche, avec
l'arrière-pensée de revoir les lieux et d'y faire exécuter
quelques fouilles, qui nous permettront, il faut l'espérer,
d'asseoir notre opinion d'une manière définitive.
M. de Caumont ajoute à ces détails , qu'aux assises scien-
tifiques tenues à Laval pendant le Concours régional , le 1k
mai dernier, M. Garnier , membre de la Société française
d'archéologie, à Laval, a parlé d'une fortification ovale à
St. -Jean , près Laval , qui est aussi formée de grès concassés
reliés par l'action du feu.
(1) Édition de M. Vallet de Viriville, 1859, p. 228.
84 CONÇUES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. le Président donne lecture d'un chapitre manuscrit
considérable que M. l'abbé Briffault, membre de la Société
française d'archéologie à Saumur , a adressé au Congrès.
Ce chapitre concerne l'histoire des points les plus curieux
de la ligne à suivre pour se rendre de Saumur à Gennes.
Des rcmercîments sont votés à U. l'abbé Briffault, pour
son intéressante communication et pour les nombreux ma-
nuscrits qu'il a adressés au Congrès.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire ,
L'abbé Prudhomme, de Laval.
'Z'\ Séance tin % JEiiii.
Présidence de M. de La Prairie, président de la Société archéologique
de Soissons.
Siègent au bureau : MM. de Caumont , Chedeau, adjoint,
à Saumur; V. Petit, membre du Conseil; l'abbé Le Petit,
secrétaire-général de la Société française d'archéologie ;
de Galembert , Godard-Faultrier et Segretain , inspecteurs
de la Société française d'archéologie.
M. d'Espinay, jugea Saumur, remplit les fonctions de
secrétaire.
M. de Caumont annonce la présence de M. le Secrétaire
de l'Académie de Païenne , qui offre plusieurs ouvrages
publiés dans cette ville et donne un aperçu du mouvement
archéologique en Sicile.
M. de Galembert dépose des copies des peintures de
l'église de Rivière et de St.-!\Icsme de Chinon , et le ma-
XXIX". SL.SS10N, A SA l. MUR. 85
gnilique album de St. -Julien de Tours: ces pièces seront
exposées dans la salle pendant la durée du Congrès.
lM. de Caumont présente le rapport suivant, de la part de
M. Auberlin, de Beaune.
RAPPORT 1>K M. AUUfcKTîX.
Peu de contrées oiïrent des mines plus fécondes pour
l'archéologie que la portion de l'ancien duché de Bourgogne,
qui constitue aujourd'hui le département de la Côle-d'Or.
Appelé par la nature de mes fonctions à connaître, d'une ma-
nière particulière , les antiquités de l'arrondissement de
Beaune , j'ai l'honneur de signaler au Congrès les divers
points où des fouilles pourraient être dirigées avec les meil-
leures chances de succès, j'oserai même dire avec cer-
titude.
Je citerai d'abord, comme étant le plus rapproché de notre
centre administratif, le vallon de Lacune ( Lucuna dans de
vieux titres), à trois kilomètres de Beaune, Des fouilles y ont
été déjà commencées dans d'autres temps , et ne sont pas
restées sans résultats. Cet emplacement renferme plusieurs
tombeaux de l'époque gallo-romaine , dont deux seulement
ont été ouverts. La modicité du crédit alloué m'a em-
pêché d'aller plus loin , et pourtant la journée n'a pas été
perdue : deux beaux sabres en fer sont venus augmenter les
collections de mon musée. Je mentionnerai encore des frag-
ments de poterie commune , une très-belle clef eu bronze,
une meule de moulin à bras et des restes de béton. Le tout
est en la possession de M. Alphonse Marey-Monge, député
de la Côte-d'Or, qui avait entrepris la fouille à ses frais.
Permettez-moi , Messieurs , d'appeler maintenant votre
bienveillante attention sur les antiquités de !.abrmjcrc,c:A\\[o\\
de Seurre, à 32 kilomètres de Beaune.
86 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« Le 15 décembre 1861 , je me rendais à Seurre, où
m'attendait M. P. Mallard, juge de paix du canton et membre
de la Commission archéologique de la Côte-d'Or, qui devait
me guider dans le cours de mes investigations. La journée,
bien que pleinement et sérieusement occupée, n'a malheu-
reusement suffi qu'à un examen un peu sommaire.
« Après une courte visite à l'ancienne maison Bossuet ,
nous nous rendîmes d'abord au cabinet de M. Beaussiron
de Keroëc , percepteur à Seurre , qui possède une certaine
quantité d'objets extraits du sol de Labruyère. J'y ai vu deux
urnes en terre jaunâtre , à panse arrondie , d'une hauteur
d'environ 17 à 20 centimètres, et un assez grand nombre
de médailles moyen-bronze , bien conservées , appartenant
toutes aux règnes de Vespasien et de Domilien , sauf une à
l'effigie de Faustine , et une belle collection de fibules et
agrafes en bronze. Immédiatement après, nous nous rendions
sur le territoire de Labruyère , où nous ne tardâmes pas à
rencontrer le sol d'où provenaient les urnes et les médailles ;
là commença un examen qui fut sérieux et long , vu que ce
terrain offre une superficie d'environ 15 hectares. Sur
l'étendue du terrain que j'indique , les débris céramiques
ne sont pas plus rares que les cailloux. Tous ces débris ,
en terre jaune et rouge , sont réduits en morceaux infini-
ment petits , et sont presque tous couverts de dessins. Nous
avons vu aussi une quantité de tuiles à rebords , assez bien
conservées. Toutes portent les traces du feu , malgré leur
long séjour dans la terre , et il y avait à côté des pierres
presque calcinées.
« Ayant réuni quelques anciens échantillons pour les
collections archéologiques de Beaune , et sûr maintenant
d'avoir une mine féconde à exploiter quand quelques res-
sources m'en fourniraient la possibilité, nous allions, M. Mal-
lard et moi, terminer là nos recherches , quand je donnai un
\\l\c. SESSION, A SAUMUR. 87
coup do pioche à un petit tertre. Un bruit sec m'avertit
que j'avais frappé juste, car j'ai pu retirer plusieurs frag-
ments d'amphores , dont un considérable , encore muni de
ses anses. J'ai trouvé aussi quelques petits morceaux d'un
verre verdàtre , des cendres, du bois calciné et des clous de
charpente d'une très-grande dimension.
« Au moyen de quelques fonds, qui m'ont été alloués par
notre Société d'histoire et d'archéologie, j'ai pu réunir au
musée assez d'objets, provenant du sol de Labruyère, pour
en former une division spéciale. En voici la nomenclature
détaillée : vases funéraires renfermant des cendres et des os,
avec une médaille grand-bronze a l'effigie d'Antonin-le-Pieux ;
fragments et anses d'amphores , en terre jaune et grisâtre ;
clous de charpente et deux tuyaux de conduite en plomb.
J'ai encore à mentionner une quinzaine de fers-à- cheval ,
une magnifique lance, de 18 centimètres de longueur, et des
fers de flèche. Mais voici l'objet le plus ancien de tous, et
dont la présence lève un doute qui a subsisté jusqu'alors
dans l'archéologie gallo-romaine: c'est un éirier en fer;
cet instrument, désigné par Philon sous le nom de stapes ou
stapeda, pièce d'une importance capitale et que je n'ai
pas encore vue jusqu'alors dans nos musées voisins. Plusieurs
antiquaires distingués l'ont visitée avec intérêt.
« Les antiquités de Lucune et de Labruyère occupent leur
place au musée de Beaune , où tout est classé par localité.
Mais il reste encore, dans l'arrondissement, un lieu que je n'ai
pu explorer que des yeux et qui ne demande qu'à être
fouillé : je veux parler d'Essey , nom évidemment celtique
et que l'on a latinisé au moyen-âge par la dénomination
d'Acceicam ou Àcciacum. La rivière d'drmançon prend
sa source à 1 kilomètre et sur le territoire de ce vil-
lage, qui dépend du canton de Pouilly-en-Auxois , ar-
rondissement de Beaune. Dans les champs voisins de, la
88 GONGIIÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
source , on ne peut douter, à l'inspection des lieux , qu'il
n'ait existé là une bourgade de quelque importance , si l'on
en juge par la grande étendue de terrain jonché de tuiles
à rebords , de pierres de substructions , et aux cendres
mélangées avec le sol noirci. La tradition prétend qu'il
existait là une ville appelée la ville d'Armançon, qui aurait
été détruite par un incendie. J'en doute d'autant moins , que
les scories et les pierres rongées par le feu y abondent.
On connaît, passant à environ 600 mètres de FArmançon ,
les traces d'une voie romaine ; quoiqu'elle soit actuellement
en culture , il est facile de la suivre dans toute l'étendue du
Image.
« Je reviens à notre prétendue ville d'Armançon. Vous
savez, Messieurs, tous les efforts que font maintenant les
cultivateurs pour étendre et améliorer leurs fonds. Trois
particuliers entr'autres ont eu l'idée , pendant ce dernier
hiver , d'ouvrir des fossés le long des murées qui longent
leurs champs, à peu de distance de FArmançon, sans autre
but que d'enfouir ces pierres , afin de donner plus d'étendue
et de valeur à leurs propriétés. Au lieu du terrain naturel
qu'on s'attendait à trouver dans ces fossés , on n'a extrait ,
pour me servir d'une expression vulgaire, que des décombres
de bâtiments, tels que sables, chaux, tuiles de toute espèce ,
pavés, etc., etc. Voici maintenant la partie vraiment ar-
chéologique de cette fouille: elle consiste en corniches,
chapiteaux , fûts de colonnes en pierre et débris de marbre
monumental , torse d'une statue et deux têtes sculptées en
relief, quantité innombrable de poteries rouges à dessins et
monnaies grand-bronze de la fin du Haut-Empire.
« J'ajouterai , pour terminer ma description , qu'il y a
déjà plusieurs années, une fouille, entreprise par M. le Maire
et M. le Curé du lieu , a amené la découverte d'une mo-
saïque formée de cubes blancs, bleus et verts. On a encore
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 89
exhumé d'un champ une pierre sculptée, représentant un
char, attelé de deux chevaux , avec leur conducteur. Cette
sculpture, qui avait été acquise par M. le marquis de Villers
La Faye, est actuellement au musée de Dijon. »
Des fouilles pratiquées sur ces points, ainsi que j'ai eu
l'honneur de le dire, ne resteraient pas, Messieurs, sans
résultat, et une allocation, quelque minime qu'elle fût, me
serait de la plus grande utilité. Si Lucune et Labruyère sont
représentés au musée de Beaune par plusieurs objets extraits
de leur sol, il n'en est pas de même d'Essey, qui paraît
offrir aussi une matière considérable à exploration et à
étude.
Ce'rapport est renvoyé à la Commission des allocations.
M. Godard lit le Mémoire suivant, en réponse à la 5e. ques-
tion du programme :
Quels sont les tombeaux gallo-romains trouvés dans la
contrée ?
Sépultures.
Indépendamment des tombeaux à epitaphes , que nous
avons classés dans la série des inscriptions , il est d'autres
sépultures qui ne sont pas moins dignes de remarque.
Lorsqu'en 18ft8 et années suivantes, l'on exécuta les
travaux relatifs à la traverse du chemin de fer au sud-est
d'Angers, on ne fut pas peu surpris de découvrir l'ancien
cimetière gallo-romain de la ville. Dès auparavant , cet en-
droit, où aboutissaient plusieurs voies romaines et que tra-
versaient certains canaux d'aqueduc venant de la fontaine
Frottepenil pour se rendre à Lesvières , dès auparavant,
dis-je , cet endroit avait fourni diverses traces de sépultures.
Ces sépultures peuvent se diviser eu deux classes :
90 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
1°. Celle des urnes ;
2°. Celle des cercueils en plomb.
Première classe. — Urnes.
Ces traces de sépultmaîs sont assurément les plus anciennes,
puisqu'elles remontent à cette époque durant laquelle on
brûlait les corps , c'est-à -dire du Ier. siècle au commence-
ment du IVe.
Parmi ces urnes , trouvées en grand nombre et pleines
encore de détritus d'ossements , de cendres et de charbon ,
les unes sont en terre grise et les autres en terre noire d'un
beau vernis; toutes sont ovoïdes. L'une d'elles porte inscrit
sur sa panse , en lettres tracées avec une pointe, le mot cor ,
qui probablement dut indiquer que le cœur du défunt y avait
été déposé. Une seule urne est en bronze , d'un joli galbe ;
elle fait, avec les précédentes , partie des objets déposés au
musée d'antiquités d'Angers. Sur son anse on remarque , en
relief, llarpocrate ou le génie du silence, avec un autel et
une flamme. Cette urne a été découverte, dès 1839, dans
un coin de l'emplacement qu'occupent aujourd'hui la gare et
ses servitudes. Elle fut trouvée à une profondeur d'environ
1 mètre ; elle est haute de 22 centimètres et a été décrite
par M. Boreau dans l'un des Bulletins de la Société in-
dustrielle, année 1840, p. 38. Elle était remplie d'une sorte
de terreau noirâtre , au milieu duquel se trouvèrent cinq
clous en fer, longs chacun de 5 à 8 centimètres, qui avaient
subi une torsion , sans doute par l'effet du feu du bû-
cher. Tout porte à croire que ces mêmes clous, qui durent
servir à maintenir entr'elles les rondelles de bois destinées
à être brûlées (1), auront été recueillis après la cérémonie
(1) M. l'abbé Cochet vient d'émettre une conjecture semblable à
XXIX". SESSION , A SAUMUR. 91
de l'incinération et déposés dans l'urne en même temps que
plusieurs poignées des cendres du défunt.
Il résulte de l'inspection que nous avons faite du cimetière
gallo-romain d'Angers, que nos pères, dans leurs étranges
cérémonies funèbres, s'y prenaient ainsi : ils creusaient le
terrain près duquel s'élevait le bûcher ; la flamme dévorait
le cadavre, et ses cendres, confondues avec celle du bois,
étaient ensuite jetées au fond de la fosse , après toutefois que
de pieuses mains en avaient recueilli plusieurs poignées dans
de petites urnes. On plaçait ensuite ces urnes, avec des vases
de diverses sortes et des fioles de parfums , sur le dépôt
entier que l'on couvrait de terre , puis d'une colonne ou
d'un cippe.
Ces monuments extérieurs, cippes, colonnes, etc. , ont
disparu , un certain nombre pour aller s'engloutir, lors des
invasions barbares , dans les fondements de l'enceinte élevée
autour de notre cité.
Quoi qu'il en soit, notre cimetière est d'une haute an-
tiquité, et date au moins du IIIe. siècle , époque où l'usage
de brûler les corps était encore reçu (1). Mais, si l'on fait
attention à l'immense quantité de fosses incinérées , de vases
l'occasion de clous découverts dans le cimetière de Barentin, près de
Rouen : « J'ai pu, dit-il, reconnaître, soit dans les vases, soit autour
« d'eux , des clous en fer provenant les premiers, du bâti sur lequel le
« corps avait été brûlé, les derniers, des caisses de bois destinées à
« contenir les vases au moment de leur inhumation. » Voir p. 315 de
la Revue archéologique de Leleux. Paris, 1858, livr. du 15 août.
(I) M. Comarmond, dans sa Description du musée lapidaire de Lyon,
p. 55, prétend même, et non sans de bonnes raisons, que l'usage de
l'incinération tomba en désuétude à Rome vers la fin du l". siècle, et
disparut dans toute l'étendue de l'Empire" vers le milieu et la fin du
IIe. D'après cela , notre cimetière gallo-romain d'Angers daterait au
moins de la fin du IIe. siècle.
92 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cl de débris de vases que l'on y a rencontrés , il esl im-
possible de croire que ce cimetière n'ait pas servi de dépôt
à bien des générations antérieures môme au III*. siècle ;
d'où il est aisé de déduire qu'il peut remonter à l'époque
de la première occupation romaine, temps vers lequel l'usage
de brûler les corps fut très-répandu chez les Romains ; d'où
suit encore que notre ville d'Angers serait contemporaine
au moins d'Auguste; car ici l'habitation des morts prouve
l'existence d'un grand centre de population. Des médailles
d'Antoine et d'Auguste , en argent , trouvées dans ce ci-
metière, autorisent ces conjectures. Or, ce centre de po-
pulation, prouvé par tous ces débris de la mort, à qui peut-il
mieux convenir qu'à Juiiomagus , capitale des Andes sous
les Romains? Ceci soit dit pour ceux qui font voyager notre
ville à Frémur, à Andard , au Plessis-Grammoire , à Notre-
Dame-d'Alençon, et je ne sais où.
L'usage de brûler les corps ayant cessé vers le commence-
ment du IVe. siècle , les Gallo-Romains revinrent à l'ancienne
coutume de les enterrer.
A cette période d'inhumation se rattachent les huit cer-
cueils en plomb que l'on a découverts dans notre cimetière
antique. Ils forment la seconde classe de nos sépultures
gallo-romaines et sont aujourd'hui déposés au musée d'anti-
quités.
Deuxième classe — Cercueils en plomb.
On peut les distinguer en cercueils sous crypte , cercueils
en pleine terre, cercueils sans signes chrétiens, cercueils
avec signes chrétiens.
XXIX1. SESSION, A SALMUR, 93
Cercueil* sous crypte et sans signes chrétiens.
Ils sont au nombre de deux et classés au musée sous les
nr\ I et IV. Décrivons-les séparément.
Cercueil n*. 1. — Sous crypte et sans signes chrétiens.
En juillet 1868, j'aperçus au nord-est de la gare du che-
min de fer , que l'on établissait , l'ouverture d'une crypte
voûtée avec des briques posées en rayons et liées entr'elles
par du ciment rose, d'un centimètre et demi d'épaisseur.
Les briques étaient plates, chacune avait une entaille ser-
vant de poignée; elles avaient de longueur 32 cent, sur 26
de large et 3 1/2 d'épaisseur. Je distinguai seulement sur
l'extrados de la voûte quelques fragments de briques à re-
bord. Ledit extrados était surmonté d'une couche de ciment,
puis de quelques pierres d'ardoise brute , recouvertes elles-
mêmes par une autre couche de ciment ; le tout formait une
enveloppe ou chape horizontale , au-dessus de laquelle la
couche du sol avait environ 1 mètre de hauteur.
Celte crypte appartenait à la classe des monuments fu-
nèbres non apparents.
Le sommet de l'intrados de la voûte n'était pas recrépi à la
chaux , tandis que le reste des parois intérieures l'a été : ce
qui nous dispose à croire que la voûte ne fut totalement
construite qu'après le dépôt du cercueil.
Ce caveau , intérieurement , avait de largeur environ 69
cent. , 63 de hauteur et lm. 66 de longueur. Celte grotte se
trouvait être, sur sa longueur, placée dans le plan nord-est
sud-ouesi de 38 degrés. L'épaisseur de la voûte et de ses
parois n'avait pas moins de 30 cent.
Ce caveau renfermait un cercueil de plomb bien conservé
et solidement encastré dans un bain de ciment, de 3 cent,
environ d'épaisseur.
\)k CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
La couche sur laquelle reposait le cercueil était mélangée
de briques, dont l'une, plus grande que les autres, avait
hO cent, de long sur 31 de large et 2 1/2 d'épaisseur.
En dehors du cercueil , à ses parois de droite et de gauche
dans le bain de ciment , je trouvai plusieurs fragments de
vases en terre grise, pareils à des assiettes. Une fiole, à base
en forme de boule , surmontée d'un large goulot, d'une belle
terre noire vernie , haute de 6 cent. , était placée en dehors
du cercueil , du côté des pieds ; cette fiole était aussi plongée
dans le bain de ciment.
Le cercueil a : de longueur, lm. 55 ; de largeur , 35 cent.;
de profondeur, 1h , et d'épaisseur , 5 millim. ; l'élévation de
la flèche de la cambrure plein-cintre du couvercle est de
5 cent. Ce cercueil affecte la forme d'un parallélipipède ; la
tête occupait le nord-est.
Il renfermait , du côté des pieds :
1. Un petit bélier, en terre cuite blanchâtre, haut de
6 cent.
2. Une patère en verre blanc, à laquelle le temps a donné
une belle couleur opale ; elle a 16 cent, de diamètre.
3. Un vase de verre , en forme de salière, contenant une
sorte de sable brillant que l'on prendrait pour du sel.
h. Un fond de vase rond et brisé.
5. Quelques os de jambe.
6. Deux coquilles de saint Jacques.
7. Une urne lacrymatoire en verre et en forme de petit
chandelier.
8* Une fiole à parfum, en verre, d'une forme bizarre ,
avec goulot-biberon orné de deux anses.
9. Les débris d'une coupe en verre , dont la panse était
striée et bosselée.
10. Un ferrement courbé, long de 25 cent. , qui servait
à maintenir intérieurement la concavité du couvercle du cer-
cueil.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 9;~>
11. Deux petits couvercles en verre, s'adaptant aux es-
pèces de salières dont l'une est décrite n". 3 , et dont l'autre
le sera n°. 20.
12. Des fragments de bracelet en cuivre et deux plaques,
de même métal , dont j'ignore l'usage.
13. Vers le milieu du cercueil, deux ou trois autres co-
quilles de saint Jacques.
\k. Un petit baril en os ou ivoire, noirci parle temps,
haut de 2 cent, et demi et ayant à ses extrémités 2 cent, de
diamètre.
15. Vers la poitrine, quelques débris d'ossements.
16. Des épingles brunes , en os ou ivoire , et longues en
moyenne de 9 cent.
17. Une sorte de pectoral, également en ivoire, avec un
très-petit cercle de même matière.
18. A main gauche du cadavre, un très-beau style en
bronze, ou poinçon , qui servait aux anciens pour écrire sur
des tablettes enduites de cire ; ce style a de longueur 15c;
il est armé de sa pointe en olive et de son grattoir.
19. Au-dessus du style, une tablette de porphyre ver-
dàtre , longue de 12 cent, 1/2 , large de 8 , et épaisse de
23 millim. , sur laquelle on a dû étendre la cire.
20. Plus haut , près de la tête encore, une sorte de salière
pareille à celle du n°. 3, et pleines des mêmes grains bril-
lants (1).
21. Des fragments du crâne et quelques dents.
22. A la droite de la tête , c'est-à-dire à main gauche de
celui qui regarde, les fragments d'une coupe sphéroïde et
dont le verre est très-mince.
(1) Un petit vase semblable en verre et revêtu de son couvercle a
été trouvé, en 1861, dans les ruines de l'amphithéâtre romain d'An-
gers; il nous a été cédé par M. Renault, employé de la Poste,
96 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
23. Un vase en verre, de forme cubique, surmonté d'un
goulot rond et large.
2k. Enfin , un second ferrement courbé qui supportait
le couvercle du cercueil.
A quelle époque remonte cette sépulture? On peut, je
crois, lui assigner pour date le IVe. siècle de notre ère; et,
afin de ne pas nous répéter ici, nous renvoyons le lecteur aux
preuves qui se trouvent longuement développées à ce sujet
dans les Mémoires de la Société d'agriculture , sciences et
arts d'Angers, VIe. volume, année 18^9, p. 29-63.
On y verra également l'explication de la plupart des objets
cotés de 1 à 2k.
Cercueil n°. IV. — Sous crypte et sans signes chrétiens.
Le 27 décembre 18/iS, toujours dans le cimetière gallo-
romain (gare du chemin de fer), vers le sud, vis-à-vis l'ancien
octroi de la Croix- Renard, on découvrit le cercueil en plomb
classé au musée sous le n°. IV. Il reposait sous une petite
crypte entièrement formée de briques, la plupart à crossettes;
cette crypte a été transportée daus sa masse au musée de
Toussaint.
La tête était à l'ouest et les pieds à l'est.
Le cercueil n'a que 1 mètre 60 centimètres de long sur
Zh centimètres de large. Une monnaie (grand module) fut
trouvée sous le bras droit, mais elle est oxydée. Une mèche
de cheveux , ou plutôt un détritus de chevelure , se voyait
tombant sur l'épaule droite. Quelques traces de linceul
étaient encore visibles. Évidemment cette bière renfermait
une femme , ou plutôt une jeune fille : la délicatesse des
ossements , la largeur du bassin , et cette chevelure le
prouvent. Aux quatre coins externes du cercueil, je retirai
de gros clous dont la présence indiquait assez qu'un cercueil
de bois avait enveloppé celui de plomb. Toujours en dehors
XXIX'. SESSION, A SAUMUIi. 97
dudit cercueil, à droite de la tête, j'aperçus trois petits objets
en ivoire ou en os tournés, qui ont dû servir à la toilette.
Près de cette sépulture, on distinguait encore très-bien
une autre crypte gallo-romaine, mais qui a été fouillée à une
date inconnue ( Voir Mémoires de la Société d'agricul-
ture , sciences et arts d'Angers , VI*. volume , année 1849 ,
p. 230) (1).
Cercueils en pleine terre, avec ou sans signes chrétiens.
Les cercueils trouvés en pleine terre , dans le cimetière
gallo-romain d'Angers, sont au nombre de six, et classés
au musée sous les n08. II, III, V, VI, VII et VIII.
Ils se divisent en cercueils sans signes chrétiens et en
cercueils avec signes chrétiens.
Nous avons vu que les cercueils n05. I et IV n'avaient
aucuns signes chrétiens ; il en est de même des n05. V, VI ,
VII et VIII. Passons-les en revue.
Cercueil n°. V. — En pleine terre et sans signes chrétiens.
Le n°. V a été découvert en juin 1849, dans cette partie
de la gare qui confine à la Croix-Renard; près de la tête,
tournée vers le sud, je recueillis une fiole en verre, octogone.
Cercueil n°. VI. — En pleine terre et sans signes chrétiens.
Le cercueil classé au musée n°. VI a été trouvé dans les
mêmes terrains que les précédents, le 6 août 1853. Il mesure
lm. 74 de long sur 47 cent, de large, et 27 cent, de pro-
(1) En 1861, M. Chapeau, sculpteur, découvrit à l'est de ses ateliers
une sépulture en forme d'auge, la tête au nord. Cette tombe avait ses
paroi» formées de briques à rebords, posées sur plat. Quant au cou-
vercle, il avait été détruit par suite du forage d'un vieux puits. Cette
sépulture avait fait partie du cimetière gallo-romain d'Angers (gare
du cuemiii de fer).
7
98 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fondeur. Vers les pieds , il est de même dimension qu'à la
tète ; celle-ci se trouve au nord-nord-ouest. Deux vases ,
l'un en argile et l'autre en verre , placés à l'extérieur du
cercueil du côté de la tête, ont été maladroitement brisés;
le vase de verre avait une forme cubique. Ce cercueil ren-
fermait des objets de toilette , savoir : deux grosses aiguilles
à cheveux et deux bracelets , le tout en jais d'un noir très-
brillant.
Cette bière était celle d'une femme ou d'une jeune fille ,
auprès de laquelle on avait déposé quelques-uns de ses
objets de toilette (Voir Mémoires de la Société d'agriculture,
sciences et arts d'Angers, p. 31, année 1853).
Cercueil n°. VIL — En pleine terre et sans signes chrétiens.
Ce cercueil est l'un des plus curieux de tous; il a été
trouvé le 12 septembre 1853, à 3 mètres de profondeur.
Il avait les pieds dirigés vers sud-sud-est et la tête vers
nord-nord-ouest.
Sa longueur est de lm. 80; sa largeur, aux pieds, de
50 cent. , ainsi qu'à la tête.
La hauteur de ses bords est de 33 centimètres. Il ren-
fermait encore des ossements.
Mais ce qui lui donne un intérêt spécial, ce sont les reliefs
( faisant corps avec la matière du cercueil ) de cinq pièces
romaines , trois de grand et deux de petit module. Ces
reliefs, en plomb, sont probablement sortis de leurs coins ,
ou matrices , en même temps que les pannes de plomb
composant les parois du cercueil ont été coulées et formées.
Ces empreintes de pièces se voient très-bien à l'intérieur
du cercueil, du côté de la tête. Les trois grandes empreintes
datent certainement du Haut-Empire ; quant aux deux
petites, elles ne nous paraissent pas devoir être plus anciennes
que les Posthume ou les Tetricus (IIP. siècle) : ces em-
XXIIe. SLSSION , A SAUMUR. 99
preintes sont tellement frustes que nous croyons qu'il est
à peu près impossible de préciser davantage le caractère de
leurs effigies. Quoi qu'il en soit, ce cercueil appartient bien
évidemment à la période gallo-romaine, qui s'ouvre au milieu
du IIIe. siècle, et qui se ferme avec le commencement du
Ve. Et comme il est reçu que le mode d'inhumation succéda
au mode d'incinération vers le commencement du IVe. siècle,
il s'ensuit que ledit cercueil doit être postérieur au IIIe. siècle.
D'un autre côté, il est également admis que le type romain
dans les monnaies persista jusque sous les Mérovingiens. Ne
nous étonnons donc point de voir des empreintes de mé-
dailles du Haut-Empire faisant partie de la substance de
notre cercueil n°. VII , bien qu'il soit postérieur au IIIe.
siècle, et très-probablement de la fin du IVe. ou même du
V*. siècle. Mais, pourquoi ces empreintes? Celte question
posée, nous croyons pouvoir y répondre en disant que nos
empreintes de pièces sont là sur le cercueil pour indiquer la
qualité du défunt; or, cette qualité ne pouvait être que celle
de monétaire , à tout le moins de monnayeur, noms divers
que l'on donnait aux garants et aux fabricateurs des an-
ciennes monnaies.
Il existait, en effet, un atelier de monnayage à Angers,
vers la fin de l'ère gallo-romaine.
Dans une notice insérée au t. XXVI, année 1860 , du
Bulletin monumental , M. de Caumont passe en revue
les lieux de France où l'on a découvert des cercueils gallo-
romains en plomb. Il cite Arles , Lieusaint , près de Va-
lognes; Rouen, Beauvais, Amiens et Angers, qui possède
la plus nombreuse collection de ces coffres funèbres.
Il s'attache particulièrement à décrire le sarcophage en
plomb de Lieusaint , dont l'ornementation se compose de
« deux figures en buste, répétées sur les parois, les bouts et
100 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« le couvercle du cercueil , et de deux génies appliqués. »
Les deux figures en buste sont la plupart encadrées dans des
cercles dont le diamètre varie de 62 à 95 millim. ; tous ces
disques sont symétriquement espacés à l'extrados et sur les
parois du cercueil.
M. de Caumont , rapprochant ces disques de ceux que
l'on voit sur notre cercueil n°. VII, émet le doute que les
disques d'Angers soient des empreintes de pièces romaines.
Mais, après vérification faite des empreintes avec M. Barbier
de Montault , nous sommes restés convaincus tous les deux
qu'elles sont bien celles de cinq pièces romaines, trois de
grand et deux de petit module.
Il n'y a, d'ailleurs, aucune similitude entre les disques de
Lieusaint et ceux d'Angers , ni dans le module , ni dans la
symétrie.
Depuis lors, j'ai revu avec M. Emile Amé, architecte du
Gouvernement et du département du Morbihan , les em-
preintes en question ; et cet archéologue distingué est non-
seulement de notre avis, mais il va plus loin encore, car il a
cru reconnaître de vraies pièces romaines incrustées dans le
plomb.
Cercueil n°. VIII. — En pleine terre et sans signes chrétiens.
Ce cercueil en plomb fut trouvé en janvier 1855, toujours
dans la gare du chemin de fer , au sud-est de la pièce d'eau
ovale qui sert à l'embellissement du jardin anglais. Cette
bière avait la tête vers le sud-ouest et les pieds au nord-est.
Elle ne contenait que des détritus d'ossements.
Il nous reste maintenant à parler des cercueils en pleine
terre avec signes chrétiens. Ils sont au nombre de deux , et
classés au musée sous les n08. II et III.
Etudions-les l'un après l'autre.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 101
Cercueil n°. IL — En pleine terre avec signe chrétien.
Ce cercueil avait été trouvé au commencement d'août 1848
(toujours gare du chemin de fer); des restes de clous
donnent lieu de croire qu'il avait été renfermé dans un cer-
cueil de bois. Les pieds se dirigeaient vers le nord , de 1 de-
gré 12. Cette bière , large aux épaules de 55 cent, et de
49 cent, du côté des jambes , a de longueur lm. 85 sur
36 cent, de profondeur.
Le couvercle présente extérieurement , du côté de la tête,
une sorte de temple en relief, formé de deux colonnes et
d'un fronton triangulaire. Au-dessous paraît un chi (X) grec.
Cet édicule a de hauteur 47 cent. , et chacun des bâtons
croisés du chi 24 cent. Les moulures formant les colonnes et
le fronton ressemblent à des perles longues , qui seraient
soudées les unes au bout des autres au moyen d'annelets.
Dans une autre province , sur les couvercles en plomb de
deux sépultures gallo-romaines, on a trouvé des X perlés
(Voir Notice de M. Mathon ; Béarnais, 1856).
Sous le couvercle cintré et maintenu par trois petits ar-
ceaux en fer de notre cercueil n°. II, nous découvrîmes un
squelette. Sa main droite , placée sur le bas-ventre , tenait
une monnaie très-fruste , sur l'un des côtés de laquelle je
distinguai les empreintes d'un tissu ; j'en ai conclu que le
corps avait dû être enveloppé dans un suaire. Cette monnaie
appartient à la classe des médailles romaines dites de moyen-
bronze.
Cette sépulture , malgré sa monnaie évidemment placée
dans la main du cadavre pour solder le passage de l'Achéron,
nous paraît se rattacher au christianisme. Le chi grec , lettre
initiale du monogramme du Christ , X/m'cttoç, en fait preuve ;
on voit souvent, dit Batissier , p. 354, dans les catacombes
les lettres ï , X , I , Il ; la première est le tau, qui est ,
102 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
d'après L'zéchieJ, un signe salutaire ci préservatif ; la lettre X
signifie la croix, elc. , etc. On regarde I et H comme les
initiales du Christ. Ajoutons que le petit temple n'est pas
sans avoir une certaine analogie avec ceux marqués sur plu-
sieurs pièces carlovingienncs; non que je veuille dire que le
cercueil en question soit du IXe. siècle , car je le crois au
contraire de la fin du IVe. ; mais je cherche par ce rappro-
chement à établir que le petit temple eu relief a autant sa
raison d'être d'origine chrétienne que le même type offert
par nos pièces carlovingienncs.
Sur notre cercueil n°. II , divers éléments religieux sont
donc en présence : l'un -païen , l'autre chrétien; ce qui nous
détermine à dire qu'il doit appartenir à cette période du
milieu du IV*. siècle (1), durant laquelle s'opéra en Anjou la
transition du paganisme au christianisme.
Son orientation n'est pas chrétienne, les pieds n'étant point
à l'est, mais au nord; d'où il suit, réflexion faite, que nous
(1) Nous croyons pouvoir attribuer au même siècle un tombeau
chrétien qui existait autrefois dans l'église St.-Maurille d'Angers, place
du Ralliement, tombeau dont notre exposition de 1858 a mis en lu-
mière un dessin aussi rare que curieux, sous le n°. £03 du catalogue.
Feu M. Audou)s , dans une note manuscrite, décrit ainsi cetle sépul-
ture, qui disparut à la Révolution : «. Dans un caveau sous le chœur de
« l'église collégiale de St.-Maurille, à la gauche du chœur, en entrant,
« existe le plus ancien monument sur lequel nous puissions fonder
■ quelqu'époque de la religion chrétienne en Anjou ; il est l'un des
« seize tombeaux qui se voient dans les cryptes souterraines prati-
« quées sous le grand-autel de l'église T\ collégiale de St. -
. Maurille d'Angers ; on y voit le chrisme J!>|<^ auls' que le grand
« Constantin l'arbora dans l'étendard de l'Empire, mais auquel sont
« ajoutées les lettres grecques A et il, ce qui ne convient qu'au temps
u de Magnence qui , s'étant fait proclamer empereur dans les Gaules,
. où il se maintint depuis Panuée 350 jusqu'en 353, fit ajouter ces
« deux lettres dans son étendard et sur les monnaies. »
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 103
nous rangeons du côté de ceux qui pensent que le défunt du
cercueil n°. II doit être classé parmi ces païens qui , à
l'exemple d'Alexandre-Sévère et des Gnostiques, admettaient
dans leurs croyances divers symboles du christianisme.
Cercueil n°. III.— En pleine terre et avec signe chrétien.
Ce cercueil fut découvert le 17 novembre 1848, dans la
même région que les sept autres , mais à l'est de la gare.
La tête était dirigée vers le sud. Sur le couvercle, au sommet
de la poitrine, on voit une croix à six branches. Le défunt,
dans sa droite , tenait une pièce de monnaie
( moyen-bronze ) à l'effigie de Constantin , en-
tourée de la légende :
IMP. CONSTANTINVS. PF. AUG.
rç) : PRINCEPS JVVENTVTIS.
Le champ : S. A.
L'exergue: P. T. R.
Ce cercueil était en pleine terre, à lm. 80 de profondeur.
Il a légèrement plus de largeur vers la tête que du côté
des pieds.
Le chrisme , à six branches , est analogue à de pareils
emblèmes que nous avons aperçus dans les Catacombes de
Rome. Il m'est impossible de ne pas voir ici une sépulture
chrétienne.
En résumé, les nombreuses urnes et nos huit cercueils de
plomb prouvent que le procédé d'incinération et celui d'in-
humation ont été successivement en usage dans le cimetière
gallo-romain d'Angers. Je dis successivement , car plusieurs
cryptes funèbres furent construites dans des fosses cinéraires,
qui présentèrent , sous les maçonneries , une couche de
cendre de 0m. 10 d'épaisseur.
iOk CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Parlons maintenant de divers objets trouvés dans le même
cimetière, et qui se rapportent directement ou indirectement
aux sépultures.
Lampes sépulerales.
Ces lampes sont de deux sortes: les unes en terre cuite ,
sans grand intérêt, et les autres en bronze. De ces dernières ,
la plus élégante est en forme de croissant dont les pointes
arrondies , ou plutôt les deux becs recevaient chacun un
faisceau de mèche très-mince; la poignée-, en forme de
feuille, s'attache à la partie centrale de la courbe externe.
La seconde lampe n'a qu'un seul bec ovale ; le bassin d'huile
est rond et se trouve surmonté d'un croissant qui sert de
poignée; ces deux lampes appartiennent au musée d'anti-
quités d'Angers.
M. Aimé de Soland en possède une de pareil métal,
également ornée du croissant et trouvée dans le même ci-
metière antique (1).
Le croissant ne peut être ici l'effet d'un caprice , il a
nécessairement un sens symbolique. Sur nos trois lampes ,
il doit être l'emblème d'Hécate , fille de la Nuit et la Diane
des enfers. « On sait que les disciples de Pylhagore, de
Socrate et de Platon partageaient les morts en trois classes :
les saints, les imparfaits et les impies. Il les logeaient dans
trois endroits différents. Les âmes innocentes montaient au
ciel ; les âmes des imparfaits, ne pouvant pas s'élever tout d'un
coup jusqu'au ciel, étaient reçues dans le globe de la lune, et
là, obligées d'habiter dans les vallées d'Hécate, jusqu'à ce
que, purifiées et dégagées de cette vapeur qui les avait em-
pêchées d'arriver au séjour céleste, elles y parvinssent; enfin,
les vallées d'Hécate répondent au purgatoire des chrétiens.
(1) Voir la note de M. de Soiand , t. V , p. 137, Mémoires de la
Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers.
XX1X% SESSION, A SAUMUR. 105
« Quant aux âmes de la troisième classe , elles étaient
à la sortie de leur corps environnées d'épaisses ténèbres qui ,
les empêchant de s'élever au ciel , les tenaient toujours
errantes autour de leurs tombeaux ; elles portaient les noms
de Lamies, Larves, Lémures. Bien loin de prier pour ces
âmes, les païens les maudissaient; de là certaines formules
qu'on mettait sur les tombeaux , pour empêcher qu'on ne fil
des imprécations contre les mânes des défunts : Quisquis es ,
parce manibus et maleilicere noii (1). »
Nos lampes à croissant s'adressaient évidemment aux dé-
funts que l'on croyait devoir appartenir à la seconde classe ;
elles étaient placées dans les sépultures à titre d'invocation
à Hécate , déesse qui pouvait prolonger plus ou moins
long-temps le séjour des âmes des imparfaits dans ces vallées
d'expiation. « Hécate était la déesse des sortilèges ; elle
« personnifiait la lune brillant dans l'obscurité des nuits... ;
« elle régnait au milieu des fantômes. » ( De l'astrologie et
de la magie, p. 5. Revue de Leleux, lre. livr. , 15 avril 1859.)
Buste et statuettes.
Dans le même cimetière, on découvrit en 1848 un petit
buste, haut de 0'". 13 cent. 1/2, en terre de pipe. Des
figurines semblables ont été trouvées dans le Finistère, ainsi
qu'au Vieil-Évreux ( Voir Bulletin monumental de M. de
Caumont, année 1856, p. 452).
On remarque, au bas de noire petit buste (Musée des
antiquités), une feuille deJierfe. La présence de celte plante,
dédiée à Bacchus , et le sourire du petit personnage nous
disposent à croire que cette figurine représente un Bacchus
enfant, sans barbe et joufflu.
(1) Page 364, t. Ier., du Rational de Guillaume Durand, traduction
et notes de M. Charles Barthélémy, de Paris. 1854.
106 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Mais qu'a-t-il à voir au milieu des tombeaux , ce dieu
du plaisir et de la joie? Je n'en sais rien, à moins que l'on
ne veuille trouver dans la croyance que les anciens avaient,
qu'il était venu deux fois au monde (dithyrambus) , un
emblème de double vie, c'est-à-dire d'immortalité.
Je ne m'explique pas mieux la découverte, que l'on fit au
même endroit, d'une Vénus Anadiomène (sortant de l'eau).
Celte statuette, en terre de pipe, de 15 cent, de hauteur,
est aujourd'hui déposée au musée d'antiquités.
Je m'explique encore moins cette idole affreuse qui tient
de l'ours et du renard, et qui porte à son cou un collier d'où
pend une sorte d'amulette. Cette statuette, également en
terre de pipe , se voit au Musée d'Angers en double original.
Vers 1849, nous en remarquâmes une semblable au Musée
du Mans.
Pareil embarras pour une statuette d'Apollon en terre cuite
vernissée , et trouvée dans la même région.
Cependant , si nous ne nous rendons pas compte de la pré-
sence particulière de ces divinités dans ce lieu funèbre ,
nous croyons voir du moins dans leur ensemble l'expression
de celte idée que l'on plaçait les morts sous la protection des
dieux.
M. le président de La Prairie dit qu'il a trouvé à Soissons
un tombeau gallo-romain avec des médailles de l'an 322 ;
l'incinération a dû durer jusqu'à cette époque ; le tombeau
renfermait des cendres.
M. de Caumont parle de cercueils en plomb trouvés à
Beauvais et à Rouen , peut-être postérieurs à l'an 300 ;
d'autres correspondant à l'époque de l'incinération.
M. Bouet donne quelques détails sur le cercueil de
Lieusaint , décrit dans le Bulletin monumental par M. de
Caumont , et sur la partie antérieure duquel se voient deux
XXIXe. SESSION , A SAUMUB.
107
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108 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
génies symboliques portant des flambeaux , tandis que les
extrémités et le dessus sont ornés de médaillons présentant
des figures.
M. le Président parle d'un cylindre en plomb déposé au
musée de Soissons et renfermant une urne cinéraire.
M. de Gaumont présente , à ce sujet , le dessin de l'enve-
loppe en plomb d'une urne qui existe au musée de Rouen.
Il parle ensuite d'un cercueil en plomb , trouvé à Arles ,
renfermant une jeune fille avec une partie de ses vêtements.
Ce sarcophage était accompagné d'une table en marbre , sur
laquelle est gravée une épitaphe en vers qui a été publiée
dans le Bulletin monumental.
M. Imbert , de ïhouars , signale une sépulture où il a
trouvé des ossements , des urnes en terre rouge avec des
cendres; — il parle aussi d'un cimetière mérovingien à
Luché, et d'une découverte de plusieurs tombeaux en briques.
M. Dalanoy , de Parthenay , mentionne des tombeaux
gallo-romains, à Gourgé, creusés dans la pierre.
M. Courtillier parle des objets romains du musée de Sau-
mur ; ces notes seront reproduites lors de la visite du musée.
XXIX*. SESSION , A SAUMUIÎ.
109
Églises antérieures à l'an lOOO.
On passe à la question suivante :
A-t-on trouvé, dans la région, des églises autres que
celles signalées depuis long-temps par M. de Caumont , qui
puissent remonter à l'époque mérovingienne ou carlo-
vingienne ?
Quand M. de Caumont vint explorer l'Anjou en 1830 ,
époque à laquelle il professait son Cours d'antiquités, il visita
les églises que Bodin citait comme ayant été des temples
païens , et d'autres qui avaient des caractères incontestables
d'ancienneté.
Ce fut alors que, pour la première fois, l'église de Sa-
venières fut dessinée et lilhographiée , que parut aussi la
porte de St.-Eusèbe de Gennes , que des spécimens des
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FENÊTRES ET APPAREILS DE SAINT-GÉNÉROUX.
appareils de St. -Martin d'Angers, de St. -Généraux
et du
110 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ronceray furent donnés dans l'Atlas du Cours d'antiquités
monumentales. Plus tard , M. de Caumont visita Suèvres ,
Gravant et quelques autres églises des bords de la Loire
dont l'ancienneté ne paraît pas douteuse.
M. de Caumont a donné, soit dans son Cours, soit dans
le Bulletin monumental , des types suffisants pour séparer
en deux classes les édifices antérieurs à l'an 1000 ou plutôt
les portions d'édifice ; car la plupart ont été allongés ou en
partie refaits , et souvent il ne reste que des portions de la
construction primitive. Ces parties méritent la plus grande
attention; on en trouvera nécessairement beaucoup d'autres
en examinant certaines églises rurales , et c'est dans le but
de provoquer cette étude dans l'Anjou et la Touraine que
la question a été posée par le bureau de la Société française
d'archéologie.
M. Godard-Faullrier demande la parole pour indiquer
une église antérieure à l'an 1000 dans la commune de Cisay
(en latin Sisiacutn) , canton de iMontreuil-Bellay, arrondis-
sement de Saumur.
Je la visitai , dit-il, vers 1859 , avec H. l'abbé Barbier de
Montault, et nous sommes tombés d'accord que la murailie
septentrionale de la nef de celte église appartient à l'époque
mérovingienne.
Je l'ai signalée, le 12 juin 1861 , dans un Rapport adressé
au Ministre , en ces termes :
« On y trouve le petit appareil connu sous le nom d'opus
« spicatwn , coupé par une bande horizontale où s'alternent
c de petits frontons triangulaires , de petites arcades en
t plein-cintre et des trumeaux carrés. Cet ornement est
« très-rare. Les types qui s'en rapprochent le plus se ren-
« contrent à l'église de St. -Généraux f sise en Poitou , et à
« celle de Cravant, près de Chinon. »
La Commission archéologique d'Angers désire d'autant
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 111
plus la conservation de cette partie de l'église , qu'il est
fait mention de cet édifice dans une charte de Dagobert Ier.,
imprimée dans Hiret, écrivain de l'an 1618, p. 96.
Je sais que cette charte n'est pas à l'abri de reproches au
point de vue des formes (1). De maladroits copistes en ont
compromis l'authenticité ; mais le fond reste et se vérifie
d'ailleurs par son rapprochement avec le type , incontesta-
blement mérovingien , de la muraille en question.
Celte église de Cisay est sous le patronage de saint Denis ;
on y voit ce saint portant sa tête entre ses mains.
Le chœur est du XIIIe. siècle , et la travée qui le précède
du XIIe.
On y voit un siège abbatial, en bois, du XVIIe. siècle;
il provient de l'ex-abbaye d'Asnières, voisine de Cisay.
M. de Caumonl , après avoir rappelé la disposition des
églises avec chaînes et ornements de briques , présente un
dessin de la façade de celle de St. -Christophe à Suèvres, près
Mers ( Loir-et-Cher) , que nous reproduisons à la page sui-
vante. La brique y est disposée de manière à produire une
ornementation rappelant celle de Savenières, publiée dans la
he. partie du Cours d'antiquités monumentales.
Dans une région différente, à Chassenon (Charente), la
brique avait été employée à peu près de la même manière
dans la façade de l'église.
M. de Cauniont parle ensuite des églises de St. -Martin
d'Angers , St.-Eusèbe et autres , et de St.-Lubin , bâtie sur
un débris de temple romain , dont un des murs a été
utilisé dans la construction actuelle (Voir la page 113).
Une inscription dédicatoire à Apollon atteste que ce dieu
(4) Voir Diptomata, etc., prius collecta de Bréquigny, et Laporte
du Theil. — 1843, t. II, p. 8, Diplôme, n". cclii.
112
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
FAÇADE DE L'ÉGLISE SAINT-CHRISTOPHE , A 51ÈVRE5.
Nota. — ta fenêtre supérieure a ét<5 porcée aprcs coup, il n'y en a que deux d'anciennes.
XXIXe. SESSIOpj, A SAUMU1Î.
113
\\h CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
y était adoré. Dans le clocher de l'église de St.-Lubin,
qui peut dater du XIe. siècle , M. de Tracy, membre de la
Société française d'archéologie , a signalé un chapiteau en
marbre pareil à celui de Jouarre , figuré dans Y Abécédaire
d'archéologie.
M. de Galembert signale le petit appareil dans une série
de nefs d'églises dont les chœurs n'ont été faits qu'à une
époque postérieure : à Langeais , le petit appareil existe ,
mais sans briques; à Chaumont et à Tavaux, les églises sont
en grand appareil. M. de Galembert pense que le petit ap-
pareil est le plus ancien.
M. Raimbault signale les églises de Chétigné , Rou , St.-
Hilaire-d'Epicea, construites en petit appareil.
M. Joly cite l'église de Verrie, en moellon dur brut,
posé en arête de poisson.
M. de Verneilh observe que les églises à petit appareil
n'avaient pas de voûtes ; St.-Hilaire de Poitiers, primitive-
ment, n'en possédait pas. Il devait exister là pourtant une
grande église au Xe. siècle. — L'église du Ronceray d'Angers
(XIe. siècle) est voûtée en berceaux, posés transversalement;
ce système a été souvent employé dans ie midi. A St.-Seurin
'de Cordeaux , les bas-côtés sont voûtés en berceau.
XXIV. SESSION, A SAUMUK. 115
M. Godard mentionne l'église de St. -Rémi, construite en
petit appareil (IXe. siècle?); l'église a été fondée à cette
époque; le chœur est du XIIe. siècle.
M. Segretain signale l'église de Civaux (Vienne) , où l'ap-
pareil du XIe. siècle se mêle à un appareil plus ancien (petit
appareil); dans l'église d'Airvaux on a employé des frag-
ments d'appareil en arête de poisson, restes d'une construc-
tion plus ancienne.
M. Joly parle de St. -Serge : les piliers du transept ont de
la brique ; la première fondation date du VIIe. siècle. A
Notre-Dame de Poitiers , du côté nord , sous la tour , existe
un fragment de mur avec chaînes de briques; appareil al-
longé comme celui de St. -Jean , de la même ville , lequel a
été cité déjà par M. deCaumontdansle Bulletin monumental.
La nef de Notre-Dame de Poitiers est du XIe. siècle ;
son portail , du XIIe.
M. de Caumont recommande à la Société de Tours et aux
antiquaires de l'Anjou de surveiller la curieuse église de Cra-
vant, décrite par lui dans le Bulletin monumental , et qui va
cesser de servir au culte par suite de la construction d'une
église neuve ; il propose d'émettre un vœu pour sa conserva-
tion. Le Congrès adopte à l'unanimité cette proposition.
M. Imberl signale l'église de Tourtenay, en petit appareil
avec fenêtres à plein- cintre, comme devant être au moins
du commencement du XIe. siècle.
M. de Caumont demande que des dessins soient faits de
toutes ces églises. M. Joly en apportera. M. de Galerabert
a déjà préseuté les dessins de St. -Julien de Tours, par
M. Guérin , architecte diocésain.
M. Segretain signale une église , dédiée à saint Fort , qui
doit être du commencement du XIe. siècle; M. Godard ,
une chapelle du Lion-d'Angers, qui porte le même nom
s'appliquant au Sauveur.
116 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Mi Lambert parle de l'église St.-Laumer de Blois , qui
doit être du XIe. siècle.
M. de Caumont prend la parole et fait la communication
suivante :
Cette séance étant consacrée à l'étude des caractères de
l'architecture et de la sculpture mérovingiennes , je dois
vous faire connaître la suite que je donne aux recherches
relatives à l'histoire de l'art à cette époque. J'ai fait mouler
les chapiteaux- de la crypte de Jouarre et d'autres de la
crypte de St.-Brice de Chartres et de la basilique de Sl.-
Remi de Reims.
Notre musée possède également de bons moulages de quel-
ques chapiteaux de St. -Jean de Poitiers , et nous aurons
bientôt une collection précieuse d'objets mérovingiens ; je
continue , d'ailleurs , de faire dessiner tous les cercueils
chrétiens en marbre des premiers siècles , dont le midi de la
France est encore assez riche.
Ces moulages et ces dessins réunis nous donneront des no-
tions assez précises sur l'état de l'art dans les premiers siècles
chrétiens.
L'année dernière , la Société française d'archéologie ,
réunie à Bordeaux pendant la session du Congrès scienti-
fique de France, visita la crypte de l'église St. -Seurin, si
intéressante par ses sarcophages mérovingiens en marbre.
Nous remarquâmes, le long des murs , quelques plaques de
marbre de la même époque, ornées comme eux de moulures.
Ces espèces de médaillons me frappèrent , et je priai M. Du-
rand, architecte, d'en faire des moulages pour le musée plas-
tique de la Société , en même temps que j'engageai M. Léo
Drouyn à les dessiner. L'un et l'autre ont accédé à mon
vœu. Les plâtres représentant ces débris curieux de l'orne-
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 117
mcntation mérovingienne me sont arrivés , et je puis vous
présenter les dessins qu'en a fait M. Léo Drouyn.
SCULPTURES MÉROVINGIENNES SUR DES PLANCHES DE MARBRE
DANS LA CRÏPTE DE SAINT-SEURIN, A BORDEAUX.
Je pense que ces plaques de marbre ont pu faire partie
de la balustrade d'un sanctuaire, ou décorer le pourtour
d'une abside.
118 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
SCULPTURES MEROVINGIENNES SUR DES PLANCHES DE MARBRE
DANS LA CRYPTE DE SAINT-SEURIN, A BORDEAUX.
Je trouve dans l'ouvrage de M. Albert Le Noir une es-
quisse des clôtures du chœur de Ste.-Marie-Transtevère, qui
se composaient de tables de marbre couvertes d'ornements
maintenus dans leur position verticale, et qui ont été em-
ployées dans le pavage lors de la reconstruction de cette basi-
XXIX'. SESSION, A SAUMUlt. H9
lique au XII». siècle ; on voit que ces plaques ont beaucoup
de ressemblance avec celles de St. -Seurin de Bordeaux.
Un de ces dessins a le plus frappant rapport avec une
autre plaque mérovingienne que voici (V. la page suivante),
et qui se trouve aujourd'hui dans le mur de l'église de
Bayon (,'Gironde) où elle a été dessinée par M. Léo Drouyn,
sur l'indication de M. Paul de Chasteigner auquel on en doit
la conservation.
M. de Caumont donne ensuite quelques détails, d'un haut
intérêt et tout-à-fait neufs, sur plusieurs églises présumées
carlovingiennes.
A la fin de la séance , M. le docteur Bouchard présente ,
de la part de M. de Beauvois . d'Angers, une tête d'ange en
120 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
o.éS
SCULPTURE MÉROVINGIENNE DANS L'ÉGLISE DE BATON ( GIRONDE).
XXir. SESSION, A SALMUR. 121
plâtre, provenant de la chapelle de Ste. - Croix , à Leiches,
carrefour des Célestins ; l'original est en ergasse , pierre cal-
caire du pays. Cette sculpture , dont l'original est à Angers ,
est du XVI'. siècle et d'un beau caractère.
Le Secrétaire,
De L'Épinay.
VISITE A CHENEHUTTE, SAINT-MACÉ, TREVES, BERNES,
CUNAULT ET SAINT-FLORENT
(Le 5 juin 1862).
Présidence de M. de Caumom1.
M. Victor Petit, secrétaire-rapporteur.
ConforméDienl au programme , la première excursion ar-
chéologique, dans les environs de Saumur, a eu lieu le mardi
3 juin. Celte excursion , favorisée par un très-beau temps ,
a présenté le plus vif intérêt.
Presque tous les membres du Congrès ont pris part à
l'excursion
Le départ a eu lieu à 5 heures du matin, dans une série
d'omnibus et de voitures. MM. Louvet et Maillaud avaient
bien voulu offrir , avec la plus grande obligeance , un certain
nombre de places dans leurs voitures particulières.
Après avoir longé le champ de manœuvre de l'école de
cavalerie de Saumur, on traversa la jolie et fertile vallée
du Thouet ; puis , laissant à gauche pour y revenir plus tard
l'ancienne abbaye bénédictine de St.-Florent-lès-Saumur ,
on traversa successivement les villages de St. -Florent et de
St.-Hilaire, tous deux situés à la base d'une belle colline
dominant la rive gauche du Thouet , à peu de distance du
r^
XXIXe. SESSION, A SAUMUK. 123
confluent de celte rivière dans la Loire. D'épais et nombreux
massifs d'arbres cachent le fleuve et entourent plusieurs
habitations bourgeoises, situées d'une manière pittoresque au
fond , ou sur le penchant de charmants petits vallons boisés
qui se succèdent à notre gauche , et qui sont creusés dans
le massif de pierre tendre, dite tuffeau, dont l'exploitation ,
comme matériaux à bâtir, occupe depuis les temps les plus
reculés un nombre considérable d'ouvriers désignés sous le
nom de bêcheux de tuffeau.
De distance en distance, on entrevoit, au milieu de vergers,
de pittoresques petits manoirs datant des XVe. et XVIe. siècles,
habités aujourd'hui par des familles de laboureurs ou d'ou-
vriers carriers.
Les Tuffeaux. — On arrive bientôt au village des Tuffeaux,
bâti sur le bord de la Loire et à la base d'une haute colline
dont le sommet aplani est occupé par le camp romain de
Chenehutte, célèbre en Anjou, et qui sera, après la visite de
l'église, l'objet d'une exploration.
L'église des Tuffeaux , construite le long de l'ancien
chemin , est fort ancienne et orientée au sud-est par suite
de la disposition du sol , dont le peu de largeur ne permet
pas l'orientation traditionnelle. On remarque la tour carrée
du clocher, laquelle, s'élevant au-dessus de l'abside, offre
quelqu'intérêt par suite de la disposition de quatre colon-
nettes engagées à demi dans la muraille , et dont les bases
présentent la forme de véritables chapiteaux. Le haut du
clocher , terminé par une pyramide en pierre , est éclairé
par quatre fenêtres à plein-cintre, divisées par deux arca-
tures s'appuyant sur des colonnes assez courtes , mais dont
les chapiteaux , qui ont une double astragale , indiquent le
XI*. siècle.
On remarque aussi l'élégance de l'ornementation de Par-
Vlh CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Brniet del
INE DES COLONNES IH CLOCHER DES TLFFEADX.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 125
chivolte en plein-cintre du portail latéral est , qui date du
XIIe. siècle. Le portail nord semble dater du XI'. siècle. Le
côté ouest de l'église a été assez fortement enfoui sous les
terres descendues du flanc de la colline. Le Congrès eut à
gravir la pente assez rapide de cette colline pour arriver au
camp de Chenehutle.
A mi-côte du chemin tracé en écharpe, M. Joly fit re-
marquer , dans la berge de gauche , les débris de deux
tombes en pierre coquillière, lesquelles, lors de leur dé-
couverte , renfermaient encore des ossements , probablement
du Xe. siècle.
Camp de Chêne hutte. — Arrivé au sommet de la montée,
le chemin tourne sur la gauche et franchit, dans une tranchée
peu profonde, un grand remblai en terre formant, du côté le
plus accessible du plateau, le retranchement du camp romain.
Ce camp , l'un des plus grands de l'Anjou , a été l'objet de
nombreuses dissertations. Depuis long-temps, des fouilles
partielles et surtout le travail de culture de la surface, un
peu inclinée vers le sud-est , ont mis à découvert un nombre
considérable de poteries fines et de tuiles dont les morceaux
les plus intéressants ont été déposés au musée de Saumur ,
ainsi que beaucoup de médailles.
Le camp est admirablement placé pour dominer , sur une
très-vaste étendue , la vallée de la Loire et le cours même du
fleuve , vis-à-vis d'un passage souvent praticable à gué, établi
vers le centre de vastes bas-fonds. Une tradition dit qu'ils
étaient autrefois occupés par une ville qui fut détruite lors
d'une grande inondation. L'église fut renversée et la cloche ,
qui était tombée au fond d'un gouffre , sonne toutes les nuits
de Noël. iAI. de Caumont a fait remarquer qu'il a retrouvé la
même tradition dans plusieurs localités où il existe des ruines
antiques.
126 COXGKES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
OAMP KOMAIN DE CHEISBHITTE.
Légende du plan.
a. Rempart.
b. Entrée du camp.
c. Fossés comblés.
1, 2, 3, k. Fouilles.
5. Moulins.
6. Ruines^
7. Ruisseau.
8. La Marquerie.
9. Chenehutte.
10. Village des Tuffeaux.
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 1^7
M. Joly signala au Congrès les vestiges , aujourd'hui re-
couverts, d'une sorte de cuve ayant lm. 30 de profondeur
sur lm. 40 de largeur , de forme hexagone à fond de béton,
et à laquelle aboutissaient deux conduites d'eau. M. Joly
a fait remarquer la disposition du remblai ou retranche-
ment du camp qui , à l'est et au sud , domine la Loire et
un vallon profond , et , à l'ouest et au nord , fait face au
plateau général. On reconnaît les restes d'une longue mu-
raille en pierres sèches, destinée à soutenir le remblai, lequel
est actuellement recouvert de broussailles ou livré à la cul-
ture , notamment du côté de l'entrée tournée au nord et
vis-à-vis de laquelle on remarque un large fossé.
Un massif assez considérable de rochers de grès attira
l'attention de plusieurs membres du Congrès ; d'autres
membres se mirent à la recherche de poteries fines, ou
examinèrent , du bord du retranchement, les bâtiments assez
pittoresques d'ensemble d'un ancien prieuré qui est situé
près du camp. Près de là est un petit cours d'eau alimenté
par la fontaine dite d'Enfer , et dont les eaux ont dû être
utilisées par les Romains et ensuite par les populations qui
se sont succédé sur l'emplacement du camp. Ces populations
descendirent peu à peu dans la vallée et construisirent , dès
le XIe. siècle, l'église des Tuffeaux. Une autre partie de la
population semble , au contraire , avoir préféré s'établir vers
l'extrémité de la colline escarpée qui domine la Loire , et y
bâtit l'église de Chenehutte aujourd'hui ruinée , et près de
laquelle on remarque un petit manoir, nommé le Prieuré,
admirablement situé pour découvrir un immense pa-
norama.
Le Congrès se rendit , en quittant le camp romain , direc-
tement à Gennes , but de l'excursion , se réservant de visiter
Cunault et Trêves, au retour.
La route, bordant continuellement la rive gauche de la
128 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Loire , présente une diversité de points de vue très-remar-
quables. On entrevoit sur le côté gauche, au fond de longues
excavations, l'entrée étroite et obscure de nombreuses car-
rières de tuffeau.
Germes. — Le bourg de Gennes est situé au confluent avec
la Loire, d'un petit cours d'eau alimenté par plusieurs belles
sources coulant au milieu des prairies qui en occupent le
fond étroit et tortueux et arrosant une jolie et fertile vallée
( Voir le plan, p. 129). Celle-ci , bordée de collines boisées ,
présente plusieurs dépressions de terrain, parmi lesquelles on
en remarque une qui offre l'aspect d'un demi-amphithéâtre
faisant face au nord , et dont les pentes sont recouvertes d'un
taillis épais. C'est directement vers ce point, situé à environ
500 pas du bourg , que se dirigea le Congrès , guidé par
M. de Caumont qui avait , quelques jours auparavant , ex-
ploré celte localité , et par M. Joly, qui y avait fait pratiquer
des fouilles dans le but de mettre à découvert des murs
antiques signalés à l'attention des archéologues.
Dans un chemin étroit, bordé de haies vives, M. Joly fit
remarquer au Congrès , presque au niveau du sol , un blo-
cage de maçonnerie , présentant une ligne courbe , qui se
relie à une suite d'aulres murailles constituant un édifice
assez considérable , et qui peut èlre reconnu comme étant un
amphithéâtre ou seulement un théâtre romain. De très-petites
fouilles , pratiquées à cinq endroits isolés, ont mis à décou-
vert la muraille antique dont l'appareil est bien caractérisé,
et dont la position présente la forme d'un ovale ou demi-
cercle seulement. Une vive discussion eut lieu à ce sujet , et
il fut décidé que de nouvelles fouilles , facilitées par le pro-
priétaire du sol , M. d'Achon , seraient entreprises durant
l'hiver prochain. La Société française a voté, séance tenante,
des fon.ls pour ces travaux. Le Congrès examina avec atten-
X\IX*. SESSION, A SAUMUR.
PLAN DE GENNES.
129
Légende du plan.
1. Ancienne église St.-Eusèlje.
2. Les caves.
3. Route de Saumur.
h. Moulin de Brulon.
5. Petit moulin.
6. Grand moulin.
7. Mairie.
8. Église St.-Vétérin et cimetière.
9. Salle d'un bain romain.
10. Théâtre romain.
130 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tiou l'appareil gallo-romain de cet éditice , enfoui sous le sol
maintenant , et dont un plan sera relevé pour en faire bien
comprendre la disposition encore incertaine.
M. de Caumont a fixé l'attention du Congrès sur la muraille
d'une des grandes entrées , nouvellement dégagée des terres
qui l'environnaient , par une excavation. Ce mur en petit
vS^Jv?
APPAREILS Df THÉÂTRE DE GENNêfl.
appareil avec chaînes de briques montre , sur beaucoup de
ses parements, des rainures formant des zigzags et des
losanges. M. de Caumont, rappelant que MM. de Saulcy et
"Viollet-Ï.educ avaient cru pouvoir considérer comme mé-
XXIX». SESSION, A SÀUMIÏB. 131
rovingienne une partie du théâtre de Champlicu (Oise),
parce que ses appareils sont couverts de ces moulures, tracées
ÏJui
\Mm^±
t|Bil»l 131
|IIip$gE3mû^ ^Ëffllfe «L
APPAREILS DU THEATRE .1R CEKXES.
vraisemblablement avec l'instrument qui servait à tailler la
pierre, dit qu'il avait déjà réclamé contre cette opinion, qui
lui paraissait contredite par des faits ; il est heureux de pou-
voir présenter un exemple de ce caractère sur un monument
incontestablement romain.
Le camp de Champlieu , un des théâtres romains les plus
incontestables que nous ayons en France , n'avait pas besoin
de cette justification pour demeurer purement romain aux
yeux de la plupart des observateurs ; mais il est bon, continue
132 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. de Caurnont , de ne pas laisser une erreur s'accréditer ,
surtout quand elle émane d'hommes aussi considérables dans
la science que MM. de Saulcy et Viollet-Leduc.
Bains. — Un petit aqueduc , d'origine antique , longeait
le côté nord de l'édifice dont nous venons de parler ; il a
été retrouvé sur la plus grande partie de son parcours , et
commençait à une très-belle source située à 1 kilomètre de
distance , pour aboutir à un autre édifice , également an-
tique , éloigné de 400 mètres environ du bourg, mais très-
rapproché de l'église paroissiale , et que le Congrès examina
avec la plus grande attention.
On reconnut un établissement de bains, construit avec une
certaine recherche, mais dont l'état d'amoindrissement actuel
ne permet pas de bien apprécier l'étendue ni la disposition
primitives. On étudia avec soin l'agencement de plusieurs
surfaces courbes, appareillées avec solidité et régularité,
paraissant avoir fait partie de petites rotondes ou niches
autour d'une salle , et auxquelles aboutissaient des tuyaux
de plomb trouvés il y a vingt ans environ, époque où l'édi-
fice , dont il ne reste maintenant que des (!ébris , était
mieux conservé.
M. de Caumonl avait visité ce bain en 1831 et il y était
revenu, avec M. Bouet, quelques jours avant l'ouverture du
Congrès. M. Bouet avait pris le dessin ci-joint des murs de
la salle dont nous venons de parler ( Voir la page suivante).
M. de Caumont a donné à celte occasion quelques détails
sur une salie récemment découverte à Pitres , près Pont-de-
l' Arche (Eure), et dont une partie existe encore dans la
maison d'un habitant de celte commune ; cette salle , dont
les murs ont encore près de 3 mètres d'élévation , offrait à
peu près la forme circulaire avec quatre absidioles espacées
également et donnant ainsi un carré (Voir la page 136).
XXIX", SESSION , A SAUMUB.
133
I NE PORTION NES BAINS ROMAINS DE GENRES.
134 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE,
LÙrbO
PLAN U UNE DES SALLES DE LA VILLA ROMAINE TROUVEE A PITRES.
(Chez M. Le Bcr.)
XXIX". SESSION , A SAUMUR. 135
On n'a pas assez étudié , dit M. de Caumont , les formes
usitées par les Romains dans leurs diverses salles : on trouve
aussi dans le plan d'une construction romaine , observée ,
il y a trente ans , par M. l'ingénieur de Boisvillette , à
Marboué , près de Châteaudun , une pièce polylobée qui
rappelle , avec quelques dissemblances pourtant , la dispo-
sition de Pitres. On a regardé l'édifice comme un temple,
ou bien comme une église , ou au moins comme un mo-
nument romain converti en église dans les premiers siècles
( Voir le t. XXII du Bulletin monumental , p. Ull ). Le
plan du soubassement d'un édifice laisse toujours beaucoup
de latitude aux conjectures. M. de Caumont ne prétend pas
émettre d'opinion à ce sujet , mais il croit devoir rappeler
ce plan pour montrer que les Romains ont employé assez
souvent la forme arrondie polylobée.
Église St.-Vétérin. — L'étude, par le Congrès, des
ruines romaines étant terminée , on commença l'examen des
édifices de la période romane , et , à cet égard , l'église de
Gennes, dédiée à saint Vétérin , laquelle fut donnée à l'ab-
baye de St.-JYIaur dès le IXe. siècle, appela tout d'abord
l'attention. On étudia avec beaucoup d'intérêt un pan de mur
resté enclavé dans la base, du côté sud de la tour du clocher.
Ce pan de mur , dans lequel on remarque quelques briques
et aussi des tuiles creuses, était décoré, aux trois quarts de
sa hauteur , d'une corniche à modillons carrés , aujourd'hui
très-frustes ; on s'accorda a y reconnaître une œuvre datant
du Xe. siècle et peut être même antérieure. Les autres
parties de l'église datent des XIIe. et XIIIe. siècles et
n'offrent rien d'exceptionnel à signaler (Voir la page 137).
A 100 mètres au nord de cet édifice, qui s'élève isolément
sur un pli de terrain, on remarqua , dans un très-petit enclos
qui bientôt sera traversé par une route , un assez grand
136 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
"~~3
xmrs
PS
10 M
SALLE POLÏLOBÉe AL MILIEl D'UN ÉDIFICE GALLO-ROMAIN TitOLVÉ A
MARBOIK (riKE-ET-LOIR ).
XXIW SESSION, A SAbMUR.
137
FRAGMENT DES MURS DE l'ÉCMSF. SAINT-VÉTÉRIN.
nombre de lombes en pierres coquillières cl remonlant à une
haute anciennelé. On ne doute pas que les travaux de déblai,
nécessités par le nivellement de la route projetée, ne mettent
à découvert beaucoup de tombes semblables.
On signala au Congrès une assez grande pierre creusée
pour servir de tombeau , et qui primitivement avait reçu ,
comme devant occuper l'angle d'un édifice, une ornementa-
tion assez soignée ; on reconnut facilement la tige d'un ro-
138 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
seau, sculptée avec peu de relief, mais avec exactitude, sur le
revers d'une sorte de pilastre; l'époque de ce travail est
incertaine, mais probablement romaine.
Eglise de St.-Eusèbe. — Après quelques instants de repos,
on se rendit, par un sentier tortueux et rapide, au sommet
très-élevé d'une colline dominant la rive gauche de la Loire,
et au point culminant de laquelle fut bâtie l'église de St.-Eu-
PORTE DE L ÉGLISE SAINT-EUSEBE.
sèbe, aujourd'hui abandonnée. L'ensemble de la construction
XXIX'. SESSION, A SACMUK. 139
appartient à la période du XII'. siècle; mais la nef, qui a
perdu sa toiture et même sa voûte , et qui est encombrée par
les ronces, a conservé un fragment très-important de muraille
dont le système de construction est une imitation évidente de
l'art gallo-romain , notamment en ce qui concerne l'arcade à
plein-cintre , à claveaux minces alternés avec des briques
disposées deux par deux et surmontées ou entourées d'un
double rang de briques , paraissant provenir d'un édifice an-
tique. C'est dans la face nord de la nef qu'on trouve cette
curieuse porte , bouchée depuis long-temps. M. de Caumont
l'avait dessinée dès l'année 1830 et figurée dans l'atlas de son
Cours d'antiquités monumentales.
De l'église de St.-Eusèbe, qui a été l'objet de quelques
travaux de soutènement par M. Joly-Leterme , architecte , on
découvre un magnifique panorama sur le cours de la Loire ,
eti'iminense plaine qui occupe toute la partie nord du riche
département de Maine-et-Loire. On ne peut disconvenir
qu'un temple païen ne fût admirablement placé sur ce point
élevé, si , suivant l'opinion de Bodin , l'église actuelle en oc-
cupe l'emplacement.
Cunault. — Le programme de l'excursion ramenait le Con-
grès vers le village de Cunault , localité autrefois importante,
située sur la rive gauche de la Loire , et dans laquelle on re-
marque encore plusieurs habitations anciennes. Nous cite-
rons notamment le château , édifice important , d'un aspect
pittoresque et datant , ainsi qu'une foule de petits manoirs
avoisinanls, des premières années du XVIe. siècle.
Mais une église justement célèbre , et qui est comptée au
nombre de nos monuments historiques les plus importants ,
attira exclusivement et captiva durant long-temps toute
l'attention du Congrès. La grande église de Cunault , fondée
par Dagobert , roi de France , est située sur le penchant
HO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
de la colline et vers le centre des habitations. C'est un
édifice imposant, et qui produisit sur tous les membres
du Congrès une très-vive et très-profonde impression.
Cette impression sera durable , il n'en faut pas douter ,
et chacun des amis des arts et de nos vieux monuments
historiques sera heureux de reporter ses souvenirs aux
instants trop vite écoulés sous les grandes voûtes de la belle
église qui , dès maintenant , grâce à une habile et sobre res-
tauration toute récente , peut faire bien comprendre le type
architectural religieux de l'Anjou durant la période du
moyen-âge postérieure à l'an 1000.
La restauration de l'église de Cunault a été faite par
M. Joly-Leterme , architecte attaché à la Commission des
monuments historiques; les projets de restauration furent ré-
digés en 1835 et les travaux ont été continués jusqu'en
1860.
Un pareil édifice exige une monographie complète, et il
nous est impossible , dans le court résumé d'une très-rapide
excursion , de pouvoir effleurer la description d'un seul des
nombreux sujets d'ornementation qui donnent à l'église de Cu-
nault tant d'importance. Il en est de même en ce qui touche
le style de la construction qui se développe, durant la période
du XIe. au XIII*. siècle , avec toute la verve et la hardiesse
savante des architectes angevins, dont les œuvres, dans toute
la province d'Anjou et les provinces limitrophes, présentent
une disposition générale pleine d'élégance et d'originalité.
A Cunault , la décoration murale peinte offre des sujets
assez nombreux et assez variés pour que chacun des mem-
bres du Congrès ait pu y trouver l'objet d'études nouvelles
toutes spéciales. Dans chacun des petits groupes formés
par les visiteurs , des dissertations et des discussions pleines
d'intérêt ne cessèrent pas de donner partout la plus vive
animation. Il est de toute impossibilité à votre rapporteur
\\]V. session, a saumur. im
de résumer ou d'analyser les observations échangées entre
les membres du Congrès; observations insaisissables, parce
qu'elles se produisaient sur divers points de l'église à la
fois.
Trêves. — De Cunault à Trêves, la distance est très-courte.
Le Congrès visita d'abord la petite église paroissiale, qui mal-
heureusement est dans un état déplorable de vétusté. Cn re-
marqua notamment : un large bénitier en pierre ; une statue
de grandeur de nature représentant , couché sur son tom-
beau, Robert Le ÎVIaczon, chevalier, seigneur de Trêves, le-
quel mourut en \hh1 ; une belle « réserve » en pierre, style
du XV'. siècle, très-finement sculptée, etc.
C'est à Robert Le Maczon qu'on attribue la construction de
la tour ou donjon de Trêves, dont le Congrès admira , en se
rendant à St.-Macé, le bel ensemble féodal et la remarquable
conservation.
St.-Macê. — Un chemin en côte très-rapide monte ,
par le fond d'un ravin , sur le sommet d'une haute colline
bordée , à l'ouest et au nord, par un vallon étroit et profond
dont les pentes boisées offrent un aspect pittoresque. Ce
chemin conduit , après un quart-d'heure de marche , à
l'entrée d'une petite ferme établie dans les bâtiments de
l'ancien prieuré de St.-Macé. Ce vieil édifice , presque com-
plètement ruiné et dont la chute entière est imminente,
se trouve bâti sur le point culminant et assez étroit de la col-
line qui domine le bourg de Trêves , sur un massif de ro-
chers. La visite du prieuré de St.-Macé offrit aux membres
du Congrès un attrait lout-à-fait inattendu , motivé par des
constructions très-singulières et qui piquèrent vivement la
curiosité. Il s'agit ici d'une sorte de muraille d'enceinte ,
longue de 18 mètres environ et haute de moins de 5 mètres,
dont les fondations reposent sur le roc , et qui présente
U2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANCE.
\r //J
PARTIE D'OH ANCIEN MUR, A SAINT-MACÉ,
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. U3
quatre des faces d'un octogone assez régulier. Cette muraille
est divisée, dans le sens de sa hauteur, en trois portions à
peu près égales , d'un appareil différent ; la portion centrale
seule offre de l'intérêt : on y reconnaît l'imitation parfaite
« en miniature », c'est-à-dire dans une proportion réduite de
moitié environ, des murs romains construits en petit appareil
et chaînes de briques. Dans la singulière muraille de St.-
Macé , les briques sont remplacées par de véritables tuiles à
rebords romaines , ainsi que l'ont bien constaté MM. de
Galembert et de Verneilh.
On s'est demandé à quelle époque cette muraille , si elle
n'était pas réellement d'origine gallo-romaine , pourrait ap-
partenir , ou enfin à quel prieur on devrait attribuer l'imita-
tion si fidèle d'un mode de maçonnerie tombé déjà dans le
domaine de l'archéologie à l'époque de la construction du
prieuré , fondé en H 02 et bâti durant la période entière du
XIIe. siècle , époque bien caractérisée dans l'ornementation
élégante de la chapelle et des bâtiments adjacents , dans les-
quels on voit également des cordons de briques.
L'intérieur de la chapelle offre un genre d'intérêt plus
habituel , quoique très-rare : ce sont de curieuses peintures
murales , à l'égard de la conservation desquelles une longue
discussion s'est établie quant au mode à adopter pour leur
conservation ou leur reproduction entière après la recon-
struction de la muraille ruinée qu'elles recouvrent. Ces pein-
tures, qui sont elles-mêmes dans un très-mauvais état,
représentent , dans la voûte en demi-coupole de l'abside ,
Dieu bénissant , entouré des symboles des Évangélistes , etc.
Deux curieuses inscriptions ont aussi appelé l'attention du
Congrès. La première est placée près de l'entrée de la cha-
pelle. La voici :
*.... DE LOP.TO i DEDIT ET ALIA 1 SI QVIS VERO
ikh CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
HVIC ECCLES1E HEC AVFEER CELESTE REGWM
El AVFERAT...
La deuxième inscription est gravée sur une seule ligne ,
à l'extérieur de la chapelle, en grandes lettres capitales du
XIIe. siècle. Malheureusement quelques parties de cette ma-
gnifique inscription , qui devait border le cimetière des reli-
gieux, ont été masquées par des contreforts. En voici le texte,
d'après la copie faite avec le plus grand soin par M. Godard-
Faultrier :
.... MEMO PRIORES
V1XIMVS HEV PESTIS MALA MORS FVIMVS Q' QVOD ESTIS
.... ALASI VOBIS N P CAVEAT1S
V1XIMVS EDIMVS Q BIBIMVS BENE INSEDIM Q
LVSIMVS MMVS EDES
PRO MAGMS MINIMAS PRO TAM SVBLIMIB' IMAS
VOS QVOQVÈ NVNC EDITIS BIBJÏIS VITAM.
Une troisième inscription , qui ne fut pas retrouvée , por-
tait pour texte :
RAGINAVDVS DE REMIS ARCHIEPISCOPVS
BASILICAM ISTAM DEDICAVIT.
Ce Raginaudus, archevêque de Reims, qui dédia la basi-
lique de St.-Macé, fut auparavant évèque d'Angers, \ers
l'an 1102, d'après M. Godard-Faullrier.
Les ronces et les broussailles , et aussi quelques plates-
bandes potagères occupent ou envahissent les anciennes salles,
dont les voûtes se sont écroulées. Ce n'est pas sans difficultés
qu'on peut rétablir par la pensée les distributions primitives
XXIXe. SESSION, A SAUMUK. U.">
du curieux édifice , dont l'étude el l'exploration passion-
nèrent vivement tous les membres du Congrès.
On redescendit à la tour de Trêves, mais l'espace nous
manque pour décrire les principales distributions extérieures
du château , dont le donjon domine la vallée de la Loire :
il fut bâti par Robert Le Maczon , vers l'an li3i. C'est une
très-haute tour ronde , engagée pour un quart de sa surface
environ dans une seconde tour de forme carrée , el à la base
de laquelle se trouve placée l'entrée, défendue par une passe-
relle mobile ou petit pont-levis.
Aujourd'hui encore celte tour , qui appartient à M. de
Fos , pourrait être confortablement habitée. De charmantes
voûtes en pierre, à fines nervures ogivales , offrent une très-
grande élégance dans les diverses salles établies dans les
étages principaux du donjon , terminé maintenant en plate-
forme, d'où la vue s'étend au loin sur les rives de la Loire.
Ses dépendances se prolongeaient sur le sommet aplani d'un
grand massif de roches, escarpé de tous côtés et taillé à pic
dans les endroits où il pouvait être primitivement plus facile
de passer. Il ne reste rien, de ces bâtiments, que d'assez
vastes souterrains creusés dans le massif de tuffeau.
St. -Florent. — Le Congrès, revenu à St.-Florent-lès-
Saumur , s'empressa d'aller visiter l'église paroissiale , qui
montre encore ses fenêtres fortifiées, surmontées de grands
arcs percés de mâchicoulis comme on en voit à Avignon , au
Palais des papes (Voir la page suivante ). On remarqua
notamment : une grille de fenêtre , en fer , curieux ouvrage
de serrurerie , dit-on , comme difficulté d'exécution ; un
bénitier en pierre, à huit lobes; une porte en fer conduisant
au couvent ; enfin , trois délicieux médaillons, en pierre très-
dure et d'une finesse de ciselure extrêmement remarquable ,
représentant dessujels religieux, de la fin du XVe. siècle.
10
146 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DIS FKAXCE.
\XIXf. SESSION, A SAUMUH. U7
C'est par le couvent du Bon-Pasteur que se termina la
rapide excursion du Congrès, qui fut reçu et accompagné
par M. le Curé et M. de La Frégeolière , maire de St.-
Florent. On visita avec un intérêt extrême la crypte , au-
jourd'hui isolée et solitaire , de l'ancienne église démolie en
1806, et recouverte maintenant de plantes grimpantes et
d'arbustes.
Vingt colonnes à larges chapiteaux soutiennent les petites
voûtes d'arête, formées d'une sorte de blocage ou de béton
devenu très-dur; on reconnaît le type de l'ornementation
du milieu du XIe. siècle.
On visita ensuite le narthex ou grand porche de l'ancienne
église abbatiale, lequel fut construit au XIIIe. siècle, avec la
plus grande élégance pour l'agencement des voûtes, qui re-
produisent la disposition habituelle en Anjou , c'est-à-dire
l'établissement d'une voûte en coupole ogivale s'appuyant sur
un bâtiment de forme complètement carrée. Le Congrès, après
avoir admiré l'un des exemples les plus purs de cette dispo-
sition , architecture résolue avec une rare et heureuse sim-
plicité d'exécution dans le plus grand nombre des églises de
l'Anjou, durant le XIIe. et le XIIIe. siècle, donna quelques
moments d'attention aux riches et curieux détails d'orne-
mentation sculptés avec beaucoup d'habileté aux claveaux
réguliers de l'immense arcade , du XIIe. siècle, qui formait
l'entrée de l'ancienne grande église de l'abbaye. En avant
de cette arcade , on a construit récemment une assez vaste
chapelle. Les dépendances de l'abbaye de St. -Florent, re-
construites en partie à la fin du règne de Louis XV , furent
démolies presque complètement dès les premières années du
XIXe. siècle.
Moulin de St. -Florent. — Nous terminerons le compte-
rendu de la rapide et curieuse excursion archéologique faite
IUS CONGKÈS AKCHÉOLOG1QUE DE FRANCE.
le 3 juin par les membres du Congrès, en signalant, d'après
M. de Caumont , l'un des anciens moulins de l'abbaye de
Sl.-Florent, et qui subsiste encore en partie au bas du grand
mur de clôture. Ce moulin , d'après les recherches de M.
l'abbé Briffaut, aurait été bâti par l'abbé Michel, mort en
1220. M. l'abbé Briffaut donne également la date de con-
struction ou d'amodiation d'un grand nombre de moulins
que l'abbaye bénédictine de St. -Florent lès-Saumur possédait
déjà dès le XIIe. siècle.
Le Secrétaire ,
Victor Petit,
De l'Institut des provinces.
1". Séance du 4 juin.
Présidence de M. Ramé, inspecteur divisionnaire de la Société française
d'archéologie, à Rennes.
Siègent au bureau : MM. de Caumont , directeur de la
Société française d'archéologie ; l'abbé Le Petit, chanoine
honoraire , doyen de Tilly-sur-Seulles , membre de l'Institut
des provinces ; Godard-Faultrier , d'Angers , inspecteur
de Maine-et-Loire , membre de la Société impériale d'agri-
culture, sciences et arts d'Angers; Segretain , inspecteur
de la Société française d'archéologie , architecte, à Niort.
M. Marionneau , de Nantes , remplit les fonctions de se-
crétaire.
M. le Président déclare la séance ouverte et donne la parole
à M. de Caumont pour la lecture de la correspondance, de
laquelle il résulte que plusieurs membres de la Société ex-
priment tous leurs regrets de ne pouvoir se rendre à Saumur,
comme ils en avaient eu le projet. — M. de Caumont dépose
XXIX'. SESSION, A SAUMUB. 149
sur le bureau quelques ouvrages, qui, suivant les règlements,
deviennent la propriété de la Bibliothèque publique de la
ville où se tiennent les assises de la Société.
Après avoir présenté le procès-verbal de la séance précé-
dente au nom de M. de L'Épinay, secrétaire, que des affaires
empêchent d'assister à la séance , M. de Caumont engage
M. Ramé, inspecteur divisionnaire, à présider la réunion.
M. de Caumont ajoute que, la veille, pendant que le Congrès
s'occupait des églises antérieures à l'an 1000 et qu'il émettait
un vœu pour la conservation de l'église de Cravant , décrite
et figurée par lui dans le Bulletin monumental, M. Rame
visitait et dessinait cette église , qu'il n'avait pas encore vue ;
qu'il dessinait ensuite l'église de St. -Mesme de Chinon dont
le Bulletin monumental s'est également occupé , et dont la
façade offre une série de figures, disposées dans un ordre qui
a été observé dans d'autres constructions antérieures de la
région ; qu'enfin M. Ramé visitait aussi la curieuse église
de Rivière , dont les dessins ont été mis déjà sous les yeux
du Congrès par M. Botiet , 'et que le Bulletin monumental
a décrite d'après M. de Galembert, église que le Congrès
doit visiter dans son excursion à Chinon.
M. Ramé , qui vient d'analyser avec soin ces trois mo-
numents, aura sans doute des choses très-intéressantes à
communiquer à leur sujet , et l'Assemblée sera heureuse
d'entendre sa communication.
M. Ramé , se rendant à l'invitation de M. de Caumont,
dit qu'effectivement il a étudié avec le plus vif intérêt les
églises que l'on vient de citer.
Cravant, dont il avait compris toute l'importance d'après
le dessin publié dans le Bulletin monumental, est une église
d'un grand intérêt pour l'histoire de l'art ; la description
qu'en donne M. de Caumont est fort exacte, et le dessin rend
l'effet de l'appareil et des frontons qui décorent les intervalles
des fenêtres , comme à l'église de St.- Généraux.
RÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. !.*>!
Celte église ne sert plus au culte à l'heure qu'il est, l'église
neuve ayant été consacrée.
Peut-être n'est-ce pas un mal , si l'on veut entretenir les
couvertures du monument ; car on eût probablement entre-
pris des restaurations déplorables qui auraient défiguré ces
murs respectables qui ont conservé leur cachet primitif.
Ce qu'il faut, c'est conserver ce qui existe sans y rien faire,
et l'entretien des toits suffit pour cela.
Après avoir passé en revue les caractères de l'église de
Cravant, M. Ramé s'occupe de l'église de St.-Mesmc de
Chinon. Elle est moins ancienne que celle de Cravant , mais
elle en retient plusieurs caractères et elle nous montre de
plus une façade historiée. Ces bas-reliefs, que l'on croit du
Xe. siècle, sont d'autant plus importants que ce sont les
plus anciens types peut-être d'une imagerie symbolique que
l'on trouve au XIe. et au XIIe. siècle, en Touraine, en
Poitou et probablement ailleurs au midi de la Loire. On
remarcpie la même ornementation et la même disposition des
figures dans plusieurs églises, notamment dans celle d'Azay-
le-Rideau ( Indre-et-Loire ).
M. Ramé décrit sommairement l'ordonnance de cette
façade historiée , dont il présente des esquisses très-fidèles.
M. de Caumont l'engage à donner ces dessins afin qu'ils
soient gravés pour le compte-rendu du Congrès. Il répond
que ces dessins ne sont pas complètement finis, et qu'il les
destine à un article très-délaillé sur les églises antérieures à
l'an 1000 , article qu'il a promis depuis long-temps au
Bulletin monumental et auquel il met la dernière main.
Cet article paraîtra , dit-il , avant la publication du compte-
rendu.
Abordant l'examen de l'église de Rivière, M. Ramé pense
qu'elle ne remonte pas au-delà des premières années du
XI*. siècle.
152 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
C'est un monument ancien et qui donne la mesure du
progrès fait dans le pays dans l'espace de cinquante à soixante
années, car il paraît d'un demi-siècle postérieur à St. -Mesme.
Du reste, ajoute M. Ramé, j'ai passé moins de temps à Rivière
qu'à Cravant et à Chinon , et je n'ai pas dessiné celte der-
nière église. M. Bouet l'a dessinée la veille de mon arrivée,
et demain le Congrès pourra la voir et la juger dans son
excursion à Chinon.
Cette intéressante communication , dont le secrétaire ne
peut reproduire les détails, a été écoutée avec beaucoup
d'intérêt et a donné lieu à quelques questions adressées par
M. F. de Verneilh et par M. Bouet
M. de Gaumont dit que l'église de Tourtenay , citée hier
par M. Ledain , a élé depuis long-temps signalée à la Société
française d'archéologie, mais que jamais on n'en a présenté de
dessin; et pourtant la Société a plusieurs fois réclamé à ce sujet.
Cette église a été mentionnée dans l'ouvrage déjà ancien de
MM. Clï. Arnault et Baugier , sur les monuments du Poitou.
« L'église de Tourtenay, dit cet ouvrage , possède , dans
«• quelques-unes de ses parties, les restes les plus anciens;
« c'est un fronton triangulaire dont l'appareil est digue
« d'attention. A sa base , ce fronton commence par des
« briques et des pierres, mais ensuite on voit syuiélrique-
« ment posées des pierres et des briques taillées en rond.
« Les espaces laissés par ces briques et ces pierres sont
« remplis par d'autres pierres; après, ce sont des briques
« debout, etc. , etc. »
Le mur du nord offre aussi de l'intérêt : la partie infé-
rieure a été refaite, mais la partie supérieure est vraiment
remarquable; les pierres sont séparées par une épaisse couche
de ciment rouge. Les fenêtres sont cintrées et peu larges.
Enfin, l'église de Tourtenay, qui n'a qu'une seule nef,
n'avait pas d'abside dans l'origine ; c'était un carré long , de
XXF.V. SESSION, A SAUMUB. 158
13 à \h mètres de longueur, sans voûtes : ce qui prouve son
ancienneté. Les églises primitives n'avaient pas d'abside ;
elles formaient des carrés-longs , dont les murs n'étaient pas
soutenus par des contreforts.
L'église de Tourtenay a été allongée et défigurée ; la façade
occidentale a été reconstruite.
En terminant , M. de Caumont insiste sur la nécessité de
se procurer de bons dessins de cette église et de beaucoup
d'autres , signalées comme pouvant en partie remonter à une
époque antérieure à l'an 1000. M. Ramé, président, partage
cet avis.
MM. de Verneilb et Godard-Faultrier discutent sur le style
de l'église du Ronceray , en établissant des parallèles entre
cet édifice et plusieurs autres de la région , qui portent les
mêmes caractères dans l'appareil et dans l'ornementation.
M. de Galembert décrit l'église de Preuilly.
Le Congrès passe à la question suivante :
Y a-t-il dans la région d'autres églises à coupoles que
celle de Fontevrault ? Peut-on en signaler, dans les dépar-
tements voisins, qui n'aient pas été citées par M. de Verneilh
dans son bel ouvrage sur i 'architecture byzantine?
M. Godard-Faultrier prend la parole. Il n'y a réellement,
dit-il , que la belle église abbatiale de Fontevrault qui ait
une série de quatre coupoles sur pendentifs; mais on peut
citer la petite église de St.-iMartin-du-Bois et celle de
St.-Aubin (Anjou), qui possèdent de petites coupoles.
M. de Verneilh cite également quelques églises entre
Loches et Fontevrault, mais il demande la liste des monu-
ments religieux à pendentifs sphériques , av^c ou sans ner-
vures, dans le Bas-Anjou et dans les Deux-Sèvres.
M. Ledain signale plusieurs églises du Poitou qui pré-
sentent , à l'intersection des transepts, des coupoles à fortes
nervures , placées sous des clochers.
15'l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. Segretain fait observer que presque toutes les églises
du Poitou ont à la croisée une coupole sur plan circulaire ;
c'est une voûte plus ou moins régulière. Quelques nervures
de ces voûtes ne sont placées que comme ornement et nulle-
ment exigées par la construction. — L'orateur signale une cou-
pole sphérique , construite en appareil réticulé , dans une
église d'un des faubourgs de la ville de Niort.
M. le Président donne la parole à RI. de La Tourette fds ,
de Loudun , pour la lecture d'un mémoire constatant une
découverte celtique.
Cette découverte remonte à l'année 1828, mais jusqu'à
ce jour elle n'avait pas été le sujet d'une communication
complète et toutes ses particularités n'avaient pas été pu-
bliées.
Avant de lire son mémoire , M. de La Tourette dépose sur
le bureau des fragments d'ossements, des fibules, des flèches
en silex, des celtœ, des anneaux et des bracelets en bronze, etc.
Les dessins reproduisant ces divers objets sont également
remis à RI. le Président.
NOTE DE M. DE LA TOURETTE SUR LE DOLMEN DE
PONCÉ, PRÈS LOUDUN (VIENNE).
Dans le cours de l'été 1828 , des ouvriers terrassiers exé-
cutant le tracé de la route départementale de Chinon à
Thouars , trouvèrent , non loin du moulin du Petit-Poncé ,
commune de Sammarcolles , plusieurs disques en ardoise,
trois couteaux en silex , des ossements Ces objets furent
donnés à RI. Barbier de Montault , propriétaire , à Loudun.
RI. de La Tourette père, à la nouvelle de cette découverte,
se transporta immédiatement sur les lieux et procéda à des
fouilles qui amenèrent le résultat suivant :
A 5 à 600 pas environ , en amont du passage établi sur le
XXIXe. SESSION, A 5AUMUR. 155
cours du Négro ou Négron, existait un renflement de terrain
au sommet duquel se distinguaient les vestiges d'un dolmen.
La table de ce dolmen , enlevée et brisée jadis, était allée
consolider la digue du moulin voisin.
Le tiers oriental du monticule, coupé par le côté droit de
la route, offrait une disposition stratiforme des plus curieuses.
Au-dessous du gazon on remarquait :
1°. ['ne couche de terre assez épaisse ;
2°. De la galuche plate du pays ( pierre à chaux extraite
du sous-sol ) , étendue horizontalement par lits , dans un
certain ordre ;
3". Au-dessous, une nouvelle couche de terre;
h". Un mélange de sable et de charbon , sous lequel
étaient placés des ossements ;
5°. Enfin , au niveau des champs voisins , le sol battu ,
compacte , résistant , avait été nivelé avec le plus grand
soin.
Les trois premières couches enlevées méthodiquement jus-
qu'au sable , qui n'existe point dans cette région , on mil à
découvert trente à quarante squelettes environ , placés circu-
lairemenl dans un ordre parfait, les uns ayant la tôle vers
le centre de la courbe, les autres les pieds alternativement.
Tous ces squelettes appartenaient à des hommes dans la
force de l'âge.
Quelques-uns portaient, près de l'humérus gauche, un
couteau en silex ; d'autres , au niveau du cou , des pointes
de flèches dont l'une est d'un clivage remarquable Un
morceau d'ocre, du poids de 9 grammes, percé d'un trou
destiné à recevoir un cordon , fut également trouvé ; ce
morceau d'ocre , singulièrement taillé , semble avoir servi
de pierre de tatouage.
Douze couteaux, d'une conservation parfaite, trois pointes
de flèches , un morceau de silex en forme de pointe de lance,
156 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
un fragment de couteau beaucoup plus épais et moins large
que les précédents, des débris de poterie noire travaillés
furent réunis.
Au centre du cercle gisait le squelette d'une jeune femme ,
la tète à l'occident, les pieds à l'orient; sur sa poitrine et
orientés de la même manière , on rencontra les restes d'un
enfant dont les os accusaient un âge peu avancé.
A la hauteur du cou du squelette de la femme , on dis-
tinguait une marqueterie bizarre , composée de petits mor-
ceaux d'os taillés en forme de graines de melon. Cet ornement,
étudié avec soin , semblait avoir élé fixé sur une lanière en
cuir, formant probablement la partie supérieure d'une tu-
nique.
Aux pieds de ce squelette, on avait ramassé des disques
en ardoise dont malheureusement les débris tombaient en
poussière.
Quatre épingles en os furent recueillies.
A l'endroit correspondant à la poitrine de l'enfant , on
trouva une dent incisive de ruminant , percée au sommet de
sa racine , à côté d'un fragment d'os de cygne ou d'aigle ,
qu'avait usé intérieurement et à son pourtour un cordon
suspenseur.
Cette fouille , conduite avec le plus grand soin , avait été
favorisée par un étal particulier des os; certaines parties,
semblant saponifiées , résistèrent assez long-temps , avant de
tomber en poussière , sous l'action des rayons solaires.
A peu de distance du dolmen de Poncé existe le château
de Roche-Folle.
M. Ramé cite des découvertes faites en Bretagne, et qui
présentent des rapports intimes avec les dispositions du dol-
men de Poncé.
i\i. Godard-Faultricr appuie les opinions émises par les
XXIX'. SESSION, A SAUMUK. 157
précédents orateurs , en exposant de nouveaux faits extraits
d'un mémoire publié par lui sur les monuments gaulois de
l'Anjou.
La séance est levée à 10 heures et demie.
Le Secrétaire ,
Marionneau.
v Séance du 1 jnin.
Présidence de M. de Ver?ieilh.
Siègent au bureau : MM. de Caumont , de Galembert ,
l'abbé Bourrasse et l'abbé Le Petit.
M. Ledain , de Parthenay , remplit les fonctions de se-
crétaire.
La séance est ouverte à trois heures.
M. Lancia di Brolo , secrétaire de l'Académie de Palerme,
ayant obtenu la parole , entretient un moment l'Assemblée
de la situation et des progrès de la science archéologique en
Sicile. Il offre au Congrès un ouvrage sur les antiquités de
cette île célèbre.
M. de Caumont annonce l'envoi d'une grande quantité de
chartes et autres documents par M. l'abbé Briffaut. Parmi
ces pièces, il ne citera que celle fixant la fondation du moulin
de St. -Florent à la date de 1220, car il serait impossible de
les dépouiller toutes. 11 remercie vivement, au nom du
Congrès , M. l'abbé Briffaut de ses communications.
L'ordre du jour appelle la discussion sur la question du
programme ainsi conçue :
Quelles églises de la région possèdent des vitraux peints ,
des pierres tombales , des pavés émaillés , des peintures
158 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE Fl'.AACt.
murales, des inscriptions , des boiseries sculptées, des ta-
bleaux intéressants , des tapisseries , des statues anciennes?
M. de Galembert lit un remarquable mémoire sur l'his-
toire et les progrès de la peinture murale et de la sculpture
en Touraine, depuis le Xe. siècle jusqu'aux premières années
du XIIIe. (1220). Après avoir établi que Marmoutiers et
St. -Martin de Tours furent des foyers d'arts durant le
moyen-âge , il passe successivement en revue les fresques de
la tour de St. -Julien de Tours, de Notre-Dame de Rivière, etc. ;
les bas -reliefs ou statues de l'abbaye de Beaulieu , de Cor-
mery, Preuilly, Azay-Ie-Rideau , St. -Léonard, Amboise,
St. -Ours de Loches, Candes , Fontevrault.
MÉMOIRE DE M. DE GALEMBERT.
Après les désastres occasionnés par l'invasion des Nor-
mands , une terreur générale s'empara des esprits à la fin du
X°. siècle , et paralysa , jusqu'à l'aurore du XIe. , l'activité
de nos pères.
La croyance commune que l'an 1000 verrait la fin du
monde n'empêcha pas de relever les édifices tombant en
ruines, et de pourvoir à l'exercice du culte et à la défense des
places; mais les âmes, découragées, incapables de grandes
conceptions, se renfermèrent dans les limites étroites du
nécessaire, sans pouvoir s'élever aux combinaisons sublimes
de l'harmonie et du rhythme.
Aussi le réveil du premier jour de l'an 1001 fut-il le signal
d'une véritable ivresse, dont les vieux chroniqueurs nous ont
conservé le souvenir. A ce premier élan succéda comme une
chaleur secrète circulant dans les veines du corps social. Une
vie nouvelle , véritable renaissance de l'humanité épuisée ,
s'épanche au-dehors dans une activité toujours croissante.
Ce mouvement est favorisé par les tendances de la politique.
X\.!\". SESSION ', A SAIA11K. 159
Dès la un du XIe. siècle, le pouvoir endetté du régime féodal
tend à se concentrer; les institutions de l'avenir développent
mystérieusement leurs germes. De toutes parts, les construc-
tions mesquines du siècle précédent sont délaissées ou dé-
truites , et des édifices nouveaux s'élèvent à leur place dans
des conditions supérieures de solidité et de grandeur.
Rien n'arrête cette ardeur juvénile : ni les traditions de
l'art ancien presqu'entièrement perdues, ni le manque de
modèles , ni les difficultés matérielles de tous genres : le zèle
et la foi suppléent à tout. Des architectes improvisés sur-
gissent dans les moindres localités; des peintres non moins
inexpérimentés s'emparent des grandes surfaces intérieures
et les couvrent à l'envi d'innombrables figures.
Trois circonstances spéciales ont fait participer notre pro-
vince à ce mouvement de renaissance avec plus d'élan peut-
être que partout ailleurs: 1°. la domination intelligente et
forte des comtes d'Anjou et de Touraine; 2°. l'abondance des
matériaux propres à bâtir et leur facilité à recevoir le travail
du ciseau ; 3°. enfin , le nombre et la puissance des grands
monastères , qui fournirent exclusivement au XI'. siècle les
artistes, maîtres et ordonnateurs de l'œuvre dansions ces
détails.
Mannouliers et St. -Martin étaient alors, pour la Touraine,
les foyers de lumière où se conservaient les traditions an-
ciennes échappées au naufrage des sciences et des arts du
siècle précédent.
11 est important de se demander quelle pourrait être la
nature de ces traditions, en ce qui regarde la peinture et la
sculpture.
Existait-il des règles formulées en manière de Codex
comme la Schedula diversarum arlium du moine Théo-
phile ; ou, devenus complètement barbares, nos pères
durent-ils être de nouveau initiés à la pratique des arts par
160 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
des maîtres étrangers, les Byzantins, par exemple; ou bien,
enfin , posèrent-ils eux-mêmes les fondements d'une esthé-
tique nouvelle en s'aidant de modèles antérieurs , mutilés et
incomplets ?
C'est à cette dernière conjecture que je me range, et voici,
en peu de mots , mes raisons :
Tout en admettant , avec nos savants collègues MM. de
Caumont , de Verneilh, etc. , une influence byzantine dans
l'architecture romane à la fin du XIe. et au commencement
du XIIe. siècle, je crois que cette influence se fit par
approche et fut limitée à certaines localités Or , nos monu-
ments de Touraine (1) n'en ont conservé qu'une empreinte
fugitive , rare et comme reçue indirectement.
Mais c'est sur l'étude comparée des manuscrits à minia-
tures que se fonde plus particulièrement ma conviction.
En effet , si , aux époques d'apogée , le dessin est la base
essentielle du progrès de la peinture et de la sculpture ,
cette vérité est plus incontestable encore pour les époques
primitives. Or , en comparant les miniatures des manuscrits
occidentaux des X'. et XIe. siècles avec celles de provenance
byzantine exécutées dans le même temps (2), il est impossible
de contester leur complète divergence.
Les unes , produit d'une décadence radicale , présentent
tous les symptômes de l'enfance de l'art, tandis que les
autres offrent encore, malgré un affaissement notable, une
exécution savante qui révèle l'existence des traditions , des
procédés et même des modèles de l'antiquité païenne.
Je ne crois pas non plus que les moines artistes du XV.
siècle aient travaillé d'après des règles écrites. Rien, en effet,
n'est moins réglé que leurs monuments de toute sorte, et
(1) Cette infiuence se reconnaît à St.-Ours, Cormery, Fontevrault.
(2) Evangétiaire, Bit)!, impériale, n". Gr. 70; — Id., Psautier ,n". 139.
XXIXe. SLSSION , A SAL'MUR. 161
aucune époque d'art ne se caractérise par une variété plus
originale et une indépendance plus complète de tout prin-
cipe régulateur. Quant aux modèles à imiter, il faut faire en
ce point une distinction entre la sculpture et la peinture.
Pour cette dernière, à défaut des peintures murales anté-
rieures que le manque d'entretien des édifices et les désastres
du Xe. siècle durent anéantir en grande partie , il resta
dans les manuscrits conservés dans les monastères un nombre
considérable de bons modèles qui suffirent, avec quelques
procédés traditionnels, à guider les peintres dans la voie
nouvelle. Les sculpteurs n'eurent pas cette ressource. Mais
comme, sans nul doute, les mêmes individus exerçaient
alors les deux professions , l'influence des mêmes modèles
produisit cette physionomie très-caractéristique des œuvres
de ce temps , où l'on retrouve une similitude frappante
entre les œuvres de la sculpture et celles de la peinture.
Ainsi , pour ce qui regarde l'ornementation , les enroule-
ments, entrelacs, têtes-plates, animaux fantastiques sculptés
à profusion sur certaines façades des édifices romans , se
rencontrent exactement semblables dans les manuscrits du
Xe. au XIIe. siècle. D'un autre côté, la figure humaine garde,
dans ces deux manifestations de l'art, la même maigreur, la
même incertitude dans les proportions , le même système
de plis concentriques dans les draperies , en un mot , la simi-
litude la plus complète dans le dessin.
Aussi voyons-nous , jusqu'à la seconde moitié du XIIe.
siècle , la sculpture , emmaillotée , pour ainsi dire , par les
exigences des procédés, rester comme figée dans le bas-
relief, et les statues elles-mêmes ne sont que des demi-
rondes-bosses qui gardent la trace du dessin primitif dont le
ciseau timide ose à peine s'écarter.
De son côté, la peinture à la fresque ou en détrempe, seule
usitée à cette époque, n'offre pas, comme la peinture à l'huile,
11
162 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
des ressources et des combinaisons hien variées ; le modelé
par empâtement en est exclu, et , sous la couleur, toujours
étendue liquide, le trait du dessin persiste, accusant presque
seul les modifications delà forme.
Je puis conclure de ce qui précède que la pratique des
deux arts par la même main , la similitude des procédés et
surtout une base commune par la domination absolue du
tracé primitif , rendent les mêmes observations applicables
aux œuvres de la peinture et de la sculpture jusqu'à l'époque
de leur divergence complète , époque que je crois pouvoir
fixer, pour notre province, vers le milieu du XIIe. siècle.
On comprend, dès-lors, que la plupart des remarques que
je vais faire sur les divers monuments de peinture et de
sculpture de cette époque, portant presque entièrement sur le
dessin , seront communes à ces deux fractions de l'art. Je
les passerai cependant en revue séparément en commençant
par la peinture , qui , par sa liaison plus intime avec l'élé-
ment graphique et ses rapports plus évidents avec les minia-
tures des manuscrits antérieurs , me semble avoir été le prin-
cipe primordial de tout l'art nouveau et son point de suture
avec l'ancien.
Peinture.
Dans le nombre assez considérable de monuments peints
qui subsistent encore en Touraine, il en est deux qui, re-
montant évidemment à la première moitié du XIe. siècle ,
offrent les plus anciens spécimens de la période qui nous
occupe. Ce sont : 1°. les peintures à fresque qui décorent
le mur extérieur de la belle tour de Si. -Julien ; et 2". celles
de la crypte de l'église de Tavan , ancien prieuré, situé à
une demi-lieue de File Bouchard. Ces deux fresques offrant
presque iden'.iqnement les mêmes caractères, je ne m'occu-
XXIX'. SESSION, A SAUMOB. 163
perai que de celles de St. -Julien, qui sont de beaucoup les
plus importantes.
Si le spectateur qui visite la belle église de St. -Julien de
Tours regarde la partie occidentale , il aperçoit au-dessus de
l'orgue, à travers de grandes arcades plaquées au XIIIe. siècle
sur le mur de la tour romane , des restes confus de couleurs.
11 est impossible, de loin, de rien distinguer; mais en ap-
prochant, au moyen d'un échafaudage, j'ai pu, il y a dix
ans, relever exactement les sujets représentés.
Les peintures s'étendent en deux zones parallèles sur une
longueur de 7 mètres 95 et une élévation de 3 mètres 70.
Les personnages ont environ 1 mètre de hauteur. Le tout
forme six tableaux , représentant le passage de la mer Rouge,
Moïse sur le mont Sinaï , l'adoration du veau-d'or, le mas-
sacre des prévaricateurs, enfin une curieuse image de l'Arche
d'alliance au milieu du Tabernacle.
Dans la composition de ces différents sujets, les figures
sont en général juxta-posées, comme sur les vases étrusques.
L'artiste, qui les a dessinées sur l'enduit de mortier, eût pu,
sans rien changer à la composition, en faire un bas-relief,
en découpant les contours au ciseau et enlevant le champ
extérieur à une légère profondeur. C'est, à n'en pas douter,
par ce procédé qu'a dû' être exécuté le singulier bas-relief dit
de St. -Hubert, à Beaulieu, dont je parlerai plus loin.
Dans la manière dont les figures de la fresque de St.-
Julien sont groupées , il n'y paraît aucune préoccupation
d'arrangement combiné avec art pour satisfaire le goût, et
il est évident que le dessinateur a campé ces personnages
à telle ou telle place , uniquement pour l'intelligence de son
sujet , et sans aucun souci de la confusion qui pourrait en
résulter pour l'esprit et pour les yeux.
Les proportions du corps varient sans motif apparent ; ce
qui suffirait à prouver qu'il n'y avait pas alors de règles
16/i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
écrites, ou fixées par des types reconnus, comme le Canon
des écoles grecques. Chacun sait , du reste , que la même
variété se remarque dans la statuaire romane, et que, même
à son apogée, celle de l'époque ogivale ne s'est jamais montrée
très-rigoureuse à cet égard.
Un autre caractère bien distinct est celui que présente
généralement l'apparence du corps , qui se rapproche plutôt
du squelette de l'homme que de sa forme vivante, revêtue de
chair.
De là ces membres grêles et ce type de figures décharnées
qui , aux yeux de quelques-uns , passent sur le compte de
l'ascétisme des bons moines, et ne sont , à mon avis , que le
produit dégénéré de traditions antérieures par l'abstention
prolongée de toute imitation de la nature. De là aussi ce
système de draperies adhérentes au corps, dont nous par-
lerons tout à l'heure.
Les règles de la perspective sont complètement inconnues,
aussi bien pour les figures animées que pour les objets
inanimés. Pour ces derniers , on ne sent même pas ce com-
mencement de révélation , à l'état rudimentaire , que l'on
peut observer dans le tombeau du Lazare de la fresque de
Rivière , ouvrage que je suppose exécuté à la fin du
XIe. siècle. En comparant les lignes fuyantes de ce tombeau
avec celles de l'Arche placée au milieu du Tabernacle dans la
fresque de St. -Julien, on doit constater qu'un progrès,
instinctif sans doute , mais cependant certain , s'est accompli
sur ce point pendant le cours de ce siècle.
On peut facilement s'imaginer comment , avec une igno-
rance aussi complète des lois de la perspective , les raccourcis
les plus ordinaires sont d'un effet peu satisfaisant. La né-
cessité d'éviter les difficultés de ce genre met de la gêne
partout, notamment dans les figures, auxquelles la nature du
sujet impose des mouvements violents.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 165
De là vient une particularité que l'on retrouve dans toutes
les peintures de cette période.
Quelle que soit l'attitude de l'homme, les pieds se présentent
toujours de profil ou de trois quarts, et l'on voit très-souvent
des personnages, posés sur l'extrémité des orteils, qui pa-
raissent s'avancer en dansant plutôt que marcher.
Une semblable remarque a été faite par Winckelmann pour
certaines figures de vases grecs de l'époque éginétique.
Dans nos fresques de St. -Julien, les têtes sont marquées
à un cachet de barbarie souvent grotesque. Les traits gros-
siers donnent aux figures un air farouche, qui s'adoucit
à peine pour les têtes de femme , et pour celles qui ont des.
prétentions particulières à la jeunesse et à la beauté : telle est
celle du mauvais riche dans une peinture de Rivière. Mais
ce qui caractérise d'une manière frappante le dessin de la
figure humaine à cotte époque, c'est le système de draperies
généralement adopté pour la sculpture comme pour la pein-
ture.
L'agencement des plis révèle exactement la forme du
corps par masses brisées aux jointures des membres , et ,
dans les espaces intermédiaires, par des traits plus légers,
parallèles aux contours extérieurs , de manière à accuser
rigoureusement la partie du corps que recouvre la draperie.
Ainsi , aux genoux , sur le ventre , la poitrine et les
épaules , les traces du pinceau se contournent en volutes
dont le centre correspond à la rotule , aux bouts de sein , au
nombril et autres parties saillantes du corps.
Malgré la barbarie de ce procédé, il faut y reconnaître, ainsi
que le remarque M. Mérimée pour la fresque de St.-Savin ,
comme un écho lointain d'un principe constant de l'art antique.
Du reste , tout dans ces peintures est routine traditionnelle ,
et, quelque dégénérée qu'elle soit , la méthode pratiquée a
des raisons profondes qui remontent , avec des phases di-
166 CONGUÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
verses (1) , jusqu'à l'enseignement des écoles romaines.
L'étendue que nous avons donnée à l'examen de la fresque
de St. -Julien nous permettra de passer plus rapidement sur
les autres spécimens de peinture de cette période , nom-
breux encore dans notre province , et qui offrent tous les
caractères généraux que nous venons d'indiquer.
On en retrouve à l'ancienne abbaye d'Aigues-Vives , à
l'église paroissiale de Lignières , à la Chartreuse du Liget , à
Notre-Dame-de-Rivière , près Chinon.
Les deux derniers ont le plus d'importance par leur
étendue et leur conservation ; mais leurs procédés d'exécution
différant peu de ceux employés à St. 'Julien , je me bornerai
à remarquer : 1°. pour la fresque de Rivière, un goût
meilleur et plus recherché dans l'ornementation (2) , quelque
préoccupation de plaire aux yeux dans la composition du
sujet , enfin moins de rudesse dans le plissage des draperies
et la physionomie des personnages ; 2°. à la Chartreuse du
Liget , ce dernier caractère est très-remarquable par une
tendance marquée à la douceur et à la noblesse clans les traits
du visage.
Les bornes de ce travail s'opposent à ce que j'entre dans
de plus grands détails sur les intéressantes compositions his-
(1) Les miniatures des manuscrits antérieurs au Xe. siècle permettent
de suivre les phases de celle décadence.
On peut consuller : Évangél'.aire de Charlemngne , autrefois Biblio-
thèque impériale , maintenant au musée des Souverains, n°. A 72 ; —
Bibliothèque Ste.-Geneviève , p.». 127, A-14 ; — Bibliothèque impé-
riale, n°. 257; — ld., i)°. 1152, tn-40. , aujourd'hui au musée des
Souverains ; — Bibliothèque impériale , n°. 266 ; — Bibliothèque Slc.-
Geneviève , n°. 124, A-tl-L. ; — Bibliothèque de l'Arsenal, T. L.
192 ; — ld., T. L. 037 ; — ld., T. F. 8, grand in-A".
(2) Il faut remarquer surtout une frise élégante qui rappelle le
goût antique.
XXIXe. SESSION , A SAUMU.P. 167
toriques de ces deux localités; j'ajouterai seulement que , si
les différences remarquées à l'avantage de ces œuvres ne
permettent pas de les attribuer à un changement de mé-
thode , on peut cependant constater que, les procédés restant
les mêmes , il y a eu progrès dans l'application par l'effet
naturel du temps et de la pratique.
Aussi, h défaut de textes et antres données précises, pre-
nant pour base !a date à peu près certaine des fresques de
St. -Julien, je conjecture que les peintures de Rivière et du
Liget ont été exécutées à la fin du XIe. siècle ou dans les pre-
mières années du XIIe. , mais bien certainement avant l'an-
née 1150. Ce qui m'enhardit à tirer cette conclusion , c'est le
changement produit, à cette époque, dans l'architecture par
un système nouveau propre aux trois provinces de l'Anjou ,
du Poitou et de la Touraine ; système que M. Godard-
Fauitrier a proposé fort judicieusement d'appeler style Plan-
tagenei , du nom de la puissante famille qui possédait ces
provinces pendant le XIIe. siècle.
Ce style , qui tient à la fois du roman et de l'ogival , et
sert de transition de l'un à l'autre, commence avec l'avène-
ment de Henri H, et j'estime qu'il fleurit en Touraine
pendant une période de 70 à 75 ans , jusqu'à la fin du règne
de Philippe-Auguste, époque de l'invasion du style ogival
pur.
