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Full text of "Séances générales tenues à ... en ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques"

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CONGRES 

ARCHÉOLOGIQUE 

DE  FEANCP]. 


XXIW  SESSION 


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SEANCES  GENERALES 

TliNL'ES 

ASAUMUR,  A  LYON, 

AU   MANS,  A  BLBEUF    ET  A  DfVES, 
EN  !$«•>, 

PAR  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE 

POUR    I.A    CONSERVATION   PES    MONUMENTS. 


Le  Coinpte-rendu  du  Congrès  parai.',  chaque  aunée ,  au  mois  de  mai.  le  prix 
de  la  cotisation  des  membres  souscripteurs  est  de  10  fr. 


PARIS, 

DERACHE,  RUE  DU  BOULOY,  7. 
CAEN,  —  CHEZ  A.  HARDEL  ,  IMPRIMEUR-LIBRAIRE, 

BUE    FROIDE,    2. 

1863. 


SÉANCES  GÉNÉRALES 

TENUES 

A  SAUMUR,  A  LYON, 

AU  MANS ,  A  ELBEUP  ET  A  DIVE8, 
EN  1SG9. 


CONGRÈS 

ARCHÉOLOGIQUE 

IDE  FEANOB. 


XXIXe.  SBSSIOY. 

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SEANCES  GENERALES 

TENUES 

ASAUMUR,ALYON, 

AU   MANS,  A   ELBEEF    ET  A  DIVES, 

KM  18fi2, 

PAU  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE 

POUR    I.A    CONSERVATION   DES   MONUMENTS   HISTORIQUES. 


-o-fc:«gSe^-o- 


PARIS, 

DEBACHE,  BUE  DU  BODLOY,   7; 
CAEN,—  CHEZ  A.  HARDEL,  IMPRIMEUR-UBRAIRE, 

RUE   FROIDE  ,    2. 

1863. 


LISTE  GENERALE 

DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE , 
Yav  oyAtù  GtoqTa^\n<\ut  i\  \V^W\>iVw\M  (1). 

BUREAU  CENTRAL. 


MM.  DE  CAUMONT,  fondateur  et  directeur  de  la  Société,  à  Caen,  rue 
des  Carmes,  23,  et  à  Paris,  rue  Richelieu,  63. 

L'abbé  LE  PETIT,  chanoine  honoraire,  doyen  deTilly-sur-SculIes, 
membre  de  l'Institut  des  provinces,  Secrétaire-général. 

BOUET,  Inspecteur  des  monuments  du  Calvados. 

L.  GAUGAIN,   Trésorier,  rue  de  la  Marine,  3,  à  Caen. 

CONSEIL  D'ADMINISTRATION. 

Le  Conseil  se  compose  de  MM.  les  Inspecteurs  dirision- 
uaires  ',  des  Inspecteurs  des  départements  et  de  quarante 
membres  résidant  dans  les  différentes  parties  de  la  France  , 
indiqués,  dans  la  Liste  générale,  par  des  caractères  italiques. 

Les  Ministres,  le  Directeur-général  des  Cultes,  l'Inspeeteur- 
général  des  monuments  historiques  .  les  Cardinaux,  Arche- 
vêques et  Evêques  de  France  font  de  droit  partie  du    Conseil. 

(t)  Cpui  de  MM.  les  Membres  de  la  Société  dont  les  noms  seraient 
omis  sur  cetle  lise,  et  ceux  qui  auraient  à  indiquer  des  rectifications 
pour  leurs  nom,  qualités  ou  domicile,  sont  priés  d'adresser  leurs  récla- 
mations à  M.  le  Secrétaire-général  de  la  Société,  ou  à  M.  Gaugain,  tré- 
sorier-archiviste, rue  de  la  Marine,  3,  à  Caen. 


M 


LISTE   DES   MEMBRES 


LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

L'astérisque  (*)  désigne  les  membres  de  la  Société  abouties 
au  Bulletin  monumental  (1). 

(  Les  noms  des  membres  du  Conseil  sont  distingués  par  le  caractère  italique.  ) 


1".  DIVISION.— MORD,  PAS-DE-CALAIS,  SOMME  ET  OISE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  LE  GLAY,  archiviste  du  département, 
à  Lille. 

Nord. 

Inspecteur:  M.  le  comte  de  Caulaixcourt. 


Allard,  banquier,  à  Dunkerque. 

Boitelle  (Edouard),  banquier  ,  à 
Cambrai. 

Bonvarlet  (A.)  fil?,  à  Dunkerque. 

Bury  (l'abbé),  chanoine,  à  Cam- 
brai. 

Caharet,  receveur  des  finances,  id. 

*  Caulaincoirt  (le  comte  Anatole 
de),  à  Lille. 

*  Cousin,  ancien  magistrat,  avocat 
et  président  de  la  Société  dun- 
kerquoise,  à  Dunkerque. 

*  Cuvelier  (Auguste),  à  Lille. 
Delattre,  receveur  municipal ,  à 

Cambrai. 
Godefroî    de    Mesmlglaise     (  le 


marquis  de  ),  ancien  sous-préfet, 
à  Lille. 

Lefebvre,  secrétaire-général  de  la 
Société  d'émulation  de  Cam- 
brai. 

*  Le  Glay  (André),  directeur  des 
Archives,  correspondant  de  l'In- 
stitut ,  président  de  la  Com- 
mission historique  du  départe- 
ment du  Nord,  inspecteur  divi- 
sionnaire de  la  Société  française 
d'archéologie,  à  Lille. 

Leroy,  archiviste,  id. 

Minart,  conseiller  à  la  Cour  im- 
périale de  Douai. 

Nys,  propriétaire,  à  Dunlerque. 


(1)  Le  Bulletin  monumental,  qui  a  conquis,  depuis   29  ans,  un  rung 
si  distingué  parmi   les  publications  archéologiques  de  la  France  et  de 
l'étranger,  parait  de  six  semaines  en  six  semaines  ,  illustré  d'un  grand 
,,  nombre  de  ligures. 


DE  LA  SOCIÉïl  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE 

*  Hegnier  (MgT.  ),  archevêque  de 

Cambrai. 
Roth  ,  membre    de     la    Société 
d'émulation  ,    au    château    de 
Beauval,  près  Cambrai. 

*  Sldue   (l'abbé),   supérieur   du 
grand-séminaire,  à  Cambrai. 

Vallée  (l'abbé),  vicaire-général, 
id. 


vil 


*  Van-dei.-Ciiussb  de  Waziers,  à 
Lille. 

Vr.ndegiks  ;  le  comte  Charles  de), 

a  Cambrai. 
Vincent   Charles),  chef  de  division 

a  la  préfecture,  à  Lille. 

•  WiLBF.nr  (  Alcibiade),  président 
de  la  Société  d'Émulation  ,  à 
Cambrai. 


l'as— de— Calais. 

Inspecteur  :  •  M.  Desciiamps  dp.  Pas,  ingénieur  des  ponls-et-cbaussécs, 
à  St. -Orner. 


Cahdevaqub  (  Alphonse  de  ) ,  pro- 
priétaire, ù  St. -Orner. 

*  Desciiamps  de  Pas,  ingénieur  des 

ponts-et-cha ussées,  id. 

*  Dovercne,  à  Hesdin. 
Givenchy  (Charles  de),  à  St. -Orner. 
Gkigny  (Alexandre  de),  architecte, 

à  Arras. 
Hagékie  (  Amédéc  de  Bengny  d'), 
au  château  de  Sozinglieim. 

*  Héricourt  (le  comte  d'),  à  Arras. 
Hékicourt  (d')  fds  ,  à  Souciiez. 
Le  Febvke  (l'abbé  F.),   à   Halin- 

gbem. 


Lequette  (  l'abbé  )  ,  chanoine  ho- 
noraire, proresseur  au  grand- 
séniinairr,  a  Arras. 

•  Lin  m  (  le  chevalier  de  )  ,  à 
Arras. 

*  Partais  (Mgr.  ),  évéque  d'Arras. 
Sèiie  (de),  juge  au  Tribunal  civil 

de  Monlreiiil. 
Souqiet  (GustaAe),  vice-consul  de 

Dunemarck,  a  Étaples. 
Vasdriyal    (  l'abbé  ) ,    chanoine 

honoraire,  professeur  au  grand- 

séiuinaire,  à  Arras. 


Inspecteur:  Vf.  Mbnseciiet,  juge,  à  Amiens. 

•Boucher  de  Peuthes,  président  de  Dumas  (Charles),  lilaleur,    a   St.- 

la  Société  d'Émulation,  à  Abbe-  Acheul-lès-Amirus. 

ville.  *  Duvui ,   chanoine     titulaire  *    à 

•  Corblkt  (Tablé),  à  Amiens.  Amiens. 

Cosbtte-Émont,  propriétaire,  id.  Ebmigry  (d*),à  Péronne. 


VIII 


LISTE   DES   MEMBRES 


Fergusson-Faire,    négociant,    à 

Amiens. 
Fergusson  fils,  id. 
Mathan  (  le  baron  Edgard  de  ) , 

lieutenant-colonel  en    retraite  , 

id. 


*  Mennechet  (Eugène-Alexandre), 
juge  au  Tribunal  civil,  à  Amiens. 

"Praron  (Eugène),  propriétaire,  à 
Abbeville. 

Vallois  (Georges),  sous-préfet,  à 
Péronne. 


Oise. 

Inspecteur:  *  M.  l'abbé  Barraud,  chanoine  titulaire,  membre 
de  l'Institut  des  provinces ,  àBeauvais. 


"Barrald,  chanoine  titulaire,  à 

Beauvais. 
Colson  (le  docteur) ,  président  du 

Comité  archéologique  de  Noyon, 

correspondant  de  l'Académie  de 

Médecine ,  à  Noyon. 
Danjou,   président    du    Tribunal 

civil  de  Beauvais. 
*  Danse,   président  honoraire  du 

Tribunal  civil ,  id. 
Decrouy  ,  ancien  notaire,  à  Com- 

piègne. 
Lb  Franc   (l'abbé)  ,  professeur  à 


l'Institution   de  St.-Vincent,   à 

Sentis. 
Marsy  (Arthur  de),  à  Compiègne. 
Mathon  ,  archiviste,  à  Beauvais. 
Ponthiedx  (Nicolas),   fabricant  de 

carreaux  mosaïques,  à  Auneuil, 

près  Beauvais. 
Salomon,  receveur  des  Douanes, 

à  Dives. 
Voillemer  ,    docteur-médecin  ,   à 

Senlis. 
*  Vuatrin,  avocat,  à  Beauvais. 
Weil,  architecte   du   Gouverne- 
ment, id. 


2'.  DIVISION.—-  AiSNE  ET  ARDEXNES. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  GOMABT  ,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  à  St. -Quentin. 


Aisne. 

Inspecteur  :  M.  l'abbé  PoqcEt,  chanoine   honoraire  ,  à  Berry-au-Bac. 

Chauvenet  (de),  juge  d'instruction  Dersu  ,  juge  au  Tribunal  civil  de 

au  Tribunal  civil,  à  St. -Quentin.         Laon. 

Delbarre,  architecte,  à  Château-  "Gomart,  membre    de   l'institut 

Thierry.  des  provinces,  à  St.-Quentin. 


DE   LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE   b'ARCIlÉOLOGIE. 


IX 


Le  Clerc  de  La  Prairir  (  Jules), 
président  de  la  Société  archéolo- 
gique, à  Soissons. 

Le  Fêvre  ,  officier  du  génie  ,  en 
retraite,  id. 

Le  Roux,  docteur-médecin,  à  Cor- 
bény,  canton  de  Craonne. 

Martin,  membre  du  Conseil  géné- 
ra! de  l'Aisne,  à  Rosoy-sur-Serre. 

Piette,  contrôleur   principal    des 


contributions  directes,  à  Laon. 

Poquf.t  (l'abbé),  chanoine  hono- 
raire, doyen  de  Berry-au-Bac. 

Tévcnart  (l'abbé)  ,  chanoine  hono- 
raire, archiprêtre  de  Laon. 

Vignoine  (l'abbé)  ,  chanoine  ho- 
noraire, archiprêtre  de  Vervins. 

Williot,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique  de  Soissons. 


ordonnes. 

Inspecteur  :  M.   l'abbé  Tourneur,  archiprêtre  de  Sedan. 


Quéant    (l'abbé),   curé    de    St.- 
Loup-Champagne. 


Tourneur  (l'abbé),  chanoine  bon. 
de  Reims,  archiprêtre  de  Sedan. 


3e.  DIVISION.  —  MARNE  ET  SEINE-ET-MARNE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.   le  comte  DE  MELLET  ,  membre  de 
l'Institut  des  provinces. 

Harne. 


Inspecteur  :  M.  Givelet,  propriétaire,  à  Reims. 

Duplessis  ,  notaire  lion.,  à  Reims. 

Duquenelle,  membre  de  l'Acadé- 
mie, id. 

Fournier  (l'abbé),  doyen  du  Cha- 
pitre de  Reims,  archiprêtre  de 
Notre-Dame,  id. 

Gauinet  (Jules),  conseiller  hono- 
raire de  préfecture,  ù  Châlons. 

*  Givelet,  membre  de  l'Académie 
impériale  de  Reims. 

Godauu  (Isidore),  suppléant  du 
juge  de  paix,  à  Epernay. 

*  Gousset  (Mgr.  ),  cardinal-arche- 
vêque de  Reims. 


Allonville  (le  comte  Pierre  d'  ) , 
au  château  de  Somsois. 

Aubert  (l'abbé) ,  curé-desservant 
de  Juvigny. 

Dara  (Mgr.),  évêque  de  Châlons. 

Bigault  deGranrut,  architecte , 
à  Châlons. 

Bouquet,  instituteur,  à  Poix. 

Brice-Didier,  négociant,  à  Reims. 

Chassagne,  préfet  de  la  Marne. 

CosQiiiN,  membre  du  Conseil  gé- 
néral. 

Counhate,  ù  Suippes. 

Didier  (Jules;,  négociant,  ù  Reims. 


X  L1STI-    DES   MLMBKES 

Joirxiac,  propriétaire,  à  Reims.  Qrrry,  (l'abbé),  vicaire-général, 
La  Chapelle,  filateur,  id.  à  Reims. 

*  Mellet  (le  comte  de) ,  membre  Regnault,  notaire  et  maire,  à 
de  rinslitut  des  provinces  ,  au         Fismes. 

château  de  Chaltrail.  Rodf.rt,  propriétaire,  à  Reims. 

Nittot,   membre  du    Conseil  gé-  Saubinet,  membre  de  l'Acad. ,   id. 

néral,  à  Cbàlons.  Savy,  agent-voyer  chef,  à  Cbàlons. 

*  Pekrier,  docteur  en   médecine,  Simon,  à  Reims. 

à  Épernay.  Sitaine  (Henri),  négociant ,  id. 

Poisel,  architecte,  à  Châlons.  Tortrat,  architecte,  id. 

Seine— et—  Hante. 

Inspecteur:  *  M.  le  vicomte  de  Bo^neuil,  à  Melun,  et  à  Paris,  rue 
St.-Guil!aurae,  29. 

Gast,    docteur   en   médecine,   a  Vieillot,   président  du   Tribunal 

Crécy-en-Brie.  civil  et  de  la  Société  d'agi  icul- 

Moustier  (  le  comte  de  ),  membre  lure,  sciences  et  arts,  a  Meaux. 
du  Conseil  général,  à  la  Chapelle. 

4<\  DIVISION.  —  LMA'AUOS,  MANCHE,   ORNE     BURE 
ET  S  FI  X  E-l  X  FÉRI  Kl'  R  F. 

Inspecteur  divisionnaire  :  M.  DE  CAUMONT. 

Calvados. 

Inspecteur:  *   M.  Bolet. 

Aciiauddb  Vacogkes  (  Amcdée  ^ ,  à  chef  de  division  à  la  Mairie  de 

Bayeux.  Caen. 

Aubcrt ,    membre   du   Conseil  de  Abvray  (l'abbé),  curé  de  Moult. 

l'Association  normande,  rue  des  *B\rroche,    receveur-général,   à 

Chanoines,  5  Caen.  Caen. 

Alger  (le  comte  d'),  propriétaire,  Bazin  (Alphonse),    courtier   de 

id.  navires,  id. 

Audrieu   (Alfred),    membre    cor-  Beaucourt  (de),  au  château  de 

respondant  de  la    Société   dun-  Moraimillc  ,     au      Mesii'l-siir- 

kerquoise,  id.  Blaugy. 

Abvray  ,   architecte  de   la    Ville.  *  Bealjoir,  notaire,  à  Caen. 


DE    LA    SOCIÉTÉ    FUAM. 

*Bellefonds  (M'ue.  la  comtesse  de), 

à  Cacn. 
Belrose,  à  Bayeux. 
Bertrand,    doyen    de    la    l'acuité 

des  lellres,  maire  de  Caen. 
Besnou,  juge  au  Tribunal  civil,  id. 

*  Billon  ,  docteur-médecin  ,  a  Li- 
sieux. 

Blangy  (Auguste  de),  au  château 

du  Juvigny. 
Bonnechose  (de),  à  Monceaux. 
Boscain,  graveur,  à  Cuen. 
Boscher,    curé    de    Maisoncelles- 

sur-Ajon. 

*  Bouet,  à  Caen. 

*  Bolgy  (  le  marquis  Olivier  de) , 
au  cliàleau  de  Bougy. 

Bourmont  (  le  comte  Charles  de)  , 
à  Caen. 

*  Brébisson  (de),  a  Falaise. 

*  Bricqueville  (le  marquis  de),  à 
Gueron. 

Broche  (  le  prince  Auguste  de  )  , 

a  St. -Georges -d' A unay. 
Campagnolles   (de),   membre  de 

l'Association  normande,  à  Cam- 

pagnolles ,  près  Vire. 

*  Çampion,  avocat,  chef  de  bureau 
à  la  Préfecture,  à  Caen. 

*  Caumont  (de),  id. 
Cachons  (Mme.  de),  id. 
Chatel  (Victor),  à Valcongrain. 
Chaulieu  (le    baron  de  ) ,  ancien 

représentant ,  à  Vire. 
Choisy  (  de  ),  à  Caen. 
Coquakt  (l'abbé),   curé  de  Gui- 

bray  ,  à  Falaise. 
Cornihee  (  le  comte  de),  à  Caen, 


AISE    D'ARCHÉOLOGIE.  XI 

Court  y,  avocat,  a  Caen. 

*  Cussy  (Cb.  de),  à  la  Cambe. 
Cussv  (le   vicomte  Fritz   de),   à 

Vouilly. 

*  Dagallier,  premier  président  de 

la  Cour  impériale,  à  Caen. 

*  Dan  de  La  Vautcrie ,  docteur- 
médecin,  id. 

*  Daifresne,  membre  du  Conseil 
général,  id. 

Daufresne  ,  à  Lisieux. 
De  Dhuval,  a  Caen. 

*  De  La  Chouquais ,  président 
honoraire  a  la  Cour  impériale  , 
id. 

Delaiway,  architecte,  à  Baveux. 
Deschamps,  architecte,  à  Cacn. 
Desfrièches  (l'abbé) ,  curé  d'Ussy. 
Deshayes,  architecte,  à  Caen. 
Deswoters,  avocat,  à  Bayeux. 

*  Desportes,  ancien  notaire ,  à 
Cacn. 

Des  Bot-ours  i>e  Chaulieu,  ancien 
représentant,  à  Vire. 

"Didiot  M«r.).  évoque  de  Bayeux 
et  de  Lisieux. 

Do  (  l'abbé  ) ,  chapelain  de  la  Vi- 
sitation, à  Caen. 

*  Doiesnel  (Alexandre),  député,  à 
Bayeux. 

Duboliig,  juge  au  Tribunal    civil 

de  Falaise. 
Du  Ferrage,  propriétaire,  a  Caen. 

*  Du  Manoir  (  le  comte  ) ,  maire 
de  Juaye. 

*  Du  Moncel  (  e  vicomte),  membre 
de  l'Institut  des  provinces  ,  a 
Caen. 


XII 


LISTE    DES   MEMBRES 


Dumont  (l'abbé),  vicaire  de  Mai- 
soncelles-sur-Ajon. 

Duplessis  ,  vice-président  du  Tri- 
bunal civil,  à  Caen. 

Dupont,  sculpteur,  id. 

*  Dupray-Lamahérie,  substitut  du 
procureur-général,  id. 

Elouis,  directeur  de  la  Cuisse 
commerciale,  id. 

*  Fédérique  (  Cbarles-Antoine  )  , 
avocat,  à  Vire. 

*  Floquet,  correspondant  de  l'In- 
stitut, au  château  de  Formentin 
(  Calvados  ) ,  et  rue  d'Anjou- 
St. -Honoré,  52,  à  Paris. 

*  Fontette    (  le   baron    Emmanuel 

de),  ancien  député,  à  Monls. 

*  Formigny  de  La   Londe  (  de)  ,  a 

Caen. 

Fouques  (  l'abbé  ) ,  curé  de  Trois- 
Monts. 

Fournès  (  le  marquis  Arthur  de  ) , 
à  Vaux-sur-Seulles. 

Fournies  (l'abbé),  curé  de  Clin- 
champs. 

*  Gaugain,  propriétaire,  à  Caen. 

*  Grandval    (  le    marquis    de  )  , 

membre  du  Conseil  général , 
au  château  de  Sl.-Denis-Mai- 
soncelles. 

*  Guilbert  (Georges),  membre  de 
l'Association  normande,  à  Caen. 

Guillard,  conservateur  du  Musée 
de  peinture,  id. 

"  Guy,  ancien  architecte  de  la 
ville,  id. 

"Ha.ndjf.ri  (le  prince),  au  châ- 
teau de  Manerbe. 


*  Hardel,  imprimeur  de  la  Société, 
à  Caen. 

Huakd    (  l'abbé  )  ,    curé    de   St.- 

Vaast. 
Jardin  ,  membre   de   l'Association 

normande,  à  Caen. 

*  Laffetay  (l'abbé)  chanoine  titu- 
laire, à  Bayeux. 

*  L\  Mariouze  de  Prévarin  (  de), 
directeur  des  Domaines,  ù  Caen. 

*  Lambert,  conservateur  de  la  Bi- 
bliothèque ,  à  Bayeux. 

Lamotte  ,  architecte,  à.  Caen. 

Langlois  (l'abbé  Henri),  chanoine 
honoraire  de  Bayeux,  directeur 
de  l'Institution  SlVMarie,  id. 

*  Le  Bart ,  maire  de  Baron. 

*  Le  Blanc,  ancien  professeur  de 
mathématiques,  à  Caen. 

Le  Bret  (l'abbé  ,  curé  de  Hollot- 

en-Auge. 
Le  Cerf,  avoué,  à  Caen. 
Le  Cordier,  ingénieur,  àTrouvi'le. 
Le  Court,  avoué,  à  Pont-1'Évéqur. 
Le     Couvreur     (  l'abbé  )  ,     curé 

d'Audi  ieu. 

*  Le  Petit  ;l'abbé;,  curé-doyen  de 
Tilly-sur-Seulles. 

*  Le  Provost  de  Launaï,  préfet 
du  Calvados. 

Létot,  propriétaire,  à  Caen. 

*  Le  Vardois  fils,  id. 
"Lidéhard,  propriétaire,  id. 
LicNAf'.D,  peintre-verrier,  id. 
Loir  (l'abbé),  procuré  de  Manerbe. 
Magron  (Jules),  à  Caen. 

*  Mallf.t  ,     ancien    notaire  ,    à 

Bayeux. 


DE   LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE    D'ARCHÉOLOGIE.  XIII 


Marcotte,  architecte  du  dépar- 
tement, à  Caen. 

Marguerit  de  Rochefort  (Léonce 
de  ),  a  Vierville. 

Marie  (  l'abbé  ) ,  chanoine  hono- 
raire d'Angers,  doyen  d'Évrecy. 

*  Montcommf.ry  (!e  comte  de),  à 

Fervaques. 

*  MoniÈRE,  professeur  à  la  Faculté 
des  Sciences  de  Caen. 

Nicolas  (Alexandre),  architecte 
de  la  ville  de  Lisieux. 

*  Nogct-Lacoudre  (  l'abbé  ) ,  cha- 
noine honoraire,  supérieur  du 
séminaire  de  Sommervieu. 

*  Oilliamson  (  le  marquis  d'  )  , 
au  château  de  St.-Germain- 
Langot. 

*  Olive,  maire  d'Ellon,  rue  Écho, 
à  Bayeux. 

*  Olivier,  ingénieur  en  chef  des 
ponts-et-chaussées,  ;\  Caen. 

*  Pannier,  avocat,  à  Lisieux. 

*  Paolmiek  ,  ancien  député  ,  à 
Bretteville-sur-Laize. 

Pelfresnc,  architecte,  à  Caen. 

Petiville  (de),  à  Bons-Tassilly. 

"Pierres  (le  baron  de),  membre 
du  Conseil  général,  à  Louvières. 

Piquot  (l'abbé),  supérieur  des  Mis- 
sionnaires de  la  Délivrande. 

Rasac  (Frank  de),  a  Caen. 

Regmer  (l'abbé),  doyen  du  canton 
de  Dozuié,  curé  de  Dives. 

*  Renault,    conseiller   à  la    Cour 


"Saint-Jean,  membre  du  Conseil 
général,  à  Bretteville-le-Rabct. 

Sevin,  propriétaire,  à  Falaise. 

Target  (  Paul  ) ,  président  de  la 
Société  d'agriculture,  à  Lisieux. 

Tavigny  du  Longpré,  avocat,  à 
Bayeux. 

TnEissiER,  avocat,  à  Vassy. 

Tirard  (l'abbé)  ,  chanoine  hono- 
raire, doyen  de  Notre-Dame  de 
Vire. 

*  Torsay  (Mme.  la  comtesse  de), 
à  Mouën. 

Toustain  (le  vicomte  Henri  de  )  , 
ancien  oflicier  de  marine,  au 
château  de  Vaux-sur-Aure. 

Tranchant  (l'abbé),  curé  de  Jort. 

*  Travers,  ancien  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres ,  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  de 
Caen. 

*  Vassecr  (  Charles),  membre  de 
l'Association  normande,  à  Li- 
sieux. 

*  Vautier  (Abel),  député,  à  Caen. 

Vautier  (l'abbé) ,  chanoine  hono- 
raire ,  doyen  de  Thury-Har- 
court. 

Vengeon  (l'abbé),  curé  de  Luc. 

*  Villers  (Georges  de) ,  adjoint  au 
maire  de  Bayeux. 

Vincent  (l'abbé),  doyen  de  Mor- 
teaux-Coulibeuf. 

*  Youf  (l'abbé)  ,  chanoine  hono- 
raire, supérieur  du  Bon-Sau- 
veur, à  Caen. 


impériale  de  Caen. 
*  Rioilt  de  Neuville  (le  vicomte     Yvory,  sculpteur,  à  Bayeux. 
Louis  de),  à  Livarot. 


XIV 


LISTE   DES    MEMBRES 


Manche. 


Inspecteur:  *  M.  le  comle  de  Tocqueville,  au  château  de  Nacquevillc. 


Aigneaux  (le  marquis  Paul  cl'),  à 
risle-Marie. 

*  Annoville  (Michel  d'),  maire,   à 

Auderville. 

*  Beaufort  (le  p<:  de),  au  château 

dePlain-Marais,  à  Picauville. 


La  Sociélé  archéologique,  â  Avran- 

clies. 
Le  Cardonnel   (l'abbé),   vicaire 

de  St.-Jores,   par  Prétot,   près 

Carentan. 
Le  Creps,  propriétaire,  à  St.-Lo. 


*  Bignon  (le  baron  de),  au  château     Le  Goupils  (l'abbé),  curé  de  Brix. 


du  Rosel  (canton  des  Pieux). 
Bonvouloir  (le  comte   de),  près 
Morlain. 

*  Bravard  (Mgr.),  évêque  de  Cou- 

tances  et  d'Avranches. 

Castel,  agent-voyer  chef,  à  St.-Lo. 