Nous y reviendrons tout à l'heure avec la sculpture, pour
laquelle il nous faut d'abord remonter au commencement
du XIe. siècle pour suivre les phases diverses de ces progrès
pendant la période romane,
§eulptui*e.
A l'inverse de la pénurie que l'on remarque pour les
sculptures antérieures au Xe. siècle , celles des deux siècles
168 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
suivants sont nombreuses dans notre province. Je vais donc
les grouper par catégories offrant des caractères analogues ,
6ans entrer pour chacune d'elles dans des détails particuliers
qui Qu'éloigneraient du but que je poursuis. Je tirerai ensuite
de l'examen de ces groupes quelques conclusions générales ,
en raison de leurs caractères semblables ou différents , et je
m'efforcerai de reconnaître leur enchaînement réciproque.
Je formerai trois groupes de nos sculptures de l'époque
romane des XIe. et XIIe. siècles. Les deux premiers ne
diffèrent entr'eux que par des nuances peu marquées , à peu
près au même degré que les fresques de St. -Julien compa-
rées à celles de Rivière et du Liget. Le troisième, au
contraire , correspondant à l'époque de transition du style
Plantagenet, nous fera passer par un progrès rapide de la
jeunesse de l'art du statuaire à sa maturité au XIIIe. siècle.
Le premier de nos trois groupes comprend: 1°. le bas-
relief qui se voit au fronton extérieur du transept de l'église
de Beaulieu , antique abbaye bâtie par Foulques Néra, mort
en 10o9 ; 2°. d'autres bas-reliefs très-frustes qui décorent le
clocher de l'ancienne abbaye de Cormery ; 3°. les chapi-
teaux à personnages de l'église de Preoilly, achevée en 1009 ;
k°. les statues engagées dans les arcades intérieures de
l'abside, à l'église paroissiale de Cormery ; 5°. les deux statues
situées de chaque côté de la porte de l'église de Crouzille ;
6°. enfin , les statuettes de la façade de l'église d'Azay-le
Rideau.
De ces six spécimens de sculpture, ceux de Crouzille et du
clocher de Cormery sont tellement mutilés que je les nomme
seulement pour mémoire. Parmi les quatre autres, le bas-relief
de l'abbaye de Beaulieu et les chapiteaux de l'église de
Preuilly sont surtout intéressants par leur antiquité et la date
certaine des édifices auxquels ils sont attachés , date qui en
fixe l'exécution dans les premières années du XIe. siècle.
XXIX". SESSION, A SAUMUR. 169
La sculpture de Beaulieu occupe entièrement le triangle
du fronton du transept septentrional de l'église de Foulques
INéra, à l'extérieur. Malgré l'état de dégradation où l'ont ré-
duit plus de huit siècles d'existence en plein air , on peut
encore y distinguer : des guerriers à pied et à cheval ; des
animaux divers, superposés sans ordre et sans proportions;
enfin , au sommet de la composition , un homme à genoux
entre deux gros oiseaux et paraissant en proie h leur voracité.
L'opinion populaire veut que ce bas-relief représente la
Chasse Je saint Hubert.
L'espèce de Prométhée dont je viens de parler dérouterait
une interprétation plus savante. Quoi qu'il en soit , chasse
ou bâta -lie, peut-être l'une et l'autre, il est certain que cette
œuvre , d'un relief très-bas , appartient à cette période du
dessin dont je disais , à propos des peintures de St. -Julien ,
qu'elle ne montre aucune préoccupation de plaire aux yeux
par l'arrangement de la composition.
Il n'y faut chercher non plus ni proportions normales, ni
correction dans la forme. C'est tout au plus si les objets
représentés s'y reconnaissent par les caractères généraux qui
distinguent les espèces entr'elles. Point de draperies visibles,
ou du moins l'éloignement et l'état fruste de ces sculptures
ne laissent apercevoir aucun plissage (1). En un mot, c'est
l'enfance de l'art dans son acception la plus complète.
Les chapiteaux historiés de Preuilly rentrent dans la même
catégorie. Je ne m'y arrêterai que pour remarquer la diffé-
rence qui existe entre les chapiteaux du chœur et les deux
autres de la nef, les seuls où l'on voit des personnages. Les
premiers présentent un relief très-bas, avec des formes
grêles , tandis que dans ceux de la nef les figures ont des
(1) Il serait possible qu'à l'origine la peinture indiquât seule les
vêtements, comme dans les statues égyptiennes.
170 CONGRÈS Ar.CHfcor.Of.lQUL Dli FRANCE.
proportions courtes , des formes lourdes et un relief plus
prononcé, (les variations proviennent seulement , je le crois
du moins, de la différence de goût et d'habileté des artistes.
Quant aux sculptures de l'église paroissiale deCormery,
elles indiquent un progrès notable sur la précédente, et doi-
vent avoir été exécutées beaucoup plus tard.
D'abord , ce sont des statues ; il est vrai que ces statues
ne sont qu'à moitié sorties du bloc de pierre qui les a pro-
duites, et auquel elles adhèrent encore dans toute leur lon-
gueur ; mais précisément par celte circonstance de ronde-
bosse à l'état rudimenlaire, elles permettent de prendre sur
le fait le procédé à l'aide duquel elles se sont dégagées peu
à peu de la masse d'où elles sortent.
Ces statues , au nombre de quatre , présentent tontes les
mêmes caractères d'exécution naïve , avec des formes pres-
que identiques, comme si elles avaient été jetées dans le
même moule: proportions assez élancées, poses Irès-raides ,
têtes barbares, sans apparence de chevelure. Les bras sont
collés au corps avec les objets que les mains tiennent ;
dans la gauche un livre , dans la droite un sceptre fleuri.
Les vêtements conservent la physionomie caractéristique de
l'époque par leurs plis contournés et leur adhérence au corps.
Celle-ci est tellement complète pour la partie inférieure
que la figure paraît se terminer en gaîne , à la manière de
certaines statues égyptiennes, avec lesquelles ces sculptures
offrent plus d'un point de ressemblance.
Douze statuettes, placées au-dessus du portail de la petite
église d'Azay-le-Rideau , présentent à peu près les mêmes
caractères que les statues de Cormeryet me paraissent appar-
tenir à la même époque. Elles n'en diffèrent que par des
proportions plus courtes et une exécution bien inférieure.
Il importe d'observer ici , et pour les ouvrages que nous
venons d'examiner et pour ceux qui nous restent à passer en
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. l~l
revue , qu'à l'origine toutes ces statues et ces bas-reliefs
étaient peints , et que leur mise en couleur avait pour but
non-seulement de les rendre plus vivants en leur donnant
plus d'éclat et de relief, mais encore de compléter le travail
du ciseau. Le sculpteur ébauchait , le peintre terminait.
Ainsi , je ne doute pas que pour les statues de Cormery
les cheveux dont nous avons remarqué l'absence ne fussent
indiqués à l'aide du pinceau , ce qui devait leur donner une
physionomie toute différente de celle qu'elles ont aujour-
d'hui sous la blancheur sale de leur badigeon.
Le second groupe de sculpture, tout en s'éloignant peu
des principes du précédent, révèle cependant un progrès
réel , peut-être même une école différente.
Tous les édifices où nous les rencontrons en Touraine
appartiennent au roman fleuri , si remarquable par la prodi-
galité des ornements et par l'apparition accidentelle de l'arc
en tiers-point. Ce style correspond , en Touraine comme
ailleurs, à la première moitié du XIIe. siècle.
Les spécimens de ce groupe se rencontrent : dans le
chœur de l'église de Notre-Dame de Loches ; a la retombée
des nervures des transepts, à Aigues-Vives; sur un chapi-
teau du chœur de Fongombault; à la porte occidentale de
l'église de Parçay-sur-Vienne ; enfin, sur les chapiteaux des
colonnes du chœur de l'ancien prieuré de St. -Léonard, à
l'île Bouchard, ruines précieuses qui devraient depuis long-
temps être à l'abri de la destruction qui les menace.
Tous ces sculptures ayant un lien de parenté incontestable,
je m'occuperai seulement de celles de St. -Léonard, dont
voici les caractères principaux : proportions très-courtes à
raison de la grosseur de la tète , qui n'est comprise que
quatre à cinq fois dans la hauteur totale ; forme lourde;
tètes énormes avec le nez épaté et les yeux démesurés et
saillants; les mains et les pieds ont des dimensions en rap-
172 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
port avec la valeur exagérée de la tête , ce qui est au moins
de la logique , sinon de la beauté.
Tous ces défauts , dont il ne faut pas dissimuler la gra-
vité , sont rachetés par un travail mieux étudié des parties ,
travail auquel l'observation de la nature n'est point restée
étrangère. Celte remarque ne surprendra point les archéo-
logues, qui savent avec quel soin les détails sont étudiés
dans les statues-colonnes du portail occidental de la cathédrale
de Chartres , malgré des proportions allongées outre mesure.
C'est certainement à ce principe d'une observation plus
directe de la nature que nos statuettes doivent l'amélioration
sensible, dans la draperie, qui les dislingue du groupe précé-
dent. En effet, les vêtements sont jetés par masses qui suivent
convenablement les mouvements du corps, avec une modifi-
cation profonde du système de plis intermédiaires si carac-
téristiques dans les peintures et sculptures dont nous nous
sommes occupé jusqu'ici. Ces plis contournés sont remplacés
à St. -Léonard par des fi.'ets saillants , parallèles et uniformes,
qui semblent les rayures régulières d'une étoffe bariolée.
il faut constater également un principe d'amélioration fé-
cond dans la composition du sujet , par une tendance mar-
quée à disposer symétriquement les personnages. Enfin ,
malgré la lourdeur des formes, on peut remarquer plus de
mouvement dans les figures par la flexibilité de la tête sur le
cou , la variété des poses et la possibilité de la marche.
Ces qualités constituent un progrès certain de ce second
groupe sur le premier , et , bien que leurs défauts communs
les rapprochent , il est intéressant de constater le pas décisif
par lequel ces sculptures donnent la main au troisième groupe
que nous allons examiner.
Tous les édifices où se rencontrent les œuvres de ce troi-
sième groupe appartiennent , sans exception , au style Plan-
lagenet.
XXIX*. SESSION , A SAUML'R. 173
Je noierai, comme faisant partie de cette division : 1°. plu-
sieurs chapiteaux historiés à l'église St. -Denis d'Amboise ;
2°. les clefs de voûte de St. -Laurent de Beaulieu et de
presque tous les édifices de ce style; 3°. les statues malheu-
reusement si mutilées du magnifique porche de St. -Ours
de Loches, restauré par Pactius en 1180; h°. celles du
même style , à l'intérieur de l'églige de Candes ; 5°. les figu-
rines à la rencontre des nervures, à St. -Maurice de Chinon ;
6°. les quatre statues du chœur de Crouzille et celles du
même genre enclavées dans les colonnes de l'église de Panzou ;
7°. enfin , les statues tombales des rois d'Angleterre , à Fon-
tevrault. Bien que cette dernière localité n'appartienne pas à
la Touraine , dont elle avoisine seulement l'extrême limite ,
je me crois autorisé à la ranger parmi les œuvres de notre
pays, à raison des rapports intimes des deux provinces
d'Anjou et de Touraine, réunies sous la même domination
des Plantagenets.
Elles présentent , d'ailleurs , pour le classement de la
sculpture de cette époque , une importance capitale par leur
date certaine et par leur destination , qui doit faire supposer
qu'elles sont l'ouvrage des artistes les plus habiles du temps;
elles offrent, par conséquent, le spécimen le plus complet des
progrès de l'art du statuaire à la fin de la deuxième moitié
du XIIe. siècle.
Nous les prendrons donc comme type du troisième groupe,
dont nous terminerons l'examen par la description des sta-
tues de Crouzille , qui , avec celles de Panzou , doivent
former une subdivision particulière, à raison du progrès cer-
tain qu'elles révèlent sur l'ensemble des œuvres de la pre-
mière fraction.
Les statues de Fontevrault représentent Henri II et sa
femme , Éléonore de Guyenne ; leur fils Uichard-Cœur-de-
Lion et Isabelle d'Angoulème , femme de Jean-Sans-Terre.
174 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Henri II étant mort en 1189 et Richard en 1199, ces
tombeaux ont dû être élevés au plus tard dans les vingt
premières années du XIIP. siècle. D'un autre côté, il est
certain que la restauration de l'église de Loches par Paclius
est de 1180. C'est donc entre cette date et celle de 1220
que les principales œuvres de ce groupe doivent se rapporter.
Nous allons analyser brièvement les caractères communs
aux quatre statues tombales de Fonlcvrault, sans tenir compte
de quelques différences de peu d'importance.
Ma première remarque portera sur le relief.
Ces statues ne sont encore que des demi-rondes-bosses.
La moitié du corps au moins paraît engagée dans la dalle ,
dont les bords se relèvent à chaque extrémité pour servir de
supports à la tête et aux pieds , enclavant ainsi les person-
nages de trois côtés.
Cette disposition n'est pas spéciale aux statues tombales ,
car nous la rencontrons à Loches et à Candes , dans des
figures appliquées à des murailles verticales. Il faut recon-
naître qu'elle tient aux procédés mêmes de cette époque, où
le sculpteur timide n'ose pas encore s'affranchir des traits
du dessin à l'aide desquels il a préalablement tracé les détails
sur la pierre ébauchée. La grande analogie qui existe entre
le faire des draperies de nos statues et celui que j'ai re-
marqué dans les miniatures des manuscrits de ce temps , me
confirme dans cette opinion.
Comparé avec le système remarqué dans le groupe pré-
cédent , il faut reconnaître un grand progrès accompli , une
méthode nouvelle mise en pratique. Le relief du corps
est suffisamment indiqué par le jet des vêtements. Les plis
intermédiaires, toujours multipliés, ne contrarient plus le
mouvement des masses principales. Tout ce travail, il est
vrai , est encore fait à plat et sans que les parties , naturelle-
ment déprimées , soient fouillées à la profondeur convenable.
XXIX'. StbSIOM, A SAUMUR. i75
Je vois là une nouvelle preuve de la pression persistante du
dessin sur la liberté du ciseau. Eu voici une autre preuve
plus remarquable encore. Les bras sont collés aux flancs de
la figure et les contournent par une courbe qui suit l'ondu-
lation de la poitrine. Cette disposition , jointe au rétrécissc-
% ment des épaules et au rapprochement des jambes , donne
à ces statues une raideur de maintien et une uniformité
d'aspect qui laisse une grande marge au progrès futur de la
statuaire dans la période suivante.
J'ai déjà remarqué souveul combien, à l'époque dont nous
nous occupons, les proportions du corps humain étaient va-
riables. Celles des statues de Fontevrault nous offrent un
exemple particulier d'élévation pour la hauteur totale du
personnage , par rapport à la tète prise comme unité. En
effet , celle-ci n'est pas contenue moins de sept fois et demie
et même huit fois dans la longueur du corps.
Je n'ai rien à dire du caractère des tetes, non plus que
de la forme des pieds et des mains, ces parties ayant été
refaites en 18&6 , lorsque les statues furent transportées à
Paris pour être placées au musée de Versailles.
En résumé, il résulte de l'ensemble de mes observations
sur les divers monuments qui comprennent la première sub-
division de ce troisième groupe , que si les sculpteurs de la
fin du XIIe. siècle ont ajouté quelques améliorations notables
aux connaissances pratiques de leurs devanciers, ils le durent
plutôt au progrès du dessin , en général , qu'à celui des pro-
cédés propres à la sculpture.
Les statues de Crouzille , prises comme type de la seconde
fraction, vont nous montrer l'art du statuaire cherchant à se
développer dans le sens du mouvement , du relief et du
modelé , toutes conditions qui révèlent chez les sculpteurs le
sentiment plus positif des exigences propies à leur art.
Nous ne connaissons aucun lexN; f*i aucun fait qui cou-
176 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
state la date de l'église de Crouzille. Elle appartient, pour la
plus grande partie , au style Plantagenet ; mais si l'on peut
fixer approximativement l'époque où cette manière de bâtir
a commencé, il est plus difficile de préciser le moment où
elle a cessé d'être en usage dans notre province. Le champ ,
sur ce point , est donc ouvert aux conjectures. Voici la
mienne. Elle se base sur le fait de la réunion de la Tou-
raine à la Couronne par la conquête qu'en fit Philippe-
Auguste, en 1205. Un événement politique aussi considé-
rable enfanta nécessairement des conséquences de plus d'un
genre, parmi lesquelles j'admettrais avec une grande vrai-
semblance l'invasion du style ogival , dont le courant parlait
des provinces du domaine royal. Mais il faut faire, en pareille
matière , une distinction importante entre les grands édifices
des principaux centres de population , où l'on n'épargne rien
pour en faire des modèles de grandeur et de magnificence ,
pour lesquels on peut faire venir de loin des architectes et
des artistes en tous genres , et les simples églises de cam-
pagne, nécessairement bornées aux ressources locales.
Cette distinction doit faire admettre une certaine latitude
entre le fait de l'avènement du style ogival en Touraine et
son expansion complète dans toutes les parties de la pro-
vince. Je ne serais donc pas surpris que l'ancien système
eût persévéré dans certaines contrées au-delà de la pre-
mière moitié du XIIIe. siècle. Ainsi, sur les bords de l'Indre
et de la Vienne où les villes de Loches et de Chinon mon-
trèrent , par leur résistance aux armes de Philippe-Auguste ,
la sincérité de leur attachement à la famille Plantagenet ,
il ne me paraît pas douteux que le style angevin n'ait persisté
long-temps après l'époque où la cathédrale de Tours et
l'abbaye de St. -Julien introduisirent dans leur architecture
le goût français des bords de la Seine.
D'un autre côté, le progrès marqué delà statuaire de
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 177
Crouzille , comparée à celle de Fontevrault, ne permettant
pas de les supposer toutes deux du môme temps, je me crois
fondé à conjecturer que l'exécution des premiers doit se
placer postérieurement à l'année 1220.
Ceci établi, je passe à l'examen de ces précieux spécimens
de notre sculpture tourangelle.
Un des signes distinctifs de l'architecture Plantagenet est
la multitude de figurines sculptées dans toutes les parties de
l'édifice. A la rencontre de toutes les nervures , aux clefs de
voûte , au haut des colonnettes en guise de chapiteaux , à
leur extrémité inférieure pour servir de base , partout appa-
raît une foule de statuettes grimpant aux membres d'archi-
tecture, comme les matelots aux cordages d'un navire.
Le plus souvent leur petitesse doit les faire classer dans
l'ornementation, comme à St.-Laurent de Beaulieu, à St.-
Maurice de Chinon , et généralement dans les édifices de ce
genre bâtis sous le règne de Henri II. Mais à Panzou et à
Crouzille , elles atteignent des dimensions respectables qui
doivent les faire ranger parmi les produits de la statuaire.
Les quatre statues de Crouzille sont placées au pourtour
du sanctuaire , immédiatement sur les chapiteaux des co-
lonnes , au point d'où partent en se bifurquant les moulures
d'encadrement des fenêtres et les nervures de la voûte.
Je remarque, d'abord , que, comparées à celles que nous
avons passées en revue jusqu'ici, elles indiquent des pro-
portions plus normales.
On peut aussi constater dans le mouvement des figures un
progrès notable en principe , bien que petit en réalité. Ainsi,
quoique la partie inférieure du corps reste raide et comme
engaînée , les bras montrent une tendance plus libre et com-
mencent à se détacher du corps. Mais c'est surtout par la
flexibilité très-accusée de la tète sur le cou, que la pose de
ces figures révèle le germe de ce principe fécond qui , dé-
12
178 COiXGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE P8ANCE.
veloppé au XIIIe. siècle, conduira à la découverte de la loi
du balancement du torse sur les hanches , seul capable de
rompre avec l'immobilité des œuvres de la période romane.
Je n'aperçois pas une grande modification dans la forme
du corps , toujours étroite , allongée et semblable aux fûts de
colonnes dont ces statues occupent la place. Les pieds sont
épatés et généralement à moitié cachés par le bas de la robe.
Les mains paraissent lourdes , malgré la longueur des doigts,
et les traits du visage , toujours très-accentués , annoncent
cependant des efforts certains pour se rapprocher de la
réalité. Le modelé , comparé à celui des œuvres de la pre-
mière fraction de notre troisième groupe, a progressé con-
sidérablement. D'abord, le parallélogramme de pierre d'où
les statues sont sorties n'est plus naïvement conservé comme
un témoin du labeur de l'artiste, et, par suite , la ronde-
bosse a fait un pas en avant. Le relief de chaque partie
s'accuse de plus en plus, et quelques plis, convenablement
fouillés, donnent de l'effet aux draperies. Dans celle-ci , un
progrès notable s'est accompli.
Jusqu'à ce moment nous n'avons rencontré que des vête-
ments aux plis parallèles, collés au corps.
Je constate ici un travail d'observation intelligente qui
révèle une tendance positive vers l'imitation de la nature.
Si les grandes masses n'ont pas encore l'ampleur que la fonc-
tion architecturale de ces statues suffisait à exclure , les plis
secondaires tombent sans affectation de régularité ; ils se
modifient à propos , suivant la disposition des membres dont
ils accusent le mouvement et la forme. Affectant des ondula-
tions plus en harmonie avec la coupe du vêtement , ils s'en-
chaînent , tout en se contrariant suivant la direction partielle
qu'ils subissent.
En résumé , le progrès pratique qui se révèle dans les
statues de Crouzille et de Panzou est considérable, et , bien
\\IXP. SESSION, A SAUMUR. 17(.)
qu'en raison de leurs parlies défectueuses elles se rattachent
encore à la période antérieure, je ne doute pas qu'elles
n'appartiennent pour leur exécution à la première moitié du
XIIIe. siècle. Elles servent ainsi de transition immédiate avec
les œuvres si remarquables de la période suivante , dont la
sculpture du porche septentrional de Candes nous offrira le
type le plus élevé , au moyen-âge , dans notre province.
M. Godard-F'aultrier signale l'existence de peintures mu-
rales dans les localités suivantes :
A Angers, dans l'église de la Trinité, à l'une des chapelles
de la nef, côté nord ; elles sont de la fin du XVe. siècle.
A Angers, dans l'ex-église de Toussaint, dans la nef, côté
sud (XVe. siècle).
A Angers , dans l'ex-chapelle de Lesvières. Les voûtes
lambrissées sont également peintes (fin du XVe. siècle).
A La Haye-aux-Bons-Hommes, près d'Angers (XI Ie. siècle).
A St.-Aubin-des-Ponts-de-Cé(XVI°. siècle). MM. Mérimée
et Lenormand ont trouvé ces peintures fort belles.
A St.-Remi-la-Varenne (XIIe. siècle).
A l'église de Pontigné (XIIe. siècle).
A l'église de Fonlaine-Guérin , on voit une voûte lam-
brissée, couverte de peintures représentant de nombreux
arbres chargés d'oiseaux et de blasons (XVe. siècle).
A Fontevrault, dans l'ancienne salle capitulaire de l'ab-
baye (XVIIe. siècle). — Voir notice sur Fontevrault, p. 18.
A l'ex-église deSL-Macé, dite Ermitage, commune de
Trèves-Cunauld ( XIIe. siècle ).
A Cunauld , dans les nefs ( XVe. siècle ).
Dans l'église du Lion-d'Angers , murs de la nef ( XVe. et
XVIe. siècles).
Dans l'église de Chanteussé (XIIe. et XVe. siècles).
La plupart de nos anciennes églises étaient peintes, re-
180 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
vêtues do pavés émaillés et ornées de vitraux que le temps
a fait disparaître.
Le même membre mentionne également des vitraux peints
qu'il a remarqués dans quelques édifices religieux.
Cathédrale d'Angers. — Les plus anciens et les plus cu-
rieux vitraux se trouvent dans la nef ( fenêtres du nord) ; ils
représentent le martyre de saint Vincent , la vie de la
Vierge et le martyre de sainte Catherine; ils appartiennent
au XIIe. siècle.
Dans le chœur, des vitraux du XIIIe. siècle représentent
la vie de saint Pierre, de saint Éloi, de saint Martin, l'Arbre
de Jessé , la vie de saint Julien.
Les grandes rosaces des transepts sont du XVe. siècle ;
dans celle du sud, on remarque les douze signes du zodiaque.
St.-Serge. — Dans la nef, les vitraux appartiennent au
XVe. siècle et représentent des prophètes.
Le chœur renferme des grisailles du XIIe. siècle.
Eglise de Vernantes. — Entr'autres sujets, l'un des vitraux
offre, dit-on , la figure de Foulques V , comte d'Anjou, de
1109 à 1129 ; mais ce vitrail, datant du XVe. siècle, laisse
peser plus qu'un doute sur l'attribution qu'on veut lui
donner.
St.-Aubin-des-Ponts-de~Cé. — Tout le chœur est orné de
vitraux des XVe. et XVIe. siècles , à la conservation desquels
M. le curé Ourion fait bonne garde.
Plessis- Bourré. — Ce château ne renferme plus dans sa
chapelle que quelques restes de vitraux du XVe. siècle, mais
qui sont d'une rare perfection ; les principaux en ont été
détachés il y a moins de trente ans, et vendus en Angleterre,
si je suis bien renseigné.
Château de La Coleterie , commune de St.-Lambert-la-
Poterie. — Dans la chapelle , qui est moderne , on a placé
de fort beaux vitraux du XVIe. siècle , provenant de la dé-
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 181
molition de l'ancienne église de St.-Mathurin. ( V. Nouv.
arcli. , n°. 22.)
Chapelle de Roumois. —Cette chapelle renferme un ma-
gnifique vitrail représentant Jésus-Christ sur la croix ; son sang
coule dans une fontaine où les pécheurs viennent se purifier.
Les fenêtres de l'est et du sud portent en signature les
initiales B. G. , qui font naturellement penser à Ballhazar
Godon ou Gondon , dont les verrières remarquables , signa-
lées par M. l'abbé Coffinet , remontent à la période écoulée
entre les années 1497 et 1515 (V. Répert. arch. de l'Anjou,
année 1859, p. 99).
Eglise de Bèhuard. — On y voit encore quelques vitraux
du XVe. siècle.
M. Goclard-Faultrier fait connaître ensuite trois pierres
tombales qu'il a rencontrées dans différentes églises.
Dans la cathédrale d'Angers, chapelle du Baptistère, pierre
tombale représentant, gravé au trait et en pied , le chanoine
Gaufridus de Versalio (XIIIe. siècle).
Nous en parlons dans le Questionnaire , n°. 13 , au titre
Inscriptions.
Au Ronceray d'Angers (École des arts-et-métiers ) , pierre
tombale représentant , gravée au trait et en pied, l'abbesse
du Ronceray, Renée Sarrazin, morte en 1499 (style Renais-
sance). Autour de la coquille qui fait arcade pour la tête, on
lit: In sola misericordia Dci spero salvari; puis, le long
de la tombe , cette épitapKe :
Cy noble et vertueuse dame saige abbesse sans vice ou
blasme Renée Sarazin repouse qui dixième may rendit
l'ame l'an mil cinq cens ung moins qu'on clame (1499,
son ame soit es cieulx enclouse. Amen.
\ St.-Aubin-de-Cuigné, dans l'église, pierre tombale re-
182 CONGRÈS ARCHÉOLOG[QUE DE FRANCE.
présentant , gravé au trait et en pied , un chevalier ( style de
la Renaissance). Cette pierre , par sa coquille en forme d'ar-
cade, ressemble beaucoup à celle de l'abbesse Renée Sarrazin
(Voir Rép. arch. — Janvier 1860).
M. Joly cite une pierre tombale existant dans la nef de
St. -Pierre de Saumur , et qui vient d'être masquée par un
mur, mais dont l'inscription se voit encore. M. Lambert
donne quelques explications à cet égard ; puis M. de Caumont
insiste vivement pour que MM. les Curés et les Conseils de
fabrique ne fassent pas disparaître , de leurs églises , des mo-
numents qui souvent conservent le souvenir de leurs anciens
bienfaiteurs.
Dans l'église de Parnay , dit M. Raimbault , on voit un
tombeau en forme d'autel , placé dans un arceau pratiqué
sous le bas-côté de gauche. Cette tombe est celle de Jean du
Plessis, seigneur de Parnay, décédé le 18 novembre 1476,
et d'Isabelle de Montis, dame de Parnay , décédée le 16
octobre 1479.
Sur ce tombeau on lit l'inscription suivante :
Cy gisent nobles personnes Jehan du Plexis et de Parnay ,
en son vivant escuier et conseiller du roy de Sesille , qui
trespassa le XXV IW. jour de novembre MCCCC LXXVI
et ausi damoyselle Isabelle de Montis, dame de Parnay, qui
trespassa le XVIe. jour d'octobre M CCCC LXXIX.
M. de Galembert signale plusieurs pavés émaillés en Tou-
raine.
IM. de Verneilh demande des renseignements sur les tapis-
series anciennes de Nantilly, que le Congrès n'a pas visitées.
M. Joly , architecte , répond qu'il les a en dépôt chez lui
en ce moment et qu'il les a fait restaurer; il promet d'en
prendre le plus grand soin jusqu'à leur réintégration dans
l'église.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 183
RI. Godard-Faullrier lit un mémoire sur les tapisseries de
la cathédrale d'Angers (XV. siècle), lesquelles ont été
dessinées , dit-on , par le roi René. Il raconte l'histoire des
tapisseries fabriquées à Saumur , au X*'. siècle , par les reli-
gieux de St. -Florent.
La cathédrale d'Angers possède de nombreuses tapisseries
de laine qui ont été longuement décrites dans une brochure,
de M. l'abbé Barbier de Monlault, publiée à Angers en 1858.
La plus belle est celle de l'Apocalypse ( XIVe. et XV.
siècles ) ; elle fut léguée à la cathédrale par le roi René
d'Anjou , qui en avait orné auparavant son château de
Baugé. Elle ne comprend pas moins de 75 tableaux.
Ces tableaux sont eu voie d'être gravés au trait et publiés
par RI. Léon de Joannis , ancien directeur de l'École des
arts et métiers d'Angers.
La première livraison de ce bel ouvrage a paru au com-
mencement de cette année.
C'est aux soins de RI. l'abbé Joubert , custode de la cathé-
drale , que l'on doit la réparation de cette magnifique tapis-
serie, dont les dessins ont été tracés par le roi René
lui-même , si nous devons en croire une ancienne tradition.
Le Gouvernement a alloué des fonds pour cette réparation,
et nous nous plaisons à dire ici que M. Joly , architecte , n'a
point été étranger aux démarches faites à ce sujet.
Le Répertoire archéologique du département de Rlaine-
et-Loire , dans son numéro de mars 1862 , a parlé de cette
tapisserie et en a publié une gravure dans son numéro de juin.
L'église St. -Pierre de Saumur , de son côté , possède une
curieuse tapisserie, ùhe Tapisserie de St. -Florent. Elle parut
à l'exposition d'Angers de l'an 18/i2 , et fut lithographiée au
trait par M. Hawke. J'eus l'honneur de joindre à cette pu-
blication une notice imprimée , dans la même année , chez
Cosnier et Lachèse.
184 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Cette tapisserie avait appartenu au monastère bénédictin
de St. -Florent, près de Saumur. Des vers, en lettres dites
gothiques, se lisent aux pieds des personnages et font con-
naître la légende de St. -Florent. Les derniers indiquent quel
fut le donateur ; les voici :
}par très reoerenb père en JOieu
liions l'abbé Sacques Iero}>
3e fus bonne'e a a sahut lieu
(Le moyennant benot au ro^.
JjJrie* 3csus sonneront rog
(due be tout mal so'tt beffcnbti
Un bienfait n'est jamais perbu ( to24).
Cette tapisserie se composait de neuf pièces , dont six
seulement ont été exposées à Angers, en 1842. Que sont
devenues les 2e., 4 e. et 5e. ? Je l'ignore! Les six pièces qui
nous restent ont , dans leur ensemble , 28 mètres de long sur
une hauteur de 1 mètre 80 centimètres.
Nantilly en possède également de fort belles, qui ne se-
raient point indignes de la publication.
Cette église, qui possède un oratoire de Louis XI, dé-
pendait du célèbre monastère bénédictin de St. -Florent de
Saumur , où , vers la fin du Xe. siècle , en 985 , se trouvait
établi un riche atelier de tapisseries , au rapport de Martène
et de Durand ; les religieux fabriquaient eux-mêmes ces
tapis de diverses sortes d'étoffes , avec ornements de Heurs
et de figures d'animaux. A ce propos, je ne puis m'em-
pêcher de citer un texte inédit de Dom Jean Huynes, ainsi
conçu :
« Le bon père Robert (abbé de St. -Florent, fin du Xe.
« siècle ) fit faire plusieurs tapisseries , richement élabou-
« rées ; un jour , étant allé pour je ne sais quel sujet en
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 185
« France (1) , le frère cellérier voulut épargner sur le boire
« des ouvriers, ne leur donnant le mixton ordinaire; ce que
k voyant ils commencèrent à regretter l'absence du bon
« père et à dire: Bien que vous nous traitiez de la sorte,
« nous ne discontinuerons l'œuvre ; mais, puisque vous nous
« traitez à rebours , nous vous ferons des personnages de
« travers; ce qu'ils firent. Et on a vu long-temps telles
« tapisseries en l'abbaye (2). »
Je n'ai pu trouver durant combien d'années cet atelier
fonctionna ; je sais seulement que ce goût des belles tapisse-
ries était fort répandu encore à Saumur au XVe. siècle.
Dans une notice bistorique sur les manufactures impériales
de tapisseries des Gobelins, etc. , par A.-L. Lacordaire , di-
recteur de cet établissement (Paris, 1855), on lit: que
l'art de fabriquer les tapisseries remonte à la plus haute an-
tiquité et est originaire de l'Orient. Les anciens connaissaient
le métier à chaîne verticale ; il est encore employé à la ma-
nufacture des Gobelins, sous le nom de métier à haute-lice.
« Les Égyptiens furent , dit-on , les premiers qui , pour
« faciliter la fabrication des tissus ordinaires , disposèrent
« différemment la chaîne et le travail en rendant le métier
« horizontal; de là, par opposition, le nom de métier à
« basse-lice qui lui a été donné. Des fragments de tissus
« égyptiens faisant partie de la collection Clol-Bey, acquise
« par le Musée du Louvre, donnent une idée de cet art
« antique et du degré de perfection auquel il était déjà
« porté à une époque fort reculée. »
Cet art fut introduit en France dans le cours du IXe.
siècle, et les religieux de l'abbaye de Si. -Florent de Saumur
comptent au nombre des premiers fabricants. Mathieu de
(1) On appelait alors France le territoire situé au nord de la Loire.
(2) Manuscrit de Huynes.
186 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Loudun , abbé de ce monastère , nommé en 1133 , y fit exé-
cuter pour son église une tenture complète ; sur l'une des
deux pièces qui devaient orner le chœur , on représenta les
vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse; sur l'autre pièce,
un sujet tiré du même livre; et sur celle de la nef, des
chasses de bêtes fauves (1).
Ces animaux fantastiques , représentés sur les tapisseries
que l'on exposait dans les nefs d'église , n'auraient-ils point
donné aux architectes du moyen-âge l'idée de sculpter des
sujets analogues, connus sous le nom de figures grimaçantes,
qui couvrent, au XIIe. siècle, les motlillons de nos édifices
romans ? '
La tenture précitée de la nef de St. -Florent, sous l'abbé
Mathieu de Loudun, nous autorise à le croire.
Quoi qu'il en soit , la ville de Saumur peut justement
s'honorer d'avoir été l'une des premières en France, grâce
à ses moines bénédictins , à exercer l'industrie encore au-
jourd'hui si recherchée des tapisseries historiées.
M. Godard fait connaître ensuite plusieurs boiseries scul-
ptées ou meubles existant h la Trinité d'Angers et ailleurs.
Dans l'église delà Trinité d'Angers, on voit un devant-
d'autel , bas-relief en bois, représentant les œuvres de misé-
ricorde. M. l'abbé Tardif a fort bien décrit cet objet du XVe.
siècle (V. Rép. arch., 1858-1859, p. 118).
Dans la même église se voit une cage d'escalier, en bois,
style Renaissance.
Dans l'église de St.-Maurille-des-Ponls-de-Cé, et prove-
nant primitivement de La Haye-aux-Bonshommes, très-belles
stalles du XVT. siècle. Elles sont en réparation, si je suis
bien renseigné , dans l'atelier de l'abbé Choyer.
(1) DD. Marttne et Durand, Historia monasterii Sanrti Florent i
Salmuriensis Ampt. Coll. , t. V (Lacordaire , p. 2 ).
XXIX'. SESSION, A SAUMUB. 187
Au musée d'antiquités d'Angers , très-beau bahut repré-
sentant une revanche de la danse macabe(XVIe. siècle).
M. Fortoul croit que celte scène n'a pas d'analogue.
M. Joly signale des stalles au Puy-Notre-Dame.
Le Congrès passe à la question suivante:
Signaler les autels et les fonts baptismaux anciens , les
cloches a inscriptions gothiques , les objets d'orfèvrerie et
les autres meubles et ornements du moyen-âge que re?i-
ferment encore les églises de la région.
M. de Caumont recommande de respecter les anciennes
cloches, dont plusieurs fort belles, des XIVe. et XVe. siècles,
existent encore. Il fait savoir que M. le comte de Toulouse-
Lautrec a composé un travail sur les cloches du midi de la
France et a relevé beaucoup d'inscriptions. M. le docteur Billon
a fait aussi un grand travail sur le même sujet, dans le nord.
M. Joly signale d'anciennes cloches à St. -Vincent , à Blon
et à Nantilly. M. l'abbé Jouberl dit qu'il serait bon de s'oc-
cuper aussi de la sonorité des cloches , qui laisse beaucoup
à désirer aujourd'hui. M. Mayant émet l'avis que MM. les
curés soient engagés à reproduire et à conserver les anciennes
inscriptions existant sur les cloches de leurs églises.
M. Raimbault cite les cloches des Tuffeaux (1663), de
Blon (même époque), de Souvigné , de Martigné (1A80).
M. de Galembert signale un reliquaire d'argent , à Ste.-
Calherine-de-Fierbois.
M. Raimbault signale un calice du XVe. siècle, à Thouarcé.
Un membre , au nom de la Commission archéologique de
Maine-et-Loire , fait hommage du Répertoire archéologique
que publie chaque mois cette Commission. M. de Caumont
atteste le succès mérité de cette publication.
Le Secrétaire,
B. Ledain.
188 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
EXCURSION A FONTEVRAULT, CANDES ET CHINON
(Le 4 juin 1862).
Présidence de M. Louvet , maire de Saumur.
M. F. de Verneilh , secrétaire-rapporteur.
Il n'est peut-être aucune ville française qui se prête mieux
que Saumur aux excursions archéologiques , et qui réunisse
dans ses environs autant de monuments , d'un intérêt à la
fois très-grand et très-varié , encadrés par de ravissants
paysages. Voir et étudier dans la même journée , sans em-
prunter au chemin de fer autre chose que ses omnibus,
Fontevrault avec toutes les dépendances d'une abbaye de
premier ordre, Montsoreau, Candes, St. -Germain-sur- Vienne,
Ghihon avec son château historique , ses vieilles maisons et
ses curieuses églises, en y comprenant celle de Rivière;
c'est un programme bien chargé et fait pour lasser les plus
intrépides, mais bien attrayant et d'une merveilleuse richesse.
Aussi étions-nous de grand matin à Fontevrault, et,
pendant que M. le Maire de Saumur avisait à nous faire ou-
vrir les portes de l'abbaye , convertie en maison centrale,
nous nous dirigions aussitôt sur la chapelle funéraire, bâtie un
peu avant 1225, par Ala, duchesse de Bourgogne. Sa crypte,
sa voûte singulière revêtue de nervures nombreuses et élé-
gantes , enfin sa toiture en pierre, avec le fanal qui la surmonte
et les pyramides , si différentes par leur forme ou par leurs
proportions, des clochetons gothiques qui l'accompagnent
latéralement , en couronnant les quatre contreforts d'angle ;
tout est attentivement examiné, et l'on regrette que dans un
département aussi riche que celui de Maine-et-Loire , et qui
a donné tant de preuves de son zèle pour les monuments ,
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 189
celui dont il s'agit n'ait pas encore été acheté et débarrassé
des planchers, reliés par un escalier vermoulu, qui l'obs-
truent intérieurement. En assurant sa conservation, on lui
rendrait son effet pittoresque , et l'on ferait , au prix de
quelques milliers de francs tout au plus , une excellente
affaire.
Après avoir vu, en passant, l'église paroissiale dédiée à
saint Michel, dont les vieux tableaux, provenant de l'abbaye,
et les voûtes surhaussées , caractéristiques du style ogival de
l'Anjou, mériteraient plus d'attention, nous entrons enfin
dans l'enceinte de l'abbaye. M. le Directeur de la Maison
centrale , qui s'est pris d'affection , comme son collègue du
Mont-Saint-Michel, pour le noble monument confié à sa
garde , nous en fait les honneurs avec empressement et nous
conduit d'abord à la tour d'Evrault, édifice assez analogue,
par sa forme , à la chapelle funéraire que nous venons d'étu-
dier, mais d'une destination bien différente. C'était, en
effet, la grande cuisine de l'abbaye. MM. Joly-Leterme et
Segrétain , qui ne l'avaient pas revue depuis que les publi-
cations de M. de Caumont , de M. Parker et de M. Viollel-
Leduc ont montré , par des dessins comparés , à quel usage
elle était réellement affectée , conservaient encore des doutes
sur ce fait archéologique. A l'aide de hautes échelles, ils at-
teignent au sommet de ces absides obscures qui flanquent la
tour d'Evrault, et, en allumant des bougies, ils voient et
font voir à tous , au haut de la voûte hémi-circulaire , un
tuyau de cheminée parfaitement rond , qui s'élève perpen-
diculairement jusqu'au point où une restauration plus ou
moins récente est venue le tronquer. En même temps, on
aura fermé les petites fenêtres qui s'ouvraient primitivement
dans chaque abside. Des fenêtres dans une cheminée, au-
dessus du foyer et en arrière de la colonne de fumée qui
s'en échappe , cela peut paraître singulier. Maison ne conçoit
190 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
guère autrement comment la cuisine, qui ne sert plus au-
jourd'hui que de bûcher, pouvait être éclairée, et surtout
on ne comprend pas , comme arcs de décharge , les petits
cintres que l'on voit encore très-distinctement dans le pare-
ment extérieur.
A cela près , les vastes dimensions de la tour d'Évrault
s'expliquent par les besoins d'une Communauté où vivaient
des milliers de personnes. La nécessité d'aérer et d'assainir
une pièce où brûlaient à la fois cinq grands feux de che-
minée, et où les viandes cuites exhalaient d'épaisses vapeurs,
motive sa hauteur et sa structure compliquée; car, au fond
de ces sortes de niches au-dessus desquelles s'élève, comme
un clocher, la pyramide centrale, il y avait , selon M. Viollet-
Leduc , un second étage de tuyaux de cheminée. Quant à
la construction élégante de cette cuisine de Fontevrault , qui
date , aussi bien que le chœur de l'église principale , du
milieu du XIIe. siècle, elle n'a rien d'étonnant à une époque
où tous les bâtiments accessoires des grandes abbayes pre-
naient un air monumental.
Une nouvelle preuve, et qui n'avait point été remarquée ,
je crois, avant notre visite, que la tour d'Évrault est vraiment
une cuisine , c'est qu'elle communiquait , par un des côtés
de l'octogone où il n'y a pas d'abside , avec un grand corps-
de-logis servant encore de réfectoire aux détenus , comme
autrefois aux religieuses. Il a été voûté pour la première fois.
au XVe. siècle; mais ses murs sont romans et l'on distingue
aisément les anciennes fenêtres et l'ancienne distribution ,
qui n'a pas changé ; car , dans ces grandes agglomérations
humaines, qu'elles soient composées de saints ou de ré-
prouvés , les besoins restent les mêmes et la tradition , for-
tifiée toujours par des convenances locales, conserve inva-
riablement son empire. Nous verrons de même l'ancienne
maladrerie de Fontevrault servir d'infirmerie aux détenus.
rn> pis i.v c usine i»e eomevkm vr.
COITE FI' V( K 1\ ir.lilKI RF. DE LA 1,1 IMNK 1)1 KONTEMUl II.
XXIX'. SESSION, A SAUMUK. 191
Mais nous allons d'abord à la grande église abbatiale ,
en traversant un magnifique cloître , des premières années
du XVIe. siècle, où va s'ouvrir de nouveau , grâce à de ju-
dicieuses réparations, une salle capitulaire ornée de curieuses
peintures qui représentent chaque abbesse, assistant en quel-
que sorte à une des scènes de la Passion.
La nef, consacrée en 1120, offre une série de quatre
coupoles byzantines sur pendentifs sphériques. C'est le seul
plan de l'église de fomevkault.
monument de cette espèce qui se trouve dans la vallée de
la Loire. A Loches, on a imité Fontevrault sans faire de
vraies coupoles , et à Villandry, Monts et Cormery , où il en
192 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
est autrement , elles ne forment pas de série. Il faut faire
50 lioues, au sud, pour rencontrer des édifices analogues à
la nef de Fontevrault. Telle est la cathédrale d'Angoulême
qui, selon toute apparence, lui a servi de modèle; tous les
détails du plan et de l'élévation sont presque identiques , à
tel point qu'il n'y a qu'un centimètre de différence dans le
diamètre des coupoles.
Consacrée aussi en 1120 , la cathédrale d'Angoulême , qui
comprend d'ailleurs , outre la nef semblable à celle de Fon-
tevrault, un chœur accompagné de chapelles rayonnantes et
PLAN DE LA CATHÉDRALE D'ANGOULÊME.
deux vastes transepts terminés par des clochers , avait été
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 193
commencée beaucoup plus tôt, probablement depuis 1101, ou
peu après. L'imitation est donc parfaitement possible : et ce
qui achève d'expliquer un fait extraordinaire en lui-même,
mais suffisamment démontré déjà par la prodigieuse ressem-
blance des deux monuments, c'est que, sans parler des voyages
de Robert d'Arbrissel et de ses premiers disciples dans la
région des églises à coupoles, on voit, en 1117, les chefs
de l'abbaye de Fontevrault venir plaider , à Angoulême , une
affaire très-importante pour les intérêts de leur Communauté,
devant l'évêque Gérard , légat du Saint-Siège pour les pro-
vinces de l'ouest et présidant , en cette qualité , un concile
de quarante prélats. Or, si l'on songe que le chœur de St.-
Denis a été terminé en trois ans et trois mois , on conçoit
que la nef de Fontevrault, édifice bien plus simple et moins
dispendieux après tout, ait pu être bâti dans le même temps.
Après avoir indiqué ce rapprochement historique , qui ne
se trouvait point dans l'ouvrage où il a comparé Fontevrault
à la cathédrale d'Angoulême , et qu'une récente notice de
Mgr. Cousseau, sur son prédécesseur Hugues Tison , lui a
permis de faire pour la première fois , M. de Verneilh ex-
plique que, clans son opinion, la nef byzantine de Fontevrault
s'est adaptée d'abord aux transepts et au chœur de l'église
primitive , rebâtis à leur tour un peu plus tard. Il montre
ensuite, sur le monument lui-même, en quoi il diffère de
la nef d'Angoulême , et par quels détails la copie l'emporte
sur l'original. Il constate que les chapiteaux sont bien plus
conformes au style roman du Poitou , de la Saintonge et de
l'Angoumois , qu'à celui de la Touraine et de l'Anjou. Enfin,
il remarque , dans un étage occupé autrefois par des pri-
sonniers politiques, et où il n'avait pu être admis, que des
petites corniches presque imperceptibles couronnent encore
les pendentifs de deux travées, en marquant la naissance des
coupoles proprement dites ou calottes , tandis que les dessins
13
194 CONGBjÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
relevés par M. Dainville, d'Angers, pour L'Architecture
byzantine en France, laissaient croire, en omettant ce dé-
tail caractéristique, à la possibilité de coupoles sans penden-
tifs distincts.
M. de Verneilh rappelle aussi que la nef de Fontevrault a
évidemment servi de point de départ au style Plantagenet ,
qui s'est formé dans l'Anjou d'une fusion entre l'architecture
ogivale du nord et l'architecture byzantine du midi , pour se
répandre ensuite dans tout l'ouest. En architecture , comme
en fait d'organisation monastique , cette église est donc réel-
lement un chef d'ordre.
Dans les étages inférieurs de la nef, il n'y a àobserverque
la forme , la grandeur et l'écartement des piliers , le dessin
des arcatures et la sculpture des chapiteaux ; mais l'étage qui
règne à la hauteur des pendentifs , et qui forme un immense
dortoir, présente un aspect saisissant. Ces larges ogives, les
plus vieilles , selon M. Godard-Kaultrier , que l'on connaisse
en Anjou (1), toutes ces surfaces sphériques qui les réu-
nissent, et auxquelles il ne manque que la calotte des cou-
poles , produisent un effet analogue à celui que ferait l'en-
semble de l'édifice.
C'est ce que nous nous disons en cherchant , sans mandat,
le meilleur moyen de restaurer la nef de Fontevrault et de
la rendre au culte. Deux combinaisons ont été proposées :
l'une consisterait à faire de la nef de l'abbaye l'église pa-
roissiale du bourg, auquel on la rattacherait par un pont
couvert jeté sur le chemin de ronde de la prison. Mais il y a
à cela de nombreux inconvénients et des difficultés sérieuses;
il y en aurait certainement moins à obtenir de l'État qu'il
voulût bien , dans le seul intérêt du monument , réunir la
nef aux transepts et faire de tout, comme autrefois, une vaste
(1) Répertoire archéologique de l'Anjou, 1861 , article Fonte-
VBAILT.
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 195
et imposante église. C'est ce que M. Godard-Faultrier ,
inspecteur des monuments de Maine-et-Loire, sollicite depuis
long-temps; c'est ce que conseillerait aussi la majorité de
l'Assemblée.
Si l'on se décide à bâtir un nouveau dortoir, plus sain et
aéré, à la place de celui dont il s'agit ; si , ce qui est possible
aussi , le nombre des prisonniers se réduit assez pour per-
mettre de s'en passer tout-à-fait, il y aurait à peine 20,000 fr.
à dépenser pour rétablir la calotte des quatre coupoles , en-
lever les planchers et les murs de séparation , et restituer
ainsi à l'édifice son unité et sa majesté premières. Ce serait
pour la chapelle de la prison un agrandissement inutile;
mais il serait singulièrement apprécié par les nombreux
visiteurs de l'abbaye. Il permettrait de remettre à leur place
primitive (1) les tombeaux profanés des Plantagenets , et il
profiterait de toutes façons à l'art , à l'archéologie , à
l'honneur national enfin, intéressé, quoi qu'on en dise, à
ce que des souvenirs historiques aussi précieux pour l'Anjou
et pour la France recouvrent tout leur prestige.
^ Avec la nef de Fontevrault , nous parcourons librement
les autres parties de l'édifice. Les transepts, élevés vers 1130,
et le chœur, entrepris peu de temps après, nous offrent
un plan qui se développe par degrés , et un autre style
d'architecture et de sculpture plus conforme aux traditions
romanes de l'Anjou. Mais déjà, sous la tour centrale, une
petite coupole sans pendentifs distincts nous fournit le
premier des jalons qui conduisent au style Plantagenet.
Nous entrons à tour de rôle , car elle ne saurait nous
recevoir tous à la fois, dans. la petite chapelle où sont en-
tassées les statues tombales d'Henri II et d'Éléonore d'Aqui-
taine, de Richard-Cœur-de-Lion et d'Isabelle d'Angoulême,
(1) Annales archéologiques, t. V, p. 280.
1% CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
veuve de Jean-sans-Terre. Ce ne sont pas les plus anciennes
qui existent, car celles de Childebert , à St.-Germain-des-
Prés, et de Clovis, à Sie. -Geneviève, ont environ un demi-
siècle de plus ; mais ce sont les premières effigies royales qui
aient été faites immédiatement après la mort des personnages
qu'elles représentent, et dont la ressemblance soit possible
ou probable. Aucune n'offre encore ces anges au chevet ,
ces lions en guise de coussin , qui sont devenus plus lard
un accompagnement banal. Toutes sont couchées sur le
même lit mortuaire, relevé a la tête et aux pieds; toutes
sont sculptées dans le même goût, quoique celle d'Henri II
soit évidemment la plus romane , et celle d'Isabelle la plus
gothique, comme c'était naturel.
Avant de quitter ces statues, quelques-uns de nous rap-
pellent les étranges négociations dont elles ont été l'objet.
Depuis 1817, l'Angleterre les a réclamées, en se fondant
sur l'abandon où on les laissait et sur le peu de cas qu'on
semblait en faire. Elles étaient alors , en effet , au milieu
des décombres , comme des débris sans valeur. Sur les ob-
servations patriotiques de M. Bodin et de M. le baron
de Wismes , préfet de Maine-et-Loire , les ministres de
Louis XVIII les refusèrent.
Comme M. de Guilhermy l'a si bien raconté dans les
Annales archéologiques (1) , Henri II était le fils d'un prince
français , et il ne l'oubliait pas , malgré sa haute fortune.
Il voulut être enseveli dans l'abbaye la plus célèbre et la
plus sainte des domaines des comtes du Maine et de l'Anjou.
Assurément il eut tort et se montra mal inspiré. S'il avait
donné la préférence à son royaume d'Angleterre, jamais sa
tombe n'aurait été violée , même sous Cromwel ; elle serait
encore paisible et honorée ; les prières seules lui auraient
(1) Ann. urch., t. V, p. 281.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 197
manqué un jour. De même , si Henri Plantagenet avait fondé
en Angleterre des établissements comme les hospices de
Caen, du Mans et d'Angers, on n'aurait pas détruit l'un
et travesti l'autre en caserne ; on ne s'apprêterait pas à faire
du troisième une filature. Les Anglais les compteraient au
nombre de leurs plus beaux , de leurs plus précieux mo-
numents; et, s'ils étaient devenus insuffisants, on les agran-
dirait , on en bâtirait de nouveaux , en se gardant bien de
changer leur destination. Mais Henri II a tenu à rester
français avant tout ; il devait , à ce titre , partager le sort
de nos autres souverains.
Richard Ier. pensait encore comme lui ; il désira que ses os
reposassent à côté de ceux de son père, et en léguant son
cœur de lion à la cathédrale de Rouen, une autre partie
de sa dépouille mortelle à l'abbaye poitevine de Charroux ,
il oublia l'Angleterre, qui ne lui en a pas gardé rancune.
La Restauration , qui n'était pas solidaire de nos fureurs
révolutionnaires et de nos ingratitudes , aurait rougi de ré-
pudier au nom de la France des renommées aussi éclatantes.
Elle refusa, comme nous l'avons vu, de céder les statues
des Plantagenets; mais, au lieu de leur donner asile à St.-
Denis , ce qui était peut-être convenable , on se contenta
de les rapporter dans la partie de l'église de Fontevrault
qui restait consacrée au culte. La réparation se borna là ,
et on les traita d'ailleurs comme les statues les plus vulgaires.
Il n'y eut pas même d'inscriptions pour dire leurs noms ,
ou pour rappeler, par exemple , que le coeur de Henri III
avait été déposé dans le tombeau de sa mère Isabelle.
Elles demeurèrent oubliées jusqu'à l'époque où se forma
le musée de Versailles. Alors elles y furent transportées, par
les ordres du roi. S'il s'agissait de les mouler, l'opération
pouvait se faire sur place ; mais on était disposé à les garder
en nature, ou plutôt à les donner à l'Angleterre, qui ne
198 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cessait pas de les revendiquer. Des réclamations énergiques,
appuyées par la presse archéologique (1) et portées à la
tribune par M. le comte de iMontalembert , firent obstacle
à ces projets , sans parler des événements d'Espagne qui
rendirent tout-à-coup l'entente moins cordiale. Cependant
il n'y eut pas de restitution. 1868 survint, et il ne s'agit
plus de donner les statues de Fontevrault, mais de les vendre.
Voici comment : la bibliothèque Bodléienne d'Oxford pos-
sédait la plus grande partie des dessins de la collection
Gaignières , si précieux pour notre archéologie nationale.
Il fut sérieusement question, à ce que l'on raconte, à Oxford,
de les échanger contre les statues de Fontevrault, dont la
République n'avait que faire à Paris. Heureusement les ad-
ministrateurs de la bibliothèque Bodléienne, qui cédaient les
dessins, n'auraient pas eu les statues réservées à Westminster.
Ils trouvèrent le marché mauvais; et bientôt, sous l'ad-
ministration de M. de Falloux, les démarches réitérées de la
Société archéologique d'Angers eurent un succès complet.
Les statues des Plantagenets revinrent définitivement à Fon-
tevrault , sans avoir g;igné à tout ce bruit autre chose que
d'être gravées dans les Annales archéologiques ; car, pour
la restauration faite tant bien que mal à Versailles, il est
douteux qu'elle soit avantageuse.
Mais c'est trop s'arrêter à Fontevrault : disons seulement,
avant d'en sortir, que l'infirmerie des détenus, où les visiteurs
ne sont pas admis ordinairement, se trouve établie dans
l'ancienne église de St. -Lazare (2), avec son cloître par-
ticulier et ses dépendances; le tout consacré dès l'origine aux
malades. Cette église , fondée par Robert d'Arbrisscl , mais
(1) Ann. arch. , t. V , p. 280 ; — le Bulletin monumental et les
procès-verbaux des réunions de la Société française d'archéologie.
(2) Voyez l'article de M. Godard-Faultrier sur Fonlevrault, dans le
Répertoire archéologique de l'Anjou.
XXIX*. SKSSION, A SAUMUR. lW
rebâtie un peu après le milieu du XIIe. siècle, offre, ainsi
que la nef de l'église abbatiale ou du grand rnousticr, un
vaisseau unique et des travées carrées, disposées comme si
elles devaient recevoir des coupoles. Toute la différence
consiste en ce qu'il y a déjà , entre les grands arcs, des voûtes
d'arêtes sur nervures très-sur haussées. C'est un des meilleurs
et des plus anciens exemples du style Plantagenel, qui \ient
immédiatement après les coupoles à nervures de la tour
St. -Serge, à Angers, et de l'église St. -Pierre de Saumur.
De Fontevrault , nous regagnons la vallée de la Loire
que nous avions quittée à Monlsoreau ; mais cette fois encore
nous ajournons notre visite au château de ce nom, malgré
les instances de M. Victor Petit , qui voudrait lui assurer
l'attention dont il est si digne. C'est à Chinon que nous
attend notre déjeuner, et nous avons à voir sur la route
Candes et St.- Germain.
Candes.— L'église de Candes, élevée sur le lieu où mourut
saint Martin de Tours , a reçu depuis peu des réparations
indispensables faites avec talent et , ce qui est plus rare, avec
sobriété. Elle est bien connue par la hardiesse de ses trois
nefs d'égale hauteur, par les élégantes statues qui décorent
son porche, et par cet air de château que lui donnent des
mâchicoulis ajoutés après coup. Sauf une des absides la-
térales, reste d'un édifice plus ancien, elle appartient à la
seconde moitié du XIIIe. siècle et reproduit le type de la
cathédrale de Poitiers. Mais il y a là plus à admirer qu'à
étudier.
St. -Germain. — C'est le contraire à St.-Gmnain-sur-
Vienne. La nef, bien mutilée , nous montre les débris d'un
édifice antérieur à Pan 1000. Les uns dessinent à la hâte
l'appareil compliqué de l'ancien portail ; d'autres , pour aller
plus vite , estampent quelques-uns de ces entrelacs qui pas-
sent pour mérovingiens ; d'autres enfin s'attachent au chœur
200 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ENTRELACS DE SAINT-GERMAIN-SUR-YIENSE.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR.
'201
SCULPTL'RRS A L EGLISE II F, SAIKT-GERM AIN-SUR-VIENNE.
qui , à un point de vue tout différent , n'offre pas moins
d'intérêt. Cette construction du XIIIe. siècle a des nervures
si multipliées et d'un arrangement si insolite, même dans
le style Plantagenet, qu'à en juger par leur projection hori-
202 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
zontale , on croirait que le plan de l'édifice comporte deux
nefs au lieu d'une, et huit travées au lieu de deux.
Chinon. — Enfin , nous arrivons à Chinon où la nature
reprend ses droits. Nous y sommes rejoints par plusieurs
membres de la Société archéologique de Touraine, qui habi-
tent le voisinage , notamment par M. le marquis Costa de
Beauregard , président du Conseil général de Savoie et pro-
priétaire du domaine de Champigny , dont la chapelle offre
de si beaux vitraux, et par M. de Cougny, qui a écrit sur
le château de Chinon une excellente notice. Après une
heure de repos, nous reprenons la visite des monuments,
en commençant par les églises qui nous protègent contre
un soleil aident.
Nous allons d'abord à St. -Maurice, en suivant une longue
rue presque entièrement bordée de maisons du XVe. et du
XVIe. siècle , ou pour mieux dire de petits castels. On croit,
d'après une vieille inscription perdue aujourd'hui , que cette
église a été bâtie par Henri II dans les dernières années de son
règne, et l'aspect à demi-roman des statuettes nombreuses qui
se trouvent à la naissance ou à l'intersection des nervures ne
dément pas cette indication. De même, les fenêtres sont encore
en plein-cintre comme à l'hôpital d'Angers ; mais le style go-
thique domine déjà dans l'édifice, sauf pour le clocher qui
est plus ancien. Il n'y a d'ailleurs, selon l'usage du pays,
qu'une seule nef, à travées carrées et à voûtas très-surhaussées,
avec des nervures supplémentaires au sommet des berceaux.
Toutes ces nervures ont le même profil, quelle que soit leur
importance , et sont réduites à un simple tore , au moins en
apparence; car, pour les nervure^ diagonales, la pierre qui
a fourni la moulure saillante s'élargit en se confondant avec
le remplissage des voûtes. C'est le même procédé qui a
permis, à St. -Jean deSaumur, de réduire lesarcs-doubleaux
eux- mêmes à un tore unique et très-mince. Le chœur de
St. -Maurice se termine par un mur droit ; mais à l'intérieur
XXIX'. SESSION, A SALMUR. 203
la voûte est disposée et subdivisée de manière à figurer une
abside. On songe à agrandir de ce côté l'église de St. -Mau-
rice; ce qui entraînera de regrettables démolitions. Il faudrait,
du moins , rétablir dans le nouveau chœur l'ancien arran-
gement de la voûte.
L'église de St. -Etienne, où se conserve l'antique chape,
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\YatT"!;1?
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FRAGMENT DE LA CHAPE DE SAINT MESME , A CH1NON.
d'étoffe orientale , connue sous le nom de chape de saint
20/l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Mesme (1) , est due au célèbre historien Commines. Ses
armoiries, au chevron d'or en champ de gueules accompagné
de trois coquilles oreillées d'argent , se voient à la porte
principale. D'ailleurs, un passage de Daguindeau, publié par
la Société de l'Histoire de France, dit : « Philippe de Com-
« mines fit rebâtir, par ordre de Louis XI, les châteaux de
« Chinon dont ce prince l'avait nommé capitaine; mais
« ce qu'il a fait de plus beau à Chinon , c'est l'église de
« St. -Etienne qu'il a fait rebâtir en même temps dans l'es-
« pace de dix mois et qui est une des plus belles chapelles
« de France (2). » St. -Etienne serait pour nous une vé-
ritable église; mais, quand un édifice religieux n'a qu'une
nef terminée par une abside unique ; aussi haute , aussi
large, aussi longue qu'elle soit, et malgré les réduits ménagés
entre les contreforts, ce n'est qu'une chapelle dans les idées
du nord , et l'on donnerait volontiers ce nom à la cathé-
drale d'Alby elle-même.
L'ancienne collégiale de St. -Mesme, à moitié détruite et
transformée en école par les Frères de la Doctrine chrétienne,
est encore le plus curieux des édifices religieux de Chinon.
La nef, privée de ses bas-côtés et divisée en étages , conserve
assez bien au-dehors son ancienne physionomie. Comme les
autres monuments du style roman primordial , ou style
latin , elle n'avait pas de voûtes. M. de Caumont a signalé
dans le Bulletin monumental (3) l'analogie que son appareil
et ses archivoltes présentent avec les églises de St.-Géné-
roux et de Cravant ( V. la figure , p. 205 ). On retrouve à
l'intérieur du porche actuel , et au-dessus de sa voûle , la
(1) Voir la description de ce tissu dans le Bulletin monumental et
dans l' Abécédaire d'archéologie de M. de Caumont.
(2) Bull, monum., 1857, p. 546.
(3) M., 1855, p. 550.
XXIX8. SESSION, A SAUMUR. 205
façade qui terminait primitivement cette nef et dont toute
la décoration se compose de sculptures bizarres aux claveaux
FENETRES ET APPAREILS DES MURS LATÉRAUX, A SAINT-MESME.
de la porte , puis de diverses combinaisons d'appareil accen-
tuées par des traits de ciment rouge.
En avant de ce pignon , dont on trouva bientôt les or-
nements trop simples, on a bâti, à une époque qui ne saurait
être plus récente que la première moitié du XI*. siècle , un
grand portail flanqué latéralement de deux grosses tours, et
c'est peut-être le premier exemple de cette combinaison ar-
chitecturale , devenue plus tard si familière aux artistes ro-
mans et gothiques. L'un de ces clochers a été repris jusqu'aux
fondements au XVe. siècle , mais l'autre est passablement
conservé. Fortifié de contreforts assez saillants, il s'avance
autant que le portail proprement dit et s'appuie par derrière
à la façade primitive, dont il laisse voir une fenêtre en
œil-de-bœuf. Il a vraiment l'ampleur et l'aspect général
206 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
des clochers du XIIe. siècle ; mais ses rares ornements sem-
bleraient presque trop anciens pour le XIe. siècle lui-même.
C'est ce que l'on peut dire aussi des ornements de la
façade actuelle , qui étaient très-abondants au contraire.
Malheureusement on a martelé toutes les figures; mais par
la forme et par l'arrangement des grandes dalles , posées
debout, qui revêtent presque toute celte façade jusqu'au
sommet du fronton , par les silhouettes qu'elles conservent ,
on peut parfaitement juger de la richesse et même du sujet
de la décoration.
Évidemment on s'était essayé là à retracer, avec plus de
courage que d'habileté , un Christ dans sa gloire et
entouré de la Cour céleste. Mais, au lieu de se concentrer
dans les tympans, les voussures et les jambages de la porte ,
comme cela eut lieu plus lard , les personnages et les sujets
accessoires étaient dispersés sur toute la façade, ainsi qu'à
St.-Pierre d'Angoulème (1), et encadrés, non par des ar-
catures d'aucune espèce , mais par des arbres analogues
à des palmiers , ou par des rinceaux , ou par de fausses
indications d'appareil réticulé ; le tout sculpté aussi sur des
dalles.
La porte, dont le large cintre se montre encore au-dessus
d'une ogive flamboyante , el les soubassements , qui lient
parfaitement leurs assises à celles de la tour du nord, étaient
ce qu'il y avait de plus simple ; on y remarque cependant
des blocs sculptés d'entrelacs, qui sont posés sans aucune
symétrie et au hasard dans la maçonnerie, comme des pierres
ordinaires. Ce sont des débris d'édifices plus anciens, mais
non pas de la façade qui terminait primitivement la nef,
puisqu'elle existe et n'offre pas d'enlreiacs pareils.
(1) Déjà la façade latine de St. -Front offre une certaine ressemblance
avec celle de St.-Mesme, surtout par sa construction en dalles.
XXIX'. SESSION , A SAUMUR. 207
Une ingénieuse observation de M. Segrétain a permis de
préciser le sens de quelques-unes des sculptures martelées.
A la base du fronton règne une suite de médaillons cir-
culaires. Le septième, en allant de gauche à droite , présente
les restes très-apparents d'une gerbe de blé. C'était donc
un zodiaque, car les médaillons étaient au nombre de douze,
et le mois de juillet, qui correspond à la moisson, est bien
le septième de l'année.
L'église de St.-Mesme a des curiosités d'un autre genre.
A l'intérieur de la tour du sud se trouvent des peintures
murales du XVe. siècle , très-bien conservées et très-singu-
lières, dont M. le comte de Galcmbert nous explique le sujet.
Mais il faut se hâter , et déjà nous gravissons la rue
escarpée qui conduit au cbàteau , pendant que MM. Ramé
et Boue! , qui viennent de passer plusieurs jours à Chinon ,
dont ils connaissent tous les monuments, restent à St.-
Mesme pour ajouter à leurs dessins un dernier post-
scriptum ( Voir la page 208).
On parle, dans les derniers siècles du moyen- âge, non du
château, mais des châteaux de Chinon ; et , en effet , il y en
a trois, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Le château
de St. -Georges paraît avoir été ajouté, en guise de for-
tification avancée, sur le seul point où l'on pouvait aborder
de plain-pied les anciennes défenses, par Henri II, qui fonda
certainement la chapelle de ce nom. Isolées au levant par
une profonde coupure , ses courtines , en pierre de taille ,
offrent, à des intervalles très-rapprochés , des saillies carrées
et massives qui tiennent le milieu entre des contreforts et
de véritables tours. Tour la disposition générale et pour les
détails, c'est un peu comme à Château-Gaillard, qui a dû
naturellement s'inspirer de Chinon. Par malheur, les con-
structions ont été dérasées au niveau de la cour intérieure;
208
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 209
de sorte qu'il est difficile de juger de leur date par leur
style.
A l'ouest du fort de St. -Georges, il existait un plateau
très-allongé , très-élevé au-dessus du cours de la Vienne,
et escarpé presque de toutes parts. C'était un de ces châteaux
naturels qui ont été fortifiés à toutes les époques ; mais à
l'exception d'un fragment romain encore inexpliqué, on n'y
voit rien aujourd'hui de plus ancien que les restes d'une
vaste enceinte en moellons rougeâtres irrégulièrement rangés
par assises. Elle paraît remonter à la domination des comtes
de Chartres. Depuis, il n'y a point eu de reconstruction
générale. On s'est contenté de remplacer partiellement ces
murs grossiers, mais extrêmement solides, par des courtines
en pierre de tailie , et d'y ajouter à diverses reprises des
tours et des bâtiments d'habitation.
Par exemple , lorsque Henri II eut fait sa principale ré-
sidence du château de Chinon , où il trouvait réunis les
avantages d'une situation centrale entre la Guienne et la
Normandie , d'un vaste emplacement et d'une position à la
fois très-agréable et très-forte , le corps de la place reçut ,
comme les fortifications avancées, d'importantes améliorations.
La plupart des tours qui furent alors bâties présentent un
arrangement inusité. Carrées à leur base, elles passent à
l'octogone au moyen de plans inclinés , de forme triangulaire,
qui sont en quelque sorte des pendentifs à l'envers, et devien-
nent ensuite, par le même procédé, complètement arrondies :
telle est la belle tour du Moulin, si élancée, si admirablement
conservée, qui , malgré ses médiocres dimensions, jouait
presque le rôle d'un donjon. Au premier étage, sa voûte,
revêtue d'élégantes nervures, se compose néanmoins, non
d'une série de berceaux , mais d'une coupole sphérique dont
les assises, au lieu d'être horizontales, sont disposées ver-
ticalement. D'ailleurs , les formerets et les fenêtres sont en
ïk
210 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
^ «
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 211
plein-cintrc. C'est bien là le style Planiagenet comme il était
à la fin du règne de Henri II, ou sous Richard-Cœur-de-Lion,
plutôt que sous Philippe-Auguste.
A droite de la tour du Moulin , une autre tour , qui reste
carrée jusqu'au sommet , coupe par le milieu et a condamné
une des portes de l'enceinte primitive ; elle offre elle-même
à sa base une très-petite poterne , fermée par un pont-levis
qui n'avait qu'un bras, et protégée par une barbacane.
Au nord-ouest, une sorte de tour carrée, très-large et
très-peu saillante , présente une particularité digne d'être
notée. A une certaine hauteur, les assises du milieu s'élèvent
perpendiculairement, pendant que le reste est en talus, de
manière à former , non de grands mâchicoulis comme au
donjon de Châleau-Gailllard , mais un ressaut de parapets
utile à la défense.
Sur la partie de l'enceinte qui regarde et domine la
ville s'élèvent d'autres constructions de Henri II , mais
d'un caractère plus roman ; elles remontent, sans doute, aux
premières années de son règne. Ce sont des bâtiments d'ha-
bitation , assez petits , percés de quelques fenêtres en cintre
géminé ; ils ont servi de noyau à ce que l'on a appelé depuis
le Grand-Logis.
Dans le courant du XIIIe. siècle, les défenses du château
de Chinon ont été soigneusement remaniées et considéra-
blement accrues. On a alors séparé du reste le fort qui
porte le nom de château du Coudray par une troisième
coupure, très -large, très-profonde, dans laquelle plongent
deux belles tours d'angle et un donjon cylindrique en-
tièrement isolé. Il semblerait que ces travaux ont dû se faire
sous Philippe-Auguste , ou sous ses premiers successeurs ,
lorsqu'il importait aux rois de France de consolider une
acquisition récente que les Anglais contestaient encore par
les armes. Mais, à en juger par les nervures et les autres
212 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
I 1
XXIX*. SESSION, A SAUMUK. 213
ornements de ces tours du XIIIe. siècle, elles ont été bâtie
sous Philippe-le-Hardi , ou sous Philippe-le-Bel. C'est bien
l'époque qu'indiquerait, par exemple, la chapelle de ce
château du Coudray, renfermée dans une des tours d'angle.
La seule construction qui puisse être attribuée à Philippe-
Auguste , c'est la tour ronde qui se trouve à l'angle nord-est
du château du milieu , point le plus exposé aux attaques ;
elle est d'un genre particulier , et ses ruines montrent du
côté de la place un escalier , ou une rampe douce , qui se
développe circulairement dans l'épaisseur du mur. La brèche
par laquelle le château de Chinon, défendu par Roger de
Lascy, fut pris après un an de siège était peut-être là.
Charles VII et Louis XI , qui se plaisaient à habiter la
Touraine , travaillèrent à leur tour au château de Chinon ;
ils élevèrent notammment le pavillon du grand pont-levis ,
si large , si mince et si haut , qui seul a conservé sa toiture
(V. la lettre A, p. 212). Quand on l'aperçoit de profd depuis
le pont ou la place du Marché , se dressant à 35 mètres de
hauteur sur une base qui n'en a pas 5 , on ne conçoit pas
qu'il soit solide. On dirait , tant la saillie de ses mâchicoulis
est grande, une colonne corinthienne surmontée de son
chapiteau. Deux grosses tours rondes , dont l'une garde le
nom de tour d'Argenton (1 ) , parce que Commines la
construisit comme gouverneur ou l'habita comme prisonnier,
et enfin la plupart des salles du Grand-Logis portent aussi les
caractères du XVe. siècle.
C'est dans ce Grand-Logis, à moitié roman, à moitié go-
thique, que sont morts Henri II et Richard Cœur-de-Lion ;
car , malgré la tradition , on ne comprend pas comment ce
(1) On observe dans les lours du XVe. siècle, au haut des meurtrières
et très-près de leur ouverture extérieure, une petite traverse en fer qui
parait avoir servi à appuyer le canon des arquebuses.
21A CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
dernier prince aurait préféré une maison de la basse-ville ,
dont aucune partie ne remonte au XIIe. siècle , à son lo-
gement habituel , si sûr , si sain , si agréable pour un malade
et un blessé , par la vue magnifique qu'on a de toutes ses
fenêtres. C'est là , dans cette grande salle , encore re-
connaissable aujourd'hui, que Jeanne-d'Arc fut présentée
au roi de France. Mais laissons à M. de Cougny , le savant
historien du château de Chinon , le soin de rappeler tant
de faits mémorables !
Bornons- nous à dire que les fondations du Grand- Logis,
dont là chute serait désastreuse pour beaucoup de maisons ,
ont été récemment consolidées avec un plein succès par
M. Joly-Leterme, et aux frais du Conseil général d'Indre-
et-Loire. La ville, de son côté, s'est chargée de créer dans
l'enceinte du château un jardin planté d'arbres et toujours
accessible au public. Dans les nivellements , qui ont été faits
à cette occasion, on a découvert, une ruine romaine que
l'on ne comprend pas bien encore. A voir ces blocs de
grand appareil, posés sans mortier, et dont l'un, transporté
depuis peu dans une des tours , n'était autre chose qu'une
stèle gallo-romaine du temps de l'incinération, offrant l'image
d'un personnage en pied, sculptée en bas-relief comme on
en trouve dans les murs d'enceinte , on dirait un fragment
de ces enceintes que toutes nos cités élevèrent , vers la fin
du IVe. siècle , aux dépens des monuments païens. Mais le
parement du mur regarde l'intérieur de la place. Était-ce
une sorte de donjon ? Il serait facile de s'en assurer par de
nouvelles fouilles.
Rivière. — Avant de reprendre la direction de Saumur, il
nous reste à voir l'église de Rivière , petit village sur la rive
gauche de la Vienne, à 3 kilomètres en amont de Chinon (V.
les p. 215 et 216). Entre les deux moitiés de cette église, bâ-
XXIX*. SE^ ...!0.N, A SAUMtB.
215
CHEVET DE L EGLISE DE RIVIERE.
216 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
INTÉR1EUU DU CHOEUR DE L'ÉGLISE DE RIVIÈRE.
XX!.\% SESSION , A SAU.WUR. 217
ties pourtant presque à la même époque, le contraste est aussi
complet que possible. La nef, qui est la plus ancienne, est sans
bas-côtés, sans voûtes et sans ornements architecturaux ; elle
n'a de remarquable que son appareil extérieur , en petites
pierres carrées , et ses vieilles peintures que l'on restaure en
ce moment sous l'habile direction de M. de Galembert. Le
chœur, tout en pierre de taille , est exhaussé sur une crypte
et des chapelles voûtées l'accompagnent. Au-dedans et au-
dehors , il offre toute la richesse de dessin et l'harmonieuse
élégance de nos meilleures constructions romanes du XIIe.
siècle ; mais ses moulures et ses ornements sculptés se rap-
portent sans mélange au style latin. M. de Caumont incline
à croire que ce curieux édifice, bien digne des soins qui lui
sont donnés, est réellement du Xe. siècle. M. Ramé, qui a fait
aussi une élude approfondie des monuments de cegenre, pense
au contraire qu'on a pu encore meure en œuvre vers lO/iO ,
et avec une habileté toujours exceptionnelle , mais plus con-
cevable au XIe. siècle qu'au Xe , les éléments de l'art car-
lovingien.
Mais le soleil s'abaisse rapidement à l'horizon. Avec des
chevaux aussi las que nous le sommes nous-mêmes, il nous
restera à peine assez de jour pour examiner à Candes, dans
le parc de M. Caillau , les ruines d'une somptueuse villa
que les Romains , excellents connaisseurs en beaux sites ,
avaient élevée sur le coteau au pied duquel la Vienne se
jette dans la Loire. La Société archéologique de Tours
promet de publier un plan de cette villa gallo-romaine qui
était ornée de colonnes.
Nous avons profité des dernières lueurs du jour pour lire
sur la façade intérieure du château de Montsoieau ( Voir la
page suivante) les de\ises de la famille de Chambes, et nous
ne sommes rentrés à Saumur qu'à la nuit close.
218 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE JE FRANCE.
Bouet del.
MACHICOULIS ET PORTION DE LA GALERIE DU CHATEAU DE MONTSOREAU.
Le Secrétaire rapporteur ,
F. de Yerneilh.
lre. Séance du « juân.
Présidence de M. Prévôt, capitaine du génie.
Siègent au bureau : MM. de Caumont, l'abbé Le Petit,
Chariot, de Tours; Courtiiler , conservateur du musée de
Saumur ; Peetêrs Wilbaux, membre de la Société historique
et littéraire à Tournai (Belgique) ; Gauguin, trésorier.
XXIX". SESSION, A SAliMUR. 219
M. Marionneau remplit les fonctions de secrétaire.
M. de Caumont donne lecture d'une lettre de M. l'abbé
Polhicr , curé de Candes , adressée à M. le Président de la
Société et le priant d'appeler l'attention de Son Exe. M. le
Ministre sur le haut intérêt artistique et archéologique de
l'église fortifiée de Candes, qui, malgré son état de déla-
brement, fait l'admiration des artistes, des archéologues et
des gens du monde.
M. de Grand-Launay , maire de la commune de Candes ,
appuie la demande de M. le Curé.
Lettre de M. le docteur Bertheraux , secrétaire-perpétuel
de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny (Jura).
Cette lettre exprime le désir de voir assister à la mise à dé-
couvert des mosaïques de Tourmont quelques délégués de
la Société française d'archéologie , le Conseil d'administration
de la Société ayant voté des fonds pour exécuter les fouilles.
— A la lettre de M. Bertheraux est jointe une circulaire
qui annonce l'ouverture à Poligny , le 22 juin 1862 , d'un
congrès géologique et paléontologique.
M. Halléguin , docteur-médecin à Chàteaulin , adresse
des notes sur Carhaix et les voies romaines du Finistère.
Ces notes , accompagnées de plusieurs plans et dessins avec
légendes , indiquent les principaux établissements gallo-
romains et du moyen-âge qui se trouvent«dans les environs de
Carhaix. Ces communications sont accueillies avec beaucoup
d'intérêt , car elles fournissent des documents précieux sur
la géographie ancienne et l'histoire de la Basse-Bretagne.
M. Halléguin termine sa communication, en exprimant le
désir de voir la Société française d'archéologie venir tenir
une de ses prochaines assises à Quimper.
M. Birat, de Narbonne, offre au Congrès des extraits d'un
de ses ouvrages , ayant pour titre : Poésies narbonnaiscs ,
en français et en patois , suivies d'entretiens sur l'histoire ,
220 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
les traditions , les légendes , les mœurs du pays nar-
bpnnais.
M. Birat demande également que le Conseil veuille bien
choisir la ville de Narbonne pour l'une de ses prochaines
réunions.
M. l'abbé Briffaut-, curé à Saumur , soumet au Congrès
plusieurs documents intéressants pour les annales saumu-
roises , entr'autres des manuscrits dont l'un a pour titre :
Procédure au profit de noble demoiselle de Montaigne , de
Chemillè, de Passavent et de Beauprèau , etc.. Ces ma-
nuscrits sont examinés avec beaucoup d'intérêt par plusieurs
membres de l'assemblée.
M. l'abbé Briffaut adresse également plusieurs notes his-
toriques sur les monuments de la région.
Des notices rédigées par le savant ecclésiastique saumurois,
nous extrayons le passage suivant :
« Suger , né en 108/; , suivant le Dictionnaire de Feller ,
était à Saumur, d'après la Collection Guizot, en 1098 , pour
achever ses humanités. — Venu à l'âge de seize ans, il n'en
aurait pas moins terminé ses études dans le temps marqué
par M. Guizot; mais il serait resté dans cette abbaye plus
qu'il n'a été dit, puisque l'auteur de la dissertation apolo-
gétique de l'abbaye et ordre de Fontevrault , dit que Suger
assista au Concile de Poitiers en 1106. »
M. de Caumont ayant exprimé le désir qu'on exposât
des gravures ou dessins d'anciens monuments du pays , un
dessin des arènes de Doué , en Poitou , est présenté à la
Société par M. Briffaut , qui signale également une vue de
l'ancienne abbaye de St.-Florent-lès-Saumur , conservée à
la Bibliothèque de la ville , dans un grand in-f°. , contenant
les dessins de plusieurs abbayes de France.
Le mémoire de M. Briffaut cite, parmi les plus anciennes
églises des environs de Saumur, Distré, Chétigné, Rou, Verrie,
XXIXe. SESSION, A SAUMUP. 221
des Ulmes , Cizay , Daubigné et Doué ; ces trois dernières
fondées par Dagobert sous le vocable de St. -Denis. Dans les
constructions de ces divers édifices se retrouvent des frag-
ments provenant , dit l'auteur du mémoire , d'une anciene
construction appelée par les gens du pays la sainte église ,
et placé près de la butte de Montesy.
Notre- Dame-dc-Nantilly , d'après la traduction popu-
laire , aurait été consacrée d'abord sous le nom de St. -Jean-
Baptiste. Une image de la Vierge ayant été trouvée dans un
champ de lentilles , près Saumur , elle fut portée dans l'église
St. -Jean-Baptiste qui dès lors a été appelée Notre-Damc-de-
Nantilly ou Lentilly. Elle devint la première paroisse du
pays , et c'est pour cela qu'elle est qualifiée d'église-mère.
Il est de fait que , d'après Mabillon , l'église abbatiale de
Nantilly était placée sous le vocable de la sainte Mère de
Dieu, Marie, et de saint Jean-Baptiste: « In abbalia sanctœ
« Dei Genitricis Mariaa et sancti Johannis Baptistae. » {An-
nales bénédictines, t. III, liv. 56, p. 4 7/4. )
M. le Président adresse des remercîments à M. l'abbé
Briffaut, pour son zèle dans la recherche des documents re-
latifs à l'histoire du pays.
M. Godard-Faultrier offre au musée de Saumur des es-
tampages de fer à hosties, d'un miroir en ivoire et d'une
crosse dite de Pétronille de Chemillé (1109-1149), pro-
venant de l'abbaye de Fontevrault. Les originaux de ces
divers objets font partie du musée d'Angers.
M. Godard offre également a la ville de Saumur les objets
suivants : statuette de Notre-Dame-de-Sous-Terre du Ron-
ceray , estampage en plâtre.
Un reliquaire , photographie ; — sommet de custode en
cuivre , id. ; — fragment d'une couronne de lumière , id. ;
— crosse du XIIe. siècle, id. ; — crosse du XIIIe. siècle, id.
Portrait de Mme. Jeanne-Baptiste de France, abbesse, chef
222 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
généralle de l'abbaye et ordre de Font-Euraul (sic). —
« iEtatis suae 41 anno 1648. »
Note sur un tombeau découvert à St. -Serge d'Angers ,
avec gravures des objets trouvés, tels que calice, patène en
argent , gance en soie , crosse en bois doré.
M. le Président remercie M. Godard-Faultrier.
M. Ch. Drouillard présente au Congrès deux médailles :
l'une de Valentinien et l'autre, très-fruste, présumée gau-
loise. Ces médailles ont été recueillies près du vieux bourg
de Dyve, où se trouve une voie romaine.
M. le Président annonce la reprise du programme par
la question ainsi conçue :
Signaler les autels et les fonts baptismaux anciens , les
cloches à inscriptions gothiques , les objets d'orfèvrerie et
les autres meubles et ornements du moyen-âge que ren-
ferment encore les églises de la région.
M. Parrot lit un inventaire inédit du trésor de l'ancienne
abbaye des Bénédictins de Sl.-Florent-!ès-Saumur , extrait
des archives de St. -Florent, liasse cotée : Reliques de
Su-Florent, D. Housseau , t. XVIII, n°. 532. Paris,
Bibliothèque impériale.
MÉMOIRE DE M. PARROT.
Messieurs ,
Depuis l'ouverture du Congrès archéologique de France ,
vous avez , sans aucun doute , dirigé plus d'une fois vos sa-
vantes excursions vers le lieu délicieux où vivaient naguère
de riches cénobites , plus célèbres dans les fastes de l'Anjou
par leur opulence que par leurs travaux scientifiques.
L'histoire des Bénédictins de St. -Florent de Saumur , ces
puissants enfants du Mont-donne, vous est trop connue
XXIXe. SESSION, A SAtMUR. 223
pour qu'il soit utile de vous en parler. Cependant , per-
mettez-moi d'appeler un instant votre bienveillante attention
sur un inventaire inédit du trésor de cette abbaye. 11 vous
fera connaître quelques riebesses artistiques dont le temps
et les révolutions ne nous ont légué que le souvenir.
Ce n'est point sur les anciennes rives de la Vienne , à
l'ombre du formidable château du Truncus , où le comte de
Blois , Tbibault-le-Tricbeur , éleva dans sa Johannis villa
le premier monastère en l'honneur de saint Florent, que je
désire vous arrêter un instant; c'est sur les bords pai-
sibles du Thouet , dans l'abbaye construite du temps de
Foulques Néra, le célèbre bâtisseur angevin, que Jean du
Bellay transforma en forteresse , et que bombarda et prit
l'amiral de Cbâtillon.
A la fin du moyen-âge, vous le savez, Messieurs, les in-
cursions incessantes des gens de guerre et les ravages qu'ils
causaient forcèrent les villes , les châteaux et les abbayes si-
tués en dehors des cités à se garantir par de puissantes for-
tifications. Les moines de St.-FIorent, riches seigneurs d'une
grande partie du pays saumurois, ayant tout à craindre des
différents partis qui dévastaient les campagnes, et surtout
les Anglais qui saccageaient l'Anjou , firent alors fortifier
leur monastère et même leur église. Les murs furent re-
haussés par des mâchicoulis et des créneaux ; l'enceinte exté-
rieure de l'abbaye fut protégée par de larges et profonds
fossés , et l'entrée défendue par deux grosses tours garnies de
plusieurs pièces d'artillerie. Tous ces travaux furent exécutés
sous le règne de Louis XI , par ordre de Jean du Bellay ,
évêquede Poitiers et abbé commendalaire de St. -Florent (1).
(4) Les vassaux de l'abbaye formaient sa garnison. Ils y étaient obli-
gés, en vertu des letlres-palentes, en date du 2à novembre 13C9, que
le roi Charles V avait accordées à l'abbé Guillaume du Luc.
224 CONGKÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
C'est dans ce moustier féodal, au 27 décembre 1538 ,
que je serais heureux , Messieurs , de reporter un instant
votre imagination. Vers le milieu de ce jour, un notaire
royal, mandé de Saumur , traversait le pont-levis du monas-
tère. Après les saluls d'usage , le procureur du cardinal de
Tournon (1), abbé commendataire de St. -Florent , lui fit
connaître l'ordre qu'il avait reçu de son supérieur de faire
inventorier le trésor de l'abbaye. Le notaire, le procureur du
cardinal et plusieurs religieux se dirigèrent vers le sacraio-
rium , qui fut ouvert en leur présence , et les objets qu'il
renfermait présentés a l'officier public qui dressa l'acte sui-
vant :
« Inventaire des reliques et joyaux, etc. estant au monastère
et église de l'abbaye de S. Florent de Saumur faict a la re-
queste de religieuse personne frère Claude Droaut , vicaire
et procureur de monseigneur le reverandissime cardinal de
Tournon , abbé commendataire , par moy Martin Gautier
notlaire royal audit Saumur, en presance de religieuses per-
sonnes frères Jehan Hacquedé Mâche , prieur , François de
Changuy , secrétaire , et autres.
Du 27e. jour de décembre l'an 1538 a été fait visille et
ouverture du lieu ou a accouslumé mettre et reposer les re-
liques de ladite abbeïe auquel a été trouvé ce qui suit :
Une boette d'argeant bandée de bandes d'argeant dorée
(1) François de Tournon, fils de Jacques, comte de Tournon, et de
Jeanne de Polignac, naquit en 1489. A l'âge de 28 ans, il fut nommé
archevêque d'Embrun , puis de Bourges, de Lyon , évêque de Sabine,
en Iblie, abbé de St.-Gerrnain-des-Prés, cardinal , etc. Ce fut un des
hommes les plus influents du règne de François Ier. , et l'un des plus
cruels persécuteurs des protestants. Il décéda le 21 avril 1562, après
avoir joué un grand rôle dans la politique de son siècle, et être tombé
en disgrâce sous l'administration des Guises. Son blason était : Parti au
1"\ sané de France ; au 2°. de gueules , au lion d'or.
XXIXe, SESSION , A SAUMUR. 225
couverte de plusieurs pierres fines non étant de grande valeur,
dedans laquelle boëite est un petit vaisseau aussi bandé de
bandes d'argeant doré qu'on dit être l'un des vesseaux de la
Cène de Jesus-Christ.
Item. Un chef d'argeant dont les cheveux sont dorés au-
quel est enchâssé le chef saint Philippe apôtre.
Item. Un autre chef d'argeant mytié d'une mytre d'argeant
qui se ouste facilement dudit chef , auquel chef sont quel-
que petit nombre de pierres de peu de valeur , auquel chef
est enchâssé le chef Monsieur saint Martin de Vertou.
Item. Un angelot d'argeant doré duquel les ailes sont sé-
parées et rompues.
Item. Un bras d'argeant doré enrichi de quelque nombre
de petites pierres dans lequel est enchâssé le bras de Mon-
sieur St. Florent.
Item. Un autre bras couvert d'argeant doré auquel est
enchâssé le bras de Monsieur St. Serge martyr.
Item. Un autre bras couvert d'argeant blanc enrichi de
bandes d'argeant doré et de quelques pierres telles que des-
sus , auquel est enchâssé le bras de Mn'e Ste Agnes , en la
main duquel bras est un doit rompu.
Item. Une custode d'argeant doré ou l'on porte le Corpus
Dni. le jour du sacre.
Item. Une grande couppe en façon de calice en laquelle
on met reposer le Corpus Dni. le jeudy absolu , garni de sa
patenne ouvrée ; le tout d'argeant doré.
Item. Un grand calice d'argeant doré appelé le calice des
marchands, avec sa patenne.
Item. Deux grandes chopinnes d'argeant servant à mettre
vin et eau à dire messe.
Item. Une grande croix d'argeant doré en laquelle il y a
quelque pièce de vray croix , avec son bâton couvert d'argeant
doré , semé de bourdons et coquilles.
15
226 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Item. Une autre grande croix peu moindre que l'autre ,
avec son bâton d'argeanl relié à fdets d'argeant doré. Les
dites croix garnies chacune de leur étuys de cuire noir.
Item. Lin bénitier garni de gectone , le tout d'argeant ,
lequel gectone est rompu par le bas bout.
Item. Deux encensoirs avec une navette et une cueilliere ,
le tout d'argeant blanc.
Item. Un bâton couvert d'argeant blanc , servant a l'office
de chantre , relié de filets d'argeant doré sur lequel est une
petite image de S. Florent , aussi d'argeant.
Item. Une image d'un roy dépriant a genoux au devant
du quel est un escabeau armoyé de fleurs de lys et azuré ,
et sur iceîuy un couèssin et des Heures , avec un petit armet
de tête , et tout étant sur un soubastement , le tout d'argent
doré (1).
Item. Une autre image d'un évêque crosse et mytré étant
de genoux sur un soubastement , au-devant duquel est une
escabelle et des Heures dessus , le tout d'argeant doré , ar-
moyé de deux écussons des armes du Bellay (2).
Item. Un texte d'Evangile couvert d'argeant doré dont les
fermoirs et les corroyés d'icelles sont rompues.
Item. Un bâton de bois rouge qu'on dit être le bâton de
Mr. St. Florent , dont le haut est couvert d'argeant doré et
sur iceîuy est une pierre longue de cristal servant de potence
au bâton.
Item. Quatre corporalies dont en a deux de drap d'or ,
l'autre de velours cramoysi et l'autre de velours violet.
Item. Deux vieilles petites chopines d'argeant dont les
couvercles et les pieds sont rompus.
(1) Cetle statuette était celle du roi Louis XI, et la suivante celle de
l'abbé commendataire Jean du Bellay, 1er. du nom.
(2) La maison du Bellay portait pour blason : D'argent , à la bande
fuselée de gueules , accompagnée de six fleurs de lis d'azur posées en
ork.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 227
Item. Un autre corporalie de taffetas jaune auquel sont plu-
sieurs reliques non enchâssées et pour especial une petite croix
d'argeant doré ou il y a de la vraye croix ; avec une boucle d'ar-
geant de l'un des encensoirs , et la moitié d'une petite pomme
d'argeant doré ; les deux couvercles des deux petites chopines
d'argeant et les deux tenons de derrière desdits couvercles.
Item. Un petit bahut de bois bandé de petites bandes de
cuivre auquel sont plusieurs petites reliques.
Item. Un livre appelé Collectaire lequel est encore en partie
couvert d'argeant
Item. Un psaultier appelé le Psaultier de M. St. Florent,
lequel a été autrefois couvert d'argeant.
Item. Une pierre ronde de cristal pendante a une petite
chaîne d'argeant de laquelle on fait le feu nouveau (1).
Item. Une Véronique brodée a lentour de quatre doits de
velours noir et quatre petites pierres de cristal dont l'une est
pendante à une petite chaîne d'argeant.
(1) L'usage de renouveler le feu, au commencement de l'année, à
l'aide des rayons solaires remonte à la plus haute antiquité. Les Grecs
et les Romains, au rapport de Plutarque, se servaient, pour rallumer
le feu sacré de Vesta , d'un vase d'airain sur lequel les rayons du
soleil, venant à se réunir, emflammaient le combustible sur lequel on les
attirait. C'étaient de vrais miroirs ardents. — Chez les Romains, le feu
sacré se renouvelait constamment à l'équinoxe du printemps, au mois
de mars. Les Hébreux avaient aussi un feu sacré , ils célébraient sa fête
en même temps que celle des Tabernacles, vers le printemps. Lors de
la prise de Jérusalem par les Assyriens , ce feu fut caché au fond d'une
citerne. Long-temps après , Néhémie envoya le chercher , et l'on ne
trouva qu'une eau bourbeuse et épaisse que l'on répandit sur l'autel ,
et que le soleil enflamma aussitôt. — Un feu sacré brûlait dans les
temples d'Apollon à Athènes et à Delphes , dans celui de Cérès à Man-
tinée , de Minerve , de Jupiter-Ammon , et dans les prytanées de toutes
les villes grecques où brûlaient des lampes qu'on ne laissait jamais
éteindre.
228 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Item. Cinq coissins dont en a deux grands couverts de
drap d'or et trois de velours cramoysi vieil, commençant à user.
Item. Un petit livre de cuire rouge ou sont les bénédic-
tions.
Item. Deux petits calices d'argeant blanc avec deux pa-
ïennes qui sont rompues.
hem. Un autre calice d'argeant doré avec sa patenne ,
aussi rompue , auquel calice sont les armes de feu M. l'abbé
du Bellay.
Item. Six petites croix d'argeant blanc avec une lozange
couverte d'argeant en laquelle est une image de Ste. Anne et
deux petites boettes d'yvoire ou sont quelques reliques.
Item. Une croix d'argeant doré dont le soubassement est
rompue.
Item. Une croix d'argeant doré en laquelle il y a de la
vraye croix , et à la pâte blanche il y a des pierres rouges et
autres et même un camaycux et une agate.
Item. Cinq calices d'argeant blanc et un calice d'argeant
doré qui servent ordinairement à dire les messes dans la dite
église.
En l'église du dit St. Florent est le grand-autel dont le bas
est garni et couvert d'une table d'argeant doré en laquelle
sont les images de Dieu et ses apôtres faisant la Cène , et
autres images; le tout couvert d'argeant doré, et le dessus du
dit autel est par semblable garni et couvert d'une table cou-
verte d'argeant doré , dedans laquelle sont élevées en bosse
neuf images , l'une de Dieu et ses autres apôtres et martyrs ,
sur lesquelles images de chacun d'iceux, est un chapiteau; le
tout d'argeant doré et azuré, et sur ledit autel et choses sus-
dites est une belle , grande et magnifique chasse toute cou-
verte d'argeant doré en laquelle sont les reliques du corps de
Monsr. St. Flaureni faite de personnages enlevés en bosse de
tous endroits contenant lad. vie et histoire dudil Si. Florent ;
XXIXP. SESSION , A SAUMUR. 229
de longueur de six pieds cl de pareille hauteur, aux quatre
coins de laquelle chasse sont quatre tourelles et quatre an-
gelots, et est le haut d'icelle semé de (leurs de lys , et trois
pignons à feuillages; le tout d'argeant doré comme dit est (1).
(1) Le roi Louis XI avait fait exécuter celte magnifique châsse, en
1475, par un habile orfèvre d'Angers , nommé Gervais Pélier. Il y avait
représenté toute la vie de saint Florent, depuis son arrestation avec son
frère Florian , jusqu'à sa mort. Ce grand morceau d'orfèvrerie , exécuté
en vermeil, pesait trois cents marcs.On le citait, dans son temps, comme
un chef-d'œuvre de l'art. Il fut terminé en 1480. Les reliques de saint
Florent, que celte châsse renfermait, forment à elles seules la plus
grande partie de l'histoire de l'abbaye saumuroise. D'abord déposées
dans le vieux monastère du Mont-Glonne, elles y restèrent assez pai-
siblement jusqu'en 853. A celte époque, les Normands ravagèrent
Si. -Florenl-le- Vieil. A leur approche, les religieux prirent la fuite et
emportèrent avec eux les os de leur patron. Reliques et moines reçurent
alors l'hospitalité dans l'abbaye de St.-Gondon, près de Bourges; puis
dans celle deTournus.Le mariage de l'illustre Rollon, chef des Normands,
avec Giselle, fille du roi de France, Charles-le-Simple, ayant ramené la
paix dans le royaume, les moines de St. -Florent voulurent retourner
dans leur ancien monastère Les religieux de Tournus les laissèrent
libres à cet égard; mais ils leur signifièrent qu'ils garderaient les reliques
de saint Florent. Elles étaient pour l'abbaye mâconnaise une véritable
fortune; car, chaque jour, de nombreux pèlerins venaient déposer au
pied de la capse vénérée de riches offrandes, dont les moines remplis-
saient leur trésor. — Les réclamations des cénobites angevins étant de-
meurées infructueuses, ceux-ci reprirent le chemin de leur terre natale,
Là, avec l'aide de quelques seigneurs, i's relevèrent les murs de leur mo-
nastère. Si les reliques de saint Florent étaient perdues pour l'abbaye
de Sl.-Florent-le-Vieil, elles ne le furent pas pour les bords de la Loire,
grâce à la ruse d'un jeuue moine, nommé Absalon, qui les enleva du
monastère de Tournus pendant que les religieux célébraient par une
orgie la fête de leur patron. Ce furent ces reliques, apportées à Jukanna
villa, qui donnèrent naissance au monastère de St.-Florcnt de Saumur,
en 950. Lorsque Foulques Néra incendia le pays de Saumur, l'abbé
Frédéric prit le corps du saint et le cacha sur la rive gauche du ïhouct.
Ce ne fut que cinq ans après qu'il put reparaître dans le monastère ,
230 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Item. Au coté dextre de ladite chasse est le chef
Monsr. saint Florent enchâssé richement et magniGquement,
en argeant doré, de hauteur d'un homme de genoux , com-
pris le soubassement, au derrière du quel chef est un dia-
dème aussi d'argeant doré.
Item. Sur ledit grand-autel, chasses et choses susdites
pend une grande custode d'argeant; dedans laquelle custode
est une boette quarrée d'or , en laquelle repose Corpus Do-
mini. Ladite custode couverte d'un pavillon de camelot
rouge dont le bas est de drap d'or , frangé de soye.
Item. Derrière ledit grand autel sont six petites chasses
chacune garnie d'argeant par devant.
Item. Aux deux cotés du grand autel sont deux parements
de drap d'or avec deux rideaux de taffetas jaune et bleu.
Item. A lentour dudit grand autel et au-dessus d'icelluy
sont deux grandes pièces de broderies de fil d'or et de soye
en l'une desquelles est figuré Octonyen soy voulant faire
adorer, et en l'autre le dit Octonyen et une Sibylle luy dé-
montrant Ara cœli , et autres grands personnages.
et être placé sur l'autel de St. -Jean-Baptiste. Enlevé en 1135 par la
force des armes, le corps de saint Florent fut donné par le comte de
Vermandois à l'église collégiale de St.-Georges-de-Roye, au diocèse
d'Amiens. Il s'y trouvait encore sans conteste en 1475, lorsque Louis XI,
apprenant qu'il avait été dérobé à l'abbaye de Saumur, résolut de l'y
transférer. La translation eut lieu, en effet, le 25 juin 1480. Charles VIII,
sur les instances des chanoines de Roye, ordonna de remettre le corps
de saint Florent à ses derniers possesseurs. Les religieux de Saumur s'y
refusèrent, et l'intervention du Parlement mit seule fin a une longue
querelle, qui ne s'assoupit qu'en 1496 par le partage des reliques entre
la collégiale de Roye et l'abbaye de St. -Florent. Jusqu'à la Révolution,
l'église de St.-Florent garda religieusement la moitié du corps, qui
lui était échue. Enfin , le 22 avril 1858, un nouveau partage des reliques
du saint eut lieu entre l'église St.-Florent-le-Jeune et celle de St.-Florent-
le-Vieil.
XXIX'. SESSION, A SAUMLR. 231
Au revestiaire ou sacristie de ladite abbeïe il y a trente
huit chappes de drap d'or, de velours, et autres étoffes,
trente chasubles, et quarante neuf ou cinquante dalmatiques
sans compter les étoiles et manipules , deux tapis de Turquie ,
et quelques autres morceaux de tapisserie de soye et or
pour parer le sanctuaire ; deux ou trois mitres d'un grand
prix, et un cercle de vermeil qu'on dit être la couronne de
saint Judicaël , roy de Bretagne.
L'original de cet Inventaire , écrit sur papier et signé du
notaire , était conservé dans les archives de St. -Florent
(liasse cotée Reliques de S. Ftorent).'XJne copie en fut faite
au XVIIe. siècle, elle fait partie des manuscrits de la Biblio-
thèque impériale (collection de Dom Housseau); c'est elle
que nous avons transcrite.
Telles étaient , Messieurs, les principales richesses artis-
tiques que possédait , au XVIe. siècle, l'abbaye de St. -Flo-
rent. Il est convenable d'y ajouter plusieurs tapisseries en
laine , représentant les principaux épisodes de la vie de saint
Florent et de son frère. F.lles avaient été données à l'église du
monastère , en 1524 , par Jacques le Roy , abbé commenda-
taire de St. -Florent. Sur l'une d'elles, on lit encore les vers
suivants , tracés en caractères gothiques :
{Jnr très reocrenb çere en. 3Dtcu
liions l'abbé 3aeques Ce îlov;
3e fus tannée à ce sainct lieu
tëe moyennant ievot au rog
$rie2 Sesus souoerain rog
(iîlue bc tout mal soit oefenou
IKn bienfait n'est jamais ?erbu
1524.
Le blason de cet abbé , répété sur les tapisseries qu'il avait
232 CONGISÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
données, était : ècarielè au 1er. et h", d'argent , à la bande
de gucides , qui est le Roi ; au 2e. et 3e. êchiquelé d'or et
d'azur, à la bordure de gueides , qui est d'Évreux.
En 1545 , un nouvel inventaire du trésor de l'abbaye de
St. -Florent fut fait par l'ordre de Jacques de Castelueau de
Clermont-Lodève , successeur du cardinal de Touruon (1);
il est entièrement conforme au précédent
Peu d'années plus tard, en 1562 , pendant les troubles de
si douloureuse mémoire qui ensanglantèrent la France , le
trésor de St. -Florent fut enlevé par ordre du prince de
Condé. Cet acte reçut des Saumurois un acueil enthousiaste ,
car ils gémissaient depuis cinq cents ans , dit l'historien
Bodin , sous un double joug féodal , ne pouvant faire un
pas sans être froissés , soit par la crosse de saint Florent , soit
par celle de l'abbesse de Fontevrault. Cette gêne continuelle,
les vexations des agents des deux abbayes dont les fiefs
se croisaient dans la ville , les procès ruineux qui étaient
la suite inévitable d'une foule de droits seigneuriaux souvent
inconnus , avaient disposé les esprits à saisir la première
occasion qui se présenterait , de se soustraire à l'autorité
monacale. Cette occasion se présenta lorsque le protestan-
tisme fut introduit à Saumur , et adopté par les principaux
habitants et une grande partie du peuple.
Doin Housseau nous a conservé l'inventaire des objets
enlevés au trésor de St.-Florent , en 1562. Ce titre est
ainsi conçu:
(1) Il était fils du baron Guy de Castelueau de Clennont-Lodève , et
de Louise d'Avaugour. Uu de ses frères, François-Guillaume de Castel-
ueau de Clermont-Lodève, fut archevêque d'Auch et de Narbonne,
lé,rat d'Avignon et cardinal ; il décécia doyen du Sacré-Collège, en 5 540.
L'abbé de Castelneau de Clermont-Lodève fut nommé évêque de
St.-Pons en 1544 , et mourut en 1577. Il portait pour blason : de gueules,
au château d'or.
XXIX*. SESSION , A SAL'MUn. 233
« Copie du vidimvs et collation faite de l'inventaire et
signée de deffunt M. le lieutenant Bourneau , des reliques
et joyaux qu'il prit et fit prendre en l'abbaye de St. Florent
de Saumur laquelle est écrite de la main de sr. Jacques
Maillard , grand vicaire de ladite abbaye:
Le chef saint Florent ,
Le chef saint Philippe ,
Le chef saint Martin de Verlou ,
Le bras de saint Florent ,
Le bras de saint Serge ,
Le pot de la Cène ,
Une petite croix d'argent ,
La grande croix ,
Deux calices avec deux patènes ,
Deux chandeliers d'argent ,
Trois bâtons couverts d'argent,
Une pierre de cristallin ,
La chasse de saint Florent.
<> Ces présentes ont été par nous notlaires royaux à An-
gers, soussignés, vidimées sur un écrit à nous présenté par
discret sr. Pierre Le Breton , secretain de l'abbaïe de St. Flo-
rent-les-Sauinur , et Jacques de La Roche sous-chantre de
ladite abbaïe pour ce faire. Et à la fin de ces mots : St. Flo-
rent, il y a un paragraphe et au-dessous est iceluy écrit
signé Bourneau, Fait à Angers le 23 juin 1562. Ainsy signé :
Kaimbault et Foures. » (Archives de St. -Florent, liasse co-
tée Reliques de saint Florent. — D. Housseau, t. XVIII,
ir. 532. )
A la fin du XVIIP. siècle, le trésor de l'abbaye de St. -Flo-
rent ne possédait plus que de faibles traces de ses anciennes
richesses : une mitre brisée et un bras d'argent , sans doute
celui qui renfermait les reliques de sainte Agnès, étaient à
peu près les seuls objets qui avaient survécu aux guerres de
234 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
religion. Enfin , les anciennes tapisseries de l'église abbatiale,
que possède actuellement l'église de St. -Pierre de Saumur,
sont les vestiges les plus importants qui restent de la splen-
deur éclipsée du vieux moustier saumurois.
Si le sacratorium de St. -Florent ne posséda jamais des
chefs-d'œuvre d'orfèvrerie, comparables à ceux de St. -Denis
et de St.-Germain-des-Prés par leur beauté artistique, le
souvenir de ceux qu'il renferma n'en est peut-être pas moins
digne de l'attention des archéologues qui, comme vous,
Messieurs, se font gloire d'étudier le passé dans ses moindres
détails, pour servir à l'enseignement des générations futures.
M. le Président remercie M. Parrot de son intéressante
communication.
M. Lambert donne une description très-détaillée d'un
reliquaire appartenant à sa famille. Ce reliquaire ou sorte de
coffret, d'après le caractère de son ornementation, remon-
terait au XIP. siècle.
M. Lambert communique également au Congrès un dessin,
réduit au quart, de la chape de saint Mesme, conservée dans
l'église St. -Etienne de Cbinon.
Un membre cite encore , comme meubles précieux du
moyen-âge, le cadre en ébène sculpté d'un tableau de l'église
de Monlreuil-Bellay , et les stalles de l'église du Puy-Notre-
Dame.
On passe à la proposition suivante : Faire connaître les
anciennes croix de cimetière.
M. Ledain signale la croix de Lapperat , arrondissement de
Parthenay , comme étant d'une haute ancienneté ; mais nul
autre monument n'est désigné dans la région. II est pré-
sumable que les anciennes croix ont été renversées dans les
guerres de religion et pendant l'époque révolutionnaire.
MM. Prévost , Godard-Faultrier , Léman et Lancia di
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 235
Brolo échangent quelques observations sur les croix de
carrefour, et sur les divers motifs de leur érection. M. Lancia
rappelle l'usage italien de placer , sur les bords des chemins
ou même dans les champs , une croix de bois pour indiquer
qu'en cet endroit un homme a perdu la vie soit par un crime,
ou frappé par la foudre.
16e. question : Quels sont les monuments et les objets
d'art ou d'antiquité dont la conservation est menacée ?
Quels sont ceux gui ont été récemment détruits , perdus
ou aliénés ? Quels souvenirs en a-t-on gardés ?
M. Pecard cite l'église de Cravan (Indre-et-Loire), d'un
vrai mérite architectural et d'un haut intérêt artistique, mais
dont l'abandon complet inspire de vives inquiétudes pour sa
conservation.
M. de Caumont l'a décrite, figurée et recommandée, il y a
déjà quelques années, dans un de ses rapports publiés dans le
Bulletin monumental ; mais aujourd'hui que l'église a cessé
de servir au culte , elle est peut-être plus exposée encore.
M. de Caumont dit que le Congrès doit , avec empresse-
ment , réclamer une vigilante surveillance et la conservation
de cet édifice important. Ce vœu pourra être adressé à l'au-
torité, mais il faut que les membres de la Société archéo-
logique de Touraine et ceux de la Société française d'ar-
chéologie y veillent , car l'indifférence de la commune est
très-grande ; il suffit, d'ailleurs, d'entretenir la couverture :
tout autre travail serait nuisible.
M. Godard signale le narthex de l'église de St. -Serge,
bâti au XVe. siècle par François d'Audigné , dont l'existence
est bien menacée. M. Godard demande que ce narthex soit
conservé.
M. Joly-Leterme donne des explications sur l'état de ce
uarthex.
2o6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRAMCE.
M. de L'Épinay pense que ce nariîiex nuit à l'aspect de
l'édifice, et sa démolition ne lui paraît pas un fait regrettable.
M. Marionneau exprime un avis opposé. Ce narthex sub-
siste depuis trois cents ans ; il rappelle un nom historique ,
et l'esprit de notre siècle est assez démolisseur pour ne pas
opposer une digue à ses envahissements. Si le culte des sou-
venirs est banni du monde affairé, qu'il se retrouve au moins
dans nos temples et dans nos églises.
M. de Verneilh exprime le vœu que l'on achète les ma-
sures qui entourent la chapelle sépulcrale de Fontevraull,
afin de dégager l'édifice.
VUE DE LA CHAPELLE SÉPULCRALE DE FOMEVRAULT.
L'Élat, l'administration départementale ou communale
devraient acquérir ce curieux et rare monument, acquisition
qui se ferait pour une somme bien minime. Il est pénible
de voir cet édifice dans un état si complet de délabrement.
M. Joly appuie la motion de M. de Verneilh et demande
XXIX'. SLSSION, A SAUMliR. 237
que la lanterne des morts de l'ancien cimetière de St. -Nicolas,
à Saumnr , soit également conservée sans altération. Le
Conseil municipal ne pourrait-il pas acquérir cet immeuble?
Le Congrès partage l'opinion de M. Joly.
M. Le Dain expose au Congrès l'importance des belles
ruines du manoir de Bressuire. Ce château occupe une
immense étendue, niais le tracé de la route de Tours aux
Sables menace de renverser une partie de ses remparts, si
remplis d'intérêt pour l'élude de l'art monumental au
moyen-âge , et pour ses souvenirs historiques.
U. le Président partage l'avis du préopinant, mais il
pense qu'il n'y a pas lieu de s'effrayer des jalons placés sur
les remparts de Bressuire. Ce fait indique seulement que
l'administration s'occupe du tracé , et ces jalons placés en
évidence sont parfois des moyens pour obtenir de l'argent ,
en prouvant à la commune que le projet de la route est à
l'étude. Pourtant il est bon de se tenir en garde et de ré-
clamer si besoin est.
M. de La Tourette fds signale l'église Sle. -Croix de Loudun,
fort remarquable par son ancienneté et son mérite architec-
tural et par les souvenirs tragiques de l'infortuné curé ,
Urbain Grandier. Cette église est maintenant une halle; des
maisons particulières s'adossent aux murs de l'édifice et les
détériorations les plus déplorables se pratiquent d'une ma-
nière occulte. Le Congrès émet un vœu très-énergique pour
obtenir la cessation d'un état de choses préjudiciable à la
conservation de l'église de Loudun.
M. le Président espère un heureux résultat de cette ma-
nifestation du Congrès , et cite l'exemple des arènes de
Nîmes, qui étaient autrefois une sorte de cour des miracles,
et que l'administration a rendues à l'étude des artistes et des
archéologues et à l'admiration de tous.
M. de L'Épinay expose que la tour de Loudun est louée
238 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
à une famille dont le bail spécifie que rien ne sera détruit ,
ni même changé dans la disposition de l'édifice. Pourquoi
n'agirait-on pas de même à l'égard de l'église de Loudun ?
M. Joly annonce qu'il est chargé par le Ministre de faire
un rapport sur l'importance monumentale de la tour de
Loudun , citée par M. de L'Épinay.
M. de Caumont fait ressortir l'importance de la tour de
Loudun , qu'il a décrite et publiée il y a vingt ans.
TOUR DE LOUDUN.
Plusieurs membres font part à l'Assemblée de la disparition
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 239
d'anciennes tombes dans le repavage des églises ; les unes
ont été brisées , d'autres placées dans les murs des édifices ;
mais sans se préoccuper si les inscriptions qui rappellent
des noms historiques ont été convenablement placées.
M. Joly apprend au Congrès l'enlèvement des tombeaux
et des statues de l'église de Lignères- Bouton.
M. Godard-Faultrier ajoute à ces tristes communications
le fait , non moins déplorable , d'une tombe curieuse trans-
formée en évier.
Le même membre indique le tombeau du seigneur de La
Guerche (XVIe. siècle), placé le long du mur, dans l'église
St.-Aubin-de-Luigné.
M. l'abbé Joubert pense que cette église a été mutilée en
1793, et que, la tombe ayant été violée , la pierre tumulaire
a dû être placée à l'endroit signalé par le préopinant.
M. Godard-Faultrier termine la séance en exprimant le
vœu que le tombeau de Renée Sarrazin , abbesse du Ron-
ceray , actuellement à Angers , dans un recoin de l'École
des Arts, soit rétabli dans la crypte de l'église abbatiale de
Notre-Dame-du-Ronceray.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire,
Marionneau ,
Membre (la Conseil général administratif de la Société
française d'archéologie.
VISITE DU MUSEE.
Le Congrès a fait, après la séance, la visite officielle du
Musée, où il a été reçu par M. Courtiller , un des fondateurs
de l'établissement et un des naturalistes les plus connus de
France par ses travaux sur la paléontologie.
240 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
51. Courtilier a donné oralement, sur la partie archéologique
du Musée, les renseignements dont voici le résumé :
Le musée de Saumur , uniquement formé d'objets trouvés
dans un très-petit rayon, est non-seulement composé des pro-
ductions d'histoire naturelle prises dans tous les ordres, mais
renferme encore les antiquités celtiques et romaines recueil-
lies dans nos environs.
Ces objets sont : soixante-quinze à quatre-vingts casse-tête
en silex, de toutes grandeurs; quelques-uns ne sontqu'ébau-
chés et indiquent , par leur degré d'imperfection, les moyens
employés pour arriver à leur entier achèvement. De magnifi-
ques couteaux en silex , des pointes de flèche , des bouts de
lance également en silex , des os aiguisés en longues pointes ,
un marteau en bois de cerf et des dents de sanglier emman-
chées dans des os complètent ces armes primitives. Viennent
ensuite les haches de bronze , au nombre de plus de cent
vingt , présentant d'abord la forme exacte de la hache de
pierre, et qui se modifie d'une manière remarquable en arri-
vant, par une transition presque insensible, à la forme de la
lance.