DESCHAMrs,  D.-M.-P.,  â  Torigny. 

Desponts  (l'abbé)  ,  chanoine  ho- 
noraire, curé  de  St. -Nicolas ,  à 
Coutances. 

*  Du  POERIER    DE    PORTRAIL,  à  Va- 

lognes. 


Noël  ,  ancien  maire  ,  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  Cher- 
bourg. 

*  Pongibaud  (le  comte  César  de), 
au  château  de  Fontenay ,  près 
Montebourg. 

*  Quéxault  ,  sous-préfet,  à  Cou- 

tances. 
Rouge  (le  comte  de),  au  château 

de  St.-Symphorien. 
Sauvage,  juge  de  paix  à  Couptrain 

(Mayenne). 


Gilbert  (l'abbé),  vicaire-général,  Sksmaisons  (le  comte  Yves  de),  au 

à  Coutances.  château  de  Flamanville  ,  canton 

*  Guiton  (le  vicomte  de),  au  châ-  des  Pieux. 

teau  de  Montanel ,  près  Avran-  Sorel  (  Armand  ) ,  entrepreneur, 

ches.  à  Valognes. 

»  Laine,   président   de   la  Société  Tocqueville  (  le  comte  de  ) ,  au 

archéologique,  à  Avranches.  château  de  Nacqueville. 

Orne. 

Inspecteur  :  *  M.  Léon  de  La  Sicotière  ,  membre  du  Conseil  général, 
à  Alençon. 

»  Barberay  (de),   au  château  de  *  Caix  (de),  à  son  château,  près 

Matignon,  à  Essay.  d'Écouché. 

Beaurepairb  (de),   ancien    élève  Dagoury  ,  sous-inspecteur  des  fo- 

de  l'École  des  Charles,  à  Alençon.  rets  .  à  Alençon. 


DE    LA   SOCIÉTÉ   FgANÇ 
Daicremont   Saint-Manvieu   fils, 
substilut  du  Procureur  impérial, 
à  Morlagne. 

*  Falandre   (le  marquis    de),    à 

Moulius-Lamarclie. 

*  Fay  (le  vicomte  de),  au  château 
de  la  Guimandière. 

*  Fleury    (  Edouard  )  ,  juge  ,    à 
Alençon. 

*  La  Perrière  (  le  comte  de  ) ,  au 
château  de  Ronfongeray. 

La  Garenne  (de),  conseiller  de 
préfecture ,  à  Alençon. 


AISE    D'ARCHÉOLOGIE.  XV 

*  La  Sicotiere  (Léon  de),  avocat, 
a  Alençon. 

Lai  rouR,  ancien  maired'Argentan, 
membre  du  Conseil  général  de 
l'Orne. 

Lecointrk  (Eugène),  à  Alençon. 

Le  Vavasseur  (Gustave),  à  la 
Lande-de-Lougé. 

Massiot  (Gustave,  avocat,  à 
Mortagne. 

Patc  de  Saint-Vincent  ,  au  châ- 
teau du  Pi n-Ia-Ga renne. 


Eure. 


Inspecteur:  *  M.  Raymond  Bordeaux,  docteur  en  Droit,  à  Évreux. 


Anisson  du  Péron  (le  comte),  au 
château  de  S*.-Aubin-d'Écros- 
ville. 

Bardet,  docteur-médecin,  à  Bernay. 

Barrey  (le  comte  de),  maire  de 
Verneuil. 

*  Blossf.ville  (le  marquis  de),  dé- 
puté, au  château  d'Amfiéville- 
la-Campagne. 

*  Bordeaux  (  Raymond)  ,  docteur 
en  Droit ,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Évreux. 

Bostenney  (de) ,  maire ,  à  la  Saus» 
saye. 

Bourdon  (  l'abbé)  ,  curé  de  Dru- 
cou  rt. 

Caresme  (l'abbé),  curé  de  Sl.- 
Germain,  à  Pont-Audemer. 

Chemnevière  fils,  à  Louviers. 

*  Devoucoux  (Mg\  )  ,  évéque  d'ft- 
vi  eux. 


*  Dibon  (Paul),  propriétaire,  à 
Louviers. 

Goujon  fils,  au  Vaudreuil,  près 
Louviers. 

Glillard  (  Emile),  avoué-,  à  Lou- 
viers. 

*  Janvier  de  La  Moite,  préfet  de 

l'Eure,  à  Évreux. 
Lair  (Casimir),   à  St.-Léger-de- 

Rostes. 
Lalun,  architecte,  à  Évreux. 
La  Roncière  Le  Noury  (le  baron 

Clément  de),  contre-amiral ,  au 

château  de  Cracouville. 
Le  Blond  ,  entrepreneur  de  bâti- 
ments, à  Gisors. 
"Le  Metayer-Masselin,  inspecteur 

de   l'Association    normande,  à 

Bernay. 

*  Le  Reffait,  conseiller  général , 

a  Pont-Audemer, 


XVI 


LISTE   DES 


*  Loisel  ,  maître  de  poste  ,  à  La 
Rivière-Thibouville. 

Malbranche,  greffier  du  Tribunal 
de  commerce,  à  Bernay, 

Marcel  (Léopold),  adjoint  au  maire 
de  Louviers. 

Mérï  (Paul) ,  à  Évreux. 

Mesml  du  Buisson  (  le  comte  du  ) 
à  Neuilly,  près  Paris  (Seine). 

Montreuil  (  le  baron  de  ) ,  ancien 
député,  au  château  de  Tierce- 
ville,  près  Gisors. 


MEMBRES 

Petit  (Guillaume),  membre  du 
Conseil  général ,  à  Louviers. 

*  Phitippc-Lemaîlrc  (Mmc.  ),  à  II- 
leville,  canton  de  Montfort. 

*  Prétavoine,  maire  de  Louviers. 

*  Quesxé  (Victor),  au  château  de 

Montaure,  près  Louviers. 
Renault,  avocat,  adjoint  au  maire 

de  Louviers. 
Rostolan  (de),  à  Évreux. 
Vigan  de  Cernières  (le  baron  de), 

à  Cernières. 


Scitse— Inférieure* 


Inspecteur:  M.  Léonce  de  Glanville  ,  membre  de  l'Institut 
des  provinces ,  à  Rouen. 


Argentré  (le  vicomte  d'),  à  Rouen. 
Ballin,    directeur    du    Mont-de- 

Piété,  id. 
Baroche  (Henri),  avocat,  id. 

*  Barthélémy  père,  architecte,  id. 
Barthélémy  fils,  architecte,  id. 
Baudicourt  (Théodule  de),  id. 
Bazile  (Marcel),  négociant,  id. 
Berthe  (le  docteur  ) ,  membre  de 

l'Association     normande,     rue 

Étoupée,  6,  id. 
Beuzeville,  rédacteur  en  chef  du 

Journal  de  Rouen,  id. 
Boivin-Jenty  ,  négociant,  id. 

*  Bonet,  sculpteur,  Rampe-Bou- 
vreuil, id. 

Bons  (Eugène  de)  ,  membre  de 
l'Académie  des  Arcades  de  Rome, 
id. 


Roucher,  architecte,  à  Rouen. 

*  Bouel  (le  comte  de  ),  à  son  chu- 

te au,  près  Neufchalel. 
Burel    (l'abbé),  vicaire  de   St.- 

Remi ,  à  Dieppe. 
Carlier,   ingénieur  des  ponts-et- 

chaussées,  à  Fécamp. 
Caze  (de),  membre  de  l'Académie, 

à  Rouen. 
Chadoux,  entrepreneur,  id. 
Chaventré  (Isidore),  rue  Martain- 

ville,  214,  id. 

*  Chevreaux,  au  château  de  Bosc- 
mesnil,  près  Sl.-Saëns. 

Clogenson,  conseiller  honoraire  à 
la  Cour  impériale,  vice-président 
de  l'Académie  des  Sciences,  à 
Rouen. 

*  Cochet    (l'abbé),    ancien    au- 


DE   LA  SOCIÉTÉ   FRANÇAISE   D' ARCHÉOLOGIE.        XV1L 


mônier   du  collège  ,   à  Dieppe. 

*  Colas  (l'abbé),  chapelain  de  la 

Maison    des    Saints-Anges ,    à 

Rouen 
Courtonne,  architecte,  id. 
Ci'sson,   secrétaire-général    de   la 

mairie,  id. 
David    (  Emile  ) ,     propriétaire    à 

Rouen. 

*  Decokde  (l'abbé),  curé  de  Bures 

(canton  de  Londinières). 

DeLAMARE-DeROETTEYII.LK,  filatetll', 

à  Rouen. 

Delaunay,  professeur  de  peinture, 
id. 

Dergny,  propriétaire,  à  Gran- 
court. 

Desbois,  docteur-médecin,  à  Rouen. 

"Des  Boves,  lieutenant  de  dra- 
gons, id. 

Desmarest  (L.),  architecte  en  chef 
du  département,  id. 

Desvé,  propriétaire,  id. 

Devillb  (Ch.-S.-C.)  ,  membre  de 
l'Académie  des  Sciences,  conser- 
vateur de  la  section  géologique 
au  Collège  de  France,  id. 

Dieisy  jeune,  négociant,  id. 

*  Duranyille  (  Léon  de  ),  proprié- 

taire, id. 

*Ernemont  (le vicomte  d'),  membre 
du  Conseil  général,  à  Ernemont, 
près  Goumay. 

Estaintot  père  (le  Clc.  d'),  inspec- 
teur de  l'Association  normande, 
aux  Autels,  près  Doudeville. 

*  Estaintot  fils  (le  vicomte  Robert 

d'),  avocat,  ù  Rouen. 


Falquet  (Oct.),  (dateur,  ù  Rouen. 

Fleuri  (Charles),   architecte,  id. 

Gaignoeux  (R.),  directeur  d'assu- 
rances, id. 

Gallet  (  Napoléon  )  ,  apprèteur  , 
président  du  Conseil  des  Pru- 
d'hommes, id. 

*  Germiny  (le  comte  Adrien  de  ), 
receveur-général,  id. 

Gille*  (P.),   manufacturier,  id. 
Gtbancoubt   (de),    à   Vaiimpré, 

près  Neufchatel. 
'  Glanville  (de),  inspecteur  de  la 

Société,  à  Rouen. 

*  Grandin  (Gustave-Victor),  prési- 
dent de  la  Société  archéologique, 
à  Elbeuf. 

Grimaux,  entrepreneur,  à  Rouen. 

*  Guériteau    (l'abbé)  ,    aumônier 

du  collège,  a  Dieppe. 
Gueuout,  ancien  notaire,  à  Rouen. 
Hommais,  avocat,  id. 
La  Londe  (Arthur  de),    rue  La 

Rochefoucauld,  id. 

*  La  Londe  (de),  ancien  oflicier  de 

cavalerie,  id. 
Lanchon   (  l'abbé),   curé   de   St.- 

Godard,  id. 
Le  Ber  (Arsène),  ancien  notaire, 

id. 
Le  Comte  (l'abbé  ),  vicaire  de  St,- 

François,  au  Havre. 
Lecocpeir  ,   docteur-médecin  ,    à 

Rouen. 
Lefort,  avocat,  id. 
Legendre,  propriétaire,  id. 
Lemire,  avocat,  id. 

*  Le  Pel-Lointet,  a  Juiniéges, 


M1II 


LISTE   DLS   MEMBRES 


Le  Pkincf.,  au   château  de  Lam- 

berville,  par  Yvelol. 
Lf.provost,  agréé,  à  Rouen. 

*  Le  Roy,  libraire,  à  Cany. 
Leseigneur,  fdateur,  à  Rouen. 

*  Lfay  (Edmond),  architecte,  id. 
Lizot  (ils  ,  substitut  du  procureur 

impérial,  id. 

*  Lucas  (l'abbé) ,  curé  de  Hanouard. 

près  Cany. 

Mabire,  maire  de  Neufchatel. 

Mathon  ,  conservateur  de  la  bi- 
bliothèque de  Neufchatel. 

Mvudi.it,  avocat,  à  Neufchatel. 

Mélicieux  (l'abbé),  curé-doyen 
de  Gournay. 

Méraux  (Amédée)  ,  artiste  compo- 
siteur, à  Rouen. 

Motxet,  (ilaleur,  id. 

Osmont,   architecte,  id. 

Palier,  ancien  manufacturier,  id. 

*  Petiteville   (de)  ,  propriétaire  , 

id. 


Pottikr    (  André  )  ,  conservateur 

du    Musée  d'antiquités  et     de 

la    Bibliothèque    publique,     à 

Rouen. 
Pouyek-Qiertier,  député,  id. 
Provost    (  l'abbé  ) ,   curé   de  Ju- 

miéges. 
Quesnel  (Henri  )  ,  propriétaire,  ù 

Rouen. 
Qlixet    (Edouard),   propriétaire, 

id. 
Revel,  avocat,  id. 
Rondeaux,  ancien  député,  id. 
Rowcliffe-Barker,  fondeur,  id. 
Saint-Laurent    (  le    comte  Henri 

de),  id. 
"Simon,    architecte,     boulevard 

Beuuvoisine,  id. 
Simon  (Léopold),   propriétaire,   à 

Bures. 
TnoiROCDE-DANGn,  constructeur, 

à  Rouen. 
Waddington,  négociant,  id. 


.  DIVISION.  —SEINE,   SEINE-ET-OISE,  YONNE,  LOIRET, 
AURE  ET   EURE-ET-LOIR. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  le  vicomte  DE  CUSSY  ,  rue  Cau- 
martin  ,  26,  à  Paris. 

Seine. 


Inspecteur  :  *  M.  Darcel,  correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  rue  de  la  Chaussée-d'Antiu  ,  27  bis,  à  Paris. 

Aramon    (le  comte  d') ,   rue    de  *  Arthus-Bertrand  (Mme.  veuve), 

Poitiers,  52  ,  à  Paris.  rue  Hautefeuille,  à  Paris. 

Af.ribault,    ingénieur  des  ponts-  *  Aubert     (le   chevalier),     rue 

et-chaussées,  id.  d'Amsterdam,  39,  id. 


DE    LA   SOCIÉTÉ    FRAMjAlSE    I>  ARCHÉOLOCiK.  XIX 


Barbier,  employé  au  Ministère  de 
la  guerre,  à  Paris. 

*  Barthélémy  (Anatole  de),  ancien 

sous-préfet,  id. 

*  Barthélémy  (  Edouard  de  )  , 
maître  des  Bequétes  au  Conseil 
d'État,  rue  Casiinir-Périer ,  3, 
id. 

*  Beaufort  (le  comte  Ch.  de),  rue 

delaVille-l'Évêque,  29,  id. 

*  Beaulny  (  Camille  de  )  ,  rue 
d'Aguesseau,  9,  id. 

*  Belbeuf  (le  marquis  de),    sé- 

nateur, rue  de  Lille,  79,  id. 
Bétiiisy    (  le  marquis   de  )  ,    rue 
de  l'Université,  53,  id. 

*  Blacas  (le  comte  Stanislas  de)  , 
rue  de  Varennes,  52,  id. 

Blanche,  ancien  secrétaire-général 

du  Ministère  d'État,  id 
Boisrenaud  (  le  comte  de),  rue  St.- 

Guillaume,  3  id. 

*  Bon  vouloir  (Auguste  de),  rue  de 

l'Université,  15,  id. 

*  Bottée  de  ïoulmon  ,  rue  des 
Saints-Pères,  7  bis,  id. 

BouvENNE(Aglans),rue  Jacob,!  0,id. 

Breval  (Henri),  graveur,  cbaussée 
de  Clignancourt,  id. 

Bruère,  curé  de  St.-Martin,  id. 

Bucaille  (  Gustave  ) ,  inspecteur 
de  l'Association  normande,  bou- 
levard du  Temple,  51,  id. 

*  Cvpelli,  boulevard  Pigalle  ,  38  , 

à  Montmartre. 
Carlier  (J.-J.  ) ,   ancien-agent  de 
change,  rue  des  Martyrs,  47 , 
à  Paris. 


Cattois  (le  docteur) ,  rue  Cassette, 

20 ,  à  Paris. 
Calmont,  rue  Monsieur-le- Prince, 

47,  id. 

*  Challes,  rue  de  Londres,  52,  id. 
Château  (Léon),  directeur  de  l'In- 
stitution professionnelle  d'Yvry^ 

*  ClIAUBRY       DE      TuONCENORD      (  le 

baron  de)  ,  rue  Ncuve-de-1'Uni- 
versilé ,  à  Paris. 

Ciiossote  (  l'abbé  )  ,  curé  de  St.- 
Mandé. 

Coinde  (  J.-P.  )  ,  membre  de  plu- 
sieurs Académies,  à  Paris. 

*  Courtavel  (le  marquis  de),  rue 
St.-Guillaume,  34,  id. 

*  Cussy  (le  vicomte  de),  rue  Cau- 
martin,  26,  id. 

*  Daigusson  (Maurice),  archiviste- 

paléographe,  quai  des  Orfèvres, 
18,  id. 
Damiens  ,  statuaire,  rue  du  Cher- 
che-Midi, 55,  id. 

*  Darcel,  correspondant  du  Minis- 

tère de  l'Instruction  publique  , 
rue  de  la  chaussée-d'Anlin  , 
27  bis,  id. 
David,  ancien  ministre  plénipo- 
tentiaire ,  rue  de  Ponthieu  , 
20,   id. 

*  De  Bouis,  docteur-médecin,  rue 
du  Faubourg-St.-Honoré  ,  1G8  , 
id. 

Dshon  (Léon),  avocat,  id. 

*  Dequeuï  de  Saint-Hilaire  (  le 
marquis),  rue  Soufïlot,  n".  1,  id. 

Des  Cars  (le  duc),  rue  de  Gre- 
nelle-St.-Germain,  79,  id. 


XX 


LISTE    DES   MEMBRES 


*  Didron  ,  ancien  secrétaire  du 
Comité  des  arts,  directeur  des 
Annales  archéologiques  ,  rue 
St.-Dominique,  23,  à  Paris. 

*  Dietrich,  graveur,  id. 

*  Doué  père,  membre  de  l'Institut 

des  provinces,  cité  Doré  ,  boule- 
vard de  la  Gare,  108,  id. 
Doyen,  sous-directeur  de  la   Ban- 
que de  France,  membre  de  l'In- 
titut  des  provinces,  id. 

*  Dufour  (l'abbé  Valentin),  vicaire 

de  St.-Paul-St. -Louis,  id. 

*  Erceville  (  le  comte  Gabriel  )  , 
rue  de  Grenelle-St. -Germain  , 
13,  id. 

*  Foucher  de  Careil  (  le  comte  )  , 

rue  des  Champs-Elysées,  69,  id. 
Gautier  ,  conseiller  à  la  Cour  de 

cassation,  id. 
Gérard  (l'abbé),  rue  de  Pontoise, 

30,  id. 
Godefroy-Ménilglaise  (le  marquis 

de),  ancien  sous-préfet,  rue  de 

Grenelle-St.-Germain  ,  93,  id. 
Hubert-Ménage,     fabricant    d'or- 
nements d'église ,  rue   de  Vau- 

girard  ,  17,  id. 
Husson,  propriétaire,  rue  Meslay, 

18,  id. 
Joly  de  Villiers  ,  contrôleur  des 

contributions,    rue    Neuve-des- 

Petits-Champs,  97,  id. 

*  JoiANNE,ruedeVaugirard,  20,  id. 
Keller  (Emile),   député,  rue  de 

Las-Cases,  7,  id. 
Kergorlay  (de),  dePInstitutdes  pro- 
vinces, rue  de  Las-Cases,  2/1,  id. 


*  Labarte  (Jules),  rue  Drouot , 

2,  à  Paris. 
Labille   (  Aimable  )  ,   architecte  , 

boulevard  Poissonnière,  24,  id. 
*Lallier   (Justin),   employé  au 

Ministère  des   finances,  rue  de 

Verneuil,  9,  id. 
Lamaille  (Ferdinand  ),    rue  de  la 

Ferme-des-Mathurins,  16,  id. 
La  Panouze  (  le  comte  de)  ,  rue 

du  Faubourg-St. -Honoré,  29,id. 
*LaRochelambert  (le  marquis  de), 

sénateur,  rue  de  Lachaise,  9,  id. 
Le  Blei,  docteur  en  médecine,  id. 
"Le  Danois  (Edmond),  ancien  ré- 
férendaire   au  sceau ,   rue    de 

Rivoli,  3. 
Légier    de  Mesteyme   (  HenriJ) , 

avocat  à  la  Cour  impériale,  id. 

*  Le  Harivel-Di rocher,  de  l'In- 
stitut des  provinces ,  rue  du 
Regard,  6,  id. 

Lelorain,  docteur-médecin  ,  rue 

Bonaparte,  57,  id. 
Le  Normand  ,    rue  de   Madame , 

34,  id. 

*  Leroyer  ,  directeur  de  l'École 
professionnelle,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces,  à  Vincennes. 

*  Liesville  (de) ,  aux  Batignolles, 

à  Paris. 
Liger,   architecte,   rue  Blanche, 

60,  id. 
Longueil    (  de  ) ,    graveur ,    rue 

Royale-St.-Honoré,  8,  id. 

*  Llsson,  peintre-verrier,  id. 

*  Luynes  (  le  duc  de  ) ,  rue  St.- 
Dominique,  33,  id. 


DE  LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE   D'ARCHÉOLOGIE.  XXI 

OiMNOT  de  La  Faverie  ,  rue  de 
l'Ouest,  56,  à  Paris. 

Palustre  de  Montifault  (Léon) , 
rue  Bonaparte,  18,  id. 

Paris  (Louis),  ancien  bibliothé- 
caire de  la  ville  de  Reims,  rue 
Rambutcau,  2,  id. 

Paris  (  Paulin  ),  membre  de  l'In- 
stitut de  France,  place  Royale  , 
id. 


Marc  (Gédéon),  notaire,  à  Paris. 

*  Marion,  inspecteur  de  la  Côfe- 
d'Or,  rue  Gaudot-de-Mauroy  , 
29,  id. 

Martin  (L.),  rue  de  Rivoli,  73,  id. 
Maubert,  sculpteur,  rue  du  Fau- 
bourg-Poissonnière, 185,  id. 

*  Maurenq,  ruedeTivoly,  9,  id. 
Migne    (l'abbé),    au   Petit-Mont- 
Rouge,  barrière  d'Enfer,  id. 

Minoret    (E.),   avocat  à  la  Cour     Pasquier  (  Lucien  ),  étudiant,  id. 
impériale,  boulevard  de  Stras-     Pernot  ,  peintre,    rue   Stp.-Hya- 


bourg,  6,  id. 

*  Mirepoix  (le  duc  de),   rue  St.- 

Dominique-St.-Germain  ,    102, 
id. 
Moll,  architecte,  id. 

*  Montalcmberi  (le  comte  de),  an- 
cien pair  de  France,  membre 
de  l'Académie  française,  rue  du 
Bac,  40,  id. 

*  Montlaur  (  le  marquis  de  ) , 
membre  de  l'Institut  des  pro- 
vinces, id. 

*  Montlaur  (  le  comte  de  ) ,  pro- 
priétaire, id. 

Montluisant  (de) ,  capitaine  d'ar- 
tillerie, rue  St.-Dominique-St.- 
Gerrnain,  2,  id. 

*  More  au  (Ferdinand),  agent  de 
change,  rue  de  Londres,  29,  id. 

*  Mosselmax  ,     rue     d'Anjou-St.- 

Honoré,  63,  id. 
Nettancourt    (  de  ) ,    colonel   en 

retraite,  rue  de  Madame,  37,  id. 
Nugent  (de),  rue  du  Regard,  5,  id. 

*  Oilliamson  (le  vicomte  d') ,  rue 
de  la  VilIe-l'Évêque,  29,  id. 


cinthe-St.-Honoré,  7,  id. 

*  Petit  (Victor),  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces ,  rue  de 
Lille ,  23,  id. 

Pinieix  (le  chevalier  de),  rue  Cau- 
martin,  id. 

*  Pomereu    (  le    vicomte   Armand 

de),  rue  de  Lille,  67,  id. 

*  Pontois  de  Pontcarré  (le  mar- 

quis de),  rue  d'Anjou-St.-Ho- 
noré,  42,  id. 

Ponton  d'Amecourt  (le  vicomte 
de),  rue  d'Enfer,  43,  id. 

Poussielgue-Rusand  (Placide),  or- 
fèvre, rue  Cassette,  45,  id. 

Reizet  (le  comte  de),  secrétaire 
d'ambassade,  rue  d'Amsterdam, 
35  bis,  id. 

Riancey  (  Henri  de)  ,  avocat  , 
id. 

Robert  ,  chef  de  division  au  Mi- 
nistère de  la  guerre,  id. 

*  Rotsciiili)  (  le  baron  de  )  ,  rue 
Laffitte,  25,  à  Paris. 

Rousset  (A.),  correspondant  du 
Ministère  de    l'Instruction    pu- 


XXII 


LISTE   DES   MEMBRES 
Leniercier 


blique ,     22  ,     rue 
(Batignolles). 

Rouyer  (Jules),  sous-chef  à  la 
Direction  générale  des  postes,  à 
Paris. 

Roys  (le  vicomte  Ernest  de)  ,  au- 
diteur au  Conseil  d'État,  6, 
place  Vendôme,  id. 

*  Ruillé  (le  comte  de),  rue 
d'Aujou-St. -Honoré,  80,  id. 

*  Sagot  ,  membre  de  plusieurs 
Académies,  rue  et  hôtel  Laffitte, 
id. 

*  Saint-Paul  (  P.-L.  de),  avocat, 

rue  d'Aguesseau,  1,  id. 

Salvandy  (le  comte  Paul  de) ,  rue 
Cassette,  30,  id. 

* Sarty  (de),  ancien  préfet,  rue 
Rumfort ,  14,  id. 

Simi an,  avocat,  quai  des  Augus- 
tins,  37,  id. 

Terrât  de  Mont-Vindé  (  le  vi- 
comte), conseiller  à  la  Cour 
impériale,  id. 

*  Thiac,  membre  de  l'Institut  des 

Seine— et— Oise. 


provinces,  rue  St.-Lazare,  24,  à 

Paris. 
Thiollet  ,     passage    Stc.-Marie  , 

n°.  8,  id. 
Tournier  (Mme.  veuve)  ,    rue   de 

Berlin,  32,  id. 
*Varin,  ancien  avoué,  rue  de  Mon- 
ceaux, 12,  id. 
Vautier-Galle,  sculpteur,  rue  de 

la  Chaise,  10. 
Verdier,  architecte,  rue  Cassette, 

20,  id. 

*  VWefosse  (Héron  de),  archiviste- 
paléographe, rue  de  Buffon,25,id. 

*Villegille  (de  La),  secrétaire  du 

Comité  historique ,  id. 
Vincent,   membre  de  l'Académie 

des  inscriptions  et  belles-lettres, 

id. 

*  Vogué  (  le  comte  Melchior  de  ) , 
rue  de  Lille,  90,  id. 

Walsh  (  le  vicomte  Edouard  ) ,  rue 
de  l'Université,  !xi  ,  id. 

*  Wint  (Paul  de),  id. 


Bossin,    horticulleur, 
court. 


Inspecteur 


Brûlé    (  l'abbé  )  ,     aumônier 
Ste.-Colombe,  à  Sens. 

*  Challe,  sous-directeur  de  l'In- 
stitut des  provinces  et  membre 
du  Conseil  général  de  l'Yonne  , 
à  Auxerre. 


a    Hannc-     *Dion  (Henri   de),   ingénieur,  à 
Monlforl-l'Amaury. 

Yonne. 

*  Mgr.  Jolly  ,  archevêque  de  Sens. 

de 


Clermont-Tonnerre  (  le  marquis 
de),  au  château  d'Ancy-le-Franc. 

Cotteau,  juge,  à  Auxerre. 

Dormois  (  Camille  ! ,  économe  de 
l'hospice,  à  Tonnerre. 

Droit  (l'abbé),  curé  d'Island. 


I)L    LA    SOCIÉTÉ    rKANÇALSL    D'ABCHÉOLOGIE.       XX 11 I 


Jollv  (Mgr.!,  archevêque  de  Sens. 