Des lames en bronze très-larges à la base , d'autres très-
étroites, fixées à leur manche par trois clous en cuivre for-
ment le passage à une belle épée gallo-romaine. Une suite
nombreuse de clefs de toutes formes, des ornements de cui-
rasse, des bracelets, des fibules, des bagues, styles, statuettes,
balances, lampes, un miroir en bronze, etc., etc. , forment
la majeure partie de notre collection. Mais ce qui fixe surtout
l'attention, c'est la découverte faite à St.-Just-sur-Dive de
tout le ménage d'un charpentier romain, non-seulement des
objets nécessaires à la vie, comme plats, vases de différentes
formes, grandes bouillottes d'une belle conservation; sa bourse,
témoin irrécusable, composée d'un grand nombre de pièces
en bronze du beau temps de l'Empire , et tous les outils en
XXIX'. SESSION , A SAUMUR.
241
ISTENSILF.S ÏROIVÉS A SAINT- JlST-SUR-DJVE, PRÈS SAIMUR.
46
%k1 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
USTENSILES TllOUVÉS A SAiNT-JVST-SlT.-DIVE, PRÈS SAUMUlî,
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 2û8
VASE GALLO-ROMAIN EN BRONZE, AU MUSEE DE SAUM
244 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fer qui servaient à son industrie : instruments tranchants de
toute espèce, scies, gouges, tarières, ciseaux, herniinettes ,
compas, lire-ligne, fers de varlope, enfin tous les instruments
dont se servent encore nos ouvriers : mêmes formes , même
perfection ; le temps a passé sans y apporter aucun change-
ment. Enfin , au milieu de tous ces objets , qui avaient été
renfermés soigneusement dans une caisse dont nous avons
retrouvé les crampons en fer, les clous et la clef, se trouvait
une magnifique trompette, seul spécimen, je crois, aussi
bien conservé de cet instrument qui servait à conduire au
combat les légions romaines. Un assez grand nombre d'urnes
cinéraires et de vases à l'usage domestique, des moules à
faire ces vases et quelques statuettes en pierre complètent
notre collection d'antiquités. Tous ces objets , recueillis dans
des fouilles faites aux environs de Saumur, soit dans le camp
romain de Chenehute, soit sur la commune de St.-Jusl-sur-
Dive.
M. de Caumont a félicité M. Courtiller de son zèle et de
son dévouement , et l'a remercié des intéressants détails
qu'il a bien voulu donner au Congrès.
Le Secrétaire ,
G. BOUET,
Inspecteur des mouaœents do Calvados.
2*. Séance du 6 jnin.
Présidence de M. Godard-Faultrier, d'Angers, inspecteur de la
Société française d'archéologie.
MM. Louvet; Joubert , custode de la cathédrale d'Angers;
d'Espinay, magistrat, h Saumur ; Pécard, directeur du musée
de Tours, sont appelés au bureau.
XXIX'. SESSION, A SAUMUIl. 2/l5
M. I. ancra , de Palerme, est chargé de la rédaction du
procès-verbal.
MM. de Canmont et Godard-Fanllrier expriment de pro-
fonds regrets à l'endroit de la chapelle, de la grande salle,
du cloître , des greniers et des caves de l'hôpital d'Angers ,
qui doivent être abandonnés. M. de Caumont , qui les a de
nouveau visités il y a quelques jours, craint fort que les gre-
niers ne soient détruits tôt ou tard pour élargir une petite rue
qui passe derrière. Le Congrès déplore que ce magnifique
ensemble du XIIe. siècle, insigne monument de la pieuse
charité de Henri II, roi d'Angleterre et comte d'Anjou,
change de destination sous un prétexte plus ou moins fondé
de salubrité publique. Il émet un voeu formel pour que ces
cinq parties d'un même établissement soient en tous cas con-
servées avec le plus grand soin. Plusieurs membres déclarent
que ce monument est l'un des plus curieux de ceux qui exis-
tent en Europe. M. de Caumont offre l'esquisse de la salle
des malades ( Voir la page 2^6) , qui a étonné par sa har-
diesse plus d'un explorateur.
Un membre rassure l'Assemblée , en affirmant que l'État
saurait s'opposer à tout projet de démolition concernant cet
édifice. Il ajoute que l'administration municipale d'Angers
est trop éclairée pour souffrir qu'il en soit autrement.
D'unanimes remercîments sont adressés à l'éminent ar-
tiste M. Bodinier , qui, par l'acquisition du logis de Pincé et
par le don qu'il en a fait à la ville d'Angers , a sauvé ce joli
monument de la Renaissance.
On doit de la reconnaissance au propriétaire des belles
ruines de l'abbaye d'Asnières, pour son intention bien connue
de les conserver ;
Et des éloges à M. Duvêtre, pour son heureuse réparation
de la chapelle basse de l'évêché d'Angers.
Le Congrès complimente M. Joly, à l'occasion de la res-
2/-1Ô CONGl'.ÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
H. MEUNIER
SALLB DBS MALADES DE L'HOSPICIi d'aNOERS.
XXIXe. SESSION, A SAUMUft. 2hl
tauration de la célèbre crypte du Ronceray , ainsi que
M. Delêtre, dont les efforts, soutenus par M. le Directeur de
l'Ecole des arts et métiers d'Angers , sont parvenus a sauver
l'une des absides si curieuses de l'église du Ronceray.
On émet le vœu que la chapelle de St.-Maur-sur-Loire
soit au plus tôt réparée , et que la magnifique église de Fon-
tevrault soit rendue au culte.
Enfin , on blâme énergiquement tous les démolisseurs.
Le Président passe ensuite à h 17e. question, qui est ainsi
conçue :
Indiquer les châteaux cl les manoirs les plus curieux par
leur antiquité, les particularités de leur architecture ou leurs
souvenirs historiques.
M. Raimbault lit, à ce sujet, un mémoire sur le château de
Monsoreau et sur le château de la Bouchardière:
« Le château de la Bouchardière, dit M. Raimbault , est
en ruine, situé dans la commune de St.-Cyr-en-Bourg, près
Saumur , sur le bord de l'ancien chemin de Saumur à
Louduu.
« Sa construction remonte au XIVe. siècle, et il a , sans
doute, été ruiné dans les guerres du XVIe. siècle.
« Pierre de Longue possédait ce domaine en 1223, époque
à laquelle il donna aux religieux de l'abbaye du Loroux une
rente d'un demi-muid de vin à prendre dans ses pressoirs de
la Bouchardière.
« Pierre de Brezé, grand-sénéchal de Normandie, seigneur
de Brissac , etc., rendit à Louis d'Amboise, seigneur de
Berrie, vers 1437 , son aveu pour raison de la seigneurie de
la Bouchardière. -
« Jacques de Brezé, son fils, célèbre par son mariage avec
Charlotte de France, qu'il assassina dans un accès de jalousie,
posséda également ce domaine.
2^8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« Il fut vendu, en 1557 , à Arthus de Maillé, seigneur de
Brezé, et subit pendant la fin du XVIe. siècle plusieurs mu-
tilations.
• Un acte de 1609 constate que le château était alors en
ruine. Depuis cette époque , il a toujours appartenu aux sei-
gneurs de Brezé.
« Sa situation dans un bois, au milieu des ronces, en rend
l'approche très-difficile et donne une idée exacte du château
de la Belle au bois dormant. »
Une discussion s'engage sur cette devise de la ville de
Sa u mur :
MŒN1A FALLUNT HOSTEM.
TORMENTUM BEXTRA DOMAT.
Y prennent part MM. Louvet, Lambert , Prévost et Raim-
bault , qui s'accordent à la faire remonter au règne de
Charles VIL
Tapisseries de Nantilly. —Un membre émet le vœu, forte-
ment appuyé , que les tapisseries de Nantilly soient bientôt
replacées dans l'église de cette localité.
M. Joly répond qu'elles sont déposées chez lui pour être
réparées ; il veille, du reste, à leur conservation.
A cette occasion , un autre membre fait remarquer que ,
vers 985, les religieux de l'abbaye de St. -Florent de Saumur
fabriquaient eux-mêmes , dans leur enclos , des tapisseries de
diverses sortes d'étoffes ; que Mathieu de Loudun , abbé de
ce monastère, nommé en 1133, y fit exécuter pour son
église une tenture complète; que, sur l'une des deux pièces
qui devaient orner le chœur, on représenta les 2& vieillards
de l'Apocalypse ; sur l'autre pièce , un sujet tiré du même
livre , et sur celle de la nef , des chasses de bêtes fauves
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 249
( Voir DD. Marlenne et Durand , Historia monasterii S.
FLorenti Salmuriensis , Amp. Col. , t. V. Voir aussi notice
de A.-L. Lacordaire , Tapisseries des Gobelins, Paris
1855).
Halles de Saumur. — La discussion est portée sur Y empla-
cement des anciennes halles de Saumur. Rien de précis
n'étant articulé, M. le Président engage les Saumurois à
faire des recherches à ce sujet.
On passe à la 19e. question, ainsi conçue :
Possède-i-on, dans la région, d'anciens étalons pour me-
surer les grains? La mesure ci-jointe en pierre, assez com-
mune dans les collections , servait-elle à mesurer les grains
ou les liquides?
M. de La Tourette pense que certains vases de pierre à
becs, que l'on a pris pour des mesures à grains et à liquides,
ne servaient pas à cet usage , mais à broyer le froment à
l'usage des hosties. Ces vases, dansl'arrondissementde Loudun,
se trouvent assez fréquemment dans les églises avec des fers
à hosties. Il y a constaté , soit dit en passant , 54 de ces fers.
Un membre donne une liste de boisseaux-étalons en bronze,
à la mesure de Brissac, d'Angers et de Chemillé : le premier
250 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
est au château de Brissac, et 1 s autres au musée des anti-
quités d'Angers. M. Raimbault signale un étalon en bois , à
la mesure de Thouarcé.
L'Anjou possédait plus de 80 boisseaux-étalons de diverses
contenances, qui tous se rapportaient à la mesure royale des
Ponts-de-Cé.
M. de Caumont annonce que dans le midi de la France on
se servait de grands vases en pierre, immobiles, pour mesurer
les grains sous les halles ; on verse par l'orifice supérieur le
blé qui s'échappe ensuite dans les poches par un trou infé-
rieur. Il en présente un spécimen remarquable (Voir la page
suivante).
Le Congrès ne se prononce pas sur la 20e. question : savoir
si l'édifice de l'ancien cimetière St. -Nicolas de Saumur a été
une lanterne des morts ou une cuisine ; mais il déclare que
ce monument du XIIe. siècle mérite d'être conservé , et il
entend avec intérêt le rapport qui lui est fait sur ce monument
par MM. Segretain et F. de Verneilh (Voir la p. 259).
A quelle époque remontent l'industrie et le commerce des
chapelets à Saumur , et celle des objets en verre et en émail
dans cette ville ?
M. Raimbault répond en ces termes à cette question :
Cette industrie, dit-il , paraît remonter au commencement
du XVIe. siècle, à Saumur , et elle s'y est établie à l'occa-
sion des visites faites à Notre-Dame-des-Ardilliers , par les
nombreux pèlerins qui y venaient de toutes les provinces voi-
sines et même souvent de fort loin.
Les documents nous ont manqué pour donner un peu de
précision à cette note jusqu'à la fin du XVIIe. siècle.
Miromesnil, intendant de la généralité de Tours , dans un
Mémoire statistique écrit en 1699 , signale à Saumur une
fabrique de chapelets.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR.
251
252 CONGRÈS ARCHÉOLOG'OUE DE FRANCE.
En 1735, les Patenôtriers ou faiseurs de chapelets présen-
tèrent au Roi une requête, tendant à être autorisés et reçus
en jurande ainsi que bien d'autres corps de métiers ; mais
cette autorisation fut ajournée, et par délibération du 17 jan-
vier 1736 , le Corps municipal, saisi de cette affaire, ne
voulut pas s'en occuper à moins que la communication ne
lui fût faite de la part du Roi.
Nous n'avons pas retrouvé de documents qui puissent
établir si les Patenôtriers ont eu le privilège d'être érigés en
corporation ou communauté.
Cette industrie est encore en progrès, et depuis quelques
années MM. Mayaud et Delaunay ont appliqué avec succès la
vapeur à celte fabrication.
La machine de MM. Mayaud est établie dans le quartier
de Fenet, elle est de la force de 16 chevaux.
Celle de MM. Delaunay est installée à St. -Florent, non
loin de l'ancienne abbaye.
On pense que l'industrie de l'émail s'est établie à Saumur,
vers le commencement du XVIe. siècle , à l'occasion de
l'affluence des étrangers qui venaient visiter Notre-Dame-des-
Ardilliers.
Voici les noms de quelques émailleurs : Jean Damancourt,
demeurant en Fenet, 1639; Nicolas Masurier, en 16^0;
Pierre Carré , marchand émailleur , demeurant au faubourg
de Fenet, 1779.
La célébrité de Saumur pour les ouvrages en émail est
ancienne et méritée. Il y a quelques années , le musée Dam-
bourg a beaucoup intéressé Paris. Mais cet art paraît destiné
à s'éteindre chez nous ; car le plus fort émailleur n'a pas
d'élèves, et la vogue de ces sortes d'ouvrages semble tout-à-
fait passée.
XXIX*. SLSSlO.N, A SAUMUR. 253
Possède-t-on encore , à Saumur , la charte de fondation
de la Mairie.
M. Rairabault répond en ces termes à cette question.
Les Archives communales de Saumur ne possèdent plus
depuis long-temps la charte de fondation de la Mairie , mais
plusieurs pièces en font mention et nous apprennent que ,
par lettres-patentes du mois de février 1437 , le roi
Charles VII, étant à Montreuil-Bellay , accorda aux habitants
de Saumur, la permission de s'assembler périodiquement, et
de nommer deux échevins et un procureur et receveur pour
s'occuper des affaires de la ville. Louis XIII confirma, en
1616, les privilèges accordés aux habitants de Saumur par
les rois Charles VII et Henri IV.
M. Louvet , parle d'une belle collection de livres rares ,
recueillis par M. Chedeau ; le mérite de cette collection est
tel , que M. Taschereau , de la Bibliothèque impériale, vive-
ment intéressé, passa trois jours à les examiner.
Dans cette séance, beaucoup de livres, de photographies,
de dessins et de moulages , ont été présentés au Congrès
qui, de son côté, les a offerts à la ville de Saumur , notam-
ment : le Bulletin historique et monumental de l'Anjou , par
MM. de Soland et Barrasse , et le Répertoire archéolo-
gique de Maine-et-Loire, [m h Commission archéologique
d'Angers.
Le Secrétaire ,
Lancia di Brolo , de Païenne.
254 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
VISITE AU MONUMENT CELTIQUE DE BAGNEUX ET A LA
VILLA* DESMARAIS.
Présidence de M. de Cacmont.
Le Congrès n'avait garde d'oublier de visiter la magnifique
allée couverte de Bagneux , près de Saumur. Ce monument
celtique colossal, le plus beau peut-être qui existe en France,
avait déjà été vu de beaucoup de membres ; mais tous vou-
laient le revoir et l'examiner encore. Le Congrès s'y est
donc transporté entre deux de ses réunions , et il a pu ad-
mirer cette galerie formée de dalles immenses , d'un grès
analogue à celui de Fontainebleau : les unes posées de champ
pour faire les murs , les autres posées horizontalement pour
former le toit et portant par les extrémités sur les premières.
Ce monument a été souvent dessiné , et pourtant aucun
dessin ne rend complètement son effet grandiose. Les meil-
leurs dessins sont ceux qui ont été donnés par M. Gailhabault.
Ce monument devait être , dans l'origine , au milieu d'un
tumulus dont les matériaux ont été enlevés.
Après avoir long-temps examiné tous les blocs, dont la
plupart ont été mesurés par M. Segretain , de Niort (1), le
Congrès a été reçu avec la plus grande amabilité par M. Des-
marais, dont la charmante villa est située dans la com-
mune de Bagneux. Le Congrès n'avait pas seulement à
admirer l'élégance de cette habitation et les points de vue
ménagés avec art dans le parc , il avait encore à voir chez
M. Desmarais une collection considérable d'objets curieux ,
tableaux anciens , poteries , émaux , tapisseries ouvrées, vieux
(1) Les pierres qui servent de supports ont environ 2 mètres 20 de
hauteur; leur épaisseur est de 0m. 20 à O". 60. La pierre la plus con-
sidérable du toit a 7m. sur 6B. 50.
XX1XV SESSION, A SAUMUR. 255
meubles , armes , médailles , etc. La collection de M. Des-
marais est un riche musée, qui occupe plusieurs salons et
qui méritait à coup sûr la visite du Congrès. L'Assemblée a
regretté de ne pouvoir , vu l'heure avancée , passer que peu
de temps au milieu de ces richesses variées ; elle a pris
congé de son hôte aimable après l'avoir remercié et félicité
par l'organe du directeur de la Société française d'archéo-
logie, M. de Caumont.
Le Secrétaire-général de la Société française,
L'abbé Lu: Petit.
VISITE DES ANCIENNES MAISONS DE LA VILLE DE
SAUMUR.
Présidence de M. Joly.
Plusieurs promenades ont été faites dans la ville de Saumur
par le Congrès archéologique , sous la conduite de M. Joly ,
architecte, membre du Conseil général administratif de la
Société française d'archéologie. M. Bouet , inspecteur du
Calvados , s'était chargé de prendre des croquis de quelques-
unes de ces maisons; mais la rapidité des visites, le peu de
temps qu'a duré la session ne lui ont permis d'en dessiner que
deux ou trois que nous allons reproduire.
La première , à l'angle formé par la jonction des deux
rues , est flanquée de tourelles en saillie en forme de poi-
vrière , avec une belle lucarne dont le fronton est garni de
feuilles frisées au centre du toit , et une fenêtre à meneau
de pierre correspondant au premier étage (Voir la p. 256).
Aucune ouverture ne correspond au rez-de-chaussée pour
plus de sûreté. Ce type se trouve assez souvent à la fin du
256 C01VGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
'<P<^i
AN'CIENNSS MAISONS , .( SAUMUR,
XVe. siècle ou au commencement du XVIe. Mais, ici, la maison
est intacte et méritait un dessin.
Une autre maison , avec pignon et deux fenêtres corres-
pondant au premier étage , fait suite à la première (Voir
la figure, p. 256); elle paraît un peu moins ancienne qu'elle.
Le Congrès s'est arrêté devant un grand hôtel du XVI*.
siècle et de la fin du XVe. , dont M. Joly a expliqué toutes
les parties, et a successivement visité une douzaine de
maisons plus ou moins intéressantes.
Celle dont nous donnons l'esquisse (p. 258) , et qui se
liait aux remparts , montre comment les murs d'enceinte
qui existaient autour de la ville étaient garnis de mâchi-
coulis. M. Joly a expliqué comment ces murs venaient, après
avoir entouré la ville, se soudera l'Hôtel -de- Ville dont la
façade , vers la Loire , était défendue de mâchicoulis abso-
lument semblables à ceux que nous figurons et date du
même temps.
C'est ainsi que, par des promenades faites en commun, les
membres du Congrès étudient , dans tous leurs détails , les
monuments publics et privés des contrées où ils tiennent
leurs sessions. Jamais on ne revient du Congrès sans avoir
vu beaucoup. L'instruction archéologique y gagne , car c'est
surtout en voyant que l'on s'instruit et que l'on apprend
à bien juger.
Le Secrétaire ,
G. BOUET,
Inspecteur des monuments du Calvados.
17
258 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Eouet ilel.
ANCIENNE MAISON, A SAUMl R,
XXIX'. SF.SSTON, A SAUMUR.
259
VISITE DE LA PYRAMIDE DU CIMETIÈRE DE SAINT-
NICOLAS.
Plusieurs membres du Congrès ont visité avec intérêt ,
dans l'enceinte même de Saumur , un petit monument in-
connu à la plupart des habitants de la ville. M. Segretain en
a relevé le plan et M. Bouet en a pris le croquis. C'est la cha-
PLAN DE LA PYRAMIDE DE SAINT-NICOLAS.
pelle sépulcrale qui s'élevait autrefois dans le cimetière de
St. -Nicolas, et qui se trouve maintenant enveloppée de toutes
parts par des maisons. Plus récente et d'un style moins orné
que celle du cimetière de Fontevrault , elle en a la forme gé-
nérale et presque les dimensions. Sur une salle carrée , dont
chaque face intérieure n'a pour toute décoration qu'une ar-
cade feinte , s'élève une haute pyramide d'abord à quatre ,
!60 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE nf FRANCE.
M
■nk*i\
.Sepretain dc-1. Le Blanc sculp.
COUPE DE LA PYRAlilDE DE SAINT NICOLAS.
XXIX'. SESSION, A BÀUMUR. 261
puis à huit pans. De petits pinacles servent à marquer ce
changement de plan et à charger les angles de la voûte. La
pointe de l'octogone est émoussée. Il y avait là , comme à
Fontevrault, un lanternon et un fanal.
La destination singulière et la forme originale de cet édi-
cule devraient porter les administrateurs de la ville de Sau-
mur , non à le dégager , ce qui est impossible , mais à le
déblayer intérieurement et à en faciliter l'accès aux curieux.
Il y a des monuments de tout ordre , et une vieille ville n'en
a jamais trop , même des plus humbles.
F. de Verneilii, rapporteur.
Séauce publique de clôture.
Présidence de M. Louvet, maire de Saumur.
La séance publique de clôture s'est ouverte à 8 heures
du soir, sous la présidence de M. Louvet. MM. de Caumont,
directeur; l'abbé Le Petit, secrétaire-général; de Verneilh,
inspecteur divisionnaire; Godard -Faultrier , inspecteur de
Maine-et-Loire , et Gaugain , trésorier, siègent au bureau.
M. le comte Lancia di Brolo , de Païenne , communique
le procès-verbal de la séance tenue à 2 heures.
M. de Verneilh rend compte de l'étude , faite par lui et
par une Commission, de l'église St. -Jean située près de
l'Hôtel-de-Ville. Cette église appartient au style ogival Plan-
tagenet, dont il a été souvent fait mention ; elle est très-inté-
rcssante , et les compartiments de ses voûtes montrent des
combinaisons usitées dans la région où ce style était en usage
( Voir la figure , p. 262 ). La ville de Saumur a eu grande-
262 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
VOUTES DE l'É0.L1>B SAlNI-.it..\.\ DE SACMOR.
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 263
ment raison de conserver ce type élégant d'une architecture
qui a été pratiquée avec tant de goût sur les bords de la
Loire.
MÉDAILLES.
M. l'abbé Le Petit , secrétaire-général de la Société fran-
çaise d'archéologie , prend ensuite la parole pour lire un
rapport sur les récompenses honorifiques accordées par la
Société aux auteurs des meilleures recherches archéologiques,
et aux hommes qui ont concouru avec dévouement à la
conservation des monuments pendant le cours des années
1861 et 1862.
M. Victor Petit a obtenu une médaille de vermeil , pour
son travail sur les châteaux de la vallée de la Loire.
Une médaille de vermeil a été décernée à M. R. Bordeaux,
d'Évreux, pour la nouvelle édition de son ouvrage sur l'ameu-
blement des églises ;
Une médaille d'argent à M. J.-B. Douillet, de Clermont ,
pour avoir créé et classé le musée d'antiquités de cette
ville;
Une médaille d'argent à M. Auberlin , conservateur du
musée et de la bibliothèque de Beaune ;
Une médaille d'argent à M. l'abbé Prud'homme , pour son
Histoire de Craon ;
Une médaille d'argent à M. l'abbé Briffaut, de Saumur,
pour ses longues recherches sur l'histoire du Saumurais , et
pour les extraits considérables de titres et de documents qu'il
a présentés au Congrès ;
Une médaille de bronze à M. G. de Cougny , pour sa
Notice archéologique et historique sur le château de Chinon ;
Une médaille de bronze à M. Antoine Tribert , entrepre-
neur à Molle , pour la restauration de plusieurs monuments.
264 COKGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FKAÎÎCE.
ALLOCATIONS.
M. le Secrétaire a fait connaître ensuite les sommes al-
louées par la Société archéologique de France :
Une somme de 200 fr. est votée pour des fouilles à Gennes;
Une somme de 300 fr. pour la restauration du prieuré
de St.-Maur;
Une somme de 400 fr. pour le moulage des statues de
Fontevrault ;
Une somme de 100 fr. pour le moulage des piliers de
Cravan ;
Et une pareille somme de 100 fr. pour l'église de St.-
Martin de Sanzay.
Ces travaux seront exécutés sous la surveillance d'une com-
mission composée de MM. Godard-Faultrier , Joly et Louvet.
D'autres sommes ont été allouées, savoir:
Une somme de 500 fr. pour la gravure des noms des
compagnons de Guillaume-le-Conquérant dans l'église de
Dives (Calvados);
100 fr. pour la continuation des fouilles des tumulus du
Finistère, sous la direction de MM. de Blois et Du Chatellier;
50 fr. pour l'église de Cottun ( Calvados ) ;
100 fr. pour des fouilles à exécuter aux environs de Beaune,
sous la direction de, M. Aubertin , conservateur du musée ;
100 fr. pour réparations à l'église de Rucqueville ;
100 fr. pour réparations à l'église d'Audrieu ;
100 fr. pour réparations à la chapelle de Geoirs ;
100 fr. pour assurer la conservation d'une mosaïque à
Poligny ;
Après ces communications, et avant la clôture de la ses-
sion , M. Louvet maire de Saumur, a adressé les paroles
suivantes à M. de Caumont et aux illustres hôtes que pos-
sédait depuis huit jours la ville de Saumur :
XXIXe. SESSION , A SAl'MUR. 265
« Messieurs,
« La première partie de votre session de 1862 , qui va se
clore d'ici à quelques minutes , doit finir comme elle a com-
mencé, par un juste hommage de gratitude rendu au Di-
recteur et aux membres de la Société d'archéologie qui ont
honoré notre ville de leur présence. Cette session a été re-
marquable sous tous les rapports et laissera de grands souve-
nirs parmi nous. Vous aurez passé en notre contrée , Mes-
sieurs , comme un rayon de lumière qui réchauffe , éclaire et
vivifie. Le goût de la science aura été ranimé et accru chez
ceux qui l'avaient déjà ; vous l'aurez fait naître chez ceux qui
ne l'avaient pas encore. Nos vieux monuments , remis en
honneur et présentés sous leur vrai jour, grâce à vos savantes
dissertations ; notre musée et notre bibliothèque enrichis par
vos dons généreux ; le culte de l'art récompensé par de bien-
veillants encouragements adressés à ceux qui portent en eux
quelque étincelle du feu sacré ; des allocations accordées
pour la conservation de nos antiquités les plus précieuses et
pour leur reproduction par le dessin ou le moulage : voilà ,
Messieurs , quelles seront les traces ineffaçables de votre
heureuse apparition au milieu de nous. Soyez donc remerciés,
au nom de notre pays ému et reconnaissant.
« Un adieu, Messieurs, a toujours quelque chose de grave
et de triste. Avant de prononcer entre nous ce mot suprême,
laissez-moi vous dire combien nous avons apprécié les hommes
éminents qui composent votre Société , et dont le mérite a
brillé chaque jour en cette enceinte. Durant la semaine que
nous venons de passer tous ensemble , l'esprit n'a pas été
seul à être satisfait : le cœur aussi s'est mis de la partie ; et
il s'est formé ici de douces et aimables relations qui survi-
vront , je l'espère, à notre séparation. Au revoir donc, Mes-
sieurs , et si notre pays de Saumur avait eu la bonne chance
266 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
de conquérir une petite place en vos souvenirs, puissiez-vous
un jour , en vous rappelant nos excursions de Gennes , Cu-
nault, Fontevrault , Candes et Chinon, concevoir le désir de
venir de nouveau tenir en nos murs ces assises de l'archéo-
logie où l'amitié s'ébauche à côté de la science qui progresse
et fleurit. »
Après ce discours , M. de Caumont , plein d'émotion , a
pris la parole pour remercier l'Administration et les habi-
tants de Saumur, M. Louvet surtout, de l'accueil si sympa-
thique que les membres de la Société archéologique de
France ont reçu dans cette ville. Il a émis le désir de voir
ces bonnes relations se continuer par des communications
que les archéologues du pays pourront adresser à la Société
française d'archéologie. La Société, h son tour, saisira toutes
les occasions de se rappeler au souvenir de la bonne ville de
Saumur.
M. de Caumont annonce, en terminant, que plusieurs mem-
bres du Congrès visiteront demain Montreuil-Bellay et Puy-
Nolre-Dame, et que le dépari aura lieu à 5 heures du matin.
Le Secrétaire-général ,
L'abbé Le Petit.
EXCURSION A MONTREUIL-BELLAY ET A PUY-NOTRE-
DAME.
Présidence de M. Louvet, maire de Saumur, membre du Corps législatif.
M. Félix de Verneilh, rapporteur.
* Ainsi que M. de Caumont l'avait annoncé la veille, les mem-
bres du Congrès partirent à 5 heures du matin de Saumur ,
par un temps magnifique. M. Louvet, député, qui représente
XXIX*. SESSION , A SAUMUR. 2G7
au Conseil général le canton de Montreuil-Bellay, avait accepté
la présidence de la Compagnie et lui avait, avec une amabi-
lité dont il n'avait cessé de donner des preuves au Congrès ,
ménagé la surprise d'un banquet préparé dans le principal
hôtel de la ville et dont il voulut faire les honneurs.
La première station a été faite a Distré , tout près de la
route impériale. C'était une des églises signalées au Congrès
comme pouvant être antérieure à l'an 1000, pour La nef
seulement.
Cette nef présente , en effet , dans ses deux murs laté-
raux un petit appareil régulier offrant des caractères incon-
testables d'ancienneté et des fenêtres cintrées sans colonnes ,
dont les claveaux réguliers et les montants sont composés de
pierres de taille et disposés symétriquement , rappelant en
cela ce que déjà d'autres églises anciennes avaient offert ail-
leurs. MM. de Verneilh et de Caumont ont pris une esquisse
de ces fenêtres pendant que M. Bouet dessinait l'archivolte
de la porte, qui se trouve, comme celle de l'église deCravan,
dans le mur latéral du sud. Cette archivolte est composée de
claveaux symétriques fH de pierres géométriques séparées les
unes des autres par un ciment épais. Celte coupe des pierres
a été signalée par M. de Caumont comme ancienne dans
son Abécédaire d'archéologie , et il a figuré des claveaux
disposés de même et provenant de l'ancienne église d'Évrecy
(Calvados), qui sont antérieurs à l'an 1000. L'esquisse
suivante (p. 268) fait comprendre cette disposition et le dessin
mosaïque qui en résultait ; la figure que nous donnons
(p. 269), en montrant séparément quelques claveaux, in-
dique quelle était l'épaisseur du ciment qui les séparait.
La porte n'a d'autre ornementation que l'appareil com-
pliqué de ses claveaux; il y en a trois rangs : les premiers,
très-minces et très-allongés , se terminent en pointe , de
manière à encadrer de petits blocs en losange. Les autres
2G8
COKGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
PS Ql
XXIXe. SESSION , A SACM'CR. ^69
claveaux sont subdivisés en trois ou quatre pièces par des
traits creusés profondément dans la pierre et que remplissait
un ciment coloré.
DÉTAILS DR L'ARCHIVOLTE DU PORTAIL DE DISTRÉ.
A ces caractères, on croirait reconnaître une église an-
térieure à l'an 1000; toutefois , les monuments de ce genre
seraient bien nombreux dans les environs de Saumur, et il
est peut-être préférable d'admettre que , pour celte région ,
le style roman secondaire n'a succédé au style roman pri-
mordial, ou style latin, que dans le courant du XI*. siècle.
Après avoir examiné attentivement ces particularités, le
Congrès s'est dirigé sur Montreuil sans s'arrêter, regrettant
de ne pouvoir explorer deux autres églises qui se trouvent à
quelque distance de la route , et qui lui étaient signalées
comme offrant des appareils analogues à celui de la nef de
Distré.
Bientôt le Congrès arriva au pont de Montreuil, et put jouir
de l'aspect imposant du château qui domine l'autre rive.
270 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Montreuil-Bellay est un lieu justement célèbre : les œuvres
d'art s'y mêlent harmonieusement aux beautés naturelles.
Avant de soupçonner l'existence de la ville , on voit s'élever
sur uu coteau, en arrière d'une petite rivière, dans le paysage
le plus riant et le plus ombragé , un magnifique château du
XVe. siècle et une grande église de la même époque , qu'en-
veloppe la même enceinte murale , fortifiée par un grand
nombre de petites tours rondes.
Il faut , en effet , que les habitants de la ville passent
par la première porte du château et traversent ses cours
pour arriver à l'église paroissiale, chose gênante pour tout
le monde , mais surtout pour les châtelains , quand il y en a.
Aussi proposent-ils de jeter un autre pont sur les fossés et
d'ouvrir aux fidèles une voie plus directe , qui rendrait
l'église à la ville. Mais il n'est pas sûr , dit-on , que ces
offres soient acceptées.
Jadis, la ville de Montreuil-Bellay avait d'autres monu-
ments consacrés au culte : l'un , qui portait le titre de
prieuré, a laissé au pied de l'enceinte extérieure du château
d'assez nobles ruines , de style roman ; l'autre sert encore
de chapelle à un couvent. Mais, entre ces églises, on a gardé
la plus belle , qui était incontestablement celie du château ;
elle a la forme des saintes chapelles. La nef est donc unique
et terminée par une seule abside , bien qu'elle appartienne
à la seconde moitié , peut-être à la fin du XVe. siècle. Ses
voûtes sont encore très-surhaussées , à la mode angevine.
L'ensemble a de vastes proportions. On remarque, entre deux
contreforts, le réduit où le seigneur assistait à la messe, sans
être gêné et sans être vu par la foule. Les litres des illustres
familles de Bellay et de La Trémouilie , qui ont successive-
ment possédé le château , présentent aussi une décoration
peinte, bien conservée et d'un certain effet.
Entre les bâtiments de dépendance , la cuisine mérite
XXIX'. SliSSION, A SAUMUR. 271
d'être signalée : c'est un petit édifice isolé , très-largement et
très-heureusement disposé pour sa destination spéciale ; il
communiquait avec le château par une galerie aujourd'hui
démolie , et qui ne paraît pas avoir fait corps avec les con-
structions primitives.
M. Viollet-Leduc a donné, dans son Dictionnaire d'archi-
tecture , le plan et la coupe de cette cuisine de Montreuil-
Bellay , qui offre, en effet beaucoup d'intérêt. M. Bouet en a
fait un croquis pendant notre visite.
Le château lui-môme est flanqué de quatre tours très-
élevées , d'un arrangement insolite : elles n'ont point de cré-
neaux ni de mâchicoulis. Au-dessus de la corniche, formée
d'un simple cordon en encorbellement , se trouve un para-
pet énorme qui cache presque entièrement le toit. C'est assez
disgracieux , il faut en convenir ; mais c'était utile en cas de
siège , car les parties de la toiture, qui sont ordinairement
les plus exposées', n'avaient rien à craindre des piojectiles
ennemis.
A l'intérieur , il n'y aurait à noter que le nombre et la
grandeur des appartements , qui , presque tous , conservent
leurs poutres sculptées ; mais l'oratoire du seigneur efface
tout par ses magnifiques peintures. Les soubassements ont
seuls été endommagés. Le reste est en si bon état que toute
restauration serait nuisible.
L'École de Tours, dont Fouquet est le chef, n'a rien laissé
de plus suave et de plus beau.
Toutes ces murailles ont été vendues par un La Trémouille
au prix de dix mille francs , dit-on : quand on ne veut pas
les habiter ou qu'on ne le peut pas , de pareils châteaux
sont une lourde charge. Heureusement , le château de Mon-
treuil-Bellay est encore en bonnes mains. Mme. de Grand-
inaison , fille de l'antiquaire Millin , se propose d'en faire sa
résidence , et déjà une somptueuse restauration a été com-
mencée sous la direction de M. Jolv-Leterme.
272 COAGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Puy-Notre-Darae est à 2 lieues de Montreuil-Bellay.
L'église du Puy-Notre-Dame , fondée , au XIe. siècle , par
les comtes de Poitiers , a été entièrement rebâtie sous le
règne de saint Louis , sans que l'histoire ait conservé aucune
trace de cette reconstruction. Elle se trouvait dans l'ancien
diocèse de Poitiers; aussi n'est-ce point le style ogival de
l'Anjou qu'elle a adopté. Par ses trois nefs de même hauteur
et par son chevet carré , elle dérive nettement de la cathé-
drale de Poitiers; toutes ses proportions sont excellentes et
ses détails parfaitement soignés, surtout à l'intérieur; mais
le clocher ajouté au XIV1'. siècle et qui produit de loin un bon
effet est d'un goût détestable : si le style ogival ne comptait
que de telles œuvres , il faudrait renoncer à le réhabiliter. —
Comme dans le Poitou et dans l'Anjou, chaque comparti-
ment de voûte a huit nervures , les unes aux arêtes , les
autres au sommet des berceaux. Elles se multiplient encore
davantage dans le chœur, qui offre quelque chose de l'aspect
d'une abside , bien qu'il soit carré.
Le Puy-Notre-Dame devait une partie de sa célébrité à
uue relique , connue sous le nom de ceinture de la Sainte-
Vierge , que plusieurs reines de France se sont fait envoyer
pendant leurs couches. On la garde encore dans la sacristie ;
le fourreau qui l'enveloppe a des fermoirs en vermeil avec
figures d'anges et écussons aux trois fleurs de lis.
Les soins ne manquent pas à cette charmante église. Plu-
sieurs de ses piliers , si minces et si hauts , offraient à leurs
bases des pierres complètement délitées. M. Joly-Leterme ,
dont on a plaisir à retrouver les travaux dans les principaux
monuments de l'Anjou , les a repris en sous-œuvre , sans
ébranler les voûtes. Les embellissements ont eu aussi leur
part, et d'excellents vitraux , en style du XIIe. siècle, qui
sont dus en grande partie au zèle pieux de M. Louvet , ont
pris place dans les fenêtres du chœur.
F. DE VERNE1LH, rapporteur,
CONFÉRENCES
ARCHÉOLOGIQUES,
A SAUMUR,
PENDANT LA SESSION DU CONGRES.
Si les connaissances archéologiques sont devenues popu-
laires en France, on le doit d'abord au cours d'antiquités
professé en 1830 par M. de Caumont et publié peu de temps
après; on le doit à son Abécédaire d'archéologie, à ses
autres publications et à celles qui , plus tard , ont surgi de
divers côtés ; on le doit encore à la Société française d'ar-
chéologie, dont les congrès ont formé depuis trente ans un
véritable enseignement. Les enquêtes archéologiques ou-
vertes chaque année pendant plusieurs jours , sur différents
points de la France , sont en effet des cours d'archéologie
appliqués aux différentes contrées où elles sont faites, et les
résultats qu'elles ont produits sont immenses au double point
de vue de l'instruction archéologique et de la conservation
des édifices, mieux respectés depuis qu'ils sont mieux ap-
préciés et mieux compris.
Aujourd'hui que, grâce à ces réunions et aux publications
dont nous venons de parler , les connaissances archéologiques
sont générales, M. le Directeur de la Société française a pensé
qu'indépendamment des enquêtes faites dans le sein du
Congrès, il serait bon de traiter à fond certaines questions'
d'archéologie appliquées, autant que possible, à la région.
18
Tlk CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ainsi, pendant le Congrès de Saumur , trois sujets ont été
choisis pour être traités dans des séances publiques.
1°. Histoire du l'architecture militaire, au raoyen-âge, sur
les bords de la Loire, du Ve. siècle au XVe. — M. de Caumont.
2°. Les grands châteaux des rives de la Loire aux XVe.
et XVIe. siècles. — M. V. Petit.
3°. Les voûtes en coupole , leur filiation et les voûtes du
style Plantagenet. — M. F. de Verne ilh.
Ces trois beaux sujets ont été traités, dans trois confé-
rences, par les trois archéologues que nous venons de citer.
C'était le soir, dans la grande salle de l'Hôtel-de-Viile, qu'un
public nombreux, dont quelques dames faisaient partie, se
pressait pour entendre les orateurs. Nous regrettons de
n'avoir que des notes bien incomplètes à présenter, en sou-
venir de ces instructions. Ce procès-verbal, trop restreint,
indiquera au moins quelques-uns des principes émis dans
les conférences.
lre. CONFÉRENCE.
L'ARCHITECTURE MILITAIRE DE LA LOIRE,
PA« M. DR CAUMONT.
M. de Caumont prend la parole devant un auditoire nom-
breux et choisi , dans la belle salle de l'Hôtel-de- Ville ,
éclairée comme aux jours de fête par les soins de l'autorité
municipale.
Après avoir indiqué quel sera l'objet de sa conférence et
dans quelles limites il compte se renfermer, M. de Caumont
dit que l'étude des monuments, militaires du moyen-âge a
bien moins occupé que celle des monuments religieux.
XXIX'. SESSION, A SAUMUR. 27 >
Pourtant , si les églises offrent plus d'intérêt au point de
vue de l'art, si elles étalent de grandes richesses, des sculp-
tures , des peintures , etc. , etc. , les châteaux ont souvent
une liaison plus intime avec l'histoire du pays, et, sous ce
rapport, ils doivent intéresser vivement les observateurs et
les érudits. Leurs masses ne sont pas dépourvues de poésie :
tel donjon que l'on pourrait citer n'est pas moins harmo-
nieux, dans sa masse et ses proportions, qu'une cathédrale
renommée.
L'orateur jettera , dans cette conférence, un coup-d'œil
rapide sur l'histoire de l'architecture militaire sur les bords
de la Loire , sans se restreindre à la rigoureuse acception du
mot, et en considérant comme appartenant à cette région
certains châteaux situés près des affluents de ce grand
fleuve.
M. de Caumont présente d'abord le tableau de la Gaule
sous la domination romaine, pendant les trois premiers siècles
de l'ère chrétienne ; il montre les arts prospérant partout ,
les routes mettant en communication toutes les régions et
facilitant les rapports entre les habitants des points les plus
reculés ; il renvoie aux détails donnés dans son Abécédaire
d'archéologie et dans son Cours d'antiquités (ère gallo-
romaine) sur les monuments publics et privés dont la Gaule
était couverte dans ces temps de prospérité ; puis, présentant
rapidement l'histoire de la Gaule au IVe. siècle , il décrit
les invasions des barbares ; il compare les bandes qui se
ruaient successivement sur les provinces romaines à ces
nuées de sauterelles qui , emportées par le vent, viennent
dévorer les moissons et stériliser d'immenses étendues de
pays.
Les populations nomades des Germains éprouvaient une
tendance irrésistible à chercher dans le monde civilisé des
moyens d'existence qui devenaient insuffisants dans leur
276 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
pays : ils s'abattaient sur les provinces comme des troupes
affamées.
Ces irruptions, qui jettèrent la perturbation dans la société
gallo-romaine , et dont l'histoire nous montre les affreuses
conséquences, devaient finir par entraîner l'anéantissement
du pouvoir romain dans ls Gaules.
Mais il n'est pas dans la nature de l'homme de perdre ce
qu'il possède sans résister à la force qui veut envahir et
arracher par la violence.
Les villes romaines qui , dans les temps de tranquillité ,
étaient restées mollement étendues sur la pente des coteaux
sans songer à se défendre contre des dangers que l'on ne re-
doutait pas alors , se virent forcées de se condenser et de se
renfermer dans des murailles : le danger était tel , la fureur
des barbares si redoutable , que les monuments publics fu-
rent démolis pour bâtir des murs d'enceinte. On choisit les
parties des cités les plus faciles à défendre pour les entourer de
murailles, et tout le reste fut négligé. Une grande partie des
villes dut ainsi rester en dehors des remparts; l'enceinte
était peu étendue pour être plus facile à défendre , et telle
ville romaine , qui occupait près de 200 hectares , ne put
entourer de murs que 9 à 10 hectares. On comprend que
l'impossibilité, où l'on était, de garantir les monuments qui
demeuraient en dehors de ces enceintes détermina souvent à
les sacrifier pour en employer les débris ; et c'est ce qui ex-
plique pourquoi les murs offraient dans leurs fondations un
si grand nombre de sculptures , de frises , de chapiteaux,
etc. , etc.
J'ai , du reste , il y a bien long-temps , dit M. de Cau-
mont ( en 1830) , cité dans mon Cours d'antiquités de
nombreux exemples de ces enceintes que j'étudiais alors avec
le plus vif intérêt, au milieu des villes qui en ont possédé et
qui en conservent encore des restes.
XXIX'. SESSION, A S AU MUR.
•277
278 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Pour revenir à la région dans laquelle nous sommes ici ,
les Romains avaient laissé de grandes et belles fortifications
qui défendaient les villes de la Loire : Orléans , Tours ,
Angers , Nantes , Jublains offrent des remparts que les efforts
destructeurs de tous les siècles n'ont pu faire disparaître
complètement, et dontje nôtre laissera peut-être encore
quelques traces , malgré la malheureuse passion qui le do-
mine pour la destruction de toutes choses.
Ces grandes constructions militaires des Romains lais-
sèrent naturellement des modèles que l'on suivit quand on
éleva des châteaux. C'est là que commence réellement pour
la France l'histoire de l'architecture militaire. Les Mérovin-
giens étaient, du reste , assez disposés à se servir de ce qu'ils
trouvaient tout fait : il était plus facile d'occuper les con-
structions militaires existantes que d'en établir à grands frais
de nouvelles : les malheurs de la fin du IVe. siècle et du Ve.
avaient ruiné les populations et les avaient décimées.
L'architecture militaire mérovingienne et carlovingienne
doit donc se confondre avec celle des derniers temps de
l'Empire , et pour les châteaux qui furent construits de
toutes pièces dans des localités où de nouveaux centres pu-
rent se former après la destruction de certaines localités
complètement ruinées par les invasions , ils furent évidem-
ment copiés sur les châteaux romains et construits d'après
les mêmes principes , avec cette différence peut-être que le
bois fut souvent substitué à la pierre.
M. de Caumont décrit la forme habituelle des châteaux au
IVe. siècle, il indique leurs dispositions intérieures et exté-
rieures, décrit particulièrement le château de Jublains et
celui de Larçay , près de Tours , offrant une enceinte carrée-
longue , garnie de tours cylindriques , dont les fondations
se composent encore de débris sculptés et de fragments de
colonnes provenant de constructions antérieures.
XXIX'. Sl.SSiON , A 5AU.MLR.
279
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280
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
PLAN DU CHATEAU DE LARÇAV.
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FONDATIONS DU CHATEAU DE LARCAÏ.
Les peuples germaniques, en se confondant avec la popu-
lation gallo-romaine, avaient pourtant conservé leurs habi-
tudes : ils préféraient la vie des champs à celle des villes.
Le système de clôture qu'ils adoptèrent pour l'habitation
qu'ils occupaient au centre de leurs domaines et des villages
qui se formaient près d'eux devaient consister en haies
vives et en fossés garnis de pièces de bois. Comme ils oc-
cupèrent souvent les villa ou établissements ruraux des
populations gallo-romaines, ils durent en conserver les prin-
cipales distributions.
XXIX'. SESSION , A SAUMUR. 281
Mais ce n'étaient pas là les châteaux fortifiés que nous
voyons paraître aux Xe. et XIe. siècles. La facilité avec la-
quelle les Normands parcouraient et dévastaient les différents
pays montre qu'il n'y avait guère de châteaux fortifiés pro-
prement dits, et c'est au siècle suivant que l'on s'occupa d'en
établir de réguliers.
Les plus anciens châteaux-forts , au Xe. siècle , étaient
construits en bois ; leurs fossés garnis de pieux ou de palis-
sades ; le donjon , partie principale consacrée à l'habitation
du maître, était établi sur un monticule en terre ou sur
un escarpement naturel.
M. de Caumont donne la description d'une série de châ-
teaux de cette espèce, puis il continue :
Dès le Xe. siècle, on éleva des châteaux solidement con-
struits en pierre ; au XIe. siècle, le système féodal développa
l'architecture militaire et les donjons prirent un aspect mo-
numental : ce furent des tours carrées à plusieurs étages,
comme celles de Montrichard , de Montbason , de Beau-
gency , de Nogent-le-Rotrou et de quelques autres loca-
lités.
282 CONGRÈS AIlCHÉOLUGluLt; DE FRANCE
DONJON DE NOGENT-LE ROTROl'.
DONJON DE BKAl'GENCÏ.
XXIXe. SLSSIOiN, A SAUMLR.
2M
DONJON DR MOMTiICHARD.
Le rez-de-chaussée de ces tours est voûté et ne commu-
nique pas avec la grande salle supérieure; l'entrée de celle-
ci est toujours à un niveau assez élevé au-dessus du sol
(Voir, dans le Cours d'archéologie et dans Y Abécédaire
d' 'archéologie , la description de ces derniers donjons ).
M. de Caumont examine successivement un douzaine de
donjons des XIe. et XIIe. siècles. Il décrit la disposition des
bâtiments du château dans l'enceinte des cours , puis il
montre comment les murs d'enceinte étaient flanqués de
tours cylindriques.
Les tours et les murailles n'étaient pas encore couronnées
de ces ouvrages saillants en pierre que l'on a appelés mâ-
chicoulis, mais bien de balcons ou galeries en bois que l'on
appelle hourds et que l'on établissait quand les besoins l'exi-
geaient , c'est-à-dire quand les places étaient menacées d'un
siège.
Quelques donjons romans sont cylindriques comme ceux
de Laval , de Châteaudun ; d'autres sont polylobés comme le
284 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
LE DONJON CYLINDRIQUE DU CHATEAU DE LAVAL GAHNI DE SES HOURDS EN BOIS.
Les fenêtres qu'on voit dans cette tour ont été percées au XVIe. siècle.
XXIXe. SESSION , A SAUMUR. 285
donjon d'Étampes. Il y eut, dès le XII*. siècle , une tendance
à abandonner la forme carrée pour adopter la forme cylin-
drique.
Au XIIe. siècle , un grand mouvement se manifeste dans
l'esprit inventif des ingénieurs. L'architecture militaire ,
comme l'architecture religieuse , va subir d'importantes in-
novations. Elles portent sur plusieurs parties, notamment
sur la forme du donjon pour lequel on finit, au XIIIe. siècle,
DONJON CYLINDRIQUE DU \IlIe. SIECLE.
par adopter à peu près exclusivement la forme cylindrique.
286 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Alors on ne voit plus de motte en terre supportant le donjon :
celui-ci fut entouré d'un fossé, et le fossé d'un chemin ou
rempart en pierre décrivant un cercle. Tel était le magni-
fique donjon de Coucy, entre Soissons et Noyon.
Le château de Montargis avait au centre de la place un
magnifique donjon cylindrique qui a été détruit en 1810,
et qui pouvait rivaliser avec celui de Coucy ; mais le donjon
de Châtillon-sur-Loing est encore debout , et c'est un des
plus beaux qui restent (V. le Bulletin monumental ).
Le donjon , en affectant la forme cylindrique des tours
d'enceinte , perdit de son importance : il était bien la maî-
tresse-tour , mais quelques-unes de ses sœurs essayaient
parfois de l'égaler en beauté. C'était toujours le signe de la
puissance baroniale, le siège du fief; mais le baron se trouvait
plus à l'aise dans les bâtiments disposés dans la cour, et l'usage
vint de les occuper de préférence. Dans ce cas , on accédait
quelquefois du palais au donjon par une galerie couverte
comme à Montargis.
Dans quelques châteaux de la fin du XIIIe. siècle, le
donjon n'est plus qu'une tour peu différente des autres tours
d'enceinte.
M. de Caumont a parlé des courtines , des créneaux , des
archères , des chemins couverts et des autres parties de la
fortification , et il a terminé cet aperçu de l'architecture mi-
litaire au XIIIe. siècle en décrivant à grands traits divers
châteaux de cette époque ( Villeneuve-le-Roi , Issouduu ,
Coucy , Verneuil ( Tour grise ) , puis ceux de Chinon et
d'Angers. Passant aux ouvrages accessoires, il a parlé des
barbacanes , des têtes de pont, des portes à herses, ponts-
levis et autres moyens de défense usités dans le bassin
de la Loire.
,->'■'»
XXIX'. SESSION A SAUMl'R.
287
2SS
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRASCE.
PORTE GARNIE DE SA HÊRSE.
Au XIVe. siècle , les logements indépendants du donjon
devinrent de plus en plus considérables : on pensait au con-
fortable. Les murailles étaient encore le plus souvent cou-
ronnées de hourds en bois , mais les mâchicoulis et les ga-
leries saillantes en pierre, dont on trouve quelques exemples
dès la fin du XIIIe. siècle , remplacent les hourds. Le pont-
levis devient d'un usage plus général, aussi bien que la herse
dont on ne trouve guère de traces avant le XIIIe. siècle.
Examen de quelques châteaux du XIVe. siècle, notamment
du château de Clisson, près Nantes
Cependant les hourds en bois offraient des inconvénients
auxquels on cherchait à remédier depuis deux siècles.
XXIX». SESSION , A SAUMUR. 289
Les châteaux qui en avaient encore les abandonnèrent tous
pour des parapets en pierre et des mâchicoulis, dont les murs
d'Avignon et beaucoup d'autres constructions avaient, dès le
XIVe. siècle , fourni d'élégants modèles.
CHATEAU DE V1LLEBON (ELRE-ET-LOIK
Peut-être l'introduction de l'artillerie hâta-t-elle l'adoption
de ces constructions plus solides que le bois, mais impuis-
santes pourtant à résister au canon.
J9
290 CONGRftS AKCnÉOLOGIOUK DE FRANCE.
M. de Caumont a terminé en donnant un aperça de l'at-
taque et de la défense des places avant l'emploi des armes
à feu, durant la période comprise entre le Xe. siècle et
le XV8.
Je m'arrête ici , dit M. de Caumont : mon confrère ,
M. Victor Petit , continuera demain celte histoire de l'archi-
tecture militaire dont j'ai essayé de tracer la marche, et vous
parlera des changements qui survinrent dans les châteaux de
la 2e. moitié du XVe. siècle et du XVIe. sur les bords de la
Loire. Personne ne pourrait le faire aussi bien et avec plus
XXIXe. .SESSION , A SAUMUR.
291
292 coiscniîs archéologique de frange.
d'autorité que notre savant ami , l'auteur des Châteaux du
X Ve. siècle et de la Renaissance des bords de la Loire.
Nous avons le regret de ne pouvoir présenter que le sque-
lette décharné de cette conférence ; mais notre devoir était
de dresser le procès-verbal de la réunion , et non de sténo-
graphier une leçon orale : nous nous sommes renfermé dans
le cercle qui nous éiait tracé.
Le Secrétaire-général ,
L'abbé Le Petit.
2e. CONFÉRENCE.
L'ARCHITECTURE DES CHATEAUX EN TOUKAINE
ET EN ANJOU AUX XVe. ET XVIe. SIÈCLES.
(4 juin Î862),
PAR M. VICTOK PETIT.
Invité par M. de Caumont à prendre la parole , M. Victor
Petit entretient d'abord l'Assemblée de la publication d'un
grand ouvrage qu'il vient de terminer et qui a pour titre :
Châteaux de la vallée de la Loire. Une partie de cette
collection, qui est composée de cent planches in-folio, est
exposée dans la salle du Congrès. On a choisi les dessins re-
présentant les principaux châteaux de la ïouraine et surtout
de l'Anjou , édifices à l'égard desquels diverses communica-
tions doivent être faites.
XXIX'. SESSION, A S&UMUIS. 293
Après quelques observations préliminaires expliquant le
but de l'ouvrage , M. Victor Petit aborde le sujet principal
de la conférence , c'est-à-dire la date précise de la construc-
tion des grands châteaux de la Touraine et de l'Anjou.
La vallée de la Loire possède encore, dit M. Victor Petit,
beaucoup de grands châteaux justement célèbres. Ces belles
résidences seront toujours l'orgueil de cette magnifique vallée,
qui , déjà riche en monuments antiques, possède également
un nombre considérable de petits manoirs , de maisons de
plaisance et d'habitations bourgeoises datant des derniers
temps de la Renaissance. Cependant, la vallée de la Loire a vu
disparaître de somptueuses constructions seigneuriales ; les
unes ont été dévastées durant l'époque de la Terreur; les au-
tres , et c'est le plus grand nombre , n'ont été démolies que
lorsque les temps de prospérité furent revenus. Chose bizarre
et curieuse à constater ! c'est quelques années après la Révo-
lution française que disparurent tout-à-fait les plus vastes ré-
sidences que les temps de troubles n'avaient fait que fermer
ou appauvrir. Plusieurs grands et magnifiques châteaux n'ont
laissé d'autre trace qu'un emplacement encore stérile. De
la plupart de ces riches demeures , il ne reste même pas un
plan ou un dessin qui permette de constater leur importance
architecturale. Plus heureux , et par suite de circonstances
exceptionnelles, d'autres châteaux ont été reproduits par la
gravure à une époque ou leur ruine ne pouvait être pres-
sentie.
Mais, avant de rappeler ici les noms des grands châteaux
de l'Anjou qui ont été démolis , nous croyons devoir tracer
un très-rapide aperçu de l'aspect général des constructions
seigneuriales de la vallée de la Loire. Il suffit de remarquer
que ce fleuve traverse , sépare ou côtoie l'Auvergne , le
Bourbonnais , la Bourgogne , le Berry , le Nivernais , l'Or-
léanais, la Touraine, l'Anjou, la Vendée et la Bretagne, pour
29/* CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
reconnaître quel puissant intérêt peut offrir une exploration
artistique dans ces belles et célèbres provinces.
Toutefois nous passerons , sans devoir nous y arrêter , de-
vant les imposantes résidences féodales de la Haute-Loire.
D'ailleurs, les châtelains de cette lointaine et sévère contrée
ne ressentaient nul besoin d'habiter des châteaux décorés
avec élégance. L'âpreté du climat, l'isolement de la situation,
la dureté des matériaux de construction, aussi bien que
l'ignorance ou l'inhabileté des ouvriers, auraient opposé une
insurmontable résistance. Les petits manoirs surtout pré-
sentent une pauvreté de construction qui atteste le peu de
ressources dont pouvaient disposer les anciens possesseurs.
De même que, dans l'Anjou, ces petits manoirs dépendaient
de puissantes forteresses qui, aujourd'hui encore , témoignent
par la grandeur et l'étendue de leurs débris d'une impor-
tance féodale considérable. Nous ne citerons que le château
de Polignac , l'un des plus anciens de l'Auvergne et certai-
nement l'une des plus imposantes constructions militaires de
la vallée de la Loire tout entière.
Signalons, dans le Bourbonnais , riche et curieuse contrée
que longe la Loire, un type bien caractérisé de construction,
dont nous retrouvons en Anjou quelques exemples : l'emploi
de la brique. C'est avec une intelligence remarquable que ces
petits matériaux ont été mis en œuvre dans tout le Bourbonnais,
dès le XVe. siècle, époque où on commença généralement
à employer d'une manière symétrique les briques rouges et
les briques noires. Les dimensions régulières de ces briques,
leur fabrication excellente , enfin leur coloration vigoureuse ,
rouge ou noire, ont donné aux maçons du Bourbonnais la
possibilité de construire , avec une rectitude parfaite , de
grandes et hautes murailles ayant l'apparence de véritables
mosaïques. Ils surent trouver, dans les diverses combinaisons
des briques rouges et noires, une variété de dessins d'un effet
XX1.V. SpSSIOK, A SALML'R. 295
charmant. Les traditions locales des maçons du Bourbonnais
ne se sont pas altérées depuis le moyen-âge : elles out
conservé toute leur originalité et toute leur habileté. On
peut, en Bourbonnais, voir les plus humbles comme les plus
riches habitations modernes, construites avec une élégance
incontestable; de même qu'en Anjou, et toute la contrée où
se montre la pierre de tuiïeau , on voit aussi, jusque dans
les plus petits hameaux , des maisons dont la régularité
et la grandeur de l'appareil frappent d'étounement le habi-
tants du Berry , du Nivernais et d'une partie de l'Orléanais.
Nous avons hâte de parler de la Touraine, l'une des plus
riches régions de la vallée de la Loire ; c'est même là , pour
beaucoup de touristes , que commence celte célèbre vallée
dont la réputation de beauté est devenue proverbiale. Sans
vouloir chercher ici ce qu'il peut y avoir d'un peu exclusif
dans cette appréciation , nous pensons que ce n'est pas en
suivant les routes qui traversent en longues lignes droites
les grands plateaux ondulés de la Touraine , que l'on re-
connaîtra la justesse du dicton populaire que chacun répète
de confiance. Il ne faut pas s'écarter beaucoup des char-
mantes vallées du Cher et de l'Indre. Dans ces vertes ci
fertiles vallées, de même que dans la grande vallée de la
Loire, on remarque d'innombrables petits manoirs, de beaux
châteaux et de grandes forteresses féodales. Il n'est pas de
province qui puisse mieux que la Touraine présenter autant
de puissantes demeures seigneuriales richement habitées.
Enfin, nous touchons à l'Anjou, contrée non moins cé-
lèbre que la Touraine, sa rivale, et qui, de même, a conservé
ses belles résidences du moyen-âge et de la renaissance.
C'est ici que commence réellement notre exploration ar-
tistique et archéologique.
Ici , M. Victor Petit rappelle avec quelle hauteur d'ap-
préciation , et quelle vérité de description , RI. de Caumont
296 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
a parlé, dans la conférence d'ouverture, des principaux
donjons de la France , et notamment de ceux de la vallée
de la Loire. Les donjons célèbres de Beaugency, de Loches,
de Chinon, de Montbazon, de Montrichard, de Langeais, etc.,
qui tous datent de la première période du moyen-âge , ont
bien souvent été le sujet d'études archéologiques, savantes
et approfondies. On est parvenu peu à peu à reconnaître
l'époque de construction , trop souvent confondue avec celle
de fondation primitive , de ces nombreuses tours carrées ,
d'un aspect encore si imposant et qui dut paraître formi-
dable autrefois, c'est-à-dire dès le milieu du XIIe. siècle,
époque de leur plus grande splendeur féodale.
Il semblerait résulter, continue M. Victor Petit, de l'en-
semble des constructions militaires de la Touraine et de
l'Anjou, que, depuis le XIIe. siècle jusqu'au XVe., c'est-
à-dire durant l'espace de près de trois cents ans, on se
borna le plus souvent à fortifier, agrandir, consolider et
modifier les anciens châteaux , mais nullement à les rebâtir
entièrement.
A peine pourrait-on signaler, en général, dans la Touraine
et l'Anjou, divers corps-de-logis imposants, quelques tou-
relles importantes, datant d'une manière bien positive des
XIIIe. et XIVe. siècles. On semble s'être contenté de relever
les constructions ruinées , les murs ébranlés , les poternes
crevassées. On utilisa et améliora les fortifications anciennes,
en les fortifiant davantage à l'aide de créneaux , mâchicoulis,
meurtrières , etc. On reconstruisit les portes , en les gar-
nissant de ponts-levis dont l'usage devint général; on cou-
ronna le sommet des murs d'une longue série de créneaux
et de mâchicoulis ; les murailles d'enceinte furent agrandies
et prolongées; enfin, on renforça la demeure féodale en raison
des moyens d'attaque devenus plus puissants.
Mais il arriva une époque , et nous insistons vivement sur
XXIXe. SIÎSS10N, A SAUMUR. 297
ce point , où tous ces remaniements semblent avoir fait place
tout à coup , en Touraine et en Anjou, à une reconstruction
tout entière, intégrale , homogène , pleine de force et d'ha-
bileté, montrant de tous côtés une nouvelle et brillante pa-
rure de moulures finement profilées et décorées de délicates
ciselures.
Dans tout le cours de la Loire , ce n'est qu'en Touraine et
en Anjou que se développe subitement , dans sa riche nou-
veauté, ce style architectural militaire, si élégant et si monu-
mental tout à la fois, et dont les châteaux de Langeais, d'Ussé,
du Coudray-Montpensier,de Montsoreau , de Monlsabert, du
Plessis-Bourré , etc., présentent les principaux exemples.
Mais il en est des châteaux comme des hommes célèbres :
on veut savoir leur âge. Là commence une des exigences
de l'archéologie moderne. Il fut un temps , qui n'est pas
encore bien éloigné de nous , où il suffisait de répondre :
c'est un château « gothique. » On se contentait de cette la-
conique réponse que personne aujourd'hui ne ferait ni n'ac-
cepterait, pas plus que cette autre réponse de date un peu
plus récente : c'est un château « moyen-âge. »
D'après une tradition générale un peu vague, nous avons
cru personnellement , nous avons répété et imprimé , que les
grands châteaux de la Touraine et de l'Anjou dataient du
XIVe. siècle. C'est là , nous croyons nous en être assuré ,
une assez grande erreur ; et c'est dans le but et le désir
d'éclairer cette question de date, dans la conférence présente,
que nous exposerons les raisons qui nous ont amené , à notre
grande surprise , à une appréciation très-différente de l'âge
réel des belles et somptueuses résidences féodales de la vallée
centrale de la Loire.
II est évident, d'abord, que les châteaux que nous avons
nommés déjà , c'est-à-dire Langeais, Ussô, le Coudray-Mont-
pensier, Montsoreau, Monlsabert et le Plessis-Bourré, offrent
298 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DF, FfiàNCE.
enlr'eux une très-grande analogie de construction et une
non moins grande similitude de détails d'ornementation. Ils
furent construits durant la même période féodale et d'après
les mêmes principes de défense, à peu de distance les uns
des autres , le long des rives de la Loire ou dans les vallées
affluentes. Voici donc, à l'égard de leur âge, quelques rensei-
gnements positifs:
Tous les voyageurs allant de Saumur à Tours remarquent,
un peu avant d'arriver à la station de Port-Boulet , le joli
château des Réaux , nommé autrefois Plessis-le-Rideau, et
qui dépend de la commune de Chouzé-sur-Loire. On en
attribue la construction à Jean Briçonnet , d'une famille
bourgeoise, originaire de Tours , et dont les membres surent
s'élever aux emplois les plus brillants.
Jean Briçonnet , né à Tours, vers 1420 , fut le premier
maire de cette ville, en 1462 ; il mourut le 30 octobre 1^93,
ayant eu six enfants de Jeanne Berthelot , autre famille de
Tours, riche et considérée, dont nous retrouverons bientôt
le nom dans le cours de notre exploration. Or, dans la gé-
néalogie de la famille Briçonnet , le Père Anselme {Histoire
des grands officiers de la Couronne , t. VI , p. 428) dit que
Jean Briçonnet fut commis au paiement des ouvrages et
bâtiments du château de Langeais en 1465 et 1467. Il résulte
aussi des documents inédits recueillis par KL Paul Marchegay
pour son excellente histoire du château du Plessis-Bourré,
remarquable édifice dont la province d'Anjou peut être fière
à bon droit, que ce fut Jean Bourré , ministre de Louis XI
et gouverneur de Langeais , e qui fit bâtir le nouveau châ-
teau de Langeais. » Les comptes de Jean Briçonnet datent de
1465-1667 ; or, c'est en 1467 que Jean Bourré commença
la construction de son propre château du Plessis qu'il fit
bâtir en entier de 1467 à 1472 , dates précises et bien con-
statées par des documents extrêmement curieux , et ce châ-
XXIX'. SLSS10N , A SAL'.MUIi.
299
CH.-J\ETF.K«
U.NE DES TOURS DU CHATEAU DE LANGEAIS.
300 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
teau offre la pins grande similitude possible avec le château
de Langeais , qui semble avoir été le type ou modèle qui
servit à Jean Bourré pour bâtir son nouveau <• logis. »
Jusqu'ici on croyait généralement que c'était Pierre de
Brosse, seigneur de Langeais, chambellan et ministre de
Philippe-Ie-Hardi , qui avait fait édiûer le nouveau château
de Langeais , lequel , en effet , s'élève a peu de distance de
l'ancien donjon féodal dont il ne reste plus que les ruines ;
mais l'examen attentif de la construction nouvelle n'admet
pas une date aussi reculée que celle de 1270, époque où
Pierre de Brosse, qui fut mis à mort en 1278, se rendit ac-
quéreur de Langeais. Tout au plus doit-on désormais sup-
poser que Pierre de Brosse commença la construction du
château, qui, deux cents ans après, aurait été continuée et
achevée par Jean Bourré , sous la direction de Louis XI et
avec une beauté de main-d'œuvre fort remarquable.
Langeais présente donc l'un des plus beaux types de l'ar-
chitecture militaire durant le XVe. siècle , mais d'après les
traditions antérieures et alors que les effets de la poudre
n'étaient pas encore bien connus. Tout le système de défense
est calculé contre l'escalade seule.
On retrouve aux châteaux d'Ussé , du Coudray-Montpen-
sier, de IMonlsoreau , de Montsabert , de Saumur , de Mon-
treuil-Bellay , etc. , etc. , les mêmes dispositions défensives
extérieures dans l'agencement identique des créneaux , mâ-
chicoulis, nierions, archières, etc., qui tous sont taillés sur les
mêmes dimensions, profilés de la même manière et décorés
d'arcatures ogivales dont l'agencement ou la décoration tri-
lobée offre partout la plus grande similitude dans sa variété.
Ce serait donc incontestablement durant la période des
règnes de Charles VII (1422-1661 ) et de Louis XI ( 1461-
1683 ) que furent reconstruits en entier tous les grands
châteaux féodaux de la Touraine et de l'Anjou.
XXIXe. SESSION, A SAU.UUn.
SOI
DÉTAILS Ml CllllEAU DUSSE.
DÉTAILS DE MONTSOREAU,
iX.UIETF-.ICH
FRAGMENT DC CHATEAU DE
MONTSOKKAC.
3C2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
L'un des plus beaux et des plus importants fut celui de
Montsoreau; mais cette magnifique construction n'est plus
telle que d'anciens dessins de la précieuse collection Gai-
gnières la représentent : elle a subi de nombreuses et
cruelles mutilations. Les hautes toitures des deux grandes
tours d'angle ont été démolies; il en est de même d'une
partie des créneaux ; mais l'extrême solidité des murailles ,
toutes entièrement construites en belles pierres de taille,
fait espérer que cette imposante résidence féodale, édifiée
par la famille de Chambes, qui posséda Montsoreau de 1450
à 1664, pourra long-temps encore résister aux diverses
causes de ruine qui la menacent. Montsoreau a vu tourner
contre lui-même sa grandeur, sa force, et surtout son
isolement. Bâties près du confluent de la Vienne , dans
la Loire, les murailles plongeaient leur base dans le grand
fleuve, situation presque unique dans toute l'étendue de son
cours.
En parlant des grands châteaux du val de la Loire , il est
impossible de ne pas penser à celui de Chaumont. A l'égard
de cette magnifique résidence, l'une des plus connues de la
Touraine , et à l'égard de laquelle un nombre considérable
d'études historiques et artistiques ont été publiées , nous
trouvons encore , dans l'ouvrage du Père Anselme , t. VI ,
p. 123 , la mention suivante : le roi Louis XI ordonna, au
mois de janvier 1465 , que la place de Chaumont-sur-Loire ,
qui cpaprtenait à Pierre d'Amboise, fut brûlée et rasée , ce
qui fut exécuté. A la mort de celui-ci, en 1473, Charles
d'Amboise, premier du nom , devint seigneur de Chaumont.
lie Père Anselme ajoute : on trouve encore plusieurs quit-
tances de Charles d'Amboise , des années précédentes [1473-
1475], tant pour les sommes que le roi Louis XI lui avait
accordées pour la réparation et réédificalion de son château
et place de Chaumont que pour , etc. Nous retrouvons donc
XXIV. SESSION, A SAUMUR. 303
à Chaumont, de même qu'à Langeais, l'influence ou la di-
rection de Louis XL
Aux châteaux dont nous avons cité les noms, nous ajou-
terons d'autres châteaux datant de la même période féodale ,
mais dont le système de défense consistait principalement en
de larges fossés pleins d'eau, notamment ceux : deBoumois,
reconstruit vers 1670 par René de Thory, type encore à peu
près complet d'une petite forteresse avec toutes ses dépen-
dances ; du Moulin , curieux et charmant manoir commencé
en 1680 par Philippe du Moulin et parvenu intact jusqu'à
nous; de l'Islette , belle construction commencée vers 1695
par Hardouin de Maillé; d'Azay-le-Rideau, délicieux château
commencé en 1503 par Gilles Berthelot ; des Réaux , con-
struit en pierre et briques, commencé, dit-on, vers 1690 par
Jean Briçonnet; enfin, celui du Plessis-Bourré, très-remar-
quable château à l'égard duquel iM. Paul Marchegay a publié,
dans le bel ouvrage de M. le baron de Wismes, intitulé
Le Maine et l'Anjou, une notice d'un extrême intérêt histo-
rique et archéologique , et dont la construction , dirigée avec
le plus grand soin par Jean Bourré et sa femme, Marguerite
de Feschal, fut commencée vers 1667 et terminée en 1672.
L'Anjou possède encore un certain nombre de châteaux
datant de la même époque, à en juger par leur aspect, mais
sur lesquels nous n'avons pas recueilli de renseignements.
Durant les règnes de Charles VIII et de Louis XII ,
c'est-à-dire à la fin du XVe. siècle et durant le commence-
ment du XVIe. , plusieurs petits châteaux et beaucoup de
manoirs furent construits en Touraine et en Anjou. Mais le
mode de construction, « pierre et brique » alternativement,
semble avoir été peu en faveur en Anjou , contrée qui
possède d'innombrables carrières de belles pierres.
Dès les premières années du XVIe. siècle , les châteaux
ne se fortifient plus que faiblement; ils s'embellissent, se
30't CQNGRfcS \ncllÈOI.OGIQUE DE FRANCE.
ea.DIETBJCH
USE DES TUllîS Dl' PLESSIS-BOURKR,
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 305
développent en larges façades , décorées avec une profusion
de détails et une richesse d'ornementation sans limites,
et dont l'admirable château de Meillant , dans le Berry, au
milieu d'immenses forêts , et l'hôtel de Jacques-Cœur , à
Bourges , peuvent être cités comme les types de cette trans-
formation architecturale.
L'Anjou ne possède rien de semblable; l'exemple le plus
frappant de ce nouveau style décoratif exagéré se voit encore
dans ce qui reste du couronnement des deux vieilles tours
rondes du château de Brissac, vaste et célèbre demeure dont
nous aurons bientôt à reparler.
Un édifice considérable et d'une haute valeur architecturale,
contemporain comme date de fondation du Plessis-Bourré ,
est le château ducal de Nantes, reconstruit presque entièrement
par le duc François II pour le rendre propre à se défendre
contre l'artillerie. Il résulterait de documents précis que les
travaux furent commencés en octobre 1466 ; l'architecte se
nommait Mathurin Rodier. Après la mort de François II ,
en 1488, sa fille, la fameuse duchesse Anne de Bretagne,
fit continuer et achever le magnifique corps-de-logis dont la
façade donne sur la grande cour intérieure. Cette princesse,
née en 1476 , termina le château vers 1491 , époque où elle
épousa Charles VIII.
Le grand corps-de-logis , terminé par la duchesse Anne ,
présente de charmants détails d'ornementation sculptée. Les
magnifiques lucarnes en pierre de la grande toiture ont été
récemment restaurées, avec la plus scrupuleuse exactitude,
sous l'habile direction d'un officier du génie.
Dès les premières années du XVIe. siècle , nos architectes
et nos sculpteurs ayant poussé jusqu'à ses dernières limites
la science de l'équilibre et la finesse d'ornementation , cher-
chèrent une nouvelle voie. Les architectes et les sculpteurs
italiens , appelés en France , la leur indiquèrent involontaire-
20
306 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ment. Le style italien se développa avec une rapidité extrême
clans toutes nos provinces centrales. Un grand nombre de
vieux châteaux furent démolis en partie pour être réédifiés
dans le nouveau genre. De charmants « logis » ou maisons
particulières, appartenant à de riches bourgeois , furent con-
struits avec profusion , notamment en Touraine et une partie
de l'Anjou.
Le type architectural du règne de Louis XII est trop bien
connu pour qu'il soit nécessaire de le décrire ici. Il en est
de même du style italien naturalisé français sous le règne de
François Ier., et désigné sous le titre général de style de la
Renaissance. L'Anjou possède plusieurs délicieux logis ou
manoirs datant de cette brillante époque artistique , notam-
ment , à Angers , l'hôtel de la famille de Pincé , récemment
acquis par la ville ; le charmant château du Percher, ter-
miné vers 1510; le délicieux manoir de St.-Ouen, petit
chef-d'œuvre d'élégance , achevé également vers 1510.
Dans une région plus rapprochée de Saumur, deux autres
châteaux, fort remarquables à différents titres, sont : Oiron,
grande et imposante résidence, reconstruite presque tout en-
tière par la famille Gouffier sous le règne de François Ier. ; et
Landifer, manoir d'un aspect très-particulier datant du règne
de Henri IL Nous citerons encore un peu au hasard , tant
les châteaux sont nombreux : le beau château de Lude ,
commencé par Jacques de Daillon et terminé vers 1535 par
sa veuve , dame d'Illiers ; celui de Serrant , grandiose édi-
fice commencé par Jean de Brie, en 1545; enfin celui de
Brissac, étonnante construction terminée vers 1610 par le
maréchal de Cossé , duc de Brissac.
Il est encore une foule d'autres châteaux ayant une réelle
importance , disséminés dans les riches vallées de l'Anjou ,
contrée où , de même qu'en Touraine , chaque commune , à
peu près , possédait un château et plusieurs manoirs ou
maisons seigneuriales.
XXIXe. SESSION, A SAUMUR. 307
Au début de notre exploration , nous n'avons trouvé au
milieu des montagues de l'Auvergne que les rustiques con-
structions en granit de la vallée de la Haute-Loire. Arrivé au
terme de cette même exploration, à plus de deux cent cin-
quante lieues de distance , nous retrouvons , au centre des
vastes plateaux ondulés de la Bretagne , dans la vallée de la
Loire-Inférieure , d'autres constructions rustiques en granit.
Sur les rives torrentueuses de la Loire de l'Auvergne, ou
près des longues plages de la Loire de Bretagne , on voit ,
dans le fond de vallons solitaires ou sur le sommet de ro-
chers abrupts , de nombreux manoirs dont les habitants ,
seigneurs ou vassaux autrefois , bourgeois ou métayers au-
jourd'hui , n'ont jamais songé à décorer leur demeure sé-
culaire. Il n'en est pas de même dans les provinces intermé-
diaires, notamment dans l'Orléanais, la Touraine et l'Anjou.
Au point de vue de l'art de bâtir , durant le moyen-âge
et la renaissance , les élégantes constructions en briques
rouges et noires du Bourbonnais , du Berry et d'une partie
du Nivernais , le contraste est frappant , si on les compare
aux constructions en pierre blanche de la Touraine et de
l'Anjou. Chacune de ces constructions présente une variété de
formes et une diversité de détails infimes. L'art architectural
du moyen-âge et de la renaissance se modifie , en traversant
successivement les riches provinces que borde ou traverse
la Loire. Toutefois les châteaux de la partie centrale de la
vallée de la Loire ont donné à cette magnifique contrée , qui
resta jusqu'au XVIIe. siècle la résidence favorite des rois
de France , une célébrité européenne. Et cependant , on
ignore encore la date de construction du plus grand nombre
de ces vastes et féodales demeures. On est réduit à en
apprécier l'âge par induction , par analogie , ou d'après
quelques renseignements fugitifs, quelques dates isolées.
Nous avons cherché, en rappelant la date de construction
308 CCuNGUÈS ARCHÊOLOGIQUL DE FRANCE.
des beaux châteaux de Langeais et du Plessis-Bourré , à
indiquer, à litre de renseignement, un point de départ positif
pour commencer de nouvelles recherches.
Cette conférence est suivie de nombreux applaudissements.
S*. CONFÉRENCE.
INFLUENCES BYZANTINES EN ANJOU,
PAR M. F. DE VERNEILH.
Avant de rechercher les influences byzantines qui se sont
exercées sur les monuments de l'Anjou pendant le XIIe. et le
XIIP. siècle, 31. Félix de Verneilh commence par rappeler
ce que c'est que l'architecture byzantine. — M. de Caumont
nous disait naguère que, sous l'Empire romain, les premiers
remparts des villes de l'intérieur lurent bâtis avec les débris
des temples du paganisme. Cela est vrai aussi pour les pre-
mières églises. Les colonnes de marbre et de granit , aussi
remarquables par l'éclat de leurs couleurs que par la di-
mension de leur fût monolithe, abondaient, comme les grands
blocs tout taillés , dans des édifices devenus inutiles et que
l'on ne voulait nullement conserver à l'état de ruines , à
cause des souvenirs qui s'y rattachaient. On se servit de ces
colonnes pour faire , à peu de frais , des églises très-vastes ,
très-commodes et vraiment belles, au moins à l'intérieur. Il
suffisait de les appareiller et de les redresser sur deux rangs,
en les réunissant par de simples charpentes, pour obtenir
un vaisseau a trois nefs , très-facile à clore et à éclairer. Les
bases et les chapiteaux ne manquaient pas dans le principe.
On avait même les anciennes architraves , à moins qu'on ne
\X!\". SKSSION , A SAU.V.l!!. 34M)
voulût agrandir 1rs enlrccolounemenis ; et , dans ce cas , on
les remplaçait par des arcades. La forme générale était celle
des basiliques où se rendait la justice, mais elle était com-
mandée avant tout par le désir de faire du neuf avec du vieux.
En France, les invasions étaient plus fréquentes ainsi que
les incendies. La provision de colonnes antiques s'épuisa
bientôt, mais en Italie elle a duré jusqu'à nos jours. On u'a
pas eu besoin , comme on le faisait chez nous avant le XIe.
siècle , d'y suppléer par des piliers carrés , toujours réunis
par des charpentes. — Cependant, le besoin de donner à cer-
taines constructions religieuses, par exemple aux églises sé-
pulcrales, un aspect plus monumental et une solidité , sinon
plus réelle, du moins plus apparente , fit adopter parfois en
Italie comme en France Un système de voûtes en béton ,
coulées sur un mould en planches. Alors on s'inspira, tantôt
comme à la cathédrale de Trêves, des voûtes d'arêtes du
lemple de la Paix , tantôt , et le plus souvent , des rotondes
du Panthéon et de Minerva Medica. A Rome même , les
églises de Ste. -Constance et des St'. -Pierre et Marcellin, des-
tinées à recevoir les tombeaux de la fille et de la femme de
Constantin , sont construites sur cette donnée. Il en est en-
core ainsi à Thessalonique pour l'église de St.-Georges, dont
la construction et la décoration , toutes romaines, remontent
aux premières aimées du IVe. siècle. Qu'il y ait ou qu'il n'y
ait pas de bas-côtés, autour de la rotonde centrale , les murs
extérieurs sont extrêmement épais et on y ménage des
exèdres alternativement rondes et carrées , ressemblance
caractéristique avec le Panthéon.
De ces rotondes romaines, contemporaines de Constantin,
on pass-a par degrés à la coupole proprement dite, élevée sur
quatre piliers et quatre arcs , que les Romains n'avaient point
connue. L'église de St.-Laurent, celle de St.-Aquilin, bâties
à Milan vers le commencement du IVe. siècle, celle des St\ -
310 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE Dli FRANCE.
Kazaire et Celse à Ravenne , qui renferme la tombe de Galla
Placidia , offrent les premiers de ces degrés. Viennent après,
dans la succession logique des formes , St. -Vital, ou plutôt
des églises antérieures de même type, c'est-à-dire octogones,
avec des exèdres à jour et en saillie sur le bas-côté, qui se
trouvaient déjà à St. -Laurent; et enfin la petite Ste. -Sophie
de Constantinople , qui prépare directement la grande.
Dans ce chef-d'œuvre de Justinien, la coupole sur pen-
dentifs se montre pour la première fois unie aux exèdres ou
absides à jour et à double étage ; mais l'idée primitive, tout
comme les transformations successives qui permettent de la
réaliser complètement , arrivent de Rome et de l'Italie , bien
plus que de l'Orient. La coupole de StvSophie ne se dis-
tingue pas moins par ses dimensions que par l'originalité de
sa forme. Elle a 31 mètres de diamètre ou 100 pieds romains :
ce qui est énorme , si l'on songe qu'elle est entièrement sus-
pendue sur le vide, tandis que les dômes de St.-Pierre de
Rome et de Ste.-Marie-des-Fleurs portent en grande partie
de fond. Aussi n'y a-t-il au monde rien de comparable à
Ste. -Sophie pour la hardiesse et la légèreté, comme pour
la richesse et l'unité d'aspect. Dans tout l'intérieur de l'édi-
fice , qui présente un carré de 70 mètres de côté , il ne se
trouve que quatre piliers , médiocrement épais ; les autres
supports des voûtes sont de simples colonnes. Comme la
coupole est prolongée à l'occident et à l'orient par deux ab-
sides immenses, subdivisées chacune en trois absidioles à
jour qui touchent aux extrémités du monument , à peine a-
t-on franchi la porte du narthex que le regard embrasse
aussitôt tout le ciel doré des voûtes et pénètre , à travers des
colonnades de porphyre et de verre antique, jusqu'au fond
des bas-côtés. A St.-Pierre de Rome au contraire, quand on
est dans la nef, on ne voit guère les bas-côtés, masqués par
des files de piliers gigantesques, et on ne soupçonne pasl'exis-
XXIX*. SESSION, A SAUMUIt. 311
tcnce (le la coupole centrale, ainsi que des transepts. Il faut
aller sous le dôme et renverser la tête en arrière pour en
apprécier l'importance ; mais alors on perd de vue le reste
de l'édifice.
De même à St. -Pierre de Rome, il y a beaucoup de plâtres
et de faux marbres , lorsqu'à Ste. -Sophie toutes les surfaces
des murs et des voûtes sont revêtues des marbres les plus
précieux et des plus brillantes mosaïques. Il y a quelques
années encore, ces mosaïques étaient voilées par du badigeon,
et c'est ce qui explique tant d'appréciations moins enthou-
siastes; mais aujourd'hui, grâce aux travaux dirigés par
31. Fossati , elles ont retrouvé leur éclat et leur effet. Les
figures , qui ne sauraient être tolérées dans une mosquée ,
étaient heureusement en petite quantité. Après les avoir des-
sinées avec soin, on les a cachées sous de fausses mosaïques
qui continuent les rinceaux et les autres ornements courants
de l'ensemble des voûtes.
L'extérieur de Ste. -Sophie est informe et le style des
sculptures laisse beaucoup à désirer. Mais, peu importe,
l'effet général du monument est encore aujourd'hui incom-
parable , et MM. Godard-Faultrier , Desmarets et de Ga-
lembert en témoigneraient ici comme M. de Verneilh. Qu'on
juge donc de l'admiration dont il frappa les contemporains
de Justinien, et de l'influence qu'il exerça pendant toute la
durée de l'empire grec.
II offrait, d'ailleurs, un principe de construction aussi fé-
cond que nouveau. La coupole sphérique , exhaussée sur
quatre piliers et autant de grands arcs, auxquels elle se relie
par des pendentifs en portions de sphère, forme la base de
l'architecture byzantine dont les Turcs eux-mêmes ont hérité.
Sans doute , on voit en Orient quelques édifices qui con-
tinuent à s'inspirer du type de St. -Vital 4 mais ces rotondes
byzantines sont, aux vraies coupoles, dans la proportion de
312 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
un à cent, tout au plus. Toujours, en quelque sorte, on
reproduit, sans yrien changer, la partie centrale de Ste.-
Sophie , en négligeant le reste. Toujours , dans chaque cou-
pole , il y a deux voûtes sphériques dont l'une, ayant pour
diamètre la diagonale des piliers , engendre les pendentifs
et s'interrompt ensuite pour faire place à l'autre , qui est
plus petite d'un tiers environ.
Les architectes byzantins restent loin des dimensions
de Si*. -Sophie; les Turcs seuls ont essayé de s'en rap-
procher. Jusqu'au moment où les souverains de Constan-
tinople redeviennent puissants et riches , à défaut d'une
grande -coupole, on en fait plusieurs petites; et, comme elles
sont inscrites dans un carré , il est facile de les multiplier ,
de les grouper les unes à côté des autres , selon les néces-
sités du plan général.
Ordinairement les églises byzantines, bien moins vastes
que les nôtres, ont cinq coupoles, sans compter celles du
vestibule ou narthex : la plus grande au centre , avec de
grands arcs qui s'étendent jusqu'aux murs extérieurs ; les
quatre autres dans les angles. Tel est aussi le plan des
églises russes.
St. -Marc de Venise, qui est un édifice purement byzantin,
a, par exception , cinq grandes coupoles disposées en croix
grecque et dont les piliers sont évidés intérieurement.
Or , il existe au cœur de la France , à Périgueux , une
église parfaitement semblable à St.-Marc, non pas, bien en-
tendu, par la richesse, mais par la forme, par les dimensions,
par le style architectural. Le caractère de l'ornementation
sculptée est plus douteux et il a été contesté; mais, selon
91 de Verneilh , St. -Front est l'œuvre d'un architecte grec,
et les sculptures y sont byzantines comme le reste.
St. -Front a donc introduit et naturalisé en France l'ar-
chitecture bvzantine.
XXIX". SESSION, A SAUMUR. 313
Il pourrait y avoir eu, sur l'immense étendue du terri-
toire français , d'autres importations d'architecture orientale.
Il semble qu'il n'y en a eu qu'une , car toutes les églises à
coupoles byzantines, c'est-à-dire sur pendentifs sphériques ,
sont renfermées dans l'Aquitaine , entre la Loire et la Ga-
ronne. Les principaux de ces monuments , qui sont les
églises à série de coupoles , sont même rassemblés, au
nombre de quarante environ , dans le diocèse de Périgueux
et dans les cinq diocèses d'Angoulème, de Saintes, de Bor-
deaux, de Cahors et de Limoges qui l'enveloppent de toutes
parts.
Comme sa situation excentrique l'indique déjà, c'est Fon-
tevrault qui est la copie et la cathédrale d'Angoulème le.
modèle : aussi la construction du premier de ces monuments
est -elle, à certains égards, plus perfectionnée.
11 y a une exception à cette règle : c'est Fontevrault , qui
atteint, sans les dépasser, les bornes de l'Aquitaine. La nef
de cet édifice se couvre de quatre larges coupoles à pen-
dentifs byzantins ; mais elle est si semblable à la nef de la
cathédrale d'Angoulème, par ses proportions, ses dimensions
et tous les détails de son architecture , que , selon toute ap-
parence , les deux monuments ont été imités l'un de l'autre
et bâtis peut-être par le même architecte.
A Fontevrault, ainsi que dans la plupart des édifices imités
de St.-Front, la nef s'accroît aux dépens des transepts; les
coupoles se cachent sous une charpente et l'ornementation
est purement romane.
Lorsque la nef de Fontevrault fut fondée (de 1110 à 1119),
il y avait, dans un voisinage plus rapproché, des églises en-
tièrement voûtées et dont la solidité ne laissait rien à désirer,
notamment l'abbaye du Ronceray à Angers et celle de Mon-
tierneufà Poitiers; mais les triples nefs de ces édifices étaient
étroites et mal éclairées. On comprend donc que la nef
3ii CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
unique et très-large de St. -Pierre d'Angoulême ait paru plus
commode et d'un aspect plus imposant. On comprend aussi
que les fondateurs de Fontevrault aient pu facilement con-
naître l'œuvre dont ils se sont inspirés. Dans le premier
quart du XIIe. siècle, le siège d'Angoulême avait en effet une
importance bien plus grande qu'avant cette époque ou de-
puis. L'évêque Gérard était légat du Saint-Siège pour tous
les diocèses de l'ouest , et il a réuni plusieurs fois des con-
ciles dans sa ville épiscopale , notamment en 1117 où on
traita des affaires relatives au monastère de Fontevrault.
Les coupoles de Fontevrault , si bien placées pour exercer
une grande influence , ont eu à leur tour des imitateurs et
beaucoup. Au sud de la Loire , on trouve à Cormery , à
Monts , à Villandry , des coupoles isolées , mais à pendentifs
byzantins, qui ont été dessinées et décrites par un antiquaire
anglais, M. John Petit. La collégiale de Loches, qui n'est
pas antérieure à la seconde moitié du XIIe. siècle, affecte
aussi par ses voûtes en pyramide , et mieux encore par son
plan général , une certaine ressemblance avec la nef de Fon-
tevrault; mais c'est là un fait anormal et sans conséquences
pour la marche de l'architecture dans le pays.
Il en est autrement des coupoles sans pendentifs distincts
que l'on voit à Fontevrault même , sur le transept , puis à
St. -Martin d'Angers : elles naissent naturellement des vraies
coupoles , car, lorsque l'espace à couvrir n'est pas très-grand,
on est porté à laisser se continuer jusqu'au sommet cette
première voûte sphérique , établie sur la diagonale des piliers
et découpée par les grands arcs qui , après avoir fourni les
pendentifs, s'interrompt, pour faire place à la calotte de
la coupole. Alors il n'y a plus de corniche à la naissance de
cette calotte, toutes les parties de la coupole sont tracées avec
le même rayon ez les pendentifs se confondent avec le reste.
C'est une évidente simplification sans aucun inconvénient ,
XXIX*. SESSION, A SAUMUR. 315
quand le diamètre réel reste médiocre, et qui a ses avantages ;
car elle dispense de relever autant la clef des voûtes ainsi que
les charpentes. Aussi a-t-elle été essayée maintes fois dans l'An-
goumois comme en Orient. M. de Verneilh l'a même observée
à Ste. -Sophie, au-dessus de quelques travées des gynécées ou
tribunes. Mais, en Anjou, elle a eu des conséquences étendues
et a conduit à un nouveau système d'architecture.
Les nervures arrivaient du nord de la France avec les pre-
mières notions du style ogival. On imagina de fortifier, ou
plutôt de décorer, au moyen de nervures, les coupoles sans
pendentifs distincts. C'est ce que l'on remarque à Saumur ,
dans les églises de St. -Pierre et de Nantilly ; à Angers, dans
l'intérieur du clocher de St. -Aubin ; à Chinon , dans la
tour du Moulin. Dans ces divers monuments , des nervures
se croisent sous la voûte , mais elle reste parfaitement sphé-
rique et composée d'assises concentriques.
Bientôt la fusion se fait plus complète entre le système by-
zantin et le système ogival. A St. -Lazare de Fontevrault et à
la cathédrale d'Angers, dès le milieu du XIIe. siècle, la voûte
d'arêtes est adoptée avec les nervures ; mais elle est très-
surhaussée et devient domicaie , selon l'expression de M.
Parker, ou, si l'on aime mieux, analogue à un dôme. D'ailleurs,
la nef est large et unique, les travées sont exactement carrées,
et, en plan ainsi qu'en élévation , l'édifice continue à res-
sembler singulièrement à la nef de Fontevrault.
Comme avec les formes domicales le poids des voûtes ne
porte plus exclusivement sur les nervures diagonales, on en
réduit successivement la force de manière à les convertir en
simple tores, dont les queues se confondent avec le remplis-
sage des berceaux ; en même temps on double le nombre des
nervures, surtout dans un but de décoration, et on en met,
contre l'usage du nord, au sommet ou à la clef de chaque
berceau. Des édifices à nef unique, ce genre de voûtes passe
316 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
aux églises à trois nefs, comme St. -Serge d'Angers, la cathé-
drale de Poitiers et le Puy-Notre-Dame ; il est systématique-
ment employé même dans les monuments d'architecture
civile, tels que le bel hospice d'Angers, et il se conserve par-
fois jusqu'au XVe. siècle.
Ainsi se forme le style ogival de l'Anjou , que M. Godard-
Faultrier a nommé style Plantagenet, et qui, en effet, se ré-
pand dans presque tous les pays soumis à la domination
d'Henri II et de Richard-Cœur-de-Lion. Ses productions
sont innombrables en Anjou et dans les provinces circonvoi-
sines. A Saumur , la chapelle de St.-Jean, aujourd'hui en-
globée dans un couvent, mais soigneusement restaurée aux
frais des dames de la ville , en est un des plus élégants spé-
cimens. Au sud, on le retrouve à La Couronne, près d'An-
goulème; à St.-i\lacaire , près de Bordeaux, et peut-être les
cathédrales à vaisseau unique qui dominent dans le midi
doivent-elles y être rattachées, quoique leurs voûtes ne soient
plus domicales. Au nord , le style Plantagenet se montre au
Mans , dans l'hospice de Pontlieue et dans la nef de l'église
de Ja Couture ; à Laval , dans la cathédrale ; dans la Nor-
mandie, à Pontorson , à Cherbourg, à Valognes, on en saisit
encore des traces , mais elles sont bien faibles. Aussi paraît-il
très-douteux que ce style ait passé la Manche, et surtout
qu'il ait exercé sur l'architecture anglaise du XIIIe. siècle
l'influence considérable que 31 M. Parker et Viollet-Leduc
sont disposés à lui attribuer. Cependant M. de Verneilh se
propose de vérifier attentivement le fait dont il s'agit , dans
le voyage qu'il va faire en Angleterre.
Chose curieuse! il existe en Allemagne , à Paderborn, un
édifice que l'on sait avoir été bâti vers 1015 , per operarios
grivcos. Comme St. -Front, il a introduit dans le pays où il
se trouve l'usage de la voûte sphérique qui s'est continué
pendant toute la durée du style roman, et a modifié ensuite
XXIX*. 5£SSI0N , A SAU.UUI'.. 317
le style ogival dans le même sens qu'en Anjou. Malgré l'éloi-
gnemcnl, malgré le génie différent des populations , les mômes
causes ont produit des effets très-analogues en Wesphalie et
sur les bords de la Loire.
M. de Vernoilh termine en disant que le style Plantagenct,
loin de mériter l'oubli, devrait se perpétuer en Anjou. Lorsque
l'on construit une cathédrale , ce qui arrive rarement de nos
jours, il convient, sans doute , de prendre l'art ogival sous sa
forme la plus populaire et la plus brillante; mais, pour les
édifices de second et de troisième ordre, qui se multiplient
si heureusement dans chacune de nos provinces françaises,
il faudrait éviter de les jeter tous dans le même moule. Le
style Plantagcnet, qui se recommande par la solidité, la com-
modité et l'économie, a dès-lors des droits particuliers à l'at-
tention des architectes de l'Anjou : ils peuvent en tirer des
effets nouveaux et lui faire faire de véritables progrès, car il
n'a point donné son dernier mot.
Les dernières paroles de l'orateur ont été suivies d'une
triple salve d'applaudissements , et le public a témoigné de
l'intérêt qu'il a trouvé dans les trois conférences qui ont
été faites cette année.
EXPLORATION
DES TXJMXJLXJS
DU DÉPARTEMENT DU FINISTÈRE
( Rapport adressé à M. de Cautnont ),
Par H. DU CHATELLIER ,
Membre de l'Institut des provinces et de la Société française
d'archéologie.
Mon cher Directeur,
La Société française d'archéologie, dans sa session du Con-
grès de Reims en juillet 1861 , a bien voulu m'accorder son
concours et une allocation pour des recherches relatives aux
monuments celtiques encore si nombreux en Bretagne, et
particulièrement dans les deux départements du Morbihan
et du Finistère.
L'objet et l'intérêt de ces recherches se recommandaient
d'eux-mêmes.
Quelle partie de notre histoire, en effet, est restée plus
obscure et plus difficile à pénétrer que celle des races celto-
gauloises cimmériennes , ou autres , qui occupèrent notre
beau pays avant la conquête des Romains , et ont en quelque
sorte enfoui , dans les profondeurs obscures de leurs tom-
beaux , les seuls titres restant de leur origine comme de leur
existence ?
Je sais une partie des persistants efforts qui sont faits
par quelques linguistes pour retrouver la filiation des langues
celto-cimmériques, ou leur titre de parenté avec le sanscrit :
EXPLORATION DES TU. ML LUS DU FINISTERE. 319
je sais quelles autres recherches sont poussées, avec une
égale persistance, vers l'histoire physiologique et ethno-
graphique des anciennes races dont les évolutions se suivent,
ou s'aperçoivent, depuis le pays de l'Iran jusqu'aux bassins
des vallées où s'arrêtèrent, en Europe, les premières tribus,
qui ont servi parmi nous de souche aux nombreuses et
vaillantes races qui ont animé de leur génie l'antiquité ,
et jusqu'aux grandes nationalités de nos temps modernes.
Mais je sais aussi ce qu'il y a souvent de hasardé et d'hy-
pothétique dans ces appréciations plus ou moins ingénieuses ;
et quand beaucoup ont attribué jusqu'à ce jour le premier
peuplement de l'Europe à un puissant courant de populations
qui se serait élevé du sud de l'Asie , par le Caucase et le
Niéper , pour passer de là vers les régions fortunées de notre
continent , je sais également qu'il y a d'autres savants qui
vont chercher jusque dans les steppes de l'Afrique , chez les
Berbers , une race brune à tête ronde , qui pourrait bien
avoir compté, parmi les plus vaillants hommes, des ancêtres
desquels serait descendue une notable partie de notre
population, qui n'eut jamais ni les cheveux blonds, ni la
haute stature et le tempérament un peu lymphatique des
Cimmériens et des hommes du Nord.
Mais, jusqu'à présent , que conclure de ces données plus
ou moins vagues; qu'espérer de ces rapprochements, souvent
très -ingénieux, mais souvent aussi dépourvus de preuves
et de faits suffisants pour faire démonstration ? Qu'ils se
continuent, et la science ne pourra que s'en bien trouver.
Mais il y a, suivant nous, un champ beaucoup plus vaste et
plus riche à explorer : c'est celui des fouilles à diriger vers
tous les monuments celtiques encore existants, non-seulement
en France , en Angleterre, en Allemagne , dans le Nord et
jusqu'en Islande , mais même en Asie, au nord de la mer
Noir,e et sur les bords de la Méditerranée et du Bosphore ,
320 C0N6Rfc3 AUCHÈOrOtilQL'i de fbam;p.
où plus d'un lumulus ancien a déjà fourni des débris et des
souvenirs qui se classeront un jour d'eux-mêmes dans la
longue série des antiquités celliques.
Les dolmens, les tumulus, les menhirs, les cromlechs, les
pierres branlantes, et tout ce qui nous vient des Celtes ou
d'autres peuples, doit donc être étudié, examiné à nouveau ;
et, en s'attachant ainsi et par-dessus tout aux faits, à la
réalité, il serait bien surprenant, qu'avec des recherches
suffisantes , on n'arrivât pas à renonciation de quelques faits
historiques d'une importance incontestable.
C'est parce que j'avais déjà vu et examiné beaucoup de mo-
numents celtiques, que j'en avais fouillé plusieurs avec succès,
que l'idée m'est venue de reprendre cette étude et de pro-
poser à la Société française d'archéologie d'y porter son
attention , avant qu'ils arrivent à disparaître à peu près
complètement sous les incessantes attaques des populations
et des hommes qui se serrent de plus en plus sur le sol où
ces monuments n'ont si long-temps subsisté que parce qu'ils
y étaient en quelque sorte inaperçus.
J)e nouveau donc je remercie la Société française de son
habile et dévoué concours ; et en lui reportant tout le mérite
des quelques découvertes que j'ai faites dans huit à dix
explorations entreprises en son nom, dans le courant des
derniers mois de l'été passé , j'espère qu'elle ne s'arrêtera
pas dans la voie des investigations que j'ai poursuivies avec
son appui.
Mais , d'abord , quelques courtes remarques sur les mo-
numents que j'ai cru devoir explorer.
Ainsi que nous l'avons dit , le Finistère , comme le Mor-
bihan , est encore couvert de monuments celtiques de la
plus grande et de la plus belle conservation. Un archéologue
breton, le docteur Halléguen, qui s'est donné le soin d'en
visiter beaucoup , croyant les avoir dénombrés à peu près
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 321
complètement , en élève le chiffre jusqu'à 700 , pour le
Finistère seul. J'admets que ses observations ont été bien
faites ; mais je tiens cependant pour à peu près certain qu'il
y en a beaucoup qu'il n'a pas connus ; et ce qui me fait
le penser, c'est que, dans un rayon de moins d'un my-
riamètre de mon habitation , j'en découvre tous les jours
de nouveaux , et qu'un archéologue de mes amis , qui a été
jusqu'à faire la topographie monumentale d'une seule pa-
roisse de mon voisinage, malgré tous ses soins, n'a pu tout
voir et tout décrire.
Chercher , désigner et bien déterminer les monuments
celtiques encore existants en Bretagne , ne sera donc pas
d'ici long-temps un travail inutile et oiseux.
Ceux que j'avais sous la main , dans le canton de Pont-
l'Abbé , s'offraient naturellement à moi comme devant être
l'objet de mes premières recherches.
Des menhirs, des dolmens et des tumulus, sont à peu près
les seuls monuments d'origine celtique incontestable qui
s'offrissent à mes recherches.
Quelques très-beaux menhirs et de vastes dolmens , avec
ou sans galeries d'accession , m'étaient connus , mais ne
m'ont pas paru devoir attirer mes premières investigations :
d'abord , pour les dolmens , parce que je savais depuis long-
temps», et à n'en pas douter , qu'ils n'étaient autre chose
que des tombeaux débarrassés de leur enveloppe tumulaire ,
et par conséquent fouillés et mis à découvert depuis un
temps plus ou moins éloigné; et, pour les menhirs, parce
qu'il y a de grandes difficultés à descendre jusqu'à leur base,
et peu de chances généralement d'y faire des découvertes
importantes.
Les tombelles, les bustes, les tumulus donc se présentaient
à mon esprit comme devant offrir les chances de succès les
plus probables.
.21
322 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Je portai ma première attention sur ceux qui me pa-
raissaient à la fois les plus considérables et les plus intacts.
Les tumulus du Palud , de la Torche , de Rosmeur et de
Kerboulon peu distants les uns des autres , furent l'objet
de mes premières fouilles.
Tous trois placés sur la limite des deux paroisses de
Penmarch et de Plomeur, sur une côte aride dont les roches
et les lignes onduleuses de sable prêtent au site quelque
chose du désert , se présentaient à l'imagination comme des
stations antiques , peut-être sans date , mais non sans une
certaine poésie à laquelle l'attention s'attache avec une
curiosité d'autant plus vive que l'homme s'est en quelque
sorte retiré de ces lieux , et qu'on n'aperçoit qu'à une
certaine distance les cultures et les fermes qu'il occupe
aujourd'hui.
Le premier de ces tumulus , dont je vous parlerai , est
celui du Palud lui-même , en quelque sorte perdu au mi-
lieu des sables et n'offrant aux yeux peu exercés des pas-
sants qu'un monticule , pareil à tous ceux que les vents de
mer ont élevés sur celte côte inhospitalière. Mais j'avais
remarqué une croix près de ce tertre , et aussi quelques
pierres légèrement découvertes dont les crêtes perçaient le
linceul de sable qui les enveloppait. Je ne tardai pas à
reconnaître qu'il y avait là un tumulus; et, l'ayant vivement
attaqué avec une dixaine de travailleurs partagés en deux
groupes que je plaçai au nord et au sud de la tombelle , j'eus
bientôt mis à découvert huit pierres placées , comme on le
voit au plan n°. 1.
L'ensemble de la sépulture, s'orientant du sud au nord
sur une espace de 9 à 10 mètres, se divisait en deux groupes
de tombes , chacun composé de quatre pierres brutes de
2 mètres à 2 mètres 20 de longueur, sur 50 à 60 c. de large,
avec une épaisseur moyenne de 30 à U0 c.
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈKE. 323
Les deux groupes étaient séparés l'un de l'autre par un
espace de 3 mètres environ.
En nous arrêtant d'abord aux quatre tombes du sud , qui
étaient placées parallèlement, mais inégalement entr'elles,
sur une surface de k mètres 50 environ , on remarque ( car
nous avons pu en laisser trois en place ) que l'extrémité sud
de chacune de ces pierres tombales repose sur un muretin
en pierres brutes et sèches qui forment comme une cloison
pleine à l'extrémité sud, quand, au contraire, le bout de ces
lombes, tourné vers le nord, ne repose que sur une sorte
de coussinet en pierres brutes formant un appui séparé pour
chacune d'elles. Mais ce qu'il y a de fort remarquable, c'est
que l'espace entre ce coussinet du nord et le muretin du
sud, comprenant toute la longueur de la tombe, est lui-
même partagé par une pierre plate posée de champ, qui
forme comme une seconde cloison à 20 ou 25 c. du coussinet
nord; de sorte que l'espace compris entre le muretin du sud
et cette cloison n'est plus que de 60 à 70 c.
Tous les sables enlevés et ces tombes parfaitement dé-
gagées , on en comptait donc huit : quatre au sud et quatre
au nord. Orientées très-symétriquement , elles laissaient
penser qu'un cadavre avait dû être placé sous chaque
tombe , en supposant un espace de 50 à 60 c. au moins
entre le dessous de la pierre tombale et le lit même de la
tombe. Nous prîmes les plus grands soins pour explorer les
sables restés entassés et formant le plein sous ces pierres.
Quelques fragments d'os , deux à trois dents molaires de
cheval avaient déjà été trouvés dans l'entre-deux de ces
tombes, et nous nous attendions à rencontrer les ossements
des cadavres étendus dans toute leur longueur sous lesMalles,
dont la dimension variait entre 2 mètres et 2 mètres 20 ;
mais non, le seul espace de 60 à 70 c. entre le muretin
du sud et la pierre placée de champ à 20 c. du coussinet
524 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
nord, servant de support à la tombe, contenait des ossements.
Si bien que nous reconnûmes , dans la tombe placée au
sud-est , tout un squelette dont l'épine dorsale et les omo-
plates avaient été relevées par des pierres brutes, de manière
que le haut du thorax touchât presque la pierre plate
formant cloison, et que la tête eût été complètement re-
courbée sur la poitrine. Quant aux jambes, elles avaient été
également repliées sur elles-mêmes , et les hommes inhumés
sous ces tombes, d'un caractère si brut et si primitif, ne
pouvaient évidemment avoir été placés qu'à la manière des
Mexicains, c'est-à-dire accroupis sur eux-mêmes, les jambes
repliées , et peut-être ramassées sous le menton ; car nous
n'avons trouvé de restes un peu complets que dans la tombe
placée au sud-est, et encore n'y avait-il là que les côtes et les
os du thorax avec quelques vertèbres de bien conservés. La
tête avait complètement disparu , mais le tout paraissait évi-
demment disposé pour laisser en hauteur un espace plus
grand que celui exigé pour l'épaisseur d'un cadavre.
Quelques dents de cheval , comme nous l'avons dit , avec
les débris d'une tête trouvés dans la tombe du sud-ouest
et deux fragments de poterie grossière , sont les seuls objets
que nous ayons rencontrés.
Quant aux quatre tombes du nord, disposées comme celles
du sud et placées sur une même ligne , elles présentent des
pierres encore plus brutes que celles du sud. A peine dé-
grossies, elles ont à l'une de leurs extrémités jusqu'à 1 mètre
d'épaisseur; quant à l'autre, elles n'ont pas plus de 20
à 25 c. en toutes dimensions. Examinées de près, ces pierres
n'ont évidemment subi l'action d'aucun coin ou instrument
en métal , quoique fragmentées sur quelques-unes de leurs
arêtes, dressées sans doute à l'aide de galets ou des cailloux
pareils à ceux qui se trouvent en très-grand nombre sur la
côte , seul endroit d'où ces tombes aient pu être tirées et
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 325
roulées pour élever le monument dont nous nous occupons ,
et qui se trouve placé , comme nous l'avons dit , à environ
1 kilomètre du bord de la mer. Il présente encore, quoiqu'au
milieu des sables, des dimensions générales de 37 mètres
de long sur 30 de large , avec une hauteur de h mètres
à peu près , réduite aujourd'hui à 2 mètres environ par
l'enlèvement des pierres qui formaient la partie élevée de ce
tumulus, de forme conique, aujourd'hui très-abaissé.
Ce premier lieu visité , nous nous sommes rendus à la
pointe de Rosmeur, sise au nord-ouest du bourg de Pen-
march, vis-à-vis la roche escarpée de la Torche, lieu célèbre
dans la chronique légendaire du pays par son siège d'Aris-
tole, où tous les touristes qui visitent la Bretagne tiennent
à honneur de s'asseoir, et son Sault-du-lMoine , large pré-
cipice béant que quelques imprudents sautent encore sans
trop s'effrayer de la roche , de forme ronde , tenue en
suspens entre ses parois et que la légende assure être la tête
du pauvre cénobite, qui a laissé son nom au lieu si juste-
ment redouté.
S'élevant en forme de cône , un peu déprimé à son
sommet , le tumulus du Ilosmeur s'aperçoit de loin , au
milieu de ces sites heurtés et pittoresques. Le plus grand
diamètre de sa base , sur un sol granitique et rocheux, est de
ùû mètres, et son plus petit diamètre de 33 mètres environ;
sa hauteur culminante, avant nos travaux, était de 6 mètres.
Une fouille, faite par les agents de la commune sur le
côté sud du monument pour se procurer quelques pierres
propres au macadamisage des roules municipales , m'avait
d'abord donné l'idée de suivre cette première piste pour passer
du revêtement qui avait été attaqué au centre même du
monument; mais l'aspect général du tumulus, son revêtement
extérieur en terre , sa seconde enveloppe, en pierres mobiles,
qui seule avait été entamée dans la partie inférieure, me
326 CONCISES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
donnèrent la pensée que j'aurais plus vite fait d'attaquer le
monticule par sa crête pour arriver à ciel ouvert , et non
en galerie, au centre même du lieu où devaient être placées
les chambres ou compartiments que je soupçonnais.
Nos recherches furent donc poussées dans cette direction ,
et , à peine arrivés à 2 mètres après avoir traversé la
couche de terre d'une épaisseur de 60 c. environ et remué
des pierres brutes de toutes dimensions, nous commençâmes
à rencontrer des fragments d'os et de poterie , mais sans
que ces fragments fussent près l'un de l'autre, ou symé-
triquement placés. Des cendres, quelques rares morceaux
de charbon d'une petite dimension , se montraient en même
temps. Bientôt on rencontra des fers de dard et de lance
fortement oxydés , puis des tessons et le fond de quelques
vases encore pourvus de cendres et de débris carbonisés ;
puis quelques monnaies romaines en cuivre. Frappés de ces
rencontres et arrêtés quelques instants par ces débris jetés
pêle-mêle au milieu des pierres entassées sans ordre , nous
nous sommes remis à l'œuvre en poussant vers le cœur du
tumulus. En peu de temps , nous sommes arrivés à des
pierres larges et plates placées horizontalement, comme je
m'y attendais. Puis, je remarquai sur les côtés, sur tout le
pourtour d'un puits d'environ 3 mètres de baie que j'avais
ouvert, comme un cloisonnement en pierres brutes, qui
s'élargissait en formant la voûte en descendant sur le sol.
Nous étions bien au centre du monument et dans l'espace
formant la salle ou le caveau principal d'une sépulture. )
Nous descendîmes ainsi , toujours en vidant les lieux ,
jusqu'à 5 mètres environ de la crête. On peut tracer à peu
près comme en la feuille n°. 2 l'aspect général de cette
excavation, ayant en F une chambre voûtée en pierres brutes,
de 1 mètre 60 dans les deux sens sur 1 mètre 80 de hauteur;
une très-belle dalle en granit formant le plan parterre; en E,
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TUMULUS EXPLORES DANS LE FINISTERE
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EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 327
une galerie couverte formée de pierres sur champ , de
1 mètre 60 à 2 mètres 20 de hauteur, avec quatre tables
horizontales , dont trois sont restées en place et présentant
tontes des dimensions considérables , jusqu'à 2 mètres 10
de longueur sur 0 mètre 70 de largeur, avec une épaisseur
moyenne de 0 mètre 20 à 0 mètre 25. En E et en F ,
d'autres renfoncements ou hémicycles, plus ou moins pro-
noncés , sur le champ desquels la plus grande partie des
tessons et des ossements , mais non des armes , ont été
trouvés ; quand, au contraire, nous n'avons rencontré dans
la galerie couverte qu'une médaille romaine de très-petit
module ; enfin , sur le côté, en G , des pierres debout , de
1 mètre environ , formant la base du cloisonnement , et aux
lettres C , D , encore des pierres debout , de 1 mètre 80
à 2 mètres sur une largeur de 0 mètre 30 a 0 mètre 60 ,
qui ont évidemment perdu leurs tables ou pierres de re-
couvrement.
Puis, en dernier lieu, après des fouilles poussées jusqu'au
sol primitif et même sous la large dalle de la grotte F, un
lit de terre fine, sans pierres et sans graviers, qu'on dirait
avoir été tamisée pour former le lit général du tombeau, sur
une épaisseur constante de 30 à U0 c. L'ensemble du caveau
présentait au ras du sol 3 mètres à 3 mètres 60 de largeur.
D'assez nombreuses observations doivent être exprimées
sur les objets trouvés et la place où ils ont été rencontrés ;
mais, qu'on nous permette de les rejeter à la fin de cet
exposé, pour passer au troisième tumulus que nous avons
ouvert et qui se trouve plus à l'est du Palud , près d'un
village nommé Kerboulon.
Ici , comme dans les deux autres explorations , nous
sommes en face d'un tumulus ou gogal (suivant le nom
en usage dans le pays), parfaitement caractérisé : 23 mètres
sur 19 de base, avec une élévation d'environ 3 mètres au-
328 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
dessus du niveau actuel du sol. Deux des pierres d'en-
tablement sont à découvert, et on a enlevé ici, comme dans
celui de Croix-ar-Gloannec , les pierres brutes ayant formé
une partie du revêtement sur un espace de 2 à 3 mètrçs ;
de sorte que l'on aperçoit par les interstices restés entre les
tables, ou dolmens découverts, la chambre principale du
gogal dans laquelle il s'agit de pénétrer. Nous fouillons et
nous enlevons les sables qui se sont amoncelés après la re-
cherche des maçons , mais sans pouvoir entrer , aucun des
interstices ne présentant d'espace suffisant. Nous nous dé-
cidons à briser la pointe d'une des pierres formant enta-
blement, et à démolir une partie de l'enveloppe en pierres
mélangées d'argile très-compacte et très-durcie, qui forme
la couche la plus rapprochée des tables, et nous entrons par
deux points différents. Quelques heures de travail soutenu ,
nous permettent de dégager le monument et de vider com-
plètement la chambre et la galerie qui en forment l'ensemble.
Quatre tables , ou dalles, placées sur des pierres établies de
champ, forment le monument; et quand on y est descendu ,
on reconnaît une chambre principale dont la pierre formant
la table n'a pas moins de 2 mètres 90 à 3 mètres en tous
sens; trois à quatre pierres debout, formant une courbe
irrégulière , dessinent le pourtour de cette chambre , dont le
plafond est à 70 ou 80 c. d'élévation. La petite galerie qui y
donne accès, ou plutôt qui lui sert de prolongement vers
l'est , compte elle-même trois belles pierres , de 1 mètre
à 1 mètre ZiO , juxta-posées et formant son plafond. Des
pierres placées de champ et leur servant de support com-
posent cette galerie, qui peut avoir environ h mètres de long,
et se termine par trois pierres placées debout qui en ferment
l'entrée très-exactement du côté de l'est, c'est-à-dire de son
ouverture. Cette galerie elle-même n'a pas plus de 80 à 90 c.
de large, et ne permet guère d'en sortir qu'à reculons, quand
on y est entré.
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une ïo&lc cat dette-».
Ouest-Nord
r
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 329
Quoique j'aio fait fouiller la chambre cl la galerie de
manière à enlever une partie des pierres qui en formaient
le champ, nous n'avons trouvé que quelques fragments d'os
humains et un ou deux os de cheval ou de ruminant , mais
que quelques carnassiers peut-être avaient pu entraîner dans
cet antre, que les gens du pays disent être pendant l'hiver
toujours rempli d'eau. Et on le croit facilement; car, dans
l'état actuel des lieux , par suite de l'amoncellement continu
des sables que portent les vents de la mer, les sables du
gogal se trouvent aujourd'hui à 80 c. ou 1 mètre au-dessus
du niveau du sol voisin , tandis que partout ailleurs les dalles
ou tables de ces monuments sont constamment élevées de
1 mètre 50 à 2 mètres au-dessus des sols voisins.