*  Havei.t  (le  baron  du),  au  château 

des  Barres,  à  Saintpuils,  parEn- 

trains-sur-Nohuin. 
lit  r.Nou ,    ingénieur    en    chef,   à 

Auxerre. 
Laitier,  président  du  Tribunal  civil, 

membre  du  Conseil  général,   à 

Sens. 

*  La  Tour-du-Pin-Goi  vernet  (  le 

marquis  de),  à  Chaumonl-sur- 
Yonne,  parYilleneuve-la-Guyurd. 
Laurent  (l'abbé),  directeur  du  sé- 
minaire, ù  Auxerre. 


Le  Maistre  (le  chevalier),  membre 
correspondant  de  la  Société  ar- 
chéologique, à  Tonnerre. 

(Juaniin  ,  archiviste  du  départe- 
ment,  à  Auxerre. 

Ra\  in,  notaire,  à  Villiers-St. -Benoit, 

Roguier  (  l'abbé  )  ,  aumônier  de 
l'École  normale  d'Auxerre. 

"Textoms,  au  château  de  Chenny, 
par  Tonnerre. 

*  Tonnellier  ,  greffier  en  chef  du 
Tribunal  civil,  a  Sens. 

Tonnellier,  président  du  Tribuna 
civil,  à  Auxerre. 


Loiret. 

Inspecteur:  *  M.  l'abbé  Dksnoyeus,  chanoine,  vicaire-général ,  membre 
de  l'Institut  des  provinces  ,  à  Orléans. 


Aueecourt  i,d'),  ancien  officier, 
à  Orléans. 

*  Boucher   de   Molandon  ,   à   Or- 

léans ,  et  à  Reuilly,  par  Pont- 
aux-Moines. 

Buzonnière  (  de),  membre  de  ITn- 
stitut  des  provinces,  à  Orléans. 

"DeFayes  de  C.HAULNEs(le  vicomte), 
rue  des  Feuchers ,  id. 

*Desnoïeks  (l'abbé),  chanoine, 
vicaire-général ,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces ,  id. 

*  Dupanlolp  ,Mgr.),  évêque  d'Or- 

léans. 
"Dipuis,  membre  de  l'Institut  des 
provinces ,  conseiller  à  la  Cour 


impériale,  à  Orléans. 

Guillaume,  juge,  à  Montargis. 

Jacob,  imprimeur-libraire,  à  Or- 
léans. 

Marchand,  correspondant  du  Mi- 
nistère de  l'Instruction  publiqu  e 
près  Briare. 

Nitot  ,  membre  du  Conseil  gé 
néral ,  à  Ay. 

Petit  ,  membre  du  Conseil  gé- 
néral ,  à  Triguères. 

Poulain,  conducteur  des  ponls-et- 
chaussées,  à  Montargis. 

Rocher  (  l'abbé  ) ,  chanoine  hono- 
raire ,  membre  de  la  Société  ar_ 
chéologique,  à  Orléans. 


\X1V 


LISTE   DE5  MEMBRES 


Aube. 

Inspecteur  :  *  M.  l'abbé  Tridon  ,  chanoine  honoraire  ,  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  û  Troyes. 


Adnot,  notaire,  à  Ghappes,  canton 
de  Bar-sur-Seine. 

Baubeau-Rémond,  propriétaire  aux 
Riceys. 

Batier  ,  conducteur  des  ponts-et- 
chaussées ,  à  Bar-sur-Seine. 

Bonnemain  (l'abbé),  chanoine  ho- 
noraire ,  vicaire  de  Ste. -Made- 
leine, à  Troyes. 

*Gamusat  de  Vaugocrdon,  vice- 
président  de  la  Société  acadé- 
mique de  l'Aube,  id. 

C'offinet  (l'abbé),  chanoine,  ancien 
vicaire-général  du  diocèse,   id. 

*  Fléchey-Cousin  ,  architecte  ,  à 
Troyes. 

Fontaine-Gris  ,  président  de  la 
Ghambre  de  commerce,  id. 

Gaussen,  artiste-peintre,  auteur  du 
Portefeuille  archéologique  ,  id. 

*  Gayol    (Améilée),    ancien   dé- 

puté,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  id. 


Gréau  (  Jules  ) ,  manufacturier  , 
à  Troyes. 

Hervey,  docteur-médecin,  id. 

Huot  (Charles),  manufacturier, 
id. 

La  Huproye  (Truchy  de),  pro- 
priétaire, id. 

Marcillac  (le  comte  de),  à  Bar- 
su  r-Aube. 

Millot,  architecte,  à  Troyes. 

Roizard  (l'abbé),  chanoine-archi- 
prêtre  de  la  cathédrale,  vicaire- 
général  ,  id. 

Royer  (Jules),  architecte,  aux 
Riceys. 

*  Triuon  (l'abbé) ,  chanoine  hono- 

raire ,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  à  Troyes. 

*  Vendelvre  (le  comte  Gabriel  de), 
ancien  représentant,  à  Veii- 
deuvre-sur-Barse. 

Vermet  (Alphonse),  propriétaire, 
à  Troyes. 


Etire— et— Lois'. 


Inspecteur  :  *  M.  Charles  d'Alvimaue,  à  Dreux. 


*  Alvimare  (Charles  d';,  à  Dreux. 

*  Durand  (Paul) ,  à  Chartres. 
Leffroy,  propriétaire,  à  Dreux. 

*  Merlet,  secrétaire  de  la  Société 

archéologique  d'Eure-et-Loir. 
Morissurc  (  de  )  ,    secrétaire    du 


Comice  agricole,   à  Nogent-le- 

Rolron. 
Prou,  président  du  Tribunal  civil, 

à  Chateaudun. 
*Tellot  (Henri),  propriétaire,  à 

Dreux. 


DE    LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE    U'AHCHÉOLOGIE.  XXV 


6*.   DIVISION.— SARTHE,  MAINE-ET-LOIRE  ET  MAYENNE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  '  M.  le  comte  DE  MAILLY,  ancien  pair 
de  France,  au  château  de  la  Roche-de-Vaux ,  près  le  Mans. 

Sarthe. 

Inspecteur  :  *  M.  Hucher,  de  l'Institut  des  provinces. 


Anjubault  ,  bibliothécaire,  au 
Mans. 

*  Baglion  (  de  ) ,  au  château  de 
Boscé. 

BAUCHET(Paul),urchitecte,auMans. 

*  Blavette  (  Edmond  de  ) ,  au 
château  de  Goupillères. 

Blottière,  sculpteur,  au  Mans. 
Bouvet  (l'abbé),  ouré  de  Neuvy. 
Charles  (Léopold),  antiquaire,  à 
la  Ferlé-Bernard. 

*  Chevreau  (l'abbé),  vicaire-gé- 
néral du  Mans. 

Clermont-Gallerande  (  le  comte 
de  ),  au  Maus. 

*  Cumont  (  le  vicomte  Charles  de  ), 
à  Crissé. 

David,  architecte,  au  Mans. 

Delarue  ,  architecte  du  déparle- 
ment, id. 

Deslais  (  l'abbé  ) ,  curé  de  la  Cou- 
ture, id. 

*  Espautart  (  Adolphe  d'  ) ,  pro- 
priétaire, adjoint  au  maire,  id. 

Étoc  de  Mazî,  médecin  de  l'Asile 

des  Aliénés,  id. 
Foubert  ,  sculpteur,    à    Sillé-le- 

Guillaume. 
Guérangf.r   (Dom),abbé   de  So- 

lesmes. 


Hamon  ,  membre  du  Conseil  gé- 
néral, au  Mans. 

*  Hucher,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  id. 

Joisset  des  Berries,  juge  d'in- 
struction, id. 

La  Belle-Dagoneac,  rue  Garnicr, 
id. 

Le  Normand  de  Lourmel,  directeur 
des  Contributions  directes,  id. 

Le  Pelletier  ,  docteur-médecin  , 
id. 

Le  Tessier  (l'abbé),  vicaire  de  la 
Couture,  id. 

L'Hermite  ,  membre  du  Conseil 
général,  à  St.-Calais. 

Livet  (l'abbé),  chanoine  hono- 
raire, curé  du  Pré,  au  Mans. 

Lottix  (l'abbé),  chanoine,  mem- 
bre de  l'Institut  des  provinces  , 
id. 

*  Loyac  (  le  marquis  de)  ,  à  Ven- 
deuvre. 

*  Mailly  (le  comte  de),  ancien  pair 
de  France,  au  château  de  la 
r»oche-de-Vaux,  près  le  Mans. 

Ménard  de  La  Groie  (Mme.  Hippo- 
lyle  ),  au  Mans. 

*  Paillart-Duclêré  ,  membre  du 
Conseil  général,  id. 


XXVI 


LISTE    DES    MEMBRES 


Pebsigan  (l'abbé) ,  chanoine  titu- 
laire, au  Mans. 

Picot  dp.  Vaulogé  (  ie  comte  de)  , 
à  Vaulogé. 

*  Pkovost  ,  juge  de  paix  ,  a  Sillé- 
le-Guillaume. 

Riobé  ,  procureur  impérial,  à  La 

Flèche. 
Rousseau  ,  professeur  de   dessin  , 

au  Mans. 

*  Saint-Paterne  (  le  comte  de  ) ,  à 


St. -Paterne. 

\Sinchkr,  directeur  de  la  Compa- 
gnie d'assurance  mutuelle  mobi- 
lière, au  Mans. 

Vallée  (  Gustave),  juge  suppléant , 
id. 

Verdikr,  professeur  de  mathéma- 
tiques en  retraite,  id. 

Voisin  (  l'abbé),  de  l'Institut  des 
provinces,  id. 


Maine— et— Loire. 


Inspecteur  :  *  M.  Godard  Faultrier,  à  Angers. 


Allard  (l'abbé),  curé  de  La  Breille. 

Baillou  de  La  Brosse,  propre.,  id. 

Barbier  de  Montault,  membre  de 
l'Institut  des  provinces 

Béclard  ,  avocat ,  membre  de  la 
Société  d'agriculture,  sciences  et 
arts,  à  Angers. 

Bouchard  ,  docteur-médecin  ,  à 
San  mur. 

Boutel  (Camille),  propriétaire,  id. 

Bouton  -Lévêque  ,  maire  des 
Ponts-de-Cé. 

Briffaut  (l'abbé),  ancien  curé,  à 
Saumur. 

Bruas  (  Charles  ) ,  propriétaire  id. 

Blcaille,  propriétaire,  id. 

Chedeau,  adjoint  au  Maire,  id. 

Chevalier  (l'abbé) ,  aumônier  de 
l'hôpital,  à  Candé. 

Courtiller,  conservateur  du  Mu- 
sée, à  Saumur. 

Delavau  (Victor),  ancien  capi- 
taine d'état-major,  id. 


Delavau  (Henri),  membre  du  Con- 
seil d'arrondissement,  à  Saumur. 

Ducamps  (Théodore),  id. 

Dipuis  (  Charlemagne),  proprié- 
taire, id. 

Épinay  (d'),  juge  du  Tribunal 
civil,  id. 

Fos  (F.  de),  propriétaire,  id. 

Gallard  ,  agent-voyer  d'arrondis- 
sement, id. 

*  Godard-Faultrier,  à  Angers. 
Godet,  imprimeur,  à  Saumur. 

*  Joly-te-Terme  ,    architecte  ,   id. 

*  Joubbrt  (  l'abbé  ) ,  chanoine  ho- 
noraire, à  Angers. 

Lambert  aîné,  à  Saumur. 

La  Selle  (le  comte  de) ,  membre 
du  Conseil  général,  au  château 
de  La  Tremblaye. 

Lestoile  (de)  ,  à  la  Lande-Chasle , 
près  Angers. 

Louvet,  député  au  Corps  légis- 
latif, maire  de  Saumur. 


DE    LA    SOCIÉTÉ    FKAM.i 

Mack  (  l'abbé  )  ,  curé  de  Notre- 
Dame-des-Ardilliers. 

Mahi-.u  fils  ,   prop™.  ,  à    Sauninr. 

Mabest  (de),  maire  de  Bagneux, 
prèsSaumur. 

Mayaud  (Albert),  membre  du  Con- 
seil général  des  Deux-Sèvres,  à 
St. -Hilaire-Sl  .-Florent 

Mayaud  (Paul),  propriétaire,  à 
Saumur. 

O'Neil,  sous-préfet  de  Saumur. 

Parrot  (A.),  à  Angers. 

*  Prévost  ,  capitaine-commandant 


AISK  o'abguéologie,      XXVU 

du  génie,  à  Saumur. 

Pichon  ,  docteur-médecin,  id. 

Pip.tif,  architecte,  id. 

Qlatrebarbbs  (le  comte  Théodore 
de),  à  Angers. 

Raimbai'lt,  vétérinaire,  à  Saumur. 

Roffoy,  architecte,  id. 

Tardif  (  l'abbé  )  ,  chanoine-secré- 
taire de  Pévêché,  à  Angers, 

Trouillard  (  C.  ) ,  propriétaire ,  à 
Saumur. 

Vidal,  propriétaire  ,  à  St.-Hilaire- 
St.-Florent. 


Mayenne* 

Inspecteur  :  M,  Le  Fisblier,  à  Laval. 
Bodard  (Anatole  de),  a  Craon.       Hercé  (le  comte  Armand  de),  au 


*  Champagivey  (M°e,  la  marquise 
de),  au  château  de  Craon. 

Chedeau,  avoué,  a  Mayenne. 

Coismer  Le  Provost  (Stéphen), 
à  Laval. 


château  de  Monguéré. 

La  Broize  (de),  place  de  Hercé, 
à  Laval. 

*  Le  Fiselier  ,  secrétaire  de  la  So- 
ciété de  l'industrie,  id. 


Descars  (l'abbé  \  chanoine  hono-  Prldhomme  (l'abbé),  vicaire,  id. 

raire,  directeur  de  l'Institut  ec-  *  Sarcus    (  le    baron    de  )  ,     \ 

clésiastique  de  Châleau-Gontier.  Mayenne. 

*  Destouches,  propriétaire,  à  Laval.  Sebaux  (l'abbé),    supérieur    du 

Gahmer,  agent-voyer,  à  Laval.  Grand-Séminaire,  à  Laval. 


7e.  DIVISION.—  LOIR-ET-CHER,  CUKR,  INDRE-ET-LOIRE, 
INDRE  ET  NIÈVRE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  M.  DE  LASAUSSAYE,  membre  de  l'Institut. 

Loir— et— (lier. 

Inspecteur  :  M.  le  marquis  de   Vibraye  ,    membre    de  l'Institut   des 
provinces,  à  Cour-Cheverny,  près  Blois. 

*  Lacroix  de  Rochambeau  (le  C'".),  Vendôme,    et   à  Paris,   rue   de 

au  château  de  Rochambeau,  près         Hanovre,  k. 


XXVUI  LISTE  DES  MEMBRES 

•La  Saussaye   (de),    membre  de        département ,  à  Blois. 

l'Institut  de  France.  Tract  (de) ,  à  Suèvres. 

Launay,  professeur  au  collège  de    *  Vibraye  (le  marquis  de),  membre 

Vendôme.  de  l'Institut   des  provinces ,    à 

Martonne   (de),    archiviste    du        Cour-Cheverny,  près  Blois. 

Cher. 

Inspecteur  :*M.  Boirdaloue,  membre  de  l'Institut  des  provinces. 

Berry,  conseiller  à  la  Cour  impé-  Sociétés  archéologiques,  à  Bour- 

riale,  à  Bourges.  Ses« 

♦Bourdaloue,  membre  de  l'Institut  Le  Noir  (  l'abbé  ),  curé  de  Charly. 

des  provinces  ,  id.  Maréchal,   ingénieur  des  ponts- 

«Du  Moctet,  membre  de  plusieurs  et-chaussées,  à  Bourges. 

Indre-et-Loire. 

Inspecteur  :  *  M.  le  comte  de  Galembert,  propriétaire ,  à  Tours. 

Bacot  de  Bomans  (Jules),  à  Tours.  Jacquemin,  architecte,  à  Tours. 

Boisleve-Desnoyers,  maire  à  Lan-  *  Lambron  de  Lignim  (le  baron) , 
geais,  membre  de  l'Institut  des   pro- 

*  Bourassé  (l'abbé),  chanoine  li-         vinces,  id. 

tulaire,  à  Tours.  *  Pécard,  conservateur  du  musée 

Browne  ,   membre  de   la   Société  archéologique ,  id. 

archéologique  de  Touraine,  id.  Lobin  (Léopold),  directeur  de  la 

•Charlot  (Grégoire),  id. ,  id.  manufacture  de  vitraux  peints, 

*  Cougny  (G.  de),  au  château  de  la  id. 

Grille,  près  Chinon.  Rose-Cartier,  propriétaire,  id. 

*  Galembert  (  le  comte  de  ) ,  pro-     *  Sarcé  (  de  ),  au  château  de  Hod- 

priétaire,  à  Tours.  berd-St. -Christophe. 

»  Guérin  fils,  architecte,  id.  Thieiry  (Jules),  à  Amboise. 

Indre. 

Inspecteur:  *  M.  Maurenq,  rue  de  Tivoly,  9,  à  Paris. 

*  Charon  (l'abbé)  ,  curé  de  St.-     *  Voisin  (l'abbé),  curé  de  Douadic 

Marcel,  canton  d'Argentan.  (canton  du  Blanc). 


DE   LA    SOCIÉTÉ    FRANÇAISE    B*  ARCHÉOLOGIE.        \\l\ 

Nièvre. 

Inspecteur  :  *  Mgr.  Crosnibr,  protonotaire  apostolique,  vicaire-général 
de  Nevers ,  membre  de  l'Institut  des  provinces. 

Choulot  (le  comte  de),  àSavigny-     Millet  (l'abbé),  chanoine  hono- 
les-Vaux ,  près  Nevers.  raire ,  doyen  de  St.-Amand-en- 

*  Crosnier   (Mgr.  ),    protonotaire         Puisaye. 

apostolique,  vicaire-général  de     Violette  (  l'abbé  ),  archiprêtre  de 

Nevers,  membre  de  l'Institut  des        Cosne. 

provinces. 

8e.  DIVISION.—  PUY-DE-DOME,    CANTAL,  HAUTE-LOIRE, 
LOIRE  ET  LOZÈRE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  J.-B.  BOUILLET,  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  Clermont-Ferrand. 

Puy-de-Dôme. 

Inspecteur  :  M.  Thibault,  peintre-verrier,  à  Clermont. 

*  Bouillet  (  J.-B.  ) ,  membre  de     *  Mallay  ,  architecte  du  départe- 

Plnstitut  des  provinces,  à  Cler-  ment,  à  Clermont-Ferrand. 

mont-Ferrand.  Sartige  (  le  baron  de),  id. 

*  Chardon  du  Banquet,  id.  *  Sédaignes  (le  vicomte  Jacques- 
*Desbouis  ,    bibliothécaire    de   la  Alfred  de),  au  château  de  l'Ora- 

ville,  id.  don,  près  Clermont-Ferrand. 

Large,  inspecteur  de  l'Académie,     *  Thibault,  peintre-verrier,  à  Cler- 
mont-Ferrand. 

Haute— Loire. 

Inspecteur  :  M.  Albert  de  Brives  ,  membre  du  Conseil  général  de 
l'Agriculture,  au  Puy. 

*  Bertrand  de  Doue,  ancien  pré-     Brives   (  Albert  de),  membre  du 

sident  de  la  Société  académique,  Conseil  général  de  l'Agriculture, 

au  Puy.  au  Puy. 

Le  Blanc  ,  conservateur  de  la  bi-  Calemard  de  La  Fayette,    prési- 

bliothèque  de  Brioude.  dent  de  la  Société  d'agriculture, 


XXX 


LISTE  DES   MEMBRES 

château  de  Chanalellles. 


sciences,  arls,  industrie  et  com- 
merce du  Puy.  Chaulnes  (Gabriel  de),  avocat,  au 
Chanaleilles  (  le  marquis  de  ) ,  au         Puy. 


Loire. 

Inspecteur  ;  *  M.  Paul  d'Albicny  de  Villeneuve,  membre  de  l'Institut 

des  provinces  de  France,  secrétaire-général  de  la  Société  impériale 

académique  de  la  Loire,  etc.,,  à  St.-Étienue. 


Albigny  de  Villeneuve  (d  },  à 
St.-Étienne. 

"Buhet  (Eugène),  notaire,  id. 

Chaverondirr  (Auguste)  ,  docteur 
en  Droit,  archiviste  du  dépar- 
tement, id. 

*  Coste  (Alphonse),  négociant,  a 
Roanne. 

Dard  (l'abbé)  ,  curé  de  Bénissous- 

Dieu. 
Gérard,  agent-voyer  en   chef,   à 

SL-Étienne. 

*  Gonnard,  employé  à  la  Recelte 
générale,  id. 

Le  Roux,  ingénieur  civil,  rue  Ste.- 


Gatherine,  id. 

*  Meaux  (le  vicomte  de),  au  château 

d'Écclay. 
Noël  as,  docteur-médecin  .  à  St.- 
Haon-le-Chàtel. 

*  Palliât  de  Besset  (Joseph),  pro- 
priétaire, à  Sl.-Élieune. 

"  Philip-Thiollière  ,  négociant , 
vice-président  de  la  Société  impé- 
riale académique  de  la  Loire  , 
id. 

Robichon,  propriétaire,  id. 

Testenoire-Lafayette,  notaire  ho- 
noraire, id. 

Viek  (Louis),  adjoint  au  maire,  id. 


Lozère. 


Inspecteur  :  M.  de  More,  propriétaire,  a  Serverelte. 
*  Chapelain  de  Saint- Sauveur  (  le     *  More  (de),  propriétaire,  à  Serve- 


baron  de)  à  Mende, 
Faybessb,  avocat,  id. 
FoM/(7u«er(Mgr.),évêquede  Mende. 
Le  Franc  ,  ingénieur  des  pouts-et- 

chaussées ,  à  Mende. 


rette. 
Polce  (l'abbé),  secrétaire-général 

de  Pévêché  de  Mende. 
*  Roussel,  président  de  la  Société 

d'agriculture,  a  Mende. 


1)6   LA  SOC1KTÊ   fl*ANÇÀÏéE   D'AfLCHÊOLOGtE.        XXXI 


9'.    DIVISION.  —  ILLH-ET-VILAINE  ,    tlOTES- DU-NORD  , 
FINISTÈRE,  MORBIHAN  ET  LOIRE-INFÉRIEURE 

Inspetteur  divisionnaire:   *  M.  AUDREN   DE  KERDREL,   ancieu 
député,  membre  de  l'Institut  des  provinces,  à  Renues. 

lllc-et-Yilaine. 

* 
Inspecteur  :  M.  Lanclois,  architecte,  à  Rennes. 


André,  conseiller  à  la  Cour  impé- 
riale, à  Rennes. 

Audren  de  Kerdrel,  ancien  dé- 
puté, rue  St.-Sauveur,  3,  id. 

Aussant,  D.-M. ,  id. 

*  Rorderie  (  de  La  ) ,  membre  de 


château  delà  Chapelle-Chaussée, 

près  et  par  Bécherel. 
"Lafaye  l'Hôpital  (de),  rue  de  la 

Monnaie,  6,  a  Rennes. 
"  Larigle  (le  vicomte  de),  à  Vitré. 
"Lanclois,  architecle,  à  Rennes. 


l'Institut  des  provinces,  a  Vitré.  Montessuy  (  le  comte  de),  délégué 

*  Breil  de  Lanual  (  le  comte),  au  de  la  Société  archéologique  d'Ille- 

chateau  de  Landal.  et-Vilaine,  id. 

Brune  (l'abbé),  chanoine,  à  Rennes.  Niepce,  procur.  impérial,  membre 

Danjou  de  La  Garenne,  à  Fougères.  de  l'Institut  des  provinces ,  id. 

De  La  Bigne- Villeneuve,  à  Rennes.  Ramé  (  A.  ),  de  l'Institut  des  pro- 

Fruglave  (le  comte  de  La),  au  vinces,  rue  de  La  Fayette,  2,  id. 

Grand-Fougeray,   commune  de  Toulmouche,  membre  de  plusieurs 

Port-de-Roche.  Académies,  id. 

*  Genouilhac  (le  vicomte  de),  au 

Côtes— du— I\'oi*d. 

Inspecteur  :  M.  Geslin  de  Bourgogne,  à  St.-Brieuc. 

Fréminville  (Raoul  de),  à  SU-  "Geslin  de  Bourgogne,  à  St.  -Brieuc. 

Brieuc.  Keranflech  (le  comte  de),    au 

Gautier-du-Mottay  ,     à    Plérin  ,  château  de  Quelenec ,  par  Mur- 

près  St.-Brieuc.  de-Bretagne. 

Finistère. 

Inspecteur:  *  M.  du  Marhallach,  à  Quimper. 

*  Mois  (A.  de),   ancien  député,        château  de  Kernuz,près  Pont- 

membre  de  l'Institut  des   pro-         l'Abbé. 

vinces ,  à  Quimper.  "Hallégubn,  docteur-médecin,  à 

*  Du  Chatellier  ,    membre    de        Chateaulin. 

l'Institut    tles    provinces,     au     *  Mariuu.ach  (  du  ),  à  Quimper. 


XXXIÏ  LISTE   DES  MEMBRES 

Morbihan, 

Inspecteur  :  *  M.  de  Kéridec  ,  à  Hennebont. 

Lallemand  (Alfred),  juge  de  paix,     *  Kéridec  (de),  à  Hennebon». 
à  Vannes. 

Loire—Inférieure. 

Inspecteur  :*  M.  Nau,  architecte,  membre  de  l'Institut  des  provinces,  a 
Nantes. 

Bertrand-Geslin     (  le     baron  )  ,  Martel,  directeur  du  grand-sémi- 

membre   du    Conseil   général  ,         naire,  a  Nantes. 

boulevard  Delorme ,   à  Nantes.  "Nau,    architecte,    membre    de 
Blanciiet,  docleur-médecin ,  place         l'Institut  des     provinces ,  id. 

Boyale,  15,  id.  *  Nicolif.re  (Stéphan  de  La  ),  id. 

Gahour,  aumônier  du   Lycée  im-  Phelippes-Beaulieux  ,  avocat ,  rue 

périal,  id.  des  Arts,  29,  id. 

Cailliaud  (Frédéric) ,  membre  de  Phelippes-Beaulieux,  (Emmanuel], 

l'Institut  des  provinces,  rue  des        avocat,  id. 

Arts,  29,  id.  Poulain  des  Dodièhes  (Robert),  au 
Driolet,  architecte  de  la  ville,  id.         château  de  Bois-Thoreau. 

*  La    Tour-du-Pin-Chambly     (le  *  Raymond  (Charles  de),  architecte, 

baron  Gabriel  de  ) ,  boulevard        à  Nantes. 

Delorme,  26,  id.  Richard  (l'abbé),  vicaire-général, 
Lehoux,  docteur-médecin,  rue  de         à  l'évéché,  id. 

la  Chalotais,  1,  id.  Tilly  (  le  marquis  Henri  de),  rue 
Le  Macxon  (l'abbé),  chanoine,  rue        Tournefort,  1,  id. 

Royale,  10,  id.  *  Van-Iseghem  (Heuri),  architecte, 
*MARiONNEAU,ruedu  Calvaire, l,id.         rue  Félix,  1,  id. 

10e.  DIVISION.—  VIENNE  ET  DEUX-SEVKES. 

Inspecteur  divisionaire  :  *  M.  l'abbé  AUBER,  chanoine  titulaire, 
membre  de  l'Institut  des  provinces,  à  Poitiers. 

Vienne. 

Inspecteur  :  M.  Le  Cointre-Dupont. 

*Auber    (l'abbé),  chanoine  tilu-        provinces,  à  Poitiers, 
laire,  membre  de  l'Institut  des    Bexyk  (le  Père),  itl« 


!)!•    LA   SOCIÉTÉ   RaAAÇAISJÎ   D'ARCHÉOLOGIE.      XXXIII 

*  Cardin,  ancien  magistral,  à  Poi-  Sous-St.-Cybar,  à  Poitiers. 

tiers.  Hcdct,  archiviste  du  déparlement , 

Delavau  (Achille) ,  propriétaire,  à  membre  de  l'Institut  des    pro- 

Loudun.  vinces,  id, 

La  Brosse   (le  comte  de)  ,    pro-  Robert  (l'abbé),  chanoine,  id. 

priétaire,  à  Poitiers.  Souvignt  (Charles de),  propriétaire, 

Le  CoiiNtre-Dupont,  propriétaire,  id. 

id.  Tourette  (Gilles  de  La),  proprié- 

Ménardièue    (  Camille-Arnaud  )  ,  taire,  à  Loudun. 

avocat,  docteur  en  Droit,  rue 

lïeux— Sèvres. 

Inspecteur  :  M.  Segrestain,  architecte  du  déparlement,  à  Niort. 

Arnault  ^Charles) ,  correspondant  Ledaiïi,  avocat,  de  la  Société  des 

du  Ministère  d'État,  à  Niort.  Antiquaires  de  l'Ouest,   à  Par- 

Barral'd,  juge  suppléant,  à  Bres-  thenay. 

SUÎre.  *  Ravan,  trésorier  de  la  Société  de 

Beaulieu,  membre  de  l'Institut,  à  statistique ,  à  Niort. 

ÎSioi t.  Rondier.,  juge  honoraire,  à  Melle. 

David,  député  au  Corps  législatif,  *Roulière  (ViclormdeLa),à  Niort. 

id.  Rousseau  (l'abbé),  curé  de  Vcr- 

Imbert,  propriétaire,  membre  de  ruyes,  canton  de  Mazières. 

la    Société  des  Antiquaires   de  Segrestaiv  ,  architecte  du  dépar- 

l'Ouest,  à  Thouars.  temeut,  à  Niort. 

1J".   DIVISION.— ÎIHARENTE-IXFÉRIEURE  ET  VENDÉE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  M.  l'abbé  LACUB1E,  chanoine  honoraire, 
ancien  aumônier  du  collège  de  Saintes. 

CîBarenie— Inférieure. 

Inspecteur  :  M.  Brisson,  secrétaire  en  chef  de  la  mairie  de  La  Rochelle. 

Avril   de  La  Vkrgnék  (Ernest)  ,  Clervaix  (Jules  de), à  Saintes. 

avocat,  à  La  Rochelle.  DujiORisso>i,jugedepaix  du  canton 
Beauchamp  (Charles  de),  à  Pons.  de  Pons. 

Bourgeois  (Justin),  à  Saintes.  Douulet  (l'abbé),  curé  de  Rétaux. 

Brisson,   secrétaire  en  chef  de  la  Esciias-seriaux  (le  baron),  député 

mairie  de  La  Rochelle.  au  Corps  législatif,  a  Saintes. 


mil 


LISTE   DÉS  .\ii:MiiKts 


'Gastink.au  (  l'abbé  ),  curé  de  La  collège   de   Rochefort. 

Jurd,  à  Saintes.  *  Phelippot,  propriétaire,  au  Bois 

*  Lacluie  (i'abbé),  chanoine  bono-  (  île  de  Ré). 

raire,  ancien  aumônier  du  collège  Rocuet  (l'abbé),  aumônier  de  l'hô- 

de  Saintes.  pitaJ  civil,  à  St.-Jean-d'Angély. 

*  Landriot  (  Mg'.  )  ,  é\êque  de  La  Romieux  (  Gaston  )  ,  secrétaire  de 
Rochelle.  l'Académie,  à  La  Rochelle. 

M  kxijt,  employé  des  Douanes,  a  'Paillasson,  pharmacien,  à  Saintes. 

La  Rochelle.  Tacnay  ,    juge    d'instruction  ,    à 

Person    (  l'abbé  ) ,    aumônier  du  Rochefort. 

Vendée. 

liispCitrur :  M,  Léon  Alué ,  conseiller  de  préfecture,  à  Bourbon- 
Vendée. 

*  Aude  (Léon),  conseiller  de  pié-      Poeydayant  ,  receveur  de  l'Enre- 
fcclure,  à  Bourbon-Vendée.  gislremenl,  en  retraite,  à  Mail- 

*  Baudry  (  l'abbé  Ferd.  ),  curé  du  lezais. 

Bernard.  Rabillald     (  l'abbé  )  ,    curé     de 

Collet  (Mgr.  I,  évêque  de  Luçon.  Maillezuis. 

Fillox  (Benjamin;,  à  Fontenay. 

12'.   DIVISION.  —  HAUTE-VIENNE  ET  CREUSE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  f»f.  Félix  DE  VERNE1LH,  membre  de  l'ïn- 
stitul  des  provinces,  à  Puyrazeau ,  près  Noulron  (Dordogne). 

BSaiiêe— 1  ienne. 

Inspecteur;  *  M.  l'abbé  Aubellot,  chanoine  honoraire,  curé- 
nrchiprèlre,  à  Rochechouarl. 


Ali.uaud,  président  de  la  Société 
archéologique  du  Limousin , 
membre  de  l'Institut  des  pro- 
vinces, à  Limoges. 

*  Aubellot  (l'abbé],  chanoine  ho- 
noraire, curé-archiprêtre,  a  Ro- 
chechouart. 

Buisson,  avocat,  à  Limoges. 

Forgkhon  (André),  à  Chalus. 

Folt.èle,  docteur-médecin,  à  Li- 


moges. 

Gay  de  Vernon  (le  baron),  ancien 
oflicier  d'état-major,  à  St.-Léo- 
nard. 

Mai  blanc  (de),  à  Sî.-Junien. 

Pabant  (Arthur),  à  Limoges. 

Tandf.au  de  M arsac  (  l'abbé)  ,  vi- 
caire de  St. -Pierre,  id. 

Taknaud  (F.  ),  banquier,  id. 


DE   LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE   t> -ARCHÉOLOGIE.       XXXV 


Creuse. 

Inspecteur:  *  M.  l'abbé  Ruy-Piekkf.fittb,  doyen  de  Bellegarde. 


Chaî  ssat  (le  docteur),  à  Aubusson. 

*  Cornudf.t  (le  vicomte  de),  mem- 
bre du  Conseil  général ,  ù  Croq. 

Coi'stin  de  Masnaimud  (le  marquis 
Henri  de  )  ,  au  château  de 
Sazcrat. 


Masbrenier,  conducteur  des  ponts- 

el-cba ussées,  a  Guéret. 
Perathon  (  Cypricn),  négociant  , 

a  Aubusson. 
*  Roy- Pierre ffittè  (l'abbé)  ,  doyen 

de  Bellegarde. 


Latoi-iiette  (de)  député  au  Corps     Vigieu  (Antoine),  notaire  et  maire, 
législatif.  à  Vallière. 

13e.  DIVISION.—  (i!  RONDE,  LANDES,  DORDOGNE, CHARENTE 
ET   LOT-ET-GARONNE. 

Inspecteur  tli visionnaire:  *  M.  Charles  DES  MOULINS,  sous-directeur 
de  l'Institut  des  provinces ,  à  Bordeaux. 

Gironde. 

Inspecteur:   *  M.  Léo  Droiyn,  à  Bordeaux. 


*  Alzac    de   La    Martime    (  d'  ), 

propriétaire,  à  Castillon-sur- 
Dordogne. 

Blatairol  (  l'abbé),  professeur  de 
Théologie  à  la  Faculté  de  Bor- 
deaux, à  Bordeaux. 

Bourroisse  de  Laffore,  cours 
d'Aquitaine,  n°.  90,  id. 

*  Castelnau  d'Essenuult  (le  baron 
Guillaume  de),  id. 

*  Chasteigner  (le  comte  Alexis  de) , 

rue  des  Remparts,  73,  id. 

Chasteigner  (  Paul  de)  ,  rue  de 
Cbeverus,  25,  id. 

T.irot  de  La  Ville  (l'abbé),  cha- 
noine honoraire  ,  professeur 
d'Écriture  sainte  à  la  Faculté  de 


Théologie,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Bordeaux. 

CoRiiiER  (l'abbé), rue  St. -Charles.id. 

Desle  de  La  Laxde  (  Henri  )  ,  à 
Puyremont  ,  par  Lussac  de 
Libourne. 

*Des  Moulins  (  Charles),  sous-df- 
recteur  de  l'Institut  des  pro- 
vinces, à  Bordeaux. 

Despax  (l'abbé  P.),  curé  de  Ver- 
theuil. 

*  Drouyx  (Léo) ,  à  Bordeaux. 

Dllignon-Desgranges,  id. 

Dir.ANo  (Charles)  architecte,  rue 
St.-Michel,  16,  id. 

Faisande  (l'abbé),  à  Caslillon-sur- 
Dordogne. 


XXIVi 


LlSiE  DL5  MEMBRES 


FoMrAiRieu  (Prosper  tle),  à  Ville- 
neuve d'Ornon. 

Gillari)  (l'abbé),  curé  d'Arsac. 

Grellet-Balguekik  ,  juge  d'in- 
struclion,  à  La  Réole. 

*  Jabouin,  sculpteur,  à  Bordeaux. 
Kercado  (le  comte  de  )  ,  membre 

«le   plusieurs  Sociétés  savantes, 

place  Dauphine,  30,  id. 
LaiSet    (J.-A.  ),  conservateur  du 

Musée  d'armes,  id. 
Lalanne  (Emile),  rue  du  Parle- 

menl-Sle.-Calherine,  n°.  14,  id. 

*  Lapocïade,  président  du  Tribu- 
nal civil,  à  La  Réole. 

*Le  Roy  (Octave),  juge  au  tri- 
bunal civil,  id. 

Marquessac  (le  baron  Henri  de), 
rue  de  Cheverus,  n°.  30,  à 
Bordeaux. 

Mbnabd  (J.),  rue  d'Engluer),  n°.  1, 
id. 

Landes. 


Menou  (l'abbé),  rue  des  Ayres,  20, 

à  Bordeaux. 
Mekedieu  (de),  avoué,  id. 
Montaigne    (Octave   de   La),     a 

Lugon,  canton  de  Fronsac. 

*  Paquerée,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes,  à  Castillon- 
sur-Dordogne. 

Pichakd  père  (de),  cours  d'Albret, 
46,  à  Bordeaux. 

Rambalu  (l'abbé),  curé  de  Baron. 

*Sabatier  (l'abbé),  chanoine  ho- 
noraire ,  doyen  de  la  Faculté  de 
théologie  de  Bordeaux. 

Tiiapald-de-Colombk  (G.) ,  à  Florac. 

*  Villees  (de) ,  receveur-général , 
à  Bordeaux. 

*  Villiet  (Joseph),  peintre  ,  roule 
d'Espagne,  6i,  id. 

Virac  ,  rue  Pellegrin  .  n*.  SI  , 
id. 


Inspecteur  :  M.  Auguste  du  Pevrat,   directeur  de  la  Ferme-École  des 
Landes,  àBeyrie,  près  Mugron. 


*  Pevrat  (Auguste  du),  directeur 
de  la  Ferme-École  des  Landes,  à 
B ey rie,  près  Mugron. 

Toulouset  (le  baron  de),  à  St.- 
Sever. 


*  Epivknt  (Mgr.  ),  évèque  d'Aire. 

Gi-illoutet  (de),  membre  du  Con- 
seil général  des  Landes,  au  châ- 
teau de  la  Case  ,  commune  de 
Parlebosq. 

Lalrence,  principal  du  collège  ,  à 
Monl-de  Marsan. 

Bordog'ne. 

Inspecteur:  M.  le  vicomte  Alexis  de  Gourgies,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Lauquais. 

*  Abzac    de   Ladoize   (le   comte     Briker,  peintre,  à  Périgueux. 
lirich  d'),  à  Périgueux.  Cruveilher,  architecte,  id. 


DE    LA   SOCIÉTÉ   FRANC  USE   D'ARCBÉOLOGIK.        XXX  Tl' 

Fayolle  (le  marquis  de),  SFayolle.  Rochechouart  (  le  comte  de),  à 

*Galï  ,  d.-m.  ,  à  Périgueux.  Jumilhac. 

*  Gouugubs  (le  vicomte  Alexis  de),  * Roumejoux  (Anatole  de),  à  Péri- 

ù  Lanqnais.  gueux. 

Goyiif.nèche  (l'abbé), au  château  de  Sacette  (l'abbé1,  ciné  d'AHrmans. 

Montréal.  Sairt-Exopéry   (l'abbé   de),    vi- 
Laciiai;i>  ,  préposé  en  chef  de  l'Oc-         (aire-général,  a  Périgueux. 

iroi ,  à  Périgueux.  Taixlefer    (le    marquis  Wlgrain 
Lafaye  dr  Sai.nt-Privat  (de),  à         de),   id. 

St. -Privât.  *  Ver.meilii  (Félix  de),  membre  de 
Massoubbe  (Eugène),  rédacteur  de         l'Institut  des  provinces  ,  à  Puy- 

VEcho  de  Vésonc,  à  Périgueux.  razeau. 

Rigny  (le  comte  de) ,  receveur  des  Verneith  (Jules  de),  prop™.  ,  id. 

finances  ,  à  Nontron.  Vidai,  ,  pasteur,  à  Bergerac. 

Charente* 

Inspecteur  :  M.  de  Chancel,  président  de  la  Société  archéologique, 
à  An,roulém<\ 

Chancel    de),  président  de  la  So-     *  Coussectu  (  Mg'.  ),  évoque  d'An- 
ciété  archéologique  ,  à  Angou-        goulùme. 
lème.  *  Lauriers  (de),  à  Angoulémc. 

Lot— et— Garonne. 

Inspecteur  :  M, 

•Béchadr  ,  ancien  percepteur  ,  à         VilIeneuve-sur-Lot. 

St. -Barthélémy.  Paillard  (Alphonse),  préfet   de 

La   Borie  Saixt-Sclpice  (de),  à         Lot-et-Garonne,  a  Agen. 

14e.  DIVISION.—  TAB X-tT-GARIXXE,  TARN.  LOT, 
AVEVnOX   ET  GERS. 

Inspecteur  divisionnaire  :  M.   le  comte  DE  TOULOUSE-LAUTREC, 
à  Rabastens. 

Tarn. 

Inspecteur:  *  M.  Rossignol,  à  Mon  tans,  près  Gaiilac. 
Alibekt,   pharmacien,  îi  Roque-        de  Lastours. 

courbe.  Combettes-de-L'JC    (  Louis  de  )  , 

Belfortès  Eugène  de),  au  château         à  Rabastens, 


XXXVIII  LISTE   DES   MEMBUES 

Combf.ttes  La  Bourelie  (  de  ) ,   à  *  Rossigivoi,  (Élie-Antoine),  à  Mon- 

Brcns,  par  Gaillac.  tans,  près  Gaillac. 

*  Du  Molay-Bacon,  secrétaire-gé-  Saint-Sauveur  (Conslant   de),   à 
néral  de  la  préfecture,  à  Alby.  Gaillac. 

Moulis    (l'abbé),    curé    de    Gra-  *  Tonnac-Villeneuve  (Henri  de), 

zac.  id. 

Rivières  (le  baron  Edmond  de),  au  *   Toulouse-Lautrec    (le    comte 

château  de  Rivières,  près  Gaillac.         Raymond  de),  à  Rabasteus. 

Lo*. 

Burguet  (G.  du),  maire  d'Allemans. 

Aveyron. 

Inspecteur  :  M.  l'abbé  Azémyb,  professeur  d'archéologie. 

Azémar  (  l'abbé  ) ,  professeur  d'ar-         priélaire  à  Millau. 

cliéologie.  Marchal,   ingénieur  en   chef  des 

*  Brion  Marlavagxe  (L.),    pro-         ponls-et-chaussécs,  à  Rodez. 

Gers. 

Inspecteur:  M.  Noulens,  directeur  de  la  Revue  d' Aquitaine. 

Dctamarre    (  Mgr.)  ,    archevêque  Rivière  (  de  ),  membre  du  Conseil 

d'Auch.  général ,  à  Vic-Fezensac. 

Noulens  ,  directeur   de   la   Revue  *  Salon  ,  juge  au  Tribunal  civil , 

d'Aquitaine ,  à  Gondom.  a  Auch. 

15e.  DIVISION.—  HAUTE-GARONNE,  HAUTES-PYRÉNÉES  , 

BASSES-PYRÉNÉES,  AUïîE,  PYRÉNÉES— ORIENTALES  ET 

AR1EGE. 

Inspecteur   divisionnaire  :   M.    le  vicomte  DE  JUILLAC,   à  Toulouse. 

Hante— Gavosuno. 

Inspecteur  :  *  M.  de  Saint-Simon,  rue  Tolosaue  ,  à  Toulouse. 

Bournazel  (le  marquis  de),  à  Tou-     Roumeguèrr  ,  secrétaire  de  la  So- 
louse.  ciété  archéologique  du  Midi  de 

*  Loupot,  architecte,  à  Bagnères-         la  Fiance,  à  Toulouse. 

de-Luchon.  Saint-Paul    (Anthyme)  ,    à    ?.îou- 

*  Morel  ,  avocat ,  à  St.-Gaudens.         trejau. 


DE   LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE    B'aBCHÊOLOGIS.      XXXiX 

Haute8»Pyrénées. 

Inspecteur:  M.  Loupot,  architecte,  à  Bagiières-rfe-Lnchoii 
(  Haute-Garonne). 

*  Agos  (le  baron  il'),  à  Tïbiran,  canton  de  Nes'ior. 

Basses— Pyrénées. 
Inspecteur:  *  M.  H.  Durand,  architecte  du  département,  à  Bajoune. 

*  Gknestet  de  Cbairac,  bibliothé-     Vican  (de),  inspecteur  des  forcis, 
caiie,  à  Bayonne.  a  Pau. 

Aude. 

Inspecteur  :  M.  Mahli,  ancien  préfet  à  Carcassonne,  rue  de  Las-Gascs, 
li),  à  Paris. 

*Toirnal  (de) ,  a  Narbonne.  *  Cros-Muiieieil,  à  Ma: bonne. 

Fyrénées— Wrieniales. 

Inspecteur  :  M.  de  Bonnefoy,  à  Perpignan. 

Gramer  de  Cassagxac  (l'abbé;,  di-     *  Rathevu, capitaine-chef  du  génie, 
recteur  du  Collège,  à  Perpignan.         à  Amélic-les-Bains. 

16e.  division.— noi*(  m  s-di-rhone,  Hérault,  <;ard 

KT  VAU(  IXSE. 

Inspecteur  divisionnaire  ;*M.  ROUX  (P.-Y!.\  sous-directeur  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Marseille. 

L'oueîf  es-=<ÎQï=»r.  hône. 

*  Inspccttur  :  M.  Talon,  avocat,  à  Aix. 

Balthazab,  à  Arles.  Clot-Bey  ,     docteur-médecin  ,     à 

*  Berluc-Pf.rlssis  (Léon  de),    à         Mar  eille. 

Au.  Dol,  avocat,  cours  du  Chapitre,  2, 

Berriat,  sculpteur,  id.  id. 


XL 


LISTE    DES    MEMBRES 


Le   Pbltiek,    substitut    du    pro-  *  Sabatier  ,  fondeur,  rue  des  Or- 

cureur-impérial,  à  Marseille.  févres ,  8  ,  à  Aix. 

Masse  (Etienne-Michel),  à  la  Ciolat.  Seco.\d-Crf.ps,   avocat,   bibliothé- 

Montbelil  ,  juge  de  paix  ,  à  Mur-  caire  de  la  Société  de  Statistique, 

seille.  à  Marseille. 

*  Roix  (P.-M.  ),  sous-directeur  de  Seymard  (A.),  conseiller  à  la  Cour 

l'Institut    des    provinces ,     rue  impériale  d'Aix. 

Montgrand,  id.  *  Talon,  avocat,  ù  Aix. 

Hérault. 

Inspecteur  :  *  M.  Ricard,  secréta're  de  la  Société  archéologique, 
à  Mcntpellier. 


Resim:  (Henri),  architecte,  rue 
Pelil-St.-Jean,  à  Montpellier. 

Bonnet,  conservateur  du  Musée, 
a  Béziers. 

Chailan  (l'abbé),  aumônier  des 
prisons,  id. 

Corone  (l'abbé),  cuvé  de  Sérignan. 

Farre  aîné  (l'abbé)  ,  chef  d'insti- 
tution au  couvent  de  Noire- 
Dame,  à  Gignac. 

Fabbège  (Frédéric  ) ,  élève  de  l'É- 
cole des  Chartres,  à  Mont- 
pellier. 

Hot  (l'abbé),  curé  de  Cabian , 
pur  Roujan. 

Lagarricle  (Ferdinand),  chevalier 


de  l'Ordre  royal  d'Isabelle-la- 
Calholique  ,  vice-président  ho- 
noraire, délégué  de  l'Institut  po- 
lytechnique universel,  à  Béziers. 

Mathon,  conservateur  du  Musée, 
id. 

Pai.lhes  (  l'abbé),  curé  à  Abcilhan, 
par  Béziers. 

Pai!linii  r  (  l'abbé)  ,  curé  de  Sl'.- 
Ursule,  à  Pézénas. 

Pégat  (Georges),  étudiant  en  Droit, 
à  Montpellier. 

*  Vinos  (l'abbé),  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces,  curé  de 
Jonquières. 


Gard. 

Inspecteur:  *  M.  Auguste  Plllt,  à  Nimes. 


Baume  (G.  de  La  )  ,  premier  pré- 
sident de  la  Cour  impériale,  à 
Nîmes. 

Chadenèdr  (de  La)  ,  président  du 
Comice  agricole,  à  Alais. 

Dkspeïroux, professeur  de  physique 
et  de  chimie  au  collège,  id. 


*  Gareiso  (  l'abbé  ) ,  supérieur  du 
grand-séminaire  de  Nîmes. 

*  Matharel  (le  vicomte  de), 
receveur-général  des  fmancps  , 
a  Ni  mes 

*  Pellt  (Auguste) ,  id. 


I)L   LA   SOCIÉTÉ   FRANÇAISE    D  ARCHÉOLOGIE. 


XU 


Vaneluse, 

Inspecteur:  '  M.  Valère  Martin,   membre  de  l'Institut  des  provinces, 
à  Cavaillon. 


Andréom  (Em.  )  ,  professeur  d'his- 
toire ,  à  Carpentras. 

Arnaud  aîné  ,  inspecteur  de  l'Uni- 
versité, a  Apt. 

Athenosy  (Isidore),  D.-M. ,  rue 
Culande,  30,  à  Avignon. 

Bernard  (le  docteur  Camille)  , 
maire  d'Apt. 

Bertrand  (l'abbé),  curé  d'Apt. 

Boudin  (Augustin),  rue  Boucane, 
20,  à  Avignon. 

Cakbonnel  (Jules),  curé  de  St.- 
Pierre,  id. 

Collionon  ,  pharmacien,  à  Apt. 

Davon-Sainte-Colombe  ,  juge  sup- 
pléant, id. 

Debelay  (  Mg'.  ) ,  archevêque  d'A- 
vignon. 

Deloye  (Augustin  ),  conservateur 
de  la  bibliothèque  et  du  muiée 
Calvet,  à  Avignon. 

Guilbert  (  Camille),  président  du 


Tribunal  civil,  à  Apt. 

Lambert  ,  conservateur  de  la  bi- 
bliothèque de  Carpentras. 

Le  Courtois  (l'abbé),  curé  à  Mont- 
favé-!ès-Avignon. 

"Martin  (Valère),  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  Ca- 
vaillon. 

Pontb riant  (  le  comte  de  ) ,  sous- 
préfet,  à  Apt. 

Pougnct  (l'abbé  Joseph),  rue  Cor- 
derie.  6,  à  Avignon. 

Redon  (l'abbé)  ,  professeur  au  sé- 
minaire de  Slc. -Garde. 

Rousset  (E.-Henri),  propriétaire, 
à  St. -Saturnin  d'Apt. 

Semluf.s  (de),  receveur  particulier 
des  finances,  à  Apt. 

Sevmard  (EIzéar),  avocat,  id. 

Sollier  (  E.  ) ,  architecte  de  la 
ville  d'Apt. 


17".  DIVISION.—  VAR  ,  HAUTES-ALPES,  BASSES— ALPES, 
ET  ALPES-MARITIMES. 

Inspecteur  divisionnaire:  *  M.  DE  BERLUC-PÉRUSSIS. 


Vai\ 

Inspecteur:  *  M.  Rostan,  membre  de  l'Institut  des  provinces, 
à  St.-Maximin. 


CAZF.jdocleur-médecin.  à  Colignac. 
Gibaud-Magloire   (l'abbé),    cha- 


noine honoraire ,  officier  d'Aca- 
démie, curé  de  Si.-Cyr. 


XLll  LISTE   DES   MEMBRES 

M  wirin  (!e  docteur;,  ex-chirurgien 
de  la  Marine,  médecin  du  Che- 
min de  fer,  au  Lud. 

*  Mesure,  îngéu.  civil,  a  Brignolles. 

Poi lle  (  Raymond  )  ,  avocat ,  à 
Diaguignnn. 


*  Rostam  ,    membre  de    l'Institut 
des  provinces,  à  St.-Mnx'unin. 

Si<;aui>-Bkksc  (de),  au  château  de 
Bresc. 

*  Veuillot,  contrôleur  des  Contri- 
butions directes,  à  Brignolles. 


Manies— Alpes. 

Inspecteur  :  M.  l'abbé  Sauzkt,  à  Embrun. 

Arbauo    (Paul),    au   château    de         rieur  du  séminaire  d'Embrun, 
Roussel.  président   de    l'Académie    flo- 

Sauzet  (f'abbé),  chanoine  ,  supé-         sa'pine. 

BSasses— Al  pes 

Inspecteur:  M.  Eyssrrie  Saint-Marcel,  à  Forcalquier. 

Alivon  (l'abbé),  aumônier  du  col-         nistère  de  l'Instruction  publique 

lége,  a  Forcalquier.  pour  les  tra\aux  historiques. 

Allègre  ,    inspecteur  primaire  ,  à      Hugues  (Henri),  avocat,  à  Digne. 

Marius-Terrasson  (  l'abbé  ) ,  curé 


Sisteron. 
Aubebt  (l'abbé  Fé'ix  )  .  aumônier 

du  collège,  à  Digne. 
Carronnf.l  (l'abbé),  ùNiozelles. 
ETrssFKiE     Saint-Marcel  ,     jnge 

d'instruction,  à  Eorcalquicr. 
Fera  un  (  l'abbé),  curé  de  Sieyès, 


de  Forcalquier. 
Monjalard,    propriétaire,    à   Si- 

miane. 
Pjcon  (l'abbé),  curé  de  Vîont-Laux. 
Rembaux  (l'abbé!, à  St.-Maime,  par 

Forcalquier. 


membre  correspondant  du  Mi-      Richaud  (Léopold),  aux  Mées. 
Al|îes— >5arîiÊnios. 

Inspecteur  :  M.  Félix  Clappikr,  substitut,  à  Grasse. 
Tisserand  (l'abbé),  chef  d'institution,  à  Nice. 

18e.  DIVISION.—  RHONE,  ARl>È<;iIE  ,   AIN,  DROSSE,   ISERE 
ET  SAVOIE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  YEMEMZ,  à  Lyon. 

Rbôoe. 

Inspecteur  :  *  M.  le  comte  Georges  de  Sol  lirait. 

*  BE.NOisT,*archilecte,  à  Lyon.  Sula,  56,  à  Lyon. 

P.izot    (Ernest),   architecte,   rue     Blanc  (Edouard  ),  id. 


I>E    LA   SOCIÉ'tÉ    l'RANCi ;:.!•:    G>' ARCHÉOLOGIE.       XI. III 


*Bona(d  (Mgr.  de),  cardinal-ar- 
chevêque de  Lyon. 

Boue  (l'abbé) ,  curé  d'Ainay. 

Bbi\  (  de  )  ,  conseiller  à  la  Cour 
impériale  de  Lyon. 