Cela dit , il nous reste à parler des objets que nous avons
trouvés dans les gogals que nous avons ouverts, et notamment
dans celui de Rosmeur.
Des tessons et des fragments , mais aucun vase entier ,
comme nous l'avons dit. Des cendres et quelques charbons ,
toujours de petite dimension et se montrant , quand la com-
bustion n'avait pas été complète , sous la forme très-rc-
connaissable de lande ou d'ajonc sauvage ; un ou deux
fragments de vases dans lesquels on a trouvé de ces cendres
et de ces charbons.
Ainsi , pas de doute possible : incinération certaine des
corps en l'honneur desquels le monument a été élevé. Mais
tout aussitôt, plusieurs questions se présentent et jettent les
doutes les plus embarrassants sur l'origine et la date même
du monument. Nous y avons en effet trouvé quatre monnaies
romaines, dont deux de Trajan (IP. siècle), et une autre
delà plus belle conservation, de Conslantin-le- Jeune, mort
en 340; puis nous avons rencontré des fragments de poterie
romaine vernissée, d'une belle pâle et d'un dessin parfaite-
ment régulier ; voilà pour la partie déjà avancée d'une ci-
330 CONGKÈS AnCnÉOLOGIOUE DE FRANCE.
vilisation , que les monnaies de ïrajan et de Constantin in-
diquent. Mais, d'une autre part, dans son ensemble, la
construction est purement celtique : aucune pierre qui ait
été touchée du marteau ou appareillée pour une construction
symétrique; puis, près de ces fragments de poterie romaine
accompagnés d'un grand nombre de fers de lances, de dards
et de javelots , dont les formes et les arêtes épurées dénotent
des arts avancés (1), on trouve des vases grossiers, en terre,
dont la pâte graveleuse et fortement micacée démontre qu'ils
n'ont subi aucune cuisson et n'ont pu appartenir qu'à des
tribus sauvages, qui ont d'ailleurs laissé sur les lieux quelques
ceitœ en pierre de jade, comme on en a souvent trouvé
dans les lumulus du Morbihan et du Finistère.
Deux civilisations, deux époques éloignées seraient-elles
ici présentes , et les indigènes , comme leurs conquérants ,
auraient-ils laissé , dans le sein même de ce gogal , des
souvenirs de leur existence et de leurs luttes? A voir le
champ entier de la chambre centrale du tumulus rempli de
pierres entassées au hasard ; à voir les monnaies et les armes
romaines trouvées dans la partie supérieure de ces remblais;
à voir les fragments de vase , tous séparés les uns des autres
et brisés eux-mêmes au milieu des pierres , nous ne pouvons
nous défendre de l'idée d'une perturbation , d'un acte de
violence et de deux ordres d'existence ou de civilisation qui
se sont attachés à ce monument.
Et cependant on pourrait aussi penser, si ce n'était le
trouble qui régnait partout dans cette sépulture, que ce sont
peut-être des Gallo-Romains , des indigènes habitués aux
belles manières de leurs vainqueurs qui , sans se détacher de
(1) Les armatures de dards et de javelots, que nous avons recueillies
au nombre de vingt-cinq à trente, varient entre 0m. 10 et O™. 05 de
longueur, et présentent des formes assez variées.
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 331
leurs usages et de leurs traditions antiques, ont enseveli avec
lews morts les signes de la civilisation sous laquelle ils
avaient passé Mais, encore une fois, tout ce que le lieu a
de purement celtique répugne à cette opinion ; et quand on
regarde au-dehors et qu'on voit tout le promontoire sur
lequel est placé ce vaste gogal, et un autre tumulus déshonoré
par une fouille plus profonde , tous deux cernés par un vaste
ouvrage de défense ayant trois à quatre cents mètres de dé-
veloppement et formant un puissant parapet en pierres brutes,
de 1 mètre et plus d'élévation sur une base de 3 mètres
environ , à la manière des œuvres cyclopéennes , on ne peut
voir dans l'ensemble de ces constructions qu'une œuvre
purement celtique que la conquête a visitée, mais non créée.
Quant au gogal de Kerboulon, il ressemble trop com-
plètement à ce que nous voyons partout pour ne pas y
reconnaître un tombeau purement celtique , auquel les
anciens archéologues, s'il était dépouillé de son enveloppe ,
donneraient, comme ils l'ont toujours fait, le nom de dolmen
et d'autel druidique, quand il n'est de fait qu'une chambre
sépulcrale, près de laquelle, à ZtOO mètres seulement, se
trouve un autre tumulus, sous le nom de Runaour (montagne
de l'or), exploité depuis 15 à 20 ans, toujours par les maçons
constructeurs du pays, et se trouvant réduit à ses tables en
forme de galerie, aujourd'hui composée de huit à neuf
pierres en entablement , . dont une mesure 3 mètres sur
1 mètre 60 (1).
(1) D'après le récit qui m'a été fait sur les lieux, par les gens qui
ont assisté, il y a une quinzaine d'années, à l'enlèvement de l'enveloppe
de ce gogal , l'extrémité ouest de la galerie était terminée par un
menhir qui a disparu. La partie est était close par plusieurs pierres
placées de champ, et l'on voyait à l'extrémité sud de l'ensemble du
tumulus, plusieurs pierres debout, formant une petite galerie , en
s'appuyant l'une contre l'autre , par la partie supérieure , genre de
332 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Reste le gogal de Croix-ar-Gloannec , d'une forme et
d'un caractère tout différents; nous ne pouvons le considérer
que comme l'un des plus anciens monuments de l'âge cel-
tique ; car , avec le gogal et le tumultis rudimentaire , on ne
trouve que les aspects et la trace d'une œuvre primitive qui,
par la pose des corps enfouis dans la sépulture , rappellent
les usages et les traditions des peuplades les plus sauvages
et encore à l'état de tribu , tandis que les artisans des dol-
mens, des galeries et des carneillous qu'on rencontre partout
ailleurs, se présentent comme des hommes vivant en société,
ayant leurs monuments et leurs traditions déjà systématisés.
A ces divers points de vue, mon cher Directeur, la Société
française d'archéologie, je l'espère, trouvera que nos recher-
ches n'ont point été inutiles , et , en rencontrant au tumulus
de Rosmeur et à celui de Croix-ar-Gloannec des faits et des
souvenirs d'ordres très-opposés, la science pourra, peut-être,
trouver quelques données nouvelles pour la solution si diffi-
cile de la destination et de l'histoire des monuments celtiques.
Mais je ne me suis pas arrêté là , et j'ai à vous rendre
compte de quelques autres fouilles.
Un tumulus magnifique, surmonté, pendant long-temps,
d'un calvaire , aujourd'hui en ruine, avait surtout appelé
mon attention et la méritait à tous égards. Placé sur les
confins de l'est de la paroisse de Penmarch, et près du village
de Poulguen , dont il porte le nom, notre tumulus, avec son
calvaire, ne s'élève pas à moins de 10 ou 11 mètres au-
dessus de la plaine , et on le remarque facilement de tous les
points de l'horizon et même de la pleine mer, où il sert
monument fort rare , et qui est d'autant plus à regretter. Deux à trois
maisons du village de Uunaour ont été construites avec les débris du
tumulus que nous signalons, et qui leur a laissé son nom.
EXPLORATION DES TCMULUS DU FINISTÈRE. 333
souvent de point de repère aux barques et aux navires qui
fréquentent ces redoutables rivages.
Ces circonstances et le désir du propriétaire , obligeant
cultivateur, qui s'était prêté a mes recherches , me faisaient
un devoir de ménager l'aspect général des lieux : ce qui m'a
engagé, au lieu d'ouvrir ce quatrième gogal par son point
culminant , de rechercher à l'est la galerie d'accession , que
je soupçonnais , et de m'avancer ainsi par une trouée sou-
terraine , jusque sous le milieu du calvaire qui, placé à une
hauteur de 7 mètres environ de sa base , se trouvait au
centre et à la tête d'un rayon de \h à 15 mètres.
Ici, la composition de .l'enveloppe tumulaire , fort heureu-
sement , n'était plus la même que celle des tombelles déjà
visitées : au lieu d'une couche de terre suivie d'une épaisse
couche de pierres , pour arriver à la galerie et à la chambre
sépulcrale , je ne rencontrai que de la terre fine et sans
pierres , à bien dire : ce qui me permit d'arriver prompte-
ment à la galerie qui devait me conduire à la chambre.
De belles et grandes pierres formant la galerie d'accession
furent d'abord mises à découvert : elles n'avaient pas moins
de 2 mètres d'élévation sur 1 mètre 50, et plus de 2 mètres
de large. Les premières tables ayant formé le recouvrement
avaient été enlevées pour servir aux constructions du village.
Cette galerie avait , à son ouverture , 2m. 30.
Nos travailleurs arrivèrent assez promplement à la dégager
dans toute sa longueur, et au bout de trois jours d'un travail
soutenu, avec dix ouvriers, nous arrivions au centre du
tumulus, sous le calvaire qui le couronnait , ayant parcouru
une dislance de 15"\ 20 , à partir de la première pierre de
la galerie , du côté du soleil levant.
Nous avons trouvé partout la galerie et la chambre , dont
nous allons parler , complètement remplies d'une terre très-
fine et très-tassée, mélangée de cendres et de charbons qui
334 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ne pouvaient évidemment y avoir été introduits qu'après la
construction générale du sépulcre , puisque , à part les pre-
miers six mètres de la galerie , dans sa partie découverte ,
nous avons trouvé le reste de cette galerie et la chambre
recouverts de larges dalles en granit juxta-posées , ayant
jusqu'à 3 mètres de dimension, et présentant ainsi un cloi-
sonnement au travers duquel les terres du dessus n'avaient
pu s'introduire. Quatre à cinq centimètres de tassement se
remarquaient, d'ailleurs, entre les terres et les cendres placées
sous le plafond de la grotte comme sous celui de la galerie.
Quand tout fut dégagé, nous reconnûmes qu'il y avait
6m, GO de galerie découverte et &m. 60 de galerie couverte,
en y comprenant la chambre, qui, au lieu de se trouver
complètement dans l'axe de la galerie, inclinait assez sensible-
ment au nord, et présentait jusqu'à 2m. 90 de développement
du nord au sud, sur 2 mètres de largeur et lm. 10 de hauteur.
Ce que nous y avons trouvé de plus remarquable est une
sorte de lit en pierres brutes, sur lequel restaient plusieurs
fragments ou madriers de bois de chêne , qui m'ont paru
plutôt fendus que sciés , et dont un morceau , que j'ai pu
recueillir et porter chez moi, avait 50 à GO centimètres de
long sur 15 à 20 centimètres de large, avec une épaisseur
variable de 3 à 5 centimètres.
De la cendre et des fragments de charbons étaient placés
sur le plein de cette espèce de plancher , ce qui prouve une
fois de plus que l'incinération des cadavres ne se faisait pas
dans le sépulcre même , et que sa construction devait être
complète , au moins pour la partie en pierres , avant qu'on
y déposât les restes du mort.
De là, deux autres conclusions : c'est que ces monuments,
malgré leurs dimensions et leur importance , devaient être
faits en peu de temps, parce qu'il n'est pas probable qu'une
fois l'incinération opérée , les cendres du mort que l'on
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 335
voulait honorer restassent exposées au-dehors et à découvert.
Et cependant, pour extraire ces immenses blocs de pierres ,
quoiqu'il s'en trouve beaucoup sur les lieux, pour les rendre
à pied d'oeuvre et construire tout le monument, dans l'esprit
de la tradition , un temps assez considérable nous paraît ri-
goureusement nécessaire. Aussi l'empressement et la préci-
pitation des travailleurs se remarquent-ils facilement dans
l'ensemble de ces œuvres étranges et aujourd'hui si éloignées
de nos mœurs ; mais nous y reviendrons.
Outre les objets trouvés dans la chambre dont l'entrée
n'est que de 65 centimètres , quoique la largeur de la galerie
n'ait jamais descendu au-dessous de 1"'. 25 , nous avons
aussi rencontré, dans la première partie de la galerie , à
lm, 50 de profondeur environ , tout le squelette d'un animal
de moyenne dimension , et quelque douze ou quinze frag-
ments de poterie grossière , d'une pâte noirâtre et Irès-mi-
cacée , dont les moins brisés présentent encore des fonds de
vases d'une petite dimension , avec des traces très-apparentes
de cendres. Enfin nous y avons également rencontré un petit
objet en terre cuite et , par-dessus cet objet , jusqu'à la su-
perficie , un fragment de brique romaine à rebord , un mor-
ceau de stuc et quelques fragments de béton , comme si
partout où nous trouvons un souvenir celtique nous devions
rencontrer une trace de l'occupation romaine.
En quittant ce magnifique lumulus , après avoir pénétré
jusqu'à son centre, placé à 15m. 20 de l'ouverture de la
galerie, je me suis cependant demandé si j'avais tout vu , et
j'avais un regret marqué à m'en séparer ; mais un des côtés
de la chambre, où j'étais parvenu, s'était effondré dès le
principe, à ce qu'il paraît , sous le poids énorme de la croûte
tumulaire qui , sur ce point , n'a pas moins de 5 à 6 mètres
d'épaisseur, sans compter le calvaire, qui mesure lui-même
3 mètres en tous sens.
336 CONGKËa ARCHÉOLOGIQUE DE FilANCE.
C'est aussi avec ce même regret que les archéologues qui
pénétraient , il y a peu d'années , dans la chambre sépulcrale
de la butte de Tumiac , dans le Morbihan, le plus grand
tumulus connu de notre pays , s'en éloignaient malgré eux ,
après avoir aussi rencontré les fragments d'un plancher, sur
lequel se trouvaient des cendres , des celtes et des grenats
ayant appartenu à des colliers (1).
Avant de quitter ce quatrième et beau tumulus, nous au-
rions de nouvelles observations à consigner ; mais nous pen-
sons qu'elles seront mieux placées à la fin de nos explorations.
Transportons-nous sur la commune de Plobannalec, au moins
aussi riche que celle de Penmarch en monuments celtiques.
Ici, comme précédemment, nous n'avons que l'embarras
du choix, et, depuis long-temps, notre pensée s'était arrêtée
à de considérables monuments que possèdent encore les vil-
lages de Kéléarn, de ïrévignon , et surtout la montagne de
Lesconil. La saison étant avancée et n'ayant plus l'espoir de
trouver un temps convenable pour des recherches prolon-
gées , nous prîmes donc la résolution , pour le moment , de
nous cantonner dans la montagne de Lesconil.
Figurez-vous un espace de 3 à k hectares, et, sur ce seul
point, douze ou quinze monticules, tous couverts de pierres
druidiques qui montrent leurs têtes et des tables renversées
avec des fragments de galeries encore couverts et intacts ,
des chambres et des lignes de pierres affectant un ordre symé-
trique très-marqué , quoique souvent irrégulier : voilà le
champ auquel je m'arrêtai.
L'aspect général des lieux démontrait , au premier coup-
d'œil, que tous ces monuments avaient été troublés et fouillés
probablement par les pirates , qui ne durent pas manquer
(1) Voir la relation qu'a publiée de cette découverte, en 1853, la
ttociélé polymalique du Morbihan.
EXPLORATION DESjjTUMULtS DU FINISTÈRE. 337
d'aborder fréquemment ces parages contigus à la mer et
pourvus de criques de refuge ; probablement aussi par les
troupes romaines au moment de l'invasion , et , plus près de
nous , par les habitants des villages voisins qui n'ont pas
manqué d'y prendre, comme ils le font encore tous les jours,
les belles pierres pouvant servir à des manteaux de cheminée
ou à la simple construction des murailles de leurs maisons.
Nous étions au milieu d'une véritable nécropole celtique
couvrant la montagne de Lesconil , propriété restée inculte ,
et bordée au sud et à l'est par deux jolies anses où les eaux
vertes et bleuâtres de chaque marée se répandent sur des
plages d'un sable fin où les barques des Aulochthones ont dû
s'échouer souvent , en attendant les vents favorables qui de-
vaient les porter par-delà les rochers et les nombreux îlots,
au milieu desquels ils étaient sûrs de faire pêche et de trouver
leur nourriture.
A voir tant de tombelles réunies en un si petit espace,
cerné partout de magnifiques cultures, au-dessus desquelles
se montrent de nombreux villages et quelques têtes élevées
de menhirs encore existants , on est porté , sans effort , à
penser que le lieu pourvu ainsi de terres fécondes et de cri-
ques nombreuses pour la pêche a dû être long-temps oc-
cupé par des tribus populeuses. Ce qui confirme celle
pensée, outre le nombre des tombelles ainsi réunies sur un
seul point , c'est qu'on en voit beaucoup d'autres dans un
rayon très-rapproché, et que chacune de ces tombelles, au
lieu d'être composée , comme cela a presque toujours lieu ,
d'une seule chambre et d'une seule galerie, en présentent
toutes plusieurs et quelques-unes jusqu'à huit et dix.
(^uoiqu'ayant donc été évidemment troublées , ces tom-
belles, dont les pierres sont à peine sorties de terre, mérite-
raient , à tous égards , d'être fouillées et scrupuleusement
examinées.
22
338 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
On reconnaît d'abord facilement que toutes ont été en-
fermées en un monticule ou tumulus dont la proéminence
sur la surface plane du sol peut encore se mesurer.
Un revêtement de terre et de pierres , comme dans les
tumulus de Rosmeur, de Kerboulon et de Croix-ar-Gloanncc,
avait dû compléter la tombelle. Avec des cultures très-avan-
cées et l'usage, encore existant chez les cultivateurs voisins, de
prendre partout où ils en trouvent de la terre pour la vendre
ou pour amender leurs propres champs, toutes les enveloppes
disponibles de ces tumulus ont dû être enlevées de bonne
heure , et c'est pour cela sans doute que la base de ces tom-
belles a seule persisté.
Impatient de savoir ce que je pourrais rencontrer, je
portai nos travailleurs , divisés en deux groupes , sur les
tombelles A et B du plan général n°. h , et la pioche et la
pelle eurent promptemer.l débarrassé , dans chacune de ces
tombelles, une couple de chambres, dont une, en B, s'était
trouvée encore recouverte de ses tables ou doles formant le
plafond. Mais , dans toutes , nous trouvâmes quantité de
pierres jetées pêle-mêle , quelques traces de charbons et de
cendres, et, au fond de ces chambres, au-dessous des
pierres d'encombrement et à une profondeur de lm. 50 en-
viron, une surface plane, composée d'argile fine et battue ,
qui en avait formé comme le parquet. Cette couche d'argile
avait de 20 à 25 centimètres d'épaisseur. Les plus grandes
quantités de charbons et de cendres se trouvaient dans leur
voisinage. Quelques fragments de poterie commune et gros-
sière furent trouvés en A. On ne rencontra rien en B. Dans
l'un et dans l'autre point, toutefois, les chambres étaient for-
mées à l'aide de magnifiques pierres plates placées de champ
et mesurant de lm. 50 jusqu'à 3 mètres et 3™. 40 , sur une
épaisseur vamble de 30 à 50 centimètres.
Des points A et B, je transportai mes travailleurs en Det F.
EXPLORATION DES TDMULUS DU FINISTÈRE. 339
Ici , comme dans les deux premières tombelles , on ne
voyait, hors de terre, que la tête des pierres formant les
parois des chambres , dont les dimensions se reconnaissaient
facilement. Les fouilles faites en D fournirent un assez grand
nombre de tessons de poteries anciennes avec d'autres d'une
origine douteuse , et un objet en terre cuite , formant une
espèce de cercle ou de gâteau de 8 centimètres de diamètre
sur 3 centimètres d'épaisseur , avec un trou d'un centimètre
et demi au milieu , le tout fort grossier. Dans cette môme
tombe ou dans une des voisines , le maire de la commune ,
prenant des pierres pour macadamiser les routes, avait
trouvé un petit rectangle de 5 à 6 centimètres , percé à ses
deux extrémités d'un trou. Dans une autre tombelle, dé-
truite par un cultivateur , on avait trouvé cinq à six cettœ en
pierres dures et polies.
En F , nous ne trouvions , comme partout , que des
pierres mélangées de terre et entassées les unes sur les au-
tres. Seulement, dans l'une des deux chambres A et B
que je faisais fouiller avec soin, je trouvai un vase grossier
brisé et portant encore la trace de quelques cendres ; mais
ce que je tenais à savoir surtout, c'était comment ces cham-
bres étaient disposées , et si elles étaient parfaitement isolées
ou en communication les unes avec les autres, ou seulement
avec les galeries d'accession.
Aucune tombelle ne s'offrait plus complète et mieux con-
servée que celle en F , pour celte étude.
Nous avions , en effet , devant nous une tombelle de 36
mètres de base , sur 25 mètres de large ; et les pierres du
monument existantes et sorties du tertre , dans lequel elles
s'enfoncent , ne présentent pas une longueur de moins de
25 mètres sur une largeur de 8 mètres environ. L'ensemble
du monument , moins bien orienté que de coutume, m'a
paru incliner , par l'axe de sa plus grande longueur , vers
340 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
l'ouest , au lieu de tendre franchement vers le nord-nord-
ouest; de sorte que les galeries d'accession se dirigeraient
vers le sud-est , au lieu de courir directement à l'est , ainsi
que cela a lieu presque toujours.
Suivant le plan que nous en donnons , cette tombelle
offrirait donc douze à quatorze chambres plus ou moins ap-
parentes , et au moins deux galeries d'accession , si ce n'est
pas trois.
Quant aux deux chambres A et B , que j'ai fait dégager de
la terre et de toutes les pierres dont elles étaient encombrées,
elles ont offert : l'une , 2m. hO sur 1™. 90 de large ; l'autre,
2m. 20 sur lm. 90.
Les autres chambres , à très-peu de chose près , ont les
mêmes dimensions et sont toujours séparées entre elles par
un espace de 0'". 30 à 0m. 40 , de sorte que la cloison de
l'une ne serve pas à l'autre. En descendant jusqu'au lit de
glaise formant l'aire de ces chambres, on trouve qu'elles
durent avoir de 0m. 70 à 1'". de hauteur sous les pierres de
recouvrement. Mais le fait important et caractéristique ,
c'était de savoir si ces chambres , une fois recouvertes ,
étaient accessibles par une ouverture quelconque sur le côté.
Il me reste peu de doute à cet égard , et je suis porté à
penser que des pierres de plus petites dimensions , que j'ai
remarquées à une des encoignures de chaque chambre, n'ont
probablement été posées qu'après coup et pour fermer la
baie par laquelle on avait dû communiquer, pendant un cer-
tain temps, et à l'aide des galeries formant accession. Partout,
à Rosmeur , comme à Poulguen et à Kerboulon , nous ne
sommes , en effet , entrés de la galerie dans les chambres ,
qu'en renversant des pierres d'assez fortes dimensions , quoi-
que beaucoup moindres que celles formant les parois.
Ce fait (et il me paraît démontré) achèverait d'expliquer
l'économie générale de ces sortes de tombeaux, et on pour-
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 341
rait penser que, disposés à l'avance , avec des galeries d'ac-
cession et des chambres restant ouvertes jusqu'à ce qu'on y
ait introduit les cendres des morts que l'on voulait honorer ,
ils avaient été préparés dans un esprit de prévision , comme
les tombeaux et les galeries de toutes les nécropoles connues,
soit de l'Egypte, de la Perse ou de l'Asie-Mincure : de ma-
nière que chaque chambre restât ouverte pour les morts
qu'on voulait y porter , et ne fût fermée qu'après ce dépôt
fait , sauf à fermer la galerie elle-même quand le tombeau
et les chambres, s'il y en avait plusieurs, avaient été rem-
plis; car, à Rosmcur, avec une seule et vaste chambre di-
visée par hémicycles, à Kerboulon, avec une chambre de
moyenne grandeur , les galeries d'accession sont très-exacte-
ment fermées à leur ouverture , du côté du soleil levant.
D'autres galeries, comme celles de Runaour, près Kerboulon,
ont été trouvées fermées et dans les mêmes conditions.
On sent, de suite, quelles nouvelles questions ces faits sou-
lèvent.
Pour une seule chambre et une seule galerie , tout se com-
prend facilement.
Si c'est un seul mort , un seul chef qu'on a voulu honorer,
en élevant une chambre sépulcrale et un tumulus au-dessus
de ses cendres, après la construction en pierres de la chambre
et de la galerie, après l'incinération du cadavre et le transport
des cendres dans la tombe elle-même , comme la chose reste
prouvée pour Poulguen , où nous avons trouvé un plancher
sur lequel gisaient encore des charbons nombreux et des
cendres, les hommes qui avaient fait honneur à leur chefs,
fermaient la chambre sépulcrale , puis la galerie elle-même ,
et cela fait, élevaient sur le tout un tertre en terre seule-
ment , ou composé d'une couche de pierres et d'une couche
de terre , pour dernière enveloppe.
Mais comment les choses se passaient-elles, quand ils'agis-
342 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sait d'un tumulus de 12 à \h chambres , comme celui que
nous venons de décrire (el nous en connaissons un autre, à
Kéléarn , toujours en Plobannalec , de 15 à 20 chambres,
au moins) ? Et aussi quelle avait été la destination de ces tu-
mulus h grand nombre de chambres?
Si ce sont des sépultures consacrées à la mémoire d'un
certain nombre de guerriers ou de chefs , tombés en même
temps et inhumés dans la même tombelle , la préparation et
l'édification , elle-même , de ces tombeaux à compartiments
ont du se faire presque instantanément , comme nous l'avons
dit , à l'occasion du tumulus de Poulguen , et, dès lors , huit,
dix chambres, quinze et vingt, comme à Kéléarn, ne peuvent
être qu'une sorte de monument national , la consécration
d'un grand fait pour la tribu. /
Mais ici , comme à Poulguen, à Rosmeur, à Kerboulon
ou a Runaour, ce n'est pas seulement un tumulus que nous
rencontrons , mais bien quinze , au moins , el nous ne pou-
vons plus y voir que des sépultures de familles. Ce qui nous
porte à incliner fortement vers cette opinion , c'est que nous
avons remarqué en R , S, T et V du plan général, n°. h, des
tumulus , beaucoup plus petits que les autres , des chambres
qui ne mesurent pas plus de lm. 50 , et dans tous plusieurs
chambres quelquefois jusqu'à 10, 12 et 15. Pour que ce
fût un monument consacrant la mémoire d'un grand fait , si
ces sortes de sépultures n'étaient données qu'aux chefs , il
fallait qu'il en fût tombé beaucoup le même jour.
Mais , au lieu de ces suppositions , ne peut-on pas , avec
plus de raison , penser que ces tombeaux nombreux et ces
tjumulus si rapprochés ne sont autre chose qu'une nécropole
élevée par une tribu puissante qui occupa long-temps le
pays? Alors ces tombelles , avec leurs chambres plus ou
moins nombreuses , ont pu appartenir à quelques familles
considérables , rester ouvertes plus ou moins long-temps , et
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 3'i3
recevoir, pendant ce temps, un certain nombre de morts i
sur lesquels chaque chambre se fermait à son tour.
Jusqu'à plus ample informé, je ne vois pas d'autre expli-
cation possible. Des fouilles nouvelles rendront compte de
tout.
Mais passons à quelques autres faits , sur la construction
et le tracé général de ces sortes de monuments.
Nous avons, dans le pays, un nombre considérable de
dolmens et de galeries couvertes , long-temps classés comme
grottes aux fées , quand il y a galerie et autels druidiques ;
quand il n'y a qu'une dole recouvrant une chambre. Nous
ne pouvons voir aujourd'hui , comme nous l'avons déjà dit,
dans tous ces monuments , constamment situés sur une es-
pèce de tertre ou de proéminence, reste de l'enveloppe tu-
mulaire qui les recouvrait , nous ne pouvons, clis-je , voir
dans eux tous, que des sépulcres, des tombclles et des lu-
mulus, dont la destruction est plus ou moins ancienne, plus
ou moins avancée. Consultez, dans le pays , les gens de la
campagne qui en ont fouillé pour se procurer des matériaux
et des pierres de construction : ils vous diront tous qu'ils ont
toujours trouvé des cendres, des charbons et des débris de
vieilles poteries clans tous ces monuments.
J'estime donc que ce furent tous des tombeaux, et , aux
archéologues qui ont voulu voir , sur quelques tables de ces
monuments, des cuvettes ou des rigoles où les sacrificateurs
auraient recueilli le sang des victimes, je réponds que, sur
toute la côte sud du Finistère, toutes les roches un peu
plates qui retiennent les eaux pluviales qui se combinent
avec l'esprit salin du bruin de la mer offrent un marquetage
complet de ce genre, en rigoles, cuvettes et excavations, qui
pourraient servir , au besoin , de baignoires aux hommes les
plus forts et les plus grands.
Dans le Morbihan , les mêmes faits sont dus aux mêmes
'àhh CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
causes : el il faut renoncer a cette grossière illusion , que le
toucher seul des roches granitiques micacées aurait dû dis-
siper beaucoup plus tôt (1).
Mais revenons à des faits d'un autre ordre.
A l'exception du tumulus de Croix-ar-Gloannec , dans le
Palud de la Torche , où il n'y avait ni chambres ni galeries ,
mais de simples tombes en pierres , à peine dégrossies , et
des squelettes repliés sur eux-mêmes , et qui n'avaient subi
aucune incinération , tous les autres appartiennent à un
même régime, non à une même époque, sans doute , mais
à des hommes et à des tribus qui ont gardé plus ou moins
long-temps les mêmes idées et les mêmes traditions : tumu-
lus et incinération des cadavres , avec chambres sépulcrales et
galeries d'accession.
A présent , quel espace de temps a pu séparer les hommes
inhumés à Lesconil, où nous r/avons trouvé que des cendres
et des poteries grossières , et ceux qui ont occupé la grande
chambre sépulcrale de Rosmeur, où nous avons rencontré des
armes et des monnaies romaines de !a fin du IVe. siècle?
C'est ce que nous ne saurions dire. Mais , à Lesconil , tout
est celtique ; à Rosmeur , nous sommes en pleine époque
gallo-romaine , précédée de l'âge celtique.
D'une autre part , si les restes trouvés à Croix-ar-Gloannec
peuvent être justement estimés des plus anciens , nous avons
aussi la certitude que la charmante tombelle de Poulguen
remonte à un temps antérieur à l'occupation romaine : ce
qui le prouve, ce sont les objets que nous y avons trouvés ;
* les sortes de mortiers à concasser le blé que nous avons
(i) L'abbé Mahé, du Morbihan, l'un des propagateurs les plus ar-
dents de ces fausses doctrines, se voyait arracher lui-même, à la fin
de son livre, un aveu significatif: « Je suis convaincu, dit-il, que sur
« 500 pierres où l'on remarque des cavités et des rigoles, il s'en
« trouve à peine une qui ait été creusée de main d'homme. »
EXPLORATION DES TUMULUS DU FINISTÈRE. 365
rencontres clans les murelins formant les interstices des larges
pierres des cloisons de la chambre et de la galerie ; et aussi
une pierre ovoïdale , parfaitement ramenée à la forme arron-
die, qui se trouve placée à UQm. de l'ouverture de la galerie de
ce tombeau , et qui , posant par une de ses extrémités sur
une roche plate , a dû autrefois être facile à mettre en mou-
vement , et servir évidemment de pierre divinatoire, comme
on dit que les Celtes en avaient. Soit depuis l'érection d'un
calvaire sur le tumulus, soit antérieurement, on a essayé de
la briser, et à l'aide d'un coup de mine, on l'a fait éclater
en deux. Mais ce ne dut être évidemment que le résultat de
la pensée d'un iconoclaste quelconque , car le fragment en-
levé par le coup de mine gît encore là et n'a été recherché
pour aucun usage (1).
Un archéologue distingué, M. Le Trône, qui m'a constam-
ment aidé de ses lumières , n'a pas hésité plus que moi à
regarder ce rocher comme une pierre divinatoire des plus
anciens temps.
Cette circonstance et le calvaire élevé sur' le tumulus de
Poulguen nous ont donné à penser que ce beau monument
avait pu toucher de très-près au culte druidique, et, peut-
être , servir de sépulture à un de ses prêtres. Quant à la
construction même de ces monuments , tout ce que nous en
pouvons dire : c'est que, partout où les matériaux s'y prêtè-
rent , ils ont été construits de la manière la plus solide et à
l'aide de belles et forl"s tables de granit de lni. 50 à 3m. de
long, et plus. Partout nous avons aussi remarqué que les
pierres formant les parois des chambres sépulcrales et des ga-
(l)On sait que les grossières superstitions du culte des pierres et des
fontaines ne furent , à peu près , déracinées de l'esprit des populations
bretonnes que dans ces derniers siècles, et que Michel Nob'etz et le
P. Maunoir combattaient encore ces erreurs dans les XVIe. et XVIIe.
siècles.
346 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
lerics présentaient, à l'intérieur, leur face la plus lisse, et que
ces pierres étaient bien moins épaisses et bien moins brutes
que celles placées en recouvrement, qui n'ont, la plupart du
temps, reçu aucune préparation. Comment, toutefois, celles
de ces pierres qui ont dû être taillées ont-elles été prépa-
rées? Ce ne fut évidemment avec aucun instrument à pointe.
On n'en trouve pas une seule trace, el les arêtes des pierres,
portant la marque de quelque travail, nous ont toujours paru
avoir été simplement abattues à l'aide d'un maillet ou d'une
autre pierre en faisant l'office. Sur aucune, d'ailleurs, quelque
lisse qu'elle soit , aucun trait , aucun caractère tracé.
Quant à la confection et au plan de l'œuvre, tout ce qu'il y
a de plus grossier et de plus primitif , et les matériaux em-
ployés par grandes dimensions, subordonnant toujours l'en-
semble de l'édification aux détails et aux défauts que peuvent
présenter les matériaux, il est arrivé fort souvent, comme
nous l'avons vu dans presque tous les tumulus qui n'avaient
point été visités, que lorsque les pierres employées pour les
parois n'y suffisaient pas , d'autres pierres brutes et de
moj enne grandeur, entassées sans art et sans appareillage,
servaient à compléter la clôture des galeries : ce qui explique
aussi comment il se fait que, dans les tumulus anciennement
découverts , on voit tant de tables ou doles à demi-ren-
versées , par cela seul que les pierres de soutènement ont été
enlevées. Rosmeur, Kerboulon , Poulguen offrent des es-
paces ainsi remplis. Toutes les tables de la galerie du grand
tumulus de Tumiac, dans le Morbihan, fouillé en 1853, sont
ainsi soutenues par des pierres brutes élevées en muretins.
Dans l'état , nous pensons donc que les tumulus que nous
avons fouillés, comme ceux de Croix-ar-Gloannec , de Ros-
meur et de Poulguen, sont des monuments d'un très-haut
intérêt à conserver , et que la nécropole de Lesconil , avec
ses douze ou quinze tumulus distincts , demanderait à être
EXPLORATION DES TUMOLUS DU FINISTÈRE. 3/i7
complètement dégagée de toutes les pierres qui l'encombrent,
pour présenter, dans son ensemble, le plus complet spécimen
que nous ayons d'une grande sépulture celtique. Seulement,
je ferai observer qu'ainsi dégagées , ces belles pierres mo»
numentales seraient beaucoup plus accessibles à l'avidité gros-
sière des paysans, à la garde desquels elles seraient en quel-
que sorte confiées.
Notre description des monuments celtiques que nous avons
fouillés et explorés s'arrête ici.
Mais, comme nous l'avons dit, presque partout où nous
avons déchiré le sol pour ces recherches, nous avons ren-
contré des souvenirs plus ou moins manifestes de l'occupation
romaine.
La grande nécropole de Lesconil n'a pas échappé à ce rap-
prochement, et là où nous trouvons tant de tumulus, tant de
sépulcres anté-historiques , nous avons retrouvé aussi les
restes de deux ateliers de poteries romaines.
Nos fouilles, dirigées sur deux points, dont l'un à peine
à 15 ou 20m. de la mer , l'autre baigné par les eaux des
grandes marées, nous ont donné des quantités innombrables
de briques et de débris de poterie commune. Les briques de
toutes formes étaient appareillées , par couches séparées , par
de la terre en épaisseurs égales aux briques elles-mêmes.
D'une autre part , nous avons trouvé de grands carreaux de
0m. 25 à 0m. 30 de côté, qui avaient dû former le parquet
des ateliers; puis «nous en avons trouvé d'autres de forme
triangulaire, avec une épaisseur de 0m. 07 à 0m. 08 d'un
côté , quand elles se réduisaient à un centimètre de l'autre ;
puis d'autres encore de 0m. 15 à 0m. 20 de long , en forme
de boudins, avec ou sans appendices aux extrémités termi-
nées carrément ou en pointe , avec ou sans rainure sur l'un
des côtés , légèrement aplati.
Mais ce n'était pas là , je crois , l'objet de la fabrication
ZhS CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
elle-même : une légère spatule ou cuillère , variant entre 5 ,
10 et 12 centimètres, que nous avons trouvée amoncelée en
débris et quantités considérables, dans les deux endroits
fouillés , nous a paru révéler la destination des ateliers en
question.
Qu'était cet objet? qu'était celte spatule ou cuillère? Elle
est formée d'une pâte rouge et fine, traitée à la main, et n'a
pas plus de 1 à 2 millimètres d'épaisseur.
Pour que deux ateliers aient été plus ou moins de temps
affectés, dans ce lieu, à une fabrication de ce genre, il
fallait évidemment que l'objet lui-même fût très-en usage.
Toutefois, nous n'oserions, jusqu'à plus ample informé, lui
assigner aucun nom, ni aucune destination , et si, en ce mo-
ment, nous sommes porté à croire que ce ne put être un us-
tensile d'un usage courant , nous sommes embarrassé , d'un
autre côté , de dire s'il dut être affecté au culte, aux céré-
monies religieuses ou aux simples besoins de la vie domestique.
L'un des ateliers en question , dont nous avons pu recon-
naître parfaitement les dimensions , devait avoir 8m. de long ,
sur U ou 5m. de large. La construction entière avait été
élevée sur le sol, sans fondement , à l'aide d'une couche de
béton de 0m. 08 à 0"\ 10 d'épaisseur, que nous avons re-
trouvée sur plusieurs points.
Nous ne devons pas omettre aussi de dire qu'à peu
de distance de ces ateliers, entre 100 et 150'". , on trouve
taillées dans le roc , partout où cela a été possible , une quin-
zaine de grandes cuvettes ou piscines , parfaitement circu-
laires, creusées à-0m. 25 et 0m. 35 sur une largeur de 2m.
à 2m. 10, qui, d'après ce que nous supposons , durent être
des annexes des ateliers reconnus et destinées probablement à
préparer les terres qui servaient aux potiers.
RAPPORT
DES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES
FAITES EX 18CÏ
a CASSEL (Nord) et a WISSANT (Pas-de-Calais) ;
Par SI. L. COUSIIV,
Membre de l'iustitut des provinces et de la Société française d'archéologie.
Messieurs ,
Vous avez tenu en 1860 , à Dunkerque, un congres pen-
dant lequel vous avez fait de généreuses allocations, soit dans
l'intérêt des monuments historiques , soit pour faciliter des
recherches archéologiques ; parmi les dernières, deux étaient
pour des fouilles à Cassel (département du Nord), et à
Wissant (département du Pas-de-Calais). Ayant été chargé
de la direction de ces fouilles, je vais avoir l'honneur de vous
en rendre compte. Je commence par celles de Cassel.
FOUILLES DE CASSEL.
Vous vous rappelez, Messieurs, l'excursion que le Congrès
archéologique de France a faite , le 21 août 1860 , de Dun-
kerque à Cassel, l'ancien Castellum de l'Itinéraire d'Antonin,
qui , sur la table théodosienne , porte deux tours , signe des
capitales , ville remarquable , en outre , non-seulement par
toutes les voies romaines qui en partaient, y passaient ou s'y
terminaient, mais encore par une des plus belles vues du
350 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
nord de l'Europe. Vous avez examiné alors avec un vif in-
térêt les restes du château romain et plusieurs pans de ses
murs formés avec le véritable ciment, des cordons de briques
et des pierres de la montagne. Ces vieilles murailles, dont la
première assise descendait à 7 mètres de profondeur , avaient
été retrouvées, pour ainsi dire, dans les entrailles de la terre,
grâce à une première allocation mise à ma disposition par
notre illustre directeur : alors, il fallait des précautions pour
arriver au pied des murs; mais, depuis cette visite, les abords
ont été arrangés avec intelligence de manière à rendre l'accès
facile. Quoi qu'il en soit , avant de commencer les nouvelles
fouilles pour lesquelles une seconde allocation avait été ac-
cordée , j'ai pris des informations auprès des habitants les
plus éclairés du pays , pour savoir s'il y aurait des chances
de découvertes sur la pente de la montagne : on l'examina
avec soin et la réponse fut négative ; cette pente était trop
rapide pour donner le moindre espoir , c'eût été dépenser
l'argent en pure perte : pour l'employer avec fruit, on devait
reprendre les fouilles au château romain ; toutefois, avant d'y
retourner , j'exprimai le désir qu'on descendît, tant dans
l'aqueduc qui commence près de ce château et aboutit à une
belle fontaine de la place publique (1) , que dans le cloaque
qui reçoit les eaux de cette place et de nombreux conduits
souterrains ; cloaque qu'on me disait assez grand pour qu'un
ouvrier pût passer dans toute sa longueur. On y est descendu,
mais sans y remarquer rien de particulier. Selon moi , ce
n'est pas un motif suffisant pour décider que ces constructions
ne remontent pas à l'époque romaine , et la question ne sera
(1) Cette place semble former un carré long, comme les anciennes
places publiques qui remontent à l'époque romaine; d'après Vitruve,
elles devaient avoir un tiers en étendue sur un sens, de plus que sur
l'autre (Vitruve, CCV, ch. i).
SUR DES FOUILLES FAITES A CASSEL. 351
pas résolue tant qu'un homme compétent, qui connaisse des
aqueducs ou dos cloaques de cette époque, n'aura pas comparé
avec eux ceux de Casse], après les avoir examinés avec soin : son
avis exprimé ainsi en grande connaissance de cause, pourrait
alors être décisif: cet avis me paraît d'autant plus désirable
que les recherches concernant les aqueducs et les cloaques
gallo-romains ne sont pas sans intérêt, à en juger par ce
qu'on lit dans un excellent ouvrage qui vient d'être pu-
blié (1) et qu'on ne saurait trop propager. En attendant, j'ai
fait recommencer la recherche des anciens murs romains du
château, mais cette fois d'un autre côté, vfcrslecoin sud, près le
moulin, et j'ai la satisfaction de vous annoncer qu'on en a re-
trouvé plusieurs dans un bon état : ils étaient à moins de
profondeur que ceux vus par les membres du Congres :
selon toute apparence , ils servaient à former une tour carrée
qui ressemble d'une manière frappante a celle du château
romain (2) de Jublains (département de la Mayenne). Du
reste, leur dessin a été ajouté par M. Annoot, conducteur
des ponts-et-chaussées à la résidence de Cassel, au plan qu'il
avait eu déjà l'obligeance de faire pour la Société française
d'archéologie, (le plan en donne une idée exacte et constate
leur emplacement , leur profondeur , leur épaisseur, leur di-
rection, etc. Je ne puis mieux faire que d'y renvoyer pour
les détails. En retirant les terres, on a trouvé, de ce côté
comme de l'autre , divers objets plus ou moins intéressants
qui ont été remis au musée de Cassel : ils consistent en cinq
pièces de monnaie, dont une est romaine et les autres du
moyen-âge, une petite cuillère recourbée, deux pointes en
(1) V Abécédaire d'archéologie (ère gallo-romaine), par M. de Cau-
raoïit. Voir les pages li4 à 11x5, pour ce qui concerne les aqueducs et
les cloaques gallo-romains.
(2) Voir les plans de ce château (Abécédaire d'archéologie «le M. de
Caumont, architectures civile et militaire, p. 273 et 274).
352 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fer qui, selon toute apparence , ont été des bouts de lance, et
un ancien bénitier , dont M. Wackernie , conservateur
du musée de Cassel, a fait un dessin très-exact; ce béni-
tier a-t-il appartenu à l'ancienne église de St. -Pierre ,
construite vers la fin du XIe. siècle dans l'enceinte du châ-
teau par Robert-le-Frison , église dont il ne reste plus au-
jourd'hui qu'un grand caveau où l'on conserve avec soin la
pierre tombale de ce célèbre comte de Flandre ? N'a-l-il pas,
au contraire, servi à la chapelle qui vraisemblablement exis-
tait auparavant, sur le même emplacement? Je laisse à
d'autres plus compétents que moi le soin de répondre à ces
questions ; mais je ne terminerai pas ce qui concerne les
fouilles de Cassel, sans remercier ici M. Annoot du nouveau
concours qu'il m'a donné avec un entier dévouement, soit en
dirigeant les ouvriers pendant mon absence, soit en figurant
sur son plan les murs récemment découverts; il a justifié ainsi,
on ne peut mieux, la récompense honorifique (1) que vous lui
avez décernée à la dernière séance de votre Congrès de
Dunkerque.
FOUILLES DE WISSANT.
C'était ia deuxième fois que j'étais appelé à faire à Wis-
sant des fouilles archéologiques. Mon compte-rendu des
premières a élé publié par la Société dunkerquoise (2), en
1856 : il constatait qu'aucun objet de l'époque gallo-romaine
n'avait été alors découvert.
Étant retourné à Wissant, où je vais à peu près tous les ans,
j'appris qu'on avait trouvé quelques vases antiques dans une
pièce de terre où l'on faisait ce qu'on appelle, dans le pays ,
(1) Une médaille de bronze.
(2) Tome III, p. 210 à 215 de ses Mémoires.
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. 353
du lit-avant; je m'empressai de les examiner, et je reconnus
tout de suite des vases funéraires toul-à-fait semblables à ceux
qui sont figurés dans l' Archéologie céramique de Mf. l'abbé
Cochet (1), comme provenant de sépultures romaines des
trois premiers siècles. Une monnaie de l'empereur Posthume
avait été découverte en même temps. Je pensai qu'en por-
tant les fouilles de ce côté on aurait plus de chances de
succès ; mais , pour les entreprendre, il fallait deux choses :
une allocation et l'assentiment du propriétaire. En ce qui
concerne les fonds , la Société française d'archéologie , fidèle
à ses belles traditions , accorda d'abord , à Dunkerque ,
200 francs, puis, a Reims, 100 francs. Je me disposais, en
conséquence, à recommencer à Wissant les travaux d'explo-
ration , lorsque la Commission de la topographie des Gaules,
informée de mon projet, eut la gracieuse pensée d'ajouter
spontanément une allocation de 200 francs aux deux précé-
dentes: ce qui mita ma disposition 500 francs, dont j'ai em-
ployé environ les deux tiers aux fouilles de 1861 ; elles ont
été exécutées sur trois points différents et assez éloignés l'un
de l'autre. Je désirais les commencer dans la pièce de terre
à labour d'où l'on avait retiré les vases funéraires dont j'ai
parlé; mais le propriétaire avait conçu l'espoir que, tôt ou
lard, il y trouverait un trésor : il tenait sans doute à se le ré-
server tout entier , car il a refusé son consentement. Du
reste, il m'a remis avec empressement les objets qui lui res-
taient de ses découvertes , objets qu'on peut voir au musée
de Boulogne auquel ils ont été envoyés, et il m'a indiqué
les trois endroits où il les avait trouvés : dans deux , c'était
à la profondeur de 1 mètre 66 centimètres; dans l'autre,
à celle de 1 mètre 33 cent. ; mais là il y avait comme un
petit toit, formé par quatre pierres plates protégeant une
(1) Page 10.
23
35.'l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
urne cinéraire et une soucoupe ; ailleurs , les vases , a-t-il
ajouté , étaient sous un banc d'argile , circonstance qui m'a
paru assez remarquable pour m'en enquérir auprès d'autres
habitants du pays: leurs déclarations ont toutes été dans le
même sens. Quoi qu'il en soit, en présence d'un refus aussi
fâcheux , j'ai dû m'abstenir de toutes recherches dans le
champ des découvertes, et j'ai fait faire des tranchées dans les
terrains contigus, du côté de l'ouest et du nord , après avoir
obtenu l'autorisation des propriétaires et fermiers qui me
l'ont accordée bien volontiers. Rien d'intéressant n'a été
découvert: peut-être aurait-on mieux réussi dans les parcelles
à l'est , entre ledit champ et un ancien chemin. Si vous
étiez, Messieurs , d'avis de l'affirmative, je demanderais les
consentements nécessaires , et s'ils sont donnés , j'y com-
mencerai les recherches après la récolle.
FOUILLES DANS LES DUNES DE WISSANT.
J'ai fait faire ensuite des fouilles dans les dunes, qui com-
prennent une partie notable de la commune de Wissant.
J'avais reconnu, en 1855, qu'elles n'y étaient pas aussi
faciles que dans les garennes d'Étaples , sur l'emplacement
de l'ancienne ville de Quentowic où nous avons découvert,
en 1841 et depuis, les murs de fondation de plus de cent
maisons, ainsi qu'un nombre considérable d'objets (1) de
l'époque gallo-romaine et du moyen-âge. Il est vrai que, là ,
de vastes plaines avaient été formées , en rendant les sables
mobiles, à l'aide de la charrue qu'on y avait fait passer
(1) Voir, à ce sujet, le XXIVe. volume de la Snciëlé française d'ar-
chéologie (p. 139 à 145) et mon mémoire sur remplacement de
Quentowic (t. IX des Mémoires de la Société des Antiquaires de
la Morinie, p. 253 à 338 ).
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. '555
lorsque le vent soufflait dans une bonne direction. Il n'en
était pas de même à Wissant, où les monticules sont restés;
ce n'est donc que dans les fonds qu'on peut entreprendre
des recherches, sans trop de frais : encore le sable y re-
couvre-t-il le plus souvent l'ancien sol , de 2 h 3 mètres !
Aussi, pour diminuer autant que possible la dépense , ai-je
eu recours, au préalable, à une longue sonde en fer avec
laquelle on a fait des recherches dans plus de cent endroits ,
et notamment soit le long du sentier de Wissant à St. -Polqui
traverse les dunes (sentier, selon toute apparence, le reste
d'un ancien chemin de voiture ) , soit dans le voisinage et à
l'est du ruisseau qui fait tourner le moulin de Wissant. Il
était de notoriété publique que le groupe principal des
maisons était anciennement de ce côté et qu'on en avait
retiré, depuis plus de cent ans , une quantité considérable
de pierres , lesquelles avaient été employées aux nouvelles
bâtisses. On ne trouva rien à l'endroit, nommé le Temple,
où il y eut autrefois une maison et une chapelle de l'ordre
des Templiers (1). Tout avait été démoli et enlevé. On me
montra même , sur le chemin d'Hervelinghen , à environ
ftOO mètres de l'église de Wissant , une maison où l'on
avait fait entrer , lors de sa construction , les deux bénitiers
de cette chapelle; mais, sur d'autres points, on rencontra
d'anciens murs au nombre de cinq ou six: les plus rap-
prochés du ruisseau du moulin furent dégagés des sables
qui les entouraient, et ce ne fut pas sans peine, ni sans
danger , qu'on parvint à les mettre à découvert ; car des
éboulements survinrent en mon absence , et plusieurs de
(1) Alard Tassait , archiviste ck' St.-Bertin, dont la bibliothèque de
St.-Omer possi'de 4 vol. in-/i0 ( manuscrits ) , mentionne ainsi celle
maison ( Domus militis Templi de Wissant ). Cet archiviste est mort
en 1532.
356 CONÇUES ARCHÉOLOGIQUE OE FRANCE.
nos ouvriers prétendirent avoir manqué d'en être victimes.
Il fallut chercher un homme ayant assez de capacité et d'ex-
périence pour les bien diriger , en travaillant avec eux : heu-
reusement je pus le trouver de suite. Il prit les précautions
convenables, et on put ainsi compléter, de ce côté, sans
aucun accident , les recherches commencées. Je suis donc
à même de fournir des détails à leur sujet , détails con-
signés , du reste , en grande partie sur un plan que je dois
à l'obligeance de l'instituteur communal: je parle, d'abord,
d'un mur remarquable par sa longueur qui est de 21 mètres:
il commençait à 2 mètres 50 centimètres de profondeur; sa
hauteur est de h mètres 18 centimètres; sa largeur de 75
centimètres ; toutefois , la première assise des fondations est
plus large: elle est de 95 centimètres. Il est à noter qu'à une
profondeur de k mètres, à partir de la crête du mur, on a
trouvé une aire qui continuait sous le sable. Deux autres
murs se reliaient à celui-ci : ils sont figurés sur le plan.
Lorsque je les examinais , des habitants du pays me certi-
fièrent qu'ils avaient vu , dans leur jeunesse , d'autres murs
fort longs , entre ceux-là et la mer , distante d'environ 100
mètres, et qu'ils étaient parallèles au ruisseau du Moulin. Ils
ajoutèrent qu'en enlevant les pierres , on en avait retiré des
anneaux de fer faisant face à ce ruisseau où , d'après la tra-
dition, était l'ancien port: cette tradition se trouve donc
ainsi confirmée ! elle l'est encore par une autre circonstance :
c'est qu'on rencontre sur ses bords des pièces de bois pro-
fondément enfoncées, qui sont considérées comme des restes
de quai.
Une autre construction, qui a été également exhumée pour
ainsi dire des sables, était plus éloignée de la mer et tout
près de la maison du sieur Siarae : elle a été trouvée à une
profondeur de 2 mètres kO centimètres. Elle consiste dans»
un pavé allant de l'est à l'ouest, d'une largeur de 3 mètres
SU!'. DLS FOUILLIS FAITES A WISSANT. 357
30 centimètres : il a été aussi formé avec des pierres bleuâtres,
dont deux sont beaucoup plus grandes que les autres ;
l'une est placée à l'est, à plus d'un mètre de longueur; sa
largeur est de 30 centimètres ; l'autre, qui touche à celle-ci ,
est ronde et son diamètre est de /io centimètres. On présume
que ce pavé est celui d'une ancienne rue de la ville de Wissanî.
Du reste , sur ce point comme sur l'autre , il n'y a pas
la moindre trace de ciment romain , ni de briques ; les
murs ont été faits avec le mortier ordinaire du pays; en re-
tirant les sables , on n'a pas trouvé une seule monnaie, un
objet quelconque qui rappelât l'époque romaine : on n'a
rencontré que quelques jetons qui remontent tout au plus
au XIVe. siècle, et un petit poids dit angelot : la liste en est
annexée à mon rapport.
Ces constructions n'ont aucune analogie avec celles qui
ont été découvertes dans les garennes d'Étaples. Le principal
mur ressemble, d'une manière frappante, 5 celui d'une an-
cienne maison située près de l'église de AVissant. Tels sont
les faits, et il me semble qu'on peut en tirer plusieurs con-
clusions: la première, c'est que l'ancien port de Wissant
était incontestablement dans la direction du ruisseau et des
terrains qui l'avoisinent ; la seconde , c'est qu'il y avait sur
ce port de vastes bâtiments , dépendant des longs et larges
murs dont les fo;;ille;; ont constaté l'existence ; la troisième,
c'est que ces murs , de même que le pavé précité , ne sont
pas de l'époque romaine.
Ayant appris, pendant mon dernier séjour à Wissant, qu'il
y avait dans les dunes un endroit nommé la Trésorerie ,
parce qu'on y trouvait souvent autrefois des pièces de mon-
naie , je m'empressai d'y conduire les ouvriers, me rappe-
lant qu'à Étaples c'était dans In jn'rcc à liards, ou dans celle
nommée le Ruisseau- W Argent , que nous avions fait le plus
de découvertes; mais malheureusement, ici, les sables s'étaient
358 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCK.
amoncelés : on a eu beau descendre, soit avec la sonde, soit
avec le louchet, à 3 ou k mètres de profondeur et faire en-
suite le même travail dans d'autres fonds voisins de celui-là ,
on n'en a retiré rien d'intéressant, sauf une monnaie d'Edouard
III , roi d'Angleterre , frappée à Londres.
FOUILLES AU MONT D'AVERLOT.
Je tenais à examiner avec tous les soins possibles le mont
d'Avcrlot, où, d'après ce qui avait été dit à l'un des plus savants
membres de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
il y aurait eu un camp qu'il présumait être celui de Jules
César, lors de ses expéditions dans la Grande-Bretagne (1),
camp dont je n'avais jamais entendu parler dans aucun de
mes précédents voyages à Wissant. Ayant appris que l'ha-
bitant du pays qui lui avait donné des renseignements,
se nommait Dufour, que c'était un cultivateur intelligent, et
qu'il demeurait h Haute-Sombre, hameau de Wissant, tout
près du même mont , je crus ne pouvoir mieux faire que
de m'adresser à lui pour les travaux d'exploration dans son
voisinage. Il m'a répété qu il y avait eu sur ce mont un camp,
mais en ajoutant que c'était son opinion personnelle, fondée sui-
des pierres de mer qu'il y avait vues et les nombreux rideaux
de terre dont il était environné. Je sus bientôt qu'on y avait
trouvé récemment des pièces de monnaie. En m'y rendant,
je me rappelai que, du temps de Jules César, la forme des
camps romains était carrée , que la largeur des fossés était
au moins de 3 mètres , au plus de 5 , leur profondeur au
(1) V. Les Expéditions de César en Grande-Bretagne, par M. le
sénateur de Saulcy , président de la Commission de la topographie des
Gaules, p. 33.
SUIS PKS FOUILLES FAITES A WISSAKT 359
moins do 2 mètres 33 centimètres , au plus de 6 mètres , et
que les parapets étaient élevés avec la terre retirée de ces
fossés (1). Parvenu sur le plateau du mont, dont la hauteur
au-dessus du niveau de la mer est de 81 mètres, je le par-
courus en tous sens sans apercevoir aucun espace rectan-
gulaire, ni la moindre trace de fossés de fortification. On
voyait effectivement sur la pente de la montagne des rideaux
de terre ; ils sont même , sur quelques points , comme su-
perposés, mais l'espace compris entre les premiers était loin
d'être carré; d'une étendue d'environ 12 hectares , il est
entièrement en culture. Le mont d'Averlot est longé, .au
sud , par l'ancienne roule de "Wissant à Calais. Du côté de
la mer, dont il est fort rapproché, il termine comme une
chaîne de montagnes qui passe à Hcnelinghen , et il est à
quelques pas du territoire d'Escales, village qui faisait partie
du territoire occupé par les Anglais depuis 13fr7 jusqu'en
1558; il était donc, à cette époque , sur la frontière des
possessions anglaises. Quoi qu'il en soit , la vue des lieux ne
suffisant pas pour résoudre la question qui m'y avait amené,
je fis faire des tranchées sur le plateau. On n'y découvrit
rien d'intéressant , pas même ces débris de tuiles ou de
pannes qu'on rencontre si souvent sur l'emplacement des
anciens camps ou de constructions quelconques. Tout ce
qu'on put me montrer consistait en deux ou trois pierres de
la côte, qui pouvaient provenir aussi bien d'anciennes bornes
que xle murs.
Les recherches furent ensuite portées à l'endroit d'où
l'on avait retiré, en labourant, quelques pièces de monnaie;
elles furent infructueuses, mais je parvins à voir l'une de ces
(1) Commentaires de J. C,ô*ar, lib. II, v ; — Nicupoort, Coutumes
des Humains , p. 252. Paris, 1780 ; — Adam, Antiquités romaines,
t. II, p. 159; — Abécédaire iCarcliéo!o(jie{ïtrc g;>ll J-romuinC), p. 442-450.
360 ^CONGRÈS AKGHtOLOGIQUL DIS FHANGÉ.
pièces , et l'ayant achetée , je pus bientôt reconnaître qu'elle
était du XVIe. siècle. C'était une monnaie de Clèves. Il
restait à se fixer sur les rideaux de terre que j'avais sous
les yeux. Dans presque tous les villages voisins, on remarque
également des rideaux de terre, et surtout à Hervelinghen
où il y en a beaucoup. Aucun habitant du pays ne met en
doute qu'ils ont été formés naturellement. Cela est de toute
évidence. Or , ceux du mont d'Averlot leur ressemblant ,
on doit leur attribuer la môme origine; s'il y en a là plus
qu'ailleurs, cela peut venir de ce que la mer est plus proche;
mais ce n'est pas une raison pour croire qu'ils ont été faits
dans un intérêt militaire. S'il en était ainsi , s'ils avaient été
formés par des soldats romains, ces rideaux n'auraient-ils
pas été bordés de fossés dont la terre aurait servi à les éta-
blir , fossés qui auraient augmenté les moyens de défense ?
Cette pensée me détermina à faire creuser des trous a en-
viron 33 centimètres de distance du bas des rideaux. Or ,
presque partout, on rencontra le terrain naturel (la craie)
à environ 17 centimètres de profondeur : sur quelques points,
elle était à 50 et 60 centimètres. Cela suffisait pour constater
qu'il n'y avait jamais eu de fossés de fortifications, et dès-
lors ce motif venait se joindre aux précédents pour démontrer
que le camp de Jules César , ni d'aucun autre général ro-
main , n'avait pas été établi sur le mont d'Averlot. Il est
possible qu'aux XIVe. , XVe. et XVIe. siècles, un poste mi-
litaire y ait été placé. Cela me paraît même vraisemblable ,
non -seulement parce que c'était un point élevé, fort rap-
proché alors de la limite séparative des possessions anglaises
et du Boulonnais dont dépendait Wissant , qui appartenait
à la France , point qui , d'ailleurs , dominait deux che-
mins, mais encore parce que, sur la montagne d'Herve-
linghen, parallèle h celle-ci, il y avait, à la même époque,
des redoutes du côté du hameau de Rainsaut où était
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSAIST. 301
la frontière (l) , redoutes que j'ai découvertes pendant les
fouilles dont je rends compte et dont le nombre s'élevait
à huit ; mais, à cet égard, on n'a pour le mont d'Averlot
qu'une prohabilité, rien ne venant dans l'histoire ou sur les
lieux en donner la preuve, tandis qu'elle est bien visible en-
core à Flervclinghen , village remarquable , en outre , par ses
lumulus de l'époque gauloise, des tombeaux mérovingiens
et des mottes du moyen-âge.
Je ne finirai pas mon rapport sans faire remarquer qu'on
ignore encore si, pour les antiquités romaines (découvertes
jusqu'ici en si petit nombre à Wissant), cette ancienne ville a
dit son dernier mot. Il ne m'a pas été possible d'y terminer
les fouilles en 1861. Indépendamment du champ dont j'ai
parlé, j'en connais plusieurs autres qu'il importe d'explorer
soigneusement. Je compte le faire avec le reste des fonds mis
à ma disposition , immédiatement après l'enlèvement de la
récolte. Les recherches n'y seraient pas autorisées plus tôt ,
les terres étant en culture. Je crois aussi qu'il serait à propos
d'exécuter , dans les plus anciens chemins aboutissant à
Wissant, des sondages pareils à ceux que mon honorable
collègue, M. Pigaull de Beaupré, maintenant ingénieur des
ponls-et-chaussées à Pau, a fait faire avec tant de succès (2)
dans les voies romaines de la Flandre maritime. Si le reliquat
de mon compte ne suffisait pas pour cela, j'espère qu'un sup-
plément me serait accordé , ne fût-ce que par le motif qu'en
complétant les fouilles dont il s'agit ici , on peut trouver
d'un moment à l'autre des objets antiques qui récompensent
de longues et pénibles recherches, non-seulement par leur
propre valeur, mais encore en servant à résoudre définitive-
ment la grande qnestion de l'emplacement du Portus Itius.
(i) Telle étail, du moins, la prétention des Français: les Anglais
disaient qu'elle était au chemin sur le mont de Couple.
(2) Voir t. VI , p. 75 à 90 des Mémoires de la Société dunker-
quoise, le compte-rendu de ces sondages.
362 CONGRÈS AKCMÉOI.OGlQUli Dli FRANCE.
I^OTJUjLES DE ±SQ2.
Le 21 juillet dernier , j'étais à Boulogne , où l'on me dit
qu'un officier d'ordonnance de l'Empereur s'était rendu à
AVissant tout récemment ; qu'il y avait visité les divers points
où nos fouilles avaient eu lieu et, en outre, le fort César.
J'ignore si on lui avait fait connaître leur résultat au mont
d'Averlot, mais on m'informa qu'après un examen attentif il
avait exprimé le même avis que moi : c'est que ce mont ne
présentait aucune trace d'un camp romain ; et , si je suis
bien informé , il aurait ajouté une considération militaire de
nature à fortifier encore les motifs que j'ai fait connaître.
Quelques jours après, deux savants membres de la Com-
mission de la topographie des Gaules, M. le général Crcully
et M. Alexandre Bertrand, étant arrivés à Boulogne , j'eus
l'honneur de les accompagner dans leur excursion sur la côte
du Boulonnais ; M. Mariette , l'érudit président de l'Institut
égyptien , qui est devenu célèbre par ses grandes découvertes
archéologiques, était avec nous. C'était le 25 juillet , jour
dont je garderai à jamais le précieux souvenir. Après avoir
visité Ambleteuse , nous allâmes jusqu'à Wissant, où je leur
montrai tout ce qui pouvait les intéresser : le cours d'eau
entre le moulin et la mer, les endroits où les fouilles avaient
eu lieu en 1861 , puis le fort César , la motte Carlin et l'an-
cienne frontière de la France pendant l'occupation du Ca-
laisis par les Anglais. Tous ont pu se former ainsi , sur les
lieux , une opinion qu'il leur appartient de manifester lors-
qu'ils le jugeront convenable.
SLR DliS FOUILI.KS FAITES A WISSANT. 363
LE CIMETIÈRE DU GAZE-VERT.
Le 25 septembre suivant, j'étais revenu à Wissant,
croyant la récolte terminée ; mais elle ne l'était pas entière-
ment , ce qui empêcha le cantonnier que j'avais employé en
1861 de se mettre a ma disposition. Heureusement je pus le
remplacer par M. Dufour fils (Jean-Pierre), qui me procura
les meilleurs ouvriers du pays, et dès le lendemain malin, il
travaillait avec eux dans une pièce de terre à labour (1) ap-
partenant à M. Louis Lefebvre, qui m'avait accordé avec em-
pressement son autorisation. Cette pièce de terre longe la
roule de St.-Inglevert, au nord ; elle est située à environ 2
kilomètres de l'église de Wissant , à un endroit nommé , au
cadastre, les Gages-Verts, et dans les anciens titres, Gazevclt,
Gazevcld et Gaze- Vert, nom sous lequel il est plus générale-
ment connu. D'après ces titres, il y avait là autrefois une
maladrerie (hôpital) avec une chapelle qui est mentionnée
comme existant en 1273 (2). Depuis long-temps on ne voyait
plus aucune trace de ces édifices ; mais leur souvenir était
bien conservé dans le pays , et je savais qu'en élargissant le
chemin de "Wissant à Hervelinghen , on avait rencontré plu-
sieurs tombeaux et retiré de l'un d'eux un vase, ainsi que de
la ferraille : c'était pour moi une raison d'y porter les
fouilles. On y fit d'abord deux tranchées, à partir de la route
et vis-à-vis le point où les inhumations avaient été vues,
puis un peu plus haut et successivement, dix autres. On y
trouva, à environ 66 centimètres de profondeur, quatorze
squelettes humains, tous bien conservés : leur figure était
(1) Cette pièce (sect. B, n°. 207 du cadastre) contient 11 hectares
S 9 ares.
(2) Registre de l'abbaye de St.-Vulmer de Boulogue, commençant en
1272.
3(>4 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tournée vers l'orient , sauf une qui l'était au midi el dont le
squelette , placé à environ 26 mètres de distance des autres ,
était accompagné d'ossements d'un clûcn et d'un porc.
La liste des objets trouvés dans les fouilles comprend ceux
qui ont été retirés du cimetière du Gaze-Vert. On y remar-
quera notamment : une coquille semblable à celles du pèle-
rinage de St.-Jacques-de-Compostelle, d'où l'on a inféré que
le mort avait fait ce voyage; le bout d'un éperon et deux
pièces de monnaie, dont l'une porte la date de 16^0 et
l'autre peut remonter au XVIe. siècle. Les squelettes et ce
qui a été trouvé sur eux ou auprès , ont été vus par des
bonnnes compétents qui ont été unanimes pour émettre
l'avisqu'aucunedes inhumations n'était fort ancienne, et que
la plupart étaient probablement des XVe., XVIe. ou XVIIe.
siècles.
Les recherches n'ont pas été bornées au terrain de 31. Lc-
febvre: elles furent étendues a un autre qui est en face, au
sud de la roule , et qui est occupé, par M. Admond ; mais on
n'y rencontra ni tombes, ni ossements; on y signala seule-
ment quelques indices d'un puits et de la chapelle que la
tradition place de ce côté , indices trop insignifiants pour y
retenir plus long-temps les ouvriers.
LE FOUT CÉSAR.
Pendant les fouilles du Gaze-Vert, j'avais appris qu'on en
commençait au fort César dont je comptais m'occuper en-
suite: je m'y étais rendu le jour même. Deux cantonniers y
creusaient effectivement des tranchées. Je ne manquai pas
de suivre leur travail , pensant que, s'il était bien fait, il me
dispenserait du mien. Lorsqu'il fut terminé, il me parut
exécuté on ne peut mieux. A l'intérieur du fort, les tran-
chées étaient longues et profondes; il y en avait aussi dans
SUR DE$ FOUILLES FAITES A WISSANT. 365
les fossés. J'examinai avec attention toutes ces tranchées et
ce qui en avait été extrait. On n'y remarquait rien de ce
qu'on rencontre ordinairement dans un camp de l'époque
romaine , ni restes de vases, tuiles ou briques , ni pièces de
monnaie; pas un seul objet intéressant d'une autre époque
n'y avait été trouvé. D'après cela , le résultat ( complète-
ment négatif) vient corroborer, d'une manière décisive , les
raisons de penser (pie ce fort n'a pas été construit lors des
expéditions de Jules César dans la Grande-Bretagne; raisons
tirées soit de sa forme qui n'est pas carrée , soit du peu
d'étendue de son enceinte (1) qui comporterait tout au plus
500 hommes , soit enfin de la profondeur comme de la lar-
geur (2) de ses fossés. Aussi , en terminant ce qui le con-
cerne , me borneraî-je 5 faire remarquer qu'il est placé entre
l'ancien port de Wissant et le territoire d'Hervelinghen, dont
il est voisin , et où était aussi la frontière du temps de l'oc-
cupation anglaise ; que , tout en couvrant Wissant , ce fort
domine plusieurs chemins par lesquels l'ennemi pouvait venir
du Calaisis dans le Boulonnais , et que des considérations
aussi graves auraient alors commandé la construction du
fort, s'il n'avait pas existé auparavant.
(1) Voici l'extrait du cadastre, relatif à ce fort:
Section B: n°. 74. Camp de César. 50 ares 50 centiares.
— 75. Fossés. — 60 » 20 »
(2) On a rappelé, page 358, que les fossés des camps romains étaient,
du temps de Jules César, larges au plus de 5 mètres et profonds de G.
Or, ceux du fort de Wissant ont une largeur de 8 ù 10 mètres. Quant
à leur profondeur, elle était plus grande, d'après ce qui m'a été dit,
avant qu'on y eût jeté les terres du parapet : on ne peut donc plus
bien l'apprécier aujourd'hui.
366 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCF.
LA MOTTE-CARLIN (1).
Du fort César on aperçoit un monticule en forme de
boule , situé à environ un kilomètre de l'église de Wissant,
sur la t auche de la roule de Marquise , dont il est fort
rapproché, ainsi (pie de deux autres voies: le chemin d'Au-
dembert et le chemin Vert. Ce monticule , qui est appelé la
Motte-Carlin, sans qu'on sache d'où lui vient ce nom , n'est
entouré d'aucuns fossés ; son contour est de 6'i mètres et sa
hauteur de k environ. Il suffisait de voir de près la Motte-
Carlin pour avoir la preuve qu'elle avait été déjà explorée ,
car elle était restée, pour ainsi dire, partagée en quatre par
d'anciennes tranchées plus ou moins profondes. Un trou,
large de 1 mètre 50 centimètres, était au centre, et au mi-
lieu de celui-là , un autre plus petit. Le premier descendait
jusqu'à 1 mètre UQ centimètres; le second , à 45 centimètres
de plus. Du reste, il était de notoriété publique qu'un co-
lonel anglais y avait fait faire des fouilles en 1815 ou 1816,
et il est vraisemblable que cette exploration archéologique
n'était pas la première. Malgré cela , ne connaissant pas le
résultat de ces fouilles, la Motte-Carlin étant considérée par
les uns comme un tumulus, par d'autres comme un ouvrage
défensif , et étant, d'ailleurs, sur Wissant, je crus que je ne
pouvais me dispenser d'y envoyer quelques ouvriers: ce que
je fis , en leur recommandant d'approfondir le plus grand
trou jusqu'au-dessous du niveau du sol voisin.
Lorsque je retournai sur les lieux , j'y trouvai mon
ancien ami, M. Lorgnier , ainsi que son fils , et en leur pré-
(1) Section C, n°. 9. — Butte Carlin, h ares.
On lit dans l'ancien terrier du domaine de Wissant, art. 8 des
Censives :
« 2 acres de terre , sises au dîmage de Wissant , moitié de A me-
sures, nommées la Motte-Carlin, etc. t Ce domaine avait été engagé à
M, le marquis d'iîtampes, !e 7 décembre 4 595.
SUR DÈS FOUILLES FAITES A WISSANT. 307
sencc, on nous dit que les terres étaient rapportées jusque
vers Ce niveau ; qu'on avait alors rencontré des fragments
d'une pierre plate sous laquelle il y avait des cendres dont la
quantité était évaluée à deux pelletées, et qu'on n'avait pas
trouvé autre chose méritant d'être mentionnée , bien qu'on
eût creusé ensuite jusqu'à environ 33 centimètres dans le
terrain naturel. Il n'y avait donc ni vases, ni fragments de
poterie, ni pièces de monnaie; du reste, leur absence pou-
vait s'expliquer par les fouilles antérieures lors desquelles les
objets antiques auraient été enlevés. Quoi qu'il en soit, le
fait de la découverte des cendres et d'une pierre plate qui
les recouvrait ayant été vérifié et étant devenu constant pour
nous, on peut en conclure que la Motte-Carlin , qui a été
formée tout entière avec des terres rapportées, est un vé-
ritable tumulus.
A-t-il été utilisé pour communiquer la nouvelle de l'ap-
proche de l'ennemi pendant l'occupation du Calaisis par les
Anglais, nouvelle qu'on donnait alors au moyen de feux
allumés rapidement de distance en dislance , sur des points
élevés qui correspondaient entr'eux ? Il est permis de le penser,
à cause du grand trou existant au milieu du tumulus, car
il semble fait pour recevoir des matières combustibles. Cela
devient même d'autant plus probable que , d'une part , il est
à proximité de trois chemins , en face de celui de "Wissant à
Marquise, et que, d'autre part, il est aperçu de très-loin, des
montagnes voisines de Boulogue.
LA MOTTE- DU-VENT ET LA MOTTE-DU-KOUKG.
De la Motte-Carlin , j'aurais conduit mes ouvriers à la
Motte-du-Vent, qui est également sur Wissant , si je n'y
avais déjà fait, en 1855, quelques recherches. Ayant depuis
lors examiné les lieux à diverses reprises , j'avais reconnu
qu'ils n'offraient l'apparence d'une motte que d'un seul côté,
368 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
celui du village de Tardinghen, et que celte apparence devait
venir, soit d'un ruisseau qui passe au bas et dont le cours fait
baisser de plus en plus le terrain, soit de travaux exécutés
dans l'intérêt de l'agriculture. Nulle part on n'aperçoit ni
retranchements , ni fossés ; au reste, j'appris que cet endroit
était généralement connu dans le pays sous le nom de Mont-
du-Vent, qui lui convient beaucoup mieux que l'autre qu'on
peut dès lors croire moderne. Quoi qu'il-en soit, il est in-
concevable que M. Henry (1) ait signalé un ouvrage définitif
fait du temps des Romains, là où il n'y a pas la moindre
trace de fortifications quelconques.
On voit , dans le voisinage, la Motte-du-Bourg qui est sur
le chemin de "Wissant à Audinghen, motte où il y a un véri-
table fort : comme il se trouve sur le territoire du village de
Tardinghen , je me serais abstenu d'en parler si on ne
m'avait donné à son égard des renseignements précis, d'où il
résulte que ce fort pouvait contenir au plus trois cents
hommes et que , d'après sa forme et les objets d'artillerie
qu'on en a retirés, il a été établi durant l'occupation de Ca-
lais par les Anglais , temps où l'on avait un intérêt majeur à
augmenter les moyens de défense.
LE CIMETIÈKE DU LIEU DIT LES CROQUETS.
En entendant prononcer ce dernier mot , je me rappelai
un monticule situé àÉtaples, nommé les Cronquelets, où
l'on avait trouvé , vers \ 848 , des débris de poteries gallo-
romaines, ainsi que du charbon de bois. Depuis lors, j'avais
lu une intéressante notice (2) relative à ce tumulus, dont la
hauteur moyenne est d'environ k mètres, comme à la motte
(1) P. 46 de son Essai historique , imprimé à Boulogne en 1810.
(2) Cette notice a été publiée par la Société des Antiquaires da la
Morinie, dans son Bulletin historique, p. 112-116,
SUR DES FOUILLLS FAITES A WISSANT. 369
Carlin : or, à Wissant, la pièce de terre où l'on avait décou-
vert des vases funéraires, et où je n'avais pu faire la moindre
recherche, était au lieu dit les Croquets, mot qui semble un
diminutif de celui de Cronquelets. Voici ce que porte un titre
de 1506 : Terres de ÏOspùal de Wissant que l'on dit les
Croquets (1) ; d'où il suit que ces terres appartenaient alors
à l'hospice de Wissant. Il était donc bien désirable que le
champ des découvertes de vases funéraires fût exploré avec
soin ; c'est pourquoi, ne désespérant pas d'obtenir, en 1862,
l'autorisation qui m'avait été refusée l'année précédente, je
fis une nouvelle visite au propriétaire; mais j'eus beau pré-
senter les meilleures raisons : sa réponse fut la même, et,
forcé de m'abstenir de toutes fouilles dans son terrain, je ne
retournai pas moins sur les lieux. Je remarquai alors que ce
terrain était sur la pente d'une colline ; qu'il était contigu à
la pâture de la commune , non-seulement au nord , où d'in-
fructueuses recherches avaient eu lieu en 1861, mais encore
à l'est , où la pente continuait ; et , me rappelant d'ailleurs
qu'on m'avait remis une fibule ramassée dans la même di-
rection (2) , je me décidai à une dernière tentative de ce
côté. Je fis faire, en conséquence, à partir du fossé sêparatif
du champ et de la pâture, deux tranchées sur une longueur
de 15 mètres et une largeur de 80 centimètres : vainement
on les descendit jusqu'à environ 2 mètres de profondeur; on
ne rencontra que du sable, puis un terrain argileux. Je ne
me décourageai pas pour cela et je marquai, sur le terrain,
d'autres endroits où l'on devait faire de nouvelles tranchées.
Cette fois ce ne fut pas inutilement, car le lendemain , 30
(1) Terrier de l'abbaye de St.-Vulmer, de 1506. — Cet hospice est
mentionné dans un acle de 1299 qui concerne Jean de Bailleul , roi
d'Ecosse, alors à Wissant.
(2) J'ai fait faire des fouilles dans le jardin où elle avait été trouvée,
mais sans aucun succès.
2h
370 CONGKÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FINANCE.
septembre , on découvrit dans la troisième deux pots et deux
soucoupes.
Le 1er. octobre , M. le Sous-Préfet de l'arrondissement
était arrivé à Wissant avec M. le Conservateur des arcbives
de Boulogne, et, en leur présence, on retira d'une fosse
d'autres pots et soucoupes. L'une d'elles était sur l'un de
ces pots et elle paraissait entière lorsqu'on l'aperçut en
terre; mais elle ne put être recueillie que par fragments.
J'augmentai le nombre des ouvriers, afin de terminer plus
vite la fouille du large carré de terre compris entre la troi-
sième et la cinquième tranchée : ce travail procura encore
un pot. A la distance de 1 mètre 50 centimètres, on ren-
contra des morceaux de cuivre rongés par la rouille, des os-
sements calcinés et une pièce de monnaie.
J'ai joint à mon rapport, non-seulement un plan des lieux
où les tranchées ont été faites, mais encore un relevé des
trouvailles dont je vais dire un mot : le pot le plus haut a
15 centimètres sur une largeur de 11 ; le plus petit n'a que
8 centimètres et demi de hauteur : celui-là est d'une couleur
noirâtre, tandis que les autres sont gris. Du reste, tous sont
en terre commune, sans aucuns ornements, ni lettres, ni
marques de fabrique. Rien de plus simple. Il en est de
même des soucoupes , dont la couleur est rouge. Ces objets
étaient à environ 1 mètre 80 centimètres de profondeur.
D'après leur forme , leur contenu et ce qui les entourait , on
ne saurait y voir autre chose que des vases funéraires ; ils
ressemblent également à plusieurs de ceux figurés dans les
ouvrages de M. l'abbé Cochet (1) comme étant des trois pre-
miers siècles de l'ère chrétienne : on doit donc considérer
(1) V. 1°. La Normandie souterraine , planche I, n°. 5; 2°. Sépul-
tures gauloises, romaines, etc., p. 43, 2e. vase; p. 92, 2e. vase;
3°, Archéologie céramique, p. 10 el U, 28. vase.
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. 371
ces vases funéraires comme étant de l'un de ces siècles , sans
pouvoir dire duquel. J'espérais que la pièce de monnaie
nouvellement découverte, venant se joindre à la médaille de
Posthume retirée, en 1860, du champ voisin, contribuerait
avec elle à nous fixer d'une manière plus précise ; mais cette
pièce, qui est un moyen-bronze de l'époque romaine, n'offre
malheureusement que la trace d'une figure dont le profil est
à droite; elle est tellement fruste que jusqu'ici aucun numis-
mate n'a pu en faire l'attribution ; en sorte que l'incertitude
continue sous ce rapport. Un seul point paraît bien constant,
c'est que les vases sont de l'époque romaine et des trois pre-
miers siècles de l'ère chrétienne.
EiWPLACEMENT DE LANCIEN POUT DE WîSSANT.
En rendant compte des fouilles de 1861, j'ai fait connaître
des raisons de penser que ce port était a l'endroit où coule le
ruisseau d'Herlen entre le moulin et la mer. J'ai parlé de
pièces de bois, restes d'estacades ou de quai , et j'ai profité
de mon séjour à "Wissant pour vérifier, autant que possible,
où elles avaient été trouvées. A cet effet, j'ai chargé l'un de mes
meilleurs ouvriers, qui les avait vues , d'indiquer leur place
d'une manière bien apparente , soit d'après ses propres sou-
venirs, soit d'après ceux des habitants qui les avaient em-
portées. Son travail terminé , je retournai sur les lieux et je
reconnus que les pièces de bois étaient à l'ouest du ruisseau,
dans une direction parallèle au long mur qui se reliait à celui
de 21 mètres de long , dégagé des sables. J'appris, de plus,
qu'on avait vu un vieux mur allant de l'ouest à l'est, et qu'il
y a environ trente ans, on avait découvert, entre les pieux et
le premier mur à l'est , la quille d'un navire annonçant une
dimension de 50 à 60 tonneaux. Tout concourrait donc à dé-
montrer que l'ancien port de Wissant était effectivement
372 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
entre le moulin et la mer. Du reste, rien dans les fouilles de
1855, ni dans celles de 1861 et 1862, n'est venu confirmer
l'opinion (1) que le port de Wissant comprenait ancienne-
ment le vaste espace entre la mer , le mont du Vent et la
motte du Bourg, à partir du ruisseau d'Herlen jusqu'à celui
de Guiptun (2), espace dont la longueur est de 3,900 mètres.
Cette opinion , d'après laquelle ce port aurait été autant sur
Tardinghen que sur Wissant , ayant été émise par Ducange ,
et après lui par plusieurs auteurs plus ou moins érudits, on
comprend qu'elle ait été acceptée avec empressement par
quelques habitants du pays; mais ceux qui considèrent uni-
quement l'ancienne tradition ne placent l'ancien port qu'entre
le moulin et la mer, rejetant ainsi implicitement, non-seule-
ment l'idée qui lui donne la vaste étendue dont je viens de
parler, mais même celle qui la borne au ruisseau du phare,
en réduisant sa longueur de 2,100 mètres pour lui en donner
encore 1,800 : c'est, du moins, dans ce sens que m'ont géné-
ralement parlé les marins de Wissant que j'ai questionnés à
ce sujet. A Tardinghen , la réponse a été la même.
L'honorable M. Routtier, ancien maire de celte commune,
qui demeurait depuis très-long-temps au Châtelet où passe
Je ruisseau de Guiptun, m'a écrit, le 18 janvier 1855,
qu'il ne voyait depuis le cap Gris-Nez jusqu'à Wissant
aucun vestige de port ; il m'a donné ensuite , de vive voix ,
des renseignements dont mon premier rapport (3) fait men-
tion. J'y ai dit quelques mots des arbres qu'on remarquait
(1) Cette opinion a été émise par Ducange, dans sa dissertation sur
le Portus Itius (Voir les dernières pages).
(2) Il y avait là anciennement un fief nommé Guiptun , puis le
Châtelet.
(3) V. p. 213 et 214 du 3e. volume des Mémoires de la Société
dunkerquo:se. M. Routtier est mort depuis l'impression de mon rap-
port, dans un âge avancé.
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. 373
sur la plage de Wissant, du côté d'Estrouanne : c'était d'après
les renseignements recueillis ; niais , pour mieux me fixer à
leur sujet, j'ai tenu à les voir de près. Il fallait pour cela
attendre que la mer fût basse , un jour de grande marée
après laquelle elle se retire toujours plus loin. Je me rendis
alors sur les lieux avec le chef de mes ouvriers , M. Dufour
fils. Les arbres ensevelis dans la grève n'apparaissaient qu'à
leur sommet , qui dépassait le niveau de la plage, et ils y
auraient formé un écueil s'ils n'avaient été aussi rapprochés
du pied des dunes , dont la distance n'est que d'environ 20
mètres ; ils s'étendent sur un espace dont la longueur a été
évaluée à 50 mètres et sont au nord de ces dunes, entre les
..garennes d'Estrouanne et le ruisseau du Nain.
Ce que je viens de dire n'est applicable qu'aux arbres
dont la tète est visible. On doit penser qu'il y en a un
grand nombre d'autres , entièrement cachés dans les sables.
Au surplus , 31. Dufour m'assura qu'on avait retiré de là
beaucoup de bois pour en faire du feu ; qu'aucun morceau
n'était travaillé, que cela était de notoriété publique, que
des arbres avaient été enlevés avec leurs racines , et qu'on
en trouvait de semblables , à partir de l'endroit où nous
étions , jusqu'à environ deux kilomètres , du côté de Haute-
Sombre. J'ai interrogé plus tard, sur le môme sujet, d'autres
habitants de Wissant , également dignes de confiance : leurs
réponses furent toutes dans le même sens. Le garde-cham-
pêtre me dit même qu'en creusant , il y a environ dix ans ,
à côté de l'un des arbres de la plage , on avait trouvé des
ossements d'animaux dont l'un n'avait pas moins de 1 mètre
33 centimètres de longueur, sur 20 à 22 centimètres de
grosseur. Tous ces renseignements me parurent établir suffi-
samment que les arbres dont il s'agit ici , n'étaient pas des
restes de quai ou d'estacades, et que, loin de là, ils révé-
laient une forêt sous-marine dont on n'aperçoit qu'une
374 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
partie. Je renonçai en conséquence à mon projet de faire,
avec mes ouvriers, une vérification plus complète, me rap-
pelant, d'ailleurs, qu'on m'avait remis, en 1855, deux mor-
ceaux de bois qui provenaient de là , et que l'un d'eux avait
été envoyé au musée de Boulogne, où on peut le voir. Mon
premier rapport signale deux autres endroits (1) où l'on a
eu aussi la preuve d'une forêt sous-marine ou souterraine :
l'un est le marais de Tardinghen , l'autre la plage vis-à-vis- ,
qui, comme celle dont je viens de parler, est située entre
les caps Gris-Nez et Blanc-Nez. Or , il est à remarquer que
celle-ci est sur la gauche de l'embouchure du ruisseau
d'Herlen et l'autre sur la droite. Cela me semble mériter
l'attention , s'il est vrai qu'on puisse tirer de l'existence de
pareils arbres une conclusion contraire à l'emplacement d'un
ancien port dans l'endroit où ils se trouvent ; car , dans ce
cas, ils fourniraient un argument de plus pour concentrer
celui de Wissant entre le moulin et la mer.
LES VIELX CHEMINS DE WISSANT
Considérés par plusieurs auteurs comme des voies romaines.
J'avais appris qu'on avait fait, il y a environ deux ans, des
sondages dans les anciennes routes des arrondissements de
Boulogne et de St. -Orner, qui étaient réputées des voies
romaines, notamment celle de Leulingue, qui se termine à
Sangatte. Je ne comprenais pas pourquoi ils n'avaient pas
été étendus aux deux chemins de Wissant, dont plusieurs
savants ont fait remonter la construction à la même époque.
Sans doute , leur assertion à cet égard n'est appuyée sur
aucune base solide, ni sur la Carte de Peulinger, ni sur
(1) Page 214.
SUK 1>: S FOUJLLtS FAITES A WI5SAXT- 3f5
l'Itinéraire d'Antonin , qui, pour le littoral de la Gaule on
face de la Grande-Bretagne , mcnlionnenl un seul port ,
celui de Gessoriac (Boulogne), comme le point de départ
ou le terme des voies romaines (1) , et on pouvait en con-
clure que s'il y en avait eu réellement à Wissnnt, elles
auraient été ou d'un ordre fort inférieur, ou établies depuis
que les deux ouvrages ci -dessus avaient été écrits; mais il
me semblait que c'était un motif de plus pour réparer une
regrettable omission , en faisant faire des tranebées d'où
pouvait jaillir, comme en Flandre, la lumière; et pensant
que pour cela je ne pouvais mieux m'adresserqu'à 31. Leroy,
agent-voyer du canton , l'un des plus capables que je con-
naisse , j'eus recours à son obligeance ; il se chargea , de
la manière la plus gracieuse, des sondages dont il m'a envoyé
le résultat que je vais faire connaître après lui avoir ex-
primé ma reconnaissance, et avoir dit un mot . des voies
où ils ont eu lieu.
LE CHEMIN DE WISSANT A LANDRETLN (2.)
Ce chemin passe à Herlen, puis au Mont-de-Coupe, d'où,
après avoir traversé la route impériale de Boulogne à Calais,
il arrive à LandreUm-le-Nord. Il est appelé au cadastre le
Chemin-Poissonnier , nom qui lui vient du poisson péché
(1) Voir ma notice sur trois voies romaines du Boulonnais, t. VI
des Mémoires de la Société dunkerquoise. p. 400-/i2/i.
(2) Plusieurs auteurs, notamment mes honorables et savants col-
lègues M. Harbaville, ancien conseiller de préfecture du Pas-de-
Calais, et M. Courtois, secrélaire-archivis'e delà Société des antiquaires
de la Morinie, ont fait de ce chemin la voie romaine de Wissant à
Thérouanne, l'ancienne capitale de la Morinie (V. le Mémorial his-
torique du Pas-de-Calais, t. II, p 60 et 75 ; et les Recherches histo-
riques sur la Lculènr, t. IX, p. 59-133 des Mémoires de celte Société.
376 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
par les marins de Wissant , et que les mareyeurs transpor-
taient par là pour gagner la grande route , avant l'élargisse-
ment et la mise en bon état du chemin de St.-Inglevert par
Ilervelinghen. Il était ainsi appelé de temps immémorial ,
car voici un extrait d'un acte authentique , du 21 octobre
1738 , portant vente de 9 mesures de terre , sises au Mont-
de-Coupe, « tenantes d'un bout au Chemin-Piclwnnier (1)
qui conduit de Landretun à Wissant. »
En suivant ce chemin jusqu'à la route impériale , dont la
distance est de 5,500 mètres, on peut faire plusieurs re-
marques :
1°. On ne rencontre qu'un seul endroit habité , Herlen,
hameau de Wissant, autrefois Erlehem , fief ayant haute,
moyenne et basse-justice , dont le château seigneurial était
dans une pâture où l'on voit encore aujourd'hui de larges
fossés ; 2°. après Herlen , le chemin fait successivement des
coudes, d'où il suit qu'il est loin d'être en ligne directe;
3°. sa largeur et son aspect n'annoncent qu'un petit chemin
rural; U°. au haut du Mont-de-Coupe, on aperçoit quatre
mottes, dont trois sont sur le territoire d'Audembert , une
sur celui d'Hervelinghen ; il y en a deux sur la droite et au-
tant sur la gauche. J'étais bien tenté de faire fouiller ces
mottes, afin de me fixer complètement à leur sujet; mais j'en
ai été empêché par deux motifs qui m'ont fait ajourner l'exé-
cution de mon projet; du reste, il me paraît suffisamment
établi , dès à présent , que plusieurs d'entr'elles sont des lu-
mulus, car on lit ce qui suit dans le manuscrit de Lutto, an-
cien curé de St.-Inglevert (2) : « On a découvert , il y a
(1) En patois , on dit pichon pour poisson ; de là le mot pichonnier,
qui est synonyme de poissonnier.
(2) Philippe Lutto, historien boulonnais, est mort curé de St.-Ingle-
vert le 21 août 17/16. Son manuscrit est à la bibliothèque de Boulogne.
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. 377
« quelques années , en labourant la terre au pied ou sur la
« pente d'une de ces mottes, au-dessus d'Audembert, un
a squelette entier à côte duquel était une sorte de sabre,
« une vieille armure , une hache en façon de pique et qucl-
« ques autres pièces de fer gâtées de rouille. »
Or, sur les trois mottes d'Audembert, il n'y en a qu'une
qui soit cultivée , au moins en grande partie , sinon en tota-
lité ; c'est la première à gauche du chemin en venant de
"Wissant. D'un autre côté , ayant entendu dire qu'un maçon
de Marquise avait trouvé plusieurs pièces de monnaie , en
creusant , l'année dernière , dans la principale motte (sur la
droite ), pour les fondations d'une baraque qui devait servir
à des observations géologiques ou astronomiques , je me suis
rendu à Marquise chez ce maçon : il était absent; mais sa
femme ne m'a pas moins montré , comme provenant du
Mont-de-Coupe, trois médailles, dont deux sont de l'empe-
reur Néron ; l'autre était tellement fruste que je n'ai pu en
faire l'attribution. Ce n'est pas tout , car M. le Maire d'Her-
velinghen m'a remis, au mois de juillet dernier, une fibule
qu'il m'a dit avoir été retirée d'un vase contenant des osse-
ments humains, en me certifiant, en outre, que ce vase avait
été trouvé, il y a environ vingt ans, auprès de la motte du
Mont-de-Coupe , qui est sur le territoire de sa commune.
Tels sont les renseignements que j'avais recueillis ou les ob-
servations que j'avais faites au sujet du Chemin-Poissonnier
avant les sondages dont voici le comple-rendu :
Premier sondage.
A 50 mètres du premier buisson, au-delà d'IIertcn, du côté du
Mont-de-Cuupc.
La largeur actuelle du chemin y est de 3 mètres 50 centi-
mètres; encaissement, du côté supérieur, 5 mètres; encais-
378 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sèment, du côté inférieur, 2 mèlrcs 50. On n'y a trouvé au-
cune trace d'empierrement.
La largeur ne paraît pas pouvoir avoir été plus grande
autrefois : sa position à mi-côte le met à l'abri des antici-
pations des riverains.
Deuxième sondage.
A 1 mètre du chemin rf' Audcmbert à Herlen.
Largeur actuelle , 2 mètres 50. Pas de trace d'empier-
rement.
Troisième sondage.
Sur le Mont-dc^ Coupe , à 104 mètres de la baraque du Génie et à
225 mètres de la motte d'IIcrvclinghcn.
Même largeur (2 mètres 50) et même résultat négatif
pour l'empierrement.
Quatrième sondage.
A lt mètres du chemin d' Audcmbert à St.-Inglcvert,
Largeur du chemin, 2 mètres 50. A hQ centimètres de
profondeur, on a trouvé une couche de terre argileuse d'une
épaisseur de 30 centimètres sur toute la largeur fouillée;
cette couche est à l'état naturel , elle existe également dans
les terrains adjacents au chemin.
Cinquième sondage.
A 60 mètres avant la route impériale.
Même largeur ( 2 mètres 50) et même terre argileuse à la
même profondeur.
Il résulte de ce qui précède que le Chemin-Poissonnier a
SUR DliS FOUILLES FAITES A WISSAIST. 379
presque partout une largeur de 2 mètres 50 centimètres,
mais que, sur un point où elle n'a pu être augmentée ni di-
minuée, elle est de 3 mètres 50 ; or, cette dernière largeur,
qui est la plus grande , est encore inférieure de 16 centimè-
tres à celle des chemins de village , qui , d'après l'ancienne
coutume du pays (1) , devait être de 11 pieds ( 3 mètres 66
centimètres); d'où il suit que la voie dont il s'agit n'était
qu'un simple chemin de village à village , le chemin de "Wis-
sant à Landretun , comme le porte le titre de 1730. Malgré
cela , il n'est pas moins fort ancien : il est même probable
qu'il remonte à l'époque gauloise, et ce qui le fait penser, ce
sont les tumulus de son voisinage. La découverte des mon-
naies romaines dont j'ai parlé ne me paraît pas suffire pour
lui assigner une date postérieure à cette époque; car les tu-
mulus ont quelquefois reçu des inhumations successives, et,
dès-lors , ceux formés avant la conquête de la Gaule ont pu
s'ouvrir de nouveau sous la période romaine. D'ailleurs, qui
sait ce qu'on y trouverait s'ils étaient fouillés avec soin ?
LE CHEMIN VERT.
Je ne connais à Wissant qu'un chemin auquel le cadastre
donne le nom de Chemin- Vert : il commence près d'Ausques,
hameau de Tardinghen, à l'ancienne route de Boulogne,
traverse la chausséç de "Wissant à Marquise; et, laissant
à gauche la Motte-Carlin , il se dirige sur Basse-Sombre ,
(1) Voici quelle était , d'après cette coutume, la largeur des chemins
du Boulonnais : celle du chemin royal ou grand chemin ( art. 157),
60 pieds (20 mètres); du chemin vicomtier (art. 1G0 ) , 30 pieds (10
mètres) ; du chemin châtelain (art. 161), 20 pieds (6 mètres 66) ; du
chemin forain (art. 162), 15 pieds (5 mètres) ; du chemin de village
(art. 163), 11 pieds (3 mètres 66).
380 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
où était encore en 1790 l'église paroissiale de Wissant.
Cette église, qui ne subsiste plus (1), était fort ancienne,
car on lit dans une charte de Pharamus de ïiugry (2), de
l'année 1173, « decimam parochiœ in Sumbris. » S'il faut
en croire Jean d'Ypres, abbé de St.-Bertin (3) , il y aurait eu
à Sombre une abbaye fondée au VIIe. siècle par sainte Fare ,
sœur de saint Faron , évêque de Meaux ; abbaye qui aurait
été détruite par les Normands en 881.
Après Basse-Sombre, le Chemin- Vert passe devant le fort
César et se termine maintenant à la route de St.-Inglevert ,
par Hervelinghen ; mais, il y a quelques années, il continuait
jusqu'à l'ancien chemin de Wissant à Calais (^i), qui , après
avoir traversé Hàule-Sombre , longe le bas du mont d'Aver-
lot , en se dirigeant sur Escalles. L'un des sondages a été
fait près de ce mont; les trois autres dans le Chemin-Vert.
Le moment est venu d'en indiquer le résultat.
(1) Son cimetière est resté celui de Wissant. L'église paroissiale ac-
tuelle est l'ancienne chapelle de St. -Nicolas, qui est au centre de
l'agglomération principale des maisons du village.
(2) Cette charte a été imprimée à la suite de ma notice sur le
château de Tingry, t. III, 2°. partie, p. 20 et 21, des Mémoires de la
Société des Antiquaires de la Morinie,
(3) V. Chronicon Ypcrii, dont l'auteur, Jean d'Ypres, abbé de
St.-Bertin, est mort en 1383. Voici son passage: Hœc in Smnbris ,
propc Wisantum monasterium cdificaverat. D'après Lambert d' Arques,
ce serait à Eslrouanne que cette abbaye aurait été bâtie; mais Lequien,
Histoire des comtes de Boulogne, dit que de son temps on en voyait
encore à Sombre les ruines; et on lit, dans le pouillé de l'ancien
diocèse de Boulogne, que l'église de Sombre était un reste de l'ancien
monastère.
(li) Le chemin de Wissant à Calais est mentionné dans un aveu et
dénombrement de fiefs de 1402.
SUR DES FOUILLES FAITES A VV1SSANT. 381
Premier sondage.
A 100 mètres du chemin de Wissant à Marquise ( lettre A du calque).
La largeur actuelle du chemin est de 3 mètres. La tran-
chée , ouverte sur une longueur de 8 mètres , une largeur
de 0m. 40 , une profondeur de 0'". 70 , n'a rien montré qui
fût de nature à faire supposer l'existence d'une chaussée ou
de fossés.
Deuxième sondage.
A 150 mètres du chemin de Basse-Sombre à Flervelinghcn , et 270
mètres du cimetière où était l'église de Sombre (lettre B du calque).
La largeur du chemin est de 7 mètres ; celle de la chaus-
sée à la surface, de 3 mètres ; son épaisseur est de 0m. 15 ;
la tranchée a été faite à une profondeur de 0m. 70. Les ma-
tériaux sont des pierres de mer d'un diamètre très-varié.
Dans le fond de cette chaussée, qui est entretenue par les
riverains, il y a de grosses pierres brutes propres à la con-
struction. Du reste, rien n'indique que le chemin ait eu
une plus grande largeur. En arrachant et replantant les haies
qui le bordent , on a trouvé des pierres élégies pour des
habitations.
Troisième sondage.
Au point C, à ta hauteur du fort César.
Le chemin est couvert de gazon et de niveau avec les
terres voisines. La tranchée , ouverte sur une largeur de
U mètres et une profondeur de 0m. 35, n'a rien révélé de
nature à faire supposer un ancien cailloutis ou autre chose
de main d'homme.
382 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Quatrième sondage.
Au-dessus du Mont-cC Averlot , à 150 mètres de ta limite du terri-
toire d'Escalles ,dans l'ancien chemin de Wissant à Calais, qui fait
suite au chemin Vert.
La largeur actuelle est de 2"'. 50. La tranchée, ouverte à
la profondeur de 0"'. 60 , n'a donné que de la marne à l'état
naturel.
D'après ces détails , le chemin Vert, dont la largeur est
généralement de 3 mètres, en a 7 au deuxième sondage : on
pourrait en arguer pour soutenir qu'anciennement il avait
partout cette dernière largeur. iMais il est à remarquer:
1°. qu'au môme endroit il y avait autrefois des maisons des
deux côtés du chemin , ce qui est établi par les pierres élé-
gies dont on a parlé ; 2°. que l'église paroissiale était fort
près. C'était donc là , selon toute apparence, que se trouvait
la principale rue de Sombre ; ce qui expliquerait comment le
chemin y est empierré et moins étroit qu'ailleurs. Du reste,
la largeur de 7 mètres est , à 33 centimètres près , celle des
chemins châtelains du Boulonnais (1) , et il y a loin de là à
la largeur des voies romaines qui aboutissaient à Boulogne (2).
(1) La différence vient probablement du terrain laissé pour le
rejet des haies.
(2) Je ne connais pas le résultat des soudages qui ont été faits dans
les voies romaines du département du Pas-de-Calais ; mais je sais ,
pour l'avoir vérifié moi-même, que celles d'Amiens et de Thérouannc
à Boulogne ont encore, sur plusieurs points, 1.3 mètres 33 centimètres
( V. ma notice , Trois voies romaines du Boulonnais , p. 409 ).
En Flandre, on a trouvé une largeur bien plus grande :
19 mètres à la voie romaine de Cassel à Thérouanue.
18àl9 — — à Estaires.
— — à Mardick.
16 — — à Watten.
15 — — à Thiennes.
légende
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SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. 383
D'ailleurs, ici , l'empierrement paraît ressembler a celui de
la rue trouvée, en 1861 , dans les dunes. Il est donc pos-
sible qu'il ait été établi, comme elle , au moyen-âge; ce
qui n'empêcherait pas de considérer le chemin Vert comme
étant aussi très-probablement de l'époque gauloise, puisqu'on
voit un tumulus ( la Motte-Carlin) dans son voisinage. Il faut
noter , en outre , que le chemin Vert passe à environ 1 ki-
lomètre au-dessus de l'agglomération principale des maisons
de "Wissant , où est le moulin que fait tourner le ruisseau
d'Herlen , et qu'il est en ligne droite sur Basse-Sombre et sur
Haute-Sombre, comme sur la vieille route de Boulogne,
tandis que cette route, faisant un coude pour aller à Wissant,
semble ainsi s'en détacher. Ne pourrait-on pas induire de là
que, lors de l'établissement de ce chemin, Sombre avait plus
d'importance que Wissant, devenu ensuite l'une des villes de
loi du Boulonnais , et dont le port fut , sans contredit , aux
XII"»., XIIIe. et XIVK. siècles, celui de France le plus fré-
quenté pour le passage du détroit? Quoi qu'il en soit, les
sondages ayant été bornés aux chemins dont je viens de
parler , je n'ai pas, dans mon rapport, à m'occuper des
autres roules de Wissant. Toutefois, avant de terminer, je
demande la permission d'ajouter :
1°. Que j'ai recueilli des renseignements sur plusieurs
d'entr'elles, notamment sur celle de Guines par Hervelinghen
et St.-Ing!evert (1), renseignements que je tâcherai de com-
pléter afin d'en faire connaître plus tard le résultat définitif.
En attendant , je crois à propos de dire ici que cette der-
nière route a aussi dans son voisinage, quatre mottes, dont
l'une, au moins, est bien certainement un tumulus; car on y
a trouvé des squelettes humains avec des restes d'armures
parmi lesquels il y avait un bout de lance en cuivre ;
(1) C'est maintenant le chemin de grande communication de Wis-
sant à Guines ( n°. 52 ).
384 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
2°. Que j'ai découvert à Hervelinghen , sur le chemin de
Ramsaut, huit redoutes dont l'établissement ne peut être que
du temps de l'occupation du Calaisis par les Anglais ; car la
place des canons y est encore bien visible, et on était, à
Ramsaut, à quelques pas de la frontière, l'hôpital de St.-
Inglevert et les terres qui en dépendaient étant restés à la
France ;
3". Qu'on trouve à Wissant fort peu de monnaies ro-
maines ; que , malgré toutes mes recherches , toutes mes in-
vestigations depuis plus de vingt ans , jamais je n'eu ai ren-
contré et jamais je n'ai entendu dire qu'on en avait vu qui
fussent antérieures au règne d'Auguste. La plus ancienne
qui, à ma connaissance, y ait été découverte, date de ce
règne : elle a été trouvée , cette année, à Haule-Sombre où ,
en 1861 , on avait ramassé une petite monnaie d'argent de
Louis-le-Débonnaire, qui est au musée de Boulogne.
LISTE
DES OBJETS PROVENANT DES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES
Faites à Wissant ,
Oo qui ont été tronvés, soit dans ce village, soit à Audenibert , soit à Hervelinghen.
EN 1861.
DUNES DE WISSANT.
Une pièce de monnaie d'Edouard III, roi d'Angleterre;
Un petit poids , dit angelot ;
Trois jetons, dont deux montrent d'un côté trois fleurs
de lis ; autour, on lit : ave maria gratia plena ;
Un méreau en cuivre (prélat avec la mitre et la croix) ;
Liard de France ;
SUR DES FOUILLES FAITES A WISSANT. 385
AD LIEU DIT LES CROQUETS.
j£. Plusieurs vases ( pots ou soucoupes ) semblables à ceux fi-
gurés dans Y Archéologie céramique de l'abbé Cochet comme
étant des trois premiers siècles de l'ère chrétienne;
Une monnaie de Posthume ;
Nota. — Une fibule romaine a élé trouvée auprès du même lieu.
E1ST 1863.
AU GAZE-VERT.
Deux pièces de monnaie, dont une portant la date de 1640 ;
un liard du XVIe. siècle ;
Une coquille de pèlerinage ;
Un bout d'éperon ;
Un bouton en cuivre ;
Un petit marteau en fer;
Un morceau de verre.
AU LIEU DIT LES CROQUETS.
Un pot en terre grise, contenant des restes de charbon de
bois et des cendres. Hauteur, 15 c. ;
Une soucoupe en terre rouge. Largeur, 19 c. avec les
bords; hauteur, 18 c, sans les bords ;
Un pot en terre grise. Largeur, avec les bords, 12 c. 60 m. ;
sans les bords, 8 c. 49 ;
Une soucoupe en terre rouge ;
Un pot en terre grise. Hauteur , 15c; largeur , avec les
bords, 11 c; sans les bords, 9 c;
Un pot en terre grise. Hauteur ,13 c. ; largeur , avec les
bords, 9 c. ; sans les bords, 6 c. ;
On a ramassé à côté : un clou;
Soucoupe en terre rouge ;
Pot en terre noire, un peu ébréché. Hauteur, 8 c. 1/2;
25
386 CONGKÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Morceaux de cuivre rouge , ramassés à côlé d'ossements
calcinés ;
Pièce de monnaie romaine trop fruste pour qu'on puisse
en faire l'attribution.
BASSE-SOMBRE OC AUPRÈS.
Deux pièces romaines, dont une est de l'empereur Adrien,
l'autre fruste ;
Une baronniale.
HAUTE-SOMBRE OU AUPRÈS.
Deux pièces romaines :
Moyen- bronze : A. Tète laurée d'Auguste, profil à
gauche. Légende : Divvs avgvstys s.c. R. L'empe-
reur assis. Légende : consensv sénat, et eq. ;
Petit-bronze : A. Tète diadéméc. constantivs p.f.avg.
R. Guerrier avec la haste et le bouclier. — Au milieu
d'eux, une enseigne militaire sur laquelle on voit un M ;
Pièce de monnaie en argent avec une croix pattée ;
Pièce de monnaie française du XVIe. siècle.
MOTTB DC MONT-DE-COUPE,
où est la baraque du Génie, commune d'Audembert.
Trois monnaies romaines :
1 ". A. Tête laurée de Néron. Légende : imp. nero caesar
avg. R. pontif max irt imper P p. — Néron jouant
de la lyre ;
2°. A. Tôle laurée de Néron : imperator caesar avg.
R. maximvs. tr. p. p. p.;
3°. Celle-ci était trop fruste pour en faire l'attribution.
MOTTE DU MONT-DE-COUPE SUR HERVELINGHEN.
Fibule trouvée dans le voisinage.
OBJETS TROUVES DANS LE TUMULUS DE PONCÉ.
M. de La ïourette ayant remis au Congrès les esquisses
des principaux objets trouvés dans le tumulus décrit par lui
(Voir la page 154 du Compte-rendu), la Société française a
fait graver ces objets et les présente ici.
OBJETS TROUVÉS DANS LE TUMULUS DE PONCÉ, PISES LOt'DUN,
388 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
IHJOî.X DU TBM'JLUS DE PONCÉ, TKLS QC'lLS 0\T ÉTÉ TROUVÉS RÉUNIS PAT. L;N iNNEAC.
OBJETS TROUVÉS DAPsS LE Tl'MDLt'S DE PONCÉ. 389
x/v£v
BUOIX DU TliMliaS DE PONCÉ.
390 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
BIJOUX TROUVÉS DANS LE TUMILUS DE PONCE.
CONGRÈS AKCHÉOLOGIQUE
DE FRANCE.
XXIXe. SESSION.
f«3SS^P«*-3-
SECONDE PARTIE TENUE A 'LYON,
LIS 18 SEPTEMBRE I86« ET JOURS SUIVANTS.
1". Séance dn is septembre
PROMENADE DANS LYON.
Le 18 septembre , à huit heures du matin , les membres
du Congrès, après s'être réunis au Palais-St. -Pierre, se sont
diriges par le passage Gay vers la colline de Fourvières (Voir
la page suivante). En traversant les jardins, il a été remarqué
divers objets antiques, marbres, fragments de mosaïques,
ayant peu servi , à en juger par l'état des petits cubes de
marbre qui en forment la contexture. Ils ont h centimètres
de longueur sur 1 centimètre de base.
Près du sommet du coteau, on est entré par une brèche
dans un canal d'aqueduc antique, souterrain d'une déclivité
très- prononcée dans la direction du centre de la ville. Il est
dallé en briques, voûté en pierres et revêtu , jusqu'à la hau-
teur de 1 mètre environ, d'une couche de ciment rouge épaisse
de 2 centimètres.
Après s'être reposé quelques instants pour contempler
;92
CONGRÈS ARCHÉOr.OGfOUE DE FRANOF.
XXIX'. SESS[0N , A LYON. 393
l'admirable vue dont on jouit de ce point , on a suivi à la
chapelle de Fourvières M. l'abbé Le Petit, secrétaire-général
de la Société française d'archéologie, qui y a célébré la messo
en présence du Congrès.
L'inspection s'est continuée parles piliers, encore existants,
des grands aqueducs qui réunissaient sur le coteau les eaux
amenées du Monl-Pilat et de divers autres points du plateau
Occidental. On a examiné avec intérêt la dimension de ses
arches , l'appareil réticulé du parement divisé en zones par
des lits de briques. La rue qui descend en cet endroit est
bordée de murs, dans lesquels sont enchâssés un très-grand
nombre de blocs de granit poli ayant servi de pavage. On
est porté à en conclure que cette rue est antique et a peu
changé de direction depuis l'ère romaine.
L'hospice de l'Antiquaille a reçu les visiteurs; mais ils ont
été contrariés de ne plus y retrouver les constructions an-
tiques que plusieurs auteurs ont décrites et que l'on voyait
encore il y a peu d'années. Des travaux divers , des con-
structions municipales et autres ont caché ou détruit ces
précieux restes.
Le même désappointement les attendait dans la crypte de
St.-Irénée qu'on restaure , qu'on badigeonne , et dont on
remplace les piliers par des colonnes de marbre poli.
L'église cathédrale de St. -Jean n'a pu fournir d'observa-
tions utiles à l'intérieur, car elle était tapissée des tentures que
nécessitaient les obsèques du maréchal comte de Castellane.
L'ancienne façade de la Monécanterie a paru être d'une
époque plus reculée , peut-être , que celle qu'on lui assigne
généralement. Les bases droites des colonnes, l'épaisseur des
tailloirs, le long biseau des consoles confirment cette opinion.
Si la Monécanterie date du XIIe. siècle , rien ne s'oppose à
ce que plusieurs pierres, les colonnes entr'aulres, soient an-
térieures à cette date.
39/j CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Les regards se sont ensuite désagréablement arrêtés sur
la nouvelle toiture de la cathédrale, à laquelle le Congrès n'a
pas donné son approbation.
L'église St.-Martin-d'Ainay a été ensuite visitée , malheu-
reusement en l'absence de son savant curé. M. Roué, qui
n'a pu nous expliquer ses plans et ses restaurations , qui
sont dirigées par M. Questel. On a admiré encore une fois
l'autel doré et les peintures murales de Flandrin, tout en
regrettant que des vitraux trop sombres empêchent d'en
apprécier tout l'effet.
L'Assemblée s'est séparée en se donnant rendez-vous, pour
le soir, au palais St. -Pierre
Le Secrétaire,
P. Canat de Chizy.
2e. Séance du 18 septembre
Présidence de M. de Surigny.
Siègent au bureau : MM. de Cawnont, Challe, d'Auxerre ;
Bouillet, de Clermont-Fe; rand ; l'abbé Le Petit, secrétaire-
général de la Société ; Gaugain , trésorier de la Société.
M. P. Canat de Chizy remplit les fonctions de secrétaire.
M. le Trésorier fait connaître la liste des membres inscrits,
dont un grand nombre sont présents. Celte liste comprend
85 noms, savoir :
MM. Palustre de Montifault, des Deux-Sèvres.
Le Dr. Pailhoux , de la Côte-d'Or.
Mmc. Pailhoux , id.
Bulliot , d'Autun.
de Charmasse , id.
L'abbé Pichot , curé de Sermerieu (Isère).
Lacroix , de Mâcon.
Joseph Seguin, d'Annonay ( Ardèche).
XXIXe. SESSION , A LYON. 395
François Le Normand , de Paris.
de Saint-Andéol, de Moirans (Isère).
Marquis de Sieyès, de Valence.
Valcntin Smith , de Lyon.
Le comte de Soultrait , id.
Baruffi , de Turin.
3Iorin-Pons , de Lyon.
Gustave Vallier, de Grenoble.
Desjardins , de Lyon.
Dupasquier , id.
F. du Bourg , id.
Bernard de Varax , de Saône-et-Loire.
Edouard Blanc , de Lyon.
L'abbé Boue , curé d'Ainay (Rhône).
Le Dr. de Brye, à Vienne ( Izère).
Dergny , de Grancourt (Seine-Inférieure).
GeorgesDEROMBOURG.de Lyon.
Dubois-Mammès , ancien juge au Tribunal de com-
merce de Lyon.
Dareste de La Chavanne, de Lyon.
Charles-Antoine Fraisse, membre de l'Académie, id.
Henri Fazy, conservateur du musée , à Genève.
Guillard, chef d'institution, à Lyon.
Emile Guimet, id.
Humrert fils , architecte.
L'abbé Jolirois , curé de Trévoux.
De Lagrevol, de Lyon.
Laforest, notaire, id.
Lefervre , receveur général , id.
Lerlanc , professeur au collège de Vienne (Isère ).
Millocheau , de Saumur.
Martin-Daussigny , conservateur des musées de Lyon.
L'abbé Martin , curé de Foissia.
396 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Mottard, à Lyon.
Peladan , directeur de la France littéraire, id.
Honoré Pallias , id.
Léonard Périer , sculpteur , id.
Dr. Richard, id.
Savy , architecte, id.
Paul de Saint-Olive , de Lyon.
Gabriel de Saint-Olive, id.
Charles de Saint-Victor , id.
d'LJxeloup de Rosemont , id.
ViNGTRiNiER, imprimeur, directeur de la Revue du
Lyonnais.
Vaganay , de Lyon.
L'abbé Bugniot, aumônier de l'Institution ecclésias-
tique, à Chalon-sur-Saône.
Le Dr. Cattois , de Paris.
Alphonse Coste , négociant, à Roanne ( Loire).
L'abbé Dard, curé de Bénissons- Dieu (id. ).
Léon Dehon , avocat , à Paris.
Henri Gonnard , employé à la Recelte générale , à
St. -Etienne.
Le vicomte de Meaux , au château d'Ecelay (Loire).
Pierre Martin , architecte , à Lyon.
Joseph Palluart de Besset , à St. -Etienne (Loire).
Mme. de Quêrangal, à Vienne ( Isère).
Robichon , à St. -Etienne.
Charles de Souvigny, de Poitiers.
Testenoire-Lafayette , notaire honoraire, à St.-
Étienne,
Le comte André de Varax, au château de Montcoy
(Saône-et-Loire).
Louis Vier , adjoint au maire de St.-Étiennc.