*  Carra u»,  propriétaire,  à  Lyon. 
Du'.kstf.   DB   La    Chavanne  ,   pro- 
priétaire ,  i;l. 

Debombourg  (  Georges  ) ,  ici. 

*  Desjardins  ,  architecte,  ici. 
Dubourg  (F.),  propriétaire,  id. 

*  Dupasquicr  (Louis),  id.  ,  id. 
Fkaisse  (Charles-Antoine),  membre 

de  l'Académie  ,  id. 
Gutllard,  chef  d'institution  ,  id. 
Gujmet  (  Emile) ,  id. 
Hlhbert  fils,  architecte,  id. 
Laforest,  notaire,  id. 
Lagrevol  (de),  propriétaire,  id. 
Lefervre,  receveur-général ,  id. 
Martin-Daussigny  ,    conservateur 

du  Musée,  id. 
Martin  (Pierre),  architecte,  id. 
Mott.akd  ,  propriétaire,  id. 
Pallias  (  Honoré  ) ,  id. 


Pkladan,  directeur  de  la    France 

littéraire ,  à  Lyon. 
Pi.nir.R  (Léonard),  sculpteur,  id. 
Richard  DE  Nancy  (D.-M.) ,  id. 
Saint-Olive  (Paul  de),  id. 
Saint-Olive  (Gabriel  de),  id. 
Saint-Victor  (Charles  de),  id. 
*Saussaye   (cie   La),   recteur  de 

l'Académie,  id. 

*  Svvoye  (Amédée),  architecle,  id. 
Savv  (C.  Vays),  rue  de  Cuire,  19, 

à  la  Croix-Rousse. 
Smith  (Valentin1,  conseiller  à  la 
Cour  impériale,  id. 

*  Soi'ltrait  (le  comte  Georges  de), 

percepteur  des  finances,  id. 

Vaganay,  propriétaire,  id. 

Vrrnances  (l'abbé),  docteur  et 
professeur  à  la  Faculté  de  théo- 
logie ,  id. 

Vingtrinikr,  imprimeur,  directeur 
de  la  Revue  du  Lyonnais,  id. 

Uxeloip  de  Rosrmont  (d')  .  id. 

*  Yemkmz  ,  id. 


Ag-dcelic. 

Inspecteur  :  M.  Seguin,  architecte,  à  Aimonay. 


Be-.dx  (Furcy) ,  à  Sl.-Péray. 

*  Montravel  (le  vicomte  Louis  de), 
ù  Joyeuse. 

Raymondon,  architecte  du  dépar- 
tement. 


Rouchier,  chanoine  honoraire,  au- 
mônier du  Sacré-Cœur,  à  Ah- 
nonay. 

•Seguin  (J.  )  ,  architecte,  id. 

Treillot  (l'abbé),  à  St.-Péray. 


Ain. 

Inspecteur  :  *  M.  Dupasquier,  architecte,  à  Lyon  (  Rhône). 

Baux  ,  archiviste  du  département ,     Jolibois  (l'abbé),  curé  de  Trévoux, 
à  Bourg-en-Bresse.  Martin  (l'abhé),  curé  de  Foissiat. 

*  Blains  (  des),  à  Ambronay. 


XL1V 


LISTE   DES   MEMBRES 


Drônie. 

Inspecteur:  *  M.  l'abbé  Gustave  Jouve,  chanoine  titulaire  de  la  cathé- 
drale, membre  de  l'Institut  des  provinces,  ù  Valence. 

"Arbalestier  (le baron d'),  au  cha-  Lyon  (l'abbé),  curé  d'Étoile. 

teau  de  la  Gardette,  près  Lo-  Lyonnet   (Mgr.) ,  évèque  de  Va- 

riol.  Icnce. 

*  AuniFFitET  (le  comte  d'),  receveur-  Nugues  (  Alphonse) ,  à  Romans. 

général,  à  Valence.  Perosier    (l'abbé),   professeur  de 
Chanabas,  curé  de  Léonce).  mathématiques    au    pelil-sémi- 

Chapouton  ,   membre  du  Conseil         nuire  ,  à  Valence. 

général,  juge  de  paix,  à  Grignan.  Porthoux  (du),  à  Roman». 

Coursblles  (de),  sous-préfet,  à  Die.  Roinzikk  (Yves),  avoué  ,  à  Valence. 

"  Jouve  (l'abbé  Gustave),  chanoine  Sieyès  (le  marquis  de),  id. 

titulaire   de    la    cathédrale,    à  Vallentin   (Ludovic) ,  juge  d'in- 

Valence.  struction  ,  à  Monlélimart. 


Inspecteur 


Isère. 

M.  Victor  Teste,  architecte,  à  Vienne. 


*  Advielte  (  Victor)  ,  secrétaire  en 

chef  de  la  Sous-Préfecture,  àSt.- 
Marcellin. 

*  Berthin  (  Vital  )  ,  membre  du 
Conseil  général,  a  Beaurepnire- 
d'Isère. 

Brye  (le  docteur  de),  à  Vienne. 

*  Dardeleï,  graveur,  à  Grenoble. 
David  (Auguste),  docteur-médecin, 

à  Morestel. 


bliolhèque  publique  de  Gre- 
noble. 

Guf.dy  (l'abbé),  chanoine,  curé 
de  Vézeronces,  canton  de  Mo- 
resle!. 

Jaii.let  (l'abbé),  curé  de  Salaize. 

*  Labé,  juge  de  paix,  à  Hèyrieux. 

Leblanc,  professeur  au  collège,  à 
Vienne. 

Le  Couturier,  architecte,  à  Vienne. 


Dubois-Mammès,   ancien  juge    au     Mège    (l'abbé),     archiprêtre  du 
Tribunal  de  commerce  de  Lyon,         canton  de  Tullins. 


à  Sermerieu. 

Du  Boys  (  Albert) ,  ancien  magis- 
trat    à  Grenoble. 

Faure  (  Amédée  ) ,  ancien  magis- 
trat, id. 

*  Gabriel,  conservateur  de  la  bi- 


Millot  (l'abbé),  curé  de  St.-Pierre 
de  Chandieu. 

Moufflet,  proviseur  du  Lycée,  à 
Grenoble. 

Picuot  (l'abbé),  curé  de  Serme- 
rieu, canton  de  Morestel, 


Quérangal  (Mmf.  de),  à  Vienne. 
*  Saini-Andeol  (de),  propriétaire 

à  Moiruns. 
Simian    (Paul)  ,    avocat  ,    à   St.- 

Goër. 


IJIi    LA    SOCIÉTÉ    FRANGAJSE    a' ARCHÉOLOGIE.  XIV 

*  Terrebasse  (  le  marquis  dej ,  au 
Péage  de  Boussillon. 

*  Testb  (Victor),  archit.,  a  Vienne. 
Values  (Gustave),  propriétaire, 

place  St. -André,  a  Grenoble. 

Savoie. 

Inspecteur  :  M.  le  marquis  Costa  de  Beaiirf.gaud,  à  Chambéry. 

Berbau,  secrétaire-général   de  la  TRÉPiER(l,abbé),enrésidencelerapo- 

préfecture,  à  Chambéry.  raire  au  château  de  Franquières. 

"Costa   de  Beairegard  (  le  mai-  Ducis,  membre  de  la  Société  Ho- 

quis  de  )  à  Chambéry.  salpine,  à  Annecy. 

19*.  DIVISION.  -—COTE-D'OR,  SAONE-ET-LOIRE, 
ALLEER   ET   HAUTE-MARNE. 


Inspecteur  divisionnaire:  *  M.  le  comte  Charles  DE  MONTALEMBERT, 
ancien  pair  de  France,  à  Paris. 

Côte-d'Or. 

Inspecteur:  *  M.  Marion  (Jules),  rue  Godot-de-VIauroy,  39, 
à  Paris. 

*  Abbertin  (Charles),  conservateur     Dhétel,  notaire,    à  St.-Jean-de- 

du  Musée  historique  de  la  ville         Losne. 

de  Beauiie.  Du  Parc  (le  comte),  rue  Vannerie, 

*  Baudot  (Henri),  président  de  la         35,  a  Dijon. 

Commission  archéologique  de  la     "Dupont,    à  Mersault,    près    de 


Côte-d'Or,  à  Dijon. 

Bolgaud  (l'abbé),  chanoine  hono- 
raire, secrétaire  particulier  de 
Mgr.  l'Évêque. 

Bretemère  (Edmond  de),  à  Dijon. 

Bruno,  propriétaire,  id. 

Changarmer-Moissenet  ,  négo- 
ciant, à  Beaune. 

Cuevrot,  propriétaire,  à  Dijon. 

Destourbet,  président  du  Comice 


Beaune. 
Guillemot,  président  du   tribunal 

civil  de  Beaune. 
Liger-Belatr   (le  comte  de),   h 

Dijon. 
*  Loyère   (le  comte  de  La),  au 

château     de     Savigny  ,     près 

Beaune. 
Menne  (le  général),  rue  Montigny, 

à  Dijon. 


agricole,  membre  de   l'Institut     Protat  (  Hippoly te),  propriétaire, 
des  provinces,  id.  à  Brazey-en-PIaine. 


XLVi 


liste  des  Membres 


Saint-Seine  (le  marquis  de), 
membre  de  l'Institut  des  pro- 
vinces, à  Dijon. 


Suisse,  architecte  du  département, 

à  Dijon. 
Vesvrotte  (le  comte  de),  id. 


Saojte— ci— 3.oîrc. 

Inspecteur:  *  M.  le  comte  de  Cissey  ,  au  château  de  Cissey 
(Côle-d'Or). 

Bathailt  (Henri),  secrétaire  de  la  Lacroix,  pharmacien,  à  Maçon. 

Société  archéologique  de  Châlon-  Mac-Mahon   (le    comte    de),     à 

sur-Saône.  Auluii. 

BccixiOT    (l'abbé),   aumônier  de  Marrjuerye   (  Mgr.    de),    évêque 

l'Institution  ecclésiastique,  id.  d'Aulun. 

*Billiot,   membre  de  la  Société  Nicot  (  Charles  ),  à  la  Villeneuve 

Éduenne,  à  Auluu.  p,ès  Cuisery. 

*  Canal  de  Chizy  (Marcel),  prési-  Ocliier  (M-5,  veuve),  à  Cluny. 
dent  de  la  Société  archéologique,  Pailuoux    (le    docteur),  maire  de 
à  Chalou-sur-Saôûfe.  St.-Ambreuil. 

Cakat  de  Chizy  (Paul),  id.  Pailhoux  (M"0.  Élisa),  id. 

Charmasse  (de),  membre  de  la  So-  Peqlenot  (  l'abbé) ,  curé  de  Cou- 

ciété  Éduenne,  à  Aulun.  ches. 

Chéviuer  (Jules),  id.  *  Surigny  (de),  à  Màcon. 

*  Cissey  (  le  comte  Louis  de) ,  au  Thomas  (  l'abbé  ) ,  missionnaire,  à 
château  de  Cissey.  Aulun. 

Esterno  (le  comte  d'),  au  château  Varax  (  le  comte  André  de  )  ,    au 

de  Vésore,  près  Aulun.  château  de  Montcoy. 

Febvre  (Mme.),  rue  de  la  Barre,  9,  Varax  (Bernard  de),  id. 
à  Màcon. 

Allier. 

Inspecteur:  *  M.  Albert  de  Bures,  à  Moulins. 


Arcy  (le  comte  d'),  receveur  gé- 
néral, à  Moulins. 

*  Bellenaves  (le  marquis  de)  ,  à 
Bdlenaves,  près  Ébreuil. 

*  Boudant  (l'abbé),  chanoine  ho- 
noraire,  doyen   de    Chantelle, 


*  Bouruo.n-Busset  (le  comte  Charles 

de  ),  à  Busset. 
Brugières  de   La  Motte,  ancien 
sous-préfet,  à  Monlluçon. 

*  Blrcs  (Albert  de),  à  Moulins. 

*  Dadole  (Emile),  architecte,  id. 


membre  de  l'Institut    des    pro-     Desrosiers  (l'abbé),  curé  de  Bour- 
vinces.  won  TArchambault. 


DE   U  SOCIÉTÉ   Fi;  Al\(.:  VIS1-:   !>' ARCHÉOLOGIE.        Xt.Vll 

*  Desroskrs  (l'abbé),  au  couvent     Martine  (l'abbé) ,  curé  «le  St.-Ni- 
des     Miristes,    à    SP.-Foy-les-         colas,  a  Moulins. 

Lyon.  Meiuielrat  df.s  Phi reaix  (Louis), 

*  Dreux- lirézé  (Mgr.  de),  évoque         M. 

du  Moulins.  *  Montlaur   ( le   marquis  Eugène 

*  Dupiié,  professeur  au  séminaire         de),  de  l'Institut  des  provinces  , 

d'Iseure.  î<].,  et  à  Paris,  rue  de  Grenelle- 

*  Ksmonnot,  architecte  du  dépar-        SL-Germain,  75. 

tement,  à  Moulins.  Pai'on  de  La  Meigné  ,  juge   d'in- 

Ëstoille  (e  conile  de  L'),  id.        »  slruction,  à  Moulins. 

Girard,  notaire,  id.  Saist-Gbrani)  (de),  à  St.-Gérand- 

Grandpré  Guillaume),  ancien  pré-  de-Vaux. 

sidenl  du  Tribunal  de  commerce,  Skiillet,  ancien  notaire,  à  Moulins. 

id,  Simia.n  (Alf.-Paul),  avorat,  a  St.- 

Léger-Tailhardat,    architecte,   à  Goër  (Isère). 

Munlluron.  Vajjdeu  (l'abbé),  curé  d'Huriel. 

BBauie— "îïarne. 

*  Guéiin    (  Mj>r.  ) ,    ëvêque     de     Pernot;  artiste-peintre,  à  Vassy. 
Langres. 

20'.  D  VISION.— i>OUBS,  .JURA   OMSAUTE-SAOSi:. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  WEISS,  membre  de  l'Institut ,  conser- 
vateur de  la  Bibliothèque  de  Besan  ;on. 

Bout». 

Inspecteur  ;  *  M.  Victor  Baille,  architecte,  à  Besançon. 

Terrier-Santans  (le  marquis  de1,     *  Vlillerjït,  Grande  rue, "101,  à 
à  Besançon.  Besançon. 

Jura. 

Inspecteur;  M.  Edouard  Clehc,  président  de  !a  Cour  impériale  de 
Besançon,  membre  de  l'Institut  des  p  ovinces. 

BBaute— Saôjie. 

Inspecteur  :  *  M.  Jules  de  Buyer,  à  La  Chaudeau, 
*  Longcuami',  avocat,  à  Vesoul.         Svlloï,  docteur-médecin,  à  Vesoul. 


X  1^1  II  LISTE.  DES  MEMBRES 

21«.  DIVISION.—  MEUSE,     MOSELLE,      MEURTIiE,     VOSGES, 
BAS— RHIN,   ET  HALT-KH3N. 

Inspecteur  divisionnaire  ;  *  M.  Victor  SIMON,   conseiller  à  la  Cour 
impériale  de  Metz. 

lieuse. 

Inspecteur  :  *  M.  Liéxard,  secrétaire  de  la  Société  Philoinalique  , 
à  Verdun. 

Bcvigmf.r  (  Amand  ) ,  membre  de  Jeantin,    président  du    Tribunal 

rinstitutdesprovinces,àVerdun.  civil,  a  Montmédy. 

Degoijtin  (Alphonse),  président  du  *  Liénard,  secrétaire  de  la  Société 

Tribunal  de  lre.  iustance,  id.  Philomatique  à  Verdun. 

Moselle. 

Inspecteur:  *  M.  Auguste  Prost,  à  Metz. 

*  Boulangé,   ingénieur  des  ponts-  Durand  (Louis),  propre.,  à  Metz. 
et-cbaussées,   rue  Olivier,  27,  Magden,  avocat  à  la  Cour   iuipé- 
à  Paris.  riale,  id. 

*  Bouteiller  (  Ernest  de)  ,  ancien  Olivier,  id. 
capitaine    d'artillerie  ,   membre  *  Prost  (Auguste),  id. 

de     l'Académie    impériale,     à  *  Simon    (Victor),  conseiller  à  la 
Metz.  Cour  impériale,  id. 
Charert,  propriétaire,  id.  *  Van  der  Straten  (le  comte  de) , 
Derohe,    architecte    du    départe-  membre   de  l'Institut  des  pro- 
ment, id.  vinces,  id. 

Ileurthe, 

Inspect  ur:  *  M.  le  baron  P.-G.  de  Dlmast,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Nancy. 

Bastien  (l'abbé),  chanoine  hono-  Monnier  (Auguste),  président  de 

raire,  curé  de  la  cathédrale,  à  la  Société  d'agriculture,  a  Nancy. 

Nancy.  Montureix  (le  comte),    à   Arra- 

*  Dumast  (P.-G.   de) ,  membre  de  court. 

rinstituldes  provinces,  à  Nancy,     Opperman  (A.),  chef  d'escadron  au 
Humberg,  aiciitecte,  à  Vie.  7c.régimentdelauciers,  à  Nancy. 


1)K    I.A    SOCIÉTÉ  FRANÇAIS!    D'AKCHfcOÏ.OGJF..        XI.1X 


Itas-ltliiu. 

Inspecteur:  *  M.  l'abbé  Straub,  professeur  au  petit  séminaire, 
de  Strasbourg. 


Beuger-Levrault  ,  imprimeur-li- 
braire, à  Strasbourg. 

Dachelx  (  l'abbé  ),  professeur  au 
petit  séminaire,  id. 

Du-.rieu  ,  receveur-général  des 
finances,  id. 

Eck  (l'abbé),  chanoine  honoraire  , 
curé  de  Barr. 

Eissen  ,  médecin  cautonal  ,  à 
Strasbourg. 

Faviers  (le  baron  Mathieu  de  ) ,  à 
Kintzheim. 

Frey  (Henri),  à  Guebwiller. 

*  Goldekberg  (Alfred),  à  Saverne. 
Greixer  ,  pharmacien  ,  à  Schilti- 

gheim.     ^ 

*  Glerber  (l'abbé  V.),  curé  de  St.- 

Georges ,  à  Haguenau. 
Herrgott,  professeur  à  la  Faculté 
de  Médecine,  id. 

*  Jjung  ,    professeur   au   séminaire 

protestant ,  bibliothécaire  de  la 

ville ,  à  Strasbourg. 
Klotz  ,    architecte    de    l'OEuvre- 

Notre-Dame,  id. 
Lang  (l'abbé),  curé  de  Bischheim. 

*  Lasvignes  ,  ingénieur  ,  à  Nieder- 

bronn. 


*Morlet  (de),  colonel  du  Génie, 

en  retraite,  à  Saverne. 
Mi'he   Paul),  à  Strasbourg. 
Munch  (l'abbé),  curé  de  Sand. 
Miry  (  l'abbé  Pantaléon  ) ,    profr. 
au  petitsérainairede  Strasbourg» 
Mury  (l'abbé  Joseph),  id.,  id. 
Petit-Gérard  ,  peintre-verrier  ,  à 

Strasbourg. 
Petiti,  architecte ,  id. 
Rapp  (l'abbé)  ,  vicaire-général  du 

diocèse ,  id. 
Reich   (  l'abbé  ) ,    chanoine  hono- 
raire ,  supérieur  du  petit  sémi- 
naire, id. 
Rihlmann,  principal  du  collège,  id. 
Sacm  ,  sous-chef  de  division  à  la 

Préfecture ,  id. 
Schauenbotjrg  (lebaron  de),  ancien 

pair  de  Fiance,  id. 
Sieffert  (l'abbé),  curé  de  Weyers- 

heim. 
Sjpach  (Louis),  archiviste  en  chef 

du  département,  id. 
"Straub  (l'abbé),   professeur  au 

petit  séminaire  de  Strasbourg. 
Wolf  (Gustave),  avoué,  id. 
Zimmer,  notaire,  id. 


Haut—Rhin. 

Inspecteur  :  M.  Poisat,  archilecle  de  la  ville,  à  Belfort. 

Fromext  (l'abbé),  aumônier  de     Jister  (Louis),  à  Belfort. 
l'hôpital  militaire,  à  Belfort.  *  Poisat,  arcliiiecte  de  la  v  ille,  id. 

d 


t  LISTE    l)KS   MEMBRKS 

Riehi.    (  l'abbé  Léon  ) ,   curé    de         Thann. 

Bretten.  Seheult,  à  Mulhouse. 

Ri'hlmamv,  principal  du  collège,  à    Sester  (l'abbé) ,  vicaire,  id. 

22e.  DIVISION.—  ALGÉRIE. 

Inspecteur  divisionnaire  :  *  M.  BERBRUGGER,  bibliothécaire  et 
conservateur  du  Musée,  à  Alger. 

Berthoud  (Adolphe),  homme  de  lettres,  rue  Sainte,  2,  à  Alger. 

Province  d'Oran. 

Inspecteur  ."M.  Hugues  (Henri),  juge  de  paix,  à  Tlemcen. 

Province  de  Constantine. 

Inspecteur  :  M.  Cherbonneau,  professeur  d'arabe,  à  Constantin** 
*  flor.KP.,  couservaieur  du  musée,  à  Philippeville. 

MWMU  ÉTRANGERS. 

S.  M.  LE  ROI  DE  SAXE,  à  Dresde. 

S.  A.  R.  LE  DUC  DE  BRABANT,  ù  Bruxelles. 

A.  B. 

Aixswor.TH  )le  général),  à  Monnet  Baehh,  conseiller  aulique,  profes- 

(Yorkshire).  seur  à   l'Université  de  Heidel- 

Alford  (le  Rév. ) ,  doyen  de  Can-        berg. 

torbéry  (Angleterre).  Bakuffi  (G.  1),  professeur  émérite 
Alvin,  directeur  de  l'instruction         à  l'Université  de  Turin. 

publique,  à  Bruxelles.  Bayer     (de),     conservateur    du 
Ajjdries  (l'abbé  J.-O.),  chanoine,         musée,  à  Carlsruhe. 

à  Bruges.  Bavley  (W.-H.) ,  à  Londres. 

AuEswoLD,p!'ésident  de  la  Régence,  Bedfort  (Sa  Grâce  le  duc  de), 

à  Trêves.  Brighton-Square,  à  Londres. 

Autesesses  (le  baron  de),  directeur  Bell,    docteur    en    philosophie, 

de  la  Société  du  musée  germa-        id. 

nique,  à  Nuremberg.  Rikgbam  (  le  colonel)  ,  membre  de 


DE   LA  SOCIÉTÉ   FRANÇAISE   d'akchÉOLOGIK.  Il 

Devey  (esqr.) ,  arcli.,  a  Londres. 

Dikgf.rich  ,  professeur  à  l'Athénée 
d'Anvers  (Belgique). 

Donalston,  secrétaire  de  l'Institut 
des  architectes,  a  Londres. 

Dbueby  (John  Henry),  membre  de 
la  Société  des  Antiquaires  de 
Londres,  àNorwich,  comté  de 
Norfolk  (Angleterre). 

Duby  ,   pasteur   protestant,   à  Ge- 
nève. 
Di  mortier,  membre  de  la  Chambre 
des  représentants,  à  Tournay. 


la  Société  archéologique  du  comté 
de  Kent,  juge  de  paix  de  ce 
comté,  u  Rochester  (Angleterre). 

Binoham  (Mme.  ),  id. 

Bold  (Ed.),  capitaine  de  la  marine 
royale,  àSoulhampton. 

Brinckeu  (de),  conseiller  d'État, 
à  Brunswick. 

Bisscher  (  Edmond  de  )  ,  membre 
de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique, à  Gand. 

C. 


Capitaine  (Ulysse)  ,    secrétaire  de 

|£  l'Institut  archéologique  Liégeois, 
à  Liège  (Belgique). 

Carton  (  l'abbé  ),  président  de  la 
Société  d'Émulation,  membre  de 
l'Académie  royale  de  Belgique, 
directeur  de  l'Institut  des  sourds 
et  muets,  à  Bruges  (Belgique). 

Cononuau  (de),  conservateur  des 
archives,  à  Zurich. 

Coppietters  (le docteur),  à  Ipres. 

Cox,  vice-président  de  la  Société 
d'histoire  naturelle  du  comté  de 
Kent,  à  Fordwieh,  près  Cantor- 
béry. 

Cox  (M-V,  id. 

Czoermng  (le  baron  de),  président 
de  la  Commission  impériale 
d'Autriche  pour  la  conservation 
des  monuments,  à  Vienne. 

D. 

Decharme,   ingénieur  en  chef,    à 

Bologne  (Italie). 
Dectorff  (le  comte),  à  Gothidgen. 


F. 

Fabrï-Rossics,  docteur  ès-lettres, 
à  Liège. 

Fazy,  conservateur  du  musée  d'an- 
tiquités, à  Genève. 

Firmenich  (Jean-Mathieu),  homme 
de  lettres,  à  Berlin. 

Florencourt  (  de  ) ,  membre  de 
plusieurs  Académies  ,  adminis- 
trateur du  musée  d'antiquités, 
à  Trêves. 

Forster  ,  membre  de  plusieurs 
Académies,  a  Munich. 

Forster,  professeur  d'architecture 
à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  à 
Vienne. 

*  Firstemberg  Staniieim  (le  comte 
de),  chambellan  du  roi  de 
Prusse,  à  Apollinarisberg,  près 
Cologne. 

G. 

Gf.issel  (  Mgr.  ),  cardinal  ,  arche- 
vêque de  Cologne, 


LU  r.tSTE   DLS 

Gfi.vkt  (le  comté  dé),  a  Eslon, 
près  Maestrcch. 

Gsrgens  ,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique  de  Mayence. 

Gildenhuis,  négociant,  à  Rotter- 
dam. 

Goffist-Delrue,  avocat ,  à  Mons. 

Go.NEI.LA. 

*  Gosse  fils,  à  Genève  (Suisse). 
Granugagnage,  membre  de  l'Insti- 
tut archéologique  de  Liège. 

*  Grant  (Mgr. ),   évêque  de"  Sout- 

wurlh  ,  à  Sl.-Georges,  à  Lon- 
dres. 

Gi'erlache  (le  baron  de),  premier 
président  de  la  Cour  de  cassa- 
tion, à  Bruxelles. 

Guillery,  professeur  ,  membre  de 
l'Académie,  id. 

H. 

Hacmans,    bibliothécaire   de  l'In- 
stitut archéologique  Liégeois,  à 
Liège  (Belgique). 
Hakman  (Th.),   négociant  ,  à  Os- 

tende. 
Hartsuome  (Rev.  C.  H.),  archéo- 
logue, à  Londres. 
Hailleville  (de),    littérateur,  à 

Bruxelles. 
Higvet  (l'abbé),  à  Ath  (Belgique). 
Hulsch,  membre  du  Conseil  supé- 
rieur des  bâtiments,  à  Carlsruhe. 
Himeert  fils,    architecte  des  Mis- 
sions   étrangères  ,     à     Canton 
(Chine). 

J. 
James  (  sir  WpJter  )  ,    baronne!  , 


M  i:  MB  Kl.  S 
membre  de  la  Société  archéolo- 
gique  du    comté   de   Kent ,    à 
Sandwich  (Angleterre). 

Jlst  (Théodore),  conservateur  du 
musée  d'antiquités  ,  membre  de 
l'Académie  royale  de  Belgique , 
à  Bruxelles. 


Klllf.r    (  le  docteur  )  ,  secrétaire 
de  la  Société  archéologique  de 
Zurich. 
Kervïn  de  Lettenhove,  à  Bruges. 
Kestelood,  propriétaire,  à  Gand. 
Khedser  ,    membre   de    plusieurs 

Sociétés  savantes,  à  Cologne. 
Kkieg  de  Hocfelde.\,  aide-de-camp 
de  S.    A.  R.    le  grand-duc   de 
Bade ,  à  Baden-Bade. 
Kigler   (  Franc  )  ,    professeur   à 

l'Académie  de  Berlin. 
Kill  ,  professeur  à  l'Académie  de 

Berlin. 
Kiocker  (Edouard),  esq.,  ancien 
maire  de  Douvres ,  membre  de 
la  Société  archéologique  du 
comté  de  Kent ,  à  Castle-Hill 
(  Angleterre  ). 

L. 

Labis  (Mgr.  ),  évêque  de  ïouruay. 

Lancia  di  Brolo  (  Fretlerico  ),  se- 
crétaire de  l'Académie  des 
sciences,  à  Palerme. 

Larking  ,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique  du  comté  de  Kent, 
à.Ryarsh  (Angleterre). 


DE   LA   SOCIÉTÉ   IT.  \  >(,  \!SL    D'ARCHÉOLOGIE. 


Mil 


L\[  RF.M(iMgr.),  évoque  de  Luxem- 
bourg. 

Lk  Grand  de  Hellandt,  archéo- 
logue, à  Anvers. 

Lk  Maistre,  d'Anstaing,  président 
de  lu  Commission  archéologique, 
à  Tournay  (  Belgique  ). 

*  Lenderschmit  ,  conservateur  du 
musée  de  Mayence. 

Lemiard  (Franz),    sculpteur,  à 

Cologne. 
*Le  Roi,  professeur  d'archéologie 

à  l'Uni \crsité  de  Liège. 
Leutsch  (Charles-Chrétien  de  ) ,  ù 

Wetzlar  (  Prusse  ). 
Lk.htlé  (  l'abbé  ),  curé  catholique 

de  Christiania  (  Nonvége). 

*  Lopez  (le  commandeur  ),  con- 
servateur du  musée  d'antiquités 
de  Parme. 

M. 

Makgis  (Gustave  ),  libraire,  à 
Bonn. 

Matexfisch  (  le  baron  de),  cham- 
bellan de  S.  M.  le  roi  de  Prusse 
et  de  S.  A.  le  prince  de  Hohen- 
zollern-Sigmaringen ,  à  Sigma- 
ringen  (  Prusse  ). 

Mayer  (Joseph),  à  Liverpool. 

Meyer  (F.),  à  Francfort-sur-Mein. 

Milligam  {  le  Rév.  H.  M.^M.  A.  ), 
membre  de  la  Société  archéolo- 
gique du  comté  de  Kent ,  à 
Sulton,  Valence  (  Angleterre  ). 

MiNEBviNi(Giuliano) ,  conservateur 
du  musée  de  Naples. 

M*>m?  ,  directeur  des    archives  gé- 


nérales du  grand-duché  de  Bade, 

à  Carslruhc. 
Mo*s  (  le  Cercle  archéologique  de 

la  ville  de  ). 
RIosler  (Charles),    professeur   à 

l'Académie  royale  de  Dusseldorf. 
•Miller    (Mgr.),    évéque    de 

Munster. 
Mlllrr  (le  docteur   Charles),  à 

Stultgaid. 

N. 

Neyeh   (Auguste),  propriétaire,  à 

Luxembourg. 
Xicbols  (  John-Gough  )  ,   membre 

de    la  Société  des    Antiquaires 

de  Londres. 
Nilson    (  S.  ) ,    ancien   professeur 

d'histoire,  à  Stockholm  (Suéde). 
Noex  (de],  propriétaire,  à  Cologne. 

O. 

*  Olfkrs  (d*  ),  directeur-général 
des  musées,  a  Berlin. 

*Otrepi>e  de  Bouvette  (d'),  pré- 
sident de  l'Institut  Liégeois,  à 
Liège  (Belgique  ). 

Oidard,  négociant,  à  Gènes  (Sar- 
daigne). 

P. 

Pamzzi  (Anlonio),  l'un  des  con- 
servateurs de  la  bibliothèque  de 
Londres. 

Pagx  ,  aneien   maire    de  Douvres 

(Angleterre  ). 


L1V 


LISTE   DES   MEMBRES 


*  Parker ,  membre   de  la  Société 

architecturale  d'Angleterre,  de 
Tins!  i  tut  des  provinces  de  France, 
à  Oxford. 

Peeters-Wilbaix  ,  membre  de  la 
Société  historique  et  littéraire, 
à  Tournay   (Belgique  ). 

Petit  de  Roses  ,  à  Tongres. 

*  Pipers,  professeur  à  l'Université, 
et  directeur  du  musée  d'archéo- 
logie chrétienne,  à  Berlin. 

Q. 

*  Qucist  (le  baron)  ,  conservateur 
général  des  monuments  histo- 
riques de  Prusse,  membre  étran- 
ger de  l'Institut  des  provinces 
de  France. 


Ram  (Mgr.  de),  prélat  romain, 
membre  de  l'Académie  royale  de 
Belgique ,  recteur  magnifique 
de  l'Université  catholique  de 
Louvain. 

Rambou,  conservateur  du  musée 
de  Cologne. 

Reichensperger  ,  conseiller  à  la 
Cour  de  cassation  ,  à  Berlin  , 
vice-président  de  la  Chambre 
des  députés  de  Berlin. 

Reichekspercer  ,  conseiller  à  la 
Cour  de  cassation,  à  Berlin. 

Reider,  professeur  à  l'École  poly- 
technique de.  Bamberg. 

Respilecz  (  l'abbé  )  ,  chanoine  , 
doyen  de  la  cathédrale  de  Tour- 
nay. 


Biddel  (sir  W.-B.  ),  baronnet, 
membre  de  la  Société  archéo- 
logique du  comté  de  Kent ,  à 
Londres. 

Riggembach  ,  architecte  ,  à  Bàle. 

Bipalda  (le  comte  de), délégué  de 
l'Académie  espagnole  d'archéo- 
logie, uMadrid,  membre  étranger 
de  l'Institut  des  provinces  de 
France. 

Roach-Smith,  membre  de  la  So- 
ciété des  Antiquaires,  à  Lon- 
dres. 

*  Robiano  (  le  comte  Maurice  de  ), 
sénateur,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes  ,  rue  Léopold, 
à  Bruxelles. 

Robson  (  Edward  ) ,  architecte ,  à 
Durham  (Angleterre). 

*  Boisix  (le  baron  Ferdinand  de), 
chevalier  de  Malte,  à  Bruxelles, 

Ronse  (Edmond),  archiviste,  à 
Furnes  ) Belgique). 

Rossi  (le  chevalier),  à  Rome. 

Roulez,  professeur  à  l'Université 
de  Gand,  membre  étranger  de 
l'Institut  des  provinces. 

Russel  Hord  Ch.),  à  Londres. 

Hasting  Rissel  ,  id. 

S. 

San   Quintino    (  le  comte   de  )  , 

membre    de   plusieurs   Sociétés 

savantes,  à  Turin. 
Sausail-Souhaigive  (le  baron  de), 

à  Francfort. 
Schémas  ,    professeur    au    collège 

royal  de  Trêves. 


DE   LA  SOCIÉTÉ    FRANÇAISE    D'ARCHÉOLOGIE. 


J.T 


Schenase  (Charles),  conseiller  à  la 
Cour  de  cassation  de  Berlin. 

Schriebeh  ,  professeur  des  sciences 
auxiliaires  historiques  à  l'Uni- 
versité de  Fribourg. 

Schulte  (  l'abbé  ) ,  doyen  de  Free- 
kendorf,  diocèse  de  Munster. 

•Serra  m  Falco  (le  duc  de),  prince 
de  San  Pietro,  membre  étranger 
de  l'Institut  des  provinces,  à 
Païenne. 

Sheffielt-Grace  ,  à  Know-House, 
comté  de  Kent. 

Smolveren,  membre  de  la  députa- 
tion  permanente  de  la  province 
d'Anvers. 

Stampe  (de),  président  du  Tribunal 
de  Munster. 

Stielfried  (le  baron  de) ,  grand- 
maître  des  cérémonies  du  Palais, 
à  Berlin. 

Stirling  (sir  Walter),  baronnet, 
membre  de  la  Société  archéolo- 
gique du  comté  de  Kent,  à  Tun- 
brigde-Wels  (Angleterre). 

Stone  (Rev.-Can.),  membre  de  la 
Société  archéologique  du  comté 
de  Kent,  à  Cantorbéry  (Angle- 
terre). 

Stuart-Menteath  (Charles),  à 
Entry-Hill-House-Bath  (Angle- 
terre ) . 

Stuart-Menteath  fils,  id. 

T. 

Tempest,  membre  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  Londres. 


Thomsex,  directeur-général  de» 
musées,  à  Copenhague. 

U. 

Uruchs,  professeur,  directeur  du 
musée  d'antiquités,  a  Bonn. 

V. 

Vandamme-Bernier  ,  trésorier  de  la 
Société  royale  des  Beaux-Arts  et 
conseiller  provincial,  à  Gand. 

Vanden  Beereboom,  membre  de  la 
Chambre  des  représentants  de 
Belgique  et  bourgmestre  de  la 
ville  d'Ypres. 

Vax  de  Rutte,  chanoine,  curé- 
doyen,  à  Poperinghe  (Belgique). 

Van  Lempoel,  de  Niemunster,  mem- 
bre de  la  chambre  des  représent'* 
et  ancien  sénateur,  à  Bruxelles. 

Voisin  (l'abbé),  vicaire-général,  à 
Tournay. 


*  Yates,  membre  de  plusieurs  So- 
ciétés savantes,  à  Londres. 

Yorio  (l'abbé),  chanoine,  l'un 
des  conservateurs  du  musée  de 
Naples. 

W. 

*  Walleustein  (le  prince  de),  an- 

cien ministre,  à  Munich. 
Wardel    (William),    architecte, 


trVI  LISTE    DES 

membre  de  l'Institut  royal  des 
architectes  d'Angleterre,  à  Lon- 
dres. 

Warnkoenig,  membre  de  l'Institut 
et  professeur  à  Tubingen,  mem- 

.  bre  étranger  de  l'Institut  des 
provinces. 

Wetter  ,  membre  de  plusieurs 
académies,  à  Mayence. 

Whewel,  docteur  en  tbéologie , 
professeur  à  Cambridge. 

Wiesenfeld,  professeur  d'archi- 
tecture,  à  Prague  (Bohême). 

#  Wioani)  (Paul  de),  chevalier  de 


MEMBRES, 

l'Aigle  -  Rouge  ,  à  Welzlar 
(Prusse). 

Willem,  directeur  de  la  Société 
archéologique  de  Sinsheim. 

Willis,  membre  de  plusieurs  aca- 
démies, professeur  à  Cambridge. 

Wikemam-Martin  (Charles),  ancien 
membre  du  Parlement,  vice-pré- 
sident de  la  Société  archéologique 
du  comté  de  Kent,  au  château 
de  Leeds ,  près  de  Maidstone 
(Angleterre). 

Witmann,  directeur  de  la  Société 
archéologique  de  Mayence. 


Ai!«Siéîons. 


M.  Blanchetikrf  ,  conducteur  des  ponls-et-chausj-ëes  ,  à  Domfronl 
lOrne). 


La  Société  française  d'archéologie  renouvelle  à  ses  associés 
la  recommandation,  qu'elle  leur  a  faite  antérieurement,  de 
faire  tous  leurs  efforts  pour  augmenter  le  nombre  des  mem- 
bres de  la  Compagnie;  il  n'est  pas  de  membre  qui  ne  puisse, 
dans  sa  circonscription,  trouver  chaque  année  deux  ou  trois 
nouveaux  associés.  Quand  on  songe  qu'en  Angleterre,  cer- 
taines associations  comptent  10,000  membres  et  plus,  nous 
devons  croire  qu'avec  un  peu  de  zèle,  nous  pourrions  qua- 
drupler le  nombre  des  membres  de  la  Société  française  d'ar- 
chéologie. 


COMPTE 

RENDU    PAR    LE    TRESORIER 

DES    RECETTES    ET    DÉPENSES 

DE  L'ANNÉE  18eS. 


RFXETTES. 

Excédant  .du  compte  de  1861 ,  compris  45  "/.  reçus 

et  à  recevoir  sur  les  17,686  fr.  50  déposés  chez 

M.  Donnet,  ancien  banquier.  .     .     . 

Cotisations  recouvrées  sur  l'année  1859. 

Id.  id.  1860. 

ld.  id.  1861. 

Recette  de  1862 

Vente  de  Comptes-rendus  des  séances 
Cotisations  reçues  par  avance  sur  1863 
Total. 


DÉPENSES. 

RECOUVREMENT    DES    COTISATIONS. 


Frais  de  recouvrement 

Frais  de  retour  de  billets  non  payés. 


CONCIERGES. 


Traitement  du  concierge  du  Pavillon  et  fournitures. 
Id.  id.        du  Musée  archéologique.  . 


IMPRESSIONS. 


121,104  58 

10  » 

30  » 

3,100  » 

5,932  » 

24  » 

80  » 


30,280  58 


368  01 
125  Z|5 


72  40 
20     » 


Impressions  et  gravures 4,288  32 

Vignettes  pour  le  Compte-rendu  des  séances.    .    .         305    » 

AFFRANCHISSEMENTS     ET    PORTS    DE    LETTRES. 


Affranchissement  du  Compte-rendu  des  séances  .    . 

Ports  de  lettres,  paquets,  caisses ,  affranchissement 

de  circulaires  et  menues  dépenses 


SEANCES   GENERALES. 


Frais  relatifs  aux  séances  générales  de  Saumur,  St.- 

Étienne  et  Lyon .     . 

Frais  relatifs  à  la  fête  internationale  de  Dives.     .    . 


469  50 
154  75 


579  40 
934    » 


A  reporter 7,316  83 


l.VlIt  (.:OWTt:   RENDU    PAR   LE  TRÉSORIER. 

Report.    .    *     .     .       7,316  83 

MÉDAILLES. 

Achal  et  gravure  de  médailles 221  35 

CONGRÈS    SCIENTIFIQUE. 

Cotisations  au  Congrès  de  Sl.-Étienne 30    » 

DESSINS    ET   PLANS. 

Dessins  et  plans  faits  pour  le  compte,  de  la  Société.  .         401  75 

i 

ALLOCATIONS. 

Membres  chargés  de  la  sur- 
veillance et  de  la  direction 
des  travaux. 

M.  l'abbé  Straub.       Soldedesréparationsde l'église 

d'Obersteigen 159  50 

ld.  Restauration    des   tapisseries 

de  Neuwiller 120    » 

M.  l'abbé  Auber.         Id.  des  fresques  de  l'église  de 

Cbauvigny 100    » 

M.  Doïère.  Fouilles  à  Sourdauviile.     .     .  Z»0    » 

M.  Aubertin.  ld.  aux  environs  de  Beaune.  .         100    » 

M.  Paul  Simian.  Réparations  à  la  chapelle  de 

St.-Étienne  de  St.-Geoirs.  .  100  » 
MM.  Godard-  Faul- 

TR1ER   et   JOLY-LE- 

Tbrme.  Réparations  à  la  chapelle  de 

St.-Maur-sur-Loire. .    .     .         300    » 
M. l'abbé LECOuvREUR.Id.  à  l'église  d'Audrieu.    .     .         100    » 
MM.  Léo  Drodyn  et 
l'abbé  Despax.         Fouilles  dans    la   crypte    de 

l'église  de  Vertheuil.     .    .  50    » 

M.IeC,e.D'HÉRicouRT.  Réparationsà  l'église  d'Ablain- 

St.-Nazaire 100    » 

Total 9,139  A3 

BALANCE. 

Recettes 30,280  58 

Dépenses.   .     .    .    .      9.139  ho 

21,1^1  15 


f.OMlTK    RfiNOfJ    Mfi    fc>E  TRÉSORIERS  I.IX 


ALLOCATIONS    NON    ENCORE    ACQUITTEES. 


Membres  chargés  de  la  sur- 
veillance et  de  la  direction 
des  travaux., 

M.  l'abbé  Le  Petit.    Réparations  à  l'église  de  Mouen        200    ». 
M. Chaubry  de  Tron- 
cenord.  Rétablissement  des  volets  du 

rétable  de  Fromentières.   .  20    » 

Id.  Id.  d'une  croix  commémora- 

live  du  sire  de  Joinville.    .  50    » 

MM.  de  Gaumont, 

Gaugain,  G.  Villers.  Souscription  pour  la  consoli- 
dation de  la  tour  centrale 
de  la  cathédrale  de  Bayeux.      1,000    » 
MM.  de  Berlcc-Pé- 
rdssis  et  Bomer- 

bale.                     Fouilles  à  Dauphin  (Basses- 
Alpes)  100    » 

M.  Paqlerée.  Réparations  à  l'église  de  Ville- 

martin 100    » 

Id.  Fouilles  dans  le  département 

de  la  Gironde 100    » 

M.  l'abbé  Stracb.       Réparations    au     cloître    de 

Wissembourg 200    » 

M.  Ringeissept.  Déblai    et    consolidation   du 

château  de  St.-Ulrich.  .    .         100    » 
MM.  de  Verneilh  et 
de  Vernow.  Réparation  d'une  inscription 

tumulaire  dans  l'église  St.- 

Léonard 100    » 

Id.  Plaque    commémorative    du 

combat  de  trois  chevaliers 

français  contre  un  nombre 

égal  de  chevaliers  anglais. .  50    » 

M.  de  Margderit.       Consolidation  du  clocher  de 

Vierville 100    » 

MM.  R.  Bordeaux  et 
Vasseur.  Restauration  de  deux  verrières 

de  l'église  de  St. -Victor  de 

Ghrétienville 200    » 

M.  l'abbé  Le  Petit.     Réparations  à  l'église  d'Essay.         100    » 
Id.  Fouillesdanslecantond'Orbec         200    » 

Id.  Moulages  à  Holtot-en-Auge .         100    » 


A  reporter 2,720     » 


LX  COMPTK   RH.NDL    PAR    LE   TfifcSORll-R. 

Report 2,720    » 

M.  l'abbé  Stral'B.       Débadigeonnage   de    l'église 

d'Altorf. 100    » 

M.  le  docteur  Billon.  Fouilles  et  achat  d'objets  an- 
tiques à  Lisieux 100    » 

M.  Bouet.  Réparation    des    statues    de 

l'église  de  St.-Gennaiu-de- 

Livet 100    » 

MM.    Des  Moulins, 
Drouyn,  Paquerée, 
d'Auzac  de  La  Mar- 
xinie.  Colonne  commémoralive  de  la 

bataille  de  Castillon  ...         100    » 
M.  l'abbé  Régnier.      Réparations  à  l'église  de  Dives.         100    » 
M.  le  Curé  de   Mar- 
tragny.  Réparations  à  l'église  de  Ruc- 

queville 100    » 

M.  leCurédeCottun.   Souscription  pour  la  répara- 
tion de  l'église  de  Cotlun.  .  50    » 
MM.  Joly-le-Terme  et 

Godard-Faultrier.  Fouilles  à  Gennes 200    » 

M.  le  Cte.  de  Galem- 
pert.  Moulage  des  piliers  de  Cravan.         100    » 

Id.  Découverte  d'une  mosaïque  à 

Poligny 100    » 

Id.  Moulage  des  statues  de  Fon- 

tevrault 400    » 

M.  Joly-le-Terme.      Réparations  à  l'église  de  St.- 

Martin  de  Sanzay.  ...  100  » 
M.leC'.D'EsTAiNTOT.ld.  à  l'église  de  Lamberville.  100  » 
M   Teste.  Id. ,  à  la  crypte    de  Salaise 

(Isère) 50    » 

Total h,uïo    » 


RESULTAT     DEFINITIF. 

Excédant 21,141  15 

Allocations  à  solder •  4,420  » 

Fonds  libres 16,721  15 


Caen,  le  5  mars  1863. 

Le.  Trésorier, 

L.  GAUGAIN. 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE 

DE  FRANGE. 
XXIXe.  SESSION 

TENUE 

A  SAUMUR, 

LE  1er.  JUIN  1862  ET  JOURS  SUIVANTS. 

Séance  d'ouverture 

Présidence  de  M.  Loivet,  maire  de  Saumnr,  député  au  Corps 
législatif,  officier  de  la  Légion-d'Honneur. 

Le  Ier.  juin  1862,  à  2  heures  après  midi ,  a  eu  lieu  ,  dans 
une  des  salles  de  l'Hûtel-de- Ville  de  Saumur,  l'ouverture  du 
Congrès  archéologique  de  France. 

On  remarquait  dans  la  salle  : 
MM.  De  Caumont,  directeur  de  la  Société. 

Le  comte  de  Galembert,  inspecteur  du  département 

d'Indre-et-Loire,  à  Tours. 
Godard-Faultrier  ,    inspecteur  du   département  de 

Maine-et-Loire,  à  Angers. 
Bouet,  inspecteur  du  Calvados,  à  Caen. 
Joly-le-Terme,  architecte,  à  Saumur. 
Ramé  ,  inspecteur  divisionnaire  de  la  Société  française 

d'archéologie ,  à  Rennes. 
Baudry,  curé  du  Bernard  (  Vendée  ). 

1 


2        CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

MM.  Segretain  ,  inspecteur  du  département  des  Deux- 
Sèvres,  à  Niort. 

Le  comte  de  Mailly,  inspecteur  divisionnaire  de  la  So- 
ciété française  d'archéologie,  au  Mans. 

Le  marquis  de  Costa  de  Beauregard  ,  président  de 
l'Académie  de  Chambéry,  commandeur  de  la  Légion- 
d'Honneur. 

L'abbé  Le  Petit,  secrétaire-général  de  la  Société  fran- 
çaise d'archéologie,  à  Tilly  (Calvados). 

Louvet,  député  au  Corps  législatif,  maire  de  Saumur. 

Le  Clerc  de  La  Prairie  ,  président  de  la  Société  ar- 
chéologique, à  Soissons. 

Le  vicomte  de  Genouilhac,  de  l'Institut  des  provinces, 
à  Rennes. 

L'abbé  Prudhomme,  vicaire,  à  Laval. 

Victor  Petit  ,  membre  du  Conseil  général  administratif 
de  la  Société  française  d'archéologie,  à  Paris. 

Félix  de  Verneilh,  inspecteur  divisionnaire  de  la  Société, 
àNontron. 

Peeters  Wilbaux,  à  Tourna  y  (Belgique). 

Gilles  de  La  Tourette,  docteur-médecin,  à  Loudun. 

Verdier,  membre  de  l'Institut  des  provinces,  au  Mans. 

Gaugain,  trésorier  de  la  Société  française  d'archéologie, 
à  Caen. 

Marionneau,  membre  du  Conseil  de  la  Société,  à  Nantes. 

Paul  de  Chasteigner,  de  Bordeaux. 

Le  Père  Benye,  de  Poitiers. 

Le  comte  de  Toulouse-Lautrec,  de  Rabastens  (Tarn). 

Le  colonel  de  Morlet  ,  de  l'Institut  des  provinces ,  à 
Strasbourg. 

L'abbé  Bourassé,  membre  du  Conseil  de  la  Société  ,  à 
Tours. 

L'abbé  Joubert,  à  Angers. 


XXIX\    SESSION,    A   SAUMUR.  à 

MiVl.  Henri  Delavau,  à  Saumur. 

L'abbé  Allard,  curé  de  La  Breille  (Maine-et-Loire). 
Le  comte  de  La  Selle,  membre  du  Conseil  général, 

au  château  de  La  Tremblaye  (Maine-et-Loire). 
Ch.  Bruas,  à  Saumur. 

L'abbé  Brifaut,  membre  de  la  Société  française,  id. 
Beclard  ,  avocat,  membre  de  la  Société  d'Agriculture , 

Sciences  et  Arts,  à  Angers. 
Bouchard,  docteur-médecin,  à  Saumur. 
Camille  Boutel,  id. 
Bucaille,  propriétaire,  id. 
Browne  ,  membre  de  la  Société  archéologique  de  Tou- 

raine,  à  Tours. 
O'Neil,  sous-préfet  de  Saumur. 
Grégoire  Charlot,  membre  de  la  Société  archéologique, 

à  Tours. 
Courtiller,  conservateur  du  musée,  à  Saumur. 
Chedeau,  adjoint  au  maire,  id. 
G.  de  Cougny  ,  au  château  de  La  Grille  ,  près  Chinon. 
Théodore  Ducamps,  à  Saumur. 
De  Marest,  maire  de  Bagneux,  près  Saumur. 
Charlemagne  Dupuis,  propriétaire,  à  Saumur. 
E.  de  Fos,  id. 

D'Épinay,  juge  au  Tribunal  civil,  id. 
Godet,  imprimeur,  id. 
Gallard,  agent-voyer  d'arrondissement,  id. 
Imrert,  propriétaire,  membre  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  l'Ouest,  à  Thouars. 
Jagquemin,  architecte,  à  Tours. 
Ledain,  avocat.de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest, 

à  Parthenay. 
Federico  Lancia  di  Brolo,  secrétaire  de  l'Académie 

des  sciences,  à  Palerme. 


k  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

MM.  Lambert  aîné,  à  Saumur. 

Albert  Mayaud,  membre  du  Conseil  général  des  Deux- 
Sèvres,  id. 
Paul  Mayaud,  id. 
Maher  fils,  id. 

L'abbé  Macé,  curé  de  Notre-Dame-des-Ardilliers. 
Pecard,  conservateur  du  Musée,  à  Tours. 
Prévost,  capitaine-commandant  du  génie,  à  Saumur. 
Pichon,  docteur-médecin,  id. 
Piette,  architecte,  id. 
Raimbault,  vétérinaire,  id. 
Roffoy,  architecte,  id. 
C.  ïrouillard,  id. 

Léon  de  La  Tourette  ,  docteur-médecin ,  à  Loudun. 
L'abbé  Tardif, chanoine-secrétaire  de  l'évêché,  à  Angers. 
Vidal,  propriétaire,  à  St.-Hilaire-St.-Florent  (Maine- 
et-Loire  ). 

Sur  l'invitation  de  la  Société  française  d'archéologie  , 
M.  le  Maire  de  Saumur  préside  la  séance  et  déclare  la  session 
ouverte. 

Sont  appelés  au  bureau  :  MM.  de  Caumont,  directeur  de  la 
Société  française  d'archéologie  ;  (J'ISeil ,  sous-préfet  de  l'ar- 
rondissement; le  comte  de  Mailly,  inspecteur  divisionnaire  au 
Mans  ;  de  Verneiih ,  inspecteur  divisionnaire  de  la  Haute- 
Vienne  et  de  la  Creuse  ;  l'abbé  Le  Petit,  secrétaire-général 
de  la  Société  française  ;  Courtiller,  bibliothécaire  et  conser- 
vateur du  musée,  à  Saumur  ;  Joli/,  architecte  ,  à  Saumur,  et 
Victor  Petit,  de  Paris,  membres  du  Conseil  général  adminis- 
tratif de  la  Société.  M.  Godard- Faultrier ,  inspecteur  de 
la  Société  française  d'archéologie  pour  le  département  de 
Maine-et-Loire,  et  M.  le  comte  de  Galembert s  inspecteur 
des  monuments  d'Indre-et-Loire  ,  secrétaires-généraux. 


XXIXe.    SESSION  ,    A  SAUMUR.  5 

M.  Louvet  se  lève  et  prononce  le  discours  suivant  : 

«  Messieurs, 

a  Le  choix  que  la  Société  française  d'archéologie  a  fait  de 
Saumur,  pour  y  tenir  la  première  partie  de  son  Congrès  de 
1862  ,  est  un  grand  honneur  pour  notre  ville  et  fera  époque 
dans  nos  annales  saumuroises.  C'est  une  bonne  fortune  pour 
nous  de  voir  réunis  dans  nos  murs  des  hommes  distingués, 
venant  de  toutes  parts  pour  étudier  ce  que  notre  contrée  ren- 
ferme de  curieux  au  point  de  vue  de  la  science.  Je  suis  donc 
l'interprète  du  sentiment  public  en  adressant  les  remercî- 
ments  les  plus  sincères  à  tous  nos  éminents  visiteurs,  et  en 
particulier  à  notre  honorable  et  savant  président ,  M.  de 
Caumont ,  qui  dirige  notre  Société  ,  depuis  de  longues  années, 
avec  une  habileté,  un  zèle  et  un  dévouement  au-dessus  de 
tout  éloge. 