Noelat, docteur-médecin, à St. -Haon-le-Châtel (Loire).
XXIXe. SESSION, A LYON. 397
M. de Caumont donne lecture du programme des ques-
tions ; le secrétaire inscrit les membres qui doivent les
traiter oralement ou par écrit.
M. de Surigny demande qu'il soit fait des communications
orales , de préférence à des lectures.
M. de Caumont explique que le compte-rendu des séances
devant être publié dans le volume des comptes-rendus an-
nuels, à la suite de ceux de Saumur , il est bon que les
auteurs puissent déposer leurs manuscrits , sauf à faire, s'ils
le veulent , un exposé verbal toujours plus intéressant
qu'une lecture.
M. de Saint-Andéol présentera un exposé de l'architecture
religieuse en France depuis le Ier. siècle jusqu'au XIIe.
M. de Caumont demande s'il y a quelques documents
préparés au sujet des Assemblées nationales qui avaient lieu
à Lyon, au mois d'août, sous les Romains.
M. Martin-Daussigny répond qu'il n'a rien de bien complet,
mais qu'il pourra sortir quelque lumière de la discussion
qui aura lieu sur les monuments du musée lapidaire.
M. de Caumont demande à quel point est le mouvement
artistique dans la province lyonnaise.
M. Vays répond que le développement en est remar-
quable et qu'il en sera parlé.
M. Vingtrinier donne lecture d'un travail relatif à l'occu-
pation du pays lyonnais'par les Sarrazins.
SUR L'INVASION DES SARRAZINS
DANS LE LYONNAIS,
Par M. Vingtrinier.
Un des événements les plus graves de l'histoire de France,
dont les conséquences ont failli changer non-seulement la face
398 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
de notre pays , mais de la chrétienté tout entière , l'enva-
hissement du pays des Visigoths et des Francs par les conqué-
rants arabes , a été si peu ou si mal décrit qu'on ne sait au-
jourd'hui où conquérir des détails de celte épopée, et que
tout manque à l'investigation du savant.
Un samedi delà fin d'octobre 732, dit Henri Martin , le 3
octobre 732, disent quelques autres écrivains, Abdérame fut
vaincu , dans les plaines de Poitiers , par le célèbre chef aus-
trasien Charles-Martel; la déroute des Arabes fut affreuse;
leur camp, rempli de richesses, fut pillé, et eux-mêmes
eurent une peine infinie à regagner Narbonne ou à traverser
les Pyrénées ; pour ce premier fait , c'est à peu près tout :
Arabes et chrétiens gardent sur cette défaite un prudent si-
lence. Et cependant la France était sauvée , le christianisme
restait possesseur du continent européen , et la fortune du
Prophète avait reçu un échec dont la honte ne devait jamais
s'effacer.
On sait encore vaguement que Lyon, Màcon, Autun furent
pris et ravagés; que la ville d'Auxerre eut le même sort, que
sa citadelle résista ; enfin que l'archevêque de Sens repoussa
et mit en fuite les envahisseurs ; mais là aussi les dates précises
et les détails nous fout défaut. D'ailleurs, le vaillant prélat
n'eut-il affaire qu'à une troupe de fourrageurs traversant la
France par l'Aquitaine et l'Orléanais avant le désastre de
Poitiers, et venue, par hasard, se heurter aux murs de sa
petite cité, comme l'avance M. Henri Martin (1); ou eut-il à
repousser cette armée formidable d'Alhim et d'Amorrhée (2),
venue , quatre ans plus tard , par la vallée du Rhône , pour
(1) Hist.de France, t. II.
(2) o L'émir Othman, YAdiima des chroniqueurs.... l'émir Omar ,
VAmor de nos chroniqueurs. » (Henri Martin . Hist. de France , t. II ;
Rejnaud, Invasions des Sarrazins.)
XXIXe. SESSION , A LYON. 399
attaquer les Francs au centre de leur puissance , comme le
soutiennent nos vieux chroniqueurs bourguignons ? Les
Arabes, qui devaient atteindre bientôt à une si haute civili-
sation , vinrent-ils en conquérants ou en ravageurs ? vou-
laient-ils piller ou coloniser? Détruisirent-ils, dès leur pre-
mier choc, toutes les cités qu'ils trouvèrent sur leur passage
ou ne s'attaquèrent-ils qu'aux biens du clergé ? Les avis
sont partagés, ou plutôt l'histoire moderne n'a pas d'avis. Nul
écrivain ne paraît attacher quelque importance à ces détails.
Moins dédaigneux , nous allons essayer de nous prononcer ,
et dès l'abord nous ne cacherons point nos sympathies pour
nos vieux chroniqueurs , et cela uniquement parce qu'ils
habitaient le pays où ces terribles événements se sont passés.
L'histoire écrite au fond d'une bibliothèque , avec l'aide
de copistes et de collectionneurs qui cherchent des dates et
vous préparent vos matériaux , pourra bien briller par un
plan vaste , une philosophie sévère , un style magique et des
qualités d'ensemble qui assurent la vogue à votre ouvrage et
l'immortalité à votre nom ; mais si les grands faits sont
rapportés d'une manière satisfaisante , combien de détails
vous échappent ! combien d'erreurs vous répétez avec vos
devanciers (1) ! Aujourd'hui, la science commence à vouloir
visiter elle-même les lieux qu'elle décrit. Elle suit pas à pas
la marche des armées, cherche le gué des rivières, tourne
le flanc des montagnes et voit pourquoi telle invasion s'est
arrêtée. Des hommes spéciaux font l'histoire d'une cité ou
(1) « Le P. Berthaud et le P. Perry placent l'irruption des Sarrazins
en Bourgogne en 719 et 720. Ces dates sont certainement inexactes. »
( Fouque, Hist. de Chalon-sur-Saône. )
C'est, à son tour, victime d'une profonde erreur que Victor Fouque,
dans son Histoire de Chalon-sur-Saône , prétend que la Bourgogne
fut envahie de toutes parts par les Sarrazins , commandés par leur roi
Abdérame.
ÙOO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
d'une province et, en face d'un champ de bataille, com-
prennent le choc des bataillons , voient fuir les vaincus ,
campent ou marchent avec les vainqueurs. La chronique du
château explique celle de la contrée , la tradition vient en
aide aux documents écrits ; l'histoire provinciale se forme ,
et , sous le contrôle de l'homme du pays qui a vu , l'histoire
générale se complète ou se rectifie , l'obscurité se dissipe, et
le savoir patient trouve enfin la vérité.
Pour connaître ce qu'a été le séjour des Sarrazins dans
nos contrées , il faut , non pas consulter les érudits , surtout
ceux qui ont écrit loin de nous , mais aller de chaumière en
chaumière , des marécages de la Dombes aux flancs escarpés
du Jura. Là, tout vous rappellera le passage, les triomphes
ou les défaites de ces guerriers que le fanatisme amena du
fond des déserts de l'Asie, et dont la grande histoire a si
bien perdu les traces qu'elle ne sait plus où les trouver. Une
lettre de Leidrade à Charlemagne nous apprend qu'il relève
les monastères détruits par les Sarrazins ; la Chronique de
l'abbaye d'Ambronay atteste que le monastère , fondé par
saint Maur, l'église consacrée à la Sainte-Vierge et la statue,
objet de la vénération des fidèles , ont été renversés par les
païens. Ces païens n'étaient pas les Hongrois venus deux
siècles plus tard , puisque saint Barnard avait déjà , en 803 ,
reconstruit la chapelle et le couvent. L'histoire de Lyon nous
apprend que les recluseries de la Platière et de St. -Clair, les
églises de St. -Georges et de St. -Paul, les abbayes déjà cé-
lèbres de St. -Pierre et de l'Ile-Barbe étaient tombées sous les
coups des sectateurs du Coran ; mais ni M. Henri Martin ni
nos autres historiens ne nous disent quel fut le sort des
armées musulmanes après les derniers triomphes de Charles-
Martel ; M. Reinaud ne croit pas que des tribus sarrazines
aient pu rester parmi nous , et M. Pilot met au nombre des
fables la prise de Grenoble par les Maures et la présence de
bandes sarrazines dans les montagnes du Dauphiné.
XXIX'. SESSION , A LYON. ftOl
Quant à nous qui, au fond de nos vallées, avons vu ces
familles au teinl brun, aux coutumes bizarres, au nom sans
contredit oriental , et qui se disent elles-mêmes d'origine
arabe, nous croyons qu'on pourrait compléter ce que l'histoire
ne dit pas, ou rectifier ce qu'elle avance d'erroné. Les tribus
arabes n'ont pas regagné l'Espagne , et cependant elles n'ont
pas été anéanties par les Francs. Poursuivies par un ennemi
supérieur, elles ont traversé la Saône et se sont réfugiées
dans les marécages de la Dombes , les forêts de la Bresse ou
les gorges escarpées du Jura et du Dauphiné; la preuve, c'est
qu'elles y sont encore. Si l'homme qui écrit l'histoire d'un
peuple ne peut approfondir tous les faits, si l'écrivain systé-
matique nie , de parti pris , ce qui lui paraît singulier ou
bizarre , c'est aux esprits moins vastes ou moins entiers à
descendre dans ces infiniment-petits qui auront peut-être
aussi un jour leur utilité et leur importance.
Battus à Poitiers, qu'ils traversaient en allant s'emparer du
trésor de saint Martin , et bien avant d'avoir atteint cette
Neustrie qu'on leur avait dite si opulente et si bonne à ra-
vager (1), les Arabes et les Berbers , âpres à la conquête,
(1) « L'Espagne fut donnée pour la seconde fois a Abdoulraliman-
Ben-Abdoullah-el-Gafiki , l'année de l'hégire 113, et la neuvième du
califat d'Accham (13V... Dès que celte révolte fut dissipée, Abdoul-
rahman résolut de porter la guerre au dehors et d'occuper les Arabes...
Il se jette dans l'Aquitaine, passe la Garonne et s'empare de Bordeaux...
Il traverse le Périgord, la Saintonge, le Poitou... Il pénètre jusqu'à
Tours... Eudes implore le secours de Charles-Martel. Ce prince, juste-
ment alarmé du danger commun, marche contre les Arabes avec toutes
les forces de la Germanie, de l'Auslrasie, de la Bourgogne et de la
Neustrie. » (Cardonne, Hist. de l'Afr. et de CEsp. sous la domination
des Arabes ).
« Les Barbares essayèrent même de se venger, sur les provinces de
Charles-Martel , de la défaite que ce grand capitaine leur avait fait
essuyer quelques années auparavant. Leurs détachements, occupant de
20
402 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
avides de pillage et ardents à se venger, après avoir, pendant
quatre ans, réparé les désastres de leur défaite, attaquèrent
le pays des Francs par la partie orientale , plus facile à en-
vahir. D'immenses renforts, accourus de l'Afrique et de l'Asie,
avaient couvert l'Espagne , franchi les Pyrénées et s'étaient
répandus dans cette Septimanie où déjà plus d'une fois les
Yisigoths leur avaient tendu la main (1). Organisés en vue de
toutes les prévisions; accompagnés de leurs femmes et de leurs
troupeaux comme pour coloniser (2), mais surtout fiers d'une
cavalerie nombreuse et sans égale , les Arabes remontèrent le
cours du Rhône sans presque livrer de combats (3). La Bour-
nouveau Lyon, envahirent la Bourgogne.» (Rbinaud, Invasion des
Sarrazins. )
On voit que l'envahissement de la Bourgogne suivit la bataille de
Poitiers et ne la précéda pas.
(1) Entreprenans la guerre d'un grand cœur (les Visigoths) appe-
lèrent en leur ayile les Sarrazins, encores ennemys des François, pour
raison de la perte qu'ils avoient receu devant Tours. Ainsi tous ensemble
viennent passer le Rhône... et tirant outre prindrent quasi toute la
Bourgongne. » (Guillaume Paradin, Annales de Bourgogne.)
« Alhatan... leur avoit commandé... de venger Abdérame et de se
souvenir incessamment de la bataille de Tours. Les chefs qu'il leur
donna furent Athin et Amorrhée, qu'il jugea capables d'un si grand
employ... Nulle esglise ne fut espargnée. Lyon, Mascon, Auxerre et
toutes les villes de la Bourgongne, jusqu'à Sens, furent saccagées. »
(Chômer, Hist. du Dauphiné. )
(2) « Le témoignage des plus anciennes chroniques nous assure que
les Arabes, en franchissant les Pyrénées, entraînaient après eux leurs
femmes et leurs enfants, comme s'ils eussent eu le dessein formé de
s'établir sur ce sol nouveau pour eux. » (Noël Desvergers, L'Arabie,
p. 342.)
« Sarraceni cum uxoribus et parvulis venientes...» (Warnefrid, HisU
Longobard.)
(3; « Au moment de ce vaste choc , les Arabes , encore dans la pre-
mière ferveur de l'Islam, avaient plus d'humanité, de moralité, de
lumières que les Franks. » (Henri Martin, Hist, de France, t. IL)
XXIX". SESSION, A LYON. 603
gogne , écrasée par le despotisme et l'avidité des Francs, ou-
vrit ses portes aux musulmans qu'elle reçut comme des libé-
rateurs (1). Le clergé seul protesta contre les propagateurs
d'une religion nouvelle , et le clergé seul eut à subir les lois
de la guerre avec une impitoyable rigueur. Les Juifs surtout
firent cause commune avec les musulmans, et leur influence
puissante dans toutes les cités ne contribua pas peu à faci-
liter l'envahissement du pays (2). A Loudun, comme ils ap-
(1) « La Bourgogne paya chèrement sa résistance aux prétentions de
Charles : ce royaume fut partagé entre ses partisans les plus dévoués.
Les Bourguignons furent exclus de toutes les magistratures et subirent
les conséquences d'une invasion étrangère. » (Fouqie, Hist. de Chalon-
sur-Saône.)
o Les bandes teutoniques commirent sans doute, dans celte expé-
dition, de bien grandes violences, et les leudes franks ou germains ,
qui avaient dépossédé les comtes romains ou burgondes, exercèrent
une bien brutale tyrannie; car il s'alluma contre le règne des Franks
des haines qui ne tardèrent pas à éclater de la manière la plus étrange. »
(H. Martin, Hist. de France, t. IL)
« 737. — Comme Martel estoit usurpateur, chaque gouverneur
croyoit avoir droit de lui désobéir et Iranchoit du souverain. Mauronte,
gouverneur de Marseille, afin d'establir son indépendance, appela le
secours des Sarrazins et leur livra la ville d'Avignon, d'où ils s'espan-
dirent dans le Dauphiné, le Lyonnois et, s'il est croyable, même jusqu'à
Sens. » (Mézeray, Hist. de France, t. I, p. 131.)
« Les chefs des Bourguignons se flattèrent de recouvrer leur indé-
pendance en favorisant l'invasion des Sarrazins. » (Lateysonmkre,
Recherches hist. sur le département de l'Ain).
(2) o Les Juifs étaient très-nombreux, très-riches et très-forts dans
les villes septimaniennes , et ils secondaient partout la conquête arabe
de leurs intrigues en représailles des lois tyranniques portées contre
eux. » (Henri Martin, Hist. de France, t. II.)
« L'évêque Agobard écrivait à l'archevêque de Narbonne, Nibridius :
«Dieu mercy, il n'y a plus de païens en ce pays, mais il y a quantité de
Juifs qui demeurent en cette ville et sont répandus dans tous les lieux
circonvoisins. » (Menestrier, Hist. cons., p. 216.)
ftO'l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
pelaient Lyon , les musulmans s'emparèrent des biens de
l'Église, renversèrent les couvents (1) , mais respectèrent la
population ; le culte extérieur seul fut défendu, les mœurs et
les lois furent conservées (2). Suivant leur tactique, et pour
(1) « Les Sarrazins, dans leurs invasions, avaient dévasté la plupart
des églises et des couvents et avaient aliéné les biens affectés à ces
établissements. » (Reinaud, Invasions des Sarrazins.)
« Van 732? Les Sarrazins entrent en Bourgogne, ruinent Autun
jusque dans ses fondements. L'église de St.-Nazaire fut brûlée avec
tous les titres et papiers. Le monastère de St.-Martin , fondé par la
reine Brunehaut et où elle reçut la sépulture, fut pillé et détruit ; celui
de St.-Jean-le-Grand eut le même sort. » (Edme Thomas, Hist.
d'Aiitun.)
(2) « Les villes qui avaient capitulé conservèrent leurs comtes, golhs
ou romains, leurs lois nationales et l'exercice de leur culte dans l'in-
térieur des églises, mais à condition de recevoir des garnisons musul-
manes, de payer le kharad , tribut annuel qui variait du dixième an
cinquième des revenus fonciers, et peut-être de livrer leurs chevaux
et leurs armes, ainsi que les trésors de l'Église. Les domaines de la
couronne et des citoyens morts en combattant les musulmans furent
confisqués, probablement avec la majeure partie des biens de l'Église. »
(Henri Martin, Hist. de France.)
« L'exercice libre de la religion chrétienne était garanti dans l'inté-
rieur des églises. Toute église existante devait être conservée; mais il
n'en pouvait point être bàli de nouvelles sans l'autorisation du chef
musulman. — Les lois anciennes du pays étaient maintenues. • (Hugo,
France monument. , p. 232.)
a Les conditions imposées par les généraux musulmans aux villes
conquises n'étaient ni trop onéreuses, ni trop humiliantes, comparées au
sort qui, à cette époque de barbarie, pesait sur les habitants des villes
tombées au pouvoir d'ennemis chrétiens comme eux. » (Hugo , France
monument., p. 232.)
« Dans les cérémonies publiques, à Messine, on déployait deux éten-
dards. Le premier, qui appartenait aux Sarrazins, représentait une
tour de couleur noire sur un champ vert; le second, qui servait aux
chrétiens, portait une croix d'or brodée sur un champ rouge. » (Ebn-
Kmaldoi.n, Hist, de l'Afrique...)
XXIXe. SESSION , A LYOX. /j05
ne pas affaiblir leur année, les Arabes confièrent la garde de
la cilé aux Juifs et à quelques seigneurs bourguignons, et,
comme force morale, laissèrent un poste de cavaliers autour
du drapeau musulman. Ici, particulièrement , l'histoire est
muette, mais la tradition parle, et grâce à elle on peut encore
suivre le fil des événements.
Lyon était déjà une ville puissante qui, en se soulevant,
aurait pu écraser même une forte garnison. Il n'eût pas été
prudent de confier à son incertaine amitié la vie ou la liberté
des soldats laissés à la garde du drapeau ; mais Lyon est
arrosé par deux larges fleuves; des collines l'entourent : sur
quel point dut s'établir le poste arabe qui devait maintenir
la paix de la cité , assez près pour savoir les nouvelles , assez
loin pour ne pas être envahi par la révolte ? Les livres ne le
disent pas, mais les gens de la campagne le savent, et c'est
d'eux que nous l'avons appris.
Plus haut que la vieille ville gauloise , assise entre le
premier confluent de ses deux fleuves ; plus haut que le
faubourg moderne de la Croix-Rousse , qui n'existait pas
alors, la montagne allongée que le Rhône et la Saône
entourent perd de sa largeur ; on dirait que les deux fleuves
amoureux, impatients de s'embrasser, ont fait un effort pour
s'unir avant d'avoir à baigner les murs de la ville ; en cet
endroit fut jadis une villa romaine; aujourd'hui, un riche
et gracieux village y répand ses maisons. Un double chemin
descend d'un côté au Rhône, de l'autre à la Saône; le Mont-
ci Abdouliih, conformément à la loi mahométane, et pour éviter l'effu-
sion du sang, offrit la paix à Grégoire en lui donnant à choisir d'em-
brasser l'islamisme ou de se rendre tributaire du calife, o ( Caudonne ,
Hist. de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes.)
u On sait que de tout temps l'islamisme offrait aux vaincus deux partis :
embrasser la foi musulmane ou payer tribut aux vainqueurs. » (Ee.n-
Kbaldoun.)
606 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
d'Or s'étend vis-à-vis , comme un rideau. On a nommé
Caluire , c'est là que s'élevait le drapeau du Croissant.
Le camp arabe, gourbis ou tentes, était là , en effet, dans
une admirable position , non loin des rivières , à l'abri de
toute insulte, dominant l'espace, et prêt à s'envoler au rapide
galop de ses coursiers si un danger sérieux l'eût menacé. Un
conquérant, voulant garder Lyon avec une poignée de soldats,
ne pourrait choisir un meilleur emplacement ; et , en effet ,
aujourd'hui même, c'est non loin de Caluire que le gouver-
nement français a établi le camp qui lui répond de la cité ,
sur l'emplacement où jadis Albin avait campé ses légions.
Romains , Français , Arabes , peuples au génie militaire ,
ont compris que Caluire est la clef de la ville; la topographie
n'a pas changé , le secret est resté le même ; c'est toujours
de là qu'on dominera Lyon.
Nous n'avons pas de preuves écrites de ce que nous
avançons, mais le mamelon escarpé qui domine la campagne
des Brosses , au levant de Caluire , s'appelle la butte des
Sarrazins ; le chemin qui descend au Rhône à travers les
Brosses s'appelle la voie des Sarrazins ; à une faible distance
de là, au nord-est, se trouve la ferme des Sarrazins.
Les Arabes et les Berbers envahirent la Burgondie , et ,
avides de conquêtes , fidèles à leur mission de convertir le
monde , ils se dirigèrent vers le nord à la recherche des
soldats de Charles- Martel. L'armée des Francs vaincue,
l'Europe appartenait au Croissant : c'en était fait de la chré-
tienté , et le rêve des musulmans de rentrer dans leur patrie
par Constantinople s'accomplissait; mais avant de rencontrer
les fiers soldats de l'Austrasie , les Arabes trouvèrent un
ennemi bien plus puissant que les Francs , plus terrible que
ces géants couverts de fer qui les avaient vaincus à Poitiers ;
ennemi dont les historiens n'ont jamais parlé, qui arrêta leur
élan , brisa leur vigueur , dompta leur courage et méritait
XXIXe. SESSION, A LYON. 407
cependant d'être signalé pour avoir, mieux que la massue de
Martel, protégé le sol gaulois contre la nuée de ses envahis-
seurs.
Lorsque le peuple de Dieu prévariquait , lorsqu'il épousait
des femmes infidèles et encensait les idoles, l'esprit divin
se retirait de lui, ses chefs étaient frappés d'aveuglement , et
il était livré sans pitié à la fureur des Amalécitcs et des Phi-
listins. Lorsque les enfants du Prophète eurent prévariqué à
leur tour, lorsque la loi la plus formelle du livre sacré eut été
violée dans les caves profondes de la Bourgogne ; que le vin
eut coulé dans leurs festins , que les tables n'eurent plus
horreur de se charger des viandes impures et maudites de la
Séquanie, que les lèvres des vrais croyants eurent savouré la
chair immonde des porcs du pays des Éduens , c'en fut fait
du fanatisme guerrier des conquérants : la gloire du Croissant
s'éclipsa, l'amour du prosélytisme s'éteignit. Ne cherchez pas
ailleurs la cause de la défaite des Arabes : la foi n'y était plus ;
leur élan incertain ne put emporter la citadelle d'Auxerre ,
et il vint mourir contre les faibles remparts de la ville de
Sens.
Alors, des bruits sinistres circulèrent au milieu des tribus.
La jalousie, qui avait toujours régné entre les Asiatiques et les
Africains, se réveilla plus active et plus ardente que jamais.
Les Berbers', les premiers, déclarèrent qu'ils se contentaient
des biens de la terre , et que d'autres pouvaient porter la
semence de la parole jusque dans les neiges d'Upsal , dans
ces lieux reculés et inconnus où Odin était encore adoré
comme un dieu (1). Alors l'archevêque Ebbon n'eut qu'à se
(1) « Il s'éleva des disputes entre les Arabes de Damas et ceux de
l'Arabie-Heureuse , entre les Berbers et les Modavites, et ils se firent
une guerre cruelle, s (Hidjazi, Mesheb.)
« La vérité est que les Berbers sont un peuple bien différent des
408 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
montrer à la tête de ses guerriers : l'effroi des grandes forêts
-de la Gaule du nord , le souvenir des frais coteaux de Dijon
et de Nuits firent tourner la tête en arrière aux cavaliers qui
avaient bravé le simoun , traversé l'Afrique brûlante , et qui
devaient au départ conquérir le monde (1). Leurs escadrons
légers se répandirent sur les bords de la Saône , et , quand
Childebrand vint à marches forcées, par le centre de la France,
couper les renforts qui remontaient le Rhône, il y avait long-
temps que l'armée d'Athin et d'Amorrhée n'était plus un
danger pour les chrétiens.
Mais que faire de ces hordes souillées , de ces tribus qui
n'avaient plus de musulman que le nom ? Les ramener en
Espagne , en Afrique , en Arabie , peut-être ! Montrer aux
croyants de Médine et de Damas l'épouvantable spectacle
de musulmans ivres de vin ou gorgés des graisses impures
des troupeaux de la Séquanie ! Un sacrifice était nécessaire ,
il fut ordonné. L'influence occulte, mais toute-puissante des
marabout et des imans , profita des divisions qui régnaient
entre les Arabes et les Berbers; l'armée fut condamnée à
périr, et chaque scheik, chaque émir dispersa ses cavaliers
dans les forêts de la Haute-Bourgogne, les marécages de la
Dombes, les rochers du Bugey et du Dauphiné (2), au milieu
Arabes, excepté peut-être les tribus de Sanbadjab et des Ketemah,
qui, selon moi, doivent être regardées comme parentes et alliées des
Arabes. Mais Dieu le sait. » (Histoire de l'Afrique sous la dynastie des
Aghtabites, par Ebn-Khaldocn.)
(1) <• Se sentans estre entrés trop avant en France et craignans
d'estre enclos, retournèrent en mesme hastiveté qu'ils estoient venus
et retournant en arrière aschevoyent de brusler et détruire ce qui
estoit demouré entier, à ce que Charles-Martel ne trouvas! rien d'entier
après eux... Ainsi fut toute la Bourgongne mise en ruines par les Visi-
golhs et par les Sarrazins. » (G. Paradin, Annales de Bourgogne.}
(2) m Ravagée par les Huns, les Ostrogoths, les Bourguignons, les
Lombards et les Sarrazins... la Maurienneest peut-être, de toutes nos
XXIX". SESSION , \ LYON. M9
desquels , trois cents ans plus tard , les exilés vivaient encore
à l'état de nation à part , de peuple séparé et maudit, avec
ses lois, sa religion, ses mœurs, et où, aujourd'hui même, on
les retrouve avec étonnement soit organisés en villages, soit ,
plus souvent, comme familles maintenues intactes, sans mé-
lange avec leurs voisins , et ayant conservé sinon le culte ,
du moins le type physique et moral de la race à laquelle
appartenaient leurs pères.
Lorsque Childebrand eut accompli sa mission et campé
avec l'avant-garde des Francs sur les bords du Rhône , que
l'approche de Charles-Martel eut été signalée par toutes les
voix de la renommée, la fureur des musulmans se réveilla, et
ils brûlèrent toutes les cités au milieu desquelles ils purent
promener leur vengeance. Alors eurent lieu ces atrocités qui
remplirent d'effroi les populations ; alors on vit ces dévasta-
tions dont les siècles ont eu de la peine h guérir les blessures,
mais dont ils n'ont pu effacer le souvenir.
Parmi les lieux où on peut retrouver des traces de la fuite
des musulmans , lorsqu'ils traversèrent ls Saône , nous cite-
rons particulièrement Châlon (1), Tournus, Boz, Uchizy, Ser-
provinces, celle dont l'histoire présente le plus de péripétie». » ( Tra-
vaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de
Maurienne, 1er. BulleUn p. 3.)
« Ce ne fut qu'au Xe. siècle que les Sarrazins coupèrent le rocher sur
lequel s'élève la chapelle de Stc.-Thècle et desséchèrent la plaine. »
(L'abbé Truchet, Notice historique sur la commune de Valloires.)
u Les Sarrazins avaient poussé leurs incursions jusque dans nos mon-
tagnes (942). Hugues de Provence, roi d'Italie, les chargea de garder
les principaux passages des Alpes du nord contre son compétiteur
Bérenger. » (Ducis, Foies romaines, Revue Savoisienne, 15 avril 1861.)
« Nous citerons ensuite ces colons, d'origine évidemment étrangère,
qui vivent depuis des siècles isolés dans les marais desséchés de la
Bresse. » (Roget de Bellogcet, [Ethnogénie gauloise.)
(1) Vers 645 , le siège épiscopal de Chàlou-sur-Saône était occupé
MO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
moyer, Flenrvillc, Ozan, Arbigny , Màcon , Lyon. Plusieurs
tribus s'arrêtèrent dès qu'elles eurent mis la rivière entre
elles et leurs ennemis; à Pont-cle-Veyle , à Louhans, en
d'autres lieux encore , on montre la chaussée ou la digue des
Sarrazins, dénomination qui, si elle ne prouve pas que ces
ouvrages leur appartiennent , indique du moins combien leur
nom est encore vivant dans le pays. Dans le Bugey , trois
villes importantes furent détruites , et deux d'entre elles si
complètement , qu'on ne sait où trouver le lieu où elles
existaient. Isernore, à la douce appellation , a conservé les
ruines d'un temple célèbre; Orindinse a dû s'élever au
confluent de l'Ange et de l'Oignin ; la ville des Tattes devait
être sur les bords de la Valserine , non loin de Châtillon-dc-
Michaille. La Chronique de Saint- Amand, un des plus
anciens documents de l'histoire du Bugey , ne donne que des
détails incomplets à cet égard.
Les monastères de Nantua, d'Ambronay et de St.-Ram-
bert-de-Joux , dans la gorge de l'Albarine , furent renversés.
La Franche-Comté, la Savoie, le Dauphiné se couvrirent
de ruines. Les histoires de ces provinces donnent de doulou-
reux détails sur les ravages que commirent les Orientaux.
Les tribus qui occupaient Lyon n'épargnèrent pas notre
cité. Les troupes en marche, et qui avaient dépassé Valence1,
vinrent se réfugier dans nos murs. Quand elles virent que la
fortune devenait contraire et que la cause de l'Islam ne se
relèverait pas, le pillage, l'incendie et la dévastation assou-
virent le besoin de vengeance de ces cœurs ulcérés: Romains,
Gaulois, Francs, Visigoths , tous devinrent égaux devant les
par un homme de bien, nommé Gratius, qui habitait le faubourg St.-
Laurent: déjà, à cette époque, le faubourg communiquait avec la ville
par un pont. Comme à Tournus et à Mâcon, le pont de Chalon servit de
passage aux Sarrazins et fut détruit derrière eux,
XXIX*. SESSION , A LYON. M 1
terribles musulmans, qui n'étaient plus des convertisseurs
zélés, mais de farouches ennemis. Ce fut un massacre général,
une ruine universel , et dès lors le peuple de la cité ne pra-
nonça plus qu'avec une superstitieuse terreur le nom de cette
race maudite de Dieu.
La ville détruite, les hordes musulmanes se retirèrent vers
les montagnes à l'orient de Lyon (1) ; où elles rejoignirent les
autres tribus fugitives ; mais désormais indépendantes , elles
ne réunirent leurs drapeaux que pour lutter contre les dif-
ficultés du moment et pour se frayer un passage à travers
les populations belliqueuses de ces contrées. La plaine
d'Ambérieu conserve encore plusieurs castramétations qu'on
leur attribue (2) ; les montagnes sont pleines de leurs noms ;
les flots de l'Albarine, comme ceux du haut Rhône, baignent
la grotte des Sarrazins , la balme des Sarrazins, la chambre ,
les crèches , les forts, la maison des Sarrazins , et même cette
grotte de Roland où fut trouvé , il y a cinq siècles, un cor
arabe de la plus magnifique beauté; Seillonas, Ordonnas,
Benonce reçurent les colonies africaines; la vallée d'Amby ,
de l'autre côté du Rhône, vit se dresser un camp formidable
que les voyageurs vont encore visiter. La tradition raconte
de longs et sanglants combats livrés entre les Séquanes , les
(1) « Les Sarrazins , qui ne purent opérer leur retraite en Provence
ou en Septimanie, se réfugièrent dans les montagnes (du Jura et du
Dauphiné) et s'y retranchèrent dans des positions inexpugnables.
Notre province (Bresse et Bugey) est au nombre de celles qui furent
envahies ; elle leur servit de refuge en leur présentant des positions
naturellement fortifiées. » (Paul Guillemot, Monog. hist. du Bugcy.)
(2) « Parcourons, dans le Bugey, les diverses contrées qui les recè-
lent, à commencer celte investigation dans la plaine qui s'étend des
rivages du Bhône et de l'Ain jusqu'à la chaîne non interrompue des
premières montagnes. C'est là que les Sarrazins sont arrivés après avoir
saccagé Lyon. » (Paul Guillemot, Monog. hist, du Bugey.)
hll CONÇUES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ambai'res , les xUlobroges et les légers cavaliers de l'Arabie.
Ces derniers furent probablement vainqueurs, puisque partout
ils parvinrent à se maintenir dans les vallées qu'ils avaient
choisies et où sont encore leurs descendants.
Si le paysan qui passe sur la montagne est brun, maigre,
avec le regard ardent , un nez aquilin , l'œil enfoncé sous
l'orbite; si ses cheveux, d'un noir de corbeau, ont des reflets
bleus au soleil; s'il répond au nom de Babolah , Kaffon,
Tabardet, Ciza-Carlet, Ciza-Buiron, Alamercery, ou Galaffre
comme un héros de l'Arioste , demandez-lui s'il n'appartient
pas à une famille sarrazine , et , l'œil attaché sur vous pour
approfondir votre pensée , soyez certain qu'il vous répondra
affirmativement.
MM. Monnier , Riboud , Guillemot , Lapierre , Fauché-
Prunelle, ont réuni de curieux et précieux documents sur le
séjour des Arabes dans la Franche-Comté , la Bresse , le
Bugey , la Savoie et le Dauphiné ; mais ces savants modestes
ont fait des chapitres, des monographies , non un livre ; les
historiens de longue haleine n'ont pas encore utilisé leurs
travaux , et, malgré l'ouvrage de M. Reinaud, l'histoire de
l'invasion des Sarrazins est encore à faire, surtout au point
de vue de nos pays.
L'influence de cette invasion fut grande sur la civilisation
de nos contrées. Outre les connaissances pratiques dont la
médecine, l'agriculture (1) et l'industrie profitèrent; outre la
bougie, le papier, l'ouate, la bourrache, le tambour qu'ils
firent connaître à la Gaule, les Arabes dotèrent la Bresse de
cette race admirable de chevaux que les mauvais soins n'ont
(1) L'agriculture, en Sicile, dut aux Arabes ses plus grands progrès :
Je coton, apporté par eux des champs syriens, la canne à sucre, le frêne
qui produit la manne, le pistachier, etc. , etc. » (Ebn-Kiialdoln, His-
toire de l'Afrique.)
XXIXe. SLSSION, A LYON. l\ 1 '■>
pu faire dégénérer; de ces volailles que les gourmets ont ren-
dues célèbres (1) ; de ce blé noir, fortune du pauvre, que le
Dombisle mange , en pâle légère délayée dans de l'eau ou du
lait et cuite légèrement entre deux plaques brillantes, comme
Je voyageur du désert ; le commerce s'est enriebi de ces
chiffres simples et commodes qui ont fait presque oublier la nu-
mération embarrassée des Romains ; la langue s'est emparée
d'une foule de mots dont elle ne pourrait plus se passer, de-
puis alambic jusqu'à taffetas (2) ; mais , surtout , il est un
nom qui mérite l'attention de l'historien et qui serait une
révélation , si l'histoire ne devait accepter qu'avec réserve ce
qui lui est appris par les poètes. Voilà ce que dit M. de La-
martine , dans celte prose magique dont lui seul a l'usage et
qui est une poésie comme tout ce qui jaillit de sa puissante
imagination :
« Quand on chemine à- pied de IMâcon à St.-Claude, on
trouve d'abord la Bresse , bocagère et plane comme la grasse
Atlique , ruisselante d'huile , entre le Pyrée et Athènes.
* L'olivier de la Bresse , c'est le pâle saule qui ne verse
que l'ombre légère aux vaches blanches des prairies et qui ,
tondu tous les trois ans par la serpette de l'émondeur, penche
son tronc chauve sur les mares ou sur les étangs. On croit
lire une églogue de Virgile : « 0 minam! et plût aux dieux
« que je n'eusse été qu'un pauvre émondeur de saules sur
« les rives du lac ou du Mincio, dans cette laiteuse Lombar-
« die , Bresse de l'Italie ! »
« A l'extrémité de celte plaine virgilienne de la Bresse ,
on rencontre tout à coup, au lieu de l'eau stagnante et fié-
vreuse des prairies de la Uombes , une rivière bleue comme
(1) Courrier de fAin , la Presse.
(2) Nous pouvons citer : alcali, alchimie, alcool, algarade, algèbre,
almanncli, ambre, amiral, mesquin.
Ulk CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le Grmament de la Suisse italienne , joueuse comme des en-
fants sur des cailloux, écumante comme l'eau de savon battue
par le battoir de la lessiveuse , gazouillante comme une volée
de tourterelles bleues et blanches abattues sur un champ de
lin en fleur, jetant ses petits flocons d'écume ça et là, sur
son cours comme des oiseaux éparpillant leurs plumes en se
peignant du bec sur les touffes de lin ; on s'arrête tout
étonné, sur la grève, des cailloux arrondis par le roulis éternel
de cette rivière de montagnes, débouchant, tout étonnée
elle-même , dans la plaine. On demande son nom au premier
batelier qui passe et qui rattache son petit bateau de pêche à
un tronc de saule pour verser son filet, frétillant de truites ,
sur le sable. — C'est la rivière d'Ain , vous dit-il avec un air
de fierté locale , la rivière qui descend du Jura et qui donne
son nom à toutes ces plaines.
« Si , comme moi , vous avez chevauché dans les déserts
et dans les vallées des deux Arabies , vous reconnaîtrez bien
vite que les hommes , descendus de Tartarie en Arabie ,
d'Arabie en Scythie , de Scythie en Hongrie , de Hongrie en
Franche-Comté et en Bresse , ont passé par là , ont colonisé
ces contrées , et ont imposé au plus beau fleuve du pays ce
nom arabe et générique d'Ain ( l'eau par excellence ) dont ,
en perdant l'accent Ain , nos pères , moins euphoniques que
les Arabes, ont fait Ain, nom rendu guttural et trivial comme
le balbutiement à bouche ouverte d'un enfant hébété. C'est
le progrès selon la doctrine des progressistes indéfinis , ces
adorateurs obstinés du temps, qui les dément dans les langues
comme dans les choses; ces adorateurs du présent, qui les
dévore eux-mêmes , et qui anéantit tout autant de choses
humaines qu'il en crée.
« Mais pardon de cette digression déplacée à propos de la
rivière d'Ain, à laquelle les Arabes avaient donné un nom so-
nore comme l'écho des rochers d'où il tombe en cascades de
XXIXe. SESSION, A LYON. M 5
saphir, et que les Gaulois ont rendu muet comme leur langue
de corne et de caoutchouc.
« Après s'être rafraîchie et enivrée comme l'Arabe lui-
même au vent, cette rivière, femelle du Rhône, se précipite
vers lui en face des plaines du Dauphiné. »
Ainsi donc, croyance poétique et gracieuse , ce serait aux
musulmans que ce torrent bleu, que nos paysans appellent la
grand'rivière , doit son nom ! Ce mot est, dans le désert, le
nom de l'eau par excellence ? c'est aussi le cristal de l'œil,
limpide et pur comme l'eau des fontaines ; c'est l'onde , pour
nos populations qui n'ont jamais à souffrir de sa privation ;
Aïn pour la caravane altérée qui voit devant elle la délivrance
et la vie. D'après M. de Lamartine , les tribus poursuivies
par l'épée de Charles-Martel ont salué ces flots d'un cri de
joie ; ce cristal si pur, ce miroir étincelant, c'était la barrière
infranchissable pour leurs ennemis; c'était la fin de leurs
angoisses et de leur tereur ; c'était , comme au désert , la
délivrance , Aïn , la rivière ! Pardonnons la distraction du
poète , qui a fait venir nos parrains par la Hongrie et l'Alle-
magne; acceptons ce baptême dont se porte garant un homme
de génie, et voyons-y une preuve de plus du rôle immense
que les guerriers de l'Yémen et du Nedjd ont joué dans nos
pays.
Mais , diront à leur tour les hommes graves, oubliez-vous
le vieux nom , l'antique nom de notre poétique rivière , le
Dauus des chartes et des cartulaires, le Dain de notre ancien
langage, dont la racine paraît être la même que celle du
Danube, nom autochthone, imposé, avant les Arabes, par
nos pères les Gaulois (1) ? Et puis , ajouteront les personnes
(1) « Mots qui se rapportent également au kymrique et au gaélique :
dan, audacieux, violent.» (Roget, baron de Bellogiet, Ethnogén»
gaut.)
« Si le nom originaire est Ain, c'est un vieux mot celtique qui signifie
M 6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
délicates, est-il convenable de s'enorgueillir d'une appellation
qui rappellerait un peuple mécréant, souillé de sang, ennemi
de noire culte, destructeur de nos Lieux saints, enrichi des
dépouilles de notre patrie, chargé de la malédiction de nos
pères? La première observation seule a du poids, la seconde
nous paraît futile.
On n'a point horreur du souvenir des Romains; leurs mo-
numents ont couvert notre sol , et cependant qu'étaient les
compagnons de Romulus? d'infâmes bandits. Qu'étaient les
guerriers de César ? d'avides et rapaces conquérants. Qu'étaient
nos gouverneurs? des proconsuls, dont le nom est resté
comme une tache et une injure. Si, au lieu de maudire
chaque trace de leurs pas sur le sol sacré de la Gaule , on se
pare et on se vante des stigmates que nous ont laissés ces
cruels dominateurs, toute vérité historique mise à part, toute
étymologie réservée, que notre rivière s'appelle Ain ou Dain,
nous ne voyons pas qu'on ait à rougir de ce qui peut rappeler
dans nos contrées les compatriotes de Job , d'Avicennes et
d'Antar (i)
M. de Surigny félicite M. Vingtrinier et vient à l'appui de
son opinion. Les traditions sont encore vivantes dans la
Bresse màconnaise. On y trouve de grands travaux d'endi-
guemenl attribués aux Sarrazins , des usages bizarres , des
costumes particuliers , des types de physionomie. Quelques-
unes de ces colonies arabes de la rive gauche de la Saâne
se sont étendues sur la rive droite et ont continué à leurs
source , fontaine, et qui même a cette signification dans les langues
orientales. » ( Bacon-Tacon, Recherches sur les origines celtiques , t. I ,
p. 162.)
(1) Voyez Paradin , Chorier, J.-CI. Martin, Jean Brunet, Lapierre,
Thomas Biboult , Lateysonnière , MM. Paul Guillemot, Chaix, Bore!
d'Hauterive, Fauché-Prunelle, I). Monnier, etc.
XXIXe. SESSION, A LYON. M7
descendants des droits d'usage , de pâturage et autres , sur
la rive gauche, droits qu'ils exercent encore aujourd'hui.
M. Vingtrinier ajoute que, dans le Bas-Bugey , quand la
sage-femme rapporte à sa mère un petit enfant qu'on vient
de baptiser, elle lui dit : « Vous m'avez confié un Sarrazin ,
je vous rends un chrétien. »
Avant de se séparer, M. de Caumont rappelle qu'on doit
aller samedi matin à Vienne , et qu'on partira par le train
le plus rapproché de huit heures.
Demain, la première séance aura lieu à neuf heures, la
seconde à une heure, la troisième à huit heures du soir.
M. de Caumont offre au Congrès les volumes du compte-
rendu des sessions archéologiques de 1836 et de 1860, et
deux volumes de la Table analytique du Bulletin monumental,
du 1er. au 20e. volume , par 31. l'abbé Auber , de Poitiers.
Le Secrétaire ,
Paul Canat de Chizy.
lre. Séance du a» septembre.
Présidence de M. de Caumont.
Siègent au bureau : MM. Froisse, secrétaire de l'Académie;
Boue, curé d'Ainay ; Martin- Daussigny, C halle , Bouillet ,
l'abbé Le Petit et Gaugain.
M. Canal de Chizy remplit les fonctions de secrétaire.
M. de Caumont ouvre la séance en montrant l'importance
de la réunion qui s'est faite à Lyon , et qui forme la seconde
partie du Congrès archéologique de France, dont la première
a eu lieu à Saumur.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
27
418 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages suivants,
offerts au Congrès :
1°. Une photographie de tombes antiques de Saverne ,
offerte par M. le colonel de Morlet, de Strasbourg;
2°. Coitjj-d'œil sur les chemins de fer maritimes de la
France, par M. du Peyrat;
3". Un dessin d'un bas-relief antique trouvé à Lillebonne,
sur lequel M. Martin-Daussigny est invité à donner son avis ;
U°. Un exemplaire du XXVIIIe. volume du Bulletin mo-
numental de M. de Caumont ;
5°. Iconographie chrétienne , par M. l'abbé Crosnier , de
Nevers.
M. Debombourga la parole. Il présente, en quelques mots,
au Congrès le résultat de ses études sur la division géogra-
phique du département actuel du Rhône , depuis les temps
anciens. Il offre au Congrès de belles cartes établissant ces
divisions sous le rapport administratif , judiciaire , ecclésias-
tique. C'est le résumé d'un travail considérable actuellement
sous presse , dont les frais ont été en partie couverts par une
souscription, par le Conseil général et parle Conseil municipal.
M. le Président recommande aux savants d'imiter, chacun
dans leur région , ce remarquable travail.
M. Martin-Daussigny expose l'état des découvertes archéo-
logiques à Lyon et lit le mémoire suivant.
NOTICE SUR L'AMPHITHÉÂTRE ET L'AUTEL D'AUGUSTE
A LUGDUNUM ,
PAR M. MARTIN-DAUSSIGNY.
Messieurs,
En prenant la parole devant une assemblée aussi honorable,
mon premier devoir est de lui exprimer la reconnaissance que
XXIX'. SI.SSION , A I.YON. fi 1 1>
m'inspire la bienveillance avec laquelle elle daigne m'ac-
corder quelques instants d'attention.
En essayant de faire connaître au Congrès l'étal et l'im-
portance d'un des principaux monuments romains de Lugilu-
num, je n'ai point l'intention d'entrer dans tous les détails
d'une description minutieuse , dans la crainte de faire perdre
à des savants aussi distingués un temps précieux, et de re-
tarder le moment où ils auront à entendre d'autres orateurs
bien plus capables que moi de captiver leur attention ; je
n'exposerai qu'un simple résumé de mes éludes sur notre
amphithéâtre antique, en m'appuyant sur celles d'Artaud, fon-
dateur de nos musées , et je terminerai par quelques consi-
dérations relatives à l'époque à laquelle ont été détruits les
monuments romains de Litgdunum.
La lecture de ces quelques pages rentrera donc dans le
6e. article du programme de vos séances à Lyon.
Les premières recherches sur ce monument ayant été faites
par Artaud en 1820, nous commencerons par vous en donner
un résumé avant d'y joindre le récit des fouilles opérées sous
nos yeux trente-sept ans plus lard.
Gabriel Siméoni , en 1561, esl le premier qui ail parlé
de cet amphithéâtre dont il restait encore quelques traces de
son temps. Spou , dans ses Recherches sur les antiquités de
Lyon, le cite d'après le même auteur, et SMIfîn dit que l'on voit
encore, dans le jardin de M. Dusoleil (1), l'emplacement qui a
servi de naumachie et d'amphithéâtre : le terrain est cieusé ,
on y découvre plusieurs vestiges de l'ancienne entrée princi-
pale et quelques restes des voûtes d'un des dégorgeoirs.
(1) Le jardin de M. Dusoleil est le terrain qui appartenait autre-
fois aux religieuses de l'abbaye royale de !a Déserte, devenu pépi-
nière départementale depuis la Révolution ; il avait été transformé on
jardin des plantes sous le premier Empire et est resté ainsi jusqu'en
1858, époque où des travaux de nivellement y ont été exécutés pour
l'établissement des nouvelles rues qu'on y a tracées.
620 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Artaud , directeur du musée , et Gay , architecte de la
ville , remarquèrent au commencement de ce siècle , sur cet
emplacement , les restes de plusieurs piliers en pierre de
choix de Fay , que nous avons vus nous-même, existant en-
core en 1820. Artaud nous en a conservé les dimensions:
ils avaient , dit-il , 6 pieds 6 pouces en carré , et le massif
qui existait entre eux était de 5 pieds sur toutes ses faces. Ce
savant dit aussi que, dans son jeune âge , avant le siège de
Lyon , il voyait du côté de l'ouest quelques arcades de cet
édifice construites en petites pierres. Elles furent démolies
pendant la Terreur , comme étant un signe de féodalité (1).
Artaud est le premier qui , dans un discours prononcé en
1808 et imprimé par la Société des amis des arts, ait signalé
l'utilité de faire quelques fouilles pour retrouver les restes de
ce monument.
Ce désir fut exaucé sous l'administration préfectorale de
M. deLesay Marnésia. M. Rambaud, maire de Lyon, chargea
Flachéron , architecte de la ville, et Artaud, directeur du
musée , de diriger les fouilles projetées.
Elles commencèrent du côté du midi, où l'on découvrit
d'abord un mur intérieur qui parut à Artaud avoir appartenu
au bassin naumachique. On rencontra ensuite, du côté opposé,
une des pierres de l'accoudoir du podium.
Désirant mettre bien à profit la légère somme accordée
pour ses recherches,, Artaud voulut d'abord s'assurer des di-
mensions du bassin. Une excavation faite jusqu'à vingt pieds
de profondeur, du côté de l'ouest, fit découvrir un canal ré-
gnant tout autour du podium (2). et, à côté, plusieurs pierres
qui, travaillées avec soin , en formaient l'accoudoir et por-
(1) Nous n'avons jamais eu la preuve qu'il y ait eu, sur cet emplace-
ment, des constructions féodales du moyen-âge auxquelles ces piliers
aient pu appartenir.
(2) Probablement pour l'écoulement des eaux pluviales.
XXIXe. SLSSION , A LYON. h'l\
laient toutes des trous carrés placés régulièrement de distance
en dislance , indiquant que le podium était garni d'une bar-
rière en bois, ou en fer, pour éviter les dangers auxquels étaient
parfois exposés les spectateurs placés au premier rang des
amphithéâtres.
On découvrit en même temps une série de pierres, encore
en place, dont l'angle intérieur était taillé en biseau et dont la
surface horizontale devait recevoir les assises du podium. Celle
série de pierres formait exactement la courbe de l'ellipse.
A quelques pas du canal et en dehors de la courbe, on re-
trouva des débris de murailles qui devaient avoir eu pour but
de soutenir les gradins, dont la pente était indiquée par le
mouvement du terrain formant alors une espèce de talus.
Des motifs d'économie ne permettant pas d'étendre plus
loin ces fouilles intéressantes, Artaud fut obligé de se borner
à ces recherches ; mais, avant de les discontinuer tout-à-fail ,
il ne put résister au désir de connaître la largeur de l'arène
dont il croyait avoir la longueur, espérant , par là, pouvoir
déterminer l'importance de ce monument.
Il fit alors creuser de l'autre côté, au nord, et eut le bonheur
de rencontrer le même canal qu'il avait trouvé du côté du
midi. Convaincu que ce canal régnait tout autour de l'arène,
il calcula la dimension de l'amphithéâtre sur ces données , et
pensa que l'emplacement total de ce monument, en y com-
prenant les gradins et les portiques , était de 38i pieds de
longueur extérieure, sur 188 pieds de largeur intérieure.
Ces dimensions sont loin d'être considérables, cependant
Artaud pensa que ce bassin pouvait contenir aisément seize
galères pontées, de 1h à 30 pieds de long sur 8 à 10 pieds de
large. Ainsi , suivant cet antiquaire en admettant que les ga-
lères ennemies ne combattaient successivement que deux contre
deux ou quatre contre quatre, la dimension du bassin aurait
été assez vaste pour donner un spectacle plus nautique.
h. 2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FPANCE.
Quant au nombre de spectateurs que ce savant pense avoir
pu se réunir dans l'enceinte de l'amphithéâtre , il le porte à
20,000, par le calcul suivant :
En cherchant le côté opposé du canal naumachique , Ar-
taud découvrit, à 20 pieds de profondeur, une pierre sur la-
quelle étaient gravées les lettres A R V , puis les lettres
BIT. C , répétées trois fois de suite et séparées chaque fois
par une ligne verticale. La distance entre ces différentes lignes
était exactement la même sur tous les points. Artaud , dans
le premier moment, regarda cette découverte comme insi-
gnifiante ; mais, en l'étudiant avec soin, il ne tarda pas à en
sentir toute l'importance.
Il comprit que les trois lettres A R V étaient l'abréviation
du mot Arvemi , et que les quatre lettres BIT. C étaient
également l'abréviation des mots Bituriges Cubi. Les lignes
verticales tracées entre chaque abréviation de ces mots ne
pouvaient donc être que des désignations de places réservées
aux représentants de ces divers peuples
L'inscription qu'Artaud expliquait ainsi avec raison devait
naturellement faire partie d'une série d'autres pierres sur les-
quelles les noms des soixante peuples de la Gaule étaient
inscrits et disposés de la même manière.
Mesurant avec soin l'espace réservé entre chaque ligne ver-
ticale , il trouva qu'il était exactement de 1 pied 2 pouces
6 lignes, c'est-à-dire dans la dimension d'un siège ordinaire.
La pierre découverte, portant trois fois répétés les mots abré-
gés de Bituriges Cubi, lui fit penser qu'il y avait trois places
réservées pour les représentants de chacun des soixante
peuples. Or , en répétant soixante fois trois places de la di-
mension de celles qu'il avait sous les yeux, il arriva à un total
de 228 pieds, c'est-à-dire précisément la moitié de la cir-
conférence de l'arène.
Il pensa que l'autre moitié , contenant aussi le même
XXIX?. SESSION, A LYON. ^23
nombre de places, devait cire nécessairement destinée aux au-
torités civiles et militaires de la ville de Lugdunum , au pré-
teur , aux pontifes, sénateurs, chevaliers, sévirs augustaux ,
décurions , aux chefs des principales corporations du com-
merce et aux étrangers de distinction qui pouvaient être in-
vités h ce spectacle. Les personnages les plus éminents devaient
avoir une loge particulière et séparée.
L'inscription dont nous venons de parler, se trouvant rem-
plir la face extérieure d'une pierre sur laquelle reposaient les
pieds des spectateurs qui occupaient ces places réservées , et
chacune de ces places ayant en profondeur 3 pieds 5 pouces ,
cette dimension se trouve être précisément celle qui convient
à un homme assis sans qu'il ait les jambes gênées. Eu réser-
vant le même espace sur tous les gradins de l'amphithéâtre et
pour chaque individu, Artaud fut convaincu qu'il devait y
avoir sur le podium et les gradins, au nombre de trente-deux
rangs divisés par quatre précinctions, plus de 16,000 per-
sonnes assises. Avec cela, si on suppose qu'il y avait pour le
peuple une plate-forme de même grandeur régnant tout au-
tour de l'atlique , et que l'on veuille bien considérer que les
gradins supérieurs vont toujours en s'élargissant , les places
du public devant être bien sûrement moins larges que celles
des premières lignes, on pourra conclure d'une manière cer-
taine que le calcul du savant antiquaire approchait beaucoup
delà réalité, et que le nombre des spectateurs atteignait très-
probablement le chiffre de 20,000 : ce qui, suivant son opi-
nion, rendait l'amphithéâtre de Lugdunum inférieure celui de
Nîmes, qui a 35 rangs de gradins et contenait 23,360 per-
sonnes.
Une autre découverte vint confirmer Artaud dans l'opinion
que les places des gradins supérieurs, destinés à la foule,
n'étaient pas aussi larges que celles des premiers rangs ré-
servés : c'est qu'on trouva du côté de l'ouest , au milieu du
(i'2k COiNGKEb AULHÉOLOG1QUE DE FRANCE.
petit axe de l'arène , une inscription en caractères des plus
irréguliers, donnant aussi des dimensions de places. On y
voit trois lignes verticales qui, avec les deux extrémités de la
pierre , forment quatre espaces parfaitement égaux. Sur le
premier est gravée la lettre N et le chiffre I (numerus unus );
sur le second , les lettres D E S qui sont l'abréviation du
mot designata. Le troisième renferme le mot LOGA. Enfin ,
le quatrième offre la lettre N accompagnée du chiffre XX
(numerus vigenti). Chacun de ces espaces égaux étant la
représentation ou la mesure d'une place, qui se trouve être d'un
pouce six lignes plus étroite que celles des premiers rangs dont
il a été parlé, il est évident que les places étaient plus étroites
dans les rangs élevés que dans les premiers.
Artaud découvrit aussi quelques (fragments de très-beaux
placages de marbre, de 10 à 12 centimètres d'épaisseur , sur
lesquels étaient gravées des parties de grandes lettres capi-
tales appartenant à une inscription qui lui semble relative
aux sèvirs augustaux, La dimension de ces lettres donne à ce
monument épigraphique une étendue considérable , et il se
pourrait qu'il ait indiqué les places réservées à ces fonction-
naires. Des inscriptions de ce genre existaient au podium du
théâtre de Syracuse ; elles étaient relatives aux places qu'y
occupaient les personnages les plus importants. Cependant ,
nous ferons observer que les fragments trouvés par Artaud ,
et dont l'un a 89 centimètres de large, forment, soit en dé-
tail, soit dans leur ensemble, une ligne exactement droite ,
tandis que toutes les autres inscriptions de l'amphithéâtre
offrent une ligne légèrement courbe se rattachant à la forme
elliptique du monument. Peut-être la loge réservée à ces
dignitaires était-elle une exception.
Je pourrais, Messieurs, me borner à ce simple résumé des
principales découvertes d'Artaud sur l'amphithéâtre de Lug-
dunum ; cependant, il est une question importante sur ces
XXIX'. SESSION, A LYOK. U25
monuments qu'Artaud a traitée avec soin et dont je crois
devoir reproduire ici quelques considérations.
Cet amphithéâtre, placé à mi-coteau, a-t-il pu être inondé,
et pourquoi pendant bien des siècles lui a-t-on donné le nom
de maumachie ?
Suivant Artaud , il ne faut pas confondre l'aqueduc que
l'on voyait encore il y a peu d'années, presque au niveau du
Rhône , avec celui qui était à mi-coteau dans la môme direc-
tion. Si l'antiquaire Delorme avait su distinguer ces deux
lignes de constructions l'une au-dessus de l'autre, et s'il avait
eu connaissance des restes d'un amphithéâtre dans le jardin
de la Déserte, il eût réfléchi à la hauteur de l'aqueduc supé-
rieur pris à son origine et arrivé à son terme. Il aurait été
convaincu que celui-ci n'a pu être fait que dans le temps
du Haut-Empire et très-probablement pour l'amphithéâtre
même. Il aurait compris , ainsi que son ami Boulard, que
l'aqueduc inférieur, d'une maçonnerie différente , dont on
aperçoit des restes à quelques pieds au-dessus du Rhône, a
été entrepris dans des temps postérieurs, pour prendre les
eaux du fleuve et les porter dans la partie basse de Lyon.
On commence à le voir interrompu et brisé, formant deux
canaux joints ensemble au-dessous du village de Neyron ; à
quarante pieds plus bas , on le retrouve ensuite vers le châ-
teau de la Pape, et enfin au-dessous de la maison Vêpres ,
dans celle de la Loterie , près du quai St. -Clair, se dirigeant
dans ce sens jusqu'à la maison Guérin , pour aller se perdre
vraisemblablement dans le canal des Terreaux.
L'aqueduc supérieur, ajoute le savant fondateur de nos
musées, h partir de Cordieu et passant à la Lombardière ,
prenait les eaux salubres et abondantes de Sle. -Croix , qui
ne diminuent jamais et sont aussi élevées au-dessus du Rhône
que la colline de la Croix-Rousse l'est au-dessus de Lyon.
Après avoir parcouru Grillet, Railly , St. -Barthélémy , St.-
626 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Alban,. etc., il pouvait prendre encore la source abondante
de Neyron , le long des vignes , près du pont de Barry, pour
se diriger vers iMontessuy, côtoyer la gorge dite des Sarra-
zins , la Boucle, et parvenir à la rue des Fantasques, tra-
verser le clos Villermoz, celui de l'ancien séminaire , arriver
au Jardin-des-Plantes et se rendre à l'amphithéâtre.
Ce qui donne encore plus de poids à cette assertion, ajoute
le savant Lyonnais , c'est la remarque que fait Colonia d'un
aqueduc et d'un grand chemin qu'on voyait encore de son
temps sur les bords du Rhône, au-dessus de St. -Clair,
Ménestrier en parle également : « On voit , dit-il , le long
« du Rhône, quelques débris d'un grand chemin qui condui-
« soit vers le Rhin par la Bresse, le Bugey et les Suisses;
« il y avoil au même endroit un aqueduc qui venoit aboutir
« vers le milieu de la côte que nous nommons de St.-
« André. Dans le jardin des Pères de l'Oratoire, du côté de
«. St. -Sébastien , il reste une pièce de cet ancien aqueduc
« dans laquelle ces Pères retirent leurs orangers et autres
« plantes pendant l'hiver. »
M. Mongez-Laroche, membre de l'Institut, avait remarqué
dans son enfance une suite de cet aqueduc; elle était à mi-
coteau et arrivait jusqu'à la porte St. -Clair , à peu près à la
hauteur du second étage de la maison Joannot. Avant que le
chemin actuel eût été pratiqué, il n'y avait qu'un petit sen-
tier pour aller à celte conduite d'eau, qui était à 50 ou 60
pieds environ au-dessus des basses eaux du Rhône.
Uh nommé Lambert, homme probe, a assuré à Artaud
avoir vu démolir, vers 1765 environ, cet aqueduc qui for-
mait un coude vers la chapelle de St. -Clair, c'est-à-dire à la
hauteur du deuxième étage de la maison Vêpres , pour se di-
riger vers la rue des Fantasques et de là se jeter dans le clos
des Bernardines et celui de l'Oratoire, où Artaud en a re-
trouvé lui-même une partie, ainsi que nous l'avons dit. Ce
XXIXe. SESSION , A LYON. 627
dernier lorrain appartenait autrefois aux maisonsdes Capponi
el desSpini. Là, ce canal-nqueduc était très-apparent du temps
d'Artaud, qui put le suivie depuis la maison des demoiselles
Crcuzet , où il a été coupé , jusqu'à l'extrémité du clos
Gasati. Accompagné de Flachéron , architecte de la ville ,
Artaud l'a parcouru à l'intérieur l'espace d'environ cent pas;
et serait allé plus loin si des éboulements de terre n'eussent
mis un obstacle à sa curiosité. Ce canal élait à plein-cintre ;
il avait cinq pieds de haut et quatre et demi de large. On
distinguait, dans les angles de sa base, des bourrelets qui re-
posent sur un sol bétonné. Sa direction était parallèle à la
rue Vieille-Monnaie, allant de l'est à l'ouest. Sa construction
était en moellons de roche; ses clefs et contre-clefs étaient
fermées intérieurement avec des briques romaines. Il est
étonnant que Delorme , dans son Traité des aqueducs de
Lyon , n'ait pas fait mentiou de cette portion considérable de
canal dont il n'a sans doute pas connu l'existence.
Plus tard, Artaud ayant recours à l'obligeance de notre
honorable confrère de l'Académie , M. Chenavard , visita de
nouveau avec lui ce canal -aqueduc , et ces deux antiquaires
habiles s'assurèrent par le moyen d'un niveau que la pente de
ce conduit était de 1 pouce sur 30 pieds d'étendue, et qu'il
se dirigeait sur le Jardin-des-Plantes, c'est-à-dire de l'est à
l'ouest.
En prolongeant la ligne de cet aqueduc, elle aboutit pré-
cisément à l'extrémité est de l'amphithéâtre, à 30 pieds au-
dessus du sol, tandis que le véritable dégorgeoir , placé du
côté du midi, au fond du même bassin, s'échappait par un
canal qu'Artaud a vu démolir par les entrepreneurs qui ont
travaillé à la réparation de l'aile gauche de la façade du
Jardin-des-Plantes, lois de l'établissement de son entrée par
la place Sathonay. (le conduit , traversant l'emplacement où
est aujourd'hui la maison Girodon , prenait sa direction vers
U2S CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
la rue des Auges pour aller sans doute se jeter dans le canal
des Terreaux, du côté de la rue du Baissard.
La fouille qui fut faite au mois de mars 1820 fit connaître
à Artaud la profondeur du bassin naumachique , qui est ,
dit-il , de 18 à 20 pieds. Il put constater que son sol a été
carrelé avec un double rang de briques cimentées par-dessus.
Cette observation vient à l'appui de toutes les autres re-
marques de ce savant au sujet de l'aqueduc qui y amenait
les eaux ; et, de tout ce que nous dit l'éminent archéologue,
nous pouvons conclure que l'amphithéâtre de Lugdunum avait,
ainsi que beaucoup d'autres monuments de ce genre , la faculté
d'être inondé, et que des fêles nautiques ont dû y avoir lieu.
Les recherches d'Artaud ont un grand intérêt : elles nous
ont donné à peu près la dimension totale de l'édifice et de
l'arène ; elles ont servi à indiquer , au moins approximati-
vement , la quantité de spectateurs qu'il pouvait contenir.
Nous avons su, par celte étude , que les députés et repré-
sentants des soixante nations des Gaules y avaient des places
réservées , et les observations persévérantes de ce savant
pendant bien des années ont résolu affirmativement une
question importante, qui était de savoir si l'amphithéâtre de
Lugdunum pouvait, dans certaines occasions, être trans-
formé eu naumachie.
Lorsque, bien des années après Artaud, nous avons voulu,
à notre tour, profiter des travaux faits sur ce même empla-
cement , nous avions à lutter contre des difficultés bien plus
nombreuses et plus grandes que celles qu'il avait rencontrées.
Les terrains -qui avoisinent le Jardin-des-Plantes avaient été
transformés; de nouveaux quartiers y avaient été bâtis. Le
jardin de l'Oratoire , celui des Bernardines , les clos Vil-
lermoz , Casati , Bodin, n'existaient plus que dans les sou-
venirs. Nous avions assisté dans notre jeunesse aux fouilles
d'Artaud, et en comparant l'état actuel des environs avec
XXIXe. SESSION , A LYON. U29
ce qu'il était de son temps , nous avons senti qu'aucune re-
cherche n'était possible en dehors du Jardin-des- Plantes pour
retrouver les canaux-aqueducs dont il nous a laissé la de-
scription.
C'est donc du monument lui-môme que nous avons dû
seulement nous occuper. Mais , pour en tirer quelques ren-
seignements à ajouter à ceux du savant antiquaire, il nous a
fallu épier à chaque instant la moindre excavation faite sur
ce point. Aucune fouille n'a eu lieu dans un but archéolo-
gique, et lorsque l'établissement de la nouvelle rue du Com-
merce avait occasionné quelque tranchée et que nous avions
pu prendre une note, la cessation des travaux nous empêchait
de poursuivre notre travail ; tantôt nous aurions désiré voir
creuser à une plus grande profondeur, tantôt dans une autre
direction que celle que suivait la voirie , afin d'avoir la so-
lution d'une question importante. Souvent les travaux in-
terrompus reprenaient au cœur de l'hiver, dans le moment
le plus défavorable pour étudier, et plus d'une fois nous
avons dû remettre à un temps indéfini pour connaître certains
détails de direction qu'il nous importait de savoir de suite.
Les notes que nous avons prises, les mesures que nous
avons relevées et dans lesquelles notre honorable confrère ,
M. Chenavard , nous a si savamment aidé, sont le résultat
de cinq ans de persévérants efforts.
Les travaux d'abaissement du sol du Jardin-des-Plantes
commencèrent en décembre 1857, et au mois de janvier
1858 , onze piliers des fondations de l'amphithéâtre parurent
à découvert. Ces piliers , disposés en ellipse , étaient du côté
du midi, à l'extrémité est du monument. Ils étaient formés de
moellons de roche et avaient tous de 1 mètre à 1 mètre 60 de
largeur en carré. Quelques-uns reposaient sur un socle en
maçonnerie du même genre. Cette découverte précieuse nous
^l30 CONGRÈS ARCIlÊOLOCiOLK DE FRANCE.
donna la courbe de l'ellipse. Le plan en fut relevé par nous très-
exactement, et c'est ici que le haut talent de notre confrère ,
Rt. Chenavard, nous fut bien utile. A 2 mètres 50 en arrière
et du côté du midi , on mit à découvert une muraille de
2 mètres 50 d'épaisseur, suivant parallèlement la courbe
de l'ellipse donnée par les piliers. En arrière de cette mu-
raille , toujours au midi , une seconde fut découverte à la
distance de 2 mètres 75; celle seconde muraille, de 3 mèlres
d'épaisseur et suivant toujours la forme de l'ellipse, était
reliée à la première par des murs formant avec elle un angle
droit. Chaque mur de liaison avait 75 centimètres d'épaisseur
et élait distant de l'antre de 3 mètres ; ce qui formait
autant d'espaces vides ou cellules. Le sol des chambrettes,
n'ayant entr'elîes aucune communication , était en partie
formé d'un massif de maçonnerie établi après coup et
qui , ayant 1 mètre de hauteur et 1 mètre hO d'épaisseur,
venait appuyer la base de la première muraille. Ce travail
énorme, dont l'ensemble avait une épaisseur de 8 mètres 25,
avait été fait pour retenir la masse des gradins élevés sur un
sol d'une pente rapide.
Plus bas , toujours au midi , nous retrouvâmes des restes
de murailles considérables démolies autrefois et qui avaient
dû soutenir une immense terrasse, sur laquelle débouchaient
les vomitoires de l'amphithéâtre. De celte tenasse, la vue
s'étendait non-seulement sur la ville basse et les îles du
confluent de la plaine du Rhône, mais encore embrassait
dans son ensemble le cours de nos deux fleuves, ainsi que la
ville romaine couvrant tout le versant oriental de la colline
de Founières.
Ce magnifique coup-d'œil existait encore il y a quelques
années, avant l'abaissement du sol du Jardin-des-Plantes,
et la construction des maisons qui se sont élevées tout autour
sur la pente de ce coteau.
XXIXe. SESSION, A LYON. 631
Artaud avait eu l'immense avantage de diriger à son gré
les fouilles de 1820; mais, ne pouvant les prolonger suivant
son désir , il n'avait pu les étendre de ce côté qui avait
par conséquent entièrement échappé à ses investigations.
Les travaux, interrompus au mois d'avril 1858, ayant été
repris au mois de septembre de la même année, la con-
tinuation des murs de soutènement de la terrasse fut
retrouvée plus à l'ouest et parallèlement aux grands murs
d'enceinte de l'amphithéâtre. Nous pûmes alors, de ce point,
mesurer la masse des travaux exécutés pour le soutien dos
terres en dehors du monument. Nous trouvâmes qu'ils
avaient, à eux seuls, un ensemble de 22 mètres. Il est plus
que probable que d'autres murailles, en arrière de cette
dernière, avaient dû exister en bas du talus.
Ces dimensions extraordinaires de murailles en dehors
de l'amphithéâtre ont été exposées aux yeux de toute la ville :
nous n'avons donc pas h craindre d'être taxé d'exagération.
Non-seulement nous les avons mesurées nous -même, mais
notre collègue, M. Chenavard , assisté de MM. Roux et
Christot, ses habiles élèves, l'a fait conjointement avec nous.
Artaud, ainsi que nous l'avons dit , n'ayant pu poursuivre
ses investigations comme il le désirait , ne s'était rendu
compte qu'imparfaitement de l'étendue de l'édifice. Il n'avait
pas eu sous les yeux en même temps la limite de l'enceinte
extérieure et celle de l'arène intérieure. La tranchée, ou-
verte pour l'établissement du chemin de fer de la Croix-
Rousse, nous a révélé cette dernière sur deux points, en nous
faisant découvrir une ligne de pierres de la base du podium
encore sur leur lit de pose, et plus loin la continuation de la
même ligne. La figure elliptique que ces deux points de re-
père nous présentaient étant la même, et parfaitement paral-
lèle à celle donnée par les murs de soutènement des arcades
dont nous avons parlé en commençant , nous pûmes alors
432 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
être sûr d'avoir la distance du mur d'enceinte a l'arène et
déterminer, d'une manière précise, les dimensions de l'édifice.
Ces dimensions diffèrent de celles d'Artaud sur quelques
points. L'arène, suivant nos mesures, devait avoir 64 mètres
de long sur 41 de large, et l'ensemble du monument devait
couvrir un espace de 140 mètres en longueur , et de 117m.
en largeur.
Ainsi, si nos mesures sont exactes , cet édifice l'emportait
par sa grandeur sur l'amphithéâtre de Nîmes , qui a dans
sou ensemble 133 mètres 38 centimètres de long sur 101
mètres 40 centimètres de large.
Le Colysée de Rome, le plus grand de tous , a extérieure-
ment 188 mètres 50 centimètres de long sur 155 mètres
50 centimètres de large. Son arène est longue de 86 mètres
40 centimètres sur une largeur de 53 mètres 50 centi-
mètres (1).
Il est à remarquer que les mesures prises par Artaud va-
rient et que, sur les quatre manuscrits laissés par ce savant ,
il y en a trois dans lesquels l'arène est donnée avec des di-
mensions différentes. Déplus, le plan annexé à ses manuscrits
est dans des proportions toul-à-fait étrangères aux mesures
établies dans son écrit.
Les travaux, interrompus pendant l'hiver, furent repris au
mois d'avril 1 859 pour le chemin de fer de la Croix-Rousse ,
et mirent à découvert des substructions au midi et en dehors
de l'enceinte de l'amphithéâtre. Elles furent démolies aussitôt.
Nous pûmes cependant prendre des notes, en lever le plan et
constater que, bâties en moellons de roche, elles avaient des
liaisons de deux rangs de grandes briques superposées.
(1) Ces différentes mesures de l'amphithéâtre de Nîmes et du Colysée
de Rome sont données ainsi par L. Bâtissier , Histoire de l'art monu-
mental clans l' antiquité et au moyen-âge.
XXIXe. SESSION A TAON. 633
Les magnifiques travaux exécutés en dehors de l'amphi-
théâtre pour appuyer les terrains n'existaient point tout au-
tour de cet édifice , dont la partie nord était formée par la
montagne elle- même. On a plusieurs exemples d'amphithéâtres
et même de théâtres construits ainsi. A mesure que les ma-
çonneries venaient se relier au talus de la montagne , les ter-
rains en pente étaient solidifiés par toute sorte de moyens
ingénieux : tantôt une masse d'amphores serrées les unes
contre les autres avaient consolidé cette terre sablonneuse ;
tantôt un faisceau de pilotis avait été un obstacle suffisant
pour empêcher les éboulements. Parmi la masse d'amphores,
huit ou dix seulement ont été retirées entières et apportées
au musée.
Sur d'autres points, où il fallait se défendre de l'humidité
causée par des infiltrations d'eaux de source qui descendent
du coteau de la Croix-Rousse, nous avons trouvé des masses
de maçonnerie reposant sur une rangée de moellons de roche,
espacés les uns des autres de quelques centimètres et posés
de champ sur un rudus novum d'un mètre d'épaisseur, sou-
tenu par une masse de pilotis dont la place était restée vide,
et qui avaient été enlevés plus tard lors de la destruction de
cet édifice.
Ces différentes murailles de soutènement des gradins étaient
formées, comme les autres, de moellons de roche granitique
avec des liaisons de grosses briques sur deux rangs , formant
ainsi de longues lignes de couleur espacées de 50 centimètres
environ. Il est à remarquer que les murailles d'enceinte n'ont
pas de liaisons de briques. Sous une de ces murailles était
une voûte de support, formée de moellons et comblée de ma-
çonnerie; elle avait 3 mètres de haut sur 1 mètre 45 centimè-
tres de large. La muraille était paremenlée du côté du midi
et de l'ouest, c'est-à-dire extérieurement et intérieurement.
Au 17 mars 1860, on trouva dans la partie est de l'am-
23
ft3/l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
phithéâtrc une grande quantité de pierres de taille qui avaient
dû faire pactie des gradins , et deux murailles de fondation
reposant sur le roc lui-même, se dirigeant toutes deux paral-
lèlement du sud au nord-ouest, c'est-à-dire allant du mur
d'enceinte au centre du monument. Ces murailles, faites
avec les mêmes matériaux , avaient aussi des liaisons de
briques disposées de la même manière que celles dont
nous avons parlé, mais éloignées les unes des autres de
80 centimètres. Ainsi, la distance existant entre les liaisons
de briques des murailles de cet édifice variait de 50 centi-
mètres à 80, et lesdites liaisons étaient quelquefois de quatre
rangs de briques au lieu de deux.
A 5 mètres au-dessous de la maison Bouchardy , côté est ,
nous retrouvâmes une ligne de dalles de 30 centimètres
d'épaisseur, indiquant l'ancien niveau des vomitoires de l'am-
phithéâtre. C'était là une des entrées principales.
Au 26 avril 1860, nous découvrîmes, dans la tranchée du
chemin de fer de la Croix-Rousse, un escalier de sept
marches en belles pierres de choin de Fay : chaque marche
avait Uh centimètres de foulée et 33 centimètres de hauteur.
La largeur de l'escalier était de 1 mètre 50 , fermé de chaque
côté par un mur de 60 centimètres d'épaisseur. A côté de
cet escalier, nous trouvâmes un bloc de choin de Fay brisé ,
sur lequel étaient gravées dans de grandes dimensions les
lettres M A et au-dessous, en caractères de la plus grande né
gligence, le mot Saturnali. Tout près de là, nous retrouvâmes
une pierre qui avait dû se relier avec celle découverte par
Artaud. On y lit les mêmes abréviations des mots Biiuriges
Cubi, et on y voit les mêmes lignes verticales désignant les
places réservées.
Celte découverte importante vient déranger en partie le
calcul d'Artaud, qui pensait que chacun des soixante peuples
de la Gaule avait trois places réservées pour ses députés; le
XXJX'. SESSION A LYON. 435
nombre trois étant un nombre consacré. La pierre que nous
avions sous les yeux portant trois fois le nom de ce peuple,
ainsi que celle découverte par Artaud , atteste qu'il y avait
au moins six places pour les Bituriges Cubi , et probable-
ment autant pour cbacune des soixante nations (1).
Il est à remarquer que les deux fragments dont nous
venons de parler, ainsi que les six dernières marches de
l'escalier , étaient enterrés dans un sable solidifié par les
infiltrations d'eaux calcaires et devenu ce que l'on appelle
de la molasse.
A 16 mètres plus au midi, nous retrouvâmes un escalier
en tous points pareil au premier. Tous deux se dirigeaient
de la circonférence au centre de l'édifice.
Ces deux escaliers étaient supportés par une galerie voûtée,
ayant la forme de l'ellipse et que nous avons pu parcourir
avec M. Chenavard, accompagné de MM. Roux et Christot,
ses élèves, pendant l'espace de 25 mètres; un éboulement
considérable, formé lors de la construction de la maison Bou-
chardy, nous a empêchés d'aller plus avant. Il est évident
que cette maison est établie sur une partie des gradins de
l'amphithéâtre.
INous avons remarqué que, sous les dalles qui formaient le
pave des vomitoires , il existait deux canaux allant du nord-
ouest au sud-est. Leur hauteur est de 1 mètre et leur lar-
geur de 50 centimètres; leur niveau diffère d'un demi-mètre,
lis se trouvent placés entre deux murailles solides, dont nous
avons parlé et qui suivent exactement la même direction.
Toutefois ces canaux ne sont point appuyés auxdites mu-
railles, mais en sont éloignés de plus de 2 mètres; celui qui
(1) Les Gaulois regardaient le nombre six comme le plus sacré.
Pline, lib. XVI, c. xliv, et Religion des Gaulois, I. I, p. lit, Le
mois consacré à Auguste éluil le sixième (scxlilis).
Zl3G CONÇUES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
est placé plus haut que l'autre est précisément !e même
qu'a découvert Artaud. Ils ont dû servir à faire écouler une
partie des eaux , lorsqu'après un combat naval , l'arène de
nouveau desséchée servait à un spectacle d'un autre genre. Il
est à remarquer que leur direction oblique diminuait de beau-
coup la pente trop brusque qu'ils auraient eue , s'ils fussent
descendus dans une autre direction perpendiculaire à celle
du canal-aqueduc qui amenait les eaux. Il nous a semblé
que cette direction oblique les conduisait aux thermes, dont on
a reconnu l'existence sur le côté oriental de la place Sathonay.
Quant au canal descendant directement du côté des Terreaux
trouvé par Artaud, et dont nous avons vu nous-même des restes
importants, il ne servait absolument qu'à faire écouler la masse
des eaux trop considérable pour être reçue dans les thermes.
Dans la tranchée du chemin de fer de la Croix-Rousse ,
nous avons retrouvé un certain nombre de fragments prove-
nant de l'accoudoir du podium , tels que ceux découverts par
Artaud en 1820.
Les 3 et 4 juin 1860, une découverte des plus importantes
a eu lieu dans cette tranchée du chemin de fer de la Croix-
Rousse : une ligne de pierres de la base du podium a été
retrouvée encore sur son lit de pose. Nous avons pu la suivre
sur une étendue de 15 mètres: elle donnait aussi la courbe
de l'ellipse , mais dans la partie la moins prononcée , c'est-à-
dire dans le milieu de l'ovale pris dans son plus petit axe.
Elle reposait sur un sol très-ferme , devenu presque de la
pierre par l'infiltration des eaux calcaires qui viennent de la
Croix-Rousse. Cette ligne de pierres était en avant et à 3
mètres 80 centimètres en contre-bas de la partie supérieure
et intérieure de la galerie voûtée, qui supportait les escaliers
dont nous avons parlé. Son angle intérieur était taillé en
biseau, ainsi que le dit Artaud dans son mémoire. Sa hauteur
était de 58 centimètres dans sa plus grande élévation ? et du
XXIXe. SESSION, A LYON. 637
côté du biseau, seulement de 60 centimètres. Sa base était
de 68 centimètres , et sa surface supérieure horizontale
de 37 centimètres. Sur cette surface, s'élevait la partie
antérieure du mur du podium. Sur l'angle de cette base ,
taillée en biseau, étaient pratiqués des trous carrés, tous
placés régulièrement à la distance de 1 mètre.
En avant de cette base , existait encore une partie du
carrelage de l'arène , composé de deux rangs de briques bien
liées et recouvertes de ciment, ainsi qu'Artaud l'avait vu sur
un autre point. Aucune fouille n'ayant été faite à une
profondeur suffisante sur le milieu de l'arène , nous n'avons
pu suivre ce carrelage plus loin. La confirmation de cette
découverte d'Artaud , jointe à celle de l'aqueduc amenant
les eaux h l'amphithéâtre, ainsi qu'à celle des conduits servant
à les faire écouler, est plus que suffisante pour que nous
puissions affirmer que l'amphithéâtre de Lugdunum servait
de naumachie dans certaines occasions.
Une autre trace des pierres de la base du podium , et se
reliant parfaitement avec celles trouvées sur leur lit de pose ,
ayant été rencontrée à 6 mètres 50 centimètres en contre-bas
de la maison Bouchardy , à l'extrémité du grand axe de
l'arène où la courbe est le plus sentie, est venue nous donner
heureusement la longueur de cette dernière que nous
cherchions depuis cinq ans. Ayant d'une manière sûre
l'extrémité du petit axe et l'extrémité du grand , nous avons
obtenu ainsi le quart de l'ovale avec la plus grande exactitude.
Le reste n'étant plus qu'une opération de géométrie, nous
avons pu déterminer que la longueur du grand axe de l'arène
était de 64 mètres, et celle du petit axe de 61 mètres.
En ajoutant à ces mesures les 38 mètres de maçonnerie
et de gradins qui régnaient tout autour, nous avons eu une
longueur totale de 160 mètres et une largeur de 117 mètres,
ainsi que le marque notre plan. Ne doivent pas être compris
438 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE»
dans ces mesures , les 22 mètres de maçonnerie extérieure
et tous les travaux ajoutés au-dehors pour former et soutenir
les terrasses établies du côté du midi jusqu'au pied du talus,
que nous n'avons pu mesurer, et sur lesquelles débouchaient
les vomitoires de l'amphithéâtre.
Ce résumé rapide des travaux d'Artaud et des nôtres,
sur l'amphithéâtre de Lugdunum , nous paraît suffisant pour
donner au Congrès une idée de l'importance de ce mo-
nument, sur lequel nous publierons plus tard un travail
complet et par conséquent plus considérable.
Mais, avant de terminer cette lecture déjà peut-être trop
longue, veuillez, Messieurs, nous permettre de vous pré-
senter quelques considérations qui se rattachent à l'époque
de la construction de notre amphithéâtre, et aux édiGces
existant alors dans son voisinage. Nous nous efforcerons d'être
bref et de ne pas abuser trop long-temps de la bienveillance
de ceux qui nous font l'honneur de nous écouler.
Il est bien regrettable qu'Artaud et Comarmond , nos
honorables prédécesseurs, lors de la découverte d'une in-
scription ou d'un autre reste antique, aient presque toujours
omis de noter exactement l'état dans lequel était l'objet re-
trouvé. Dans leurs catalogues, très-rarement ils disent si ces
monuments étaient couchés ou debout, s'ils étaient employés
parmi les matériaux , s'ils étaient isolés de toute maçonnerie ,
et enfin s'ils étaient sur leur lit de pose. L'absence presque
totale de ces documents, de la plus haute importance, nous a
empêché jusqu'ici de fixer, d'une manière certaine, la véri-
table place qu'occupaient dans l'antiquité des édifices bien
connus dans l'histoire.
Cette omission malheureuse a laissé les archéologues dans
l'incertitude sur le point du confluent où était élevé l'autel
dédié à Rome et à Auguste. Jusqu'à présent, l'opinion géné-
rale l'avait sans hésiter placé à Ainay , probablement à cause
XXIX*. SESSION A LYON. 639
de la multitude de magnifiques mosaïques découvertes dans
ce quartier, ei qui annonçaient que des édifices somptueux y
avaient été élevés. Les deux colonnes antiques coupées pour
former les quatre piliers soutenant la coupole d'Ainay sem-
blaient aussi avoir été celles qui, sur nos médailles, flanquent
le grand-autel d'Auguste.
M. Auguste Bernard fut le premier qui , s'étonnant de ce
que tous les plus gros llocs antiques, sur lesquels sont gra-
vées des inscriptions honorifiques en l'honneur des prêtres
de Rome et d'Auguste, eussent été découverts près de la
place des Terreaux , pensa que le temple d'Auguste avait dû
se trouver sur l'emplacement des églises St.-Pierre et St.-
Nizier.
Cette idée, émise pour la première fois dans un mémoire
qu'il publia il y a quinze ans, rencontra une vive oppo-
sition de la part des archéologues Lyonnais. Nous fûmes
chargé alors de combattre la pensée de l'honorable savant, et
notre travail fut mentionné par l'Institut (1).
Certainement , si nos prédécesseurs avaient eu soin de
constater l'état dans lequel étaient ces blocs lors de leur dé-
couverte, nous saurions s'ils avaient été établis sur ce pointa
l'époque romaine ou s'ils y avaient été apportés plus tard,
comme tant d'autres, pour être employés à des constructions :
la vérité nous serait exactement connue.
Cependant, une découverte que nous avons faite nous-
même en 1859 , tout-à-fait à côté de la place des Terreaux,
et sous l'hôtel du Parc , semble devoir éclairer la question.
C'est ainsi, du reste, que l'a jugé un savant archéologue, dont
(1) Noire mémoire démontrait surtout que les îles du confluent,
conti adictoirement à l'opinion de l'honorable archéologue, étaient au
contraire, à l'époque romaine, entièrement couvertes de monuments et
de riches habitations, à l'exception seulement de l'île où se trouvent
actuellement les églises de St.-Pierre et St. -Nizier.
WO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le nom seul est une autorité. M, Léon Renier , s'appuyanl
d'une inscription existant au XVIe. siècle dans les murailles
de l'église St. -Pierre, a vu dans notre découverte des restes
d'un hémicycle sur les parois duquel est gravée une inscrip-
tion en l'honneur de Julia Salica, épouse d'Eppius Bellicus,
et dédiée par les trois provinces de la Gaule , une probabilité
qu'Eppius était un prêtre de Rome et d'Auguste. Il a pensé
aussi que l'autel trouvé à quelques pas, plus au midi, et dé-
dié nwninibus Augustorum par Tiberius Claudius Genialis,
devait naturellement se trouver dans les environs du lieu
spécialement consacré à ce culte. Or , nous avons eu soin de
constater que les restes de l'hémicycle et la base dudit autel
étaient encore sur leur lit de pose.
Nous sommes parfaitement d'avis que l'opinion de l'émi-
nent épigraphiste doit être adoptée , quoique plusieurs autels
de ce genre aient été découverts sur différents points de la
ville de Lyon, parce que depuis la destruction des monuments
romains, leurs matériaux ont été enlevés à toutes les époques
pour être employés dans la construction de nos édifices civils
et religieux. Aussi ce n'est que sur la découverte de monu-
ments épigraphiques, encore sur leur lit de pose, que nous
pouvons établir une preuve certaine de la place qu'ils ont
occupée dans l'antiquité.
Mais ce qui surtout pourrait être invoqué en faveur de
l'opinion que le temple d'Auguste n'était pas à Ainay, c'est la
découverte de l'amphithéâtre dont nous avons parlé.
Il paraîtrait, en effet, que ce monument a dû se relier
à l'autel des Césars. N'est-il pas naturel de croire que les
fêtes et les jeux célébrés en l'honneur du culte de Rome
et d'Auguste ont dû se donner dans cet amphithéâtre , où
les députés des soixante nations avaient des places réservées
au premier rang, et que par conséquent il devait être annexé
au temple des Césars, plutôt que de penser, avec M. Auguste
XXIXe. SESSION, A LYON. 4M
Bernard, que cel autel célèbre a été élevé dans une île du
confluent , la plus petite et la plus basse de toutes , maré-
cageuse, couverte de bois, inondée à chaque instant par
les eaux des deux fleuves , et, à cette même époque, servant
de retraite au premier évêque de Lugdunum ? Il n'y a pas
un archéologue Lyonnais et par conséquent connaissant bien
les lieux , qui puisse adopter cette opinion et ne sente que
si, malgré l'importance et la richesse des monuments dont la
découverte de tant de belles mosaïques a révélé l'existence
à Ainay , on ne doit plus penser à y placer le temple d'Au-
guste , il faut encore moins croire qu'il ait pu exister sur
l'emplacement des églises St. -Pierre et St.-Nizier.
Une autre considération qui viendrait h l'appui de ce que
nous venons de dire , c'est que de très-riches fragments de
corniche en marbre ont été trouvés sur le penchant de la
colline St. -Sébastien, dans le voisinage de l'amphithéâtre, du
côté de l'est. Le premier fut découvert par Chinard , habile
statuaire lyonnais, et donné par lui au musée; le second fut
trouvé par nous-mème , en 1859, au bas de la colline de
St. - Sébastien , près de l'hémicycle dont nous avons parlé.
Ces deux fragments , que l'on voit au musée de Lyon , sont
identiques pour l'ornementation et les proportions : donc, ils
sortent du même entablement.
Quel était donc ce monument splendide ?
A ces remarques, que nous prions MM. les Membres du
Congrès de vouloir bien prendre en considération , nous en
ajouterons une autre qui nous semble avoir une grande valeur.
En 1529 , on trouva, sur ce même point de la colline St.-
Sébastien , le bronze le plus précieux peut-être que l'Europe
possède : la Table de Claude.
Cette magnifique découverte, si près de notre amphithéâtre,
ne semblerait-elle pas révéler l'existence d'un édifice sous les
ruines duquel le bronze a été brisé et enseveli?
W2 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ce monument de la sollicitude de l'Empereur pour la
Gaule, sa patrie , n'a point pu être isolé: il a dû nécessaire-
ment être placé avec les plus grands honneurs dans un édi-
fice somptueux pour être un perpétuel objet de vénération.
La reconnaissance publique pouvait-elle trouver une place
plus convenable que le temple où les Césars recevaient les
honneurs divins ? Ce temple lui-même n'était-il pas déjà un
monument de celle reconnaissance de tous, et la vue de
cette magnifique page de noire histoire ne devait-elle pas
exciter encore, dans ce lieu, le respect et la dévotion envers
un prince qui avait si bien mérité de la patrie?
Nous devons donc penser que la table de Claude a dû être
placée par les Gaulois dans l'enceinte du temple des Césars,
ou au moins dans un monument splendide qui y était annexé.
Notre opinion , sur la certitude de l'existence de l'autel
d'Auguste dans le voisinage de noire amphithéâtre, peut
s'appuyer encore sur une importante découverte que nous
avons faite nous-même.
Au mois de juin 1859, on trouva dans la partie basse du
jardin des plantes , au midi , et bien en dehors de l'enceinte
de l'amphithéâtre , un filet d'eau sortant de dessous les ter-
rains occupés autrefois par ce monument, et contenu dans
un petit canal formé de débris antiques. Ayant obtenu l'au-
torisation de faire une fouille sur ce point, nous y avons dé-
couvert des fragments d'une inscription en l'honneur d'un
personnage dont le nom manquait , mais où il était question
d'un Flavius et d'une Maximilla qui auraient donné une somme
d'un certain nombre de sesterces et de CCXL nummi.
Ce petit canal , dont la maçonnerie était très-négligée et
faite à la hâte, éiait couvert par de larges fragments de ma-
gnifiques dalles de marbre blanc antique ornées de guirlandes
de chêne de grande dimension, relevées par des haches de
licteur et rattachées par des bandelettes. Ces dalles, de 2
XXIX'. SESSION A LYON. 443
mètres 15 centimètres de hauteur sur 1 mètre 35 de large,
ont 12 à 15 centimètres d'épaisseur.
Le nombre de ces fragments indique que les guirlandes,
plusieurs fois répétées, n'étaient pas toutes égales : quelques-
unes atteignaient jusqu'à 5 mètres de développement.
Déjà, en février 1858, nous avions découvert au même
point un magnifique dessus de balustrade en marbre , orné de
moulures des deux côtés et sculpté à feuilles de laurier.
Ces divers fragments, trouvés en dehors de l'amphithéâtre,
appartenaient-ils à la décoration de la loge du préleur et
des personnages éminents de la province ? Telle fut d'abord
notre pensée ; mais la réflexion nous fit abandonner cette
idée , parce que tout cet ensemble formait une ligne exacte-
ment droite , ce qui est contraire à toutes les autres pierres
de l'accoudoir du podium qui ont été retrouvées.
On remarquera qu'un de ces fragments de marbre, qui n'a
aucune trace de guirlandes, se distingue par deux lettres d'une
grande importance et d'une dimension tout-à-f;iit extraordi-
naire: un R entier, et un O dont il ne reste qu'une partie.
Nous ferons observer qu'en avant de l'R se trouve un espace
vide considérable , démontrant que rien ne précédait , et une
moulure au-dessus prouve qu'il n'y avait pas de ligne su-
périeure. Ces deux lettres, de 38 centimètres de haut, taillées
très-profondément et en carré pour recevoir les lettres de
bronze doré dont on voit encore les scellements, ne peuvent
être que le commencement des mots ROMAE ET AVGVSTO.
Si cette interprétation que nous soumettons aux archéo-
logues est exacte, nous avons eu le bonheur de retrouver une
partie de la décoration de l'autel d'Auguste.
Les médailles au revers de l'autel de Lyon nous donnent
l'ornementation de la face principale de cet autel. On y voit
les trépieds, les couronnes de chêne, etc.. Mais nous res-
tons sans renseignements sur la décoration des faces latérales
hh'l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE t)E FRANCE.
et de la partie postérieure. Ne pourrait-on pas supposer avec
raison que ce monument était orné de guirlandes sur les faces
moins importantes que les médailles ne donnent pas ? Nous
ferons même remarquer que les guirlandes sont précisément
le genre de décoration particulière aux autels païens et que
les feuilles de chêne qui composent celles-ci sont tout-à-fait
emblématiques, de môme que les couronnes représentées sur
la face principale que nous donnent les médailles. Elles rap-
pellent, par leur signification, les bienfaits dont Auguste avait
comblé la ville de Lugdunam en la déclarant capitale des
Gaules. Cependant , il est à considérer que les guirlandes
dont nous possédons les restes se détachent sur un immense
fond uni , et que cette décoration eût été un peu simple
comparativement à la face principale de l'autel. Nous nous
arrêtons donc à une autre opinion.
Les médailles montrent que l'inscription ROM ET AVG
était placée non point sur l'autel , mais au-dessous. Or,
l'autel et les deux colonnes supportant les Renommées tenant
des couronnes s'élevaient très-probablement sur une immense
base, dont l'ornementation devait être précisément ces guir-
landes colossales relevées par les haches de licteur et rat-
tachées par les bandelettes.
Quoique servant de couverture à un petit canal fait au
moyen-âge lorsque l'arène de l'amphithéâtre fut détruite ou
comblée , il est probable que ces magnifiques débris ont été
employés sur le terrain où ils gisaient parmi les ruines. La
beauté du marbre dont ils sont formés et l'extrême richesse
de leur ornementation ne laissent pas supposer qu'on ait été
les chercher au loin, pour les employer à un travail aussi vul-
gaire: tout concourt, en un mot, à nous faire croire qu'ils ont
été utilisés sur place. Nous sommes d'autant plus autorisé
à persister dans cette opinion que, peu après cette décou-
verte , on a trouvé , tout à côté , un massif de maçonnerie
XXIXe. SESSION, A LYON. W5
ruiné par le haut et les deux extrémités : ce qui nous a
empêché d'en constater les dimensions exactes, mais dont
la partie conservée était encore de h mètres 50 centimètres.
Ce massif, contrairement à toutes les courbes de l'amphi-
théâtre, formait une ligne exactement droite, et pare-
meniée comme pour recevoir un revêtement.
Nous ne serions pas éloigné de croire que ce massif a
fait partie du corps de l'autel lui-même.
Quoi qu'il en soil, la découverte de ces guirlandes et des
massifs de maçonnerie dont nous avons exactement marqué
la place, avant sa destruction, nous paraît une des plus impor-
tantes qui aient été faites à Lyon. Elle a enrichi notre musée
lapidaire de fragments aussi précieux pour l'art que pour
l'histoire, et peut servir à fixer définitivement la place où
s'élevait , dans notre ville , le plus célèbre monument de
toute la Gaule.
Une autre considération se présente encore à l'appui de
ce que nous venons d'établir au sujet de l'emplacement
de l'autel d'Auguste : c'est que la lettre des chrétiens de
Lyon à ceux de l'Asie parle longuement des supplices que
les martyrs de l'an 178 eurent à souffrir dans l'amphithéâtre
pendant les fêtes célébrées à l'occasion du grand marché an-
nuel qui attirait tant de monde. Les détails les plus précis
qu'elle donne à ce sujet ne peuvent laisser l'ombre d'un
doute.
Ce document est de la plus grande autorité : d'abord ,
parce qu'il a été écrit immédiatement par les chrétiens de
Lyon échappés à cette persécution , et témoins oculaires des
tortures de leurs coreligionnaires ; ensuite , parce qu'il dé-
crit à plusieurs reprises les tourments supportés par Maturus,
Alexandre, Attale , Sanctus , Épagathe, Politique et la jeune
Blandine, dans l'amphithéâtre.
Cette lettre est d'autant plus précieuse qu'elle doit servir
UU6 CONGRES ARCHÊOLOG1QIE DE FRANCE.
à rétablir un passage de Grégoire de Tours évidemment
altéré par les copistes , et qui a jusqu'ici induit en erreur
les historiens qui l'ont invoqué pour écrire que les martyrs
de l'an 178 avaient souffert à Ainay :
« Et sepelierunt beata pignora sub sancto altari ubi se
« semper virtutibus manifestis cum Deo habilare declarave-
«< runt. Locus auteur ille quo passi sunt Àthanaco vocatur;
u ideoque et ipsi martyres à quibusdam vocantur Athana-
« censés. »
Il est évident que le mot passi a été substitué par erreur
au mot sepulii que l'auteur avait sans doute écrit. La lettre
des chrétiens témoins des supplices de leurs frères disant
qu'ils ont souffert dans l'amphithéâtre , et l'amphithéâtre
n'étant pas à Ainay , les martyrs n'ont donc pas souffert à
Ainay ; tandis qu'il est parfaitement exact que , plus tard ,
leurs reliques y furent réellement déposées , et qu'à cause
de cela ils furent souvent nommés martyrs d'Ainay.
D'ailleurs, en y réfléchissant , on comprend que Grégoire
de Tours, vivant à une époque où les ruines des monuments
chrétiens étaient encore en grande partie sur place, devait
parfaitement savoir où était l'amphithéâtre de Lugdunum.
Il devait aussi connaître certainement la fameuse lettre des
chrétiens de Lyon à ceux d'Asie, et par conséquent il n'aurait
pas écrit volontairement le contraire de ce qui était contenu
dans ce document précieux.
En terminant , nous rappellerons que les dernières dé-
couvertes ne permettent plus de croire que l'emplacement
du temple d'Auguste ait été à Ainay ; que le texte de Gré-
goire de Tours a subi évidemment une altération , puisque ,
écrit 400 ans après la lettre des chrétiens de Lyon , il se
trouve en contradiction avec elle. Nous rappellerons que cette
même lettre établit de la manière la plus claire, la plus pré-
cise et la plus authentique , que les martyrs ont souffert à
\UX°. SESSION A LYON. hhl
l'amphithéâtre , et que cet amphithéâtre n'étant pas à Ainay,
les martyrs n'ont pas souffert a Ainay.
Nous répéterons que toutes les découvertes de mosaïques
faites à Ainay ne peuvent prouver qu'une chose , c'est que
cette partie des îles du confluent était couverte d'édifices
somptueux et de riches habitations , attendu qu'il n'a jamais
été trouvé, dans cette partie de la ville, un seul monument
relatif au culte d'Auguste, tandis que, dans tout le quartier
environnant le point que nous avons cité , les monuments
du culte d'Auguste abondent, et que plusieurs ont été tronvés
surleur lit de p ose.
Nous établissons aussi que, d'après l'inscription de la rue
de La Vieille (musée de Lyon , U20 ) , le lieu appelé Condat
par les anciens était bien celui où avait lieu le premier point
de rencontre des deux rivières , et désigné sur nos monu-
ments épigraphiques par les mots : ad conflueniem , ad con-
fluenies , inter confluentes ;
Enfin , que la découverte des restes de l'autel et de la
maçonnerie, qui en faisait probablement le corps principal ,
est venue, en fournissant une preuve matérielle, irrécusable,
faire cesser tous les doutes , et résoudre une question im-
portante agitée depuis long-temps.
Nous craindrions, Messieurs, en cherchant a établir d'autres
preuves en faveur de notre opinion , d'abuser des moments
précieux que vous voulez bien consacrer a nous entendre.
Nous les consignerons dans un travail spécial plus considé-
rable, et nous allons, en terminant, essayer de préciser
l'époque où les monuments romains de Lugdunum furent
renversés.
Constanlin-le-Grand , par sa conversion au christianisme
et son édit en faveur des chrétiens , porta le premier coup
aux édifices religieux du paganisme. Néanmoins, leur de-
struction ne fut point immédiate.
hkS CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Des autels s'élevèrent en l'honneur du Christ ; des temples
chrétiens furent construits ; mais , malgré la protection du
prince, les fidèles ne purent de suite faire disparaître les mo-
numents du culte des faux dieux : ils n'étaient encore ni
assez puissants, ni assez nombreux. D'ailleurs, ils durent
être divisés dans le principe. Chrétiens et païens faisaient
souvent partie de la même famille. Un édit peut empêcher
ou ordonner les pratiques extérieures, mais il est sans force
sur les consciences.
Peu de monuments religieux ont dû être renversés alors ,
cependant quelques-uns ont pu être détruits dans certaines
localités où les chrétiens étaient en grand nombre; mais, sur
d'autres points , des luttes sanglantes ont dû avoir lieu. Les
chrétiens, se rappelant ce qu'ils avaient souffert, et les païens,
blessés dans leur croyance et leurs habitudes, ont dû plus
d'une fois en venir aux mains. D'ailleurs, il faut tenir compte
des conséquences que dut avoir l'apostasie de l'empereur Ju-
lien , qui , tout en permettant aux chrétiens le libre exercice
de leur religion , se montra très-favorable au paganisme.
A cette même époque , les premières invasions des hordes
de la Germanie, ravageant tout sur leur passage, -durent
amener la destruction d'un grand nombre de monuments
civils que l'ardeur religieuse des chrétiens avait nécessaire-
ment respectés.
Le religion chrétienne , déclarée religion de l'État par
Constantin , favorisée par ses successeurs et propagée par le
zèle des prédicateurs , fit d'immenses progrès. Les fidèles ,
dont le nombre augmentait sans cesse , ne toléraient plus
qu'avec peine l'existence des sectateurs du polythéisme , de-
venus de jour en jour moins nombreux , lorsqu'enfin , en
389 , sous l'empereur Théodose, eut lieu le renversement
des temples et des idoles.
Le zèîe , et nous pourrions dire la fureur des chrétiens, ne
XXIX". SESSION, A LYON, M9
connut plus de bornes. Le sang des martyrs de la foi , qui
avait tant coulé , allait Cire enfin vengé : les idoles furent
brisées, foulées aux pieds, et leurs débris précipités dans nos
fleuves; les autels renversés, les temples saccagés et détruits
ne furent plus qu'un monceau de décombres. Les inscriptions
honorifiques, les statues, les monuments funèbres, en un mot
tout ce qui pouvait rappeler le souvenir d'un culte abhorré
fut anéanti , et les sectateurs de cette religion , si long-temps
orgueilleuse et alors proscrite à son tour , durent se tenir
à l'écart pour se soustraire à la fureur du peuple.
Néanmoins nous ne pouvons pas attribuer au zèle religieux
des chrétiens le saccage ou la destruction de tous les monu-
ments romains de Lugdunum.
S'il est vrai que ceux du culte des faux dieux furent im-
pitoyablement renversés , nous devons croire que les édilices
civils échappèrent naturellement à cette grande dévastation.
Le forum romain existait encore au IXe. siècle, lorsqu'en
840, il s'écroula de lui-même. D'autres édifices du même
genre , fréquentés par les chrétiens aussi bien que par les
païens, ont dû subsister après cette dévastation des monu-
ments religieux.
Ici, une question se présente. Cette grande et terrible réac-
tion s'est- elle étendue dans Lugdunum sur notre amphi-
théâtre ?
Quelques-uns pourraient dire que le goût passionné des
spectacles a dû préserver cet édifice , destiné aux divertisse-
ments que le peuple croyait si nécessaires à son existence ,
même après l'établissement du christianisme. En effet, nous
voyons qu'après le renversement des monuments du paga-
nisme , le peuple , quoique chrétien , était si passionné pour
les jeux et les .spectacles , que la ville de Thessalonique se
souleva tout entière pour obtenir l'élargissement d'un cocher
du cirque , emprisonné par ordre du commandant militaire
29
&50 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
pour une faute grave. Cette émeute fut si forte, que plusieurs
magistrats y perdirent la vie. Tout le monde connaît la ven-
geance qu'en tira l'Empereur, et la pénitence que lui imposa
saint Ambroise.
Mais , à Lugdunum , de tristes et douloureux souvenirs se
rattachaient à notre amphithéâtre. On y avait célébré les
jeux et les fêtes relatifs au culte des Césars ; les prêtres au-
gustaux , si fiers, si puissants, y avaient leurs places réser-
vées. C'était dans cette enceinte qu'ils avaient fait déchirer
par des bêtes féroces de malheureux chrétiens, et s'étaient
repus de ce hideux spectacle. C'était sur ces gradins qu'une
foule cruelle avait assisté aux tortures et à la sublime agonie
de Maturus, d'Attale et du diacre Sanctus. C'était là qu'en-
chaînés sur des sièges de fer , ils avaient vu les flammes dé-
vorer leur corps lacéré par des bourreaux. C'était dans cette
arène qu'après d'indicibles tourments , la jeune Blandine ,
abandonnée à la rage d'un taureau furieux, avait héroï-
quement supporté les blessures de ce terrible animal , sans
qu'une plainte ou un moment de faiblesse eût pu trahir ses
souffrances.
Deux siècles s'étaient écoulés , mais ces souvenirs étaient
encore vivants. La tradition les avait transmis : l'Europe chré-
tienne les connaissait, et les fidèles de Lugdunum ne pouvaient
les avoir oubliés.
Cependant, des scènes d'horreur du même genre s'étaient
passées dans bien d'autres amphithéâtres qui ont survécu. A
Rome, par exemple, le Colysée avait été témoin du supplice
d'un grand nombre de martyrs, et au XI". siècle, il existait
encore dans son entier. Le goût effréné de la population
romaine pour les spectacles qui y furent donnés jusqu'au VIe.
siècle, l'avait sauvé : les guerres du moyen-âge le détruisirent.
Nous ne voyons pas que le goût des spectacles ait été aussi
vif à Lugdunum que dans la ville des Césars. D'ailleurs, l'his-
XXIXe. SESSION, A LYON. 651
toire ne nous dit point que, parmi les victimes qui ont péri
au Colysée, il s'en soit trouvé d'aussi célèbres que celles
dont le sang a rougi l'arène de notre amphithéâtre, et dont
les tortures prolongées aient eu autant de retentissement.
Il nous paraît donc probable qu'au moment où l'autel des
Césars s'écroulait, sous la fureur populaire, l'amphithéâtre qui
semble y avoir été annexé, et où s'étaient accomplis tant
d'événements douloureux, a dû être sacrifié en même temps.
Mais cette énorme masse n'a pu, ce nous semble , être ren-
versée en un jour. Les insignes qui se rattachaient au culte
ont pu en être arrachés, les inscriptions mutilées; de graves
dévastations y être commises : sa destruction totale a dû être
plus lente et l'ouvrage de plusieurs siècles.
Il en a été de même des autres monuments. Partout où
nous avons assisté à des fouilles , nous avons pu remarquer
qu'd est rare de retrouver des pierres antiques ayant une
forme régulière et propres à être employées dans des con-
structions. Ceci démontre qu'une autre espèce de barbares,
à Lugdunum comme ailleurs , s'efforça d'achever lentement,
mais radicalement, celte seconde destruction peut-être encore
plus déplorable et moins excusable que la première.
Ce qui pourrait faire penser que la transformation totale
de l'emplacement de notre amphithéâtre a eu lieu avant le
moyen-âge , c'est que le terrain de remblai qui a comblé
son arène, et s'élève jusqu'à la moitié de la hauteur des gra-
dins, contient beaucoup de tuileaux antiques et qu'on y a
trouvé un certain nombre de petites monnaies de billon , trop
frustes pour pouvoir être précisées , mais qui évidemment
appartiennent à la dernière époque du Bas-Empire. Un der-
nier travail de nivellement pourrait aussi avoir été exécuté
sur ce point, long-temps après la destruction de l'édifice et la
dispersion de ses ruines pour l'établissement de l'abbaye
royale de la Déserte. Ce monastère, de l'ordre de Ste. -Claire,
652 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fut fondé en 1260 par Blanche de Châlons, femme de Gui-
chard de Beaujeu , connétable de France (1).
Nous devons donc regarder la disparition complète de
l'amphithéâtre et des autres monuments romains de Lug-
duuum, comme étant l'œuvre de plusieurs siècles , et faire
une certaine différence entre la dévastation d'un édifice et
sa destruction totale. La première fut l'œuvre des chrétiens
de 389 et des invasions des barbares; la seconde, plus lente,
fut opérée par l'ignorance des siècles suivants. Cette dernière
fut plus impitoyable : les chrétiens et les barbares avaient
laissé sur place les ruines qu'il avaient faites ; le moyen-âge
lesdispersa. Il enrichit les édifices nouveaux de ces précieuses
dépouilles , recueillies aujourd'hui à mesure que les œuvres
de cette époque disparaissent à leur tour ; il se montra plus
barbare, envers nos monuments historiques et les œuvres d'art
des premiers siècles, que les hordes qui avaient envahi tant
de fois le sol de la Gaule.
Les monuments de Rome subirent le même sort, mais la
diminution de la population de cette ville célèbre n'exigeant
pas autant de constructions nouvelles , bien des ruines an-
tiques restèrent oubliées. Il en a été de même de toutes les
villes déchues. Mais, dans celles où la population croissante
exigeait d'augmenter le nombre des habitations , les restes
des monuments antiques furent enlevés , dénaturés et em-
ployés à des édifices nouveaux.
Nous finirons, Messieurs , en disant que, quoiqu'il paraisse
très-difficile de préciser exactement l'époque de la destruc-
tion totale des monuments romains de Lugdunum , nous
croyons que , commencée probablement à l'étlit de Constantin
(1) Le nouveau bâtiment, dont il reste encore aujourd'hui deux pa-
pillons considérables, fut reconstruit en 175/i par dame Constance-Clau-
dine de Moyriat de Châtillon, abbesse.
XXIXe. SESSION, A LYON. I5S
en faveur du christianisme et aux premières invasions des
barbares, repoussces par l'empereur Julien au IV". siècle,
la dévastation générale des monuments religieux dut avoir
lieu sous l'empereur Théodose en 389 , et que , plus tard ,
les invasions des Francs et les guerres du moyen-âge ache-
vèrent de renverser ceux qui pouvaient avoir survécu ou que
le temps avait épargnés (1). Mais nous ajouterons que leur
disparition totale fut surtout l'œuvre de l'ignorance qui , en
dispersant ces restes précieux et en les employant comme de
simples matériaux , a ainsi effacé jusqu'à la moindre trace
de ces monuments.
dette dévastation lente, totale et cupide, n'eut pas seule-
ment lieu à Lugdunum , mais à Rome même: des portiques
du Colysée furent démolis pour construire des palais à de
grands seigneurs, plus barbares en cela que les hordes de la
Germanie.
Le peuple romain , à juste titre si lier des nobles et gi-
gantesques ruines qui marquent encore la place des moiiu»
ments célèbres de son histoire , a flétri par une phrase cé-
lèbre ces spoliations coupables, et après quatre siècles, il
répète encore en désignant un palais bien connu :
Quod non fecerunt barbari
Fecerc Barberini.
M. de Caumont remercie M. Martin-Daussigny et lui
offre, au nom du Congres, les plus chaleureuses félicitations.
M. l'abbé Boue, curé de St.-Martin-d'Ainay , ne peut
laisser passer sans protester l'opinion émise au sujet de son
(1) Sous le roi Childebert, une inondation extraordinaire avait ravagé
toute !a partie basse de Lyon, où est aujourd'hui l'église de St.-Nizier,
et qui était encore la moins élevée au-dessus des eaux.
UàU CONGRÈS ARCHÉOr.OGIQUE DE FRANCE.
église. Jl croit que, jusqu'à de plus amples découvertes, la
tradition appuyée sur Grégoire de Tours persistera.
M; Peladan fait remarquer que le forum ne s'écroula qu'au
VIIIe. siècle.
M. François Lenormant, à propos des places marquées el
désignées dans les précinctions de l'amphithéâtre, rappelle
que cela existe à Syracuse, Dans les théâtres d'Athènes et
de Mycène, les trois rangs inférieurs, au lieu d'être de sim-
ples gradins , sont composés de fauteuils de marbre blanc ,
portant la désignation des fonctionnaires qui devaient les
occuper par ordre hiérarchique. Au milieu , le grand-prêtre,
puis l'Archonte , l'Hiérophante, et tous les personnages publics
dont quelques-uns ont des fonctions inconnues.
M. Lenormant ajoute qu'il serait dangereux de fixer une
époque à la destruction d'un monument ou d'une ville. Si cette
destruction est parfois lente, elle peut être subite. Le temple
d'Eleusis, qu'il a visité, était énorme: il contenait 30 mille
■personnes; ses matériaux, en marbre, étaient d'une dimension
colossale. Cependant , les soldats d'Alaric le détruisirent en
un seul jour, et cela jusqu'à la base; car, sous les couches
inférieures des débris, on a retrouvé les corps écrasés de deux
guerriers goths, revêtus de toutes leurs armes bien caractérisées.
Il a vu, lui-même , les ruines fumantes encore de la Syrie ;
la grande église de Notre-Dame-des-Colliries, le grand couvent
des Lazaristes de Damas, ont été absolument rasés en quel-
ques heures.
M. Chipier lit un mémoire sur les anciens aqueducs de la
rive droite de la Saône.
MÉMOIRE DE M. CSiBPIEK.
Il est établi, par l'histoire, que le premier aqueduc construit
à Lyon par les Romains a été celui du Mont-d'Or. II embras-
XXIX*. SESSION, A LYON. G55
sait les parties est , sud et ouest de la ville ; il recevait les
sources qui existaient alors depuis Poleymieux , St. -Romain,
St. -Didier et Limouest ; il était formé de deux branches, dont
l'une suivait la colline de la rive droite de la Saône jusqu'à
la Duchère ; il traversait le ravin des Gorges , la via publica,
qui est aujourd'hui le chemin vicinal des Roches à la tour de
Salvagny , sur la partie orientale de la commune d'Écully, et
arrivait à la jonction du ruisseau de Chalin par celui dit des
Planches, anciennement nommé de Leros, où était un pont
dont les restes ou vestiges existent encore ; de là il était di-
rigé sur le plateau de Champ-Vert. Les ruines et vestiges
apparents sur les diverses parties de cette ligne constatent
cette direction.
L'autre branche recevait les sources méridionales et occi-
dentales du Mont-d'Or ; elle parlait de Limouest et des lieux
adjacents ; sa direction au midi était par Écully, les vestiges sont
apparents au hameau des Bruyères , sur la frontière orientale
de la commune de Dacdilly et dans l'intervalle de ce hameau
au territoire de Tronchon et du Tuer. Il y dix années, une
suite de fondements des piles de cet aqueduc, de 3 mètres de
largeur sur 2 mètres d'épaisseur , étaient visibles presque à
fleur du sol ; ils ont été détruits et enlevés dans la pro-
priété Bruny. De ce point, l'aqueduc traversait, la via publica
précitée, qui est le même chemin des Roches ; puis cette ligne
se prolonge , les vestiges sont apparents dans les champs et
sur la longueur de près d'un kilomètre. L'aqueduc se dis-
tingue par un chemin rural , qui y est superposé jusqu'au
territoire du Raffort, point culminant de la contrée où était
construit le réservoir de chasse , qui , de ce point , par un
canal souterrain , déversait les eaux sur le pont-aqueduc
dont les piles existent au travers du vallon méridional d'Écully
où coule le ruisseau des Planches , dit de Leros , près du
456 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
moulin Berger (1). Là, à l'occident de ce point , était un
réservoir de chasse. Le canal traversait le vallon, et, par une
suite d'arcs, les eaux étaient dirigées par le plateau de Champ-
Vert sur Lugdunum , au lieu dit Trium-Fontium. (Trion ) ;
les fondements de ces arcs sont en partie visibles, les autres
viennent d'être détruits dans la propriété Caquet.
En conséquence de cette direction , oblique à l'est , il est
évident que cet aqueduc n'avait aucun rapport de correspon-
dance avec l'arc rampant actuel qne l'on voit aux Massues ,
au-dessus de la Demi-Lune. Leurs directions rendent ce rap-
port tout-à-fait impossible.
Le rapprochement de ces deux ruines a sans doute induit
les historiens en erreur, notamment M. Alexandre Flachéron,
qui a fait contourner les sources de St. -Romain, Collonges
et St. -Didier par Limouest sur Dardilly et Écully , contre
toute espèce de vraisemblance : vu la différence de leurs
hauteurs relatives, la contre-pente par trop évidente démontre
que cette opinion est tout-à-fait erronée.