«  Vos  travaux  ,  Messieurs ,   sont  de  ceux  dont  l'utilité  , 
lente  parfois  à  se  faire  connaître  ,  n'en  est  pas  moins  grande 
et  incontestable.  En  ressuscitant  le  passé  par  vos  studieuses 
et  patientes  investigations ,  vous  fécondez  le  présent  et  vous 
préparez  l'avenir.  Malheureux  est  l'homme  qui  méconnaît  la 
puissance  de  la  tradition  et  la  chaîne  mystérieuse  qui  relie 
nos  œuvres  et  celles  de  nos  enfants  aux  oeuvres  de  nos  pères. 
Le  grand  dogme  chrétien  de  la  solidarité   des   générations 
s'applique  à  toutes  choses  ici-bas,  aux  monuments,  aux  insti- 
tutions ,  aux  mœurs  ,  aussi  bien  qu'aux  individus  et  aux  fa- 
milles.  Chaque  siècle  est  le  fds  de  celui  qui  l'a  précédé  et 
engendre  à  son   tour  le  siècle  qui  suivra.    Et,  d'ailleurs, 
quand  votre  étude  du  passé  n'aurait  d'autre  résultat  que  de 
nous  apprendre  à  respecter  et  à  honorer  ceux  qui  furent  jadis 
nos  précurseurs  et  nos  maîtres ,  elle  serait  encore  très-utile 
et  salutaire.  Enfin  ,  n'est-ce  pas  une  chose  louable  que  de 
montrer  à  notre  société  moderne  ,  agitée,  fiévreuse  et  si  ira- 


6  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

patiente  de  vivre  qu'elle  jouit  à  peine  du  présent  et  qu'elle 
dévore  l'avenir ,  que  de  montrer ,  dis-je ,  à  cette  société 
combien  il  y  a  de  charme  à  se  réfugier  dans  les  temps  anciens, 
et  à  se  promener  paisiblement  au  travers  des  vieux  3ges,  à  la 
douce  clarté  du  flambeau  de  la  science! 

«  Soyez  donc  ici  les  bienvenus ,  Messieurs.  Celui  qui 
vous  salue  ainsi  est  un  des  vôtres ,  le  plus  petit  d'entre 
vous  tous  assurément.  Depuis  que  j'ai  l'honneur  de  faire 
partie  de  voire  Société  (et  il  y  a  déjà  plusieurs  années), 
il  ne  m'a  pas  été  donné  de  siéger  une  seule  fois  parmi  vous. 
Il  m'est  doux  de  prendre  aujourd'hui  ma  place  dans  vos  rangs, 
au  milieu  même  de  ma  ville  natale,  et  de  pouvoir,  à  l'aide 
de  vos  leçons ,  connaître  et  apprécier ,  mieux  encore  que  je 
ne  l'ai  fait  jusqu'ici ,  les  richesses  archéologiques  de  notre 
pays  du  Haut- Anjou  ,  de  ce  cher  et  beau  pays  où  Dieu  s'est 
complu  à  réunir ,  par  une  faveur  singulière,  un  doux  climat, 
un  sol  fertile  ,  une  population  laborieuse  et  intelligente  ,  de 
grands  souvenirs  historiques,  et  qui  est  en  ce  moment  si 
heureux  et  si  fier  de  l'hospitalité  que  vous  êtes  venus  lui 
demander.  » 

Cette  allocution  est  vivement  applaudie. 

M.  de  Caumout  prend  ensuite  la  parole  en  ces  termes  : 

«  Messieurs, 

«  C'est  pour  la  seconde  fois  que  le  Congrès  archéologique 
de  France  vient  siéger  dans  le  département  de  Maine-et- 
Loire.  En  1861 ,  il  y  a  vingt  ans  accomplis,  la  session  que 
nous  ouvrons  aujourd'hui  à  Saumur  se  tenait  à  Angers. 
Depuis  lors,  bien  des  publications  ont  vu  le  jour,  bien  des 
congrès  ont  eu  lieu,  et  pourtant  il  reste  tant  à  faire  encore, 
que  le  XIXe.  siècle  et  peut-être  le  XXe.  ne  pourront  ter- 
miner la  lâche,  entreprise  il  y  a  déjà  plus  d'un  siècle,  de  dé- 


XXIXe.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  7 

crire  les  monuments  anciens  de  l'Anjou,  d'en  reconnaître 
toutes  les  vicissitudes ,  d'en  indigner  toutes  les  dates. 

«  Le  Congrès  a  pour  but  principal  de  réchauffer  le  zèle 
de  ceux  qui  se  livrent  à  cette  tâche  difficile ,  souvent  in- 
grate ,  et  dont  il  importera  toujours  de  relever  l'importance 
morale  aux  yeux  des  populations.  Nous  venons  tendre  une 
main  amie  aux  hommes  dévoués  qui  explorent  les  belles  et 
historiques  contrées  de  la  Loire ,  les  remercier  au  nom  de 
la  France  académique,  et  les  prier  de  persévérer  dans  l'apos- 
tolat qu'ils  ont  entrepris.  Nous  venons  aussi  engager  toutes 
les  personnes  studieuses  du  pays  à  observer  avec  nous  les 
types  variés  d'architecture  que  l'Anjou  et  la  Touraine  offrent 
à  nos  yeux  dans  cette  riche  vallée. 

«  Nous  serions  heureux  si  la  session  du  Congrès  archéolo- 
gique à  Saumur  pouvait  faire  naître  quelques  vocations  nou- 
velles et  conquérir  de  nouveaux  adeptes  aux  sciences  histo- 
riques et  archéologiques. 

Cet  espoir  devra  se  réaliser.  Nous  voyons,  en  effet 
dans  cette  enceinte ,  des  hommes  qui ,  comme  M.  le  co- 
lonel de  Morlet ,  M.  le  commandant  Prévost,  ont  publié  de 
savants  ouvrages  sur  la  géographie  ancienne  ;  des  hommes 
qui ,  comme  M.  le  comte  de  Galembert ,  31.  de  Verneilh 
et  M.  Godard-Faidtrier ,  sont  allés  en  Orient  pour  y 
étudier  l'architecture  byzantine  ;  des  architectes  dont  le 
nom  fait  autorité  dans  toutes  les  parties  de  la  France , 
R1M.  Joly  et  Segretain  ;  des  hommes,  enfin,  dont  les  publications 
remarquables  ont  contribué  à  amener  les  sciences  historiques 
et  archéologiques  au  point  où  nous  les  voyons  aujourd'hui.  Il 
me  suffit  de  citer,  parmi  ces  derniers  :  M.  le  comte  de  Mailly, 
ancien  pair  de  France  ,  qui  a  relevé  plusieurs  ruines  impor- 
tantes ;  M.  le  vicomte  de  Genouilhacet  M.  Ramé,  de  Rennes  ; 
88.  Pelers,  de  Belgique;  M.  Victor  Petit ,  si  connu  par  ses 
belles  publications.    Tout  fait  donc  espérer,  Messieurs  ,  que 


8  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

notre  session  de  1862  sera  féconde  ,  qu'elle  continuera  à 
propager  le  goût  des  études  historiques.  C'est  le  but  que 
poursuit  depuis  trente  années  la  Société  française  d'archéo- 
logie ,  car  elle  sait  qu'il  faut  faire  comprendre  la  valeur  des 
monuments  historiques  pour  qu'ils  soient  respectés. 

«Je  ne  terminerai  pas  ces  quelques  mots  d'introduction  sans 
remercier  l'honorable  M.  Louvet,  maire  de  Saumur  et  député 
au  Corps  législatif,  qui  a  bien  voulu  quitter  ses  travaux 
pour  venir  nous  installer  dans  ce  beau  palais  ;  M.  Chedeau , 
adjoint  ;  MM.  Courtiller ,  Joly ,  et  tous  les  membres  du 
Conseil  municipal ,  de  l'accueil  sympathique  qu'ils  ont  fait 
à  la  Société  française  d'archéologie  ,  quand  elle  a  témoigné 
le  désir  de  tenir  ses  assises  à  Saumur.  Ce  bienveillant  em- 
pressement à  seconder  nos  efforts  est  le  gage  le  plus  sûr  du 
succès  que  nous  en  attendons.  C'est  aussi  pour  nous  tous  un 
puissant  encouragement,  et  nous  y  répondrons  en  redoublant 
de  zèle  pour  bien  remplir  notre  mission,  et  faire  en  sorte 
que  le  Congrès  archéologique  de  Saumur  soit  un  des  plus 
intéressants  de  ceux  qui  ont   eu  lieu  jusqu'ici  en  France.  » 

Après  avoir  donné  lecture  de  diverses  lettres  par  lesquelles 
plusieurs  membres  de  la  Société  s'excusent  de  ne  pouvoir 
assister  au  Congrès,  M.  de  Caumont  présente  les  ouvrages 
offerts  au  Congrès  : 

Far  M.  le  colonel  de  Morlet ,  Photographie  de  pierres 
tombales  du  musée  de  Saverne. 

Par  M.  Ferdinand  Piper,  de  Berlin,  une  brochure  en  alle- 
mand :  Théologie  monumentale. 

Par  M.  le  capitaine  Râteau,  d'Amélie-les-Bains  (Pyrénées- 
Orientales),  Monographie  du  château  de  Salz,  dans  les  Py- 
rénées. 

Par  M.  Cherbonneau  ,  Êpigraphie  de  l' Algérie ,  en  cinq 
volumes. 


XXIXe.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  9 

Par  M.  de  Caumout ,  pour  la  Bibliothèque  de  la  ville  de 
Sauimir,  le  premier  volume  de  la  classe  des  sciences  de  l'In- 
stitut des  provinces. 

Poteries  gallo-romaines  trouvées  au  Mans  en  1809. 

Statistique  monumentale  du  Calvados, 

M.  de  Caumont  analyse  ensuite  brièvement  plusieurs  com- 
munications écrites  qui  lui  sont  parvenues. 

M.  l'abbé  Persigan  ,  du  diocèse  du  Mans,  envoie  un  tra- 
vail contenant  :  1°.  des  notions  générales  sur  le  canton  de 
St. -Paterne,  qui  faisait  autrefois  partie  de  l'ancien  Sermois; 
2°.  une  reconnaissance  détaillée  de  la  voie  romaine  de  Char- 
tres à  Rennes  par  Jublains,  qu'il  annonce  avoir  suivie  depuis 
St. -Remy-du-Plain,  canton  de  Mamers,  jusqu'à  la  Pooté 
(Mayenne)  ,  en  passant  par  Ancines ,  St.-Paterne,  etc.  Il  en 
décrit  les  vestiges  reconnaissables  à  plusieurs  endroits. 
M.  l'abbé  Persigan  conslate  l'existence  d'une  autre  voie  an- 
cienne, d'Oximum  à  Suindinum.  Cette  route,  que  M.  de 
Caumont  a  reconnue  du  bourg  d'Exmes  jusqu'à  Séez,  l'au- 
teur la  retrouve  à  son  débouché  dans  le  Maine,  à  Cerisay,  près 
Courteilles ,  traversant  la  Sarlhe  en  un  gué ,  près  de  Monldi- 
dier,  puis  se  rendant  à  Estrée  pour  se  réunir  à  la  voie  précé- 
demment décrite  en  un  lieu  appelé  la  Croix-du-Pont,  sur  la 
route  d'Ancinesà  Alençon.  M.  l'abbé  Persigan  termine  en  di- 
sant qu'il  est  persuadé  que  la  voie  romaine  venant  deCondé- 
sur-Iton  à  Ste.-Ceronne  par  Mortagne,  tombait  dans  une  des 
routes  qui  précèdent. 

M.  l'abbé  Lacurie  écrit  de  Saintes  à  M.  de  Caumont,  pour 
lui  annoncer  la  publication  de  la  Statistique  de  la  Charente- 
Inférieure  et  l'acquisition  de  plusieurs  ruines  antiques ,  et 
notamment  celles  de  l'amphithéâtre  de  Saintes;  il  envoie  un 
rapport  de  M.  Lacour  ,  inspecteur  de  l'arrondissement  de 
St.-Jean-d'Angély  ,  au  sujet  de  la  découverte  d'une  con- 
struction romaine  sur  la  commune  de  Varaize. 


10  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

M.  Dupuis,  conseiller  à  la  Cour  d'Orléans,  envoie  la  liste 
des  inscriptions  gallo-romaines  existant  au  musée  d'Orléans, 
suivie  d'une  note  sur  deux  anciens  ponts  établis  sur  la  Loire, 
vers  le  milieu  de  son  cours. 

Après  avoir  déposé  sur  le  bureau  un  certain  nombre  de 
rapports  écrits ,  dont  la  présentation  devait  être  faite  parce 
qu'ils  rendent  compte  de  fouilles  ou  de  travaux  exécutés  aux 
frais  de  la  Société  française ,  M.  de  Gaumont  propose  l'ordre 
suivant  pour  les  séances  du  Congrès  pendant  la  semaine  qui 
commence  :  séances  générales ,  à  8  heures  du  matin  et  à 
2  heures  après  midi;  conférences  le  soir,  à  7  heures  1/2  , 
pour  lesquelles  les  portes  seront  ouvertes  au  public.  Une  invi- 
tation spéciale  est  faite  aux  dames  de  Saumur  pour  les  en- 
gager à  assister  aux  conférences  ,  dont  les  sujets  sont  variés 
et  mis  à  la  portée  de  tous. 

Les  excursions  projetées  auront  lieu  :  à  Gennes  et  à  Cunault,  le 
mardi,  3  juin  ;  à  Fontevrault,  Candes  et  Chinon,  le  jeudi,  5  juin. 

x\près  ces  préliminaires ,  M.  le  Président  donne  lecture  de 
la  1".  et  de  la  2e.  question  du  programme  : 

Présenter  le  tableau  des  voies  romaines  de  l' Anjou  et 
des  contrées  voisines. 

Indiquer,  sur  une  carte,  la  position  de  toutes  les  localités 
de  la  même  région  dans  lesquelles  des  substructions  ont  été 
observées, 

M.  Godard-Faultrier  demande  la  parole  et  lit  le  mémoire 
suivant  : 

RAPPORT  DE  M.  GODARD-FAULTRIER. 

Nous  croyons  devoir  répondre  a  ces  deux  questions  en  les 
réunissant  et  même  en  changeant  leur  ordre ,  de  façon  que 
la  première  deviendra  la  seconde  ;  en  effet ,  il  nous  semble 
plus  naturel  de  constater  d'abord  ,  sans  parti  pris,  les  points 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  11 

gallo-romains  jusqu'ici  reconnus.  Ces  points  seront  comme 
autant  d' amorces  qui  serviront  de  repères  pour  bien  établir 
les  directions  de  nos  voies  romaines  entr'elles  ;  car  des  uns 
aux  autres,  tous  ces  points  appelleront  nécessairement  des 
chemins  de  communication  entr'eux. 

Essayons  donc  de  répondre  d'abord  à  cette  question  : 
Indiquer,  sur  une  carte ,  la  position  de  toutes  les  localités 
de  la  même  région  dans   lesquelles  des  substructions  ont 
été  observées. 

Une  carte  nous  paraissant  insuffisante,  nous  la  ferons 
précéder  des  observations  suivantes.  D'un  autre  côté ,  nous 
procéderons  par  arrondissement,  en  ce  qui  concerne  le  dé- 
partement de  Maine-et-Loire. 

Arrondissement  d'Angers. 

Des  traces  gallo-romaines  y  ont  été  constatées  sur  les 
communes  suivantes  : 

Angers,  Ste. -Gemme-sur-Loire ,  Murs,  Essiré,  Ponts-de- 
Cé,  St. -Barthélémy,  Andard,  St.-Remy-la-Varenne  ,  Sa- 
venières,  Cbâlonnes,  Thouarcé ,  Alençon  et  Chavagnes  , 
Chorcé  et  St.-Ellier ,  St.-Jean-de-Linières ,  Bouchemaine  , 
Ingrande  ,  Lcroux-Beconnois  ,  Denée  ,  Écouflanl ,  Feneu  , 
La  Bohalle,  Juigné-sur-Loire,  Beaulieu,  Faveraye,  Faye. 

Arrondissement   de  Baugé. 

Communes  de:  Sl.-Martin-d'Arcé ,  Vaulandry,  Beaufort , 
Corné,  Mazé ,  St.-Georges-des-Bois  ,  La  Lande-Chasle  , 
Seiches,  Beauvau,  La  Rairie,  Marcé  ,  Suetle  ,.Cuon. 

Arrondissement  de  Cliolet. 

Communes  de:  St.-Marlin-de-Beaupréau  ,  Andrezé ,  La 
Chapelle-du-Genèt ,  Geste,  Jallais,  Du  May,  La  Blouère  , 
Champtoceaux  ,  La  Chapelle-Rousselin  ,  Sie. -Christine  , 
Neuvy  ,    La   Tour-Landry ,  Chanleloup  ,    Nuaillé  ,  Tout-le- 


12  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Monde,  Trémentines,  Vezins,  Yzcrnay ,  St.-Laurent-de- 
la-PIaine,  St.-Crespin ,  Longeron,  La  Renaudière ,  Boussay, 
Tilliers,  Torfou ,  Chaudron,  La  Chaussaire  ,  Fief-Sauvin  , 
St.-Remy-en-Mauges  ,  St. -Florent-le-Vieil  ,  La  Romagne  , 
Cholet  ,  Bouzillé. 

Arrondissement   de    San  mur. 

Communes  de  :  Saumur ,  Bagneux  ,  Distré  ,  St.-Hilaire- 
St. -Florent,  Vivy,  Allonnes,  Doué,  Douces,  Forges,  Gennes, 
Trèves-Cunauld  ,  Chenehulte-les-Tuffeaux  ,  Toureil-Bessé- 
St.-Maur,  St.-Georges-des-Scpt-Vuies  ,  St.-Cyr-en-Bourg  , 
St.-Jusl-sur-Dives  ,  Vihiers  ,*  Souzoy  ,  Montsoreau  ,  Brezé  , 
Epieds,  Les  Rosiers. 

Arrondissement  de  Scgré. 

Communes  de  :  Châtelois ,  La  Ferrière  ,  Louvaines  , 
Marigné  ,  Lion-d'Angers,  Chambellay  ,  Brissarte. 

Il  serait  trop  long  d'entrer  dans  quelques  détails  sur  cha- 
cune de  ces  communes.  Qu'il  suffise  de  savoir  que  ces 
détails  existent  en  un  mémoire  (1)  que  nous  avons  écrit  vers 
1858,  et  qui  est  présentement  en  cours  d'impression  dans 
le  Répertoire  archéologique  de  /' Anjou, 

Ces  points  de  repère  constatés  ,  il  nous  reste  à  rechercher 
les  voies  et  routes  qui  en  facilitaient  la  communication,  car 
elles  ont  nécessairement  existé.  Cette  méthode  à  posteriori 
nous  semble  la  meilleure ,  et  par  là  je  suis  amené  naturel- 
lement à  traiter  la  question  : 

Présenter  Le  tableau  des  voies  romaines  de  l'Anjou  et 
des  contrées  voisines. 

Mais  établissons  d'abord  que  l'un  de  nos  plus  anciens  docu- 

(1)  Ce  mémoire  a  obtenu  la  médaille  d'or  du  Conseil  général  de 
Maine-et-Loire  (année  1859)  et  une  mention  honorable  au  concours 
de  la  même  année  (  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres). 


XXIXe.    SESSION  ,    A    SAUMUR.  13 

raents  sur  la  topographie  des  Gaules  est  la  Carte  de  Peuiinger. 

Elle  porte  le  nom  de  ce  savant,  parce  que,  découverte  à 
Spire  vers  1500,  elle  lui  fut  léguée  pour  qu'il  la  publiât, 
ce  qui  pourtant  n'eut  lieu  qu'en  1598  ,  après  sa  mort. 

Scheyb  l'a  réimprimée  à  Vienne  en  1753.  Bien  que 
M.  Fortia  d'Urban,  en  18^5  ,  ait  donné  une  nouvelle  édition 
de  cette  Table ,  celle  de  Scheyb  n'en  reste  pas  moins  pré- 
cieuse. Elle  se  compose  de  douze  segments ,  détachés  de 
manière  à  pouvoir  être  placés  les  uns  à  la  suite  des  autres. 

Le  segment  n°.  1er.  renferme  nos  quatre  positions  gallo- 
romaines  angevines  les  plus  anciennes,  savoir  :  Jiiliomagus , 
puis,  à  l'est,  Robrica  ;  à  l'ouest,  Combaristum  et ,  au  sud- 
ouest  ,   Segora. 

Ces  positions ,  dans  la  Table  de  Peutinger ,  se  trouvent 
toutes  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire,  tandis  que  s'il  est  vrai 
que  Juliomago  soit  Angers,  comme  nous  n'en  doutons  pas, 
et  que  Combaristum  soit  Combrée  ,  ce  qui  nous  paraît  fort 
incertain,  ces  deux  dernières  positions  devraient  être  placées 
sur  la  rive  droite.  Il  en  est  ainsi  de  beaucoup  d'autres  villes 
Ce  qui  prouve  que  l'auteur  inconnu  de  cette  Table  a 
moins  eu  le  dessein  de  faire  un  travail  géographique  que 
celui  de  dresser  une  carte  routière  ou  postale  des  distances, 
qui  sont  toutes  partiellement  indiquées  en  chiffres  romains 
d'une  étape  à  l'autre.  Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  l'ensemble 
de  cette  Table  pour  voir  qu'elle  n'est  qu'un  ruban  ou  plutôt 
qu'une  litre  allongée  d'occident  en  orient,  et  qui  ne  tient 
compte  d'aucunes  proportions  du  nord  au  sud  et  fort  peu  de 
l'est  à  l'ouest.  Dans  cette  Table  ,  également  appelée  Théodo- 
sienne  ,  l'on  ne  s'est  évidemment  préoccupé  ,  je  le  répète  , 
que  des  distances  en  chiffres  et  d'une  approximative  orien- 
tation ,  sans  prendre  beaucoup  garde  autrement  que  pour 
mémoire  à  la  distribution  des  mers  ,  fleuves  et  rivières.  On 
serait  tenté  de  croire  qu'elle  aurait  été  dressée  comme  on 


\k  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

trace  un  plan  à  vue  d'oeil  et  sur  lequel  on  place  des  cotes 
provisoires  qui ,  plus  tard  ,  pourraient  servir  à  mettre  en 
rapport  les  chiffres  avec  les  lignes. 

Malgré  ses  imperfections  ,  cette  carte  de  l'Empire  romain 
est  le  monument  le  plus  précieux  sur  lequel  nous  puissions 
faire  quelques  fondements  pour  notre  géographie  angevine. 
On  croit  qu'elle  fut  exécutée  à  Gonstanlinople,  vers  l'an  393, 
sous  Théodose-le-Graud  ,  ou  encore  vers  635  ,  du  temps  de 
Théodose  II.  Peut-être  même  est-elle  plus  ancienne;  quel- 
ques auteurs  sont  disposés  à  le  croire. 

Indépendamment  de  nos  quatre  positions  gallo-romaines 
précitées,  nous  remarquons  sur  cette  carte,  pour  ce  qui 
concerne  l'Anjou,  le  tracé  de  trois  voies  principales,  ce 
qui  n'implique  pas  qu'il  n'y  en  ait  point  eu  davantage; 
l'une  part  de  Juliomago  (  Angers  )  et  se  dirige  au  sud-ouest 
vers  Segora,  pour  ensuite  gagner,  de  l'est  à  l'ouest,  Portu 
Nannelu  (Nantes)  ;  l'autre  part  également  de  Juliomago  et 
va,  se  dirigeant  de  l'est  à  l'ouest,  à  Combaristum ,  pour  en- 
suite ,  par  Sipia ,  gagner  Condate  (  Rennes  )  ;  la  troisième 
part  toujours  de  Juliomago  et  va  se  dirigeant  vers  Robrica , 
de  l'ouest  à  l'est,  pour  ensuite  gagner  Casarodunum  (Tours). 

Cette  carte,  combinée  avec  l'Itinéraire  d'Antonin,  a  servi 
de  base  à  tous  les  systèmes  de  topographie  gallo-romaine  et 
angevine  que  nous  allons  exposer. 

Station  Robrica. 

Danville,  Richard  et  Lapie  placent  cette  station  à  Longue  ; 
Walckenaer,  à  Beaufort;  La  Sauvagère  et  Bodin  ,  à  Ghene- 
hutte  ;  M,  Boreau,  à  Bagneux  ,  près  de  Saumur  ;  M.  Joly  , 
à  Saumur  même  (1) ,  et  M.  Boreau  se  rend  à  cette  opinion. 
M.  de  Matty  place  cette  station  au  Gué-d'Arcis. 

(1)  Mémoires  de  la  Société  académique  de  Maine-et-Loire ,  IXe.  vol., 
page  àh. 


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XXIX».    SESSION  ,   A  SAUMUR.  1 5 

Station  Combaristum. 

MM.  Bodin   et  de   Beauregard   la   placent  à   Combrée  ; 
M.  Boreau  ,  à  Châtelois  ;  M.  de  Matty  ,  à  Gandé. 

Station  Segora. 

Walckenaer  place  celte  station  à  Segré  ;  La  Sauvagère  et 
Bodin,  à  Doué  ;  Bodin  ,  successivement  à  Montreuil-Bellay  , 
à  Lezon  ou  St.-Just-sur-Dive,  et  enfin  à  La  Segourie,  com- 
mune du  Fief-Sauvin  ;  MM.  Tristan-Martin,  Desvaux,  Chan- 
louineau,  de  Beauregard  et  Faye,  à  La  Segourie;  MM.  Dupin 
et  de  La  Fonlenelle,  à  Secondigny  ;  M.  Aude,  à  Sigournoi; 
M.  Isidore  Massé,  à  Mortagne  ;  D.  Fonteneau ,  à  Airvault  ; 
Sanson,  Danvilleet  l'abbé  Bellay,  à  Bressuire  ;  Mgr.  Cousseau 
et  M.  Touchard,  à  Faye-l'Abbesse;  M.  de  Matty  voit  quelque 
probabilité  à  la  placer  à  Breuil-Chaussée  ou  encore  à  Faye- 
l'Abbesse.  Vraiment  nous  n'avons  que  l'embarras  du  choix  ! 

Quant  aux  voies  romaines  ,  il  faut  constater,  d'abord  ,  que 
celles  d'Angers  à  Subdinum  (le  Mans)  ;  d'Angers  à  Jublains 
et  d'Angers  à  Lemuno  (Poitiers),  ne  sont  point  marquées 
sur  la  Carte  de  Peutinger. 

Passons  en  revue  les  diverses  opinions  qui  ont  été  émises 
sur  toutes  ces  voies. 

I.   Voie  de  Juliomagus  (  Angers  )  à  Casarodunum  (Tours). 

Suivant  La  Sauvagère  ,  la  voie  d'Angers  à  Tours  traversait 
la  Loire  aux  Ponts-de-Cé  ,  se  rendait  à  Juigné-sur-Loire  ,  à 
Gennes  ,  puis  à  Chenehutte-les-Tuffeaux ,  où  elle  traversait 
de  nouveau  la  Loire  pour  gagner  Vivy  ,  Allonnes ,  Bour- 
gueil,  etc.,  etc. 

Selon  Bodin,  la  même  voie  allait  d'Angers  à  St. -Barthé- 
lémy ,  à  Andard,  à  Corné,  à  Mazé ,   à  Beaufort,  où  elle  se 


16  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

bifurquait  pour  se  rendre  ,  d'une  part,  à  Longue  ,  à  Brain- 
sur-Allonnes,  h  Bourgueil,  etc.  ;  et ,  d'autre  part ,  aux  lieux 
dits  la  Grande-Boire,  la  Touche-Bruneau,  Fourcelle ,  le 
Gué-d'Arcis,  Vivy,  Allonnes  et  Bourgueil  où  cessait  la  bifur- 
cation. 