Il paraît presque indubitable que le camp de cavalerie at-
tribué à Marc-Antoine était établi tout au pied et au bord de
ce pont; la ligne de l'aqueduc du Raffort lui servait de valkim
occidental , le vallum oriental existe encore en partie (2).
La moitié qui touche le chemin vicinal d'Écully à la
Demi-Lune , dit de la Vernique , a été abattue par le pro-
(1) Sept piles de ce pont existaient encore; ies trois arches qui restaient
sont tombées en novembre 1826 ; une des piles et les arches se sont ma-
jestueusement couchées au pied de leurs fondements.
On ne connaît qu'un seul dessin véridique de ce pont, c'est celui fait
en 1790 par maître Fructus, peintre distingué de Lyon : c'est une vue
dont l'aspect est liès-pittoresque; elle est sans doute restée dans sa famille.
(2) Feu M. le peintre Richard en a fait une vue qui se trouve dans
VHist. de Lyon , par Clerjon.
XXIXe. SESSION, A LYON. 657
priétairc , qui l'a remplacée par une plantation insignifiante.
Ainsi-, sous l'empire de la mode, qui est le tyran du goût ,
a été détruit et anéanti un de ces aspects antiques des plus
pittoresque , par son rapprochement avec le pont-aqueduc
précité , le seul qui existait dans le rayon de Lyon.
Le camp ou casirum astivum était donc situé à l'occident
du vallon des Flanches ; à l'ouest était la porte Prétorienne :
elle était établie sur le chemin vicinal , devenu depuis route
départementale ; l'autre , correspondant au levant , était la
porte Décumane : elle descendait jusqu'au bas du vallon ;
près du pont-aqueduc étaient les portes dextre et senestre ;
le vallum contournait la partie méridionale ; au nord , le che-
min formait la dernière partie du vallum ; à l'angle méridional
de la porte Prétorienne, au XIIP. siècle, était l'église d'Écully :
elle fut brûlée la veille de St. -André, 30 novembre 1262, par
les bourgeois de Lyon , après l'insuccès de leur attaque sur
le cloître de St.-Just.
La topographie de ce camp est telle que l'expliquent divers
auteurs : orientation et légère pente au sud- est.
On m'objectera que cette opinion est au moins hasardée. Je
réponds, d'abord : les historiens se sont accordés sur et point,
l'établissement d'un camp de cavalerie à Écully. On m'accor-
dera , sans doute : 1°. que pour un camp de cavalerie il faut
de l'eau , et que les bords de la Saône et ce qu'on appelle le
plan de Vaize et Gorge-de-Loup étaient alors un marécage
inabordable ; 2°. que le plateau des [Massues était trop élevé
et privé d'eau ; 3n. que, le camp placé où je l'indique, l'aque-
duc lui donnait les eaux potables suffisantes, et le vallon ali-
menté par le ruisseau des Planches et ses affluents était
l'abreuvoir. D'autre part, si l'on considère qu'il avait été
très-facile de construire une vanne au point de jonction du
ruisseau de Chalin sur celui des Planches , od comprendra
le volume considérable formé par l'aglomération de ces ruis-
458 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
seaux et par les eaux qui y auraient été déversées par les deux
lignes d'aqueducs qui auraient été plus que suffisantes pour
l'établissement d'un camp de cavalerie. Un autre motif, c'est
celui de quantité de tombes , des débris de poterie rencontrés
dans la partie haute et autres qu'on a trouvés dans celte lo-
calité. Il est donc probable que c'est ce camp qui a donné le
nom au village d'Écully (Equestris , Equilis); la topographie
de son assiette démontre par ses ruines et ses vestiges , dont
il est facile de suivre la trace, qu'il y a présomption légale de
l'existence de ce camp.
Aqueduc de la Brévenne (1).
Cet aqueduc recevait les eaux des montagnes de l'ouest, il
recueillait les principales sources au-dessus de Stc.-Foy,
l'Argentière et leurs affluents; il passait souterrainement
sous les territoires de Courzieux , Chevïnay, Sourcieux, Len-
tilly , par les hameaux de Rivoire et de La Chaux, passait par
la déclivité de la colline , au midi de la tour de Salvagny, au
hameau de La Passetière , à celui de La Beffe , sur la com-
mune de Dardilly ; de ce point , il traversait la route impé-
riale de Lyon à Roanne et arrivait à un réservoir de chasse
situé au midi du village de Dardilly , point culminant qui
formait l'embranchement de deux vallons : l'un au nord, ve-
nant d'un lieu dit Traîne-Cul ; l'autre à l'orient, venant du
lieu dit Rue-Profonde.
Entre ces deux points , d'orient et d'occident , il suivait la
via pubtica, depuis nommée chemin des Roches. La chaussée
de cette voie, composée de pavés de grès de forte dimension ,
(1) M. Delorrae explique qu'il fut établi pour prendre les eaux delà
Loire ; il se conduit par la vallée de la Brévenne, Vaugneray, Trézieux,
Tassins et St.-Irénée. C'est évidemment une erreur.
XXIXe. SESSION, A LYON. 459
avait 2 mètres 80 centimètres de largeur ; elle a été détruite
en 1856.
A partir du réservoir sus-énoncé , le conduit suivait le
versant oriental du ruisseau des Planches et se dirigeait sur
l'arc rampant des Massues , où était un réservoir de fuite qui
conduisait les eaux à Trium-Fontium sur Lugdunum. De la
vérification des lieux, les conséquences sont en faveur de cette
direction.
Aqueduc du Tourillon.
Cette ligne existe sur les confins des communes de Tassins
et de Craponne. M. Delorme, dans ses Recherches lues à
l'Académie de Lyon, le 5 juin 1759, explique que cet aqueduc
prenait les eaux de la Loire, et passait par Vaugneray et
Grézieux ; la différence des niveaux rend la première asser-
tion impossible. Divers historiens veulent que ces ruines
soient les restes d'un camp romain. M. iMontfalcon l'indique
comme le lieu où était assis le camp de Marc-Antoine, (les
deux piles, en ruine, sont les restes du réservoir de chasse
qui recevait les eaux de l'Iseron et des sources du versant
oriental de ces montagnes. Les fondements des arcs rampants
existent encore en partie : la direction est sur Lugdunum, par
la partie méridionale du plateau des Massues. Un propriétaire,
au levant de ce réservoir, m'assurait qu'il y a soixante ans,
dans sa propriété sise à la suite , on avait trouvé une grande
quantité de tuyaux de plomb, et que, sur les lieux mêmes de
cette trouvaille , les paysans les avaient fondus en saumons.
Celte ligne arrivait également vers Trium-Foniium* et sur
un point plus élevé que les précédentes; il est de la plus
grande évidence que cette ligne n'a jamais pu être liée avec
l'aqueduc de la Brévenne, ni avec son aboutissant par l'arc
rampant actuel des Massues.
11 y a dix ans , je visitai ce lieu. Des paysans fouillaient
660 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le sol pour le cultiver : ils trouvèrent une médaille petit-
bronze , que je m'empressai de leur acheter ; elle représente
Géta, deuxième fils de Sévère ; elle est d'un très-beau relief,
d'une patine et d'un galbe admirables.
Je m'aperçus alors que l'assertion de M. Flachéron, qui a
constaté le vandalisme destructeur des propriétaires riverains,
était fondée : le sol était jonché de blocailles et de débris de
mortier.
La ligne du Rhône, la ligne de la rive gauche de la Saône,
ainsi que la rive principale, l'aqueduc de Claude, qui portait
les eaux au forum de Fourvières , et partait du Mont-Pilat ,
ont été supérieurement décrites (1) : 1°. par M. Delorme,
dans ses Recherches ; 2°. dans les Lettres sur l'histoire an-
cienne de Lyon, par M. de Penhouet, 1817 ; 3°. par M. Fla-
chéron , en 18^0 : son mémoire très-détaillé , accompagné
de plans, est d'une grande importance, quoique renfermant
quelques erreurs.
Après ces historiens, je craindrais avec raison de rester
au-dessous de la démonstration analytique de cette grande
synthèse relative à ces lignes importantes, ainsi qu'à la dé-
monstration de la possibilité de leur rétablissement, qui ne me
paraît pas réalisable. Mais il y a un point qui domine cet
ensemble de ruines : c'est celui de leur conservation qui
est généralement réclamée.
Dans la séance de la Société française d'archéologie tenue
à Lyon, en 1866, M. le peintre Richard insista beaucoup
pour qu'on s'occupât de la restauration du pont de Baussan.
Depuis cette époque, ce vœu est resté à l'état de lettre-
morte; cependant, une réparation dans les fissures est des
plus nécessaire pour la conservation de ces beaux restes :
elle empêcherait leur ruine totale.
(1) Colonia, Lyon 1701.
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CHASSELAY
XXIXe. SESSION, A LYON. 661
Je viens donc corroborer cette description par nn fait de
destruction que , par respect pour ces ruines antiques , on
aurait dû éviter. Le mardi 26 décembre 1866, sur l'em-
placement de la porte des fortifications actuelles, dites de
Fourvièrcs , le génie militaire procéda , par la sape , à la
destruction de la pile du réservoir de faîte du pont-aque-
duc de St. -Irénée , sur le plateau de Fourvières. Cette pile
s'est coucbée dans le fossé de la Courtine : elle s'est divisée
en trois sections, séparées par des rangées de six carreaux
de 60 centimètres de face, et entre cbaque épaisseur de reti-
culatum de 1 mètre 60 centimètres restées intactes. On se
demande si ce beau reste d'aqueduc ne valait pas la peine
que l'on transportât , de quelques mètres à droite, celte porte
de Fourvières.
Il est de fait que les restes des aqueducs sont la propriété
de l'État : je viens donc aujourd'hui , devant la Société
française d'archéologie, renouveler le vœu de 1866 pour que
l'on veuille bien s'occuper de leur réparation; et attendu que
les ruines du pont d'Écully sont fermées muralement et ne
sont point abordables pour le public , je demande que l'au-
torité , comme elle L'a fait pour la ligne de Pilât , veuille
bien prendre cette ligne du Mont-d'Or sous sa protection.
Le Congrès, consulté, émet ce vœu et charge M. le Secré-
taire d'en faire parvenir l'expression à M. le Ministre d'État
et à M. le Sénateur-Préfet du Rhône.
M. Carraut ajoute que les piliers encore debout de
l'aqueduc de Bonnant auraient pu , à peu de frais , être par-
faitement maintenus, et qu'ils courent de grands dangers.
M. Martin-Daussigny , ayant obtenu la parole, présente
une indication sommaire de l'importance de la collection épi-
graphique du Musée de Lyon et de son intérêt au point de
vue historique.
^62 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
NOTE DE M. MARTIX-DAUSSIGNY.
La collection épigraphique du Musée de Lyon est regardée
généralement comme l'une des plus belles de l'Europe, non-
seulement par le nombre de ses monuments, mais encore par
leur importance historique. Les savantes dissertations de
MM. Léon Renier, de Boissieu et Artaud, son fondateur, ont
pu faire juger du parti qu'on en pourrait tirer pour l'histoire
de notre ville à l'époque gallo-romaine. Les différentes ma-
gistratures qui y sont désignées, les usages qu'elle fait con-
naître, les personnages éminents qui y sont cités, les fonc-
tions qu'ils ont remplies , les honneurs qui leur ont été
rendus, y étant men lionnes, doivent nous la faire considérer
comme devant occuper le premier rang parmi nos richesses
archéologiques.
Nos inscriptions antiques peuvent être , aux yeux des
archéologues , comme les pages éparses d'un livre écrit par
nos ancêtres pour perpétuer le souvenir de leur grandeur ,
et nous initier aux détails intéressants de leur administration
religieuse, civile et militaire.
Je n'ai point l'intention d'entrer dans des dissertations
épigraphiques sur telle ou telle inscription , me réservant de
traiter ces questions difficiles dans la visite que le Congrès
se propose de faire aujourd'hui à ces monuments précieux.
Je me bornerai , pour le moment , à mettre sous ses yeux le
tableau abrégé des magistratures, dignités, charges et fonc-
tions inscrites sur une grande partie de ces restes d'une ci-
vilisation qui a laissé des souvenirs impérissables.
On trouve dans notre Musée épigraphique :
Inscriptions dédiées à des divinités 26
Prêtres qui y sont désignés '26
XXIX". SESSION, A LYON. 463
Sévirs augustaux 23
Inscriptions commémoratives de sacrifices , dont cinq tau-
roboles 6
Ex-voto 11
Monuments où il est fait mention de YOrdo scmctissimus
ou amplissimus h
Dignitaires : empereurs, sénateurs, chevaliers 9
Magistratures relatives aux impôts 6
Judices arcae Galliarum 2
Alleclores Galliarum 2
Inquisitores Galliarum 3
Centonaires à
Magistrature quinquennale 1
Décurions 5
Procurateurs 8
Quindécemvir 1
Légats de l'Empereur 2
Duumviri U
Questeurs 2
Préfets 2
Concierge des prisons 1
Préposé aux études de l'Empereur 1
Propréteur 1
Proconsul 4
Présidents 3
Magistri (un d'eux magister pagi) 2
Logista thymelse (contrôleur des spectacles) 1
Militaires de différents grades U3
Corporations et métiers 33
On y compte quatre tribus différentes :
Galeria 4
Quirina 6
Palatina *
Aniensis 1
Famille romaine 1
464. CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
On y trouve les noms de :
Corniculaires 4
Graveurs de caractères ou lapicides 2
Joueur de flûte sacré ; trois fois répété). 1
Patrons 5
Affranchis 41
Esclaves 3
Gladiateur 1
Inscriptions mentionnant des dons 5
Statues décernées û
Noms des différents peuples ou villes qui y sont cités :
Trêves 5
Cahors 1
Segusiave 1
Vennandois , i
Bituriges Cubi (Bourges) 6
Voconces 2
Séquaniens 2
Lugdunum ( 7
Colonie Trajane 1
Carthaginois 1
Soissons 1
Campanien , i
Arvernes 3
Batave. 1
Beims 2
Cologne. 2
Naples 1
Alexandrie 1
Carnute 1
Lucques 1
Condat (à Lugdunum) I
Tricastini. . . 2
XXIX*. SESSION , A LYON. 465
Rome
Véliocasse
Germanie
Circe
Éduens , 2
Ionien
Toscan
Grecque
Poitou
Bituriges Viviscorum (Bordeaux)
Triboci
Mediomatrix
Petrucorii (celui-ci est présumé)
Inscriptions dédiées par les trois provinces des Gaules. . . \lx
Celles-ci ont une très-grande importance, parce qu'elles
sont honorifiques et pour la plupart dédiées à des prêtres de
Rome et Auguste, ainsi qu'à des députés envoyés à Lug-
dunum, à certaines époques, pour traiter des questions rela-
tives au culte des divinités augustales.
Je ne citerai pas au nombre des monuments épigraphiques
la Taule de Claude : ce bronze hors ligne est tellement
exceptionnel et si connu qu'il n'est pas besoin de rappeler ,
ainsi que l'a dit M. de Boissieu , que la fameuse harangue de
l'Empereur n'est point en faveur des Lyonnais, déjà en pos-
session de l'honneur réclamé par Claude pour la Gaule-
Chevelue, mais bien pour la province tout entière.
Parmi les inscriptions les plus précieuses de notre collec-
tion , je placerai celle dédiée à Sabinius Aquila , surnommé
Timésithée, beau-père de l'empereur Gordien III, et qui ,
après la dédicace de cette inscription , fut nommé préfet du
Prétoire.
Ce monument curieux, découvert en 1669, dans la rue
Mercière, par le P. Ménestrier, nous signale l'impôt du ving-
30
ftfi6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tième sur les héritages et sur l'affranchissement des esclaves,
ainsi que l'impôt du quarantième sur les marchandises im-
portées ou exportées.
Il y est aussi fait mention de l'expédition sacrée com-
mandée par l'Empereur en personne , et de la rentrée des
impôts d'approvisionnement pour cette expédition , qui eut
lieu en Syrie et en Palestine.
Cette inscription est la seule de notre musée où il soit
question de la charge de contrôleur des spectacles à Rome
(logista ihymelœ).
Le monument élevé à Caius Celsus , faisant mention , ainsi
que celui de Sabinus Aquila , de l'impôt du vingtième sur
les héritages à Rome et dans les provinces narbonnaise et
d'Aquitaine, est aussi un des plus remarquables de notre
collection épigraphique.
Nous devons également une mention particulière à l'in-
scription dédiée à Diane par C. Gentius Olillus, en l'honneur
du Pagus Condali, c'est-à-dire du confluent. Ce monument
est celui qui a inspiré à M. de Boissieu des réflexions fort ju-
dicieuses , et à M. Auguste Bernard l'idée que le temple ou
l'autel d'Auguste n'était pas à Ainay : le nom de confluent
devant être donné, à partir du pied de la colline St. -Sébas-
tien , à l'ensemble de tous les points de rencontre de nos deux
fleuves.
L'inscription de Julia Salica et l'autel élevé aux divinités
augustales par Tiberius Claudius Genialis sont aussi des mo-
numents précieux en ce que, trouvés sur leur lit de pose, et
le premier faisant partie d'un hémicycle considérable, ils ont
été les indices du voisinage de l'autel d'Auguste avec l'am-
phithéâtre.
Nous pouvons citer aussi comme très-importante la pierre
sur laquelle est gravée en toutes lettres le mot Segusiavo ,
qui nous a donné le nom véritable du peuple gaulois habitant
notre pays lors de la conquête de César
XXIXe. SESSION, A LYON. 467
1,08 inscriptions n°\ 120 et 807 sont aussi très-remar-
quables en ce qu'elles offrent des accents sur quelques syllabes.
Les réflexions que cette particularité pourrait suggérer seront
mieux exposées et débattues plus clairement lorsque nous
serons en présence des monuments : elles pourront donner
lieu à quelques dissertations intéressantes.
Le Musée épigraphique possède, sous les n°\ 516 et 973,
deux monuments dont l'importance doit être fort grande ,
mais ne peut être appréciée complètement dans l'état de mu-
tilation où ils ont été trouvés. Ce sont deux listes de noms
dont nous ne pouvons comprendre la valeur, ne sachant s'ils
ont appartenu à des magistrats ou à des membres de quel-
que corporation. Il est à remarquer que toutes deax ont été
trouvées sur le bord de la rive droite de la Saône, à des dis-
tances très-éloignées l'une de l'autre , et qu'elles n'appar-
tiennent pas à la même pierre.
Je me bornerai, Messieurs, à ces indications sommaires:
de plus nombreuses et plus longues citations seraient inu-
tiles ici ; il faudrait, d'ailleurs, les répéter devant les monu-
ments dont la présence est nécessaire pour se livrera des dis-
sertations qui exigent un certain développement , et traiter
des questions importantes qui intéressent à un haut degré
l'histoire de notre ville.
J'ai l'honneur d'inviter Messieurs les Membres du Congrès
à vouloir bien se réunir sous les arcades du PaLiis-des-Arls,
afin de visiter notre Musée épigraphique.
La séance est le\ée pour être reprise à une heure.
Le Secrétaire,
P. C. de Chizy.
468 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
2e. Séance du 19 septembre-
Présidence de M. de Caomont.
Le Congrès se réunit sous les arcades du palais St. -Pierre,
et M. Martin-Daussigny lui fait parcourir la magnifique col-
lection de monuments épigraphiques , qu'il a beaucoup aug-
mentée de ses propres découvertes.
Voici quelques explications données par M. Martin-
Daussigny aux membres du Congrès , pendant la visite du
Musée.
L'honorable membre s'est exprimé ainsi :
Messieurs,
Plusieurs ouvrages remarquables ayant parlé de notre
musée épigraphique , la plupart de ses monuments doivent
être connus de vous. Je ne chercherai donc à fixer votre
attention que sur ceux qui en paraîtront le plus dignes
et dont la découverte est récente. Par ce moyen , j'éviterai
de vous faire perdre un temps précieux, et je ne profiterai
de la bienveillante attention dont vous voulez bien m'ho-
norer, que pour porter à votre connaissance des réflexions
qui n'ont pas encore été publiées.
Je commencerai par une rectification que j'ai faite sur
l'inscription n°. 1.
Ces erreurs , provenant d'une coloration rouge inexacte ,
ont échappé à tous les archéologues qui ont écrit sur notre
musée lapidaire.
Jusqu'à ce jour , le commencement de celte belle in-
scription avait été lu ainsi :
Dits Manibus et mémorise tëternce Secundi Octavi Treveri
acerbissima morte defuncti, qui, cum ex incendio seminudus
XXIXe. SESSION, A LYON. 469
effugisset, posthabita cura salutis, dum aliquid è flammis
eripcrc conatur, ruina parielis opprcssus natura > socialcm
spiritum corpusquc origini rcddidit, etc.
Les épigraphistes sérieux , M. de Boissieu entr'autres , se
demandaient comment il pouvait se faire qu'on eût [dédié
une inscription si élogicuse et en termes si pompeux à un
homme qui avait péri d'une manière bien malheureuse sans
doute, mais pour un motif assez vulgaire.
Si ces savants avaient visité avec attention le texte antique,
ils auraient vu que la lettre D du mot aliquid n'avait pas la
forme de ses pareilles sur ce monument ; ils auraient re-
marqué qu'elle était trop voisine de l'E suivant , et que,
chaque mot étant séparé par un point , il n'y aurait pas eu
la place de l'indiquer ici ; enfin , que la lettre D était une
trieur de celui qui avait peint ou vermillonné l'inscription.
Ils auraient lu alors, très-distinctement gravé, le mot aliquii,
le D n'étant qu'en peinture.
Cette différence fait comprendre de suite ce qui a motivé
la dédicace de ce monument: c'est que Secundus Octavus,
au lieu d'avoir péri en voulant arracher quelque chose aux
flammes, avait été victime de son dévouement en s'efforçant
de sauver quelques personnes.
On conçoit alors l'admiration que dut exciter un homme
qui , à peine échappé à une mort terrible , s'y expose de
nouveau par un mouvement de générosité sublime, et périt
en s'efforçant de sauver ses semblables.
Je sais, Messieurs, que le mot aliquii, qui est incon-
testablement gravé, ainsi que vous le voyez, et même suivi
d'un point, est une faute, et qu'il faudrait ici aliquos. Mais
cette faute n'empêche pas de comprendre la véritable in-
tention de ceux qui ont élevé ce monument ; tandis que le
mot aliquid enlevait une partie de l'intérêt (pue doit inspirer
la belle action de Secundus Octavus.
&70 CONGRÈS ARGHÉOlQGlQUE DE FRANCE.
Le n°. 17, que voici, est très-remarquable par les ex-
pressions passionnées qu'un mari emploie à l'égard de sa
femme que la mort lui a enlevée :
Conjugi keirissimee et pientissimee castissimee, conservatrici
meee pientissimee , fortunée presenti, quee milii nulleim con-
tumeliam nec anhni letsioncm fecit ; ejuee mecum vixit in
matrimonio annîs XVIII, eli bus XX, sine nllei leesitra nec
attirai rneî offensionc , guet , elum ego in peregre creim, subita
morte die tertio mihi erepta est.
Rien n'est plus touchant; on se sent forcé de s'associer
à la douleur de l'auteur de ce langage.
C'est une des très-rares inscriptions sur lesquelles les
circonstances de la mort soient citées.
En passant devant le n°. 987 , j'appellerai sur lui l'atten-
tion des membres du Congrès. Cette meule de moulin, à
double entonnoir, rappelle celle que l'on voit encore en place
à Pompéï. Elle devait reposer sur une autre pierre conique,
la remplissant exactement jusqu'à la partie la plus étroite.
L'entonnoir supérieur recevait le grain; la pierre, tournant
sur elle-même, était mise en mouvement par le moyen de
deux pièces de bois ajustées dans les deux cavités ménagées
à cet effet. C'est sans doute une meule de ce genre (pie
Samson , aveugle , fut obligé de tourner chez les Philistins.
Le Musée possède d'autres moulins de petite dimension.
Celui ci est le seul à entonnoir qu'on ait jamais trouvé à
Lyon.
Le torse antique en marbre qui est à côté, sous le n°. 875,
est d'une très-belle époque : c'est celui de la statue d'un
berger. Il a été trouvé sur la colline de Fourrières , non loin
du palais des Empereurs.
Sous le n°. 26, nous voyons le plus riche sarcophage que
le Musée possède. Il a été trouvé à côté de l'église de Sl.-
XXIW SESSION, A LYON. kl\
Irénéc et représente le triomphe de liacchus à son retour de
la conquête de l'Inde.
Ce bas-relief, d'un style de décadence, est fouillé avec
beaucoup d'adresse et d'habileté de main. Il est tellement
maniéré que les animaux ont une forme tout-à-fait de con-
vention et presque héraldique.
Au-dessus de ce monument , nous voyons la Table de
Claude, trouvée à Lyon, à deux cents pas des ruines de
l'amphithéâtre. Ce monument est le plus précieux du Musée.
Je ne rappellerai pas ce qu'on en a dit , mais je puis an-
noncer au Congrès que j'ai le plus grand espoir de disposer
bientôt ce monument dans une place plus convenable.
L'inscription n°. 717, dédiée à Caius Julius Celsus , li-
bellis et censibus procurator , nous fait , en cela , connaître
une charge dont elle offre le seul exemple dans notre Musée.
Le mot de procurator UbeUis pourrait être traduit par
maître des requêtes. Celsus commença par être curateur de
la voie Lignaria et Triomphale , puis il fut directeur du re-
crutement militaire chez onze peuples de l'Aquitaine , ensuite
intendant du vingtième des héritages dans les provinces nar-
bounaise et de l'Aquitaine, intendant de la Villeneuve et du
mausolée d'Alexandrie, procurateur du vingtième sur les hé-
ritages à Rome, et enfin procurateur des provinces Lyonnaise
et de l'Aquitaine.
Sur un des angles de cette pierre est une autre inscription
de quelques lignes et qui a un certain intérêt. Llle est dédiée
à Caius Julius Celsus Maximianus, fils de celui dont nous ve-
nons de parler, et âgé de quatre ans , élu dans l'ordre le plus
élevé (amplissimum ordinem) par ordre de l'empereur
Adrien.
Ce titre, donné à un enfant en bas -âge, ne pouvait être
qu'honorifique. Vordo ampLissimus devait être le sénat.
Cependant nous voyons, au n°. 496, ordo sanctissimus
472 CONÇUES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Lugdunensis. Il n'y avait pas de sénat à Lyon ; ce dernier
paraît être un collège de prêtres , et probablement celui des
prêtres augustaux (1).
Ce monument, dédié par un affranchi de l'Empereur et
contrôleur des mines de fer, est un des plus précieux du
Musée.
L'inscription n°. 971 n'a de remarquable que le mélange
de lettres grecques avec les lettres latines , ce que l'on voit
par le mot belvvivs.
Le n°. 853 est dédié genio splendidissimi corporis fa-
brorum tignarumque ariificum et tectorwn , etc., par Clau-
dius Myron. Ce morceau curieux n'est qu'une partie de l'en-
tablement d'un portique devant entourer un champ de repos.
Le verso de cette pierre , n°. 854 , se trouvant sans doute en
dedans, porte les restes d'une inscription qui paraît n'être
autre chose qu'un contrat désignant les conditions qu'il fal-
lait que le membre de la corporation eût remplies pour y
avoir droit de sépulture.
La seconde ligne de ce fragment se fait remarquer par
une particularité assez étrange: c'est un intervalle de 10 à
12 centimètres qui sépare en deux le mot habitatio. Cet es-
pace a été laissé par le graveur à cause d'une cassure très-
profonde que présente la pierre. Nous trouverons au Musée
plusieurs exemples de ce genre, dont l'un a donné lieu à des
dissertations sans fin et a des conjectures qui viennent de
s'évanouir en présence du monument.
Tout à côté cette double inscription se voit une petite
pierre, n°. 549 , dédiée au génie de Claudius Myron.
Le n". 973 est un fragment dont nous ne pouvons com-
prendre l'importance dans l'étal de mutilation où il nous est
parvenu. Il est impossible de savoir à quelle magistrature ap-
(1) On lit aussi, sur l'inscription n°. 120 : Ordo civitatis swc.
XXIX*. SESSION, A LYON. 473
partiennent ces noms dont il nous donne la liste. Toutes nos
recherches pour le compléter sont restées sans résultat.
Sous le n°. 969, nous voyons un monument épigraphiquc
remarquable par la beauté et la richesse des caractères. Il a
été trouvé sous une maison démolie nouvellement, à l'angle
des rues Pizay et de l'Impératrice.
Cette inscription , dédiée à Pompeius Sanctus , de la tribu
Quirina, fils de Pompeius Libo , prêtre et petit-fds de Pom-
peius Sanctus, nous rappelle celles de Périgueux, mentionnées
dans les Antiquités de Vésone. L'une d'elles parle d'un Pom-
peius Libo sacerdos arensis.
Ce mot arensis ne nous paraît pas avoir été interprété
d'une manière complètement satisfaisante.
Un très-savant épigraphiste a cru pouvoir le traduire par
ad aram, et présumer que PompeiusjLibo était un prêtre
d'Auguste. L'inscription que nous avons sous les yeux serait
alors dédiée au fils d'un prêtre d'Auguste; quant au mot
PUBLICE écrit au-dessous en lettres colossales , il appartient
à une dédicace générale.
La grande quantité d'inscriptions trouvées à Périgueux, et
portant le nom de Pompeius, nous ferait penser que cette fa-
mille en était originaire , et que noire Pompeius Sanctus
pourrait bien avoir été à Lugdunum un des représentants des
habitants de son pays , et envoyé , lors des grandes réunions
tenues dans notre ville au mois d'août. Si cette conjecture
était vraie , nous devrions lire au-dessous :
Petrucor'd publiée.
Une inscription qui précède, et gravée sur la même pierre,
a été dédiée à sa fille.
Les fragments de marbre portant les n0'. 865 , 866 867 ,
868, 869, 870, 871, 874, 878, 879, 880, 881, 8 :', 883,
proviennent d'une fouille laite sur la rive gauche du Rhône au
hlk COKGKÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
lieu dit du Moulin-à-Vent. Parmi ces marbres, le n°. 865
est tellement bizarre que , sans la mosaïque et le n°. 87k,
trouvés en même temps, on serait tenté de le regarder comme
un caprice du XYP. siècle.
L'inscription n°. 66 doit fixer notre attention par les mots
qui la terminent : sub ascia faciendum cwaverunt; ce n'est
plus ici la formule ordinaire : sub ascia dedicaverunt. Le mot
faciendum est remarquable , parce qu'il viendrait à l'appui
de l'explication que Reinezius et M. de Boissieu , après lui ,
ont donnée de la consécration sub ascia.
Plusieurs auteurs ont vu dans Y ascia, qui figure sur presque
tous les monuments funèbres de Lugdunum , un instrument
destiné à nettoyer la terre d'une tombe et à en arracher les
herbes qui y croissent. Muratori, entr'autres, ne voit dans
Y ascia qu'une doloire ou une pioche destinée au nettoiement
des sépultures , et sa figuration sur nos tombeaux comme un
ordre , une invitation aux parents , aux amis , de les entre-
tenir dans un état de propreté convenable.
Reinezius considérait Y ascia comme un instrument de tra-
vail , et , sachant que les anciens tenaient beaucoup à avoir
un tombeau neuf, il a pensé que dedicare sub ascia signifiait
le consacrera la personne avant qu'il fût terminé, c'est-à-
dire pendant qu'il était encore sous l'instrument de l'ouvrier.
Dedicare sub ascia ne serait doue plus une formule reli-
gieuse , mais une glorification d'avoir un tombeau neuf.
La découverte d'ascias en fer semble, venir à l'appui de ce
système. On en conserve une d'une grande dimension à
Lons-le-Saulnier , et M. le Conservateur du musée de cette
ville a eu la bonté de m'en envoyer un dessin très-exact, dans
lequel on reconnaît parfaitement un instrument à travailler
la pierre et surtout à mettre la dernière main à cette opération ;
enfin, à le finir et perfectionner. Ce serait, en quelque sorte,
le polissoir du tailleur de pierres.
XXIXe. SLSSION, A LYON. ft75
Depuis quelques jours , le musée de Lyon possède une
asria de petite dimension et à lame très-courte. Quoique
moins caractérisée que celle de Lons-le-Saulnier, par le peu
de longueur de la lame, il n'est pas possible de s'y mé-
prendre.
Les anciens employaient le mot d'ascia pour désigner
plusieurs instruments. Ainsi , Vitruve dit que la chaux est
à point pour l'employer lorsque , en la pressant avec Vascia ,
elle offre un poli complet. Il est évident qu'il n'est point
question ici de l'ascia du tailleur de pierres , mais" de celle
du maçon. Ce serait alors la truelle ordinaire, ou peut-être
même la grande truelle recourbée, nommée encore de nos
jours ascie et avec laquelle les manœuvres mêlent la chaux
et la sable pour le mortier.
Asciare , chez les anciens, paraît aussi signifier l'action
de commencer un travail. Plaute a dit : Jam opus est exas-
ciatum ,
L'ascia figuré sur nos monuments doit être un des in-
struments du tailleur de pierre. Saint Jérôme ayant dit, eu
parlant de Vascia : Genus ferramenti quo lapides dolaniur,
il ne peut plus y avoir de doute (1).
Le monument que nous avons sous les yeux semble donc ,
ainsi que nous l'avons dit, venir à l'appui du système de Rei-
nezius , système suivant lequel sub ascia faciendum cara-
verunt signifierait : veillèrent à l'exécution du tombeau et le
consacrèrent pendant qu'on y travaillait encore.
Les fragments de marbre que nous voyons ici , sous le
n". 5hk, ont été retirés par Artaud des ruines de l'am-
phithéâtre, lors des fouilles de 1820. Les restes de lettres
de grande dimension qu'on y remarque sont ceux des mots
sévir augustalis ou seviri augnstales. Cette inscription devait
(1) Voir M. de Boissieu, Inscri/Hions nntiijiies, p. 103 et suiv.
476 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
faire partie de celles qui , au podium de l'amphithéâtre ,
désignaient la place des magistrats de ce uom.
Le n°. 95, dédié à Diane et à Vulcain, trouvé dans la cave
d'une maison située en face de l'église de St. -Pierre, a fait
croire à Artaud qu'il devait y avoir sur ce point un temple
de Vesta. C'est une erreur commune à bien des archéologues
de vouloir tirer, de la découverte d'un monument , la con-
séquence assurée de son existence au même lieu à l'époque
romaine, et s'efforcer, par l'inspection d'une seule pierre, de
vouloir restaurer tout un édifice. Au moyen-âge, tous les
restes antiques ont été dispersés et employés comme maté-
riaux dans des constructions. A moins de les trouver sur
leur lit de pose, on ne peut rien affirmer.
N°. 105. Cette inscription, dédiée à Heraclidas Maritimus
Hermadion par Pudens et Maturus , ses compagnons d'es-
clavage , est la seule de notre inusée qui se dislingue par
cette particularité.
Le n°. 109 est d'une haute importance. Il nous donne
le véritable nom du peuple gaulois qui habitait notre pays
à l'époque romaine. Il en existe un autre enclavé dans une
maison aux environs de Lyon , et que nous espérons pouvoir
un jour réunir à celui-ci.
L'inscription que nous voyons sous le n°. 120, dédiée à Q.
Julius Severinus , inquisitor Galliamm, est remarquable par
les accents placés sur certaines syllabes, et en ce que le mot
omnibus, quoique encore très-visible, a été cependant effacé
à l'époque romaine , sans doute , parce que le personnage
n'avait pas, ainsi que le dit l'inscription, passé par toutes les
différentes charges.
Q . IVLIO SEVERINO
SEQVANO • OMNIB
HONORIBVS • IN
XXIX*. SESSION, A LYON. 477
TER • SVOS FVNCTO
PATRONO • SPLENDI
PISSIMI . CORPORIS
N • RHODANICOR • ET
ARAR • CVI • OR • INNOC
MORVM • ORDO..CIVI
TATIS • SVAE BIS • STATVAS
DECREVIT • INQVISITO
RI . GALLIARVM • TRES
PROVINCIJE GALL
Ces accents , placés en général sur des syllabes longues ,
à la réserve A'araricorum, sembleraient indiquer que dans
la prononciation de suce et provinciœ l'a et Ve se prononce
ensemble comme si l'a n'y était pas. Nous penchions pour
un avis différent ; mais un membre du Congrès faisant
remarquer que l'accent est sur l'ensemble des deux lettres,
et non pas sur l'une des deux , cela prouve qu'elles doivent
être prononcées ensemble ; nous n'hésitons pas à nous ranger
de son avis.
Nous voici arrivés à l'arcade XVI, où nous avons réuni
toutes les inscriptions chrétiennes antiques ; elles sont au
nombre de quarante.
La plus importante est , sans contredit , le n°. 908 , parce
qu'il nous montre que le titre de primicier, primas in ta-
bulis cereis scriptus , existait déjà dans l'Église de Lyon au
Ve. ou VIe. siècle. Cette inscription , découverte et publiée
par Spon , a donné lieu à des dissertations nombreuses.
Perdue de nouveau après la publication du savant docteur,
elle a été retrouvée par nous, il y a peu de temps, et placée
au musée.
Lorsque Spon copia cette inscription , il ne se rendit pas
compte de l'intervalle qui existe entre le deuxième E et l'N
'l7S CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
du mot SERVIENS. Apercevant une longue cassure sur ce
point, il crut «i des lettres mutilées et voulut les rétablir: il
écrivit donc SERVIET . IN . S . ECCLESIA. D'autres
archéologues réfutèrent cette opinion et en soutinrent une
autre tout aussi erronée. Enfin, l'arrivée au Musée du mo-
nument retrouvé pour la seconde fois mil fin au débat. Il fut
démontré que l'intervalle qu'on s'était efforcé de remplir
devait rester vide , ayant été laissé ainsi par le graveur à
cause d'une profonde cassure de la pierre. On comprit que
cette cassure n'est pas assez large pour avoir fait disparaître
les lettres qui auraient été gravées , et qu'on en apercevrait
parfaitement les restes.
Ainsi, sans tenir compte de l'espace vide laissé par le lapicide
à cause de la cassure , on doit lire SERVIENS ECCLESIAE.
On voit, dans notre Musée lapidaire, deux autres exemples de
cette particularité : ce sont les n s. 287 et 854, déjà cités.
Le n°. 145 est la pierre tombale de Ponce de Vaux , cus-
tode de l'église de Ste. -Croix et pénitencier de l'archevêque
de Lyon, mort en 1307.
! Une contestation s'étant élevée, en 1751, entre les custodes
de Sle. -Croix et le chapitre de St. -Jean, qui leur contestait
le droit de juridiction dans leur église , placée à côté de la
cathédrale: les custodes Paul-Timolhée de Laforest et S. -R.
Desfrançois ayant découvert cette tombe d'un de leurs pré-
décesseurs dans l'église de St.-Irénée, où elle allait être
brisée , ainsi que venait de l'être une semblable , la firent
placer dans leur église comme un monument de la légitimité
de leurs prétentions. L'acte de la découverte et de cette
translation lut dressé par maître Aubernon, notaire royal, et
gravé sur une pierre placée au-dessus et que nous avons fait
rétablir.
Ce monument curieux, sur lequel Ponce de Vaux est repré-
senté donnant la discipline à un ecclésiastique, était un argu-
ment sans réplique en faveur des custodes.
XXIXe. SESSION, A LYON. 679
Le nn. 868 est un sarcophage taillé dans un monument
païen dont une partie était déjà brisée , et de manière
que l'inscription fût renversée. Les chrétiens se sont souvent
appropriés des tombes païennes pour s'en faire des sépultures.
Le n°. 160 est un des plus remarquables de notre riche
collection. C'est un autel taurobolique , élevé en mémoire du
sacrifice de ce genre qui fut célébré en l'honneur des divinités
augustales et de la colonie copia Claudia Augusta de Lugdu-
num , sous le consulat de M. L. jElius Aurelius Commodus
et de Marcus Mura Septimianus. Après la mort de Commode,
ses statues furent brisées et son nom effacé de tous les mo-
numents. Aussi la huitième ligne de celte inscription , rap-
pelant sa mémoire , fut détruite avec soin , comme nous le
voyons ici.
Le joueur de flûte Flavius Reslitutus, dont il est ici ques-
tion , est nommé sur deux autres monuments du même
genre : les n05. 227 et 320
L'inscription n°. 807 est, ainsi que le nn. 120 que nous
venons de voir , très-remarquable à cause des accents placés
sur quelques syllabes :
D M
ET • QVIETI . AETERNAE
1VLIAE • MAIIANAE ■ FEMI
NAE . SANCTISSIMAE • MANV
MARITI • CRVDELISSIM • INTER
FECT • QVAE . ANTE • OBIT • QVAM • FATVM
DEDIT • CVM . QVO • VIX • ANN • XXVIII -EX
QVO • LIBER . PROGREAV . DVOS • PVERVM
ANN • XIIII • PVELLAM . ANNOR • XVIII
0 • FIDES • O • PIETAS • IVL • MAIOR • FRA
TER • SORORI • DVLCISS • ET • I... ENVINIVS
IANVARIVS • FIL • EIVS . P B.A.D
480 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ainsi que dans le n°. 120 , ces accents sonl placés sur des
syllabes longues, à l'exception du mot PROCREA VIT, dans
lequel la syllabe accentuée est brève. Les terminaisons en
AE sont marquées d'un accent qui doit avoir la même signi-
fication dont nous avons parlé au n°. 120 , c'est-à-dire que
les deux lettres doivent se prononcer en même temps.
Le n°. 181 , dédié à Minthatius Vitalis, marchand de vins,
nous apprend que ce genre de commerce était établi à Lyon
dans le quartier nommé Kanabis.
La découverte de cette inscription, trouvée à la place St.-
Michel , a fait penser à quelques archéologues que c'était sur
cette partie delà ville qu'existait le quartier nommé Kanabis.
Nous répéterons à ce sujet qu'il ne suffit pas de trouver
une inscription sur un point pour établir que c'est là qu'elle
a été placée par les anciens : il faudrait pour cela qu'elle fût
trouvée sur son lit de pose. Hors cette circonstance, il peut
y avoir des probabilités sur le plus ou le moins d'éloignement,
mais jamais de certitude. Les monuments antiques, ainsi
que nous l'avons fait observer , ont été tant de fois trans-
portés pour servir de matériaux qu'il est difficile de rien
établir à cet égard, à moins de preuves matérielles irré-
cusables.
Le n°. 227 est remarquable. C'est au autel taurobolique
en mémoire de l'empereur Septime-Sévère et de son fils, sur-
nommé Caracalla. Après la mort de ce prince, un édit or-
donna d'effacer son nom sur tous les monuments. Il est ex-
traordinaire que celui-ci ait échappé. Il est probable qu'on se
contenta de le renverser , et qu'étant tombé la face contre
terre , cette circonstance a préservé l'inscription.
N°. 188. Cette borne militaire, en l'honneur de Lucius
Verus, est le seul monument de ce genre que possède le
musée; avant la Révolution de 1793 , elle servait de poteau
d'exposition pour les malfaiteurs. Les républicains de cette
XXIX'. SESSION, A LYON. 481
époque la renversèrent. Plus tard, elle fut apportée au Musée.
-Le n°. 194 est dédié à Servidia , épouse de Fabius Petro-
nius jEmilianus. Ce personnage, dont il est plusieurs fois
fait mention dans nos inscriptions, a rempli à Lugdunum de
nombreuses et honorables fonctions qui se trouvent énumé-
rées dans une inscription que nrus avons formée de trois
fragments trouvés dispersés dans le Musée sous des numéros
différents. Malgré ces soins, elle est encore incomplète.
199, 200. Ces deux numéros indiquent deux pierres dé-
couvertes par Artaud , dans les ruines de l'amphithéâtre , en
1820. Elles désignent , comme nous le voyons , des places
réservées aux Arvernes et aux Bituriges Cubi. Le n°. 199
désigne des places, sur la partie supérieure de l'amphithéâtre,
plus étroites que celles du premier rang. C'est à l'aide de
ces deux monuments qu'Artaud put faire son calcul approxi-
matif sur le nombre de spectateurs que notre amphithéâtre
pouvait contenir.
Les n°\ 622 et /i79 ont été réunis par nos soins. Ils ne
forment qu'un seul monument, élevé à Marcus Anlonius
Sacer, à son épouse et à ses affranchis. Ce tombeau, dont la
partie la plus considérable est arrivée dans notre Musée
trente ans avant l'autre , peut nous donner une idée de la
dispersion des restes antiques à Lyon. Rompu en deux mor-
ceaux, le fragment le plus considérable, n°. 622, était en-
castré dans le mur de terrasse des Génovéfains, à St.-
Irénée , et l'autre employé dans les fondations de la vieille
église de Vaise.
N°. 506. Cette pierre a été trouvée, sur l'emplacement de
l'amphithéâtre, par Artaud, lors des fouilles qui y ont
été faites en 1820. C'étaient des indications de places ré-
servées pour les Tricassiens, habitants de Troyes, ou les
Tricastins, habitants de St.-Paul-Trois-Chàleaux.
Le n°. 932 est dans le même genre , mais destiné à mar-
31
682 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
quer la place des Biluriges Cubi. Cette pierre, réunie à celle
trouvée par Artaud , donne six places pour les représentants
de ce peuple. Probablement il y en avait autant pour cha-
cune des soixante nations.
Nous voyons, par les n08. 719, 720, 721, que Marcus
Herennius Albanus a dédié ces inscriptions à Mercure
Auguste et à Maia Augusta d'après un vœu , et a érigé un
temple et des statues avec l'effigie de Tibère Auguste.
Ceci nous donne la date de l'inscription , car il n'est pas
présumable qu'après la mort de cet empereur personne ait
pu penser à glorifier sa mémoire.
Sous le n°. 230 , nous voyons la tombe d'un prêtre éduen
à l'autel de Rome et d'Auguste. Malheureusement, la partie
supérieure du monument étant brisée, le nom du personnage
nous échappe.
Nous voici arrivés, Messieurs, à de riches et précieux
fragments qui méritent toute votre attention. Trouvés à
quelques pas, du côté du midi, et en dehors de l'enceinte de
l'amphithéâtre, ces restes précieux, qui avaient été employés,
au moyen-âge , a la construction d'un petit canal que j'ai
fait démolir pour les en retirer, sont-ils une partie de la déco-
ration du podium de l'amphithéâtre , ou n'appartiendraient-
ils pas plutôt à la décoration du grand-autel d'Auguste?
Dans mon travail sur l'amphithéâtre, j'ai cherché à dé-
montrer que l'autel et ce monument devaient être voisins
l'un de l'autre.
La lettre des chrétiens de Lyon, en opposition à un passage
de Grégoire de Tours , semble nous y autoriser. Je ne répé-
terai pas ici ce que j'ai eu l'honneur de vous dire aujour-
d'hui, mais je rappellerai seulement que les guirlandes sont
la décoration habituelle des autels , et que le chêne est la
récompense des vertus civiques.
L'autel d'Auguste , dont la face seule est représentée sur
XXIXe. SfcSSJOïS, A LYON. UUo
nos médailles , est décoré de couronnes de chêne en mé-
moire des bienfaits dont Lugdunum était redevable à cet
empereur. Jl est très-probable que ses trois autres faces
étaient décorées des mêmes emblèmes.
Mais ce qui surtout viendrait appuyer mon opinion, c'est
le commencement d'inscription dont nous possédons deux
belles lettres colossales que vous voyez : un R et un O.
Avant la première , un espace vide considérable prouve que
rien ne précédait, et une moulure placée au-dessus démontre
qu'il n'y avait pas de ligne supérieure.
Ce fragment, de la plus haute importance, ne serait-il pas
un reste de la base de l'autel, avec ces mots : RO.V1AE ET
AUGUSTO?
Veuillez remarquer que ces lettres , de 38 centimètres de
haut, ne sont point taillées intérieurement eu biseau comme
les grandes lettres des dédicaces générales Très provincùe
Gcdliœ de nos monuments épigraphiques, mais creusées car-
rément et très-profondément pour y placer des lettres de
bronze doré dont on voit encore les scellements.
Cette particularité, qui n'existe sur aucun des monuments
de Lugdunum, est une preuve que cette magnifique inscrip-
tion ne pouvait être que celle d'un monument exceptionnel.
11 se pourrait que cette gigantesque décoration de guirlandes,
dont nous ignorons le nombre et dont quelques-unes attei-
gnent la dimension de 5 mètres de développement, fût
celle d'une immense et magnifique base sur laquelle re-
posaient l'autel même, ainsi que les deux colonnes supportant
les Victoires, gravées sur les médailles antiques.
Cela nous paraît encore plus vraisemblable.
Remarquons aussi que les guirlandes sont rattachées par
des bandelettes et retenues par des haches de licteur. Ob-
servons aussi que celte étendue de décoration en marbre
ne présente pas la moindre courbe ; ce qui aurait lieu si elle
U&tl CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
eût appartenu à la décoration du podium d'un amphithéâtre
dont l'ellipse a été reconnue , tandis que des pierres de
l'accoudoir du podium , ayant seulement 1 mètre de long ,
offrent un courbé très -sensible. Ces placages, en marbre,
ont de 12 à ïh centimètres d'épaisseur, et une hauteur
de 2 mètres 15 centimètres sur une largeur de 1 mètre
hl centimètres.
Quant au-dessus de la balustrade (n°. 856), en marbre
blanc et taillé à feuilles de laurier, il diffère trop de l'or-
nementation de ce que nous croyons devoir appeler le frag-
ment de la décoration de l'autel, pour que nous puissions
croire qu'il leur a appartenu. Son ornementation s'y oppose:
il serait taillé aussi a feuilles de chêne.
Le laurier est précisément la récompense du guerrier et
du poète. Ce marbre précieux ne serait-il pas le dessus de la
balustrade de la loge ou tribune occupée par les juges des
combats littéraires à l'autel d'Auguste?
Il Je soumets cette dernière opinion à votre appréciation ,
mais je ne crois pas m'éloigner de la vérité eu la regardant
comme très-probable.
Quoi qu'il en soit , ces marbres magnifiques doivent être
considérés au nombre des choses les plus intéressantes que
renferme notre Musée.
Le n°. 2^7 est élevé à la mémoire de C. Calulinus De-
ciminus, prêtre de Rome et d'Auguste.
Cette pierre est le premier monument de ce genre ap-
porté sous nos arcades ; c'est par lui qu'a commencé notre
belle collection épigraphique.
L'inscription qui était annexée à ce monument et qui
était dédiée à l'épouse du personnage , se voyait autrefois
placée dans la base du clocher de l'église de St. -Pierre.
Elle a disparu aujourd'hui.
On voit, par les deux grandes lettres TR , que ce monu-
XXIX". SESSION, A LYON. &85
mentépigraphique faisait partie d'un grand corps d'inscription
dédié par les trois provinces des Gaules.
Le n°. 862, que nous voyons ici , est une des inscriptions
les plus curieuses de notre collection. Un illustre savant , qui
fait autorité en pareille matière, la considère comme la plus
précieuse après la Table de Claude.
C. Sabinius Aquila, surnommé Timésithée, fut beau-père
de l'empereur Gordien III. La longue énumération de ses
titres et des charges qu'il a remplies est une source de do-
cuments.
Timésithée fut d'abord préfet de la première cohorte gau-
loise en Espagne , commandement d'une grande importance ;
procurateur du domaine privé dans la Belgique et les deux
Germanies; vice-président de la province d'Arabie, et ensuite
procurateur de ladite province; contrôleur des jeux scé-
niques à Rome, puis procurateur dans la même ville;
exacteur pour la rentrée des impôts relatifs aux approvi-
sionnements de l'expéditiou sacrée, c'est-à-dire commandée
par l'Empereur, puis procurateur de la province de Syrie
et de la Palestine ; vice-président de la province de la Ger-
manie-Inférieure, ensuite vice-procurateur du patrimoine
privé de l'Empereur dans la Belgique et les deux Germanies;
vice-procurateur de l'impôt du quarantième dans la province
de Bythinie , de Pont et de Paphlagonie ; procurateur du
revenu privé de l'Empereur dans lesdites provinces ; vice-
proconsul dans la province d'Asie ; vice-procurateur de
l'impôt du vingtième et du quarantième, et procurateur
de cette même province d'Asie ; enfin , procurateur de la
province Lyonnaise et d'Aquitaine.
Après la dédicace de cette inscription , qui ne put avoir
lieu suivant l'usage que trois mois après le départ de ce
magistrat , il fut élu préfet du Prétoire , charge considérable
qui cependant ne doit pas être confondue avec celle du même
486 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
nom, instituée sous Constantin, qui divisa l'Empire en quatre
prétoires : ceux des Gaules, d'Italie, d'Illyrie et d'Orient.
Ce monument précieux a été publié par le P. Ménestricr,
qui le découvrit en 1669 dans la rue Mercière, lors de la
construction de la maison de Romain Thomé, ancien échevin,
qui s'en servit pour asseoir un des angles de la cour de sa
maison. Nous l'en avons fait retirer en février 1858, avec la
permission de M. Lempereur , propriétaire actuel , qui en a
fait don à la ville.
Il est à remarquer que Spon et Ménestrier ont donné celle
inscription d'une manière inexacte , et qu'elle n'a été vrai-
ment étudiée que depuis que nous l'avons retrouvée le
14 juillet 1857.
Le n°. 858 est un beau spécimen de caractères antiques.
Celle inscription est relative à un légat de l'Empereur , titre
assez rare dans notre Musée.
Retiré de la Saône en 1858, il nous a laissé ignorer
jusqu'à ce jour le nom du personnage à qui il fut dédié. Les
fouilles nouvelles ayanl donné le commencement de cette
inscription, elle est aujourd'hui à peu près complète; la
partie du milieu , qui manque encore , ayant été restituée
facilement dès les premiers jours, on doit la lire ainsi :
L. jEniilio.. fîlio Quirinâ front. .. legato Augusti proprrc-
torc provinciœ Lugdunensis consu i Très prooincue Gallice.
Sous les n". 90, 91 et 954 , nous avons réuni tout ce que
le musée possède de monuments dédiés aux Mères augustes.
Le n°. 954 surtout est fort remarquable. Ce n'est plus seule-
ment pour la prospérité des fruits de la terre qu'elles sont ici
invoquées, mais aussi pour celle de l'espèce humaine.
Le n°. 304 a été l'objet de longues dissertations. On y voit
un monument d'actions de grâces rendu par l'auteur de la
dédicace au bon esprit et à la fortune du retour. Les mots
XXIXe. SESSION, A LYON. 487
redhibita et susçepta provincia avaient persuadé à quelques
épigraphistes que ce monument devait être relatif à la bataille
entre Sévère et Albin. D'autres ont combattu cette opinion.
Aujourd'hui, il reste à peu près établi que Philippianus ,
homme assez inconnu du reste, aura voulu , au retour d'une
absence et en mémoire de sa rentrée en charge , profiler de
cette occasion pour étaler pompeusement ses titres et faire
savoir que son enfant, très-illustre , avait été admis au rang
des familles patriciennes.
D'après cela , ce ne serait plus un monument historique
important , mais seulement un monument de l'amour-proprc
et de la vanité d'un fonctionnaire.
L'inscription, assez fruste, que nous voyons sous le nn. 904
est celle d'un graveur de caractères, autrement dit, d'un
lapicide. Le musée ne possède que deux inscriptions où il
soit fait mention de cette profession.
Le n°. 420 est un monument de la plus haute importance.
Il constate qu'à l'époque romaine, la partie de notre ter-
ritoire située entre nos deux fleuves formait un pagus, nommé
Condate ou du Confluent, et que ce pagus était gouverné par
un magister pagi.
Nous voyons , par cette inscription , que ce pagus Condati
jouissait d'une certaine indépendance ; car il y est dit que
l'emplacement du monument fut donné par un décret des
habitants de Condate,
l.ocas datas decrclo pagi Condati.
Ce n'est plus ici locus datus deercto decurionum. Les
limites de ce pagus sont encore inconnues. Fermé au levant,
au sud et à l'ouest par les deux rivières , il ne devait pa s
s'étendre, ce nous semble, du côté du nord, au-delà des
limites des Ségusiaves.
Sous les ir. 958, 959, 961 , 962, 963, 964, 965, 966,
^88 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
967 , nous avons réuni plusieurs signes d'un zodiaque du
VIIIe. ou du IXe. siècle , provenant de l'ancienne église de
Ste.-Foy, près Lyon.
Le n°. 639 est un beau fragment de corniche, rencontré par
Chinard, statuaire lyonnais, dans le voisinage de remplace-
ment où avait été trouvée en 1529 la Table de Claude. Nous
en avons découvert une semblable près de l'hôtel du Parc.
N°. 943. Bel autel grec donné par les Frères de Saint-Jean-
de-Dieu et trouvé dans leur propriété, au Moulin-à-Vent ,
sur la route de Vienne, Le couronnement n'appartient pas
à la partie inférieure du monument.
N°. 915. Fragment de l'hémicycle trouvé sous l'hôtel du
Tare en 1859. La base était encore sur son iit de pose. Sur
l'une des pierres qui la composent , on lit :
IAE SALICAE
PPI • 1SELLICI
ES PROVINC
GALLIjE
Julia Salica était sans doute l'épouse d'Eppius Bellicus,
qu'un savant épigraphiste pense avoir été un prêtre d'Au-
guste. Nous avons joint h cette inscription celles des nos. 134
et 718 , qui ont évidemment appartenu à cet hémicycle ,
leur courbe étant absolument dans la même proportion. Ces
trois inscriptions, dédiées par les trois provinces des Gaules,
et l'ensemble de ce monument trouvé sur ses fondations
antiques , ont été un indice que le temple d'Auguste ne
devait pas être éloigné.
Il en est de même de l'autel que voici, n°. 911 , et dédié
aux divinités augustales par Claudius Tiberius Genialis. Ce
monument était encore sur son lit de pose.
XXIXe. SESSION, A LYON. 689
Nous voyons, sous le nn. 287, le bel autel taurobolique
que la ville de Lyon possède depuis long-temps, et destiné
à perpétuer la mémoire du sacrifice qui fut célébré pour la
conservation de l'empereur Adrien.
L'inscription que nous voyons sous le n". U12 est re-
marquable par la dernière ligne , dans laquelle l'épouse
défunte parlant à son mari , qui a survécu, lui dit : Atnicc,
Inde, jocare, vcni.
Le n". Zi95 est une inscription gravée sur le piédestal de la
statue équestre élevée à Tiberius Antistius par les trois
provinces de la Gaule, et placée près de l'autel des Césars.
Certainement, si ce monument avait été trouvé sur son
lit de pose , la place de l'autel d'Auguste était fixée d'une
manière irrécusable ; mais il a été découvert dans une cave
de la rue St. -Pierre et employé parmi d'autres matériaux.
Il en a été extrait sous la mairie de M. Fay de Sathonay
et offert au Musée par son propriétaire.
Le n°. 496 portait l'inscription suivante :
D M
M • OPPI PLACIDl
HAR • PRIM DE LX
CVI LOCVM SEPVLTVR
ORD • SANCTISSIME LVG
DEDIT
Nous voyons dans Forcellini quel'Ordo ampiissimm était
le sénat ; mais ici , YOrdo sanctissimns , étant qualifié de
Lugdunensis , ne peut point être le sénat. C'était, sans doute,
un collège de prêtres : ce que semble signifier cette expres-
sion de sanctissimus, et très-probablement de prêtres augus-
laux ; ainsi paraît le prouver le nombre de soixante que
porte l'inscription.
490 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
La liste de noms de personnages éminenis que nous voyons
ici sous le n". 516 est très-importante, et le serait bien da-
vantage , ainsi que celle que nous avons remarquée sous le
n°. 973 , si on avait pu savoir, en la complétant, à quel
ordre de fonctionnaires appartiennent les noms qui y sont
inscrits.
Trouvées toutes deux sur la rive droite de la Saône, mais
à une distance considérable l'une de l'autre, elles semblent,
par cette circonstance, désigner des fonctionnaires impériaux,
à moins qu'on ne puisse prouver qu'elles ne contiennent que
des noms de membres de corporations. Le nn. 973 est le
plus remarquable pour l'exécution des caractères.
La pierre phallique n°. 913 , que , par des motifs faciles à
comprendre, nous tenons à l'écart, était, sans doute, un
des angles d'un grand socle sur lequel devait s'élever l'autel
dédié au principe générateur. Son ornementation singulière
est traitée dans des proportions gigantesques.
Nous trouvons, sous le n°. 1,006, un beau fragment d'in-
scription que nous n'avons pu réussir à compléter encore.
Il est relatif à un prêtre de l'autel d'Auguste.
Len°. 861 est un beau buste de Lucius Verus, en marbre,
trouvé à Rome en 1857. L'autre buste, n°. 862, paraît être
un Adrien jeune. Ces deux beaux portraits seront prochaine-
ment installés dans une place plus digne d'eux.
Le n°. 988 a été dernièrement découvert dans la Saône,
au pont de Nemours. Celte inscription est dédiée à Gemini us
Arlillus, vétéran de la huitième légion augustale. Il est dési-
gné sous la qualification de corniculaire du président de la
province lyonnaise.
Le torse antique en marbre n°. 867 a été découvert en
Grèce et apporté par M. le capitaine de vaisseau Duvivier, à
la fin du siècle dernier.
Sous cette soixante-unième arcade, nous avons réuni trois
XXIV. SESSION, A LYON. 691
fragments que nous avons reconnus faire partie de la même
inscription : ce sont les n°\ 337 , 668, 185. Ce monument,
encore incomplet malgré la réunion de ces trois parties ,
est dédié :
Flavio Fulvio Gavio Niwrisio Pctronio Mmiliano prœiori
tutclario candidate Augustorum curatori rcipublicœ.
Item candidato Augustorum pontifici promagistro Sallio Col-
lino prœfccto feriarum latinarmn seviri augustali
patrono.
La plupart de ces titres ont été restitués par une haute au-
torité en épigraphie.
Une inscription en l'honneur de Servidia , épouse de ce
personnage, se voit au Musée sous le n°. 196.
Le sarcophage n°. 711, que nous voyons au milieu de la
cour du Palais-des-Arts , est un des plus beaux de ce genre.
Ce monument, trouvé à Lyon, quai St'.-Marie-des-Chaînes,
est orné sur sa face principale de deux figures soulevant
une draperie. Les deux côtés so#t décorés de boucliers
placés en sautoir, derrière lesquels se voient des haches de
licteur.
J'ai fait mes efforts pour n'appeler l'attention du Congres
que sur les principaux monuments de notre Musée lapidaire.
Malgré cela , Messieurs , je crains d'avoir abusé de votre
bienveillance en me laissant aller à des dissertations epigra-
phiques trop long-temps prolongées. J'ai passé à dessein de-
vant bien des monuments qui auraient pu être l'objet d'une
mention spéciale, pour ne m'attacher qu'à ceux dont l'intérêt
devait surtout mériter votre attention. Je serais heureux si
j'avais pu , dans celte visite à nos richesses épigraphiques ,
vous en faire concevoir une idée avantageuse , et si les soins
que je mets chaque jour à l'augmenter vous paraissaient
692 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
avoir atteint le but que je me suis proposé , qui est de
réunir le plus de documents possibles sur l'histoire de Lug-
dunum.
3*. Séance du a» septembre.
Présidence de M. Martin-Daussigny.
A 3 heures , le Congrès rentre en séance. M. de Caumout
adresse les remercîments du Congrès à M. Martin- Daussigny,
pour la savante communication qu'il vient de faire , et le
prie de vouloir bien présider la séance.
MM. F r aisse , C 'halle , Douillet, de Surigny siègent au
bureau.
M. de Caumont demande à M. Martin-Daussigny des
explications sur les assemblées nationales qui avaient lieu
au mois d'août.
Les assemblées générales des trois provinces des Gaules ,
tenues à Lyon , au mois d'août, pendant toute la période
gallo-romaine, sont regardées , avec raison , comme les évé-
nements les plus importants dont fassent mention nos monu-
ments épigraphiques.
Dans la première , qui eut lieu l'an de Rome 7/il , les
députés gaulois décrétèrent la consécration d'un autel dédié
à Auguste , en reconnaissance des bienfaits dont il avait
comblé la ville de Lugdunum, en la déclarant métropole des
Gaules. Il fut décidé que, pour conserver à cet hommage tout
son caractère de spontanéité, ce monument serait élevé au
confluent des deux rivières, sur un terrain gaulois et indé-
pendant de l'administration de la colonie romaine, située sur
la rive droite de la Saône.
Auguste n'ayant voulu accepter cel honneur qu'à la condi-
XXIXe. SESSION A LYON. W3
l i on que son nom serait placé après celui de la déesse Rome,
le nouvel autel fut dédié Romye et Augtjsto.
Dans la même assemblée , il fut décidé que les frais né-
cessaires à l'entretien de ce culte seraient fournis par un
impôt particulier prélevé clans les trois provinces des Gaules.
Les soixante nations formant ces trois provinces devaient
avoir chacune un représentant à cet autel.
Outre cette représentation permanente, les trois provinces
des Gaules envoyaient encore chaque année des députés qui
se réunissaient à Lugdunum, au mois d'août, pour traiter
toutes les question-; relatives à ce culte.
La perception de l'impôt destiné à fournir la dépense
nécessaire au culte de Rome et d'Auguste était opérée par
un certain nombre de fonctionnaires spéciaux, nommés dans
l'assemblée annuelle des députés et choisis dans son sein.
C'était d'abord Yinquisitor Gatliarum, magistrat chargé de
régler la quotité de l'impôt que chacun devait payer pour
les besoins de ce culte. Ses fonctions pourraient être com-
parées à celles de nos contrôleurs généraux.
On nommait aussi un judex arece Gatliarum, devant qui
se portaient toutes les contestations ou réclamations auxquelles
donnait lieu la répartition de cet impôt. Enfin , l'assemblée
nommait un allector Gatliarum, qui faisait les fonctions de
receveur-général.
A l'occasion de ces assemblées, des fêtes et des jeux étaient
donnés à l'autel d'Auguste, dans les théâtres, cirques et
amphithéâtres. Ces jeux consistaient en luttes , chasses et
courses. L'époque de ces solennités était toujours choisie
pour décerner des récompenses nationales, voler ou inaugu-
rer des inscriptions. Il est même très-probable que toutes
celles sur lesquelles nous voyons la dédicace Très provincial
Galliœ ont été inaugurées pendant ces solennités.
Dans notre amphithéâtre, où se donnaient des chasses et
des jeux à l'occasion des fêles augustales, on a trouvé des
l\9U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
pierres portant des inscriptions relatives aux places réservées
aux députés des soixante nations de la Gaule , dont les re-
présentants à l'autel de Rome et Auguste formaient proba-
blement dans notre ville YOrdo sanciissimus (1).
Caligula ajouta encore à ces solennités, par 1 institution de
combats littéraires dont les conditions révélaient le caractère
cruel de leur fondateur.
Ces grandes réunions eurent donc dans le principe un
caractère religieux , puisqu'il s'agissait du culte de Rome et
Auguste ; mais, comme ce culte paraît plutôt avoir été un
acte politique, et que des récompenses nationales étaient dé-
cernées pendant ces solennités, on peut regarder leur carac-
tère comme religieux et politique en même temps.
Quoi qu'il en soit, elles contribuèrent grandement à la
richesse et à la prospérité de notre ville, par l'affluence con-
sidérable d'étrangers de tous les pays que les fêtes et les
jeux multipliés y attiraient.
Quant à l'institution de ces grands marchés et de ces foires
célèbres où les produits de l'industrie non-seulement des
trois provinces des Gaules, mais encore de la Grèce et de
l'Italie, venaient rivaliser entre eux et donner chaque année
une impulsion nouvelle aux affaires commerciales de notre
ville, nous devons leur assigner une autre date.
Ces assemblées , purement commerciales, ne doivent point
être confondues avec celles du mois d'août. Nous en avons la
preuve certaine par la célèbre lettre des chrétiens de Lyon et
de Vienne , dans laquelle il est dit que c'est le jour de l'ou-
verture de ce célèbre marché, qui attirait à Lyon un si grand
concours de toutes les nations (2) , que les chrétiens de
Lyon furent amenés devant le juge , et que Blandine, qui
(1) VOrdo amptissimus était le Sénat.
(2) lueunte igitur solemni apud nos Mercatu qui maxima hominum
frcquentia celebratur, utpote ex omnibus populis ae provinciis conve-
nienle virorum multitudine, elc
XXIXe. SESSION , A LYON. Zl95
périt après tous les autres, fut mise à mort le dernier jour
des spectacles (1).
Or, l'Église célèbre la fête de. saint Pothin, deBlandineet
des quarante-huit martyrs de Lyon le 2 juin, qui est sans
doute celui où le sacrilice fut consommé.
Cette remarque , que nous n'avons vue nulle part, est très-
importante , parce qu'elle semble donner la date précise de
ce marché célèbre qui , chaque année , aurait été tenu à
Lyon à la fin de mai, pour se terminer au commencement
de juin, et que tous les historiens semblent avoir confondu
avec les fêles augustales, dont le caractère pacifique ne pou-
vait s'accorder avec les horribles cruautés qui , à cette
époque , ensanglantèrent notre amphithéâtre.
M. de Caumont pense que les reunions du mois d'août avaient
un caractère politique. Un marbre trouvé à Vieux (Calvados) et
connu sous le nom de marbre de Thorigny. parle d'émeutes
apaisées, d'impôts prélevés, de fonctionnaires défendus contre
la calomnie, par Titus Sennius Solemuis ; services qui avaient
mérité à ce prêtre de Diane un monument élevé dans la ville de
Vieux, en vertu d'un vote de l'Assemblée des trois provinces.
M. Lenormant fait remarquer la ressemblance des fêtesd'août
avec les jeux de la Grèce et de l'Asie-.Uineure , pour lesquels
on frappait des médailles analogues à celles de Lyon , et qui
avaient tous un caractère politique. On y débattait les affaires,
on y délibérait et on émettait des vœux à peu près comme
dans nos Conseils généraux.
M. Challe ajoute que ces assemblées volaient des érections
de monuments, des levées d'impôts. Elles avaient donc attri-
bution administrative et financière.
M. Bulliot pense que les députés envoyés par les nations
gauloises pouvaient bien être précisément les prêtres des
(1) Post hosomnes, ultimo tandem spectaculorum die, Blandina
rursus itlata tst,elc
696 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
temples d'Auguste répandus dans l'Empire gaulois. Celle
opinion n'est pas combattue.
M. H. Fazy observe qu'une inscription votive trouvée sur
le grand St. -Bernard porte le nom Libo, qu'on retrouve au
musée de Lyon.
Quant aux accents, une seule inscription de Genève en
porte ; leur situation ne peut rien faire décider sur la pro-
nonciation des syllabes. "*
M. de Surigny pense qu'ils tenaient pour beaucoup à
l'idiome du sculpteur lui-même.
M. de Saint-Andéol demande la parole et lit un fragment
d'un ouvrage intitulé : Architecture religieuse dans l'an-
cienne province romaine, du tr. au XIe. siècle.
L'auteur annonce que, dans la contrée comprise de Lyon
à la mer, entre les Alpes et les Cévennes , il a reconnu un
certain nombre d'églises appartenant à chacun des siècles
écoulés du IIIe. au XIIe. siècle; quelques temples changés
en églises au Ve. siècle ; la création au VIIIe. siècle , par les
Golhs , d'une architecture avec voûtes en berceau,' pilastres
et contreforts , transportée , modifiée dans le Nord au XIe.
siècle , par le déplacement d'un foyer de civilisation et par
l'action de Cluny ; architecture d'où est sorti le style français
ogival. La conclusion de ce travail est que le midi de la
France possède une architecture romaine pure jusqu'à la fin
du IVe. siècle, romaine dégénérée ou romane jusqu'au VIIIe. ,
gothique jusqu'à la fin du Xe. , gothique francisée ou franco-
gothique jusqu'à la fin du XIIe. , et française ogivale jusqu'au
XVIe. siècle.
Le système de M. de Saint-Andéol établit ainsi un rema-
niement dans les classifications archéologiques établies. Comme
l'auteur n'apporte pas de preuves ni de motifs à l'appui de ce
système et qu'il annonce un second travail, il n'y a pas lieu
de donner suite à cette communication.
XXIXe. SESSION, A LYON. ^97
M. Savy lit ses Recherches sur l'unité de plan et le carac-
tère architectural de la cathédrale de Lyon, et s'élève contre
certains changements qu'on y a faits dans les restaurations
qui ont eu lieu.
M. de Soultrait ne peut partager les idées de M. Savy,
relativement à l'unité de la cathédrale : il dit que l'abside,
qui est romane , ne peut être du même architecte que
le reste de l'église.
M. de Caumont fait aussi des réclamations sur diverses
opinions émises dans le mémoire.
M. de Surigny s'associe aux conclusions de M. Savy
quant aux restaurations , et déplore les modifications inu-
tiles que l'on fait subir aux monuments. Le Congrès, dans
sa visite à St. -Jean, a manifesté son opinion en ce sens.
M. Saint-Olive déclare que l'énorme toit dont l'église de
St. -Jean a été recouverte a causé, dans le public, un vé-
ritable regret.
La séance est levée et renvoyée à 8 heures du soir.
Le Secrétaire ,
P. Canat de Chizy.
4e. Séance du 19 septembre.
Présidence de M. le conseiller Vulentin Smith.
La séance s'ouvre à 8 heures du soir, sous la présidence de
M. V. Smith , membre de l'Académie et conseiller à la Cour
impériale de Lyon. Cinquante membres sont présents.
M. de Caumont appelle au bureau : MM. Fj'aisse, Clialle
et Martin-Daussigny.
M. Canat de Chizy remplit les fonctions de secrétaire.
32
698 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. de Caumont remet à iM. Martin, architecte, la médaille
qui lui été décernée par la Société française d'archéologie,
pour sa publication illustrée des monuments du Lyonnais.
M. Martin , architecte , reçoit celte médaille des mains de
M. le Président aux applaudissements de l'Assemblée.
M. Baudot n'étant pas à Lyon , la médaille qui lui a été
votée lui sera solennellement remise à Paris, au mois de
mars 1&63.
M. Martin-Daussigny a la parole sur la question suivante :
Tracer la topographie antique de Lyon.
TOPOGRAPHIE DE I.UGDUNCM AU IV*. SIÈCLE,
PAR M. MARTIN-DAUSSIGNY.
Les découvertes archéologiques faites dans nos murs ,
depuis un certain nombre d'années , permettent de tracer
d'une manière sûre la topographie de Lugdunum au IVe.
siècle.
A cette époque , la partie de la ville située sur la rive
droite de la Saône était renfermée dans des limites à peu
près les mêmes que celles d'aujourd'hui , excepté toutefois
du côté de Vaise , où elle a pris une extension considérable
depuis quarante ou cinquante ans.
Le quartier St.-Irénée paraît avoir offert, à l'époque ro-
maine, une configuration presque semblable à celle qu'il
présente aujourd'hui.
Une voie de tombeaux , qui nous a rappelé celle de
Pompéï et que nous avons reconnue nous-mème, en notant
avec soin les découvertes successives sur ce point , existait
alors sur l'emplacement de la rue actuelle de la Favorite ,
et sa jouction avec celle de Trion , dont le tracé est évi-
demment ancien, nous indique une des portes de la ville
XXIXe. SESSION, A LYON. 699
romaine. La disposition des murailles, reconstruites au XVIe.
siècle sur les restes de celles de la ville antique , parce que
la nature des lieux le voulait ainsi , nous donne une preuve
que la ville ne s'étendait pas au-delà du côté de l'ouest.
Du reste, en dehors de celte enceinte, on n'a trouvé que des
traces de constructions isolées n'offrant aucun ensemble , et
quelques cippes funéraires.
Les découvertes du côté du midi, toujours sur la rive
droite, démontrent que l'enceinte de Lugdunum se terminait
au lieu où est aujourd'hui la rue de la Quarantaine, au pied
de la montée de Choulans. Il est à remarquer que toute cette
étendue, depuis la rue de Trion jusqu'à Choulans, renfermait
les cimetières gallo-romains. La quantité de sépultures dé-
couvertes sur cet espace est considérable.
L'ensemble des habitations élevées sur la rive gauche de la
Saône ne doit point être confondu avec la colonie romaine ,
établie sur la rive droite. Ce terrain , exclusivement gaulois ,
appartenait aux trois provinces des Gaules , qui y tenaient
leurs assemblées annuelles au mois d'août , et dépendait d'un
pagus nommé Condat , ou du confluent , gouverné par un
magister pagi , et dont l'administration était tout-à-fait dis-
tincte de celle de la ville romaine. Une inscription du musée
de Lyon (n°. U2ù) nous montre que ce pagus avait conservé
certains privilèges , et que la possession de son territoire lui
était assurée, puisque, pour l'érection de ce monument
consacré à Diane , il fallut que le terrain sur lequel il était
placé fût donné par un décret du pagus lui-même.
' Cette indépendance d'un territoire , resté gaulois sous
la domination romaine , fut la raison qui le fit choisir pour y
élever l'autel dédié à Rome et à Auguste, hommage rendu
par les trois provinces de la Gaule.
Les limites de ce pagus sont assez difficiles à établir. Ne
pouvant se prolonger au midi au-delà du confluent , dont les
500 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
îles n'en dépendaient peut-être pas; borné à l'est par le
Rhône, à l'ouest par la Saône, il a pu s'étendre très-pro-
bablement sur une certaine partie du territoire des Ségu-
siaves.
Nous n'avons pas trouvé de traces d'habitations romaines
sur le plateau de la Croix-Rousse ; et les tombes , décou-
vertes en assez grand nombre sur l'emplacement de l'hôpital ,
qui vient d'être bâti dans ce quartier, nous font croire que
notre ville antique ne s'étendait pas au-delà.
Quant à la partie basse de Lugdunum , établie sur la rive
gauche de la Saône, dans les îles du confluent, elle était loin
d'avoir l'importance qu'elle a acquise de nos jours.
Les quatre îles , que l'on a réunies par des travaux de
terrassement considérables, se divisaient ainsi :
Le premier point de rencontre des deux fleuves avait lieu
au pied du coteau St. -Sébastien , sur l'emplacement occupé
aujourd'hui par le grand théâtre , l'hôtel-de-ville et la place
des Terreaux.
La seconde communication, établie naturellement entre
le Rhône et la Saône, était au lieu où nous voyons au-
jourd'hui la rue Dubois, la rue de la Gerbe et la place des
Cordeliers.
Les deux rivières se rejoignaient encore sur l'emplacement
où est établie la caserne de la gendarmerie, entre les rues
Sala et Ste. -Hélène.
Une partie du Rhône venait aussi se jeter dans la Saône,
de suite après le lieu où est actuellement l'église de St.-
Martin-d'Ainay. Puis, enfin, les eaux du Rhône et de la Saône
se réunissaient en masse à l'extrémité de l'île Moynat , au
point où est aujourd'hui le pont de la Mulatière. L'ensemble
de tous ces points de communication formait le confluent.
Il est à remarquer que ces différentes îles étaient beau-
coup moins larges dans le sens du Rhône à la Saône que ne
XXIX*. SESSION, A LYON. 501
l'est aujourd'hui le terrain de la presqu'île. Les découverles
archéologiques nous ont démontré que la Saône s'avançait
jusque sur la place du Plâtre, et le Rhône jusqu'à la rue du
Garet.
Au point de communication entre les deux fleuves, dans le
quartier des Terreaux, les eaux couvraient un espace consi-
dérable ; car sur tous les points où l'on creuse on retrouve le
gravier du Rhône. Plus tard, ce passage du fleuve avait été
régularisé par deux murailles ou digues , éloignées l'une de
l'autre de 60 pieds, et qui avaient ainsi permis de remblayer
derrière elles et de construire sur ces terres rapportées. Ces
ouvrages ont été exécutés bien après l'époque romaine.
Sur la rive gauche du Rhône , le terrain n'avait une
certaine élévation que vers le point où est aujourd'hui le
quartier de la Guillotière, et les constructions antiques et
isolées dont on rencontre quelquefois les traces appartiennent
à des villas , des maisons de plaisance, mais étaient toul-à-
fait en dehors de Lugdunum.
La largeur des îles du confluent a été déterminée assez
facilement par des découvertes archéologiques.
M. Dubois, architecte , a rencontré , au siècle dernier , les
marches d'un port situé sous la place du Plâtre, à 10 pieds
de profondeur ; et M. Brodier, directeur des travaux du gaz,
a retrouvé, sous la rue Mercière et dans toute son étendue ,
le quai antique, avec ses marches et son pavé bien conservé.
Quant au côté du Rhône , le passage des eaux a été re-
connu sous la rue du Garet et dans celle de la Barre.
M. Dubost, architecte, a trouvé les constructions du pont
de la Guillotière, à partir de la place Leviste.
Ceci fait comprendre pourquoi aucune découverte de
restes antiques n'a jamais eu lieu du côté du Rhône.
Quant à celles qui ont servi à pouvoir établir la topogra-
phie de notre ville au IVe. siècle, il serait trop long de les
502 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
énumérer. Cependant , on peut donner une idée de leur en-
semble en disant que celles du coteau de Fourvières ont
prouvé l'existence de monuments d'une grande dimension,
les débris trouvés à l'Antiquaille surtout.
Parmi les sépultures découvertes depuis la rue de Trion
jusqu'à Choulans, une d'elles, retrouvée intacte, nous a
permis de nous renseigner sur l'ensevelissement de cette
époque. Le corps avait été enveloppé d'un linceul , puis une
épaisse couche de résine noirâtre y avait été appliquée. Le
tout était recouvert par une masse d'une espèce de ciment
blanc, de 2 ou 3 pouces d'épaisseur, et que l'humidité avait
fortement amolli. Le sarcophage était formé de grandes dalles,
ajustées et parfaitement polies ; il était sans inscription et ne
renfermait ni vases , ni médailles.
Les découvertes sur le coteau de la Croix-Rousse n'ont
donné que quelques tombes sans importance ; mais sur la
pente du coteau, du côté de Lyon, les plus grandes richesses
archéologiques ont été rencontrées : l'amphithéâtre, les restes
de l'autel d'Auguste , car la chose paraît bien certaine au-
jourd'hui; la Table de Claude, les thermes, les mosaïques
de la place Sathonay, les fragments de statues en bronze doré,
le siège de marbre , une voie avec son pavé bien conservé,
un édicule renfermant la représentation des Déesses-Mères ;
une colonnade , un hémicycle, un autel dédié aux divi-
nités augustales , enfin toutes les inscriptions relatives à ce
culte.
Puis, dans la presqu'île, on a trouvé le quai antique, l'in-
scription de Timésithée, des amphores , des fragments de
statues.
En approchant du quartier de Bellecour, les découvertes
cessent pour reprendre dans celui d'Ainay , où l'on a trouvé
les plus belles mosaïques , des inscriptions et des murailles
encore garnies de peintures. Sur la rive gauche du Rhône ,
XXIX'. SLSSION , A LYON. 503
on a retiré, de la vase du fleuve, la statue de Jupiter qu'on
voit au musée de notre ville.
M. Lcnormant remarque l'identité de la sépulture dont
M. Rlartin-Daussigny a donné la description avec celles qu'on
trouve dans les Catacombes de Home. Il l'explique par une
imitation de la sépulture du Christ.
A propos de l'autel d'Auguste, RI. Lcnormant vient de
déterminer, par une inspiration soudaine, la signification du
mot super dans une inscription du musée; ce qui fixerait
d'autant mieux la place de l'autel dans le haut de la ville ,
super confluent es.
RI. Bulliot fait remarquer qu'il y a des temples d'Auguste
dans d'autres villes, à Aulun, par exemple, et qu'il serait
bon d'étudier les rapports du culte rendu à César dans ces
différents lieux.
M. Valentin Smith lit un mémoire touchant la bataille de
César contre les Helvètes , et le passage de la Saône par les
deux armées;
RI. Saint-Olive présente, de son côté, une brochure sur la
détermination du lieu de la bataille entre Sévère et Albin ;
RI. de Logrevlo lit un mémoire sur la vie de saint
Leonianus , évêque de Vienne.
RI. le Président annonce que l'excursion à Vienne aura
lieu demain à 7 heures 1/2 , et que la séance de clôture se
tiendra à Lyon dimanche , à 8 heures du matin.
La séance est levée.
Le Secrétaire ,
P. Canat de Chizy.
504 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
I". Séance dn *ïo septembre ,
A VIENNE.
Présidence de M. de Caumont.
La première séance s'est tenue à 9 heures du malin , à la
descente du chemin de fer, dans l'église St. -Pierre, l'an-
cienne basilique , qui doit être prochainement consacrée à
renfermer le musée d'antiquités de Vienne.
St. -Pierre, —r Arrivé aux portes de ce curieux monument,
le Congrès a été rejoint par M. V. Teste , architecte ,
inspecteur de la Société française d'archéologie pour le dé-
partement de l'Isère , conservateur de la bibliothèque et du
musée ; par M. Quenin , architecte , chargé des fouilles et
des travaux entrepris dans le monument ; M. V. Berlhin ,
membre du Conseil général ; H. le docteur de Brye, membre
du Conseil municipal.
M. de Caumont a prié M. Fazy, de Genève , de remplir
les fonctions de secrétaire , et réclamé l'obligeance de M. de
Surigny, en l'engageant à dessiner quelques parties de celte
curieuse basilique.
Tout d'abord, le Congrès a vu que la lour occidentale est
une application postérieure qui cache la façade primitive,
décorée d'incrustations en ciment coloré, comme on en voit
encore aux sommets des murs latéraux et dans les murs for-
mant saillie du côté du nord (Voir la page suivante); murs que
quelques-uns avaient pris pour les restes d'un transept , et
qui paraissent à M. Teste avoir plus probablement fait partie
d'une tour. M. de Caumont a justifié, par quelques exemples
de tours très-anciennes, cette opinion de M. Teste. Il a en-
XXIXe. SESSION A LYON. 50a
suite présenté le dessin, qu'il releva avec M. Bouet il y a
B|ETBltw
PARTIE FORMANT SAILLIE, DU CÔTÉ DU NORD.
quelques années , de l'ornementation de la porte d'entrée de
l'église, sous la tour ( Voir page 506).
En entrant dans l'église, le Congrès est frappé de l'aspect
antique de cette basilique : les arcades sont décorées de co-
lonnes en marbre, pour la plupart , avec chapiteaux qui rap-
pellent les chapiteaux romains et ceux que l'on rencontre
encore dans quelques églises très-anciennes , comme celle de
Jouarre ( Voir la page 507).
Ces colonnes étaient encore, il y a quatre ans , sous un
enduit de plâtre qui avait dénaturé le style de l'église et
l'avait caché sous une décoration moderne ; mais on voyait,
par quelques déchirures de ce manteau, paraître les fûts des
colonnes.
C'est une heureuse idée que d'avoir acquis cette autique
506 CONGHÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
XXIXe. SESSION, A LYON. 507
• - ^iflil IUIIIHBHmik
-~jc.'
ORDONNANCE DE L'ÉGLISE SAINT-PIERRE, A VIENNE.
508 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
basilique pour y établir le musée archéologique : il ne peut
être nulle part aussi bien placé.
M. de Surigny exprime avec énergie un sentiment qui est
celui du Congrès tout entier, c'est-à-dire l'impression qui a
saisi tous les membres en voyant l'exemple , unique en
France, d'une basilique dans son antiquité, beaucoup plus
probante que les basiliques de Rome qui ont été successive-
ment remaniées. Ici , les parties les moins anciennes sont du
XI*. siècle; le reste appartient aux VI'. et VII6. siècles.
Les places des ambons et celle du pulpitum sont faciles à
reconnaître.
M. F. Le Norman t a fait remarquer judicieusement que
l'ambon de l'évangile était en marbre blanc et terminé en
forme de cintre, ce qui le distingue de celui de l'épîlre.
Des fouilles considérables ont été faites dans le pavé , et
l'on y a trouvé une foule de sarcophages en pierre de toutes
les époques , qui gisent encore sur place et que le Congrès
a vus avec intérêt. Il a recommandé aux membres de la
Société française d'archéologie résidants à Vienne d'en faire
le catalogue et la description. L'étude de ces curieux mo-
numents doit être faite, à tête reposée, et par des habitants
du pays.
Parmi les débris de sculpture entassés dans l'église St.-
Fierre, M. de Surigny a fait un croquis du fragment sui-
vant , orné d'entrelacs ( Voir la page suivante ) , et qui ,
vraisemblablement , faisait partie de l'enceinte du pul-
pitum. Ce fragment appartient à la même famille que ceux
dont M. de Caumont a entretenu le Congrès à Saumur
(V. ci-avant, p. 117), et qui seront aussi décrits et
figurés dans le Bulletin monumental ( XXIXe. volume ,
p. 73 et suivantes).
Le Congrès est allé dans l'abside pour y examiner le tom-
beau de saint Mamert, au sujet duquel on possède un mé-
XXIX". SLSSION, A LYOïN.
509
^
FRAGMENT TROUVÉ DANS L1 ÉGLISE SAIN T-PI ERRE.
510 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
moire nouvellement publié par M. de Terrebasse , membre
de la Société française d'archéologie.
Cet habile épigraphiste a examiné l'inscription de saint
Mamert trouvée à l'endroit où elle avait été signalée par
Chorier , vers le milieu du XVIIe. siècle.
« L'épitaphe de saint Mamert , car son lombean n'y reste
« plus , » dit cet historien , « est opposée presque en droite
« ligne au tombeau de Léonien ; elle est sous le chœur au
« costé droit de l'autel , et est sans doute un ouvrage d'un
« siècle moins ancien , et par conséquent plus corrompu et
« plus barbare que celuy de cet illustre prélat » (1).
« Nous ne pouvons, dit M, de Terrebasse, que partager à
cet égard le sentiment de Chorier , et loin , d'attribuer an
Ve. siècle l'épitaphe de saint Mamert, nous estimons, par la
comparaison des lettres et des ligatures , qu'elle appartient
au même temps que celle de saint Léonien , c'est-à-dire au
Xe. siècle. La voici telle qu'elle se lit encore sur la pierre ,
en complétant , d'après Chorier et d'autres plus anciens
historiens de Vienne , les trois derniers mots des trois
premières lignes dont on n'aperçoit plus aujourd'hui que
le commencement :
MOLE SVB HAC LAPIDVM SANCTISSIMA
MEMBRA TEGVNTVR : HVIVS PONTIFICIS
VRBIS SACRIQVE MAMERTI :
HIC TRIDVANVM CVM SOLLEMPNIBVS LETANIIS
1NDIXIT IEIVNIVM ANTE DIEM QVA CELE
BRAMVS DOMINI ASCENSVM :
« L'église de St. -Pierre, dont la fondation remonte à
(1) Voir les Recherches de Chorier sur les antiquités de la ville de
Vienne ; 1658 p. 287.
XXIXe. SESSION, A LYON. 511
« l'établissement du christianisme dans la ville de Vienne ,
« avait , dit M. de Terrebasse , subi les mêmes vicissitudes
« que cette antique cité , ravagée tour a tour par les Bour-
« guignons, les Sarrazins et les Francs. Il ne restait que de
« faibles débris de la basilique primitive , lorsqu'au com-
« mencement du Xe. siècle, le comte Hugues, qui régnait
« à Vienne sous le nom de son parent, l'empereur Louis-
« l'Aveugle, entreprit la restauration de l'église et de l'abbaye
« de St. -Pierre. On se servit des matériaux que l'on avait
« sous la main, des briques, des pierres comme des colonnes
« de marbre, que fournissaient en abondance les anciens
« édifices romains , et la basilique chrétienne , enrichie des
« dernières dépouilles du paganisme , se releva plus brillante
« que jamais.
« Les tombeaux des saints , qui recommandaient l'église à
« la piété et aux offrandes des fidèles, ne furent pas oubliés,
« et c'est à la môme époque qu'il faut attribuer la restaura-
« lion des tombeaux de saint M amer t et de saint Léonien.
« Les tombeaux des deux saints furent placés dans le
« chœur , à droite et à gauche du maître-autel , sous une
« arcade à plein-cintre , pratiquée dans le renfoncement de
« la muraille. Ils y occupaient la place d'honneur, que dé-
« cernait au premier l'éclat de son épiscopat et au second sa
« qualité de fondateur du monastère. »
Les prétendues restaurations , c'est-à-dire les décorations
en plâtre subies par l'église St. -Pierre vers le milieu du siècle
dernier, avaient fait disparaître l'épitaphe de saint Maraert.
« Un sondage exécuté dans cette partie du chœur , nous
« apprend le mémoire de M. de Terrebasse , n'ayant pas
« tardé à la remettre au jour , on reconnut que le même
o enduit masquait la voussure d'un arc à plein-cintre , qui
« avait été bouché et rempli de maçonnerie. Au milieu de
512 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« cette maçonnerie se trouvaient encastrées, à côté l'une de
« l'autre, la pierre qui porte l'épitaphe et une espèce
« d'arche en pierre délicatement vidée, qui n'avait été sans
« doute conservée à cette place que parce qu'elle se ratla-
« cbait à quelque pieux souvenir. L'enlèvement de tous ces
« matériaux mit à découvert un sarcophage en pierre fermé
« par un couvercle, de forme prismatique, long de 2 mètres
« U5 centimètres sur 63 centimètres de large , et dont
« chaque versant est encadré par une double moulure, d'un
« travail assez simple. En continuant de dégager la partie in-
« férieure du sarcophage , cachée par l'exhaussement du sol
« du chœur , on aperçut sur le devant de l'auge , à peu près
« vers le milieu, mais se rapprochant de la tête, une brèche,
« un trou pratiqué à coups de marteau , et qui paraissait
« grossièrement bouché avec des pierres et du mortier.
« Après avoir déchaussé et retiré soigneusement ces pierres ,
« iklevint facile de reconnaître que la tombe avait été violée,
« et qu'il ne restait plus, du corps qu'elle avait renfermé, que
« le petit nombre d'ossements que la main du ravisseur , en
« passant par le trou , n'avait pu atteindre et ramasser.
« La tradition était confirmée : le corps de saint Mamert
« n'a point été l'objet d'une de ces translations solennelles
« qui s'opèrent au grand jour: il a été dérobé avec effraç-
« tion , nuitamment et à la hâte : la brèche et les menus
« ossements oubliés dans la tombe en portent témoignage.
« Du rapprochement de tous les faits , de toutes les cir-
a constances qui précèdent , il résulte , ce nous semble , que
« le sarcophage découvert dans le chœur de l'église de St.-
« Pierre , à droite de l'autel , au-dessous d'une épitaphe in-
« dicative, ne peut être que celui où étaient déposés, au
« Xe. siècle, les restes de saint Mamert, conservés dans cette
« église depuis le jour de son inhumation. Il n'y a pas lieu
a de soupçonner qu'un autre mort ou même un autre
XXIXe. SESSION, A LYON. 513
« êvêque ait usurpé cette place que toutes les traditions lui
« attribuent. Le corps saint a été, dans l'intervalle du XIe.
« au XIIL. siècle, l'objet d'un de ces pieux larcins dont l'his-
(( toire ecclésiastique révèle de si fréquents exemples. On s'y
« serait même pris à deux fois avant de réunir la tète et le
« corps. Enfin, le vol était si bien consommé en 1251, que
« les religieux de St. -Pierre, renonçant à toutes prétentions
« sur les reliques de saint Mamcrt, n'eurent plus à s'inquiéter
(( d'un tombeau vide. La mémoire s'en était effacée à un tel
« point, que Chorier , en 1658, le cherchait ailleurs que là
« où il était. Les menus ossements retrouvés aux deux ex-
« trémités du sarcophage sont , à ne pas en douter , les
« débris du corps du saint échappés depuis des siècles à la
« main du ravisseur. Il n'y en a pas assez pour que l'on
« craigne une substitution ; il y en a juste ce qu'il faut pour
« témoigner d'un vol. Ces reliques , oubliées plutôt que res-
« peelées du temps el des révolutions , sont aujourd'hui tout
« ce qui reste à la pauvre église de Vienne des trésors sacrés
« de Vienne-la-Sainte. C'est à l'autorité ecclésiastique qu'il
c appartient d'en décider souverainement ; mais , pour ce
(( qui nous concerne , nous ne saurions , au double point de
« vue de l'histoire et de l'archéologie , tirer une autre con-
« séquence de ce que nous avons rapporté et de ce que nous
« avons vu. »
Il y aurait eu pour la journée tout entière à étudier à
St. -Pierre. La Compagnie examine rapidement les inscrip-
tions et les fragments de sculpture réunis provisoirement
dans une chapelle, près de l'abside ; puis M. de Caumont met
aux voix un vœu qui fut renouvelé à la séance suivante:
« Le Congrès désire qu'aucune restauration ne soit
faite aux colonnes antiques de l'église St. -Pierre, et qu'elles
33
5U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
restent dans leur étal actuel : elles auront ainsi pour le
musée un tout autre intérêt que si elles étaient restaurées. »
Après l'émission de ce vœu, formulé en présence des ar-
chitectes , le Congrès a visité la collection lapidaire qui
viendra bientôt prendre place dans cette église , mais qui est
encore dans une construction provisoire en bois attenant à
l'église et accolée au mur.
Là se trouvent réunis la plupart des inscriptions et des
fragments de sculptures qui étaient précédemment à la
maison carrée. Un catalogue avait été publié , il y a plus de
vingt ans, par M. Delorme, alors conservateur de la bi-
bliothèque et du musée ; mais depuis lors la collection s'est
enrichie ; et quand tous les objets seront replacés et classés
dans la basilique de St. -Pierre, un nouveau catalogue sera
nécessaire : M. V. Teste , conservateur, pourra s'en occuper
avec son dévouement ordinaire.
Le Congrès s'est arrêté long-temps à examiner de ma-
gnifiques fresques gallo-romaines, qui ont pu être trans-
portées là de l'endroit où elles ont été trouvées, au-dessous et
près du château Pipet.
Ces fresques , qui représentent des guirlandes de fruits
admirablement rendues , peintes sur fond noir , ont con-
servé leur fraîcheur après quinze ou seize siècles. C'étaient
des panneaux , en mortier de chaux , qui avaient reçu ces
belles peintures. Ces enduits , tombés par grands morceaux
dans la maison même qu'ils avaient décorée et retrouvés
dernièrement dans des déblaiements , avaient assez de con-
sistance pour qu'on ait pu les apporter par grandes plaques
et les rajuster de manière à recomposer des surfaces considé-
rables, ïl n'y a rien de plus beau à Pompéï, et aucun musée
de France ne possède de fresques gallo-romaines de cette
importance.
Le Congrès a suspendu ses travaux après celte visite du
XXIXe. SESSION, A LYON. 515
musée, pour se rendre à midi dans un des hôtels de la ville,
où un déjeûner avait été préparé et où tous les membres se
sont trouvés réunis.
Le Secrétaire ,
Henri Fazy , de Genève.
2e. Séance dsi 20 septamhve.
Présidence de M. V. Bertuin, membre de la Société française
d'archéologie et du Conseil général de l'Isère.
Le Congrès entre en séance à 1 heure 1/2, dans la grande
salle de l'Hôtel-de-ViUe, décorée de peintures représentant
les monuments antiques de Vienne.
M- Vital Berthin , membre du Conseil général, et qui
toujours s'est vivement intéressé à la conservation des mo-
numents de son pays, est prié de présider la séance.
MM. de Caumont ; V. Teste, inspecteur de la Société
française pour le département de l'Isère; l'abbé Le Petit,
secrétaire de la même Société ; Chalie, d'Auxerre ; Bouillct,
de Clermont, siègent au bureau.
M. Fazy, de Genève, remplit les fonctions de secrétaire.
On remarque, dans la salle, i\lme. de Quérangal, membre
de la Société française d'archéologie , accompagnée de
quelques dames.
M. Berthin , président , déclare la séance ouverte et pro-
nonce un discours dans lequel il jette un coup-d'œil sur ce
qui s'est passé d'intéressant pour l'archéologie , à Vienne ,
depuis l'année 1841, époque à laquelle la Société française
d'archéologie vint, avec le Congrès scientifique de France,
y tenir une séance générale. M. Berthin énumère toutes les
mesures prises pour la conservation des monuments , soit
par le Conseil général de l'Isère , soit par le Gouvernement ;
516 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
il fait connaîlre les chiffres des sommes votées à diverses
époques pour des travaux de consolidation ou de restauration,
et indique ce que l'on se propose de faire dans l'avenir.
Ce discours, qui résume avec beaucoup d'à-propos tout
ce qui peut intéresser le Congrès , est accueilli par les ap-
plaudissements de l'Assemblée.
M. V. Teste, inspecteur de la Société française d'ar-
chéologie, présente ensuite un coup-d'œil rapide sur les
monuments antiques de Vienne. Il parle de substructions
qui ont été découvertes près de la Maison-Carrée ( temple de
Livie) , constructions d'un immense intérêt , que le Congrès
va visiter après la séance.
M. l'Inspecteur de la Société parle ensuite des nombreux
vestiges antiques exhumés en faisant des constructions nou-
velles, de mosaïques, et notamment de celle qui a été ré-
cemment découverte à Ste.-Colombe, représentant l'enlèvement
de Ganymède , sujet qui, d'après le Cours d'antiquités de
M. de Caumont , s'est trouvé reproduit dans des mosaïques
d'Angleterre , et que plusieurs fois on a rencontré dans les
mosaïques gallo-romaines de France.
M. Teste passe ensuite au monument de l'Aiguille, que le
Congrès a vu, h distance, en descendant du chemin de fer.
Tout porte à croire que cette pyramide (Voir la page suiv.)
était sur la spina du cirque (1).
Après ces intéressantes communications , MM. de Surigny
et de Caumont prennent tous deux la parole pour présenter
quelques considérations sur la conservation des monuments ,
sur la méthode à employer pour les consolider. Ils recom-
mandent surtout de ne pas toucher aux monuments antiques,
sous prétexte de les restaurer. On n'a que trop d'exemples
déplorables en France de cet aveuglement , avec lequel cer-
(1) Voir V Abécédaire d'archéologie de M. de Caumont, ère gallo-
roiuuine, p. 247.
XMX". SESSION, A LYON,
517
MONUMENT ROMAIN DE L'AIGUILLE.
518 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tains architectes ont gratté ou refait à neuf des parties
anciennes qui avaient un grand prix avant cette opération ,
et qui aujourd'hui ne valent guère plus que des moellons
ordinaires.
Passant à l'église St. -Pierre, ces Messieurs recommandent
le vœu formulé le matin , et le font renouveler par l'As-
semblée devant le public qui assiste à la séance.
M. Challe, d'Auxerre , appuie par de nouvelles con-
sidérations les conseils donnés par MM. de Caumont et de
Surigny.
M. le président Berthin propose au Congrès de visiter
les principaux monuments antiques de la ville.
Pour faciliter cet examen , M. Gérard , libraire , offre
plusieurs exemplaires d'un plan de Vienne , qu'il a édité ,
il y a plusieurs années , et que nous reproduisons dans ce
procès-verbal (V. la planche).
Ce plan, gravé avec soin, comprend :
1 \ Remparts romains , dont on peut suivre presque
partout les traces.
2°. Partie des remparts du moyen -âge.
3°. Ruines du château de la Bâtie.
U". Lieu où était situé le Temple des cent dieux , et où
l'on voit un reste de l'église de St. -Sévère.
5°. Église de St. -Martin.
6°. Pont de St. -Martin.
7°. Grands murs romains, construits pour soutenir les
terres, et former terrasse le long de la Gère.
8". Aqueducs romains le long de la Gère.
9°. Emplacement de l'ancien temple de Mars et de la
Victoire.
10°. Abbaye et église de St.-André-le-Haut.
11°. Restes de Y amphithéâtre romain.
12". Restes du théâtre romain.
ces
Cft
AJ
im
•. li)l£ '/J-Sj'/JÏ-S (ILimm
XXIXe. SESSION, A I.YON. 519
13". Restes de voie romaine.
\h°. Collège.
15". Emplacement du palais impérial sous les Romains,
et ensuite du couvent des Capucins.
16°. Pont de Gère, ou de St. -Sévère.
17°. Pont-Neuf, à l'embouchure de la Gère.
18°. Église et abbaye de Si.-André-le-Bas.
19°. Palais-dc-justice, où était le palais prciorial sous les
Romains, et ensuite le palais des rois de Bourgogne.
20". Temple d'Augîtstc et de Livie,
21". Arcade antique , ayant fait partie des portiques qui
entouraient le Forum, et grand mur romain, en pierre de
taille, qui soutenait, d'un côté, l'escalier conduisant de la
ville basse à la ville haute.
22". Hospices.
23°. Place-Neuve.
1k\ Hôtel-de-Ville.
25". Halle-Neuve
26°. Église de St. -Maurice.
27". Église et abbaye de St. -Pierre.
28°. Caserne.
29°. Champ-de-Mars.
30°. Roule de Provence.
31". Point où passait la grande voie, ou voie Domicicunc,
sous les Romains.
32". Roule de Lyon.
33°. Faubourg de la Porte-de-Lyon.
3.'i°. Faubourg de Serpaize.
35°. Faubourg de Pont-Évèque.
36°. Pile de l'ancien pont du Rhône.
37°. Pont en fil de fer.
38". Embouchure du ruisseau de St. -Marcel , ou de
Fuissin.
520 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
39°. Embouchure du ruisseau de St.-Gervais , ou de
Fuissinet.
U0°. Tour bâtie par Philippe-de-Valois quand il s'empara
du faubourg de Sle. -Colombe.
61°. Emplacement de la tour appelée Tour-de-Pilate.
W2°. Maison du Temple, ancien hospice.
&3°. Maison du XVIe. siècle (dans la rue des Orfèvres).
W. Maison gothique dans la rue de l'Éperon.
Le Congrès a visité rapidement la cathédrale St. -Maurice ,
que la Société française avait déjà explorée en 18M (V. le
t. VII du Bulletin monumental , p. 606).
Il a examiné d'abord les deux tombeaux de marbre qui se
trouvent près de la porte occidentale , et dont un , apporté
de St. -Pierre , est le tombeau de saint Léonien , décrit par
M. de Terrebasse. Le Congrès a examiné ensuite l'ordonnance
de l'église et a entendu les observations de MM. Berthin,
Teste, de Surigny, de Caumont , de Brye, Quenin et autres
membres du Congrès, sur diverses particularités de celte con-
struction , sur les quelques travaux qu'on y a faits depuis
vingt ans que la Société française l'a visitée , etc. , etc.
L'Assemblée a fait le tour de l'église et a vu les inscrip-
tions tumulaires incrustées dans les murs: quelques-unes
avaient été relevées par la Société française en 1841 ; elles
seront toutes publiées et commentées par MM. de Terrebasse
et Aimer, savants auxquels on devra bientôt l'épigraphie
des bords du Rhône et du midi de la France.
Poursuivant sa marche , le Congrès est entré dans l'église
St-André-le-Bas , remarquable à plus d'un titre. Deux
beaux chapiteaux antiques, en marbre, couronnent les co-
lonnes qui portent le grand cintre du sanctuaire à la nais-
sance de l'abside. La richesse des pilastres romans , ornés
de galons et de bandelettes , montre un des caractères de
XXIX'. SESSION, A LYON. 521
ce roman bourguignon et méridional dont M. de Caumonl
a , depuis long-temps, tracé l'étendue sur la carte annexée
à son Abécédaire d'archéologie depuis Marseille jusqu'à
Langres, en y rattachant la Suisse et probablement une
partie de l'Italie (1). Près de la chaire , le Congrès a pu
examiner le nom de l'architecte Martin avec la date 1152.
Ce fut lui qui construisit au moins une partie de l'église ,
notamment de belles fenêtres romanes , qui attirèrent
l'attention du Congrès.
MM. Berthin et Teste conduisent ensuite le Congrès près
de la belle inscription romaine, si souvent relevée et qui parle
de tuiles en bronze doré , données par une Flamme avec
des statues et divers ornements.
Cette inscription est ainsi conçue :
D D PLAMINIGA VIENNAE
TEGVLAS AENEAS AVRATAS
CVM CARPVSGVLIS ET
VESTITVr.IS BAS1VM ET SIGNA
CASTOlilS ET POLLVCIS CVM EQVIS
ET SIGNA HERCVLIS ET MEUCVRl
D. S. D.
Le Congrès s'est rendu de là au temple de Livie , en voie
de restauration depuis bientôt dix ans, et dont les travaux
ne sont pas encore achevés. Ce qui attirait surtout l'attention
du Congrès , ce sont les fouilles qui avaient été faites et qui
avaient mis à découvert de magnifiques soubassements, en
pierre de grand appareil, s'étendant à droite et à gauche du
péristyle du temple. Ces beaux restes indiquent que la
Maison-Carrée était entourée de grandes constructions.
(d) V. les détails donnés sur la géographie du style roman dans
V Abécédaire d'archéologie , partie religieuse, p. 237 el suivantes.
522 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Des vestiges analogues avaient été constatés autour de la
Maison -Carrée de Nîmes. M. Teste a été prié par le Congrès
de donner un plan et une description des constructions an-
tiques nouvellement exhumées à Vienne.
M. Berthin a dirigé ensuite le Congrès vers le faubourg
Ste. -Colombe , pour aller y voir le musée de Mn,e. Michoud.
M'"9. Michoud a bien voulu faire ouvrir sa collection au
Congrès , qui a pu l'examiner en détail.
Revenu dans la ville , le Congrès a vu les arcs du forum ,
les rampants du grand escalier antique et quelques vieilles
maisons; puis il a fait l'ascension du château Pipet, et a vu,
avec le plus grand intérêt les conduits d'aqueducs , par-
faitement reconnaissables , dans le coteau de la vallée de la
Gère.
Parvenu sur le plateau du château Pipet , esplanade en-
tourée de murs de soutènement romains d'une assez grande
hauteur encore, le Congrès a contemplé le ravissant pa-
norama qui se déroule devant les yeux. Il est monté au sommet
d'un monument érigé à la Sainte- Vierge.
Le Congrès a reconnu l'emplacement du théâtre au pied
du château Pipet ; ce qui a donné lieu à M. de Caumont
de faire des comparaisons sur la position analogue de certains
théâtres antiques.
Le Congrès aurait eu bien des choses à visiter encore ;
mais le soir arrivait , et il fallait se rapprocher de la gare
pour retourner à Lyon. C'est là que le Congrès a pris congé
de M. Berthin, de M. Teste et des honorables archéologues de
Vienne , sous la conduite desquels il avait passé une journée
si instructive et si bien remplie.
Le Secrétaire,
Fazy, de Genève.
XXIXe. SESSION, A LYON. 523
RÉUNION DU CONGRÈS A 1/H0TEL-DE-V1LLE DE LYON.
VISITE DES RESTAURATIONS DE L'HOTEL-DE- VILLE,
LE 'il SEPTEMBRE.
A huit heures du matin, M. Desjardins, architecte de la
ville, conduit le Congrès à Pllôtel-dc-Ville et lui fait visiter
les appartements qu'il a été chargé de décorer. Ils occupent
tout le premier étage , et se composent de l'appartement de
l'Empereur et de l'Impératrice, de ceux du Préfet du Rhône,
des salons de réception et de fêtes , et de ceux réservés au
Conseil municipal.
M. Desjardins s'est inspiré , pour cette splendide restau-
ration, des plus purs modèles de Fontainebleau, de Versailles,
et d'autres palais, pour les différents styles de François Ier. ,
Louis XIII et Louis XIV, qu'il a adoptés. Plusieurs pièces
conservent encore leur décoration du temps d'Henri IV, et
n'ont été que restaurées.
Par une heureuse disposition , les parois de l'une des
pièces destinées au service municipal ont été couvertes des
écussons aux armes des échevins de Lyon. Il est à regretter
que, faute de place, on n'ait pas pu les y faire entrer tous.
Dans une autre pièce , l'habile architecte a fait re-
marquer que , sur le dallage en pierre, était gravé un im-
mense plan de Lyon , qui , sans être très-ancien , offre
beaucoup d'intérêt. Il cherche un endroit où il puisse le
rétablir dans une position verticale.
M. de Caumont adresse à M. Desjardins les compliments
du Congrès sur cetle œuvre de décoration générale, qui fera
de l'Hôtel-de-Ville un véritable palais.
52h CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Séance de clôture.
Présidence de M. l'abbé Le Petit.
A 9 heures, la séance est reprise dans la salle de l'Aca-
démie, au palais St. -Pierre.
Siègent au bureau : MM. de Cawnont, Martin-Daussigny,
Desjardins, le docteur Cattois.
M. Canal de Chizy remplit les fonctions de secrétaire.
M. de Caumont dit quelques mots sur les résultats de
l'excursion archéologique faite à Vienne.
M. de Surigny demande quel serait le meilleur moyen
pour préserver de la poussière , et en même temps pour
pouvoir étudier les fresques antiques que l'on a vues à Vienne
et qui ne le cèdent en rien à celles de Pompéi. On pense qu'un
vitrage , pouvant s'ouvrir au moyen de charnières , rem-
plirait ce but. M. Villemsens préférerait un simple grillage.
M. Vallier annonce qu'il travaille à un ouvrage intitulé :
Recueil des sceaux et des monnaies, anciennes et modernes ,
appartenant au Dauphinc. Il demande appui, conseil et
encouragement.
M. de Caumont le félicite, et le Congrès s'associe aux
félicitations de son Président.
M. Desjardins demande la parole, au sujet des modifi-
cations faites à plusieurs églises à Lyon et dont il est l'ar-
chitecte.
Il explique que , pour la crypte de St.-Irénée , une Com-
mission est chargée de la direction des travaux. Les
colonnes que l'on remplace ne sont pas les colonnes pri-
mitives ; celles-ci avaient déjà été détruites dans les guerres
de religion.
Il aborde la grosse question de la cathédrale. La décision
qui a transformé le toit plat en toit aigu a été prise par le
XXIXe. SESSION, A LYON. 525
Comité des inspecteurs-généraux. M. Desjardins avait pré-
senté un projet d'ensemble , dont une partie seulement est
exécutée. Il prie le Congrès de suspendre son jugement
jusqu'à l'achèvement des travaux. Du reste , son projet de
combles aigus, qui déplaît à Lyon, quoiqu'il soit motivé
par les pignons de la façade, a toujours été approuvé à Paris.
M. Canat de Chizy demande si la coupe des tenons et des
assemblages des bois de la charpente ne pourrait pas faire
connaître l'inclinaison primitive du toit. — On n'a rien pu en
déduire.
Enfin , la discussion se clôt après que M. Savy a montré
des profils, relevés par lui, pour prouver que des restaurations
de détail ont altéré les formes primitives des moulures et des
ornements.
M. Canat de Chizy raconte sa visite au musée céramique
nouvellement fondé au village d'Aoste ( Isère) , que conserve
avec zèle M. le comte de Laforest. Ce village, où existent des
inscriptions antiques bien connues, est d'origine romaine,
Il était le centre d'une fabrication considérable de poteries.
On y a trouvé beaucoup de fours de potiers , et les noms des
fabricants dont les estampilles peuvent encore se lire dé-
passent le nombre de 20. Les vases y affectent toutes les
formes, depuis la grande amphore jusqu'aux petits lacry-
matoires , depuis les grands plats à lait de Sabinus et 67,
Atinus jusqu'aux minces soucoupes, depuis la grossière terre
noire micacée jusqu'à la fine terre rouge, brillante et or-
nementée.
Parmi les noms qu'on a pu déterminer, les uns sont
inscrits en rond; ce sont ceux-ci : NOSTER F IVLIANVS,
VALLO F, MARCVS F, SEXTIVS F, CASSIO F
CVRICVSIVLI • C • F, LVCIOLVS F, DOMESTICICA ,
SEVERINVS F, QVINTVS F, VALLO FECIT.
Les autres ont des estampilles linéaires : MARTIVS F,
526 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
MAGRIN, ATTIVS, SABINVS C '. ATISIVS. Ce dernier a
signé tous les vases plais à larges rebords. M. Martin-
Daussigny a signalé sa fabrique à Lyon, vers Ainay. M. Canat
pense qu'il n'y avait là qu'un dépôt, et que les ateliers
devaient être à Aosie.
Enfin, les poteries en terre fine rouge, brillante, portent
des estampilles très-petites, dont le nom, commençant presque
toujours par o, est presque indéchiffrable. Cependant , l'une
d'elles , montrant distinctement OF. MARCVS , peut être
traduite par Officina Marcus.
On a trouvé aussi beaucoup de supports en forme de
trépied et de couronne , en terre grossière ; des moules
en creux , soit d'ornements à appliques , soit du nom de
l'artisan , soit même de vases entiers ; des lampes , deux
statuettes en terre cuite , conformes à celles du musée de
Moulins.
Mais le grand intérêt de cette collection est la quantité
d'ustensiles en verre , soit blanc, soit coloré , soit strié , soit
fileté à plusieurs couleurs , comme le verre de Venise , qui y
sont réunis. Quelques-uns de ces vases ont &0 et 50 cen-
timètres de hauteur et de largeur. Un fragment de col , avec
son anse , pourrait appartenir à un vase de la taille d'une
amphore.
Un petit vase de verre jaune contenait , avec des cendres ,
une médaille de Néron.
Dans le bourrelet qui borde l'orifice de l'un de ces us-
tensiles , se trouve renfermée , chose bizarre ! une petite
quantité d'eau limpide.
M. Canat de Chizy fait connaître le procédé expéditif qu'il a
imaginé pour obtenir un profil exact de ces différents objets,
et qui pourra être utile aux archéologues qui n'auraient pas
le talent ou le temps de dessiner les choses rares qu'ils ont
découvertes.
XXIX". SESSION , A LYON. 527
Il a fixé son papier, avec des épingles, sur une planche
qu'il a placée verticalement sur une table. En avant, et tout
près du papier, il a dressé les objets dont il voulait avoir le
dessin ; il a fermé tous les volets et allumé une lampe à
l'autre extrémité de la salle. La silhouette s'est produite très-
nettement , et en quelques instants , il l'a tracée avec un
crayon. De la sorte , un grand nombre de vases , de poteries ,
de bronzes, ont été dessinés en très-peu de temps.
M. le docteur Cattois appelle l'attention du Congrès sur
l'église de Grenoble , dont les réparations font disparaître
une disposition intérieure qu'il appelle allemande, et une
chapelle au-dessus de la voûte qui est à l'entrée de l'église.
RI. de Soullrait fait remarquer que celle disposition se
trouve dans beaucoup d'églises anciennes , entr'autres à
Tournus. C'est l'église supérieure, dédiée à saint Michel, qui
s'élève au-dessus du narthex. Elle est spécialement destinée
à la commémoration des morts.
M. de Soullrait signale au Congrès la Revue du Lyonnais,
comme une publication consciencieuse et utile destinée aux
arts et aux sciences : il serait heureux de voir le Congrès
adresser des félicitations à son propriétaire, qui en est aussi le
rédacteur, M. Vingtrinier , membre du Comité archéologique
de Lyon.
M. de Caumont remercie M. Vingtrinier, de son concours
pour l'extension des études archéologiques.
Il rappelle le vœu émis précédemment par le Congrès, sur
sa proposition , que toutes les grandes villes aient une sorte
de Livre-d'Or , où seraient inscrits les noms de tous les
hommes qui ont rendu des services.
RI. de Soullrait explique qu'il y a déjà à Lyon un com-
mencement d'exécution : qu'un legs a été fait pour l'érection
de bustes en marbre ; qu'il y a déjà quelques portraits de
528 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
réunis. La collection Coste , dont M. Vingtrinier a rédigé le
catalogue , fournit des documents. Il y a eu encore une
publication, intitulée: Les Lyonnais dignes de mémoire,
qui devra être consultée.
Ce qu'il faudrait, ce serait des tables de marbre, où les
noms seraient inscrits.
M. de Caumont pense que ces tables seraient placées
convenablement à l'Hôtel-de-VilIe , dans une salle du rez-de-
chaussée.
Après cette discussion, M. de Caumont, directeur de la
Société française d'archéologie , adresse des remercîments
aux habitants de Lyon qui ont pris part au Congrès ; il prie
M. Fraisse d'offrir les remercîments de l'Assemblée à l'Aca-
démie impériale de Lyon , qui a bien voulu l'autoriser a se
réunir dans la salle qui lui est attribuée.
La séance est levée et la seconde partie de la session du
Congrès archéologique de 1862 déclarée close, à 10 heures 1/2
du matin.
Le Secrétaire ,
Paul Canat de Chizy.
isroTii
SDR
LA GÉOGRAPHIE ROMAINE
DU PAYS DES OSISMIENS
(Finistèie),
PRÉSENTÉE AU CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
Par SI. le S»r. E. HALLÛGEEN , de OiâleauSin.
Les difficultés, les incertitudes de notre géographie an-
cienne tiennent toutes, de près ou de loin, à la question de
savoir si Carhaix est bien le Vorganium, par abréviation
Vorgium , devenu plus tard Osismii \, résidence du préfet
et de l'évêque des Osisiniens.
Le débat est désormais entre Brest et Carhaix. Dans un
Essai sur les origines armorico-brclonnes , ou les évôchés
gallo-romains de la Basse- Armorique , du Ve. au IXe. siècle,
présenté au concours des Antiquités de la France, je crois
avoir prouvé que Brest a été Vorganium Osismii; que
Carhaix n'a jamais été que Castetlum ( Osismiorum), Caer,
Ker, Carez, Caraez, Keraes en breton, latinisé en Caretum;
mais cela ne m'empêche pas de demander de nouvelles re-
cherches , des vérifications : elles serviront toujours à ma-
nifester la vérité , ce qui est l'essentiel.
Or, il me semble que la question pourrait être résolue
par des fouilles pratiquées à Carhaix ; car si c'était là Vor-
ganium Osismii , la capitale de la cité Osismienne , elle a
été entourée de remparts; elle a eu un castrum comme
34
530 CO.\GRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Nantes, Rennes, Vannes, Met , sinon Çorseul. Ces remparts
sont détruits au-dessus du sol , mais ils n'ont certainement
pas été arrachés du sol. L'édifice romain important de la
maison Ponchera et les autres ruines que j'ai mises à dé-
couvert le prouvent assez.
On trouvera bien des vestiges des fortifications modernes
qui ont dû être élevées sur les fondements romains. Le
château dit d'Ahès doit remonter également à cette époque ,
au moins pour ses fondations.
Dans le clos St. -Etienne, qui paraît avoir été un cimetière
romain , et le parc Poullon , ont été trouvés quatre chapi-
teaux de colonnes doriques, dont trois, ayant 33 centi-
mètres de module , ont dû surmonter des colonnes de U
mètres 90 centimètres; le quatrième a 25 centimètres et
couronnait une colonne de 3 mètres 92 centimètres. Ces
établissements importants sont situés du même côté de
la ville que le château d'Ahès. En partant de ces points ,
on ferait , selon toutes les probabilités , des découvertes qui
seraient décisives. Il suffirait pour cela d'une allocation
que la Société française d'archéologie voudrait bien confier
à MM. Du Chatellier, de Blois , et à leur dévoué col-
lègue. Nous obtiendrions le concours de plusieurs personnes
intelligentes, et spécialement celui de l'architecte qui a dirigé
nos fouilles de 1850. Si je me permets d'adresser cette de-
mande à la Société française d'archéologie , je dois lui dire ,
comme circonstance atténuante de ma hardiesse , que toutes
mes fouilles et recherches dans le département , depuis le
château féodal de Châteaulin, dont j'ai retrouvé le plan en
18ù9 et publié l'histoire dans Y Écho de Châteaulin , qui
n'avait guère d'écho jusqu'à Carhaix et ailleurs encore , que
tout cela s'est fait sans secours , sans subvention , sans en-
couragement d'aucune sorte.
Il va sans dire, à la Société française d'archéologie, que
GÉOGRAPHIE DU PAYS DES OSISMIENS. 531
la viabilité romaine que je décris dans la Cornouaille armo-
ricaine est celle des IVe. et Ve. siècles, de la fin de notre
époque romaine. On sait assez que la féodalité et le moyen-
âge , en Basse-Bretagne , plus encore que dans le reste de
l'Armorique , n'ont fait que dégrader ou laisser se dégrader
les routes. Le principe de la guerre , qui a désolé notre
pays plus que tout autre jusqu'à sa réunion à la France,
était de couper et de détruire les routes.
Le soin des routes anciennes et la création de nouvelles
voies ne peuvent être comptés au nombre des mérites de la
féodalité et du moyen-âge.
NOTE SUR CARHAIX.
Le monument romain le plus apparent , le seul apparent
même de Carhaix, est l'aqueduc qui viendrait, selon les uns,
des étangs de Glomel , aujourd'hui réservoir du canal de
Nantes à Brest; selon d'autres, de la fontaine de St. -Antoine,
ce qui est plus croyable ; car Glomel est à 3 ou h lieues.
Toujours est-il qu'on ne sait pas d'où il venait ; mais on ne
sait pas davantage où il allait, car, selon les habitants, son
château-d'eau est à Leur-Venn. Or, cela n'est pas. Le
mur quelconque qui y existe n'est pas un bassin , et les
abords où j'ai recherché les conduits , sur une longueur de
63 mètres jusqu'au roc, n'ont rien présenté de semblable,
Au contraire, loin de se diriger sur Leur- Venn de l'est à
l'ouest , il se porte au nord vers la fontaine Stanquélen et le
petit Carhaix , sur la route de Morlaix. Peut-être allait-il à
des points dont l'un a fourni une belle mosaïque. Dans
ce terrain la tradition place un palais. L'aqueduc, en passant,
pouvait fournir de l'eau aux bains du champ Dagorn.
Mais l'eau n'est pas rare à Carhaix : il n'y manque ni
fontaines, ni puits.
f>32 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
La direction , vers la rivière d'Hyères, de ce conduit en
béton que j'ai jalonné avec soin permet de se demander si
ce n'était pas plutôt un grand égout , un égout collecteur. Il
a 95 centimètres de hauteur et 60 centimètres de largeur 5
son épaisseur est de 30 à 32 centimètres : c'est un béton
mêlé de pierres , de 3 à h centimètres , de grès , de schiste,
de quartz. On y entre facilement : on a pénétré jusqu'à &5
ou 50 mètres sans être gêné. A ce point, il est rempli de
terre qui est probablement celle des champs dans lesquels il
aura été détruit.
Quoi qu'il en soit de la destination de ce beau monument,
il y avait à Carhaix des égouts dont un a été découvert
auprès de Plouguer , sur la route de Brest , encore
rempli de boue calcinée. C'est un conduit carré , haut de
65 centimètres , large de 55 centimètres , en schiste du
pays, posé avec le ciment romain. La base est une couche
de béton de 10 centimètres d'épaisseur. Il est couvert avec
de larges pierres de schiste, se doublant et unies par le
même ciment. La direction de cet égout allant du sud au
nord vers l'Hyères, il devait se décharger dans le premier
conduit. Carhaix est sillonné de ces canaux qui sont ou-
verts en plusieurs points; on en a trouvé en particulier
dans le champ de bataille et aux environs , et toujours on
les appelle des aqueducs , quelle que soit l'eau qu'ils con-
tiennent.
Le château dit d'Ahès appelle aussi une attention particu-
lière. Ce qu'en nomme ainsi n'a extérieurement rien de
romain. Il faudrait fouiller les fondations qui peuvent, qui
doivent être romaines pour mériter quelque peu ce nom an-
tique. On y trouve cependant, ainsi que dans quelques murs
voisins , du béton employé comme moellon de construction ;
mais il reste à savoir d'où il provient. Les murs du couvent
des Ursulines en présentent surtout de beaux fragments. La
GÉOGRAPHIE DU PAYS DES OSISMIENS. 533
construction romaiuo de la maison Punchera était placée
entre ces deux édifices modernes.
Sur la même ligne ont clé trouvés les chapiteaux de co-
lonnes doriques, qui feraient penser qu'il y a eu là un
temple qui aura été démoli , peut-être pour bâtir des rem-
parts de défense contre les barbares au IIIe. et au IVe. siècle.
C'est ce que des fouilles bien dirigées devraient nous ap-
prendre. Il y a vraiment assez long-temps qu'on dispute
sur Carhaix pour que tout le monde s'emploie sérieu-
sement à savoir enfin la vérité.
Pour ma petite part , j'ajouterai que le plus ancien nom
de Carhaix conservé dans l'histoire du moyen-âge est Cas-
lellum , dans l'acte de fondation du prieuré de St. -Nicolas de
Carhaix faite par Tanguy Ier., vicomte de Poher (1). Caretum
est le nom latin de Carhaix , Carez. C'est le seul qu'on
trouve dans les dictionnaires géographiques et historiques,
dans Baudrand (1681-82) , dans JMoréri , dans le Diction-
naire de Trévoux, dans La Martinière (1768 ), dans Vosgien.
Quant à Urbscsia , ou Urbsatia , on ne trouve ces noms
que dans le P. Grégoire et dans Corret de La Tour-d'Au-
vergne. Le premier paraît l'avoir inventé en l'honneur de
la princesse imaginaire, de la fée Ahès (ou de l'airain, as)...
et La Tour-d'Auvergne l'aura copié pour en faire un ar-
gument en faveur d'Aétius, général romain , prétendu fon-
dateur de la ville natale du premier grenadier de France.
De la belle mosaïque dont j'ai eu l'honneur d'offrir un des-
sin , deux fragments ont été donnés aux musées de Nantes et
de Quimper. Ils ne comprennent guère que l'encadrement.
Le Congrès a donc par ce dessin que j'ai présenté une
véritable idée de la mosaïque, dont la rosace avait 0 mètre
60 centimètres carrés , et la bordure 0'",1 5 centimètres de
(1) V. Dom Morice, Preuves, t. I, col. 914-919.
534 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
largeur. Les diverses pierres qui forment les dessins n'ont
pas plus d'un centimètre carré. Toutes sont employées brutes
et reposent sur un bain de ciment.
Les briques , ciment , fragments de peintures murales ,
coquillages , etc. , etc. , qui ont été découverts à Carhaix
et ailleurs ont été donnés au musée naissant de Quimper.
J'aime à croire que la Société française d'archéologie, sui-
vant sa noble et généreuse habitude, nous autoriserait à placer
dans le même dépôt les objets que nous pourrions découvrir
avec l'allocation qu'elle voudra bien nous accorder.
RECHERCHES
SUR
LE CARACTÈRE ARCHITECTURAL
DE LA CATHÉDRALE DE LYON,
PRÉSENTÉES AU CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
Par 10. SAVY,
Membre de plusieurs Sociétés savantes , à Lyon.
L'architecture si complexe en apparence de notre église
métropolitaine ; le style si distinctif de chacune de ses di-
visions ; la différence de hauteur entre les voûtes de l'abside
et celles des transepts et de la grande uef , l'ont fait envisager
comme une œuvre toute de pièces et de morceaux , comme
une agrégation de divers plans soudés les uns aux autres à
différentes époques, et sans unité de conception.
Celte appréciation inexacte de notre monument a été
tellement divulguée , et préconisée avec tant d'insistance ,
qu'on a fini par l'admettre comme une vérité incontestable ;
et les traités d'archéologie , en voulant renfermer dans une
période exacte chaque transformation de l'architecture du
moyen-âge , n'ont pas peu contribué à donner raison , en
quelque sorte , à cette manière de juger la vieille basilique
lyonnaise.
Cependant, les savants, tels que les de Caumont et autres ,
en donnant à l'archéologie monumentale ses formules et ses
536 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
divisions, n'ont pensé qu'à établir des points de repère, au
moyen desquels ils pussent se reconnaître au milieu de cette
variété de styles que présentent les nombreux édifices ro-
mans et ceux de la période ogivale ; mais ils n'ont jamais eu
en vue évidemment de faire, d'une simple classification , un
principe invariable et absolu. Ils n'ont pu vouloir enseigner
que chaque modification de style , dans l'art de bâtir , com-
mençait juste à une époque déterminée, au milieu ou à la fin
d'un siècle, par exemple, et faisait place méthodiquement,
et à jour fixe, à une autre entente artistique.
L'enthousiasme avec lequel on s'est jeté sur les premiers
écrits traitant de l'art du moyen-âge a empêché de discerner
ce qui était de principe fondamental, d'avec ce que l'on ne
devait envisager que comme une simple nomenclature de
convention essentiellement variable. On a pris celle-ci à la
lettre, contrairement à la pensée de ceux qui l'avaient établie
en premier lieu et bien souvent on en a fait l'application
irréfléchie lorsqu'il s'est agi de déterminer l'âge et le style
d'une foule de monuments historiques.
Mais aujourd'hui que la science a marché et que , grâce
à des investigations patientes et sûres, elle est arrivée à faire
la lumière sur les origines et les phases diverses des con-
structions gothiques, il est permis de juger l'architecture
mixte de notre cathédrale d'une toute autre façon qu'elle ne
l'a été jusqu'à présent. On a été long-temps à croire que
l'adoption du style ogival , concurremment avec l'ornemen-
tation romane, ne pouvait être le fait d'un même architecte,
parce que l'on voyait là deux arts particuliers qui indiquaient
deux époques distinctes, bien éloignées l'une de l'autre. Cette
opinion ne peut plus se soutenir maintenant.
Parmi les monuments qui présentent comme le nôtre , et
d'une manière encore plus inexplicable et plus prononcée ,
l'alliance du plein-cintre et de l'arc brisé , nous citerons ,
AF.CHIJEC1UI.E I)L LA CATHÉDRALE DE LYON. 537
en premier lieu, l'église de St. -Germer (Oise) , que l'on fait
remonter à 1136. Là, le plein-cintre apparaît dans tout le
haut du monument, tandis que l'ogive règne seule dans le
plan inférieur. Et en second lieu , la cathédrale de Noyon ,
élevée, suivant M. Viollct-Leduc , de 1150 à 1190, ce re-
marquable édifice, qui présente avec notre primatiale une
grande conformité de plan dans la disposition des travées et
le tracé des voûtes , a toutes les arcades du rez-de-chaussée
et celles de la galerie du premier étage ouvertes en ogive ,
pendant que l'arc plein-cintre se montre exclusivement dans
les petites arcaturcs du second triforium et dans les grandes
fenêtres de la nef centrale.
II fut donc une époque où l'art était libre et ne se ré-
sumait pas, comme au X1IP. siècle, en une formule ; et
celle époque , long-temps méconnue et mal définie au poiut
de vue artistique, c'est le XIIe. siècle. Le style ogival
se trouve parfaitement constitué au XIIe. siècle. On
comprend dès-lors que les architectes gothiques de cette
époque , encore sous l'influence romane , qui avait laissé des
œuvres d'une grande importance et d'une grande valeur ,
n'aient pas cru devoir s'abstenir d'un style qui , employé
avec discernement et intelligence, ne pouvait que donner à
leurs édifices de l'imprévu et de la variété.
On sait aujourd'hui que les premiers monuments-types de
l'architecture gothique se sont élevés dans l'Ile-de-France et
la région limitrophe , dans tout le bassin de l'Oise et une
partie de la Champagne. Far conséquent, la cathédrale de
Noyon et l'église de St. -Germer , que nous venons de citer,
sont deux édifices originaux du style ogival primitif.
Toutefois, ce qui reste encore à déterminer, c'est le mo-
ment précis où le style gothique se montre sur tous les
points du sol français dès qu'il est connu. Assez générale-
ment , on assigne a la diffusion de cet art dans quelques-unes
538 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
de nos provinces , et notamment dans le* Lyonnais, une date
beaucoup plus récente que celle indiquée par l'âge des con-
structions où il apparaît. En ce qui concerne notre cathé-
drale en particulier, on s'est obstiné à attribuer au XIIIe.
siècle le style des transepts et de la grande nef, tandis qu'on
renferme exactement dans la fin du XIIe. siècle le sanctuaire
et les deux chapelles absidalcs. La ligne de démarcation
est, comme on le voit, très-nettement tracée. Nous allons
essayer de restituer à chaque division de notre intéressant
édifice l'état civil que lui assigne la marche rationnelle des
travaux.
Commencée de 1173 à 1176, sous l'archevêque Guichard,
la basilique lyonnaise s'élève à une époque où l'art de bâtir ,
comme nous l'avons dit, ne s'astreint pas à un type unique,
mais où il est essentiellement libre et prend divers aspects
sous une même main, conservant les traditions de l'architec-
ture romane intimement liées au style ogival. Toutes les
églises de notre province commencées ou achevées à peu
près au même temps que la métropole , telles que celle de
St.-Paul, à Lyon, qui date du milieu du XIIe. siècle, et
celle de Bclleville (Rhône) , consacrée par l'archevêque Gui-
chard en 1179, en sont une preuve évidente.
Il n'y a pas eu dans le Lyonnais , que nous sachions du
moins , d'école provinciale d'architecture , et la plupart de
nos églises anciennes d'une certaine importance ont toutes
une origine ou clunisienne ou bourguignonne. C'est à cette
dernière qu'appartient notre primatiale. En l'absence de
preuves écrites et de documents authentiques établissant ce
fait, nous n'avons qu'à ouvrir le Dictionnaire d'architecture
de M. Viollet-Leduc, et là nous trouverons matière à nous
éclairer complètement à cet égard. Système de construction ,
caractère de la flore des chapiteaux, beauté du style: tout
cela est expliqué, analysé, démontré dans le savant ouvrage,
ARCHITECTUr.E DE LA CATHÉOBALE DE LYON. 539
avec une précision et une justesse d'aperçus qui ne laissent
aucun doute dans l'esprit , quand on compare l'architecture
bourguignonne avec celle que présente la cathédrale de
Lyon.
Or, en Bourgogne, en raison même de la proximité de
cette province avec la Champagne , où naît en même temps
que dans l'Ile-de-France le style gothique, cet art se montre
tout complet presque aussitôt après sa première manifestation.
L'architecte bourguignon , appelé par l'archevêque Guichard
pour dresser le plan de sa basilique , nous apporte le style
ogival précisément à sa plus belle époque ; car ce que la
science vient de constater , c'est que cet art n'apparaît dans
toute sa perfection et dans toute sa pureté qu'au moment
même de sa naissance.
« Comme tous les grands styles , dit M. Ernest Renan ,
« le gothique fut parfait en naissant. Trop habitués à juger
« ce style par les ouvrages de sa décadence , nous oublions
« souvent qu'il y eut pour le style ogival , avant les exagé-
« rations des derniers temps, un moment classique où il
« connut la mesure et la sobriété. Les petits édifices, élevés
« en quelques années et d'une parfaite unité , nous ren-
« seignent bien mieux à cet égard que les grandes cathé-
« drales, achevées presque toutes au XIV*. siècle. L'église
« de St.-Leu d'Esserans, dont M. Vitet a, je crois, le mérite
« d'avoir le premier révélé la rare élégance ; celle d'Agneiz ,
« près de Clermonl; la salle d'Ourscamps ; la belle église
h cistercienne de Longpont , ou même celle de St.-Yved
« de Braine , sont d'excellents modèles aussi purs , aussi
« frappants d'unité , que le plus beau temple grec. Les
« églises élevées par les Croisés en Palestine brillent aussi
a par leur sévérité. On ne peut placer trop haut ces con-
« structions simples et grandioses du premier style ogival.
5U0 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DK FRANCE.
« Les lignes verticales n'empêchent pas de fortes lignes ho-
a rizontales de se dessiner. Les chapiteaux , tous semblables
« entr'eux dans un même édifice et composés de feuilles
« élégantes , rappellent encore le galbe corinthien. Les bases
(( sont rondes et ornées de moulures simples ; tout l'aspect
« de la colonne est antique et d'une juste proportion. L'ogive,
« dont on exagérera plus tard l'acuité, est à peine sensible ;
« à St.-Leu, l'abside, à distance, paraît toute romane. On
« ne vise qu'à des hauteurs modérées ; le bâtiment paraît
« assez large ; les fenêtres sont de taille moyenne , presque
« sans divisions intérieures. Tout l'édifice respire une droi-
« turc de jugement, un sentiment de justesse dont on ne
« tardera pas à se départir (1). »
St. -Jean de Lyon n'est pas un édifice de transition, mais
une église complètement ogivale , et les réminiscences ro-
manes qui s'y montrent n'affectent en rien le système général
de la construction, Du reste , nul indice de tâtonnement ,
nulle indécision dans l'exécution de cette œuvre importante ;
et cela n'est pas étonnant. Ce n'est point là une production
naturelle de notre sol, un art qui essaie chez nous de suivre
le mouvement artistique du Nord : c'est une importation des
contrées voisines de la nôtre ; c'est l'œuvre d'un homme qui
possède tous les secrets de cette nouvelle manière de bâtir,
qu'il a étudiée jusqu'à sa source ; qui sait ce qu'il veut, et
comment il doit procéder pour obtenir tels ou tels résulîals.
C'est le principe ogival qui a tracé dans l'abside les arcades
des travées, d'un caractère ferme et d'une grande simplicité
de profils; qui a dessiné les longues fenêtres du rond-point ,
d'un aspect noble et sévère ; qui a dressé ces robustes piles
d'angles montées en grand appareil de pierre dure , can-
tonnées de nombreuses colonnes destinées à recevoir les arcs
(1) Revue des Deux-Mondes, 1er. juillet 1862.
ARCHITECTURE DE LA CATHEDRALE DE LYON. 5M
des chapelles absidalcs et des transepts, puis les nervures des
voûtes ogivales de l'abside et de la grande nef ; qui , enfin ,
a complété, par l'emploi d'arcs-boutants savamment calculés,
l'admirable structure du monument.
Les disparates de style et d'ordonnance intérieure que
l'on remarque entre l'abside , les transepts et les premières
travées de la grande nef, ne résultent pas de modifications
introduites dans le plan primordial de l'œuvre, par suite de
changements successifs dans la direction des travaux, comme
on le croit encore : elles ont été prévues et raisonnées
d'avance , et ne sont que la conséquence du programme
imposé à l'architecte , en raison de la diversité des matériaux
qu'il avait à employer, et de certaines traditions liturgiques
religieusement conservées dans notre province. Quatre clo-
chers devaient régner sur le monument , en signe de la
primatie de l'église de Lyon, et l'abside, comme presque
toutes celles de nos vieilles églises du Lyonnais , devait être
moins élevée que la nef centrale.
Nous n'avons pas à discuter ici les raisons de cette par-
ticularité architecturale : nous constatons le fait, que tout le
monde peut vérifier tout aussi bien que nous. On retrouve
cette disposition du chevet de notre cathédrale dans une
foule d'églises qui sont, pour ainsi dire, aux portes de Lyon ,
et parmi lesquelles nous pouvous citer celles de Villefranche ,
de Salles, de Denicé, de Chessy, de Savigny, d'Orliénas, de
Vemaison , de Grigny, de Ternay, de St.-André-le-Bas, à
Vienne, etc. , etc. Notre ancienne primatiale, sous le vo-
cable de St. -Etienne, présentait le même fait de construction.
Quelques rares gravures nous ont conservé l'aspect intérieur
du sanctuaire, au-dessus duquel on voit trois baies, en ogive
simple, s'ouvrant dans le mur d'intersection. Mais une dis-
position de plan, qui est commune à toutes nos anciennes
églises , même a celles où l'abside est de même hauteur que
5U2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
la grande nef, c'est l'absence de déambulatoire contournant
le chevet , ainsi que le comporte le plan de la basilique
latine.
Obligé de se renfermer, pour l'étude de son plan d'en-
semble , dans les données que nous venons d'indiquer , l'ar-
chitecte de notre cathédrale ne pouvait assurément prendre
de parti plus sage et plus rationnel que celui auquel il s'est
arrêté, et le monument, dans sa pensée, ne devait pas se
présenter sous un autre aspect.
Nous ne saurions nous rendre à cette opinion, par exemple,
qui veut absolument que la grande nef ait été entendue ,
dans le principe, avec la même hauteur que l'abside, et
que les proportions n'en aient été modifiées que par suite
d'une nouvelle impulsion dans les travaux ; ou à cet autre
sentiment encore , que le sanctuaire , au moment où l'on
entreprit la grande nef, était trop avancé pour qu'on ait
jugé à propos de ne pas lui donner plus d'élévation ,
afin de le raccorder avec cette dernière partie de l'édi-
fice.
En voulant renfermer exclusivement , dans les dernières
années du XIIe. siècle, la construction de l'abside et des
deux chapelles latérales , on a cru avoir complètement séparé
de celui de la grande nef un style qui généralement paraît lui
être de beaucoup antérieur ; mais on n'a pas assez fait at-
tention que ce caractère de l'architecture romane se trouvait
ici plus étroitement lié à l'architecture ogivale qu'on ne l'a
supposé.
Toutes les parties basses du monument nous offrent de
nombreux et importants spécimens du style roman, mais non
de la construction romane. Dans les transepts, ce sont des
espèces de niches pratiquées dans le mur, ou des arcades
simulées abritant des fenêtres. Dans les collatéraux , toutes
les piles engagées présentent la même structure, et les mêmes
AllCHITECTURE DE LA CATHÉDRALE DE LYON. 5ko
profils de hases que celles faisant retour du sanctuaire sur les
chapelles absidales ; quelques-unes môme des piles des basses-
nefs, dans les premières travées, sont couronnées de cha-
piteaux romans. C'est entre ces piles , romanes par la base
et par la tête , que s'ouvre le petit porche qui débouche
sur la cour de l'archevêché. Là , le style ogival nous ap-
paraît entièrement conforme , et nous montre des profils
et des détails de chapiteaux que nous avons déjà reconnus
dans l'abside, dans les transepts et dans la grande nef; de
plus, ce qui est pour nous l'indice que ce travail doit être
attribué à la direction particulière de l'architecte fondateur,
c'est que les colonneltes , qui reçoivent les retombées de
l'arc-doubleau et des nervures d'arête de cette petite con-
struction , ne sont pas en pierre , mais en marbre. Or, l'em-
ploi du marbre dans la structure de notre monument, même
lorsqu'il s'agit du style gothique, nous paraît un fait qui ne
peut que remonter à l'origine des premiers travaux.
On ne peut admettre, en effet, que ce porche soit une
substruction ajoutée postérieurement à la mise en place des
piles qui l'a voisinent, et que les murs latéraux, qui relient
ces piles entr'elles , n'aient été montés que long-temps après
que celles-ci furent élevées. L'analyse de la construction ,
sur ce point, dément une telle supposition.
Mais c'est surtout dans l'ancien porche , communiquant
autrefois avec l'église St. -Etienne (collatéral nord) et trans-
formé aujourd'hui en sacristie , que nous trouvons un
exemple encore plus frappant de l'alliance intime de deux
styles , que l'on dirait appartenir à deux époques bien dis-
tinctes. On voit , en effet , au-dessus de l'entrée de ce porche,
une décoratiou en arcatures simulées où l'on reconnaît,
sans hésiter, la structure, les détails et tout le style , enfin
des ouvertures du iriforium de la grande nef. L'analogie est
complète et ne laisse rien à désirer.
564 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
A l'intérieur, les jambages de la porte, en marbre blanc,
ainsi que le linteau qui la recouvre, attestent dans l'or-
nementation de la partie supérieure , un caractère qui tient
encore de l'époque romane; tandis que les colonnettes,
également en marbre blanc, sur lesquelles reposent les ner-
vures diagonales de la voûte , révèlent , par les détails de
leurs chapiteaux et de leurs bases, le style que l'on attribue
invariablement au XIIIe. siècle. Il ne restera aucun doute
dans l'esprit de personne , sur les rapports intimes de con-
struction et la simultanéité de mise en œuvre de la grande
nef et des collatéraux , quand nous aurons fait remarquer
que, sur l'un des jambages en marbre de la porte presque
romane du porche en question , nous avons découvert un
signe graphique (R), qui se trouve exactement rappelé sur
deux fûts de la pile engagée à gauche de l'entrée, et sur l'un
des piliers de la grande nef, placé en regard de cette même
pile.
Des observations très-attentives sur ce fait nous ont amené
à reconnaître que tous les piliers de la grande nef portent les
mêmes contremarques que celles empreintes au ciseau sur
les assises des murs, et sur les fûts des piles engagées des
nefs latérales. Ces contremarques , que l'on retrouve les
mêmes, aussi bien à peu de distance du sol que dans toutes les
parties hautes du monument , dans les galeries des transepts et
de l'abside, et sur le mur d'intersection qui s'élève au-dessus
du sanctuaire, sont des lettres majuscules appartenant à
l'épigraphie de la fin du XIIe. siècle et du commencement
du XIIIe. ; elles sont généralement d'une grande pureté de
forme et d'une rare élégance.
Sans pouvoir préciser dans quelles limites s'est exercée
l'impulsion personnelle du premier maître de l'œuvre , les
documents historiques nous faisant complètement défaut a ce
sujet, nous trouvons du moins dans ces contremarques d'as-
ARCHITECTURE DE LA CATHÉDRALE DE LYON. 565
sises disséminées sur divers points du monument, la preuve
évidente de la mise à exécution du plan général , comprenant
à la fois l'abside , les transepts et les six premières travées
de la grande nef. En effet, nulle trace d'interruption ne se
fait remarquer dans ces trois parties de l'édifice à leurs points
de jonction , nulle soudure , nulle reprise. L'emploi constant
de matériaux de premier choix , la beauté de V appareil , les
soins apportés à la taille et à la pose : tout indique , au
contraire , une direction énergique et puissante faisant exé-
cuter rapidement une œuvre d'ensemble. La pensée tout
entière de l'architecte fondateur se révèle à nos yeux dans
ces divers travaux. C'est l'art du XIIe. siècle exécuté,
partie à cette même époque et partie dans les premières
années du XIIIe.
Il est permis de croire, en effet, que dans les vingt-quatre
ans qui séparent la date de l'entreprise du commencement
du XIIIe. siècle (de 1176 à 1200), on ne s'est pas borné
à élever seulement les chapelles absidales et une partie du
sanctuaire jusqu'au triforium, par exemple; car, au-delà,
le style ogival règne en maître ; et sous cette influence orien-
tale, qui se manifeste dans la décoration intérieure de l'ab-
side, on a dû entreprendre et achever tout le jalonnement du
plan à terre, ainsi que les deux premières travées de la
grande nef. Nous avons , pour établir cette délimitation , des
raisons toutes particulières, qu'il serait trop long de dé-
velopper ici. Notre supposition , conforme d'ailleurs à la
marche naturelle de la construction , dont on a pu déjà se
rendre compte par l'inspection des nefs latérales, n'a rien
d'exagéré , quand on songe que la cathédrale de Reims a été
bâtie dans l'espace de trente ans, sous la direction du même
architecte , Robert de Coucy, et celle de Noyon , dans qua-
rante ans.
Mais, au milieu de ce désordre apparent de plusieurs styles
35
5^l6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
amalgamés dans la conception du plan de la basilique lyon-
naise , quel ordre et quelle harmonie dans chaque partie de
l'œuvre ! Avec quelle aisance et quelle précision chaque
détail vient y prendre sa place marquée d'avance ! Est-ce le
hasard d'un raccord qui a fait trouver , entre le point de
départ des arcades majeures du triforium de la grande nef
et le niveau du cordon en saillie qui règne au-dessus, l'es-
pace nécessaire pour qu'elles pussent se développer dans de
si admirables proportions? Non, sans doute: le hasard n'est
pas mathématicien à ce point-là. Cet espace a été prévu et
calculé dès le principe, dans la hauteur donnée aux deux
étages de galeries qui régnent dans le sanctuaire et se relient
d'une manière si logique avec celles des transepts et de la
grande nef. L'architecte avait jugé que , si de simples baies
en plein-cintre ou en ogive obtuse étaient suffisantes dans les
parties du monument où les fenêtres sont de dimensions
restreintes, il ne pouvait en être de même pour la grande
nef où , en raison de l'élancement considérable de la voûte ,
il était indispensable de donner au triforium plus d'im-
portance et plus de valeur.
On reconnaît ici un art sagement étudié, intelligemment
contenu ; c'est un coursier généreux , plein de feu et de
noblesse , mais docile à la main ferme et sûre qui le conduit.
Aussi nulle exagération, nul mouvement désordonné dans
l'architecture calme et sereine de notre majestueux édifice.
Chaque division en a été conçue avec un sentiment exquis ,
avec une haute raison de l'effet qu'elle devait produire, et du
rôle qui lui était assigné dans l'ensemble de la construction.
L'abside, élevée presque en entier avec des matériaux ro-
mains , revêt un caractère antique on ne peut mieux ap-
proprié à l'origine et à la nature de ces belles assises de
teinte sombre , sur lesquelles a reflété long-temps l'art d'un
grand peuple; de plus, sa disposition particulière, qui la fait
ARCHITECTURE DE LA CATHÉDRALE DE LYON. 5U1
ressembler à une immense niche pratiquée sous le mur
d'intersection , lui donne cet aspect mystérieux que com-
porte véritablement le sanctuaire, dont l'entrée, interdite
à la foule , ne doit être accessible qu'au clergé officiant.
Les transepts , destinés à porter des clochers , sont plus
étroits que le vaisseau principal , et présentent , sous un
style sobre et ferme, une structure robuste, trapue et serrée,
dans l'agencement de leurs divers étages.
La grande nef, enfin, où tout est largement dilaté,
apparaît dans les proportions grandioses qu'implique na-
turellement sa dénomination. L'art prend ici un aspect
différent de celui de l'abside et des transepts, mais toujours
en rapport avec sa destination ; il est souple, élancé, flexible,
viril en même temps et plein de vigueur ; il se développe
sous la même main avec une facilité inouïe , comme pour
servir à souhait les inspirations de l'homme de génie qui
sait en tirer un si admirable parti , et le transformer en une
mine inépuisable.
Le XIIIe. siècle , selon nous , n'a pas eu la moindre
influence artistique sur les travaux que nous venons de dé-
signer ; cette époque a donc , dans la construction de notre
cathédrale , un rôle purement passif , en ce qui touche les
six premières travées de la grande nef, achevée vers 1240
environ , où le pape Innocent IV consacra solennellement le
maître-autel.
C'est là que vient expirer la pensée de l'architecte fonda-
teur. Mais l'édifice était constitué : il restait peu à faire en
comparaison des travaux accomplis. D'ailleurs , toutes les
indications étaient données pour l'achèvement du vaisseau ;
elle se résumaient par un commencement d'exécution de la
dernière pile libre de la nef principale, de celles adossées au
mur de façade , et des soubassements des trois portails , où
l'on trouve des assises de marbre cipolin provenant des ruines
du forum vêtus.
548 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Les six contreforts , avec leurs arcs-boutnnts , étaient
entièrement terminés et se dressaient aux flancs de la ca-
thédrale, avec leurs amortissements pittoresques et la ma-
gistrale statuaire qui décore les piles butantes , du côlé
méridional.
Le clocher du transept nord avait atteint sa hauteur nor-
male , et sur le haut des murs de la grande nef s'étendait
en gracieux festons l'élégante balustrade que l'on connaît ,
et qui s'arrêtait juste au-dessus du dernier contrefort cor-
respondant au point où les travaux à l'intérieur avaient cessé,
c'est-à-dire à la septième pile inclusivement.
A partir de ce moment , l'art du XIIIe. siècle apparaît ,
avec le caractère qui lui est propre , dans l'ornementation de
quelques chapiteaux, dans la structure des deux dernières
fenêtres des nefs latérales et dans la première partie de la
façade. On a presque toujours attribué ce travail exclusive-
ment au XIVe. siècle. Nous croyons que c'est une erreur ;
car, en observant l'ordre chronologique de la construction ,
on est amené à penser comme nous ; de plus , les marques
et les caractères gravés sur les assises ne permettent aucun
doute a cet égard. M. Prosper Mérimée , qui a parlé de cette
magnifique page de l'ordonnance de notre cathédrale, n'hé-
site pas à en faire honneur au XIIIe. siècle, par la raison
que les personnages guerriers, représentés dans les petits
cartouches des ébrasements des portails, sont tous revêtus de
la cotte de mailles , armure particulièrement usitée à cette
époque du moyen-âge.
Cependant , pour être plus exact , nous devons ajouter ,
qu'indépendamment des personnages guerriers couverts de la
cotte de mailles , on en trouve d'autres, revêtus d'armures
forgées et la tête couverte du heaume pointu : ce qui indique
la fin du XIIIe. siècle (1260 à 1280, environ).
Au reste , on voit que d^jà se fait sentir l'influence ar-
ARCHI'J KCTUUE DE LA GAI I1ÊDRALE DE LYON. 649
listiquc du XIVe. siècle dans quelques motifs de l'orne-
mentation : déjà les gables qui surmontent les trois portes
sont garnis de choux rampants, détails qui se montrent dans
les grandes archivoltes du triforium des deux dernières
travées, construites évidemment à la même époque.
Les trois portails achevés, et les collatéraux montés jusqu'à
la hauteur des premières tribunes , il restait à achever les
deux dernières travées de la grande nef et toute la partie
supérieure de la façade. Ici se place une longue interruption
dans les travaux. Près d'un siècle s'écoule avant qu'ils
soient repris. Ce n'est qu'en 1330 que le premier signal
de la continuation de l'œuvre est donné. Le pape Clément
vient stimuler le zèle et la générosité des fidèles en accor-
dant « à tous ceux qui , avec douleur et confession re-
■( quise de leurs péchés, visiteront l'église de St. -Jean ,
« depuis le midi de la St. -Jean-Baptiste jusqu'au lendemain,
« et contribueront par leurs aumônes à la fabrique de ladite
« église , les mêmes indulgences ci-devant accordées à ceux
« qui visitent à Rome les églises de St. -Jean-de-Latran et de
« St. -Pierre. »
Donné à Avignon, le 13 avant les calendes de février,
l'an 15 du pontificat de Clément (Nouv. arch. du Rhône,
t. I, p. 158).
C'est à peu près vers ce temps que, vraisemblablement, fut
élevée la seconde partie de la façade où se trouve enchâssée
la grande rose ; car on retrouve dans la maigre décoration
de ce mur, c'est-à-dire dans les pinacles qui surmontent les
niches plaquées de chaque côté , absolument les mêmes
détails que l'on remarque sur les trumeaux , entre les trois
portiques.
Dans tous les cas , on ne se remit sérieusement à l'œuvre
qu'en 1392, sous l'archiépiscopat de Philippe de Thurey.
C'est à l'aide des libéralités de ce prélat, autant que de celles
550 COINGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRA;\CE.
du cardinal de Talaru et du cardinal de Saluces, que l'on
acheva le clocher du transept méridional , puis la voûte et les
deux dernières travées de la grande nef. Le couronnement
de la façade et les deux tours qui la surmontent ne furent
terminés que vers 1^80 , sous le règne de Louis XI et le
pontificat de Sixte IV. Les écussons où étaient sculptées les
armes de ces deux souverains sont placés contre la galerie
d'arcatures qui règne au-dessus des trois portails. Ces di-
verses constructions rappellent exactement le caractère de
l'époque où elles furent entreprises, c'est-à-dire la fin du
XIVe. siècle et la seconde moitié du XVe.
Bien que ce fût alors le moment de la décadence de
l'architecture gothique , nous ne pouvons nous empêcher de
reconnaître encore, dans ce travail d'achèvement de notre
église primatiale, quelques grandes qualités. La rose de la
façade est d'une légèreté , d'une élégance et d'une puissance
d'effet surprenantes ; la structure en est parfaite , et les
nervures des divisions d'une ténuité extrême et d'un profil
délicieux. Les fenêtres des deux tours occidentales et celle
qui ajoure le pignon sont dans de belles proportions , et la
courbure presque ronde de leur ogive est d'un galbe parfait.
Il semble que le sentiment de la pureté des formes , si vi-
siblement empreint sur chaque détail de la construction
primitive, soit resté le génie familier de l'œuvre , durant la
longue période des travaux, pour inspirer jusqu'à la fin ceux
qui devaient en poser la dernière pierre.
Mais au milieu des fluctuations diverses que l'art subit
à travers des siècles , et malgré les intermittences prolongées
et les changements de direction dans la conduite de celte
vaste entreprise, il est une pensée fondamentale, un caractère
dominant que rien n'a pu obhtérer, et qui se reproduit avec
une persistance vraiment extraordinaire sur tous les points
du monument. C'est ce type énergique, calme et majestueux
ABGHWECTURK DE LA CATUÊDttALE DE I.ÏON. 551
de la ligne horizontale , si franchement accusé dans la dis-
position de l'abside terminée eu terrasse, dans les deux
massives tours des transepts et dans l'ordonnance de notre
mâle façade. Celle-ci mérite quelque attention.
Quoiqu'édifiéc partiellement, et à différentes époques bien
distantes les unes des autres , on peut remarquer ce fait
particulier, de l'absence complète de toute ligne saillante,
dans le sens vertical : on dirait que les constructeurs se sont
concertés d'avance, pour ne vouloir partout que des effets
de surface. Dans la première partie, œuvre du XNT. siècle,
qui est si remarquable , toute la décoration murale est dis-
posée et se lit dans le sens de lignes parallèles horizontales ;
les trumeaux, entre les portails, sont d'un faible relief et
indiquent seulement, mais ne dessinent, pas la ligne ascen-
sionnelle.
Dans le milieu de la façade, on a suivi, en l'exagérant, le
même parti , toutefois avec beaucoup moins de distinction ,
et le XVe. siècle s'y est conformé jusqu'à la fin , en ne
donnant que peu d'élévation aux deux tours jumelles, afin
de les raccorder avec celles des transepts.
Il résulte de cette entente un ensemble simple, austère,
un peu froid peut-être , qui pourtant n'est point sans
grandeur. En compensation du maigre agencement des dé-
tails d'ornementation de la partie intermédiaire, de belles
lignes découpent monumentalement la masse de cette façade
et iui donnent un air imposant parfaitement en rapport avec
le caractère magistral du vaisseau.
Si nous examinons maintenant l'état d'achèvement des
clochers des transepts et la manière dont ils sont établis,
nous verrons que la ligne horizontale ne devait pas régner
seulement sur la façade. Tout indique que ces clochers ont
atteint leur dernier degré d'élévation prévu et calculé par
l'architecte, qui en a, daas le principe, déterminé les points
552 COiSGRËS ARCHÉOLOGIQUE DE FKANCE.
d'appui. Celui du transept nord , qui remonte a la con-
struction primitive, a tous ses contreforts d'angles surmontés
de leur couronnement terminal. Celui du transept méri-
dional, achevé à la fin du XIVe. ou dans les premières années
du XVe. siècle, est entouré d'une balustrade ajourée et,
de plus, flanqué d'une petite tourelle d'escalier, débouchant
précisément au niveau de la plate-forme qui devait couvrir
ce clocher. Au reste, de part et d'autre, nulle trace de
trompes , dans les angles de ces deux tours , qui puisse
indiquer l'intention, de la part des constructeurs, d'y établir
des flèches. Sur ce point, au surplus, toute fantaisie ar-
chitecturale était interdite ; car ces clochers ne reposent pas
sur des murs pleins , mais sur tout un système d'arcs de
décharge ingénieusement conçu et rigoureusement combiné ,
sans doute , pour ne supporter que le poids des maçonneries
qu'on y a élevées. Seules , les tours de la façade présentent
un commencement d'exécution de flèches, dont les souches
apparentes, sous une petite toiture, sont montées à 0 mètre
30 centimètres au-dessus de la plate-forme. Mais c'est là,
chez nous, une importation du XVe. siècle. En effet, le
peu de monuments antérieurs à cette époque , qui nous
restent à Lyon, ne présentent aucun indice de ces sortes de
couronnements sur leurs clochers, à moins que l'on ne
prenne pour une flèche la pyramide obtuse de St. -Martin
d'Ainay.
Notre église de St. -Paul, qui est du XIIe. siècle, ne vit
son clocher de façade surmonté d'une flèche qu'au XVe.
siècle, alors qu'il fut reconstruit. La flèche ancienne de St.-
INizier est à peu près de la même époque ; puis , c'est tout.
Donc, dans notre pensée, si l'architecte qui a conçu le plan
de notre cathédrale avait pu, comme celui de Notre-Dame
de Reims , voir son œuvre s'achever sous sa direction , il
est certain que , suivant le type originel des édifices du
Ar.CHITEGTURE DE LA CATHÉDRALE DE LYON. 553
Lyonnais, les tours de la façade se seraient terminées, ainsi
que doivent l'être celles des transepts, simplement en plate-
forme avec balustrade évidée à jour.
Mais, si quelques-uns de nos monuments religieux com-
portent des flèches sur leur façade, nous n'en voyons aucun
construit en vue d'une toiture à grand comble. En général, le peu
d'élévation de nos clochers ne dominant le corps de l'édilicc
que de la hauteur d'un étage, c'est-à-dire de 6 à 7 mètres
au plus, s'oppose formellement a ce genre de couverture,
même lorsque la présence d'un pignon central semblerait
l'indiquer.
Celui de St. -Jean, par exemple, construit en même temps
que les tours occidentales qui portent , comme nous l'avons
déjà fait remarquer, des indices certains de leur couronne-
ment définitif, n'aurait jamais dû être considéré comme
l'indication d'un comble de même valeur, puisqu'il dépasse
de beaucoup la hauteur des tours. Il n'est pas possible d'ad-
mettre que les constructeurs, au XV. siècle, aient jamais
eu en vue une toiture pareille, qui aurait masqué et annulé,
ainsi que l'on peut en juger aujourd'hui , leurs clochers
arrivés à leur dernier arrasement. Toute la question est là,
et le simple bon sens se refuse à accepter toute autre suppo-
sition. Donc, dans la pensée de ceux qui l'ont élevé, ce pi-
gnon n'a dû être qu'un simple motif de décoration destiné ,
sans doute , à donner un peu de mouvement à la partie su-
périeure de la façade , et à meubler, d'une manière quel-
conque, l'espace libre entre les deux tours; mais nous
constatons que c'est là une faute, car ce détail d'architecture
est en opposition avec l'ordonnance véritable de l'édifice, re-
présentée par la disposition de l'abside et la terminaison ration-
nelle et normale des clochers des transepts.
La même erreur vient d'être commise dans la réfection de
la façade de St. -INizier , car le pignon , récemment construit,
554 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cl dans le but certainement d'y adapter , tôt ou tard , une
toiture à grande pente , est plus élevé que la plate-forme des
tours entre lesquelles il se trouve placé. Seules, les toitures
basses sont compatibles avec l'architecture type de nos églises
du Lyonnais; et c'est en vain que l'on chercherait dans nos
localités un seul exemple de couverture ancienne conçue dans
l'esprit de celles que l'on vient de dresser sur notre vieille
église conventuelle des Cordeliers , et sur la Primaliale. Ce
n'est pas impunément que l'on porte la main sur l'architec-
ture d'un pays et qu'on essaie de la transformer.
Pour inaugurer cette fâcheuse innovation sur la première
de ces deux églises, il a fallu en modifier la façade au point
de la rendre tout-à-fait méconnaissable, et en ce qui con-
cerne la seconde , le problème se présente d'une manière in-
quiétante pour son ordonnance tout entière, (/est pour l'ar-
chéologie un grave sujet de réflexion.
L'église des Cordeliers en sera quitte pour voir relever
son unique clocher, qui, sans cela, disparaîtrait derrière ce
comble gigantesque dont on a sous les yeux un échantillon-
Mais, à la Primatiale , ce n'est pas un seul clocher , mais
quatre dont la construction (en supposant que ce soit exécu-
table ) devra être exhaussée de 8 à 10 mètres au moins, soit
qu'on se décide à les terminer en plate-forme , soit que l'on
entreprenne de les surmonter de flèches. Et l'abside ! qu'en
fera-l-on ? Ne faudra-t-ii pas aussi ia remonter jusqu'au
niveau de ia grande nef pour donner quelque apparence de
raison d'être à cette immense toiture qui s'arrête brusque-
ment en croupe tronquée sur un mur horizontal , au lieu de
venir se terminer naturellement sur le rond-point?
De quelque manière que l'on envisage la question , l'alter-
native est déplorable: ou le monument sera défiguré à jamais
en restant dans l'état actuel , ou il devra subir un remanie-
ment considérable qui équivaudra à une reconstruction presque
ARCHITECTURE DE LA CATHÉDRALE DE LYON. 553
totale. Où veut-on en venir , nous le demandons? Auquel de
ces deux partis croira-t-on devoir s'arrêter ? Sur ce point im-
portant, nous appelons publiquement, au besoin, l'attention
de M. le Ministre d'État. Un monument de la valeur et de
l'intérêt de la cathédrale de Lyon ne doit pas être sacrifié
à une erreur manifeste , évidente , quels qu'en soient les au-
teurs.
S'il devait en être autrement , on établirait un précédent
fâcheux en faveur de toutes les bévues et méprises en ce
genre qui ont pu déjà être commises, et on croirait, en même
temps, un laissez-passer regrettable pour toutes celles à
venir en leur assurant d'avance une complète impunité.
Il ne faut pas se le dissimuler, d'ailleurs , les restaurations
monumentales, aujourd'hui, ne restent plus dans les sages
limites que les maîtres de la science leur avaient tracées au
début des études archéologiques : elles ne se bornent plus à
de simples réfections ou seulement à des travaux de consoli-
dation , elles s'émancipent au point de dénaturer complète-
ment les œuvres originales sur lesquelles elles s'exercent.
Cette tendance funeste est générale : elle gagne peu à peu
tous les esprits , et il semble que les hommes éminents ,
chargés de veiller à la conservation de nos monuments histo-
riques, soient impuissants à la maîtriser. Les deux exemples
que nous venons de citer sont des faits inouïs dans les annales
des travaux de ce genre.
Pour justifier , à Lyon, l'adoption des toitures du Nord
sur celles de nos anciennes églises où l'on vient d'en faire
l'expérience, on n'a rien trouvé de mieux que de tenir ce
raisonnement, et on a écrit dans les journaux de notre ville :
« Le grand principe de l'architecture gothique , c'est la ligne
« verticale ; donc , sur tous les monuments de ce caractère il
« faut substituer aux toitures basses, qui sont contraires à ce
« principe, les combles à grande pente gui couronnent tous
556 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« les édifices construits dans la période du XIIIe. au XIVe.
« siècle , inclusivement , avec lesquels ils sont en parfaite
« harmonie » (1).
Mais cette manière d'argumenter n'est pas sérieuse, car
si l'art ogival , dans les contrées où il a pris naissance, con-
serve généralement une tendance marquée vers la ligne as-
cendante , il est pourtant des exceptions contraires et assez
notables qu'il est bon de signaler.
La façade de Notre-Dame de Paris, dont toute l'ordon-
nance est disposée en zones , indique dans son ensemble le
parti de la ligne horizontale nettement accentué , et nulle-
ment celui de la ligne verticale, si caractérisé dans les façades
de Notre-Dame de Chartres et de la cathédrale de Coutances.
Amiens et Reims sont dans un parti mixte , mais qui se rap-
proche plus de celui de Notre-Dame de Paris que de celui
observé à Chartres et à Coutances.
D'ailleurs , l'architecture ogivale n'est pas restée purement
l'architecture du Nord : elle s'est répandue dans toute l'Eu-
rope , et s'est modifiée suivant le goût artistique des peuples
qui se la sont appropriée et les conditions climatériques des
pays où elle s'est implantée.
Moins subtiles (pie nous dans l'art des distinctions, mais
plus habitués à juger de toutes choses avec les lumières du
simple bon sens , les derniers constructeurs de la cathédrale
de Lyon l'avaient sagement recouverte d'une toiture basse ,
sans s'inquiéter si elle était contraire au « grand principe »
de l'architecture ogivale , du moment qu'elle se trouvait en
harmonie avec l'ordonnance générale de l'édifice , et qu'elle
laissait valoir les quatre clochers qui en dominaient la masse
d'une manière imposante. N'ayant jamais pensé qu'ils dussent
être conséquents avec l'erreur qu'ils avaient commise , ces
(1) Courrier de Lyon du 27 et Salât public du 28 novembre 1861.
ARCHITECTURE DE LA CATHEDRALE DE LYON. 557
constructeurs ont ou , au moins , le bon esprit de laisser le
pignon en l'état, c'est-à-dire, privé du complément que par
une erreur incroyable de nos jours on vient de lui donner;
et, en cela , ils se sont montrés tout aussi logiques que ceux
qui ont élevé la façade de Notre-Dame de Paris, et l'ont cou-
ronnée d'une galerie horizontale derrière laquelle vient
s'abriter un comble aigu.
En résumé, il est imprudent , on le voit , d'ériger en doc-
trine certaines théories purement spéculatives, et de les faire
passer sans mûr examen du domaine de l'idéal dans celui de
la pratique. L'interprétation de l'architecture gothique, dans
le sens exclusif et absolu de la Ligne verticale, nous condui-
rait infailliblement aux plus désastreuses conséquences : nous
détruirions, peu à peu et à mesure de restaurations suc-
cessives , le caractère originel des nombreuses églises de nos
diverses provinces qui, fort heureusement pour l'archéologie,
ont conservé à travers les siècles leur physionomie indivi-
duelle ; nous en arriverions à ne plus posséder que des mo-
numents travestis et défigurés, paraissant ramenés de vive
force à un type commun, contrairement aux prescriptions de
la science et aux idées de la plus simple raison.
PROCÈS-VERBAL
DE LA
SEANCE TENUE AU MANS,
Le flO février 18G2,
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE.
Présidence de M. le comte de Maillt , inspecteur
divisionnaire.
Le 10 février 1862 , à deux heures de relevée, la Société
française d'archéologie a tenu au Mans , dans la grande salle
de la Mairie , une séance administrative à laquelle M. de
Caumont avait bien voulu se rendre , accompagné de
M. Bouet.
On remarquait au bureau : MM. de Caumont, directeur
général; le comte de MaiLty , ancien pair de France, in-
specteur divisionnaire de la Société ; Eugène Hucher ,
inspecteur pour le département de la Sarthe ; d'Espaulart
et David, membres du Conseil, et Bouet, inspecteur des
monuments à Caen et membre du Conseil.
Parmi les membres présents étaient : MM. le docteur Lepel-
letier, de la Sarthe; l'abbé Deslais, curé de La Couture; l'abbé
Livet , curé du Pré ; Charles, de La Ferté-Bcrnard ; l'abbé
Bource , curé de Neuvy ; l'abbé Tessier, vicaire de La Cou-
ture; de Vaulogé ; Vallée, ancien élève de l'École des chartes ;
l'abbé Voisin, et Verdier, ancien professeur de mathématiques.
M. le comte de Mailly est invité à présider la séance.
M. de Caumont ouvre la séance en annonçant le Congrès
de Saumur pour le 1er. juin, et déposant sur le bureau
SÉANCE TENUE AU MANS, LE 10 FEVRIER 1802. 559
plusieurs affiches qui devront être apposées au Mans pour
annoncer cette solennité. Puis il fait une analyse succincte
d'un travail intéressant, de M. l'abbé Noget, sur les ambons,
travail destiné au Bulletin,
La parole est donnée ensuite à M. Huchcr, pour rendre
compte de l'emploi des fonds volés et appliqués aux fouilles
pratiquées sur la place du Château du Mans, dans le but de
retrouver les fondations de cet ouvrage, bâti, on le sait,
par Guillaume-le-Conquérant en 1063 , et démoli en 1617.
La Commission, composée de MM. d'Espaulart, David et
Huchcr, a eu à sa disposition une somme de GhO fr. , savoir :
300 fr. de la Société française d'archéologie, en deux votes
successifs, l'un de 100 fr. , l'autre de 200 fr. , et 340 fr.
de M. le Préfet de la Sarthe , en deux allocations , l'une
de 100 fr. , l'autre de 2/iO fr. Ces derniers fonds ont été
imputés sur le crédit des monuments historiques, voté chaque
année par le Conseil général.
Le \h janvier 1860, le travail a commencé ; deux hommes
et quelquefois trois ont été occupés pendant cette saison
rigoureuse; après le mois d'avril, et jusqu'au 30 juin, un
seul a fonctionné.
Au 30 juin , la dépense en journées faites s'est élevée
à 599 fr. U5 c.
Le 3 septembre suivant, il a été payé à
M. Auvray, géomètre, pour confection d'un
plan des lieux , à l'aide d'instruments de
précision 10 »
Enfin, le 15 janvier 1861 , sur la demande
expresse de l'entrepreneur de l'éclairage pu-
blic, il a été payé pour l'alimentation d'une
lanterne de nuit , du \k janvier 1860 au
30 juin suivant 3^ ^o
Total payé. . . ÔHs 85
560 SÉANCE TENUE AU MANS
Les résultats de ce grand travail, qui a nécessité des
excavations de plus de 6 mètres, ont été aussi fructueux qu'il
était possible de le désirer. M. Hucher, qui avait été désigné
par M. le Préfet pour rendre compte de l'emploi des fonds,
a adressé à ce magistrat un rapport qui sera publié dans le
Bulletin monumental, et auquel sont annexées dix planches de
dessins donnant des vues cavalières de l'ensemble des fouilles et
des reproductions partielles des murailles et débris mis au jour.
Disons, de suite, que le périmètre de la Grosse-Tour du Mans,
dite Turris regia , Tour royale, Tour Orbrendelle , Grosse
tour, Château du Mans, a été retrouvé sur trois points assez
éloignés les uns des autres pour qu'on puisse le restituer avec
certitude. Comme la démolition du château avait été donnée
a l'adjudication, en 1617, il a fallu descendre excessivement
bas pour retrouver les derniers vestiges des fondations ; c'est
à 6 mètres sous le sol de la place qu'elles existent ; tandis que
le mur romain, auquel la rotondité de la tour se soudait, a
dû être respecté par l'adjudicataire de la démolition ; aussi le
trouve-t-on à quelques centimètres du sol de la place. Le plan,
dressé par M. le géomètre Auvray, conservera à tout jamais
les résultats acquis par le travail de la Commission , et
permettra de retrouver toujours, avec une certitude absolue,
les fondations de la Grosse-Tour.
La Société peut donc se féliciter d'avoir contribué à l'exé-
cution de ces fouilles, dues à l'heureuse initiative de notre
confrère , M. d'Espaulart , qui , le premier , en a fait la de-
mande.
Une somme de 300 francs avait encore été votée pour
subvenir aux importants travaux exécutés, dans l'église du
Pré, par son intelligent curé, M. l'abbé Livet. Uncoup-d'œil
jeté dans ce vénérable vaisseau suffit pour faire apprécier le
bon emploi des fonds de la Société ; on peut dire que, sous la
main de M. l'abbé Livet, l'église du Pré s'est transformée,
LE 10 FÉVRIER 1862. 561
c'est comme une nouvelle basilique qui a été révélée. Cette
architecture du XIe. siècle, si souvent mutilée par la main du
temps et aussi , disons-le, par celle des hommes, avait besoin
d'une révision générale, émanée d'un esprit correct et décidé ;
M. l'abbé Livet a trouvé l'homme qui convenait dans M. Darcy,
notre regretté architecte du Mans, l'artiste éminent que le
premier architecte de Fiance pour les monuments du moyen-
âge, M. Viollet-Leduc, vient d'attacher à son cabinet.
La Société est heureuse de donner son plein assentiment à
l'ingénieuse restauration de ;M. Darcy, et d'approuver l'emploi
des fonds votés.
M. d'Espanlart lit ensuite un spirituel mémoire intitulé : De
L'art religieux, considéré sous quelques-unes de ses formes.
Ce mémoire, qui renferme beaucoup d'appréciations justes
et quelques autres susceptibles de controverse., a été publié
in extenso dans le n°. U du XXVIIIe. vol. de la collection
du Bulletin monumental, p. 312, où toutes les personnes
qui s'intéressent aux progrès de l'art dans la province pour-
ront le consulter.
A la suite de cette lecture, M. le comte de Mailly dit qu'il
ne partage pas toutes les opinions de l'honorable M. d'Es-
paulart ; de son côté, M. Hucher demande la parole, et, tout
en rendant pleine justice aux qualités brillantes du mémoire
dont il vient d'être donné lecture , il rappelle quelle a été, de
tout temps, la direction imprimée par la Société française d'ar-
chéologie aux restaurations de monuments.
Aujourd'hui on ne fait plus d'esthétique , on se contente
de recueillir les débris du passé qui sont tous précieux pour
les amis de l'archéologie ; ainsi, pour ne parler que de l'objet
en litige, les peintures murales de l'église de La Coulure,
voici ce qui s'est produit :
M. le curé Deslais , en débadigeonnant la voûte de son
église, trouve les formerets, les arcs- ogives et les arcs-dou-
36
562 SÉANCE TLNUE AU MANS
bleaux tout constellés de fleurs de lis , de tours de Castille ,
d'animaux fantastiques empruntés aux Bestiaires du temps ,
de fleurons caractéristiques du XIIIe. siècle; bref, d'un vaste
système d'ornementation, se profdant depuis les chapiteaux
jusqu'à l'arête de la voûte. Fallait-il, comme on l'eût fait en
1825, rebadigeonner cette voûte d'un ton monochrome, sons
prétexte que toute cette ornementation, un peu gauloise d'as-
pect, mais profondément nationale, et où brillent les plus
chers souvenirs , l'influence de saint Louis et de la noble
Blanche de Castille , sous prétexte , disons-nous , que cette
ornementation un peu rude, un peu austère, ne vaut pas
les brillantes arabesques de la Renaissance ?
M. le Curé ne l'a pas pensé : il a sauvé à l'art national
ce rare et curieux débris de la décoration des voûtes de nos
grandes basiliques du XIIIe. siècle; il a bien fait, et il a
mérité en cela toute l'approbation de la Société française ,
d'autant que la restauration de cette partie de l'église est
aussi bien traitée que possible. On a critiqué le travail qua-
drillé du fond : ceci est un accessoire qu'on pourra faire
disparaître plus tard, si l'on a quelque chose de mieux à
proposer ; mais toujours est-il que le principal est sauvé.
Maintenant, ajoute M. Hucher, est-ce à dire que nous
approuvons tout le travail de peintures murales, même celui
qui commence aux chapiteaux, et se termine au pavé de
l'église, notamment le bariolage, un peu trop criard, des
colonnes ? Non : nous sommes sur ce point de l'avis de
M. d'Espaulart. Il y a là une exubérance de motifs, une
rudesse d'exécution , une crudité de tons tout-à-fait inad-
missibles ; il y a, sur ces murs , assez de motifs pour orne-
meuter un espace trois fois plus étendu. Nous blâmons
surtout, dit M. Hucher, la crudité des tous ; on ne voit pas
trop pourquoi l'ingénieux peintre (rendons cette justice à
M. Bourdon), quia si bien nuancé en tons neutres, gris, bleus
LE 10 FÉVRIER 1862. 563
ou violacés , la charmante voûte restaurée sous sa direction ,
a changé subitement de système et n'a employé sur les murs
latéraux , tout près des yeux des spectateurs , que des tons
durs, heurtés et francs, tout ce que la palette donne de plus
violent et de plus audacieux. Il faudra y revenir évidemment,
en profitant de l'expérience , sans laquelle , hélas ! en fait
d'art, toutes les théories sont impuissantes.
M. d'Espaulart demande la parole, et ne nie pas que
l'ornementation retrouvée ne soit pleine d'intérêt ; il critique
surtout les nouvelles peintures et est heureux de se trouver
ainsi en communauté d'idées avec M. Hacher sur ce
point.
M." l'abbé Deslais, curé de La Couture, prend la parole,
à son tour, et donne d'intéressantes explications sur les dé-
buts de l'opération , les incertitudes d'une direction con-
venable en l'absence de documents , notamment pour ce qui
concerne le fond quadrillé, auquel m. Darcy ne s'est rallié
qu'en l'absence de tout autre parti meilleur, il convient
que l'essai de peinture latérale n'est pas heureux, et il promet
d'y porter remède.
M. de Caumont ne se prononce pas sur la peinture murale
des églises, en tant que peinture moderne en dehors de toute
pensée restauratrice : il faut évidemment étudier encore
long-temps , d'après les vestiges du passé , avant de tenter
de grandes entreprises dans cet ordre d'idées, où il manquera
toujours la naïveté et l'originalité qui nous charment dans
la peinture du XIIIe. siècle.
M. David a ensuite la parole pour lire un travail sur
quelques anciens autels récemment découverts dans le Maine.
Il cite notamment le curieux rétable, du XIVe. siècle, cL
l'église de Villaines-sous-Lucé , restauré dernièrement aux
frais de la Compagnie, et le rnaître-autel de la même église ,
dont l'architecture est accusée par deux colonnes latérales
56'l SÉANCi-: TEfifUt AU majvs
fort originales ; deux autres autels anciens découverts aussi
sous des boiseries dans l'église de Neuvy ; enfin , deux types
très-curieux de petits autels , voilés de même sous des
panneaux vermoulus, dans les églises de Saône et Panon.
Ce sont des autels du même genre que celui de Norrcy
(Calvados), et représentés dans Y Abécédaire d'archéologie de
M. de Caumont (p. 270 de l'éd. de 1850).
M. Le Pelletier, de la Sarthe, à qui la parole est ensuite
donnée, improvise, avec l'habileté qu'on lui connaît, une
curieuse dissertation sur l'important problème de l'époque
de l'introduction du christianisme dans les Gaules. M. le
docteur Le Pelletier, qui a publié sur la matière un très-
beau travail, démontre par des arguments empruntés à la plus
saine raison que saint Julien, l'apôtre du Maine, vint dans la
ville du Mans vers le dernier tiers du I". siècle, et qu'il y jeta,
à celte époque, les premières semences de la parole divine;
semences qui purent bien plus lard ne pas porter tous leurs
fruits dans un sol peu favorable, à l'époque des grandes per-
sécutions, mais qu'on ne peut se refuser à admettre à cette
époque, la seule qui convienne à un prosélytisme pratiqué
ouvertement et admis sans opposition.
Après cet éloquent plaidoyer, M. Hucher déploie, sous
les yeux de la Compagnie , le calque in extenso de l'inté-
ressante peinture murale du XVn. siècle, qui se voit au fond
de l'arcature du tombeau de Marie de Bueil , dame de
Crenon , dans l'église de Chfiteaux-l'Hermitage. M. Hucher
a découvert , déchiffré et calqué cette peinture , dont les
vestiges existent à peine et sont si peu apparents , que son
calque en est comme la résurrection. M. de Caumont ac-
cueille favorablement la demande d'un secours de 200 fr.
destiné a la restauration de celte peinture, à la condition que
ce calque curieux sera envoyé à Paris et exposé rue Bo-
ïïàpailc , hU , dans la salle on siégeront, le 22 avril, les
LE 10 FÊVBIER IN62. 505
délégués des Sociétés savantes de France. Cette condition est
aujourd'hui remplie.
Maricde Bucil, on le sait, est la sœur du vaillant chevalier
Jehan de Bucil , amiral de France , surnommé le Fléau des
singlais.
Après le vote des 200 fr. alloués pour cette restauration,
M. Hucher entretient la Compagnie de singulières in-
scriptions qui ont été découvertes auprès de Neuvy-sur-
Baranjon (Cher), et qui sont devenues la possession de
M. Chazereau ; ces inscriptions, tracées sur des briques en
caractères bizarres mélangés de lettres grecques et romaines,
ont été produites comme dos monuments de l'autonomie
gauloise. Elles offrent les amorces les plus séduisantes poul-
ies investigateurs de curiosités celtiques: on lit sur quelques-
unes : DRVIDIBVS, suivi de mots et de signes inconnus ,
— TRIORANVSI... BELEiNYSIlI— ISIS. ESVSV.... DVIS.
VOLCI. TARVOS. H.... TIIEVT;— le mot, trop significatif,
VERCOBRETA, et puis, presquedu latin :ROMINICEZARlS
BELLVN. Les zélés antiquaires qui, les premiers , se sont
occupés de ces briques (1) n'ont pas élevé de doutes sur leur
authenticité. En présence de leurs affirmations, si positives,
nous ne voudrions pas dire que tout cet arsenal nous paraît
former un ensemble suspect où quelques morceaux au-
thentiques se trouvent mêlés à beaucoup de choses fausses ;
mais ce qui nous paraît certain , comme à M. de Chastcigner
qui, au Congrès de Bordeaux, s'est prononcé contre l'origine
gauloise de ces monuments et a demandé qu'ils nous fussent
renvoyés pour être examinés et avoir notre avis, c'est que
ces inscriptions, dont M. Boyer vient de nous transmettre
un fragment inédit , n°. 25 , ne sont pas gauloises , mais
plutôt gallo-romaines, à supposer qu'elles soient authentiques,
(1) Nu viodumnn Riturigum et $er, Grnfjili , par M. Hippolyte Boyer.
560 SÉANGfc TLNUE AU MANS
ce qui n'est pas probable, et n'ont rien à démêler avec l'au-
tonomie gauloise ; Dom Martin lui-même , en citant une
inscription latine dos Catacombes , tracée en caractères
grecs, reconnaît qu'on s'est servi dans les Gaules de ces
caractères jusqu'aux Ve. et VIe. siècles; et, en effet, le /\
des monnaies de Dagobert nous donne une preuve irré-
cusable de la persistance du grec écrit chez nos ancêtres.
M. l'abbé Voisin a ensuite la parole pour présenter quelques
observations sur les monuments de la Sartlie qui n'ont point,
suivant lui , été appréciés jusqu'à ce jour comme ils méritent
de l'être :
Ainsi, l'église des Visitandines du Mans, du XVIIIe. siècle,
rappelle « ce qu'on admire le plus dans les églises de Rome, i
]1 cite encore celle de St.-Calais, du XVIIe. siècle, « qui est
digne de meilleures restaurations; » enfin, le charmant
vaisseau de La Ferté-Bernard , « que l'on restaure heureu-
sement. »
« Dans le XVe. et le XIVe. siècle, dit-il, les préoccupa-
tions se dirigent surtout vers la guerre; dans le XIIIe., notre
pays prend largement part au mouvement architectural dès
l'année 1230. L'abbaye de l'Epau montre un style ogival
très-avancé , sans parler du chœur de notre cathédrale , mis
au-dessus de celui de Bourges et de celui de Chartres par
M. Viollet-Leduc. »
« Pendant le XIIe. et le XIe. siècle, la dynastie des Plan-
tagenets favorise les plus belles constructions religieuses. Notre
Hôtel-Dieu, dit deCoeffort, mérite d'attirer l'attention comme
la nef de St. -Julien. »
« Le Xe. siècle n'a guère laissé que le chœur de La Cou-
ture. »
M. l'abbé Voisin signale encore l'église de St.-Pavin
« comme une œuvre de l'année 838 ; celle de La Couture
(sans doute les chapelles absidales), de l'année 600;
LE 10 févkiku 18b"2. 507
enfin celle de St.-Pavin, tiB l'année 575^, et celle de Si. -
Viclrice comme plus ancienne encore. » D'après M. Voisin,
celle-ci « reposerait sur un hypocauste et des subslructions
de l'époque gallo-romaine. »
Celle lecture terminée, M. Hucher parle d'une brochure
cjuc M. le comte de Widranges vient de publier sous le litre :
Des anneaux et des rouelles , antique monnaie des Gaulois,
in-80., de 16 pages et 6 pi. ; Bar-lc-Ouc, 1861, dont il est
conduit a contester la conclusion.
Après avoir rendu hommage à la beauté des planches de
celle brochure, véritable chef-d'œuvre de reproduction d'ob-
jets d'archéologie, M. Hucher exhibe en nature les rouelles
et anneaux que M. de AVÏdranges voudrait faire considérer
comme les monnaies les plus anciennes de nos ancêtres ;
M. Hucher démontre que ces petits monuments singuliers
n'ont jamais pu avoir cette destination ; en effet, l'un, de
15 millimètres de diamètre, est en or, et du travail fïii-
grauique le plus fin , tandis que d'autres sont en bronze et
atteignent la dimension de 12 centimètres, avec une épais-
seur d'environ 6 centimètres; or, imagine-t-on des éléments
aussi disparates destinés à se frotter, comme des monnaies, les
uns contre les autres? Disons de suite que ces rouelles sont
des amulettes, des analhema, des signa boni eventi, comme
le prouvent les monuments gaulois eux-mêmes, certaines
oboles marseillaises où la rouelle figure eu guise de cocarde
au casque d'Apollon , et quelques rares statères armoricaines
sur lesquelles la Victoire fait flotter cette même rouelle
en guise de tableau de victoire devant la tête de l'andro-
céphale.
M. Hucher produit ensuite les véritables pltis anciennes
monnaies gauloises, notamment celles qui avaient cours dans
le Maine ; ce sont de belles pièces d'or , dans lesquelles la
dégénérescence , celle loi féconde, découverte par l'immortel
568 SÉAINCL TENUE AL MAKS
Lelevvel , se laisse lire en caractères énergiques et permet
d'apporter un classement presque certain.
Après cette communication , M. Hucher présente à la
Compagnie deux nouvelles planches iuédiies de son ouvrage
intitulé : Calques des vitraux peints de la cathédrale du
Mans. Ce sont: ln. un vitrail du XIIIe. siècle, offrant une
légende toute locale: la légende d'Évron, dans lequel on
trouve la chaude coloration et L'arrangement habile et symé-
trique des vitraux de ce temps ; 2°. trois des donateurs de la
grande rose du XVe. siècle. Parmi eux, M. Hucher signale
le cardinal Fillastre, ce généreux donateur à qui ses lar-
gesses vraiment royales valurent l'honneur de figurer
dans la galerie iconographique de ce vitrail , côte à côte avec
les ducs d'Anjou , comtes du Maine, et de voir son blason
sculpté à la clef d'une des voûtes du transept septentrional,
à côté de celui de Charles VII. On sait , du reste , que le
cardinal Fillastre, du titre de St.-Marc, a exercé une cer-
taine influence sur le mouvement littéraire et scientifique de
son temps.
M. de Caumont prend enfin la parole, et clôt la séance
en invitant M. Hucher à envoyer à Paris, au Congrès des
délégués des Sociétés savantes , avec son calque de la pein-
ture murale de Chàteaux-l'Hermitage , quelques-unes des
belles planches de son grand ouvrage des Vitraux du Mans ;
l'année dernière , l'exposition du Congrès avait déjà été
très-remarquable. Il invite encore MM. les membres présents
à assistera cette solennité , dans laquelle on traitera beaucoup
de questions relatives à l'avenir littéraire de la province. Le
Congrès archéologique aura lieu, pour la première partie,
à Saumur, le lor. juin; la deuxième partie se tiendra à Lyon
en septembre. On y traitera surtout d'épigraphie romaine; il
y sera question de ce fameux autel de Lyon, qui n'était peut-
être pas où on le croyait, et que M. Martin-Daussigny paraît
LL 10 F&VKIEB 1802. 569
porté à chercher près la place des Terreaux. Enfin , il n'est
pas douteux que celle réunion, au centre d'un pays si lichc
en monumenls antiques, ne présente un grand intérêt.
Une somme de 100 fr. est ensuite volée, sur l'instanie
demande de M. le Curé de Neuvy, pour être employée en
réparations à son église.
Rien n'étant plus 5 l'ordre du jour , la séance est levée
à six heures et demie.
L'Inspecteur, faisant fonctions de secrétaire ,
Eugène IIucheu.
SBA.NOE
TÉNUE
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
A ELBEUF,
LE JEUDI IO JUILLET 186«.
Présidence de M. de Glanville, inspecteur de la Seine-Inférieure.
La séance est ouverte à 7 heures 1/2 du soir.
Le bureau est composé de MM. de Caumont, l'abbé Cochet,
Buée, maire d'Elbeuf; Aubert , du Conseil de l'Association
normande ; Thcobald Chevereaux et G.- V. Grandin.
M. Raymond Bordeaux remplit les fonctions de secré-
taire.
M. de Caumont donne lecture d'une lettre de M. A.
Pannier sur l'église collégiale de la Saussaye, près Elbcuf.
LETTKE DE M, PANNIEK.
Permettez-moi de vous signaler , à l'occasion du concours
qui doit s'ouvrir le 10 de ce mois à Elbeuf, quelques églises
rurales intéressantes que j'ai visitées dernièrement aux envi-
rons de cette ville.
Toutes ces églises appartiennent au département de l'Eure,
qui forme, comme vous le savez, un vaste plateau coupé pat-
plusieurs vallées profondes, lequel se termine brusquement
Vers l'orient et domine le riche bassin de la Seine.
SÉAINCL ;iMh A LLDEIF LL 10 JL1LLET 1862. 571
La plus remarquable de ces églises est , sans contredit ,
l'ancienne collégiale de la Saussayc, située à 5 kilomètres
environ d'Elbeuf, sur la gauche et à une faible distance de la
route du Neubourg. Cet édifice, dont la construction re-
monte au XIVe. siècle, est converti aujourd'hui en église pa-
roissiale. En 1550, un incendie considérable détruisit l'an-
cienne voûte en charpente, ainsi que la belle flèche centrale
qui dominait le faîle et attirait les regards du voyageur par
ses proportious gracieuses. La collégiale fut pillée par les pro-
lestants en 1562.
La nef présente la forme d'un vaste parallélogramme ,
éclairé à l'orient par une magnifique fenêtre ogivale rayon-
nante, à cinq baies garnies d'anciens vitraux qui produisent
de loin un effet saisissant. Le compartiment du milieu , plus
large que les autres panneaux , représente le Crucifiement.
Les bras du Sauveur, étendus horizontalement, semblent
embrasser le genre humain tout entier. Des anges reçoivent
dans des calices le sang qui coule de ses plaies douloureuses.
Les deux derniers panneaux offrent les patrons du donateur
cl de la donatrice, représentés à genoux au bas de la verrière.
Ce vitrail, remarquable par l'éclat du coloris et la douce har-
monie des teintes , ainsi que par la richesse des costumes ,
attire les regards des connaisseurs.
L'édifice est éclairé latéralement par de hautes et gracieuses
fenêtres ogivales, à deux baies trilobées, qui ont conservé leur
forme primitive et une partie de leurs anciennes moulures.
L'archivolte, formée d'un tore , repose sur de légères colon-
nettes dont les chapiteaux sont garnis d'un double rang de
feuillages. Le meneau prismatique qui divise les fenêtres a
été refait, ainsi que la tracerie flamboyante qui dessine le
tympan.
La voûte en merrain , qui remplace l'ancienne voûte dé-
truite par l'incendie dont nous avons parlé , est fort belle et
572 SÉANCE TENIE A ELGtUF
d'un effet gracieux. Elle offre de nombreux entrails terminés
par des rageurs et est soutenue par des poinçons formés de
colonnes dans le style de la Renaissance. Les sablières sur
lesquelles portent les entrai ts offrent aussi de jolies moulures.
Deux belles et vastes chapelles, dont les voûtes sont égale-
ment apparentes, s'élèvent au nord et au midi et impriment
à l'édifice la forme d'une croix latine. Ces chapelles commu-
niquent avec la nef par une arcade ogivale, entourée de deux
moulures en scotie et d'un gros tore.
La chapelle méridionale , éclairée de chaque côté par deux
fenêtres ogivales entourées de moulures en gorge et divisées
par un meneau prismatique, et au midi par une belle fenêtre
à quatre baies, se fait remarquer par ses belles proportions et
ses vitraux de la Renaissance, qui ont conservé toute leur
fraîcheur et tout leur éclat. Sur l'une des fenêtres latérales,
on voit le portrait en pied de saint Louis, auquel était dédiée
cette collégiale. Le manteau royal, terminé en pointe par de-
vant, comme les chasubles du moyen-âge , est du plus bel
azur et semé de fleurs de lis d'or. Le saint roi tient dans
l'une de ses mains un sceptre, emblème de la puissance, et
dans l'autre la main de justice, cette autre prérogative
de ia royauté. Une riche bordure, formée de gracieux rin-
ceaux, encadrait autrefois les baies garnies de personnages
religieux. La fenêtre du fond a conservé tous ses vitraux, qui
se recommandent à la fois par la finesse et la pureté du dessin
et par la richesse du coloris.
La chapelle septentrionale , qui servait de salle capitulaire,
date du même temps que la nef. Quelques-unes des fenêtres,
offrant aussi des fragments de vitraux , ont conservé leurs
moulures et leur décoration primitive.
Au milieu du faîte s'élevait, ainsi que nous l'avons dit ,
un élégant clocher en bois, recouvert en plomb, quia été
consumé par les flammes; ce clocher, dont la flèche ouvragée
le 10 JUILLET 1862. 573
et découpée a jour comme une véritable dentelle, semblait
porter vers le ciel les prières et les vœux ardents du Chapitre,
renfermait quatre petites cloches au timbre éclatant et pur,
qui servaient à annoncer les différents offices auxquels les
chanoines étaient tenus d'assister. D'après la charte de fon-
dation, l'office de nuit était obligatoire comme l'office de jour.
On disait Matines à minuit, Laudes h 6 heures du matin, la
grand' messe à 10 heures et les vêpres a 3 heures.
Il y avait trois messes à notes: l'une au point du jour,
une autre après Prime; la troisième, a diacre et sous-diacre,
après Tierce.
Les messes chantées étaient annoncées par le son d'une ou
plusieurs grosses cloches , selon la solennité du jour. Ces
cloches, au nombre de quatre, étaient renfermées dans la
belle tour occidentale qui s'élève à gauche du portail. La plus
grosse, appelée Guillaume, pesait, dit-on, 8,000 livres. La
seconde se nommait le Gros-Pierre ; la troisième, la Grosse-
Marie ; enfin , la quatrième était désignée sous le nom de
Petite-Marie. Ces cloches remplaçaient probablement deux
plus anciennes, fondues en 1567, dont l'une se nommait An-
toinette et l'autre Louise. Ces dernières eurent pour mar-
raines Antoinette de Bourbon et Louise de Lorraine, bien-
faitrices de la collégiale , l'une baronne et l'autre marquise
d'Elbeuf. Les trois cloches que l'on voit actuellement sont
modernes. Elles ont été fondues il y a environ 25 ans. La plus
grosse pèse, dit-on, 2,500 livres. La tour quadrangulaire qui
les renferme, construite en pierres de grand appareil, est sur-
montée d'un toit en ardoise. L'étage supérieur est percé sur
chaque face de deux longues baies ogivales très-simples, or-
nées de quelques moulures en scolie et surmontées d'une
arcade cintrée qui occupe toute la largeur de la tour. Les
contreforts qui soutiennent le clocher s'élevaient jusqu'à la
base de la pyramide qui était en pierre, si toutefois ce clocher
a jamais été terminé.
51U SÉANCE TENUE A ELBEIIF
Les murs de l'église soin construits en grand appareil
avec chaînages en silex. Un cordon en pierre relie tous les
contreforts.
Les stalles du chœur, au nombre de quarante-quatre, sont
très-remarquables. Elles sont dans le style de la Renaissance
(2e. moitié du XVI". siècle) et sculptées de main de maître.
Les accoudoirs sont surmontés de statuettes de moines re-
présentés dans l'attitude de la prière, la tète recouverte d'un
capuchon. Les miséricordes sont très-variées et méritent un
examen particulier.
Le tabernacle du maître-autel , qui provient , dit-on , de
l'ancienne abbaye de Bonport , offre un gracieux groupe re-
présentant la Foi, l'Espérance et la Charité. La Foi tient d'une
main une hostie et dans l'autre le livre de la nouvelle loi.
L'Espérance a une main posée sur une ancre, La Charité lient
une bourse et fait l'aumône à un enfant à moitié nu.
A l'entrée de la nef s'élève une tribune en bois, décorée de
cartouches ; cette tribune est éclairée par deux fenêtres ogi-
vales, à deux baies trilobées, entourées de moulures prisma-
tiques qui ont conservé leur forme primitive.
La nouvelle chaire , dans le style gothique , que l'on vient
de placer dans la nef a été com|>osée et exécutée par les frères
Laumonnier, sculpteurs à Conches. Cette chaire, dont le dos-
sier est beaucoup trop étroit , manque d'ampleur. La pyra-
mide élancée qui forme l'abat-voix paraît excessivement
maigre et grêle. La tribune, dont les panneaux sont couverts
de bas-reliefs offrant des sujets parfaitement choisis, est à
pans coupés.
Devant le portail s'étend une vaste place qui formait l'an-
cienne cour du cloître. Toutes les maisons situées au midi
étaient habitées par les chanoines.
Le cloître était divisé en douze portions appelées pré-
bendes. Chaque chanoine avait sa maison et son verger qui
contenait environ une acre.
LE 10 JIM.LET 1862. 575
L'entrée principale du cloître était placée à l'orient. Deux
portes à plein-cintre et à deux rangs de claveaux extradossés,
l'une beaucoup plus grande que l'autre, donnaient accès dans
la vaste cour, aujourd'hui convertie en place, qui s'étend à
l'ouest et au midi de l'église. La porte la plus petite était des-
tinée aux piétons. Ces deux portes , placées l'une a côté de
l'autre, s'ouvrent sur une lande autrefois couverte de bois.
La belle avenue qui s'étend à gauche conduit au château, dont
nous parlerons tout à l'heure.
Une autre porte à plein-cintre en pierre, plus petite que
la précédente, mais d'un effet très-pittoresque, s'élève au
nord-ouest, près du chemin communal.
Un puits très-profond , surmonté d'un toit en ardoise que
supportent des piliers carrés en briques plates, se voit sur
l'un des côtés de la place qui précède l'église.
En-deçà du portail s'élève, au fond d'un jardin , une cu-
rieuse maison en bois du XVIe. siècle, composée d'un rez-
de-chaussée et d'un étage en encorbellement. La porte qui
donne entrée dans le manoir est surmontée d'une ogive en
accolade et décorée d'un écusson entièrement fruste. Contre
un des potelets qui supportent la poutre principale , est ap-
puyée une statuette de la Sainte-Vierge tenant dans ses bras
l'Enfant-Jésus. Sa tète est surmontée d'une couronne.
La collégiale de la Saussaye dépendait du duché d'Elbeuf.
Elle fut fondée, en 1313 , par Guillaume d'IIarcourt.
Elle comptait, clans l'origine, treize chanoines, y compris
le doyen. (Le nombre fut plus tard réduit à douze.)
Philippe IV, en 1311, avait amorti 500 livres tournois
pour celte fondation.
Philippe V , par une charte , avait exempté de toute juri-
diction et justice temporelle l'église, le cimetière, ainsi que
les maisons et jardins de cette collégiale.
Parmi les bienfaitrices de la collégiale, nous citerons Marie
576 SÉANCE TENUE A ELBEUF
d'Harcourt. En reconnaissance de ses nombreux dons , les
chanoines fondèrent un obil qui a été acquitté jusqu'à la
Révolution.
Le château de la Saussaye , situé au midi de l'église, était
dans l'origine un pavillon de chasse. Il se compose d'un rez-
de-chaussée et d'un étage très-bas.
Devant ce château , qui appartient à M. de Bostenney ,
maire de la Saussaye , s'étend un joli parc dessiné par Le
Nôtre.
La collégiale de la Saussaye, qui attire un grand concours
de pèlerins, est le but d'une des plus charmantes excursions
que l'on puisse faire aux environs d'Elbeuf. On peut se rendre
au village de la Saussaye par la roule d'Elbeuf au Neubourg,
et revenir par le charmant vallon, couronné de bois, que
domine d'une manière si pittoresque l'église que nous venons
de décrire.
A 1 kilomètre environ, à l'ouest de la collégiale , s'élève
l'antique église de St.-iMartin-la-Corneille dont les murs ro-
mans , construits en grossier blocage, affectent dans certaines
parties l'appareil en feuilles de fougère. On remarque à l'in-
térieur de cetle église , qui du reste présente peu d'intérêt,
l'inscription obituaire suivante en caractères gothiques:
iTan be grâce mil cinq cens et bonze le premier bimence après l'îtscenstoa
nostrr Seigric fust bebge reste présente pgl'tse bes beniers be beffuncts Seljan
tt (ôuilltme b'tct9 Uljjbster orfeores natifs be reste paraisse lesquels tres-
pasaerent à Rouen l'au mil cinq cens et unzt If jour b'octobre.
JJrirz Dieu pour l'nme b'icculî. 31e.
La plupart des fenêtres sont sans caractère. Une seule ,
étroite et élancée , paraît dater du XIIe. siècle. Deux autres
ouvertures, l'une carrée, l'autre à plein-cintre, ont été pra-
tiquées au XVIe, siècle. La nef ne présente aucun contrefort.
le 10 juillet 1862. 577
Un joli clocher en charpente , du XVIe. siècle , surmonté
d'une pyramide octogone recouverte en essente, s'élève à
l'extrémité orientale de la nef.
L'ancienne paroisse de St.-Martin-la-Corncille est réunie
aujourd'hui , pour le civil et pour le spirituel, à la Saussayc.
L'église St.-Pierre-des-Cercueils , ainsi nommée parce
qu'on a découvert en la construisant un grand nombre de
cercueils en pierre , se trouve à peu de dislance de l'église
précédente, sur la droite de la roule d'Elbeuf au Neubourg.
Nous n'avons pas visilé l'intérieur de cette église qui , à
l'extérieur , ne présente aucun intérêt.
Il est facile d'étudier, sans perte de temps, ces trois
églises qui sont situées dans le même rayon.
La commune de Thuit-Signol , l'une des plus populeuses
des environs d'Elbeuf, possède une belle église qui a été
reconstruite en grande partie. Cette église , située à 5 ou
6 kilomètres d'Elbeuf, à l'ouest, se termine à l'orient par
un mur droit percé de deux belles fenêtres, du XIVe. siècle,
d'une élévation prodigieuse. L'archivolte, formée d'un tore,
repose sur de gracieuses colonnettes à chapiteaux feuillages.
Trois contreforts soutiennent le chevet. Une très-belle tour
en pierre, du XVIe. siècle, soutenue par d'élégants con-
treforts décorés de culs-de-lampe sculptés qui supportaient
des statues , s'élève à l'angle sud-est du portail , dont le
fronton en briques plates porte la date de 1753. Une gra-
cieuse tourelle garnie de pilastres décorés de têtes d'anges
renferme l'escalier qui conduit au clocher , lequel contient,
dit-on , trois anciennes cloches.
Les deux chapelles qui s'élèvent entre chœur et nef don-
nent à l'édifice la forme d'une croix latine.
Les fenêtres qui éclairent la nef et le chœur sont mo-
dernes et sans caractère.
Les magnifiques fonts baptismaux placés au bas de la nef,
37
578 SÉANCE TENUE A ELREUF
du côté septentrional , selon les prescriptions liturgiques ,
sont dans le style gothique flamboyant et de forme octo-
gone. Ces fonts, qui mériteraient un dessin, datent de la
tin du XV1-'. siècle ou des premières années du XVIe.
L'ancien tableau de la Charité du Thuit-Signol , qui porte
la date de 1680, a été transporté à Totirville-la-Campagne
pendant la Révolution. Ce tableau , excessivement curieux
sous le rapport des costumes peints sur bois, est aujourd'hui
placé dans l'église de cette paroisse , en face la magnifique
cuve baptismale romane. Nous avons copié l'inscription et
fait un dessin de l'écusson qui appartient , dit-on , a l.a
famille Delalondc , d'Elbenf.
La commune de Thuit-Signol compte un grand nombre
de villages habités par de nombreux tisserands.
Entre le Thuit-Signol et Elbeuf s'élève l'église du Thuit-
Augcr qui possède , dit-on , un beau clocher.
M",e. Philippe-Lemaître fait une communication verbale
au sujet d'une abondante récolle d'objets antiques découverts
à Ecaquelon, près de Montfort-sur-llisle. Ces fragments sont
conservés chez SI. Pernuit, maire d'Ecaquelon. On remarque
parmi ces objets diverses hachettes en silex, une sorte de flûte
ou tibia en os; des figurines de Vénus Anadyomède, dont une
en terre cuite blanche ; une sorte de lampe en terre cuite rou-
gcàtre , des médailles du Bas-Empire , en bronze , un épais
fragment d'ardoise ou de marbre gravé sur ses deux faces ,
sorte de moule du XIVe. ou XV". siècle dont probablement
on lirait des empreintes en plomb ou en cire. Ce fragment
représente d'un côté divers personnages dans un cadre en
forme d'écusson , et de l'autre côté une sor le de cartouche
armorié.
M. l'abbé Cochet remarque que la plupart des trouvailles
faites de ces sortes de statuettes , désignées d'ordinaire sous
LE 10 JUILLET 1862. 579
le nom de Vénus Anaclyornède , l'ont été dans des fontaines
ou des mares , et que c'était des ex-voto offerts par les ma-
lades aux divinités de ces fontaines.
M. Grandin , président de la Société archéologique d'El-
beuf, rend compte des diverses découvertes d'antiquités ro-
maines faites dans le lieu appelé la fosse aux moules , à
Caudebec-lès-Elbeuf ( l'ancienne Uggatle ).
Ces découvertes ont donné naissance à la Société archéolo-
gique récemment constituée à Elbeuf , et on pourra former
un musée local des objets déjà recueillis par M. Grandin et
par ceux que l'on pourra encore trouver. M. Grandin prie
M. l'abbé Cochet de vivifier par sa coopération les travaux
de la naissante Société d'Elbeuf.
M. l'abbé Cochet rend compte de la découverte récente
de sépultures faite à Tourville-la-Rivière , canton d'Elbeuf ,
sur un terrain appartenant à M. de Girancourt ; ces sépul-
tures constituaient un cimetière gallo-romain de la transition,
c'est-à-dire du IVe. ou du Ve. siècle. M. Cochet a résumé les
principaux faits de ces fouilles dans une note communiquée
au Nouvelliste de Rouen. Ce cimetière est situé sur le versant
d'une colline qui regarde l'orient entre Tourville et Sotteville-
sous-le-Val, à l'endroit où le chemin de fer de Rouen à Paris
débouche du tunnel du côté de Ponl-de-1'Arche. Les travaux
du chemin de fer joints à l'exploitation d'une sablière ont
montré que ce champ funéraire avait 600 pieds de long sur
3 à û00 pieds de large. M. Cochet n'a rencontré qu'une
urne à incinération , urne en terre grise , de forme pot- au-
feu; mais il y avait un grand nombre de vestiges de cercueils
en bois très-épais , si l'on en juge par la longueur des clous.
On a aussi trouvé trois cercueils en plomb , dont l'un pesait
jusqu'à 200 livres. Ce lourd cercueil portait à la tète du
couvercle une espèce de croix de saint André tracée avec un
instrument pointu : figure également observée à Rouan en
580 SÉANCE TENUE A ELBEUF
1843 sur les cercueils de Quatremares et en 1853 sur ceux
du couvent d'Ernemont. À Angers, où de pareils cercueils
ont été trouvés en 1853 , on considère ces espèces de croix
comme des signes de christianisme. M. Cochet n'ose se pro-
noncer.
Les corps renfermés dans les cercueils de bois étaient en-
tourés de vases en terre et en verre. Ces vases de terre avaient
la forme de bols, de pots et de cruchons de couleurs blanche,
rouge , noire ou grise. On a trouvé au moins cinquante
coupes de verre ou lagènes, la plupart en fragments. Ces
verres à boire étaient saturés d'un tartre rougeâtre , comme
de la lie de vin desséchée. Une coupe de verre contenait une
vingtaine de quinaires de Posthumus et de Tetricus.
M. de Caumont prie M. l'abbé Cochet de faire savoir à
l'Assemblée quel était, à ses yeux, le symbolisme des verres à
boire si souvent représentés dans la main des bustes sculptés
sur les stèles ou tombeaux extérieurs.
iM. Cochet pense que les objets sculptés sur les stèles de-
vaient être les objets les plus vivement affectionnés par le
défunt , les plus précieux à ses yeux. Sans doute ces verres ,
sur le bord desquels sont gravés les mois : felix bibas, etc. ,
étaient des objets d'un grand prix.
M. Taurin , rédacteur du Journal de Rouen , rend compte
de l'extrême accroissement pris par son abondante collection
de fragments de vases et de poteries découverts à l'occasion
des démolitions de Rouen, et du creusement des égouts dans
les nouvelles rues. M. Taurin signale , sur le territoire de
Rouen actuel, un cimetière gaulois, un autre gallo-romain,
un autre mérovingien, un autre normand.
M. l'abbé Cochet rend témoignage de l'intérêt que pré-
sente l'importante collection rouennaise de M. Taurin, qui
est pour Rouen ce qu'est pour Londres la collection de
M. Roach-Smith.
Lli 1U JUILLET lbG2. 581
La discussion est ramenée aux découvertes d'antiquités
faites a Elheuf.
M. Bordeaux demande que la Société archéologique d'El-
beuf fasse préparer le plus tôt possible un vaste plan des
terrains où l'on découvre des antiquités , afin de constater au
fur et à mesure des trouvailles leur emplacement exact, et
d'y porter dès à présent, tandis que le souvenir s'en con-
serve encore, l'indication des découvertes faites jusqu'ici.
Sans cela ces découvertes seront perdues pour l'histoire
d'Elbeuf. Un plan pareil est facile à dresser à une grande
échelle, il suffit de calquer le cadastre. Pour les découvertes
faites avant la formation de la Société archéologique d'El-
beuf, deux personnes pourraient fournir de précieux ren-
seignements : ce sont MM. Lalun , architecte à Louviers, et
Miard père , géomètre à Caudebec-lès-Elbeuf. M. Lalun a
formé à Louviers tout un musée des objets antiques déterrés
à Caudebec (l'ancienne Uggatte) , en creusant des puits et
des fondations , et M. Miard a dressé des plans des terrains
qui recelaient des sépultures ou des ruines. Ces Messieurs
ont communiqué à M. l'abbé Cochet beaucoup d'indications
qui ont été mises à profit par ce savant archéologue.
M. Taurin rappelle que, pour sa part, il dresse au fur et a
mesure un plan archéologique de Rouen.
M. Bordeaux voudrait aussi que la Société archéologique
d'Elbeuf joignît au plan en question , et dont le plan de
M. Taurin pourrait être le modèle , un registre ou livre
journal où l'on porterait à leur date toutes les découvertes
d'objets ou de substructions antiques que le hasard procure
chaque jour dans une localité comme Elbeuf où l'on fait
tant de constructions. Si, dans chacune de nos villes, les per-
sonnes qui s'occupent d'antiquités avaient tenu depuis deux
siècles de pareils livres journaux combien de renseignements
qui ont été perdus pour la science, auraient été au contraire
582 SÉANCE TENUE A ELBEUF
conservés; combien d'objets de peu de valeur scientifique ,
parce que l'on ignore où et quand ils ont été découverts ,
offriraient un vif intérêt ! Malheureusement des carnets de
cette nature ne se trouvent ni dans nos bibliothèques ni dans
nos archives , et les archéologues qui nous ont préeédés
n'ont pour la plupart laissé que des papiers sans valeur , des
notes informes, ou des collections d'objets antiques et de
médailles , collections auxquelles les indications de prove-
nance font trop souvent défaut.
M. Bordeaux profite de la réunion pour signaler les dé-
couvertes d'antiquités que les travaux du chemin de fer de
Serquigny a Rouen ont fait faire. Ainsi, on a trouvé beau-
coup de vases et d'autres débris romains sur l'emplacement
où l'on va construire la gare de Brionne , à quelques pas
de l'ancienne église St. -Denis. On a trouvé aussi des sé-
pultures , des meules romaines et des poteries rouges avec
marques de potiers entre la Chapelle-St.-Eloi et la Rivière-
Thibouville. M. Loisel a recueilli plusieurs de ces objets
dans le riche musée qu'il a formé à la Rivière-ïhibouvillc.
M. Bordeaux a visité l'emplacement où ces trouvailles ont été
faites. Deux squelettes ont été déterrés avec des débris de
poteries et des meules en poudingue dans une excavation
faite à l'endroit où 31. Charles Lenormant avait cru trouver
ce cimetière mérovingien qui fit tant de bruit dans le temps. -
Au reste , on trouve des vestiges antiques au pied des col-
lines, tout le long de cette partie de la vallée de la Rislc.
M. Bordeaux a visité, avec M. Charles Vasseur , un aqueduc
romain dont M. l'abbé Boulanger, curé de Serquigny, lui a
indiqué l'emplacement. Cet aqueduc consiste en un tuyau
de terre cuite engagé dans un lit de ciment.
M. de Caumont rend compte d'une visite qu'il a faite aux
ruines antiques de Pitres. En quittant Pitres pour venir à
Elbeuf, il s'est arrêté pour voir l'église d'Alisay. il a retrouvé
LE 10 JUILLET 1862. 583
dans le cimetière la célèbre statue tumulaircdc Mme. de Hou-
villc, que le curé, l'abbé Dclahaye, a fait enlever de l'inté-
rieur de l'église. Cet enlèvement avait déjà été signalé à la
Société française d'archéologie, qui s'en est occupée aux
séances de Louviers et de Rouen. M. l'abbé Cochet, éga-
lement fâché d'un acte aussi regrettable , a voulu à diverses
reprises employer la persuasion pour obtenir du desservant
d'Alisay la réintégration de cette statue à la place qu'elle
n'aurait jamais dû quitter. Ses efforts ont été infructueux. Il
a écrit à ce sujet à Mgr. l'Évêque d'Evreux et à M. le Préfet
de l'Eure : les habitants d'Alisay, de leur côté, se sont
montrés très-mécontents de l'enlèvement d'une statue à la
conservation de laquelle ils s'intéressent. Le curé s'obstine et
tout ce qu'on a pu obtenir , c'est (l'abriter la statue sous un
auvent en planches, que M. de Cauuiont compare à un
parapluie, niais qui dans peu d'années laissera filtrer l'eau,
en sorte que cette sculpture sera dégradée et détruite.
M",e. Philippe-Lcmaître signale un autre fait. Là table
consacrée du maure-autel de l'église d'Jllcville a été enle-
ver . et malgré les marques de consécration qu'elle porte
encore, a été livrée aux usages les plus profanes.
La séance est levée h 9 heures et demie.
Le Secrétaire,
Raymond Bordeaux.
SEANCE
ACADÉMIQUE INTERNATIONALE
A DIVES,
X.E 17 AOUT 18 6 2.
Nous avons rendu compte , l'année dernière , de la séance
d'inauguration d'un monument a Dives , en mémoire du dé-
part de Guil!aume-le-Bàtard pour la conquête de l'Angleterre
en 1066. En terminant son discours sur le promontoire de
Dives, où est érigé le monolithe commémoratif de cette glo-
rieuse époque, M. de Caumont avait donné rendez-vous aux
archéologues français et anglais pour inaugurer, en 1862,
dans l'église de Dives, la liste des guerriers connus qui prirent
part à cette expédition, l'une des plus importantes de notre
histoire. Le dessus de la porte d'entrée de l'église de Dives
avait paru tout-à-fait propre à recevoir la liste examinée ,
scrutée, vérifiée par M. Léopold Delisle, de Valognes, mem-
bre de l'Académie des inscriptions, l'homme qui passe à bon
droit pour le plus savant de nos antiquaires.
C'est là dans cette place , sous la protection de l'Église ,
que la liste a été gravée et inaugurée.
Le 17 août 1862 , dès huit heures et demie, un grand
nombre de voitures, ornées des écussons aux armes des che-
valiers normands , attendaient à Caen , sur la place Royale ,
SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE. 585
les délégués des diverses Sociétés savantes , ainsi que les in-
vités de la fête. A neuf heures, le cortège s'est rais en marche,
et, à onze heures un quart, la longue file de voitures s'arrê-
tait à Cabourg, à l'entrée du pont qui le sépare de la commune
de Uives. Le canon grondait sur la colline où , l'année der-
nière, a été érigée la colonne. Le cortège se forma et précédé
de M. de Gaumont, il fut reçu sur le pont par M. le Maire et
le Conseil municipal de Dives. M. le Maire a commencé la
série des discours qui devaient occuper une partie de la
journée. Ce magistrat s'est exprimé ainsi :
« Messieurs,
« Dives est heureux et fier de l'honneur que vous lui
faites, en venant inaugurer le souvenir du départ de Guil
laume et de sa flotte pour l'Angleterre en 1066.
« Le pont de Cabourg, où nous sommes venus vous rece-
voir , est le point probable du mouillage de ses navires ; car
la mer s'est retirée, laissant à nu ses sables et cette portion
de notre territoire qui a été conquise sur les eaux.
« Messieurs, la municipalité de Dives conservera toujours
un souvenir reconnaissant des généreux efforts, individuels
ou collectifs, qui ont été faits en cette circonstance pour
donner à cette solennité un éclat inaccoutumé. — Vive l'Em-
pereur
M. de Caumont a répondu brièvement à cette harangue ,
et les invités ont marché entre deux haies de pompiers , de
douaniers et de gendarmes , aux sons belliqueux de l'excel-
lente musique du 33e. de ligne , vers le lieu de la réunion ,
c'est-à-dire vers la halle ( monument tout en bois , du XVe.
siècle) parée avec goût par M. Blaclié , avec le concours de
586 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
M. Bouct, et dans laquelle on voyait un fragment agrandi de
la célèbre Tapisserie de Baveux, la scène de rembarquement,
par M. Bruneau , décorateur , à Caen.
Malgré une pluie battante , qui ne cessa guère de toute la
journée, un grand nombre de délégués des Sociétés savantes
de la Normandie et d'autres provinces étaient arrivés à Dives
avant le grand cortège venu de Caen avec M. de Caumont.
A midi , une foule de personnages se pressait dans la halle ;
beaucoup de dames prirent place devant le bureau , présidé
par M. de Caumont. Ce dernier avait à sa droite : M. le gé-
néral Courson de Villeneuve , dont un aïeul prit part à la
conquête; M. Théry, recteur de l'Académie; M. Abel Vau-
tier, député au Corps législatif; M. Léopold Delisle, membre
de l'Institut; M. le duc d'Harcourt; M. Hippeau et M. Charma,
professeurs à la Faculté des, lettres. A la gauche de M. de
Caumont se trouvaient : M. le chevalier de Rossi, conserva-
teur de la bibliothèque du Vatican , à Rome ; M. le comte
Foucher de Careil , conseiller-général ; M. Bertrand , doyen
de la Faculté des lettres , maire de Caen ; M. Boulatignier ,
conseiller d'État ; M. Challe, sous-directeur de l'Institut des
provinces, à Auxerre; M. Travers, secrétaire de l'Académie
de Caen , professeur honoraire de la Faculté des lettres ;
M. Demiau de Crouzilhac , président de la Société des Anti-
quaires de Normandie. Dans l'assemblée, on remorquait plu-
sieurs personnages dont chaque nom rappelle une page
de notre histoire ; puis un grand nombre de notabilités
dans les sciences, les arts, les lettres, et beaucoup de fonc-
tionnaires publics. Bientôt la vaste salle fut complètement
remplie.
M. de Caumont avait prié M. Julien Travers, secrétaire
de l'Académie impériale des sciences, arts et belles -lettres ,
de tenir la plume comme secrétaire dans celle solennité
internationale.
17 AOUT 186:2. 587
A midi un quart, la séance fut ouverte par M. de Caumont,
qui prononça le discours suivant :
« Messieurs ,
<- Ce n'est pas la première fois que la Société française
d'archéologie provoque une réunion internationale. La vaste
circonscription qu'elle a choisie, en prenant pour horizon tout
l'Empire, lui a permis de donner plusieurs fois déjà la main
aux Sociétés savantes de la France et de l'étranger.
« C'est ainsi qu'à Lille, en 1865, elle appelait à une de ses
réunions générales la Belgique, la Hollande, l'Angleterre, et
que les plus hautes notabilités se rendaient avec empresse-
ment à son appel.
« Quelques jours après, l'hospitalité que la France archéo-
logique avait donnée à Lille était rendue avec usure, à Tour-
nay par l'élite de la Belgique , et une heureuse fusion intel-
lectuelle se faisait entre les deux pays.
« L'année suivante (1846), la Société française d'archéo-
logie tenait son congrès à Metz d'abord, puis à Trêves, une
des métropoles de l'Empire romain , toujours imposante au
milieu des ruines qui attestent sa puissance et son ancienne
splendeur. Cette grande réunion internationale, acclamée à
Trêves par une population allemande de plus de 30,000 âmes,
a laissé des souvenirs durables dans ce beau pays: elle posait,
en effet, un trait-d'union , qui n'existait pas encore entre la
France et l'Allemagne archéologique; elle rétablissait entre
deux villes de premier ordre, cpii avaient long-temps vécu
d'une même vie, des rapports littéraires et artistiques plus
intimes.
« D'autres réunions internationales ont été convoquées ,
avec un égal succès, par la Société française d'archéologie, à
Paris, à Strasbourg et à Marseille.
588 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
« La séance que j'ai l'honneur de présider aujourd'hui ,
comme directeur de la Société, est encore une réunion inter-
nationale : il s'agit de consacrer un monument au souvenir
des hommes qui ont accompli le plus grand événement des
annales normandes et anglaises ; il s'agit d'un monument qui
intéresse , à un titre égal , deux grands pays soumis pendant
plus d'un siècle aux mêmes lois et aux mêmes souverains ;
ce monument redira les noms des compaguons du duc
Guillanme à la conquête de l'Angleterre, guerriers devenus
plus tard la souche des familles les plus illustres de la Grande-
Bretagne.
« La liste que nous allons inaugurer a long- temps existé
outre Manche, à l'abbaye de la Bataille , ainsi appelée
parce qu'elle s'élevait sur le lieu même où s'était livrée
la bataille d'Hastings. Des vicissitudes auxquelles aucun
monument ne peut échapper l'ont fait disparaître; nous
allons réparer celle lacune et rétablir le tableau , non
plus au point d'arrivée, mais au point de départ de l'armée
normande.
« Normands et Anglais , nous allons mettre le monument
nouveau sous la sauve-garde d'une religion de paix, dans la
vénérable église de Dives.
« Vous tous , Messieurs , qui êtes accourus de différents
points de la Normandie et de l'Angleterre pour prendre part
à cette fêle historique internationale, soyez les bienvenus. La
Société française d'archéologie vous remercie d'avoir répondu
à son appel. Elle se réjouit du concours de tant d'hommes
distingués. Le 17 août 1882 va devenir un des grands jours
de nos annales normandes.
« Nous regrettons pourtant de ne pas voir ici un homme
dont la voix a tant de charme et d'autorité, un homme qu'on
peut appeler une illustration internationale ; car ses ou-
vrages, lus et médités partout, appartiennent à tous les pays :
17 août 1862. f)89
l'absence de M. Guizot laisse un grand vide dans notre belle
réunion.
« Mous aurions aussi désiré que le monument élevé à la
mémoire des compagnons de Guillaume eût été bénit par le
savant et vénérable prélat dont le siège épiscopal a été occupé,
il y a 800 ans par Odon de Conteville, le frère de Guillaume
et son bras droit, si je puis parler ainsi, dans la grande entre-
prise de la Conquête. Mgr. Didiot n'a pu se rendre à nos
vœux; mais Sa Grandeur, dans une lettre des plus flatteuses,
nous témoigne tous ses regrets et nous assure du haut prix
qu'elle attache à la religion des souvenirs.
« Monseigneur l'a dit, Messieurs, les souvenirs, c'est une
religjon, c'est la religion des âmes fortes et des cœurs qu'un
égoïsme impur n'a pas encore endurcis ; c'est notre religion à
tous, car nous ne sommes pas de ceux qui renient le passé
pour ne penser qu'au présent. Ce serait un acte d'immoralité
dont aucun de nous ne veut se rendre coupable; nous sommes
de notre siècle , mais nous respectons le passé.
« Le passé, c'est l'échelle que les générations ont parcourue
pour arriver où nous sommes , et l'on ne sait pas assez com-
bien il a fallu d'efforts pour obtenir les progrès dont nous
jouissons aujourd'hui !
« Si toutes les croyances s'affaiblissent , si la religion des
souvenirs se perd comme les autres, si l'indifférence et le
scepticisme envahissent le monde nouveau, nous réunirons nos
efforts, Messieurs, pour résister à ce mouvement destructeur
de la justice, de l'esprit public et de la société.
« Nous burinerons sur la pierre, comme nous le faisons
aujourd'hui, l'histoire du monde ancien; nous ne nous las-
serons pas de protester ainsi contre l'égoïsme, l'indifférence et
l'oubli. >»
Ce discours fut couvert d'applaudissements, et M. de
590 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
Cauinont , reprit aussitôt la parole pour faire la communi-
cation suivante :
« La Société française d'archéologie et l'Association nor-
mande pour les progrès de l'agriculture, de l'industrie et des
arts, désireuses de rendre hommage aux hommes d'initiative
de toutes les époques, à ceux qui, dans les diverses condi-
tions sociales, ont su imprimer un nouvel essor à l'industrie,
aux sciences, aux lettres et aux arts ; à ceux qui ont travaillé
résolument au progrès de la société, ont pris de concert
l'arrêté suivant:
« Une médaille de 500 francs sera décernée, en juillet
1863, à l'auteur de la meilleure liste de tous les Normands
qui ont bien mérité de la société par leurs connaissances,
leurs travaux, leur initiative, depuis le Ve. siècle jusqu'à nos
jours.
« Cette liste, après avoir été jugée , contrôlée et rectifiée
par une Commission prise dans le sein des diverses Sociétés
savantes de la province, sera burinée à Rouen (1), sur les
murs d'un monument public.
« L'Association normande et la Société française d'archéo-
logie sont heureuses de pouvoir promulguer cet arrêté au
milieu de l'imposante assemblée que nous saluons de nos
acclamations: nous vous prions, Messieurs, de prendre
cette pensée sous votre patronage et de lui donner^ votre
sanction.
« Avec elle, nous verrons bientôt, je l'espère, notre projet
réalisé , et nous pourrons faire un nouvel appel à votre
(1) La Société française d'archéologie sur le rapport de M. de
Caumont, a désigné la salle des Pas- Perdus du Palais-de-Justice
de Fiouen comme le monument qui devra contenir cette grande
inscription.
17 Aot;r 1862. 591
patriotisme, en vous priant d'inaugurer avec nous ce monu-
ment consacré au souvenir de toutes les gloires du pays. »
L'accueil le plus favorable fut fait à cette coinunication, et
la parole fut donnée h M. Hippeau , qui lut le mémoire que
nous insérons ici :
« Messieurs,
« Il n'est personne qui puisse se méprendre ici sur le
véritable sens d'une fête consacrée au souvenir d'un des plus
grands événements de notre histoire. Ce n'est ni pour exalter
le pays d'où partit la belliqueuse colonie de 1066, ni pour
humilier la nation qui doit à la conquête de Guillaume ses
brillantes destinées, que vous avez voulu graver solennellement
sur la pierre des noms qui font aussi bien partie des gloires
de l'Angleterre que de celles de la France, des noms que
revendiquent avec un même orgueil les plus illustres familles
des deux royaumes, et qui ne brillent pas d'un moindre
éclat dans le peerage anglais que dans les livres d'or des
Chérin et des d'Hozier. En se donnant rendez-vous pour
célébrer en commun ce glorieux anniversaire, les délégués
de la province de Normandie peuvent donc fraterniser dans
un même sentiment de joie et de patriotisme avec les délégués
de l'Angleterre.
« L'établissement des Normands dans la Grande-Bretagne
a contribué beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire à la
prospérité toujours croissante des deux peuples. Si l'un d'eux
pouvait s'en plaindre , ce ne serait certainement pas l'An-
gleterre. N'aïons-nous pas entendu plus d'une fois nos
compatriotes demander ce qu'a gagné la France à une con-
quête qui fit surgir tout près d'elle un royaume si puissamment
organisé à l'intérieur et occupant une si grande place, au
dehors, par son vaste développement commercial et maritime?
592 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
A ceux qui seraient tentés de regarder l'expédition de
Guillaume et de ses héroïques compagnons, comme ayant été
fatale à la France, l'histoire aurait plus d'une réponse à faire.
Ce serait même un magnifique sujet à traiter que celui qui
exposerait ce que chacune des nations doit à sa rivale, et
combien la grandeur de chacune a été nécessaire à la
grandeur de l'autre. Mais il m'aurait fallu , pour donner à
cette thèse toute l'étendue qu'elle comporte , plus de loisirs
que ne m'en laisse l'accomplissement d'impérieux devoirs,
et j'aurais besoin d'ailleurs pour l'exposer de plus de temps
que vous ne pouvez m'en accorder. Je n'ai pu toutefois
refuser un témoignage d'affectueuse sympathie au promoteur
de cette réunion imposante, appelant, comme dans toutes
celles qu'ii organise depuis trente ans, le concours fraternel
des travailleurs de tous les pays. Quelques mots jetés à la
hâte sur le papier et n'ayant d'autre valeur que le sentiment
qui les a dictés , seront , je l'espère , accueillis sans trop de
défaveur par une assemblée naturellement disposée à l'in-
dulgence.
« Oui, Messieurs, le grand événement dont nous con-
sacrons aujourd'hui solennellement la mémoire , la conquête
de l'Angleterre par les Normands , qui a donné à la France
une illustre et puissante rivale, a été un événement heureux
pour les deux nations !
«On s'est plu, dans tous les temps, à signaler les contrastes
qui sembleraient devoir mettre entre le peuple anglais et le
peuple français une barrière éternelle. Leurs institutions, leurs
mœurs, leur caractère n'ont, dit-on, rien de commun. L'un
froid, taciturne, calculateur; l'autre ardent, expausif, pro-
digue; l'un prudent jusqu'à la défiance, l'autre confiant jusqu'à
la témérité; le premier ayant partout en vue l'accroissement
de sa prospérité , sachant, tirer parti de toutes les circonstances
et faisant tourner tous les événements à son propre avantage;
17 août 1802. 593
le second entraîné par un amour démesuré de la gloire ,
«'occupant des autres au moins autant que de lui-même,
jetant son épée ou son or dans la balance où se pèsent les
destinées des nations les plus reculées et se vouant au
redressement de toutes les injustices , à la défense de tous
les opprimés ; l'Angleterre enfin , ayant su trouver depuis
plusieurs siècles des institutions politiques qui assurent à la
liberté une organisation forte et durable, tandis que la
France , se passionnant surtout pour les réformes sociales ,
a presque toujours sacrifié les intérêts de la liberté à son
amour de l'égalité et à sa haine pour les privilèges.
« N'exagérons pas ces différences ; il nous serait tout
aussi facile d'énumérer les rapports de convenance et les
traits de conformité qui existent entre deux nations, en
apparence si opposées. Et d'abord deux mots sur cette
prétendue infériorité , qu'il est si ordinaire d'assigner à la
France, au point de vue des institutions politiques. Certes ,
je m'associe à tous les éloges que méritent les hommes ayant
su mettre les premiers en pratique ces formes conservatrices,
qui garantissent ce qu'il y a de plus difficile à fonder sur la
terre , la liberté sous un gouvernement stable et régulier.
La Providence semble avoir tout disposé pour que l'An-
gleterre possédât de bonne heure un pareil avantage. Le
grand événement, dont le souvenir nous réunit dans cette
enceinte, devait même tout naturellement amener ce ré-
sultat. La conquête, en effet, établit entre Guillaume de
Normandie et ses soldats devenus barons, du droit qui l'avait
fait roi lui-même, des rapports essentiellement favorables à la
liberté. En présence d'un corps assez puissamment constitué
pour résister aux empiétements du pouvoir, la royauté se
trouva désarmée. Elle put bien être assez forte pour em-
pêcher les fiers barons de la conquête de devenir des sou-
verains féodaux au même titre que les barons de la France ;
38
594 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATION ALF.
mais , pour triompher d'une aristocratie née en même temps
qu'elle , il lui aurait fallu , comme à notre dynastie capé-
tienne , des communes affranchies , une bourgeoisie intel-
ligente, ce Tiers-État enfin appelé à prendre une si grande
place dans nos assemblées générales. Elle ne pouvait trouver
un pareil appui dans les Saxons vaincus , que les seigneurs
normands surent d'ailleurs attacher à leur cause , et qu'ils
initièrent peu à peu à la liberté, tout en les tenant à distance.
C'est ainsi que se fondèrent ces garanties imposées au pouvoir
royal , et qui , résistant à toutes les révolutions , sont passées
dans les mœurs, après avoir été solennellement inscrites dans
les chartes. 11 ne faut pas reprocher à la France de n'avoir
pas suivi la même voie ; il ne faut pas lui reprocher, comme
le fait, avec plus d'esprit que de raison , lord Chesterfiekl ,
de n'avoir su construire que des barricades sans pouvoir
élever des barrières.
« Le fait est que , tandis que l'Angleterre accomplissait
ce qu'on peut appeler son évolution politique, la France se
livrait à un labeur tout aussi glorieux et plus difficile encore.
C'est un spectacle bien imposant aussi que celui de notre
monarchie française , composant pièce à pièce une nation ,
et faisant un royaume avec une petite province. C'est une
belle chose aussi que la création de cette majestueuse unité ,
reliant toutes les parties de notre vaste territoire , sans
qu'aucune barrière , aucun privilège , aucune exclusion sé-
pare les communautés ou les individus. Nous sommes une
nation. Les conquêtes de Louis XIV , a dit très-bien
M. Amédée Thierry , sont plus françaises que ne sont
anglaises l'Ecosse, le pays de Galles et l'Irlande. Si donc
nous avons eu la liberté plus tard , nous avons eu plus tôt
cette égalité et celte unité , qui manquent à l'aristocratique
Angleterre. Elle aura commencé par où nous finissons : ne
lui faudra-t-il pas finir par où nous avons commencé? Ainsi
17 août 1862. 595
chacune des naiions a fait son œuvre et suivi sa destinée.
Je suis trop courtois pour dire ici quelle est celle des deux
qui a le plus de droit d'être fière de son partage. Les re-
lations de l'Angleterre et de la France ne datent pas seulement
de la bataille d'Hastings. On oublie trop souvent que la Gaule
et la Grande-Bretagne, habitées par des peuples de môme
race, parlant des idiomes de même origine, régies par des
institutions analogues , professant le même culte, n'ont eu
long-temps entr'elles que les différences qui existent entre
les insulaires et les habitants d'un territoire continental.
L'une et l'autre, bien que dans des proportions inégales,
ont subi l'ineffaçable empreinte de la civilisation romaine.
La première , avec sa flexibilité merveilleuse , s'appropriant
l'idiome du peuple-roi, destiné à être pendant bien des
siècles la langue de la religion , devint l'institutrice de la
seconde :
Galtia Causidicos docid facunda Brilannos.
« Plus tard , les mêmes apôtres répandirent chez les
deux peuples les germes de cet enseignement chrétien , qui
a resserré leurs liens en les éclairant de la même lumière ,
et en pénétrant leurs cœurs des plus purs sentiments de la
morale évangélique. La INeustrie, comme la Grande-Bretagne,
fut occupée par les Saxons , avant d'avoir pour maîtres les
guerriers Scandinaves. C'est sur le même fonds celtique que
vint se superposer celte forte race des hommes du Nord, qui
porta en Angleterre les institutions politiques et civiles déjà
puissamment implantées sur le sol neuslrien. Les lois françaises,
données par Guillaume-Ie-Conquérant , ont servi de base à
toute la législation anglaise , comme elies furent le point de
départ des coutumes normandes.
« Jusque-là , les deux nations ont suivi une marche
parallèle. Lorsque l'auteur du Doomsdaij-Book eut organisé
596 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONAI.K.
sa conquête et réuni sous un même sceptre la province d'où
il était parti comme duc, et le pays où il avait ceint la
couronne royale , les deux peuples semblèrent avoir associé
leurs cœurs aussi bien que leurs noms. Un courant in-
tellectuel mit en communication les deux côtés du détroit ,
librement traversé par les hommes et par les idées. C'est
d'abord l'Église qui , soumettant indistinctement tous les
membres de la milice chrétienne aux lois de sa puissante
hiérarchie, choisit dans les deux pays les hommes éminents
qu'elle appelle aux plus hautes fonctions du sacerdoce , ou
qu'elle place à la tête de ses magnifiques monastères. Les
abbayes du Bec, de St.-Ouen, de St. -Etienne, envoient leurs
religieux à l'Angleterre, qui donne à son tour à la Normandie
les pieux et savants disciples de saint Benoît , tirés des
monastères de Cantorbéry, de Rochester, de Londres , ou de
cette fameuse abbaye de St.-Marlin-la-Bataille, construite sur
le lieu même où Guillaume triompha de l'armée saxonne, et
gardienne fidèle des noms de ses vaillants chevaliers. Dans
ces grandes maisons , dont la construction est due à la pieuse
munificence des barons, nos religieux anglo-normands, livrés
à des études communes, n'échangent pas seulement des idées
théologiques. En même temps qu'ils arrachent à la de-
struction les œuvres littéraires de l'antiquité, au moyen de
ces admirables manuscrits qu'ils considèrent comme une de
leurs œuvres les plus méritoires, ils tracent les plans de ces
immenses basiliques dont l'Angleterre et la Normandie
possèdent les types les plus merveilleux , soit qu'ils se dé-
veloppent avec l'ample majesté du plein-cintre , soit qu'ils
s'élancent vers le ciel avec toutes les hardiesse de l'ogive.
« Ce ne sont pas seulement les mêmes architectes qui
élèvent dans les deux pays ces édifices offrant aux antiquaires
de nos jours un sujet d'admiration et d'étude : ils sont
construits avec des matériaux tirés des mêmes carrières.
17 août 1862. 597
C'est avec la pierre de Cacn que Guillaume construit la Tour
de Londres, et que s'éleva plus tard l'église de Westminster.
Dans ces siècles où fleurit l'élude du triviuin et du qua-
drivium , les abbayes anglo-normandes ont réalisé sur une
vaste échelle , comme on le voit , l'idée de ces collèges
internationaux , soumise en ce moment même à l'examen
d'une commission spéciale par un ministre empressé d'ac-
cueillir tout projet offrant un caractère d'utilité ou de
grandeur. Les rapports incessants qui liaient la Normandie
à l'Angleterre furent rendus plus intimes par l'usage de la
langue française, qui avait aussi franchi le détroit avec les
guerriers normands. Les trouvères anglo-normands brillent
à la cour des rois et dans les manoirs féodaux , soit qu'ils
célèbrent les douze pairs de Charlemagne, et en particulier
ce fameux Roland, dont le jongleur Taillefer invoquait le
souvenir à la journée de Hastings, soit qu'ils racontent les
hauts faits des chevaliers de la Table-Ronde , aux exploits
desquels ils donnent pour théâtre, tantôt la Cornouaillc
anglaise, tantôt la Bretagne armoricaine.
« Ce n'est pas seulement dans le domaine religieux , ar-
tistique ou littéraire , que se manifestent les rapports établis
au XIIe. et au XIIIe. siècle entre les deux nations. L'histoire
de leurs relations commerciales attesterait la même récipro-
cité d'échanges. Le savant auteur de Y Histoire des classes
agricoles en Normandie , que nous sommes heureux de
trouver à nos côtés , n'a pas manqué de signaler les traités
spéciaux composés à la même époque en langue française
à l'usage des cultivateurs de l'Angleterre, dont les maisons
pouvaient déjà être considérées comme des fermes modèles.
« Au temps où la Normandie , qui avait été pendant un
siècle et demi le plus beau fleuron de la couronne d'An-
gleterre, fut devenue le plus riche et le plus brillant joyau
de la couronne de France , les deux royaumes étaient par-
598 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
venus à un degré de puissance et de prospérité , qui devait
les placer vis-à-vis l'un de l'autre dans un état permanent
de rivalité et de guerre. Chacun d'eux crut avoir le droit de
prendre le pas sur l'autre ; chacun d'eux, regardant d'un œil
jaloux les accroissements de son rival , ne pouvait manquer
de chercher à établir par la force des armes la prééminence
à laquelle il prétendait.
« Elles furent terribles et sanglantes, sans doute, les luttes
qui s'engagèrent entr'eux ; mais on peut soutenir hardiment
que ce furent ces luttes mêmes qui les forcèrent à déployer
toutes les ressources [de leur génie. 11 y eut pour la France
un jour solennel, le plus douloureux, mais aussi le plus beau
moment de son histoire : ce fut celui où , abandonnée par la
royauté , frappée de démence et livrée à l'étranger par
l'inconcevable impudeur d'une mère dénaturée, elle sentit
qu'elle allait succomber sans retour , si elle ne faisait un
suprême effort. Le doux nom de France , sorti de la bouche
d'une jeune fille des champs, reçut alors une signification
nouvelle. Les provinces, tenues dans l'isolement par le mor-
cellement féodal, se rapprochèrent pour repousser un danger
commun à toutes. Le sentiment de la patrie fit tressaillir tous
les cœurs, et cette unité, à laquelle la monarchie des Ca-
pétiens travaillait avec une patience si persévérante depuis
quatre siècles, se trouva définitivement constituée.
« La philosophie allemande , dont le plus illustre repré-
sentant a trouvé chez l'un des plus zélés organisateurs de
cette fête internationale, un éditeur aussi savant qu'ingénieux,
voulant expliquer comment la personnalité humaine prend
conscience d'elle-même et affirme son existence , établit que
c'est en rencontrant l'obstacle opposé à son libre déve-
loppement par le monde extérieur, que le moi s'affirme et
se pose. C'est ainsi que la France et l'Angleterre se sont
posées et affirmées, le jour où elles se sont trouvées face
17 AOUT 1862. 599
à face, en présence d'un adversaire faisant obstacle à leur
expansion individuelle. C'est là le genre de service que se
rendent deux nations qui, rencontrant dans chacune d'elles
un obstacle, se placent résolument sur l'échiquier du monde,
bien décidées à y conserver leur place. Aux époques où les
vertus guerrières sont l'objet d'un culte exclusif, c'est sur
les champs de bataille que se tranchent toutes ces questions
de prééminence que les progrès de la raison ont heureuse-
ment placées depuis dans une sphère plus élevée. La rivalité
engendra donc la guerre , la guerre avec toutes ses horreurs.
* Occupé de recueillir ici les souvenirs qui nous doivent
rapprocher de nos voisins , je détourne les yeux de cette
longue et désastreuse période. Alors la France et l'Angleterre,
gênées dans ce besoin d'expansion et dans cette fièvre de
progrès qui les sollicitaient , se sont imaginé qu'elles ne
pourraient remplir les destinées glorieuses auxquelles elles
prétendaient que si elles parvenaient à amoindrir, a subjuguer,
à supprimer la puissance rivale. J'insiste sur le résultat final
de leurs luttes gigantesques; c'est qu'elles ont donné l'essor
aux forces productrices des deux pays ; elles les ont forcés
à se créer des ressources puissantes, à s'élever de plus en
plus par le développement du génie qui leur est propre dans
le domaine de la science, des lettres, des arts, de l'industrie :
alors il leur a bien fallu comprendre que la véritable gloire
consistait non pas à s'entre-détruire , mais bien plutôt à
s'unir pour travailler en commun au bonheur de l'humanité,
initiée par elles aux bienfaits de cette civilisation , dont elles
sont justement fières.
'« Au reste, Messieurs, n'oublions pas que, même 'dans
les périodes les plus déplorables de ces luttes acharnées ,
dont le retour n'est plus possible, nos deux pays n'ont cessé
d'être l'un pour l'autre an objet d'étude et de curieuse
sympathie. Les Anglais se promènent dans tout l'univers ,
600 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
mais ne se fixent qu'en France. Les Français, qui voyagent
beaucoup moins, parce qu'ils -ne se trouvent nulle part aussi
bien que chez eux , sans doute , ont cependant toujours fait
exception à l'égard de l'Angleterre. C'est entre les familles
de ces deux contrées que se contractent le plus grand nombre
d'alliances. On pourrait enfin comparer nos deux pays à
ces ennemis intimes que l'on rencontre parfois dans le
inonde , qui ne peuvent se sentir et qui cependant ne
peuvent se quitter.
« C'est aux lettres, c'est aux sciences, c'est au commerce
surtout , à ce grand civilisateur qui a besoin de paix et
d'entente cordiale, qu'il est juste de rapporter tout l'honneur
de ces rapprochements , dont l'influence effacera de plus en
plus le triste souvenir des luttes du passé.
« Mais, pour être transportées sur un autre terrain, les
luttes ne seront ni moins vives , ni moins animées. Entre
deux nations également fières de leur supériorité , également
jalouses de conserver leur part d'influence sur les affaires du
monde, il y aura toujours assaut d'habileté ou d'énergie : et
vraiment , il faudrait regretter qu'il n'en fût pas ainsi ! J'ai
essayé d'indiquer quelques-uns des résultats produits par ce
principe d'émulation qui , chez les nations comme chez les
individus, stimule les efforts et développe le génie. La ci-
vilisation moderne offre à l'exercice de cette rivalité féconde
de nobles champs de bataille, soit dans le vaste domaine de
la science où le génie découvre , en étudiant la nature, ou de
nouvelles lois ou de nouvelles forces dont l'emploi doit
augmenter la puissance ou le bien-être de l'homme; soit dans
ces vastes palais qui portent, écrite au front, cette inscription
magnifique : Exposition universelle ! soit dans ces réunions
diplomatiques où se règlent pacifiquement les destinées des
États ; soit dans ces expéditions maritimes qui portent les
bienfaits de la civilisation , des arts et de l'industrie de
17 AOUT 1862. GUI
l'Europe, chez des peuples plongés encore dans l'ignorance
ou la barbarie ; soit enfin, et surtout, dans ces missions d'un
ordre plus élevé , et qui ont pour objet la diffusion de la
lumière évangélique.
« Puissent les deux nations , dont nous marions au-
jourd'hui les drapeaux dans une fête qui leur est commune ,
travailler ainsi, séparément ou de concert, à développer leur
puissance et à étendre leur influence civilisatrice ! Puissent-
elles surtout cesser de croire que la défiance est une forme
du patriotisme ! Alors indépendantes , quoique amies , et
libres de tout engagement exclusif, elles marcheront chacune
dans la direction que leur assignent leurs dispositions na-
turelles ou les tendances de leur génie modifié par des
institutions politiques et sociales , différentes sans doute et de
caractère et d'origine, mais également admirables et éga-
lement dignes de servir de modèles à celles des autres
nations ! »
Après cette lecture, vivement applaudie, vient une im-
provisation extrêmement intéressante de M. le chevalier de
Rossi : élégant résumé de ses immenses travaux sur onze
mille inscriptions chrétiennes des premiers siècles de notre
ère.
Un volume in-f°. de ces inscriptions que commence à
publier M. de Rossi , et qu'il avait déposé sur le bureau, lit
juger de l'importance de cet ouvrage, et l'orateur fit com-
prendre avec, une clarté remarquable à combien d'aperçus
nouveaux sa publication peut donner lieu au point de vue
de l'histoire.
M. Challe , d'Auxerre, sous-directeur de l'Institut des
provinces, était inscrit pour une lecture, et il prononça
le discours suivant :
602 séance académique internationale.
« Messieurs,
« J'étais loin de m'attendre à l'honneur qui m'est accordé
do prendre la parole dans cette imposante réunion. Venu de
la Bourgogne pour respirer l'air vivifiant et jouir des doux
loisirs de ces belles côtes, je comptais n'assister qu'en curieux
à cette brillante solennité qui n'intéresse pas seulement la
Normandie, mais aussi tous les hommes dont le cœur s'émeut
au souvenir des grands événements de l'histoire nationale.
Ayant vu, toutefois, sur la liste des compagnons de Guillaume-
le-Conquérant j lusieurs noms qui appartiennent à ma pro-
vince, j'ai été invité à expliquer leur présence dans la grande
expédition de l'an 1066, et à dire quelque chose des rapports
qui pouvaient relier alors la Bourgogne avec la Normandie et
l'Angleterre. Malgré la distance qui sépare ces contrées, ces
rapports étaient assez étroits et ils remontaient aux temps les
plus reculés. Au IIe. siècle, Strabon constatait que le com-
merce de la Gaule pratiquait depuis long-temps déjà la ligne
fluviale qui, de la Méditerranée, remonte le Rhône et la Saône,
et, après une lacune d'une trentaine de lieues, de Châlon à
Auxerre, descend à l'Océan par l'Yonne et la Seine. La partie
septentrionale de celte ligne de navigation avait Auxerre pour
port d'embarquement et, pour étapes, Sens, Paris et Rouen.
C'est par cette voie que s'échangeaient les productions du
Midi avec celles du Nord. C'est par là qu'arrivaient d'Angle-
terre les produits des mines de cuivre et d'étain que l'industrie
gauloise mettait en œuvre et que la navigation phocéenne ex-
portait plus loin. Ces relations directes de commerce entre
Auxerre et Rouen se sont prolongées pendant bien des siècles.
Les recherches récemment faites par M. de La Fons de Méli-
cocq, dans les archives du Nord de la France , ont surabon-
damment constaté qu'elles étaient encore très-aclives au XVIe.
siècle et que Rouen était pour toute cette région , comme il
17 août 1862. 603
était pour toute l'Angleterre, l'entrepôt des productions du
Centre et du Midi, en môme temps qu'Auxerre en était le port
d'expédition. Dès les premiers temps, ces relations commer-
ciales en avaient amené d'une autre nature. Au Ve. siècle,
lorsque les contrées situées entre la Seine et la Loire s'unirent ,
sous le nom de Confédération armorique, pour résister à la fois
et aux invasions des peuplades d'outre Rhin et aux exactions du
pouvoir impérial qui ne savait que les épuiser sans les défen-
dre , les deux missions en Angleterre des grands évêques
saint Loup de Troyes et saint Germain d'Auxerre , où les
légendes des moines ne voient qu'un objet purement théolo-
gique, celui de combattre les progrès de l'hérésie de Pelage ,
avaient sans doute un but politique, celui d'une alliance
offensive et défensive ; et l'on voit en effet, dans les récits de
Bède , saint Germain , se rappelant que dans sa jeunesse il
avait commandé les armées , mettre son expérience militaire
au service des Anglo-Saxons pour repousser l'invasion des
clans du Nord (Pictœ et Scoti). La jeunesse des Iles-Britanni-
ques venait chercher alors au centre de la Gaule une éduca-
tion libérale et savante que sa patrie ne pouvait encore lui
donner, C'est à Auxerre et sous les yeux de saint Germain
que fut élevé saint Patrick , l'apôtre de l'Irlande. Ces tradi-
tions durèrent long-temps. Sous Louis -le-Débonnaire, les
écoles du monastère de Sl.-Germain d'Auxerre , illustrées
par Héric , Remy et d'autres savants dont le renom s'éten-
dit dans toute l'Europe , contenaient jusqu'à cinq mille éco-
liers, dont beaucoup étaient venus d'outre-mer. Plus tard
encore Thomas Bccket , après avoir étudié à l'Université de
Bologne, venait, étant déj5 chanoine de St.-Paul de Lon-
dres, compléter 5 Auxerre ses études en droit : ce qui ex-
plique comment, dans son exil, c'est à notre contrée qu'il vint
demander un asile , et comment , un demi-siècle après ,
Edmond , archevêque de Cantorbéry, que nous connaissons
G04 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
sous le nom de saint Edme, vint chercher dans notre célèbre
abbaye de Pontigny un calme refuge contre les turbulentes
agitations de son pays. Le diocèse d'Auxerre était la route que
suivaient constamment, pour se rendre en Italie, les Anglais,
grands touristes dès cette époque, et nos chroniques ont noté
qu'au VIIIe. siècle un de nos évêques, appelé Quintilien, fit
élever dans ses domaines , au point le plus désert et le moins
sûr de cette route, un grand établissement jcomme on n'en
voit plus que dans les Alpes, un hospice, xenodochium ,
exclusivement consacré aux pèlerins de la Grande-Bretagne
qui, se rendant à Rome, avaient à traverser nos vastes forêts
de la Puisaie et du Morvan. Les moines du temps ne voient
là qu'une fondation pieuse. Une habile politique et l'intérêt
du commerce pouvaient bien n"y être pas étrangers. L'Angle-
terre était un précieux débouché pour les vins de la Bourgo-
gne, déjà renommés à cette époque, au dire de nos chroniques.
Les facilités offertes aux voyageurs venus de ce pays tendaient
à populariser chez eux la réputation de nos produits viticoles
qu'ils pouvaient , dans leur station , savourer à loisir. Les
longues invasions des pirates Scandinaves , qui dominèrent si
long-temps le cours de la Seine et de l'Yonne et dévastèrent
tant de villes et de monastères sur leurs rives, apportèrent à
la navigation intérieure et au commerce de longues perturba-
tions, qui ne cessèrent pas pour long-temps après l'installation
définitive de cette nation dans la province de Ncustrie. De
graves événements qui survinrent au commencement du XIe.
siècle , et dans lesquels la race normande prit une grande
part, ruinèrent encore pour une longue période la prospérité
commerciale de la Bourgogne. Le duché de France avec la
royauté et le duché de Bourgogne étaient entre les mains de
deux petits-fils de Roberl-le-Fort.Le duc de Bourgogne, oncle
du roi Robert , mourut sans enfants en léguant ses États au
fils de sa femme, le duc Othon-Guillaume. Son testament fut
M août 1862. 605
repoussé par le roi Robert; et, pour soutenir ses prétentions,
il invoqua l'aide de son beau-frère, le duc de Normandie, qui
lui amena une nombreuse armée (trente mille combattants ) ,
selon Raoul Glabcr, avec laquelle il envabit la Bourgogne.
Les barons et les évêques de cette province étaient loin d'être
d'accord. Les uns se rangèrent du côté du roi. Les autres, en
plus grand nombre, se déclarèrent pour Olhon -Guillaume
et voulurent défendre , contre les Français et les Normands,
l'autonomie de la province. L'évêque d'Àuxerre, fils du
comte de Châlon , homme de guerre et d'église à la fois ,
combattait pour le roi contre ses propres vassaux attachés à
l'autre parti; l'évêque de Langres, parent d'Olhon-Guillaume
et politique consommé , apportait à la cause de ce prince
l'appui de ses conseils et de sa puissante influence. Il s'ensui-
vit une guerre acharnée et dévastatrice qui se prolongea
pendant douze ans entiers, et ne finit que par un compromis
qui partageait entre les deux prétendants les États du dernier
duc en prenant la Saône pour limite, et en laissant au gendre
d'Olhon-Guillaume le Nivernais et l'Auxerrois. Ce fut bien pis
encore quelques temps après, quand le fils aîné du roi leva la
bannière contre lui dans cette contrée dont il réclamait l'apa-
nage; et aussi, après la mort du roi , quand ses deux fils se
disputèrent pendant plusieurs années cette province. Et ,
quand enfin ils s'accordèrent pour la laisser au plus jeune, la
guerre subsista entre les partisans de chacun d'eux; guerre
privée, de baron à baron, de donjon à donjon, qui, se répan-
dant de proche en proche , dépeupla le pays , le couvrit de '
ruines et amena ces horribles famines dont Raoul Glaber a
tracé un si effrayant tableau. On trouve en grand nombre ,
clans nos forêts , des débris de châteaux-forts entourés d'en-
ceintes de fossés. La tradition et les documents écrits sont
muets le plus souvent sur la date de l'écroulement de ces for-
teresses et de la naissance des forets qui les recouvrent et les
tit)6 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
cachent. Sans doute, les invasions des XIVe. et XV. siècles y
sont pour quelque chose ; mais il est vraisemblable que le XIe.
peut en revendiquer une grande part. La Trêve de Dieu sortit
enfin de ces effroyables dévastations. C'est chez nous qu'elle a
pris naissance, et il faut lire dans le chroniqueur que je viens
de citer à quel point ce remède, que l'heureuse influence du
clergé ne comprit qu'après bien des années de résistance,
était nécessaire pour conserver au pays le peu de vie qui lui
restait.
« Quand elle fut définitivement adoptée parles grands feu-
dalaires, et que ceux-ci furent parvenus à l'imposer aux petits
barons et à tous les châtelains, ce qui eut lieu vers l'an 1050,
ceux pour qui la guerre et ses dépendances étaient devenues
une habitude invétérée et un besoin absolu , voyant qu'il
fallait se croiser les bras trois jours la semaine, non compris
les dimanches et fêtes, durent chercher un autre aliment à
leur orageuse activité. C'est précisément alors que survint
l'appel que faisait, à tous les hommes au bras fort et au cou-
rage aventureux , l'héroïque bâtard qui avait pris possession
du duché de Normandie et qui avait résolu d'y ajouter la cou-
ronne d'Angleterre. Sa voix fut entendue avec enthousiasme
par les vassaux de sa race, douée plus que tout autre peuple
de cet esprit d'expansion dont elle a donné tant de preuves,
et qu'elle devait infuser plus tard dans le sang de la nation
anglaise. Elle dut exciter aussi, même dans les contrées loin-
taines , l'ardeur de désœuvrés de la Trêve de Dieu, et surtout
en Bourgogne, où , malgré les troubles publics , la navigation
fluviale entretenait de faciles et régulières communications
avec la Normandie , et où le sort de la guerre venait de
donner des possessions et des établissements à beaucoup de
chevaliers normands , chez qui restaient chers les souvenirs
de la terre natale , et dont les fils devaient s'exalter à l'espoir
de rencontrer en Angleterre ce que leurs pères avaient trouvé
17 AOUT 1862. 607
dans leur nouvelle patrie. C'est ainsi qu'on peut expliquer
comment, parmi les chefs de guerre qui mirent au service de
Guillaume leur valeur, leur expérience des combats et les
bandes qu'ils avaient formées au métier des armes , nous
trouvons Gauthier-le-Bourguignon , Guillaume de Noyers et
plusieurs autres noms qui appartiennent à la Bourgogne.
<( Ces mœurs comme ces temps sont loin de nous. Si nous
aspirons à des conquêtes, elles sont, grâce à Dieu, plus pa-
cifiques. La Bourgogne songe à une invasion , c'est l'invasion
des vins bourguignons, dont l'Angleterre a délaissé l'usage
depuis plus d'un siècle et demi, à la suite des taxes doua-
nières créés comme instrument de guerre contre Louis XIV,
et du traité de commerce avec le Portugal. Elle ne l'a pas
fait impunément. Son caractère national en a été fâcheuse-
ment modifié Nous tenons de M. Cobden que, quand on
voulut dernièrement faire à Londres un recueil de chansons
joyeuses, on fut tout étonné de voir qu'il n'en avait plus été
composé depuis 1720, époque où les vins de Bourgogne
avaient fait place sur les tables anglaises aux vins stupéfiants
de Portugal. Nous venons, en conséquence de faire une grande
démonstration d'ensemble à l'Exposition universelle. Son suc-
cès nous fait espérer de reconquérir bientôt l'estime et l'amour
des gourmets de la vieille Angleterre. Et , pour répondre
à d'autres contrées, nos rivales, qui disent: Prenez nos vins,
parce qu'ils sont froids à l'estomac , nous disons : Prenez les
nôtres , parce qu'ils sont chauds au cœur et vifs à l'esprit :
qu'ils animent le courage et réveillent la verve et la gaîté.
Leur ivresse est légère, décente même et de bonne société,
si l'on en croit ce proverbe militaire du temps passé , que
chantaient encore les mousquetaires au siècle dernier :
Avec Beau ne, Nuits et Auxerre,
Chablis , Monli achet et Tonnerre,
On ne court jamais le dangicr
De passer le gris d'officier.
fi08 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
o Voilà nos projets de conquête ! Et il est douteux que les
bataillons de volontaires, les bâtiments cuirassés, voire même
les nouveaux forts de Porlsmouth arrêtent notre invasion ,
l'invasion de Racchus bourguignon.
« Quant aux descendants de nos cbevaliers du XIe. siècle ,
s'il en existe encore, ils admirent, ils envient peut-être cette
magnifique harmonie de l'Empire britannique que leurs an-
cêtres ont contribué à établir sur des bases inébranlables; cet
heureux accord entre le peuple et l'aristocratie, entre l'ordre
et la liberté, entre le gouvernement du pays par lui-même et
le respect et l'amour du pouvoir royal. Ils étudient avec un
vif intérêt les causes et le mécanisme d'une si salutaire et si
puissante union. En s'éclairant des exemples de cette grande
et intelligente aristocratie anglaise , ils se rapprochent du
peuple pour l'aider et le servir; ils encouragent de leurs
conseils et de leur coopération les progrès de l'agriculture et
de l'industrie; et, comprenant les bienfaits de l'association pa-
cifique de tous les hommes de cœur pour le développement
de la richesse et de la moralité publique par l'étude et le tra-
vail, ils concourent à la fondation des comices, des sociétés
agricoles , des académies scientifiques. Chez nous , en Bour-
gogne, on commence à les trouver à la tête de toutes les in-
stitutions de libre initiative qui tendent à l'émancipation in-
tellectuelle et à l'amélioration matérielle et morale de la
contrée. L'exemple que vous donnez, Messieurs, depuis trente
ans , a porté ses fruits jusque chez nous ; et cette belle et
féconde Association normande , à qui toutes les grandes et
généreuses idées sont familières, qui a tant fait pour impri-
mer un essor plus élevé à l'existence agricole, industrielle ,
artistique et littéraire de cette riche province , et qui donne ,
dans la noble solennité qui nous réunit ici, un nouveau et si
éclatant témoignage de ses incessants efforts pour populariser
la connaissance et le respect des grands souvenirs historiques,
17 AOUT 1862. 609
cette bienfaisante Association nous sert de modèle pour asseoir
sur des bases solides et durables les créations que nous
fondons, afin de rapprocher, éclairer et moraliser toutes les
classes de la société. Et , si je ne craignais de blesser la mo-
destie de votre illustre directeur, je dirais à quel point est
cher et vénéré chez nous son nom en qui se personnifient à
nos yeux l'amour du bien public, l'ardeur incessante du pro-
grès, la science, l'esprit ingénieux et expansif, enfin tout
le génie de la Normandie. »
La parole fut donnée ensuite à M. Julien Travers, qui lut
l'esquisse suivante sur le mouvement intellectuel et artistique
de la Normandie au XIe. siècle :
« L'invasion des Barbares éteignit presque entièrement en
Europe le flambeau des sciences , des lettres et des arts ; le
Xe. siècle fut une nuit profonde pour l'esprit humain ; le XIe.
fut une aurore.
<i D'où vinrent les premières lueurs de ce jour qui n'a cessé
de grandir? De plus d'un côté, sans doute, et ce n'est pas ici
le lieu de scruter tous les points de l'horizon d'où se déga-
gèrent peu à peu quelques clartés. Nous voulons seulement
indiquer la part qu'eut dans ce grand mouvement la province
de Normandie.
« On sait quelles furent les incursions danoises sur nos côtes,
et comment, en montant , ces marées d'hommes couvrirent
notre contrée et n'eurent pas de reflux. Le pays était beau, le
climat assez doux , le sol riche et fécond ; il tenta les pirates
qui s'y établirent.
« Mais cette race du Nord n'était pas seulement active, auda-
cieuse et guerrière: elle avait de l'intelligence; elle se mon-
trait sensible aux éloges des poètes; elle aimait les contro-
verses des théologiens, les subtilités des philosophes, les
39
610 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
récits grossiers encore et légendaires des historiens , les
conceptions grandioses d'architectes pleins de génie.
« La seconde moitié du XIe. siècle ouvrit aux instincts de la
race normande et à ses aptitudes une large carrière dans la-
quelle elle s'engagea d'un pas ferme et hardi, au grand éton-
nement du monde illettré. La bataille de Hastings prouvait
une fois de plus la bravoure de nos aïeux ; mais cette victoire
n'est un événement mémorable que par ses conséquences ,
que par l'organisation politique et civile de l'Angleterre, que
par l'impulsion donnée à l'esprit humain dans, toutes les
directions.
n Guillaume-le-Conquérantnefut pas l'auteur d'une légis-
lation complètement nouvelle : la féodalité tressait, depuis
Louis-le-Débonnaire, le filet immense où elle devait enserrer
l'Europe. Guillaume ajouta des mailles, en resserra le tissu ,
et se montra, soit par défiance, soit par sentiment des be-
soins du temps, un habile et puissant organisateur. Il fit droit
en apparence aux réclamations des provinces , il ne demanda
pas mieux que de reconnaître leurs coutumes, il leur laissa
volontiers les lois de leur roi Edward; mais il soumit au joug
de sa volonté les divergences de ces lois et de ces coutumes ,
et chercha à donner un intérêt central à tous les intérêts
privés.
« De 1080 à 1086, « Guillaume, dit Augustin Thierry, fit
faire une grande enquête territoriale , et dresser un registre
universel de toutes les mutations de propriété opérées en An-
gleterre par la conquête; il voulut savoir en quelles mains,
dans toute l'étendue du pays , avaient passé les domaines des
Saxons , et combien d'entre eux gardaient encore leurs héri-
tages, par suite de traités particuliers conclus avec lui-même
ou avec ses chefs; combien dans chaque domaine rural, il y
avait d'arpents de terre ; quel nombre d'arpents pouvait suffire
à l'entretien d'un homme d'armes, et quel était le nombre de
17 août 1862. 614
ces derniers dans chaque province ou comté d'Angleterre ; à
quelle somme montait en gros le produit des cités, des villes,
des bourgades, des hameaux; quelle était exactement la pro-
priété de chaque comte, baron , chevalier , sergent d'armes ;
combien chacun avait de terres , de gens ayant fiefs sur ses
terres, de Saxons, d'animaux, de charrues.
u Ce chef-d'œuvre d'investigation administrative, consigné
très-aulheiuiquement dans un registre célèbre , s'appela le
Grand-Rôle, le Rôle royal, le Rôle de Winchester, parce qu'on
le conservait dans la cathédrale de cette cité; le Grand-Terrier \
vrai modèle de cadastre uniforme ; enfin le Livre du dernier
Jugement, le Doomsdaxj-Book , comme le nommèrent les
Saxons, «parce qu'il contenait, dit l'historien, leur sentence
d'expropriation. »
«On sait les tendances d'Augustin Thierry , et sa partialité
pour les vaincus. Il ne voit, dans la forte organisation du
royaume par le vainqueur, qu'un simple résultat d'une posi-
tion spéciale que, « la nécessité d'établir un ordre quelconque
dans le chaos de la conquête. » 11 nous semble, à nous comme
à bien d'autres , que le génie administratif se montre au plus
haut degré dans le réseau de cet établissement vaste et com-
pliqué, admiré par des écrivains aussi graves et moins pré-
venus qu'Augustin Thierry. Cet historien si recommandable
avait-il oublié que l'ordre est le premier besoin des États ?
« En même temps que tout s'unifiait par les lois, tout se
régénérait par la culture des lettres , des sciences et des arts.
Un de ces derniers surtout, l'architecture, bâtissait de somp-
tueux palais et de splendides basiliques. Or, l'architecture
n'est pas un art isolé: elle suppose des connaissances assez
étendues en mathématiques; elle demande des artistes de
genres différents pour l'embellissement et la décoration des
églises. Orderic Vital parle d'Odon , habile orfèvre normand,
qui fut chargé par.Guillaume-le-Roux d'orner le mausolée du
612 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
roi son père , et Odon sans doute fit école. — Les vignettes
de certains manuscrits du XIe. siècle n'ont pas le fini de celles
du XIIIe. et du XIVe.; mais elles ont des rapports évidents
avec le dessin des colonnes , avec les bas-reliefs , avec une
foule de détails dus au génie des architectes. La perfection
d'un art a fait faire à d'autres des efforts féconds en résultats,
et la musique elle-même , facilitée par les clefs qu'avait ré-
cemment découvertes Gui d'Arrezzo , prit un essor que se-
conda l'introduction des orgues dans les basiliques des grands
monastères.
« La musique, naturel accompagnement de paroles mesurées,
ne se cultive guère sans demander des chants à la poésie , et
notre poésie au berceau, bégayant à peine une langue informe,
implorait avec raison le secours des instruments pour adoucir
ses aspérités et se rapprocher d'un semblant d'harmonie.
Jusque-là elle avait eu plus d'audace que de génie ; elle s'était
essayée dans /le longs poèmes , dans les chansons de geste ,
comme dans les compositions courtes et variées des jon-
gleurs, des troubadours et des trouvères. Généralement
elle avait été rude et sans grâce ; souvent même , infidèle
à la prosodie , elle n'avait suivi que le caprice d'une oreille
peu sensible ou mal exercée. Les appels en vers pour les
tournois, les aventures auxquelles ces tournois donnèrent
lieu et que rimèrent les versificateurs; le désir de charmer les
dames qui distribuaient les récompenses ; d'autres causes
encore, comme l'honneur acquis dans ce genre de succès,
honneur obtenu par les chantres nomades et qu'enviaient, que
disputaient les grands seigneurs et les gens d'Église, tels que
Thibaut de Vernon , chanoine de la cathédrale de Rouen ;
d'autres causes encore, comme l'amour du merveilleux, plus
vif, plus impérieux aux âges ignorants et crédules, multi-
plièrent les poètes et par leurs œuvres , qu'inspirait plus ou
moins le désir de plaire, adoucirent et polirent la langue fran-
çaise , et préparèrent de loin ses prodigieuses destinées.
17 août 1862. 613
«Du reste, l'avenir de cette langue pouvait être présagé dès
ces temps reculés. Adoptée a la cour de Guillaume, elle fut
seule , à l'exclusion du latin , employée dans ses lois , seule
parlée dans les tribunaux , seule usitée dans la rédaction des
jugements et des actes publics. Plus tard, les Normands la por-
tèrent en Sicile, en Grèce, en Asie; leurs habitudes passèrent
dans les usages des Croisés, et c'est en français du temps que
furent rédigées les Assises de Jérusalem.
« La poésie est voisine de l'éloquence ; mais l'éloquence ,
comme la poésie, a besoin d'une langue faite et portée à un
certain degré de perfection pour charmer par la finesse, sub-
juguer par l'énergie, toucher par le pathétique et les nuances
du sentiment. Ce qui prouve qu'on tenait à l'art de la parole,
c'est qu'il y avait des maîtres de rhétorique, maîtres peu
sûrs, il est vrai, et qui avaient perdu la tradition des principes
et le goût des modèles.
« Quelque faible direction que pussent donner des professeurs
aussi médiocres, le besoin d'agir sur les esprits et sur les
cœurs était inhérent à l'enseignement de la religion, aux fonc-
tions attachées à l'épiscopat, et des prélats portant leurs idées
et leurs vues au sein des conciles ou d'autres assemblées, et
les prédicateurs , prêtres ou moines , sentaient l'utilité de
l'exercice de la parole , et la plupart se préparaient sérieuse-
ment à l'éloquence de la chaire. On vit, dans notre province,
briller, entr'autres, Hugues, archidiacre de l'églisede Rouen;
Gerold, clerc d'Avranches, qui suivit Guillaume en Angleterre
et s'y distingua par ses sermons; Gilbert, évêque d'Évreux ,
qui fit, aux applaudissements de l'auditoire, l'oraison funèbre
du Conquérant.
« Le XIe. siècle, à la rigueur, ne fut donc point dépourvu
d'éloquence, et cela se comprend : le sentiment, qui est l'âme
de cet art souverain , est toujours avide d'émotions ; la pas-
sion, dans notre cœur, a ses cordes toujours prêtes à répondre
à la main qui sait les toucher.
614 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
« Mais il n'en est pas de l'histoire comme de l'éloquence :
l'éloquence peut être belle, même dans ses écarts; l'histoire
a besoin de calme, de grandes lumières et du sens critique.
« Il faut bien le reconnaître : le sens critique et les grandes
lumières manquaient au moyen-âge. On aimait l'extraordi-
naire, le fabuleux, le surnaturel; on n'apportait point le dis-
cernement nécessaire à l'examen des faits; on tombait, par
ignorance , dans de singulières bévues , et l'on faisait sans art
des récits sans vérité. Aussi les écrivains de cette époque
réussirent-ils mieux dans la légende.
*« Ce qui nous paraît surtout capital dans cette seconde moitié
du XIe. siècle, ce qui nous semble digne de tous les éloges ,
c'est la fondation des grandes écoles, où l'enseignement, élar-
gissant le trivium et le quadrivium trop étroits, fut en quelque
sorte encyclopédique. L'honneur en revient principalement à
deux Italiens qui jouèrent un des premiers rôles politiques
sous Guillaume-le-Conquérant, à Lanfranc et à saint Anselme,
tous deux fameux par leur enseignement, morts tous deux
archevêques de Cantorbéry. Qu'il nous suffise, en terminant
ce court aperçu, de rappeler leurs fondations et leurs leçons
célèbres à l'abbaye du Bec, à Avranches, à St. -Etienne de
Caen ; les voies nouvelles qu'ils ouvrirent à la théologie et à !a
philosophie ; leurs nombreux et illustres disciples , parmi les-
quels on compte des abbés éminents, des évoques, des arche-
vêques, des cardinaux; l'influence heureuse qu'ils exercèrent
sur la rénovation des études en Europe ; l'exemple qu'ils don-
nèrent par leurs controverses, par leurs ouvrages, par la sain-
teté de leur vie , comme par l'élévation de leur esprit et par
l'énergie de leur caractère.
« A ces hommes d'élite doit s'arrêter cette improvisation de
plume, qui a le tort de ne rien apprendre à l'auditoire éclairé
qu'a réuni M. de Caumont dans ce bourg célèbre depuis près
de 800 ans. Cette humble esquisse n'a qu'un but: rappeler
17 AOUT 1862. 615
un passé mémorable, reporter un moment les esprits au mou-
vement intellectuel qui se continue encore de nos jours ,
attacher de plus en plus les Normands à ces glorieux, à ces
impérissables souvenirs. •
Une dernière lecture fut faite par M. de Vigan de Cernières,
membre de l'Association normande , sur la bataille de Crois-
sanville , fait important de nos annales normandes et qui se
passa sur les bords de la Dive.
Inauguration et bénédiction de la Liste.
A deux heures, la séance fut levée; le programme était
rempli, et l'ordre du jour appelait l'Assemblée à l'inau-
guration de la liste de la conquête, inauguration qui était la
cérémonie principale , le grand but de cette mémorable
journée.
L'Assemblée s'est dirigée vers l'église de Dives , où l'inau-
guration du monument allait avoir lieu. En un instant toutes
les places ont été envahies par la foule , et c'est à peine si le
cortège a pu pénétrer dans l'enceinte,
De chaque côté de la porte d'entrée étaient placées deux
grandes oriflammes, portant les armes de la Normandie et
de l'Angleterre.
L'église, comme la salle que nous venions de quitter, était
décorée de ces noms historiques dont se glorifie la France.
Là, nous voyons les armes des d'Harcourt, des Carbonnel,
des Clinchamps.des deVarenne, des Robert de Courson, des
Toustain, des Richard de Courci, des d'Argouges, des d'An-
gerville , des de Héricy , des de Mathan , des Raoul Basset ,
des Geuffroy de Treilli; partout, enfin, des écussons qui rap-
pellent nos grandes gloires normandes. Au-dessus de la
porte d'entrée, à l'intérieur de la nef, est gravée la liste des
616 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE,
17 AOUT 1862. 617
compagnons de Guillaume : elle comporte 475 noms et oc-
cupe plus de 1k mètres carrés.
Nous donnons ici cette liste des personnages qui ont pris
part au grand fait d'armes de 1066, ou qui se sont fixés en
Angleterre à la suite de Guillaume-le-Conquérant ; elle a clé
dressée par M. Léopold Delisle :
Achard.
— d'Ivri.
Aioul.
Ailard de Vaux.
Alain Le Roux.
Amauiï de Dreux.
Anquetil deCberbourg.
Anquelil de Grai.
— de Ros.
Anscoul de Picquigni.
Ansfroi de Cormeilles.
— de Vaiibadon.
Ansger de Monlaigu.
— de Sénarpont.
Ansgot.
— de Ros.
Arnoul d'Ardre.
— de Perci.
— de Hesdiu.
Aubert Greslet.
Aubri de Couci.
— de Ver.
Au vrai Le Breton.
— d'Espagne.
Auvrai de Merleberge.
— de Tanie.
Azor.
Baudoin de Colombières.
— le Flamand,
de Meules.
Bérenger Giffard.
— de Toeni.
Bernard d'Alcnçon.
— du Neufmarché.
— Pancevolt.
— de Saint Ouen.
Bertran de Verdun.
Beuselin de Dive.
Bigot de Loges.
Carbonnel.
David d'Argentan.
Dreu de La Beuvrière.
— de Montaigu.
Durand Malet.
Écouland.
Engenouf de L'Aigle.
Enguerrand de Raimbeaucourt.
Erneis de Buron.
Etienne de Fontenai.
Eude , comte de Champagne.
— évoque de Bayeux.
— Cul de Loup.
— Le Flamand.
— de Fourneaux.
Eude Le Sénéchal.
Eustache, comte de Boulogne.
Foucher de Paris.
Fouque de Lisors.
— d'Appeville.
— Le Bourguignon,
de Caen.
— de Claville.
— de Douai.
— Giffard.
Gautier de Grancourt.
— Hachet.
— Heusé.
— d'Incourt.
— de Laci.
— de Mucedent.
— d'OmonUille.
— de Risbou.
— de Saint-Valeri.
— Tire!.
— de Vernon.
Geoffroi Alselin.
— Bainard.
— du Bec.
— de Cambrai.
— de La Guierche.
618
SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
Geoffroi Le Maréchal.
— de Mandèville.
— Martel.
— Manrouard.
— de Monterai.
— comte du Perche.
— de Pierrepont.
— de Ros.
— de Runeville.
— Talbot.
— de Tournai.
— de Trelli.
Gerboud Le Flamand.
Gilbert Le Rlond.
deRlosseville.
— de Rretteville.
— de Rudi.
■ — de Colleville.
— de Gand.
— Gibard.
— Malet.
— Maminot.
— Tison.
— de Venables.
— de Wissant.
Girard.
Gonfroi de Cioches.
Gonfroi Mauduit.
Goscelin de Cormeilles.
— de Douai.
— de La Rivière.
Goubert d'Aufai.
— de Beau vais.
Gucrnon de Pois.
Gui de Craon.
— de Raimbeaucourt.
— de Rainecourt.
Guillaume Alis.
— d'AnslevilIe.
— L'Archer.
— d'Arqués.
— d'Aurtrieu.
— de L'Aune.
— Basset.
— Belet.
— de Reaufou.
— Rertran.
— de Bi ville.
— Le Blond.
— Bonvaiet.
— du Bosc.
— du Bosc Roard.
— de Bourneville.
Gui!laurae.de Brai.
— de Briouse.
— de Bursigni.
— de Cahaignes.
— de Cailli.
— de Cairon.
— Cardon.
— de Carnet,
— de Castillon.
— de Coaucé.
— La Chèvre.
— de Colleville.
— Corbon.
— de Daumerai.
— Le Despensier.
— de Durville.
— d'Écouis.
— Espec.
— d'Eu.
— comte d'Évreux.
— de Falaise.
— de Fécamp.
— Folet.
— de La Forêt.
— de Fougères.
— Froissait.
— Goulaflïe.
— de Lêtre.
— de Loucelles.
— Louvet.
— Malet.
— de Malleville.
— de La Mare.
— Maubenc.
— Mauduit.
— de Moion.
— de Monceaux.
— de Noyers.
— fils d'Osberne.
— Pantoul.
— de Parthenai.
— Péché.
— de Pcici.
— Pevrel.
— de Picquigni.
— Poignant.
— de Poillei.
— Le Poitevin.
— de Pont-de-i'Archc.
— Quesnel.
— de Reviens.
— de Sept Meules.
— Taillebois.
17 AOUT 1862.
619
Guillaume deTocni.
— de ValieviJJe.
— de Vauville.
— de Ver.
— de Vesli.
— du Warennc.
Guimond de Blangi.
— de Tessel.
Guineboiid de Balon.
Guinemar Le Flamand.
Hamelin de Balon,
Ha mon Le Sénéchal.
Hardouin d'Écalles.
Hascouf Musard.
Henri de Beau m on t.
— de Ferrières.
Herman de Dreux.
Hervé Le Berruier.
— d'Espagne.
— d'Hélion.
Honfroi d'Ansleville.
— de Biville.
— de Bobon.
— de Carlerel.
— de Culai.
— de lTle.
— du Tilleul.
— Vis-de-Loup.
Huard de Venion.
Hubert de Mont Canisi.
— de Port.
Hugue L'Ane.
— d'Avranches.
— de Beauchamp.
— de Berniùres.
— de Bois Hébert.
— de Bolbec.
— ■ Bourdet.
— de Brébeuf.
— de Corbon.
— de Dol.
— Le Flamand.
— de Gonrnai.
— de Grenlemesnil.
— de Hodenc.
— de Hotot.
— d'Ivri.
— deLaci.
— de Maci.
— Maminot.
— de iWanneville.
— ■ de La Mare.
— Maulravers.
Hugue de Mobcc.
— de Montfort.
— de Montgomeri.
— Musard.
— de Port.
— de Rennes.
— de Saint Quentin.
— Silvestre.
— de Vesli.
— de Vi ville.
Ibert de Laci.
— de Toeni.
Ive Taillebois.
— de Vesci.
Josce Le Flamand.
Juhel de Toeni.
Laudri.
Lanfranc.
Mathieu de Morlagne.
Manger de Carteret.
Maurin de Caen.
Mile Crespin.
Murdac.
Néel d'Anbigny.
— de Berville.
— Fossard.
— de Gournai.
Néel de Muneville.
Normand d'Adreci.
Osberne d'Arqués.
— du Breuil.
— d'En.
— Giffard.
— Pastforeire.
— du Quesnay.
— du Saussai.
— de Wanci.
Osmond.
Osmond de Vaubadon.
Ours d'Abbelot.
— de Berchères.
Picot.
Pierre de Valognes.
Rallier d'Avre.
Raoul d'Aunou.
— Baignard.
— de Bans.
— de Bapaumes.
— Basscl.
— de Beaufou.
— de Bernai.
— Blouet.
— Botin.
620
SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
Raoul de La Bruière.
— de Chartres.
— de Colombières.
— de Conteville.
— de Courbépine.
— L'Estournii.
— de Fougères.
— Framan.
■ — de Gael.
— de Hauville.
— du l'Ile.
— de Languetot.
— de Limesi.
— » de Marci.
— de Mortemer.
— de Noron.
— d'Ouilli.
— Painel.
— Pinel.
— Pipin.
— de La Pommeraie.
— du Quesnai.
— de Saint Sanson.
— du Saussai.
— de Savigni.
— Taillebois.
— du Theil.
— de Toeni.
— deTourlaville.
— de Tourneville.
— Trancliard.
— fils d'il nspac.
— Vis-de-Loup.
Ravenot.
Renaud de Bailleul.
— Croc.
— de Pierrepont.
— de Sainte Hélène.
— de Torteval.
Renier de Brimou.
Renouf de Colombelies.
— Flambard.
— Pevrel.
— de Saint Waleri.
— de Vaubadon.
Richard Basset.
— de Beau mais.
— de Bien faite.
— de Bondeville.
— de Courci.
— d'Engagne.
— L'Estourrui.
— Fresle,
Richard de Meri.
— de Neuville.
— Poignant.
— de Reviers.
— de Sacquenville.
— de Saint Clair.
— de Sourdeval.
— Talbot.
— de Vatteville.
— de Vernon.
Richer d'Antleli.
Robert d'Armentières.
— d'Auberville.
— d'Aumale.
— de Barbes.
— Le Bastard.
— de Beaumont.
— Le Blond.
— Blouet.
— Bourdet.
— de Brix.
— de Buci.
— de Chandos.
— Corbet.
— de Courçon.
— " Cruel.
— Le Despensier.
— comte d'Eu.
— Fromentin.
— fils de Geroud.
— de Glanville.
— Guernon.
— de Harcourt.
— de Lorz.
— Malet.
— comte de Meulan.
— de Montbrai.
— de Montfort.
— comte de Mortain.
— des Moutiers.
— Murdac.
_ d'Ouilli.
— de Pierrepont.
— de Pontchardon,
— de Rhuddlan.
— de Romenel.
— de Saint Léger.
— de Thaon.
— de Toeni.
— de Vatteville.
— des Vaux.
— de Veci.
— de Vesli.
17 AOUT 1862.
621
Robert de Villon.
— de Vitot.
Roger d'Abernon.
— Arundel.
— d'Auberville.
— de Beaumont.
— Bigot.
— Boissel.
— de Bosc Normand.
— de Bosc Roard.
— de Breteuil.
— de Bulli.
— de Carteret.
— de Chandos.
— Corbet.
— de Courcelles.
— d'Évreux.
— d'ivry.
— de Laci.
— de Lisieux.
— de Meules.
— de Montgommeri.
— de Moyaux.
— de Mussegros.
— de Oistrehara.
— d'Orbec.
— Picot.
— de Pistres.
— Le Poitevin.
— de Rames.
— de Saint Germain.
— de Sommeri.
Ruaud l'Adoubé.
Sanson.
Seri d'Auberville.
Serlon de Burci.
— de Ros.
Sigar de Ciocbes.
Simon de Senlis.
Thierri Pointel.
Tihel de Hérion.
Toustain.
— de Guéron.
— de Sainte Hélène.
— fils de Rou.
— Manlel.
— Tinel.
Turold.
— de Grenteville.
— de Papelion.
Vauquelin de Rosai.
Vital.
Wadard.
D'Auvrecher d'Angerville.
De Bailleul.
De Briqueville.
Daniel.
Bavent.
De Clinchamps.
De Courcy.
Le Vicomte.
De Tournebut.
De ïilly.
Danneville.
D'Argouges.
D'Auvay.
De Canouville.
De Cussy.
De Fribois.
D'Héricy.
D'Houdelot.
De Mathan.
De Montfiquet.
D'Orglande.
Du Merle.
De Saint Germain.
De Sainte Marie d'Aignaux.
De Touchet.
De Venois.
Aussitôt après l'arrivée du cortège , M. l'abbé Rivière ,
vicaire-général , est monté en chaire et a exprimé , au nom
de Mgr. l'Évêque , tous les regrets du vénérable prélat de
n'avoir pu se rendre à cette imposante cérémonie. Il a dit
combien il s'associait à la gloire qui entoure les compagnons
de Guillaume-le-Conquérant. Prenant pour texte ces mots:
Gaîtdeie, quia nomina vestra scripta sunt in cœlo, M. l'abbé
622 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
Rivière a expliqué le motif pour lequel l'Église venait con-
sacrer cette cérémonie , dont il a fait ressortir le touchant
caractère. Il a terminé en faisant appel à la générosité de
l'Assemblée pour permettre de faire des réparations au mo-
nument religieux , dépositaire de celui destiné à perpétuer le
souvenir d'une grande époque.
Après le discours de M. l'abbé Rivière , M. l'abbé Le
Petit, secrétaire-général de la Société française d'archéologie,
entouré d'un nombreux clergé, s'est rendu près de la porte
principale , et a procédé aux cérémonies d'usage. Une dépu-
tation composée de M. de Caumont, de M. le général de
Courson, de M. le comte d'Angerville, de M. de la Chouquais,
de M. Boulatignier, de M. Théry, et de M. Léopold Delisle ,
suivait le clergé. Cette partie de la cérémonie terminée , un
Domine salvum solennel a été chanté par les Sociétés chorales
de Dozulé, de Bayeux, et les Céciliens de Caen, sous la direc-
tion de M. A. Cariez; puis, les Orphéons ont chanté d'une
manière fort remarquable une cantate, composée pour la cir-
constance, dont les paroles sont dues à M. Charles Malo , et
la composition musicale à M. Jules Cariez. Pendant toute la
cérémonie, la bonne musique du 33e. a fait entendre de
graves morceaux , parmi lesquels on a surtout remarqué le
Trovaiore.
A cinq heures, la fouis reprit la direction de Dives,
et les invités allèrent s'asseoir autour d'une immense table
splendidement servie dans l'intérieur de la halle. Près de 200
convives étaient présents , parmi lesquels nous citerons :
M. Challe, d'Auxerre ; M. le duc d'Harcourt, ministre pléni-
potentiaire; M. de Brébisson, M. Choisy, délégués de Falaise;
M. Leguay , maire de Falaise , membre du Conseil général ;
M. le baron de Surval, de Quesnay; M. Saint-Jean, de Bret-
teville, maire, membre du Conseil général; M. ïoutain ,
maire de Sr.-Pierre-sur-Dive; M. le général Creully, délégué
17 AOUT 1862. 623
de la Société impériale des Antiquaires de France; M. Le-
court, de Pont-1'Évêque ; M. le comte de Saint-Paterne,
d'Alençon; M. de Liesville, de Pierrefitte ; M. Le Ilarivel-
Durocher, sculpteur; M. Achard de Vacognes, de Bayeux;
M. Lambert, conservateur de la bibliothèque de Bayeux;
M. Georges Villers, adjoint au maire de cette ville; M. le
vicomte de Toustain , maire de Vaux-sur-Aure ; M. le mar-
quis Arthur de Fournès , de l'Institut des provinces ; M. le
comte du Manoir, maire de Juaye ; M. Daufresne, membre
du Conseil général ; M. de Chênedollé, de Vire; M. Isidore
Cantrel, secrétaire de la Société de Vire; M. Danne, rece-
veur des Contributions directes; M. le marquis d'Aigneaux,
de File-Marie ; M. Luard , maire de Honfleur , membre du
Conseil général ; M. le prince valaque de Handjéry , de Li-
sieux ; M. Prétavoine , maire de Louviers , membre de l'In-
stitut des provinces; M. Renault, avocat , premier adjoint de
Louviers ; M. Paris d'Illins, maire de Villers-sur-Mer ; 31. de
Witt, membre du Conseil général, gendre de M. Guizot ;
1YL le comte d'Angerville, conseiller à la Cour ; M. L. Heltier,
membre du Conseil général ; M. Dansin , professeur d'his-
toire; M. Le Danois, de Paris; M. de Croisilles, président de
la Société Philharmonique du Calvados ; M. de Banville ,
membre du Conseil général de l'Orne; M. le comte de Landal,
d'Ille-et- Vilaine; M. le marquis de Carbounel, d'Avranches,
avec ses deux fds ; M. de Courson , receveur des finances , à
Domfront ; M. d'Herval, maire de Vasouy ; M. de Formigny de
La Londe, M. Duférage, de Caen ; M. Lamotte, architecte, à
Caen; RI. Manoury d'Hectot,de l'Orne ; M. de Franqueville,
ancien conseiller municipal, à Caen; M. Bin-Dupart, membre
de la Société Linnéenne de Normandie ; M. Postel, secrétaire de
la Société de médecine de Caen ; tous ceux que nous avons cités
comme assistant à la séance académique internationale, etc.,
etc. La presse parisienne était représentée par plusieurs de
624 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
ses membres , parmi lesquels nous citerons MM. Pitre-Che-
valier et Heuzé.
Par une attention délicate , les organisateurs du banquet
avaient placé devant chaque invité le menu des mets qui
allaient lui être servis ; au dos de cette carte se trouvait l'ex-
plication de la partie de la Tapisserie de Bayeux qui ornait la
salle. Voici cette explication, qu'on ne lira pas sans intérêt :
e< Au centre du tableau se trouve le duc Guillaume de
« Normandie , assis sur son trône, ayant à sa gauche Odon ,
a évêque de Bayeux. Ils apprennent l'un et l'autre, avec in-
« dignation, que Harold s'est fait proclamer roi des Anglais;
(i ils tiennent conseil et décident qu'une descente aura lieu
« en Angleterre.
« A gauche d'Odon, se lient debout l'ingénieur en chef
« des constructions navales, que le duc et son frère avaient
ci fait appeler et qui reçoit l'ordre de construire immédiate-
ce ment des navires. La figure de cet ingénieur exprime
« l'élonnetnent et la préoccupation que lui inspire la mission
« dont il est chargé. Il porte une hache de la main droite.
« D'un côté du groupe que nous venons de décrire , se
« trouvent des charpentiers : les uns abattent des arbres ; les
« autres rabotent des planches; d'autres, enfin, assemblent
« les pièces des navires , puis les traînent à la mer. A droite
ci du duc, d'autres personnages embarquent des armes et des
« provisions ; un d'eux porte sur son épaule un des petits
ce barils encore en usage dans le Pays-d'Auge pour contenir
ci le cidre; plus loin, les navires mettent à la voile. Cette der-
ci nière partie du tableau paraît tout-à-fait se rapporter au
« départ du port de Dives. »
Au dessert , des toasts ont été portés dans l'ordre où nous
allons les reproduire :
17 août 1861 625
Toast à l*K«îBS!>«*rc»iir, à l'âuniteVatrlcc et à la ISeine d'An-
gleterre, par M. le Maire de Boives.
« A S. M. l'Empereur des Français ! A S. M. l'Impé-
ratrice ! Au Prince Impérial !
« Puisse cette famille, si chère à la France, jouir de tout
le bonheur dont elle est digne, et qui est nécessaire au salut
du pays !
« A S. M. la Reine Victoria î
(( Vive l'Empereur ! »
Toast à B5. le eSacvaliei9 de Kossi, pa;' lï. de Caumont.
« Messieurs ,
« Nous commençons à nous faire vieux, mes amis et moi ;
vieux laboureurs, il nous faudra bientôt cédera d'autres les
manchons de la charrue , et nous léguerons avec confiance à
ceux qui doivent nous succéder la mission de travailler
à l'œuvre que nous avons commencée. Cette œuvre n'a
jamais eu, je crois, pius d'utilité que par le temps qui court.
Le monde qui vient fera bon marché des souvenirs; ce
monde , qui se présente dans le lointain sous une forme
un peu abstraite, fera table rase de bien des choses que
nous aimons et que nous respectons. Je crains même , et
Dieu veuille que ces prévisions n'aient rien de fondé ! je
crains qu'il ne fasse subir à la civilisation moderne une com-
plète transformation.
« Mais, après la tempête, vient le calme : c'est une loi
du monde physique; c'est aussi une loi du monde moral. Use
trouvera toujours des hommes qui recueilleront les épaves
dont le rivage sera couvert après la tempête , et les travaux
historiques ne seront jamais complètement perdus.
G2(i SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
« Vous tous qui devez nous succéder, je vous conjure
donc de travailler avec courage, persévérance et dévoue-
ment; de ne vous laisser intimider ni par les obstacles, ni
par les dangers , s'ils peuvent se rencontrer sur vos pas : les
dangers , d'ailleurs , même dans les temps les plus difficiles,
n'existent que pour les paresseux et pour les lâches.
« Je viens, Messieurs, porter un toast à l'un des hommes
les plus éminents de celte école qui doit nous succéder ,
à M. le chevalier de Rossi , conservateur de la bibliothèque
du Vatican ; à M. de Rossi , dont les profondes connaissances
ont devancé les années, et dont l'Europe admire les savantes
recherches.
« Continuez vos travaux, Monsieur de Rossi; que la vapeur
vous vienne en aide: qu'elle vous transporte, d'un bout à
l'autre de l'Europe , dans toutes ces grandes bibliothèques
dont vous savez si bien exhumer les richesses! Que la va-
peur vous vienne en aide : elle est venue à point pour vous ;
elle est venue un peu tard pour nous. Continuez ce grand
ouvrage dont vous nous avez présenté ce malin le premier
volume, et qui sera un des monuments littéraires les plus
importants du XIX'. siècle !
« Conservez-nous surtout ces trésors épigraphiques et
paléographiques que Sa Sainteté Pie IX a confiés à votre
garde ; conservez-nous ces trésors de Rome , de celte Rome
que les barbares de toutes les époques ont convoitée , et que
notre généreuse France protège encore , à l'heure qu'il est ,
contre leurs atteintes.
« A vous , Monsieur de Rossi , dont l'Italie savante est
fière, et que nous sommes fiers , nous, de voir aujourd'hui
prendre part à ce banquet fraternel et international ! »
(Applaudissements prolongés. )
17 août 1862. 027
Kcponse de SI. le chevalier tic Etossi.
« Je remercie M. le vicomte de Caumont des paroles irop
honorables pour moi qu'il a bien voulu m'adresser. Je suis
fier de représenter, dans cette réunion d'élite, ma patrie qui
est la patrie de tous ceux qui aiment les sciences, les arts ,
la vraie civilisation. La ville éternelle est, à uu titre encore
plus spécial, la patrie de ceux qui cultivent les études de
l'antiquité, dont elle est la plus majestueuse dépositaire. Elle
est surtout la patrie des Français, qui, continuant les grandes
traditions du grand héros de la chrétienté, Charlemagne, la
sauvegardent et la protègent contre toute attaque , contre
tout danger.
« Au nom donc de Rome, honneur à la France, fille aînée
de l'Église ! honneur à la France savante ! honneur à cette
illustre Société , qui , animée par le zèle et l'activité inces-
sante, depuis trente ans, de son renommé fondateur, main-
tient et vivifie dans toute l'étendue de votre beau pays, et
bien au-delà de ses limites , le goût des monuments , le soin
de leur conservation , l'étude de leur importance historique
et artistique ! »
Toast à XI. Léopold Delisle , par M. de Catimouf.
« Nous fêlons aujourd'hui le souvenir de ceux qui , au
XIe. sièc!e , ont exécuté une grande entreprise , entreprise
dont le succès a contribué , plus qu'on ne le croit peut-être ,
au progrès de la société des XIe. et XIIe. siècles. Cette pensée,
qui nous réunit sous un édifice noirci par le temps, m'autorise
à vous demander un souvenir pour d'autres Normands, pour
628 SÉANŒ ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
tous ceux qui , durant la longue période du moyen-âge et
à notre époque, ont travaillé avec courage aux progrès de la
civilisation, des arts, des lettres, de la richesse et de la
prospérité publiques. \ous avez déjà, ce matin, accueilli les
propositions que j'ai eu l'honneur de vous soumettre à ce
sujet.
« La liste en sera longue, et un jour, je l'espère, nous
trouverons une place pour ce livre d'or sur un monument
public de la ville de Rouen.
<( En attendant que le tableau soit complet , je prends
le dernier anneau de la chaîne qui unit le présent au passé ,
et je porte un toast à notre jeune et savant compatriote,
M. Léopold Delislc, que son talent, son travail opiniâtre, sa
judicieuse critique et sa science profonde ont placé à la tête
de l'école historique de France ; à M. Léopold Delisle ,
l'auteur de V Histoire de ïagriadture en Normandie durant
Le moyen-âge, le courageux explorateur de nos cartulaires ,
celui que 51. Guérard qualifiait de a Catalogue vivant des
manuscrits de la Bibliothèque impériale !
« A M. Léopold Delislc , l'allié des Eurnouf, qui auront
leur place aussi dans le livre d'or de la Normandie; car
cette famille appartient au département de la Manche, qui
la revendique comme une de ses gloires !
« A M. Léopold Delisle , l'auteur de la Liste des com-
pagnons de Guillaume que nous venons d'inaugurer!
« Il était au milieu de nous il y a quelques moments;
forcé de partir avant la fin de cette journée , il n'est pas
moins présent par le cœur et par la pensée à ce banquet
international.
h A M. Léopold Delisle , membre de l'Institut ! »
( Applaudissements.)
17 août 1862. 029
Toast de SI. le tïuc «rilarcour*.
« Messieurs,
« Pcrmellez-moi de prendre ma part de ce brillant sou-
venir de notre Normandie, qu'on peut appeler ici une réunion
de famille. Je réclame à cet effet votre indulgence dont j'ai
besoin : à mon âge, on n'est plus bon à grand'chose! L'ima-
gination , la mémoire nous font défaut. Heureusement le
cœur reste, et le mien est toujours aussi chaud que par le
passé quand il s'agit de notre patrie de France, et surtout de
notre patrie plus intime de Normandie ; car , vous le savez ,
les lieux qui nous ont vus naître ont toujours un charme
indéfinissable , et je suis persuadé qu'un véritable Normand
voit avec plus de plaisir les pommiers de -son pays que les
plus beaux arbres de l'univers !
a Mais, Messieurs, ce n'est pas seulement le sol de la
Normandie qui a droit à notre amour : il est encore rempli
de glorieux souvenirs! Je ne sache pas de nation qui , avec
une population aussi restreinte , ait accompli des faits aussi
extraordinaires. S'ils n'étaient pas attestés par des témoi-
gnages historiques qu'on ne saurait révoquer en doute , on
serait tenté de croire qu'ils ont pris naissance dans les lé-
gendes.
'< Les premiers Normands , avec leurs barques de peaux ,
ont remonté presque toutes nos grandes rivières de France,
et il a tenu à bien peu de chose qu'ils ne s'emparassent
de Paris , ce qui aurait eu lieu probablement sans la bra-
voure de son évêque.
« C'est un normand nommé Rarick qui a donné des
lois à la Russie, et y a fondé une dynastie qui a duré près
d'un siècle !
630 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
« Les Normands ont régné à Naples el en Sicile ; ils se
sont emparés une fois de Rome.
« Tout le monde connaît les exploits de Tancrède de
Hautcville et de ses douze frères.
« Nos ancêtres ont fait souvent trembler la France et,
enfin, ils ont accompli cette fameuse conquête de l'Angle-
terre qui, au contraire de tant d'autres, a survécu aux
conquérants et a été le berceau d'une des plus grandes
nations des temps modernes !
« Certes, ce sont là de glori ux souvenirs !
« Mais, depuis lors, cette situation a subi bien des mé-
tamorpboses! Autres temps, autres mœurs!
« Et , en vérité , nous n'avons pas trop le droit de nous
en plaindre, car il faut le reconnaître: à cette époque, les
droits de l'humanité étaient méconnus ! La guerre était tout,
et le règne de la force était le seul !
« Aussi, quand l'instruction , les lumières, les progrès de
la civilisation eurent percé ce chaos du moyen-âge où
régnaient tant de désordres à côté des vertus les plus hé-
roïques, on commença à reconnaître que si la guerre avait
des agréments pour ceux qui la faisaient, elle en avait fort
peu pour ceux qui étaient obligés de la subir. On vit bientôt
qu'elle était la ruine d'un pays, et qu'en définitive elle finis-
sait par tourner au préjudice des vainqueurs aussi bien que
des vaincus! On mit la guerre au second rang, et toutes les
préoccupations se tournèrent du côté des arts de la paix, de
l'industrie et surtout de l'agriculture, de l'industrie et de
l'agriculture, que Sully a appelées depuis, avec tant de
raison, les mamelles de l'État.
« Les progrès dans ce genre furent d'abord lents, comme
il arrive dans toutes les transformations , et ce n'est guère
qu'à l'époque de 1789 que Cagrictdture commenta à prendre
son essor.
17 AOUT 1862. (VSl
« Quand on lit le voyage si justement célèbre d'Arthur
Young sur l'agriculture en France à celte époque , il est
impossible de n'être pas frappé des progrès qu'elle a faits
depuis !
« Tous les reproches que le célèbre voyageur nous fai-
sait à cette époque ont presque entièrement disparu,
surtout- cet absentéisme des propriétaires à qui il adressait
des paroles si a mères.
« Aujourd'hui , les grands propriétaires tiennent tous à
honneur d'être cultivateurs; ils vont chercher partout dos
instruments agricoles plus perfectionnés , des races d'ani-
maux supérieures; encore un pas, et nous arriverons à la
perfection ! Nous pouvons braver presque partout la concur-
rence ; l'Angleterre elle-même vient chercher chez nous ses
denrées alimentaires !
« L'Angleterre, Messieurs, est une grande nation! mais
elle a les défauts de ses qualités : elle est jalouse et veut do-
miner partout ! On a beau faire, nous n'embrasserons jamais
Les Anglais qu'à moitié , et ils seront toujours nos adver-
saires. Ce qu'il faut aujourd'hui , c'est de faire tourner cet
antagonisme au profit de tout le monde.
« Annibal prétendait qu'on ne pouvait vaincre les Romains
qu'à Rome. Il faut aussi faire la guerre aux Anglais chez
eux, non pas sur les champs de bataille, mais sur les mar-
chés ; non pas avec des canons, mais avec des produits de
l'industrie! Ce sont là de ces guerres qui enrichissent tout
le monde et stimulent au plus haut point l'intelligence!
« Nous avons, à la vérité, beaucoup à faire! N'est-ce
pas un triste spectacle que de voir les nations européennes se
déchirer entr'elles , au lieu d'employer leur supériorité à
civiliser le monde entier , comme il leur serait si facile de
le faire si elles marchaient de concert vers ce but?
« Mais, hélas! au lieu de faire Un si noble emploi de
632 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
leur intelligence, elles emploient tout leur savoir-faire à dé-
trôner le plus doux des hommes , le chef de la chrétienté, et
à maintenir l'intégrité de l'empire ottoman, qui nous a tou-
jours considérés comme des chiens , et nous traiterait encore
de même s'il en avait la force. C'est là , il faut l'avouer,
une singulière manifestation du christianisme, ce qui ne
ressemble gnère à celle de nos ancêtres normands à l'époque
des Croisades !
« Espérons que ces aberrations, qui ne font pas beaucoup
d'honneur aux grandes puissances de l'Europe , auront un
terme !
« Je termine en proposant un toast en l'honneur de notre
digne président, qui, depuis long-temps, emploie son temps,
sa fortune et son grand savoir à introduire chez nous les arts
utiles, et à faire faire des progrès à la science. Je souhaite,
de tout mon co'ur, qu'il puisse remplir long-temps une aussi
honorable mission ! »
( Bravos prolongés.)
Toast giorlû pat* 33. Be comte Fouelier de Careîl.
« Messieurs,
« J'applaudis de tout mon cœur aux nobles paroles de
M. le duc d'Harcourt : il vient de prouver qu'on peut être
tout à la fois un descendant de la conquête et un conserva-
teur libéral, éclairé par l'expérience de son temps.
« Comme lui, Messieurs, je respecte le passé : je suis d'un
œil curieux, dans le récit de vos chroniqueurs et sur cette
toile (1), la trace du vaisseau de Guillaume abordant à travers
(1) La salle était ornée d'une copie de la célèbre Tapisserie de
fiayeux, représentant l'embarquement de Guillaume à Dives.
17 AOUT 18G2. 633
mille obstacles sur la rive anglaise ; j'honore surtout ce grand
souvenir de l'aristocratie normande que la Société française
d'archéologie a voulu rendre plus impérissable encore en gra-
vant sur la pierre les noms des conquérants.
« Mais, Messieurs, si grand que soit le passé, il y a quelque
chose de plus grand encore : c'est ce mystérieux inconnu
qu'on appelle l'avenir, et ce passé que nous célébrons en ce
jour n'a de prix à mes yeux que parce qu'il est l'école du
présent et la préparation de l'avenir.
« Je vous propose donc un toast à l'avenir agricole , in-
dustriel et maritime de la Normandie; et ce toast sera bien
accueilli, je l'espère, parce qu'il résume les principaux élé-
ments de votre grandeur.
« Messieurs, après l'incroyable oppression du monde par
l'Empire romain . tout d'un coup on vil s'élever sous le nom
de Barbares le flot tumultueux de l'invasion , et l'homme du
Nord- apparut dans son indépendance et sa liberté un peu
sauvage que n'avait pas encore adoucie le christianisme. Ces
audacieux fils de Rollon se jouaient sur les flots dans leurs
barques légères; ils se riaient de la tempête, remontaient les
fleuves, démontaient leurs navires quand ils rencontraient un
obstacle et les portaient à dos d'homme ou de cheval. C'est
ainsi qu'ils remontèrent jusqu'à Rouen et s'établirent au
cœur de ce beau pays qui , de leur nom , fut appelé Nor-
mandie. « S'appeler Normand, dit Augustin Thierry, l'Ho-
mère de votre grande épopée, fut d'abord un titre de
noblesse : c'était le signe de la liberté et de la puissance. »
« Messieurs , je ne m'étonne pas que de tels hommes ,
soumis à la rude discipline des mœurs chrétiennes, déjà
pénétrés par l'esprit de la civilisation latine , et rencontrant
enfin dans le bâtard de Uoberi-le-Diable un politique habile,
un chef expérimente , aient été fonder un royaume en An-
634 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
gleterre. Ils étaient poussés par ce flot des invasions qui
étaient comme le reflux de l'humanité opprimée et captive.
L'homme, déplacé de son centre , oscillait , comme le pen-
dule , du midi jusqu'au nord , ou de l'est à l'ouest , et cher-
chait une patrie : novam terram , nova sidéra quœrens. Les
Normands, agités par ce souffle puissant, en proie à ce mou-
vement des migrations , allèrent fonder des empires au nord
et au midi: Guillaume en Angleterre, Robert Guiscard en
Sicile. Ils furent un moment la terreur du monde , l'effroi
et la préoccupation de Charlemagne mourant ; puis, comme
un fleuve débordé rentre dans son lit, apaise ses eaux et se
met à couler tranquille le long de ses rives qu'il féconde , le
grand fleuve normand rentre dans son lit, et ce fut au tour
des Anglais de chercher à envahir la France, qu'ils fatiguèrent
de leurs incursions sans jamais la réduire.
« Le retour de cet âge héroïque de la race normande est-
il probable, est-il désirable? Messieurs, quelques esprits
inquiets paraissent le craindre, et, ce qui m'étonne, ces
frayeurs se sont produites de l'un et de l'autre côtédudétroit ;
mais croient-ils sérieusement à ce retour? Je ne le pense pas.
Le flot des invasions a depuis trop long-temps passé sur 4c
monde désormais assis sur des bases plus stables qu'au temps
de Guillaume. Et ceux qui, simulant une nécessité qui n'est
plus dans l'histoire , poussent les peuples les uns sur les
autres aujourd'hui , succombent par la force même des
choses qui les repousse. Voyez les plus grands capitaines :
ils passent avec leur armée sur le monde, et 7 pieds de terre
les attendent au bout de leur Iliade impossible. Dieu lui-même
semble écrire sur leur tombe : « Il n'est plus temps. »
« Messieurs , on s étonne du succès de Guillaume. Mais
l'invasion normande ne fut pas le caprice d'un homme armé,
ou la vaine promenade d'un conquérant sur le sol d'Albion :
ce fut l'accomplissement des destinées promises à la race nor-
17 AOUT 186-2. 635
mande, la fin dos invasions, le dénouement de celte grande
migration qui avait fait trembler le monde; ce fut, de plus ,
une véritable appropriation du sol et presque l'absorption totale
de la propriété au profit du vainqueur. Ce fut donc bien
moins une conquête qu'un établissement. Le peuple nomade
et voyageur par excellence , l'enfant de l'Aquilon et de la
Tempête se fixait enfin ; l'Angleterre devenait son domaine
et sa ebose : voilà le sens et la portée de l'expédition de
Guillaume.
o Essayer de la refaire , aujourd'hui que ces grandes
migrations des peuples ont cessé pour faire place à l'écou-
lement périodique et régulier du trop plein de notre population
vers des contrées lointaines , ce serait témérité ou folie. Si
les invasions, pour être sérieuses et réelles, doivent dépendre
du surcroît de la population qui cherche forcément une
issue, comme de nouveaux essaims, quelle apparence, quel
symptômes d'invasion peut-il y avoir aujourd'hui dans le
monde? L'économie politique nous démontre que des lois
fixes régissent ce mouvement annuel, qu'il est paisible et
réglé dans son cours , qu'on peut le préciser presque avec
une ligueur mathématique.
« Ce mouvement est toujours, en effet, dans le rapport de
la terre ou des subsistances qu'elle produit avec la population
qui l'habite et qui les consomme. Or , notre accroissement
fie population en France est si faible, qu'il est à celui de
l'Angleterre , dans le rapport de 1 à 5 , c'est-à-dire cinq
fois moindre que celui de la race anglaise : d'où il suit que ,
d'après les plus simples lois de l'économie politique, il y
aurait cinq fois plus de chances pour que nous fussions
envahis par l'Angleterre , qu'il n'y en a pour que nous l'en-
vahissions. Je livre cet argument à M. Cobden : il pourra
lui servir à calmer les terreurs de lord Palmerston.
« Ce qui doit nous rassurer, c'est que l'Angleterre,
636 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE,
toujours avisée et prudente quand il s'agit de ses intérêts ,
trouvera sans doute plus commode de nous inonder de ses
produits, que de nous envoyer ses volontaires et ses rifletnen
et autres denrées d'un difficile placement en France.
« Messieurs, je ne veux pas m'arrêter plus long-temps
à discuter le rêve et la chimère. Il y a des terreurs feintes ,
il y en a de paniques. J'ignore de quel genre est celle qu'en
exploite en ce moment de l'autre côté du détroit, mais il
faut avouer qu'elle est singulière.
« Pour nous, Messieurs, sachons honorer un passé glorieux ,
sans prétendre en refaire jamais l'expérience à nos dépens.
Honorons , dans le passé , la Normandie guerrière , aris-
tocratique et conquérante; mais aimons et saluons dans le
présent cette Normandie agricole, industrielle et maritime
que j'évoquais tout-à-1'heure.
« Tenez, Messieurs, quelle que soit mon admiration pour
les compagnons de Guillaume, je gage que Front-de-Brcuf
et Robert Flambard cultivaient fort mal les terres qu'ils
tenaient de la munificence du Conquérant. Un troupeau de
serfs, courbés sur la glèbe, y faisaient croître un pain trempé
de larmes. Aujourd'hui, Messieurs, je vois, assis à cette
table, des descendants de la conquête: un Harcourt, un
Toustain, un Angerville, qui cultivent fort bien des terres
qu'ils ne doivent qu'à eux-mêmes; je vois d'aimables et
intelligentes châtelaines qui répandent leurs bienfaits autour
d'elles et font aimer le nom des descendants de Guillaume ,
non-seulement dans le passé, mais surtout dans le présent.
:< La Normandie agricole, Messieurs, est la reine de nos
concours et de nos comices. Son char, attelé de bœufs , se
promène chaque année dans notre capitale pendant les fêtes
du moderne Apis ; puis on le voit , attelé de coursiers ra-
pides , parcourir nos hippodromes normands. Eh bien !
Messieurs, croyez-vous que le cheval normand du XIe. siècle,
17 AOUT 1862. 637
celui même qui portait Guillaume à Haslings, pensez-vous
que ce lourd et désagréable animal que vous avez là sous les
yeux, sur l'image de la Tapisserie de Bayeux, eût disputé
avec avantage le prix de la course au galop ou au trot
contre les chevaux de nos éleveurs, les Aumont, les Basly ,
les Montforl, les Laplacc, les Douesnel , les Castillon ,
les Brion , les Forcinal et tant d'autres? Aussi bien, Mes-
sieurs, sous la forte impulsion qu'elle a reçue du général
Fleury, la Normandie agricole peut et doit devenir en peu
d'années le premier marché du monde pour les chevaux ,
sans en excepter l'Angleterre; et c'est là, croyez-le bien, la
seule, la vraie conquête de l'Angleterre par les Normands
au XIXe. siècle.
a Je me trompe, il y en a une autre : l'industrie, qui n'était
pas née au temps de Guillaume, et qui est aujourd'hui si
puissante à Rouen , si florissante à Lisieux ; l'industrie, qui
peut décupler les richesses de votre sol par l'intelligente
application des forces que la nature vous a prodiguées,
vous ménage d'autres luîtes, mais suivies, je l'espère, de
nouveaux triomphes. Et c'est la seule guerre qu'il faille faire
à l'Angleterre.
« Enfin, Messieurs, en face de cette mer aujourd'hui cour-
roucée, mais d'ordinaire si belle, comment oublier votre
principale gloire, cette Normandie maritime qui a laissé
dans l'histoire une trace éclatante ? La Normandie maritime
offre à nos yeux les nouveaux bassins de Cherbourg, le canal
de Caen à la mer, Honfleur ressuscité, et cette population
de marins nourrie aux fatigues du vent et des flots, si digne
de notre sollicitude.
« Mais , Messieurs , pourquoi faut-il qu'il y ait une ombre
à ce tableau ? Ce port de Dives , qui a contenu les 400 vais-
seaux de Guillaume, est aujourd'hui délaissé presque à la
merci de la mer qui, d'un jour à l'autre, peut achever
638 SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE.
l'œuvre de destruction déjà commencée. Espérons que l'ad-
ministration éclairée qui préside aux destinées de ce pays,
et qui a déjà beaucoup fait , fera plus encore et saura pré-
venir ou même arrêter le mal ; que Dives reprendra son
rang parmi les ports , sinon les plus favorisés , du moins les
plus utiles de la côte normande.
« Messieurs ,
« A la Normandie agricole, industrielle et maritime ! »
Toast portië i.ssv S3. le conseiller licnault.
« Messieurs ,
« Les anciens monuments , élevés par la main de nos
pères, révèlent souvent aux villes des titres de gloire qu'elles
peuvent montrer avec un juste et légitime orgueil. Sem-
blables à de glorieuses annales, ils retracent à la mémoire
des populations des faits et des souvenirs qui leur inspirent
des idées de force, de grandeur et de puissance, et qui
réveillent et entretiennent dans les esprits des sentiments
d'un pur et noble patriotisme. Aussi voyons-nous partout les
amis de nos antiquités nationales , qui sont aussi les amis
de la gloire et de l'honneur de leur pays, veiller avec un
soin religieux à la conservation de nos monuments his-
toriques , provoquer en leur faveur la haute bienveillance
et les sympathies de l'autorité , et lutter avec force contre
le mauvais génie de ces hommes qui s'enrichissent de leur
vandalisme et trafiquent même des monuments pleins de
souvenirs que le temps a respectés.
« Permettez , Messieurs , à un enfant de Falaise , élevé
près du berceau de Guillaume-le-Conquérant, et fidèle in-
terprète des sentiments de ses concitoyens et de tous les
M août 1.862. 639
Normands assis à ce banquet international, de porter un
toast à la conservation des ruines encore si imposantes
de la vieille forteresse falaisienne , si riche aussi de sou-
venirs historiques dont plusieurs se rattachent a la grande
manifestation de ce jour.
« Falaise était depuis long-temps déjà une cité florissante,
et occupait en Normandie un rang distingué parmi moult
d'autres bonnes villes et châteaux , lorsqu'un jour, il y a
huit cents ans et plus , elle vit entrer par la grande porte
de son château, dans l'enceinte de sa citadelle escarpée, nous
dit la Chronique dans son naïf langage , une fort belle et
gracieuse pucelle, nommée Ariette , laquelle fut si bien à la
grâce du duc Robert, qu'il la voidut avoir pour amoureuse,
et par ce il la requist affectueusement à son père. De leurs
amours naquit Guillaume , que le duc Robert fit honora-
blement nourrir à Falaise.
<( Ce fut au milieu des gens de guerre, en parcourant
chaque jour ces rochers escarpés , d'une nature si abrupte
et si sauvage , qui environnaient son berceau , que grandit
Guillaume, qu'il apprit à braver les dangers, et acquit ce
caractère audacieux et entreprenant qui fit sa gloire , le
rendit le premier homme de son siècle et immortalisa son
nom.
<• Ce fut sous les murs de sa ville natale que Guillaume
fit ses premières armes en reprenant le château, que le traître
Toustain, qui y commandait pour lui, tentait de livrer au
roi de France.
« Ce fut de son château de Falaise » où il s'était réfugié
pour échapper aux seigneurs du Dessin et du Cotentin, ré-
voltés contre lui , qu'il partit pour aller leur livrer cette
fameuse bataille du Val-ès- Dunes, où les principaux d'entre
eux furent les uns tués et les autres faits prisonniers.
i Ce fut dans son château de Falaise qu'il se prépara à
6M SÉANCE ACADÉMIQUE INTERNATIONALE,
combattre et à vaincre , à Varaville , cette ligue formidable
qu'avaient formée contre lui le roi de France et plusieurs
princes souverains des provinces voisines.
« Ce fut de son château de Falaise qu'il donna rendez-
vous , à Dives , à ces capitaines, à ces barons normands,
dont nous venons de placer les noms, inscrits en lettres d'or,
sous la garde et la protection de l'Église, comme pour rap-
peler les sentiments religieux dont firent preuve, la veille
de la bataille d'Hastings, ceux dont ils retracent le glorieux-
souvenir.
« Plus tard, cette forteresse ne vit-elie pas sous ses murs
Geoffroi d'Anjou, Philippe-Auguste, Henri V d'Angleterre,
Charles VII et Henri IV, si heureux de la prise de la ville et
du château, qu'il s'empressa, par une lettre datée de Falaise,
d'informer de cette victoire la dame de ses pensées , celle
qu'il nommait sa charmante Gabricile ?
« Que de souvenirs historiques se rattachent à celte vieille
forteresse , depuis le jour où elle vit naître ce héros qui ,
dans les champs d'Hastings , échangea si glorieusement son
surnom de Bâtard contre celui de Conquérant, et son manteau
ducal contre la couronne des rois !
« Il ne nous suffit pas de rappeler avec orgueil le passé
de cette forteresse, l'un des plus beaux fleurons de la cou-
ronne des ducs de Normandie ; songeons aussi à son avenir,
songeons à sa conservation. Qu'une glorieuse confraternité
unisse désormais Dives et Falaise; et si l'église de Dives redit
aux siècles à venir les noms des barons normands qui
allèrent à la conquête , que le vieux château de Falaise re-
dise le nom du capitaine qui les conduisit à la victoire.
« Buvons donc, Messieurs, à la conservation du berceau
de Guillaume -le-Conquérant ! »
17 AOUT 1862. fl',1
Toast porté |iai> II. Julien Travert.
Un toast à nos aïeux, aux nobles, aux vilains,
Surtout ù ces derniers dont jamais parchemins,
De duché, de comté, vicomte, baronnage,
D'aucun titre, en un mot, n'ont payé le courage.
C'étaient de braves gens, il en faut convenir;
Car quel temps fut plus dur ?... et nul, nul avenir
Pour ces colons du sol, supputés tant par tête !
A ces inféodés qu'importait la conquête ?
Qu'importait, je vous prie, aux rustres du Bessin ,
Ou le (ils de Robert, ou le fils de Godwin ?
Qui, du saxon Harold,ou du normand Guillaume,
Saurait mieux par le fer s'emparer d'un royaume?
Nos braves restaient serfs, quel que fût le vainqueur.
El pourtant (et c'est là leur éternel honneur) ,
Sans crainte, sans espoir, ils quittaient leur chaumière ;
De leur chef, sans murmure, ils suivaient la bannière,
A ses côtés marchaient, combattaient et mouraient.
Eux aussi, c'était bien un sang pur qu'ils versaient,
Et la guerre égalait le soldat à son maître.
En vain l'orgueil plus tard voulut le méconnaître,
Tous firent leur devoir, tous ! Aux champs de Hastings,
On ne distinguait pas les nobles des vilains.
Honneur ù ces guerriers ! honneur à tous ces braves!
Eh ! parmi leurs aïeux , les rois ont des esclaves ;
' Les esclaves, des rois (1) : la grande extraction
(1) Plato ait neminem regem non ex servis esse oriundum , neminem
non servu m ex regibus. Omuia ista longa varietas mistuit , et sursum deorsum
tortuua versavit... A primo mundi ortu usque in hoc tempus perduxit nos ex
splendidis sordidisque alternala séries... Nemo in nostram gloriam vixit , nec
quod ante nos fuit noslrum est.
M
6/j2 SÉANCE ACADEMIQUE INTERNATIONALE.
Nous vient d'Adam et d'Eve ; en toute nation
Voyez l'arbre fameux, la généalogie ,
Pousser avec vigueur, mourir sans énergie.
Pour son tronc vénérable ayons un saint respect
Sans superstition ; jamais à son aspect
Nous ne devons sentir les terreurs d'un autre àgo.
De l'histoire le temps a retourné la page,
Et la mâle roture a, par de nobles faits,
Couronné fièrement l'éclat du nom français.
Célébrons du passé les splendides victoires,
Guillaume et ses guerriers ; mais nos récentes gloires ,
Mais nos vieux généraux partis jeunes soldats,
Dans ce banquet d'amis , ne les oublions pas.
Buvons , buvons à tous sans souci de la race.
Robert était un duc ; revenant de la chasse,
Il vit Ariette, Ariette était de sang bourgeois ,
Et leur fils, un bâtard, s'assit au rang des rois.
Honte à qui dégénère I honneur à qui fait tige !
Chaque siècle a ses goûts : aujourd'hui le prestige
S'attache aux parvenus, et ne l'est pas qui veut !
Buvons aux aspirants, à qui fait ce qu'il peut ;
A qui, laissant Paris ou les bords de la Dive,
Marche vers un grand but !... souhaitons qu'il arrive.
Buvons à nos héros de tous les temps ; buvons
Au génie accourant de tous les horizons;
Buvons (eu rejetant nos discords politiques)
A la terre, au commerce, aux luîtes pacifiques.
N'allons plus, pour tenir à des droits incertains,
Porter un fer impie au cœur de nos voisins.
Dans tout homme, en tout lieu, reconnaissons un frère:
Buvons à lui, buvons à la paix : plus de guerre !
Buvons (en abjurant de barbares conflits)
A l'union des grands, au bonheur des petits.
17 AOUT 1862. tiVi
Toast de 11. le comte de l'onlenay.
I.
Enfants delà vieille Neustrie ,
Venez , accourez a ma voix ;
C'est la voix de cette patrie
Qui nous nillia tant de fois.
En ce jour célébrons Guillaume
Et tous ses hardis compagnons ;
Jadis, il conquit un royaume,
Soyons ses dignes rejetons.
II.
Dans ces temps de nol 1j mémoire
Où florissaient nos fiers aïeux ,
Tout comme eux, songeons à la gloire,
Mais soyons moins aventureux.
Avec nos voisins d'Angleterre
Que tout vieux levain soit banni,
Et puisse enfin toute la terre
Ne former qu'un Royaume- Uni!
III.
Aujourd'hui, si dans tout l'Empire
On voit surgir autant d'efforts ;
Si de nos poètes la lyre
Retentit des plus doux accords,
(/est qu'au pouvoir le Chef qui brille,
De l'Etat puissant directeur,
Est un noble fils de famille
Dont son oncle est le cixa'eur
fi'l'l SCANCK AC.ADÉY1IOU. I VI l.li.N AïiON AI.F.
Toasf des délégués de l'Angleterre.
Plusieurs personnages considérables de l'Angleterre avaient
annoncé leur arrivée : le mauvais temps les a arrêtés ; mais
l'un d'eux avait envoyé le toast suivant :
« L'événement que vous vous proposez de célébrer est un
de ceux qui doivent être regardés par les Anglais avec le
plus profond intérêt ; car ses conséquences ont exercé une
influence décisive sur leur caractère national. Us lui doivent
plusieurs de leurs qualités distinctives, et celles même dont
notre nation est le plus fière.
n Permettez-moi donc de vous parler de cet événement et
de ses conséquences à un point de vue anglais.
u La race normande était, à ce qu'il semble , particulière-
ment propre, par ses origines, à exercer une influence utile
sur la nation saxonne. Leur histoire à toutes deux prouve
qu'elles étaient d'une égale vigueur, mais avec cette diffé-
rence que les Saxons avaient gardé dans leur séjour insulaire
les mœurs et la langue des Germains , tandis que les Nor-
mands avaient fini, dans leur séjour en France, par se laisser
pénétrer d'une autre influence et par recevoir avec une
langue de souche latine quelque chose de la civilisation ro-
mane. Ils transportèrent ces éléments sur le sol anglais et le
modifièrent profondément par cette nouvelle culture.
« Les rapports intimes de l'Angleterre et des Anglais,
non-seulement avec le nord, mais avec le midi de la France,
dus aux alliances et aux héritages de nos rois normands,
ouvrirent comme autant de canaux à l'introduction de la
civilisation latine et surtout aux principes des lois civiles des
Romains. Vous savez que l'anglais n'est qu'une fusion de la
langue latine avec un dialecte germain.
17 AULl' 1862. 6V">
« Ce ne fut que beaucoup plus lard que les principes de
la liberté saxonne reprirent la suprématie dans les institutions
politiques de l'Angleterre.
« Permettez-moi donc, à l'occasion de celle fête interna-
tionale , de réclamer pour l'Angleterre et de rattacher à ce
grand événement dont vous célébrez le souvenir , le mérite
et la gloire qui nous est échue de former la transition en
Europe entre les races germaine et latine , d'avoir réussi à
combiner les principes de la liberté germanique dans les
institutions politiques avec l'esprit d'ordre et d'équité de la
loi romaine dans les rapports civils, et de posséder dans
notre langue anglaise un instrument de pensée et de discours
qui unit la précision du latin à l'abondance plastique et à la
force des langues germaniques.
« Je ne doute pas et je souhaite que la cérémonie du 17
aoûl obtienne tout le succès que mérite une aussi heureuse
idée, et je m'associe cordialement , comme Anglais, à cette
fête internationale. »
Cette remarquable appréciai ion des faits et des choses clôt
dignement les loasts successivement portés au banquet
international de Dires.
Des remercîments mérités furent adressés à MM. les com-
missaires qui avaient organisé les transports et présidé à tous
les préparatifs du banquet, à MM. de Formignyde La Lotuic,
Du Férage , et Le Blanc, qui, dans d'autres circonstances,
ont donné déjà tant de preuves de leur dévouement et de
leur habileté.
Vers 9 heures et demie, les voitures commencèrent à re-
prendre la direction de Caen, et déjà on était loin de Dives
et de sa joyeuse population , lorsque tout à coup l'horizon ,
venant à s'éclaircir, fit apparaître une pluie lumineuse.
C'était un feu d'artifice tiré du promontoire dominant le
^ port de Dives, où, à côté du monument érigé en 1861 par
C46 SÉANCES GÉNÉRALES TENUES A APT.
M. de Caumont , se trouve une charmante habitation de
M. Foueher de Careil , et d'où les gerbes étinccîaales appre-
naient a tous les environs , jusqu'au Havre même , que la
belle fête donnée à propos de l'inauguration de la liste des
compagnons de Guillaume-!e-Conquérant était terminée.
Le Secrétaire de la séance académique internationale,
J. Tkavers.
SEANCES GÉNÉRALES
Teisces a APT l Y AU GLU SE,).
En septembre 1862 , d'importantes séances générales ont
été tenues à Apt par la Société.
Elles avaient été préparées par MM. Houx , Berlue de
Pérussis , inspecteur divisionnaire , et par M. Valèrc Martin,
inspecteur du département.
Le résumé de ces réunions va être publié à Marseille par
la Société de statistique des Btiuchcs-du-Rhùnc.
TABLE DES MATIERES,
Liste générale des Membres v
Compte de M. le Trésorier mi
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
XXIX'". SESSION
( à saumur 1862).
Séance d'ouverture. Présidence de M. Louvet, maire de Saumur. 1
Liste générale des membres qui ont pris part au Congrès. . . Id.
Composition du Bureau U
Allocution de M. Louvet à l'ouverture de la séance .... 5
Réponse de M. de Caumonl 6
Ouvrages offerts au Congrès 8
Analyse de plusieurs communications parvenues à M. de
Caumont 9
Rapport de M. Godard-Faultrier en réponse aux deux ques-
tions suivantes :
Présenter le tableau des [voies romaines de l'Anjou et des
contrées voisines.
Indiquer, sur une carte, la position de toutes les localités
de la même région dans lesquelles des substructîons ont
été observées.
Arrondissements d'Angers, — de Baugé, — de Cholel , —
de Saumur, de Scgré. — Stations Robrica , — Comba-
ristum, — Segora. — Voies de Juliomagus à C;esaro-
dunum, — de Juliomago à Condate, à Portu-Nannetu, à
Lemuno et à Subdinum, — d'Angers à Jublains. — Voies
d'Angers à Tours, à Rennes, à Nantes, à Poitiers, au
Mans, à Jublains. — Voies partielles sur les arrondisse-
ments de Cholet , de Baugé , de Segré. — Discussion de
la position des trois stations Segora, Combaristum et
Robrica 10
Autres observations sur le même sujet. 2i
O/iS TABLE.
1". Séance du 2 juin. — Présidence de M. le vicomte de Ge-
nouilhac 26
Communications diverses Jd,
Rapport de M. Godard-Faultrier en réponse à la question
ainsi conçue :
Quels sont les vestiges des constructions gallo-romaines les
plus importantes? En présenter des plans mesurés.
Amphithéâtre. — Capitole. — Enceinte gallo-romaine d'An-
gers.— Bains. — Statuette antique. — Camp de César en
Frémur, près d'Angers. — Camp de la Segourie, arron-
dissement de Cholet, commune de Fief-Sauvin. — Camp
de Chenehutte, arrondissement de Saumur 27
Mémoire de M. Godard-Faultrier en réponse à cette
question :
En quoi consistent les monuments épigraphiques de l'époque
romaine dans le pays? 58
NTote de M. Dupuis sur les inscriptions gallo-romaines du
musée d'Orléans 71
Anciens ponts sur la Loire vers le milieu de son cours. ... 73
Note de M. l'abbé Lacurie sur les nouvelles acquisitions du
Musée lapidaire de Saintes 7i
Renseignements donnés par M. le commandant Prévost sur le
château de Saumur 76
Note de M. Prévost sur l'origine et la nature des murs
vitrifiés 77
2'. Séance du 2 juin. — Présidence de M. de La Prairie. ... 84
Rapport de M. Aubertin. sur les antiquités de l'?rrondissement
de Beaune 85
Rapport de M. Godard-Faultrier en réponse à la question rela-
tive aux tombeaux gallo-romains trouvés dans la contrée.
Deux classes : !•• celle des urnes; 2*. celle des cercueils
en plomb. — Lampes sépulcrales. — Buste et statuettes. 89
Communications sur le même sujet 106
Réponse à cette question :
A-t-on trouvé, dans la région, des églises autres que celles
signalées depuis long-temps par M. de Cautnont , qui
puissent remonter à l'époque mérovingienne ou cailo-
vingienne? 109
TABLE. 649
Communications diverses sur les caractères de l'architec-
ture et de la sculpture mérovingiennes 111
Communication de M. de Caumont sur les recherches
qu'il poursuit relativement à l'histoire de l'art à
l'époque mérovingienne 116
Quelques mots sur une tète d'ange en plâtre provenant de
la chapelle StvCroix, à Leiches 119
3 juin. — Visite à Chenehutte , St.-Macè, Trêves, Gennes ,
Cunautt et St.-Florent — Présidence de M. de Caumont. 121
Carte des environs de Saumur 122
Les Tufleaux 123
Exploration du Camp de Chenehutte 125
Gennes. — Appareils du théâtre. — Bains. — Église St.-
Vétérin 128
Église de St.-Eusèbe 138
Cunault 139
Trêves. — St.-Macé , 141
St.-Florent-lès-Saumur 145
lre. Séance du h juin. — Présidence de M. Ramé. ...... 148
Communication de M. Ramé sur les églises de Cravant, de
St.-Mesme de Chinon et de Rivière 149
Observations de M. de Caumont sur l'église de Tourtenay. . 152
Réponse à la question suivante :
Y a-t-il dans la région d'autres églises à coupoles que celle
de Fontevrault? Peut-on en signaler, dans les dépar-
tements voisins , qui n'aient pas été citées par M. de
Verneilh dans son bel ouvrage sur l'architecture byzan-
tine? 153
Note de M. de La Tourette sur le dolmen de Poncé, près
Loudun (Vienne) 154
2«. Séance du 4 juin. — Présidence de M. de Verneilh 157
Mémoire de M. le comte de Galembert sur cette question :
Quelles églises de la région possèdent des vitraux peints, des
pierres tombales, des pavés émaillés, des peintures mu-
rales, des inscriptions, des boiseries sculptées, des
tableaux intéressants, des tapisseries, des statues an-
6ennes? 158
650 TABLE.
Peinture 162
Sculpture 167
Localités citées par M. Godard-Faultrier comme possédant
des peintures murales 179
Résumé d'un mémoire de M. Godard-Faultrier sur les ta-
pisseries possédées par la cathédrale d' Angers, les églises
de St. -Pierre de Saumur et de Nantilly 4 83
Quelques mots du même sur plusieurs boiseries sculptées
existant à la Trinité d'Angers et ailleurs 186
Réponse à la question suivante :
Signaler les autels et les fonls baptismaux anciens, les
cloches à inscriptions gothiques, les objets d'orfèvrerie et
les autres meubles et ornements du moyen-àge que
renferment encore les églises de la région 187
5 juin. — Excursion à Fontevrault , Candcs et Chinoa. — Pré-
sidence de M. Louvet 188
Fontevrault ld.
Candes. — St. -Germain 1S9
Chinon : Églises de St. -Maurice et de St. -Etienne. — An-
cienne collégiale de St.-Mesme.— Château.— St. -Georges
de la Rivière 214
1". Séance du 6 juin. — Présidence de M. Prévost, capitaine du
génie 218
Communications diverses 219
Coup-d'œil sur les documents relatifs a l'histoire du pays
donnés par M. l'abbé Biïffaut, de Saumur 220
Divers objets offerts par M. Godard-Faultrier au musée de
Saumur 221
Mémoire de M. Parrot sur le trésor de l'ancienne abbaye
des Bénédictins de Sl.-Florent-lès-Saumur en réponse
à la question suivante :
Signaler les autels et les fonts baptismaux anciens ; les cloches
à inscriptions gothiques , les objets d'orfèvrerie et les
autres meubles et ornements du moyen-âge que ren-
ferment encore les églises de la région 222
Autres communications sur la même question 234
Observations sur la proposition suivante : Faire connaître les
anciennes croix de cimetière 1<I.
TABLB. 051
Discussion sur la question ainsi conçue :
Quels sont les monuments et les objets d'art ou d'antiquité
dont la conservation est menacée? Quels sont ceux qui
ont été récemment détruils, perdus ou aliénés? Quel
souvenir en a-t-on gardé ? 235
Visite du Musée 239
2e. Séance fin (i juin. — Présidence de M. Godard-Faultrier. . 244
Craintes exprimées au sujet du magnifique hôpital d'Angers. 245
rtemercîmenls adressés à plusieurs personnes pour des con-
servations et des restaurations intelligentes II.
Fragments d'un mémoire de M. Raimbault sur les châteaux
de Monsoreau et de la Bouchardière en réponse à cette
question :
Indiquer les châteaux et les manoirs les plus eu lieux par
leur antiquité, les particularités de leur architecture ou
leurs souvenirs historiques 247
Quelques mois sur les tapisseries de Nantilly 248
Halles de Saumur . 249
Note sur la question de savoir s'il existe, dans la région,
d'anciens étalons pour mesurer les grains. Jil.
Réponse de M. Raimbault aux deux questions suivantes :
A quelle époque remontent l'industrie et le commerce des
chapelets à Saumur, et celle des objets en verre et en
émail de cette ville? 250
Possède-t-on, à Saumur, la charte de fondation de la mairie ? 253
1 isite au monument celtique de Bagneux et à la villa Desmarais.
— Présidence de M. de Caumont 254
1 isite des anciennes maisons de la ville de Saumur. — Prési-
dence de M. Jolv 255
1 isite de la pyramide du cimetière de St.-Xicolas 259
3e. Séance. — Séance publique de clôture. — Présidence de
M. Louvet 261
Résumé du compte-rendu de l'étude faite à l'église deSl.-
Jean, par M. de Verneilh Id.
Distribution des récompenses 263
Allocations 264
652 TABLE.
7 foin. — Excursion à Distré, à Montreuil- Bellay ei à Puy-
Nolre-Damc. — Présidence de M. Louvet 266
CONFERENCES ARCHEOLOGIQUES, A SAUMl'R, PENDANT Lh SESSION
DO CONGRÈS.
Considérations générales 273
1". Conférence. L'architecture militaire de la Loire, par
M. de Caumont : Tableau de la Gaule sous la domi-
nation romaine. — Murs d'enceinte construits avec les
débris de monuments publics sacrifiés et démolis pour
se mettre à l'abri des invasions des Barbares. — Archi-
tecture militaire mérovingienne et carlovingienue. —
Châteaux au IVe. siècle. — Châteaux aux Xe. et XIe.
siècles. — Donjons aux XIe. et XIIe. siècles. — Impor-
tantes innovations dans l'architecture militaire aux XIIe.
et XIIIe. siècles. — Châteaux du XIVe. siècle 274
2*. Conférence. Résumé d'une conférence sur l'architecture
des châteaux en Touraine et en Anjou aux XVe. et
XVIe. siècles, par M. Victor Pktit : Aperçu rapide de
l'aspect des constructions seigneuriales de la vallée de
la Loire. — Développement subit en Anjou et en Tou-
raine de ce style architectural militaire si élégant et si
monumental qui brille avec tant d'éclat dans les châteaux
de Langeais, d'Ussé, du Coudra} -Montpensier, de Mont-
soreau, etc. — Époque de la construction de ces châteaux.
— Transformation architecturale au commencement du
XVIe. siècle par l'apparition du style italien 292
3e. Conférence. — Influences byzantines en Anjou aux XIIe.
et XIIIe. siècles, par M. F. de Verneilh : Caractère
de l'architecture byzantine. — Rotondes romaines. —
Coupoles proprement dites. — Parallèle de StVSophie de
Constantinople et de St.-Pierre de Rome. — Introduction
et naturalisation en France de l'architecture byzantine
par la construction de St. -Front de Périgueux. — Autres
importations de l'architecture orientale entre la Loire et
la Garonne. — Église à coupoles de Fontevrault, copie
de la cathédrale d'Angoulcme. — Autres imitations dans
TAiii.i:. ().*>:'>
l'Anjou. — Fusion entre le système byzantin et le sys-
tème ogival. — Formation en Anjou du style ogival dit
style Plantagenet 308
MEMOIRES PRÉSBNTÉS AU CONGRES.
Exploration des tumulus du département du Finistère, par
M. Duchatellier : Considérations générales sur l'utilité ,
au point de vue de l'histoire surtout, de l'étude de tous
les monuments celtiques existants. — Remarques géné-
rales sur les monuments explorés. — Menhirs, dolmens
et tumulus du canton de Pont-PAbbé : Tumulus du
Palud, de Rosmeur, de Kerboulon et de Croix-ar-
Gloannec dans la commune de Penmarch. — Tumulus
de Poulguen. — Tumulus de Kéléarn, de Trévignon , et
nécropole de Lesconil dans la commune de Plobannalec.
— Remarques générales sur le tracé, la construction et
l'âge de ces sortes de monuments. — Conclusion. ... 318
Rapport sur les fouilles archéologiques faites à Cassel (Nord)
et à Wissant (Pas-de-Calais), par M. L. Cousin :
Fouilles de 1861 : à Cassel, — à Wissant, — dans les
dunes de Wissant , — au mont d'Averlot. — Fouilles de
1862: cimetière du Gaze- Vert , — Fort-César , — Motte-
Carlin, — Motte-du-Vent et Motte-du-Bourg, — cimetière
du lieu dit les Croquets, — emplacement de l'ancien
port de Wissant, — vieux chemins de Wissant, — chemin
de Wissant à Landretun, — chemin Vert. — Liste des
objets provenant des fouilles archéologiques faites à
Wissant, à Audembert et à Hervelinghen 349
CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
XXIXe. SESSION.
SECONDE PARTIE TENUE A LYON LE 18 SEPTEMBRE ET JOURS
SUIVANTS.
lr». Séance du 18 septembre. — Promenade dans Lyon 391
2e. Séance du 18 septembre. — Présidence de M. de Surigny. . 39/j
654 'FABLE.
Liste des membres inscrils ponr cette session 394
Mémoire sur l'invasion des Sarrazins dans le Lyonnais, par
M. Vingtrinier 397
Autres observations sur le même sujet 416
lre. Séance du 19 septembre. — Présidence de M. de Caumont. il 7
Ouvrages offerts au Congrès 41;$
Quelques mots sur un travail de M. Debombourg relatif à la
division géographique du département du Rhône , depuis
les temps anciens /,/.
Notice sur l'amphithéâtre et l'autel d'Auguste a Lugdunum,
par M. Martin-Daussigny /,',
Observations sur plusieurs opinions émises par M. Martin-
Daussigny 453
Mémoire de M. Chipier sur les anciens aqueducs de la rive
droite de la Saône.' 454
Indication sommaire de l'importance de la collection épigra-
phique du musée de Lyon et de son intérêt au point de
vue historique, par M. Martin-Daussigny 462
2e. Séance du 19 septembre. — Présidence de M. de Caumont. 468
Explications données par M. Marlin-Daussigny aux membres
du Congrès dans les galeries du musée lapidaire. . . ld,
'ù*. Séance du 19 septembre. — Présidence de M. Martin-Daus-
signy • 492
Explications données par M. le Président sur les assemblées
nationales qui avaient lieu au mois d'août a Lyon. . là.
Observations diverses sur le même sujet 495
Résumé d'un fragment d'un ouvrage de M. de Saint-Andéol,
ayant pour titre : Architecture religieuse dans l'ancienne
■province romaine, du 1er. au XIQ. siècle 496
Mémoire de M. Savy sur l'unité de la cathédrale de Lyon.
Observations au sujet de ce mémoire 497
4e. Séance du 19 septembre. — Présidence de M. le conseiller
Valentin Smith ht.
Mémoire de M. Martin-Daussigny sur la topographie de
Lugdunum au IVe. siècle 498
Autres communications , 503
TABLK. 655
SEANCES TENUES A VIENNE.
lr«. Séance du 20 septembre. — Présidence de M. de Caumont. 504
Examen de la basilique St.-Pierre Id.
Fragment d'un mémoire de M. de TerrebaSse sur le tombeau
de saint Mamert 510
Vœu émis au sujet de l'église St.-Pierre 513
Quelques mots sur la visite de la collection lapidaire qui
doit bientôt prendre place dans cette église 514
Examen des magnifiques fresques gallo-romaines trouvées
prés du château de Pipet ld.
2e. Séance du 20 septembre. — Présidence de M. V. Berthin,
membre du Conseil général 515
Résumé d'un discours prononcé par M. V. Berthin à l'ouver-
ture de la séance ld.
Aperçu des communications faites par M. V. Teste sur les
monuments antiques de Vienne, sur ses vestiges antiques
exhumés et sur le monument de l'Aiguille 515
Quelques mots sur la conservation et la consolidation des
monuments, par MM. de Surigny et de Caumont. . . . 516
Plan de Vienne soumis à l'examen du Congrès 518
Visite à la cathédrale de St. -Maurice 520
— au temple de Livie 521
— au musée de Mme. Michoud et au reste de la ville. . . 522
CLÔTURE DU CONGRÈS, A LYON.
Réunion du Congrès a l'Hôtel-de-Ville de Lyon. Visite des
restaurations de ce palais, le 27 septembre 523
Séance de clôture au palais St. -Pierre. — Présidence de
M. l'abbé Le Petit 524
Communications diverses Id,
Compte-rendu de la visite faite par M. Canat de Chizy
au musée céramique fondé nouvellement au village
d'Aoste (Isère) 525
Autres communications 526
65Ô TABLÉ.
Note sur la géographie romaine du pays des Osismiens (Finistère;,
présentée au Congrès archéologique par M. le docteur
E. Halléguen, de Chàteaulin 520
Note sur Carhaix, par le Même 531
Recherches sur le caractère architectural de la cathédrale de
Lyon, présentées au Congrès archéologique par M. Savy. 535
PROCES-VERBAL DE LA SÉANCE TEXUE AU MANS,
Le 10 février 1862.
Présidence de M. le comte de Maillt.
Compte-rendu de l'emploi des fonds votés et appliqués aux
fouilles pratiquées sur la place du Château du Mans,
par M. Hucher 559
Quelques mots sur la restauration de l'église du Pré. . . . 560
Observations sur les peintures murales de l'église de la Cou-
ture, suscitées par la lecture d'un mémoire de M. d'Es-
paulart , intitulé : De l'art religieux- considéré sous
quelques-unes de ses formes 361
Aperçu du travail de M. David sur quelques anciens autels
récemment découverts dans le Maine. ........ 563
Résumé de l'improvisation de M. Le Pelletier, de la Sarthe,
sur l'important problème de l'époque de l'introduction
du christianisme dans les Gaules 564
Calque in extenso de l'intéressante peinture murale du XVe,
siècle qui se trouve dans l'église de Châteaux l'Hermitage,
par M. Hucher Ié.
Communication sur les singulières inscriptions indiquées
comme découvertes auprès de Neuvy-sur-Baranjon (Cher). 565
Observations de M. l'abbé Voisin sur divers monuments de la
Sarthe 566
Appréciation d'une brochure de M. le comte de Vidranges,
intitulée : Des anneaux et des rouelles , antique monnaie
des Gaulois, par M. Hucher . 567
Deux nouvelles planches inédites de l'ouvrage de M. Hucher,
TABLE. (>.*>7
intitulé : Calques flca vitraux peints (!>■ lu cathédrale du
Mans 508
Quelques observai ions sur les prochains congrès présentées
par M. de Caumont à la lin de la séance Id.
SÉANCE TENUE PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉO-
LOGIE A ELBEUF,
Le jeudi 10 juillet 1862.
Présidence de M. de Ci.awh.lk.
Lettre de M. Pannier sur l'église collégiale de la Saussaye,
près Klheuf, et sur les églises de St.-Martin-la-Corneille,
de St.-Pierre-des-Cercneils et de Tliuit-Signol Id.
Communication de Mme. Philippe-Lemaitre sur l'abondanle
récolte d'objets antiques découverts à Écaquelon, près de
Montfort-sur-Risle 578
Quelques mots de M. G.-V. Grandin sur diverses découvertes
d'antiquités romaines faites à la Fossc-aiix-Moutcs à Cau-
debec-lès-Elbeuf 579
Compte-rendu présenté par M. l'abbé Cochet sur la décou-
verte récente de sépultures faite à Tourville-la-Rivière,
près Elbeuf 579
Quelques mots de M. Thaurin sur les découvertes faites à
Rouen, à l'occasion des démolitions récentes et du creuse-
ment des égouts 580
Nécessité, pour l'histoire d'Elbeuf, de dresser le plus tôt
possible un vaste plan des terrains où l'on découvre des
antiquités et d'un registre d'inscriptions des découvertes,
par M. Bordeaux 581
Observations présentées par le Même sur les découvertes d'an-
tiquités que les travaux du chemin de fer de Serquigny
à Rouen ont fait faire 5S2
Visite à Pitres et à l'église d'Alisay, par M. de Caumont. . . Id.
6">î$ TABT.E.
SÉANCE ACADÉMIQUE IXTERXATiONALE TENUE A MVES,
Le 17 août 18G2.
But et préparation de celle fêle 584
Allocution de M. le Maire de Dives à l'arrivée du cortège. . 585
Séance tenue dans la halle sous la présidence de M. de
Caumont 586
Liste des notabilités présentes au bureau Id.
Discours de M. de Caumont à l'ouverture de la séance. . . . 587
Communication faite par le Même 590
Mémoire de M. Hippeau sur la conquête d'Angleterre par les
Normands 591
Résumé de l'improvisation de M. le chevalier de Rossi rela-
tive à ses immenses travaux sur les onze mille inscrip-
tions chrétiennes des premiers siècles de notre ère. . . 601
Discours de M. Challe, d'Auxerre, sur les rapports qui pou-
vaient relier, à l'époque de la conquête, la Bourgogne
avec la Normandie et l'Angleterre 602
Esquisse présentée par M. J. Travers sur le mouvement intel-
tellectuel et artistique de la Normandie au XI*. siècle. . 609
INAUGURATION ET BENEDICTION DE LA LISTE.
Liste des compagnons de Guillaume 617
Cérémonie à l'église 621
Banquet dans la Halle 622
Liste des principaux convives 623
Explication de la partie de la Tapisserie de Rayeux qui ornait
la salle 624
Toasts portés au banquet 625
Cac», lyp. de A. Hardel.
Caen, Imp. de A. Hardel.
GETTY CENTER LINRARY
3 3125 00671 3750
Y