D'après  M.  de  Matty,  qui  place  Jaliomagus  (môme  localité 
que  Juliomago)  auCamp-de-Fremur ,la  voie  romaine  de  Julio- 
magusa  Casarodunum  passait  au-dessus  de  Ste. -Gemme-sur- 
Loire,  au-dessus  de  Forges,  traversait  Trelazé,  Andard,  Corné, 
Mazé,  Beaufort,  le  Gué-d'Arcis,  Vivy,  Allonnes,  Bourgueil, 
etc.,  etc. 

IL   Voie  de  Juliomago  à  Condate  (  Rennes). 

Bodin  trace  la  voie  romaine  d'Angers  à  Rennes  par  Le 
Lion-d'Angers  et  Combrée. 

M.  de  Matty  dirige  la  voie  romaine  de  Jidiomagus  (pour 
lui  situé  en  Fremur)  à  Rennes  par  Bouchemaine  et  Candé  , 
où  il  place  Combaristum.  Il  admet  concurremment  une  voie 
secondaire  tVAndecavi  (Angers)  à  Rennes,  par  Le  Lion- 
d'Angers,  La  Jaillette  ,  Louvaines,  St.-Aubin-du-Tavoil  et 
Châtelôis. 

M.  Bizeul  fait  passer  la  voie  d'Angers  à  Rennes  par  Le 
Lion-d'Angers,  La  Jaillette,  Cliâtelois,  La  Guerche,  Viseiches 
et  Venèfles. 

> 
III.   Voie  de  Juliomago  a  Portu-Nannetu  (Nantes). 

M.  de  Matty  paraît  admettre  que  la  voie  romaine  de 
Juliomago  (pour  lui  Fremur)  a  Nantes  passait  par  Murs  et 
le  Fief-Sauvin.  La  direction  de  celte  voie  laisse  encore  beau- 
coup à  désirer. 

IV.  Voie  de  Juliomago  à  Lemuno  (Poitiers). 

Selon  Bodin,  cette  voie  traversait  les  Ponts-de-Cé,  puis 


XX1X\    SESSION,    A   SAU.UUR.  17 

Juigné-sur-Loire  ,  où  elle  se  bifurquait.  L'une  des  branches 
(la  principale)  se  rendait  par  Brissac  à  Doué,  à  Montreuil- 
Bellay  ,  etc.  ,  etc.  L'autre  branche ,  voisine  de  la  Loire  (rive 
gauche),  passait  au-dessus  du  coteau  par  St.-Jean-des- 
Alauvrels  ,  St.-Saturnin,  puis,  sur  les  hauteurs  du  Toureil 
et  de  Bessé ,  gagnait  Gennes  et  Chenehutte-les-Tufleaux 
d'où  elle  allait  rejoindre  la  première  branche  à  Doué. 

M.  de  Matty,  toujours  en  partant  de  Juliomagus  (pour 
lui  Frémur)  ,  admet  une  voie  se  dirigeant  vers  Poitiers  par 
St.-Jean-de-la-Croix  ,  Murs,  Notre  Dame-d'Alençon ,  Doué, 
etc.,  etc. 

D'après  M.  de  La  Fontenelle ,  cette  voie  communiquait 
avec  le  Poitou  par  Doué  ,  les  Verchers ,  Passavant  et  Claire  ; 
d'après  MM.  Gaillard  de  Neuville,  Guillaume  de  Lisle  et  J.-B. 
Nolin  ,  par  Doué,  Brossay  ,  Montreuil-Bellay,  etc.;  selon 
d'autres  ,  par  Doué  et  le  Puy- Notre-Dame. 

V.   Voie  de  Juliomago  à  Subdinnum  (  Le  Mans). 

Selon  M.  l'abbé  Voisin,  dans  ses  Cénomans,  t.  Ier.,  p.  50, 
la  voie  d'Angers  au  Mans  passait  près  de  Suette  et  Marcé  , 
traversait  la  forêt  de  Chambiers  ,  allait  au  Château-de-Miré  , 
à  La  Rairie,  au  Gué-de-1'Arche,  longeant  le  camp  romain  de 
Gré,  etc. ,  etc. 

VI     Voie  d' Angers  à  Jublains. 

Suivant  le  môme  abbé  Voisin,  une  voie  romaine  conduisait 
d'Angers  à  Jublains  en  traversant  le  pont  des  Angevinières 
sur  la  Vaige  (p.  79). 

Indépendamment  de  ces  six  voies  qui  partaient  d'Angers  , 
quelques  auteurs  en  présentent  d'autres  qui  passaient  sur 
notre  département. 

M.  de  Malty  admet  une  voie  du  Mans  à  Poitiers ,  qui ,  al- 

9 


18       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

lant  (lu  nord  au  sud,  traversait  le  Gué-d'Arcis,  près  de  Vivy; 
mais,  d'après  M;  l'abbé  Voisin,  p.  50  de  ses  Cénomans, 
t.  Fr.  ,  la  voie  du  Mans  à  Poitiers  passait  près  de  Pontvallin  , 
près  du  Lude ,  et  gagnait  Candes-sur-Loire ,  Loudun  et  Poi- 
tiers. Cela  étant,  cette  voie  devait  traverser,  dans  le  départe- 
ment de  .Maine-et-Loire ,  les  communes  de  Cbigné  ,  Denezé  , 
Auverse  ,  Linières-Boulon  ,  Vernoil-Ie-Fourier,  La  Breille, 
Brain-sur-Allonnes  et  Varennes-sous-Montsoreau,  dans  la  di- 
rection du  nord  au  sud. 

•  M.  de  Matty  admet  le  tracé  d'une  voie  d'Andard  (1)  à 
Poitiers  par  La  Bohalle  ,  Blaison  ,  Coutures ,  Cbemellier , 
Louerre  ,  Rochemenier ,  Doué  ,  etc. ,  etc. 

A  son  sens,  cette  voie  aurait  été  celle  que  suivit  Dumnacus 
lors  sa  défaite  par  les  Romains  ,  défaite  qui  se  serait  effectuée 
vis-à-vis  et  au  sud  d'Andard.  La  nouvelle  carte  des  Gaules 
sous  le  proconsulat  de  César ,  dressée  en  1860  d'après  les 
ordres  de  S.  M.  l'Empereur ,  rejette  cette  situation  de  la 
bataille. 

Rfl;  Faye,  sur  sa  carte  concernant  Segora ,  admet  une  voie 
romaine  de  Nantes  à  Poitiers  en  passant  dans  le  Maine-et- 
Loire  par  le  Fief-Sauviu  ,  La  Chapelle-du-Genest,  Andrezé  , 
Le  May,  Trementines  où  elle  se  bifurquait;  l'une  des  bran- 
ches allait  dans  le  Poitou  par  Nuaillé ,  Tout-le-Monde  ,  La 
Crilloire,  Yzernay ,  Les  Echaubroigues,  etc.,  etc.;  l'autre 
branche  s'y  rendait  par  Vezins  ,  Chanteloup,  La  Plaine  et 
Sotnloire. 

Tel  est  l'inventaire  succinct  des  voies  romaines  plus  ou 


(I)  Andiiril,  à  11  kilomètres  d'Angers,  fut,  selon  M.  de  Matty, 
chef-lieu  des  Andes  au  temps  de  César.  Dans  notre  mémoire  de  1858  , 
en  cours  d  impression  ,  nous  avons  cru  devoir  réfuler  les  conjectures 
de  cet  csL  malle  'auteur  sur  Andard  comme  chef-lieu,  et  sur  la  si- 
tuation en  Frémur  qu'il  donne  à  Juliumatjus. 


XXIXr.    SESSION,    A    SAIWIUK.  S  ':) 

moins  bien  constatées,  jusqu'à  ce  jour,  sur  le  département  de 
Maine-et-Loire. 

Ceci  posé ,  qu'à  notre  tour  il  nous  soit  permis  de  nous 
livrer  aux  diverses  conjectures  que  vont  susciter  les  nombreux 
points  de  repère  par  nous  précédemment  établis.  Ils  sont 
comme  autant  d'amorces  qui  nous  indiquent  le  passage  des 
voies  par  tels  ou  tels  lieux. 

I.  Voie  d'Angers  à  Tours. 

Au  moyen  de  nos  amorces.il  est  pour  nous  incontestable 
que  cette  voie  ,  suivant  la  rive  droite  de  la  Loire ,  traversait, 
de  l'ouest  à  l'est,  St.-Barlhélemy ,  Andard  ,  Corné,  Mazé, 
St.-Pierre-du-Lac  ,  Beaufort,  les  marais  de  Chape,  le  Gué- 
d'Arcis,  Vivy,  Allonnes;  puis,  cette  voie  entrait  en  Touraine 
par  Bourgueil. 

L'on  se  rendait  aussi  à  Tours ,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Loire,  par  les  Ponts-de-Cé  et  Juigné,  par  les  hauteurs  de 
St.-Remy-la-Varenne  et  du  Tonreil ,  par  Gennes  ,  Trêves  et 
Chenehutte-les-Tuffeaux,  où  se  trouvent  les  traces  d'un  camp 
en  face  duquel  l'on  retombait  dans  la  voie  de  la  rive  droite , 
au  moyen  d'un  pont  entre  Chenehutle  ,  St.  -.Martin-de-la- 
Place  et  le  Gué-d'Arcis. 

Nos  amorces  nous  font  aussi  connaître  que  l'on  allait 
d'Angers  à  Tours  par  Andard,  iMazé,  Gée,  Briou  ,  La  Lande- 
Chasle  ,  Mouliherne,  Brcil,  Rillé,  etc.,  etc. 

II.    Voie  d'Angers  à  Rennes. 

Nos  amorces  nous  prouvent  que  l'on  se  rendait  d'Angers  à 
Rennes  par  le  Lion-d'Ang<rs,  Louvaines,  La  Ferrière  et 
Chûlelais. 

Elles  nous  montrent  également  que  l'on  s'y  rendait  par  le 
Camp-de-Fremur  ,  Bouchemaine  ,  St.-Jean-de-Linières,  La 
Pooèzo,  Arigrie  et  Candé. 


20  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

III.  Voie  d'Angers  à  Nantes. 

On  traversait  le  camp  de  Frémur ,  l'ancien  pont  de  Bou- 
chemaine,  puis  la  commune  d'Epiré,  Savenières,  la  Pos- 
sonnière  et  Ingrande  ,  rive  droite  de  la  Loire,  etc. ,  etc. 

On  se  rendait  également  à  Nantes  par  Murs ,  Chalonnes , 
St.-Laurent-de-la-Plaine,  Ste. -Christine,  le  Fief-Sauvin  et 
la  Chaussaire. 

Une  troisième  voie  pouvait  y  conduire  aussi  (  rive  gauche 
de  la  Loire)  par  Chalonnes  ,  St. -Florent-le- Vieil  et  Champto- 
ceaux. 

IV.  Voie  d'Angers  à   Poitiers. 

On  s'y  rendait  par  les  Ponts-de-Cé,  Juigné-sur-Loire , 
Notre-Dame-d'Alençon  ,  Doué,  Doulces,  près  du  moulin  de 
Fierbois  ;  par  un  endroit  nommé  la  Levée,  le  bois  de  Fosse- 
Sèche,  du  côté  de  la  Madelaine  et  de  St.-Hilaire-le-Doyen  ; 
enfin  ,  par  Montreuil-Bellay. 

On  pouvait  s'y  rendre  encore  du  camp  de  Chenehutte,  par 
Forges  et  Doué. 

V.   Voie  d'Angers  au  Mans. 

Nous  admettons  le  tracé  de  M.  l'abbé  Voisin  ,  précédem- 
ment cité. 

VI.   Voie  d'Angers  à  Jublains. 

Même  remarque  que  pour  la  voie  d'Angers  au  Mans. 

Voies  partielles  passant  sur  l'arrondissement  de  Cholet. 

La  voie  de  Poitiers  à  Nantes  passait  au  sud- ouest  de  Maine- 
et-Loire,  arrondissement  de  Cholet,  par  la  Chaussaire,  la 
Segourie ,  la  Chapelle-du-Genest,  Andrezé  ,  le  May  ;  là  ,  elle 
se  bifurquait  pour  sa  principale  branche  aller  par  Nuaillé , 
ïout-le-Monde ,  Yzernay  ,  les  Échaubroignes  ,  etc. ,  etc.  La 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  21 

seconde  branche  se  rendait  à  Poitiers  par  Trementines,  Vezins, 
Chanteloup,  la  Plaine  et  Somloire  ;  ces  deux  branches  se 
réunissaient  en  dehors  de  Maine-et-Loire,  à  Faye-PAbbcsse. 

On  trouve  encore,  sur  l'arrondissement  de  Cholet,  des  traces 
de  deux  voies  qui,  de  la  Segourie,  se  rendaient  dans  le  dépar- 
tement de  la  Vendée  :  l'une  vers  le  sud-ouest ,  par  Geste  , 
Tilliers  et  St.-Crespin  ;  l'autre,  du  nord  au  sud,  par  la  Blouère, 
Villedieu,  la  Renaudière,  Roussay  et  le  Lougeron. 

^Dans  le  même  arrondissement ,  des  traces  d'une  voie  se 
remarquent  également,  de  l'ouest  à  l'est,  par  Trementines, 
Vezins ,  Vihiers  et  Doué. 

Voies  partielles  sur  l'arrondissement  de  Bauge'. 

Nos  amorces  nous  prouvent  qu'une  voie,  sur  l'arrondisse- 
ment de  Baugé,  partait  de  Beauveau  et  traversait,  du  nord  au 
sud,  St.-Georges-des-Bois,  pour  tomber  sur  St.-Pierre-du- 
Lac,  près  de  Beaufort. 

Celte  voie  partielle,  à  son  extrémité  nord,  gagnait  la  voie 
d'Angers  au  Mans ,  et ,  à  son  extrémité  sud,  la  voie  d'Angers 
à  Tours. 

Dans  le  même  arrondissement  de  Baugé,  une  voie  partielle 
descendait,  du  nord  au  sud,  par  Vaulandry,  St.-Marlin-d'Arcé, 
la  Lande-Chasle,  Vivy,  et  pouvait  mettre  en  communication 
la  partie  méridionale  des  Cénomans  avec  la  Loire. 

Voie  partielle  dans  l'arrondissement  de  Segré. 

Une  voie  partielle  entrait  dans  la  Mayenne  par  le  Lion- 
d'Angers,  Chambellay  et  Marigné. 

Telles  sont,  en  résumé,  les  directions  que  l'on  peut  déduire 
de  la  position  de  nos  amorces  ou  points  de  repère. 

Dans  notre  mémoire  de  1858,  nous  avons  groupé  un  grand 
nombre  de  preuves  qui  établissent  que  la  situation  de  Julio- 
magus  a  été  à  Angers  même  et  non  au  Frémur:  nous  n'y  re- 


22  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

viendrons  pas;  mais  ii  nous  reste  à  discuter  ia  position  des 
trois  stations  de  la  Carte  de  Peutinger,  savoir  :  Segora,  Con- 
baristum  et  Robrica. 

Segora. 

En  jetant  les  yeux  sur  la  Carte  de  Peutinger ,  nous  trou- 
vons Segora  situé  dans  la  direction  du  sud-ouest  par  rapport 
hJuliomagus ;  nous  trouvons  encore  que,  deSegoraà  Portu- 
iSamnetu ,  la  direction  va  en  ligne  droite  de  l'est  à  l'ouest. 
Or,  si  nous  regardons  entr'elles  les  positions  actuelles  d'An- 
gers, de  Nantes  et  de  la  Segourie,  nous  verrons  que  ce  der- 
nier point  coïncide  très-bien  avec  celui  de  Scgoia.  Ajoutons 
que  l'analogie  qui  existe  entre  le  nom  de  Segourie  et  celui 
de  Segora  est  évidente.  Joignons  à  tout  ceci  la  découverte 
de  ruines  romaines  faite  à  la  Segourie,  puis  le  calcul  des 
distances  fait  par  MM.  Tristan-Martin  et  Faye,  et  l'on  sera 
contraint  d'a\ouer  qu'il  faut  aller  chercher  désormais  l'an- 
cienne station  Segora  à  la  Segourie ,  commune  du  Fief- 
Sauvin,  arrondissement  de  Cholet. 

Conbaristum. 

Nous  avons  vu  précédemment  que  Bodin  a  placé  cette  sta- 
tion à  Comhrée ,  d'après  l'analogie  des  deux  noms  ;  mais, 
comme  l'on  n'a  jamais  trouvé  de  trace  d'occupation  romaine 
en  cet  endroit,  il  s'ensuit  que  le  doute  est  permis. 

M.  de  Matty  place  Conbaristum  à  Candé,  comme  s'accor- 
dant  mieux  arec  les  distances  de  la  Table  Thcodosicnne  et 
les  restes  d'une  voie  romaine  allant  dans  le  sens  de  l'est  à 
l'ouest. 

Cette  voie  aurait  atteint  Candé  en  traversant  la  rivière  à 
Bonchemaine,  puis  en  passant  par  un  lieu  dit  La  Chaussée  et 
par  Pontron. 

M.   de  Matty  ne  répugne  pas  à   rapprocher  l'élymologie 


xxixr.  smssion,  a  SAUMîir.  23 

qu'il  donne  à  Candé,  Conderisium ,  Canderistum ,  Couda- 
liscum ,  de  celle  de  Conbarisium  ;  mais  est-il  bien  assuré  de 
la  valeur  de  ces  élymologies?  On  peut  en  douter  devant  le 
vrai  nom  latin  de  Candé,  qui  était  Condate  Andegavorum. 

Quoiqu'il  en  soit,  la  position  de  Conbarisium  à  Candé 
est  plus  conforme  aux  exigences  de  la  Carte  de  Peutinger 
que  la  situation  de  Conbarisium  à  Comblée,  ou  a,  Châlelais , 
ces  deux  points  étant  trop  au  nord  par  rapport  à  cette  carte  ; 
il  est  vrai  qu'elle  est  si  erronée  souvent,  dans  son  orientation, 
qu'il  me  semble  bon  d'y  regarder  de  près. 

D'un  autre  côté  ,  M.  Boreau  a  donné  d'excellentes  raisons 
pour  placer  Conbarisium  à  Chàtclais. 

Le  doute  n'est  donc  pas  encore  levé  pour  nous. 

V 

Robrica. 

Nous  ne  sommes  point  également  en  mesure  de  nous  pro- 
noncer péremptoirement  sur  la  position  de  Robrica  ;  toute- 
fois, nous  ne  croyons  pas  pouvoir  admettre  la  situation  de 
Beaufort  ni  celle  de  Longue.  Nous  hésitons  entre  le  Gué- 
d'Arcis  et  Chenehutle;  mais  nous  penchons  plus  volontiers 
vers  ce  dernier  emplacement,  à  cause  de  son  camp  romain. 

Cependant,  si  nous  tenions  au  calcul  des  distances,  les 
17  lieues  gauloises  de  Juliomagus  à  Robrica  tomberaient 
assez  bien  sur  Saumur  ou  sur  l'endroit  nommé  Bagneux. 
Ajoutons  qu'en  cette  commune  des  bains  gallo-romains  ont 
été  découverts. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  à  18  lieues  gauloises  de  Julio- 
magus ,  vers  le  sud-ouest,  qu'il  faut  aller  chercher  Segora  ; 
à  17  ,  Robrica  ,  vers  l'est;  à  16,  Conbarisium  ,  vers  l'ouest. 

Je  dis  lieues  gauloises,  parce  qu'il  paraît  dûment  établi 
que,  depuis  la  Seine  et  la  Marne,  au  nord,  jusqu'à  la  Garonne 
et  à  Lyon  ,  vers  le  sud  ,  la  Table  Théodosiennc  indique  les 
distances  en  lieues  gauloises. 


1k  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

La  lieue  gauloise  vaut  environ  2,300  mètres;  je  dis  en- 
viron ,  car  la  mesure  de  celte  lieue  laisse  encore  à  désirer  sur 
son  exactitude.  M.  Pistolet  de  Saint-Fargueux  la  porte  à 
2,M5  mètres,  d'autres  à  2,468  mètres  33  centimètres,  plu- 
sieurs à  1,150  toises. 

En  résumé,  si  le  scepticisme  a  quelquefois  sa  raison  d'être, 
c'est  bien  en  matière  de  stations  et  de  voies  romaines.  On  y 
marche  à  tâtons  le  plus  souvent.  Est-ce  à  dire  qu'il  faille 
renoncer  à  cette  étude?  Non.  Il  faut  au  contraire  redoubler 
de  zèle,  mais  aussi  de  réserve.  Il  est  bien  entendu  que  celle 
recommandation  ne  s'adresse  qu'à  moi  seul ,  et  je  ne  la  fais 
en  ce  moment  que  pour  me  bien  rendre  compte  si  je  n'y  ai 
pas  manqué. 

Après  cette  lecture,  qui  a  captivé  l'attention  de  l'Assem- 
blée ,  une  conversation  s'engage  entre  divers  membres  sur 
les  difficultés  que  présente  l'exécution  de  la  carte  de  la  Gaule 
ordonnée  par  l'Empereur.  Le  travail  fait  jusqu'ici  ne  peut 
êtie  considéré  que  comme  une  ébauche  dont  les  lacunes  ne 
peuvent  être  comblées  que  par  les  archéologues  de  la  pro- 
vince résidant  sur  les  lieux. 

M.  Ledain ,  de  Parlhenay,  dit  que,  dans  ce  premier  tra- 
vail, on  a  confondu  Allones,  près  Poitiers,  avec  une  autre 
commune  du  même  nom  ,  située  près  de  Parlhenay.  M.  Go- 
dard ajoute  qu'on  a  donné  à  l'Anjou  quatre  monuments  cel- 
tiques seulement,  tandis  qu'à  sa  connaissance,  il  en  possède 
plus  de  80.  M.  Prévost ,  capitaine  du  génie  à  Saumur ,  ob- 
serve que  le  but  de  la  Commission  de  la  carte  impériale  est 
de  provoquer  la  discussion  sur  les  points  douteux  et  de  pro- 
fiter des  renseignements  que  les  hommes  spéciaux,  dans  chaque 
province,  voudront  bien  lui  adresser. 

M.  Joly-Leterme  appelle  l'attention  du  Congrès  sur  la  sta- 
tion Robrica  de  la  Carte  de  Peuiinger,  dont  M.  Godard  laisse 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  25 

la  position  incertaine.  Il  demande  si  l'on  ne  pourrait  pas  la 
placer  à  Rou  ,  près  Saumur  ,  où  l'on  trouve  de  nombreux 
restes  d'anliquités.  M.  Raimbaud  croit,  de  son  côté,  que 
Longue  doit  convenir  à  la  position  de  cette  station. 

M.  de  Caumont  demande  si  l'on  a  retrouvé,  dans  la  contrée, 
des  bornes  milliaires.  Sur  la  réponse  qui  lui  est  faite  qu'on 
n'en  counaîl  aucune,  il  émet  l'opinion  que  cela  tient,  sans 
doute,  à  la  nature  friable  des  matériaux  employés  par  les 
Romains. 

M.  Ledain  ,  de  Parthenay ,  dit  que ,  dans  le  Poitou ,  on  a 
trouvé  des  bornes  milliaires  qui  auraient  été  creusées  au 
moyen-âge  pour  servir  de  tombeaux.  Cet  usage  en  a 
conservé  un  certain  nombre  qui  se  trouvent  au  Musée  de 
Poitiers. 

Une  discussion  s'engage  ensuite  sur  le  mode  de  con- 
struction des  voies  romaines  en  Anjou.  M.  Godard  décrit 
celle  qu'il  a  vue  d'Angers  à  Ere  mur,  commune  de  Ste.- 
Gemme-sur-Loire.  Elle  se  composait  d'une  première  couebe 
de  gros  blocs,  d'une  seconde  de  pierres  cassées  comme  notre 
macadam ,  sur  laquelle  étaient  placées  de  larges  dalles  s'em- 
boîtant  par  les  angles  les  unes  dans  les  autres. 

M.  Imbert,  de  Thouars,  signale  le  bameau  de  Vraire,  com- 
mune de  Montbrun ,  canton  de  Tbouars ,  comme  une  mine 
féconde  d'antiquités  celtiques  et  romaines. 

M.  Ledain,  de  Parthenay,  parle  de  la  découverte  faite  dans 
la  commune  de  Gourgein,  arrondissement  de  Parthenay,  de 
tombes  romaines  dans  des  conditions  peu  ordinaires.  Elles 
ont,  en  effet ,  été  rencontrées  dans  des  excavations  creusées 
en  forme  de  puits,  à  plusieurs  mètres  de  profondeur. 

-M.  le  Président  donne  ensuite  lecture  de  la  3e.  question  : 
Quels  sont  tes  vestiges  de  constructions  g  allô -romaine  s  les 
plus  importGîits?  En  prendre  des  plans  mesurés. 


26       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

M.  Godard-Faultrier,  en  réponse  à  cette  question  ,  lit  un 
mémoire  étendu  qui  sera  publié  dans  le  compte-rendu  du 
Congrès,  et  que  l'heure  avancée  ne  lui  permet  pas  d'achever. 

La  séance  est  levée  à  h  heures  1/2. 

Le  Secrétaire-général , 

Cte.    DE    GALEMBERT, 

Inspecteur  des  monuments  d'Indre-et-Loire. 


lre.  Séance  du  9  juin. 

Présidence  de  M.  le  vicomte  de  Genouilhac,  membre  de  l'Institut 
des  provinces. 

A  8  heures  du  matin,  la  séance  est  ouverte. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Caiimont;  de  Verneilh,  in- 
specteur divisionnaire  de  la  Haute-Vienne  et  de  la  Creuse  ; 
Segretain,  architecte,  de  Niort,  inspecteur  des  Deux-Sèvres; 
le  comte  de  Galembert ,  inspecteur  des  monuments  d'Indre- 
et-Loire  ;  l'abbé  Prud'homme  ,  vicaire  de  St.-Vénérand  ,  à 
Laval,  remplissant  les  fonctions  de  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  d'ouverture  est  lu  et  adopté. 

M.  de  Caumont  annonce  au  Congrès  l'offrande  qui  lui  est 
faite  par  Mgr.  Landriot,  évêque  de  La  Rochelle  et  de  Saintes, 
des  trois  premiers  volumes  de  ses  Discours  et  Instructions 
pastorales,  in-8°. ,  et  d'un  volume  in -12,  intitulé  :  La  Prière 
chrétienne,  1".  partie.  Ces  livres  seront  déposés  à  la  Biblio- 
thèque de  Saumur. 

M.  de  Caumont  donne  ensuite  communication  d'une  lettre 
de  M.  Charles  ,  de  La  Ferté-Bernard  ,  envoyant  au  Congrès 
une  épreuve  photographique  d'une  maison  de  La  Ferlé  (  XVe. 


XXIX'.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  27 

siècle) ,  sur  la  façade  de  laquelle  se  retrouve  le  martyre  de 
saint  Etienne ,  accompagné  de  la  Sirène  ou  Mélusine. 
N.  Charles  rappelle  que  84.  de  Caumont,  dans  sa  Statistique 
de  l'arrondissement  de  Bayeux,  décrit,  d'après  M.  R.  Bor- 
deaux ,  une  façade  en  bois  présentant  le  même  sujet ,  et  re- 
marque qu'il  est  assez  singulier  de  rencontrer  ainsi ,  à  de 
grandes  distances ,  des  scènes  religieuses  accompagnées  du 
même  être  fantastique. 

M.  Chariot,  de  Tours,  offre  au  Congrès  une  broch.  in-12, 
inlitulée  :  Notes  sur  Les  abeilles,  et  une  broch.  in-8°.  :  Essai 
historique  sur  la  sériciculture  de  Chenonceaux. 

M.  le  colonel  de  Morlet  fait  hommage  au  Congrès  d'une 
carte  qu'il  a  dressée  du  Bas-Rhin  ,  indiquant  le  tracé  des 
voies  romaines  dans  les  arrondissements  de  Strasbourg, 
Saverne  et  Wissembourg. 

Enfin  ,  M.  Godard-Faultrier  prie  M.  de  Caumont  de  rece- 
voir ,  de  la  part  de  M.  Barassé,  un  exemplaire  du  Bulletin 
archéologique  publié  à  Angers  par  11.  de  Soland. 

Après  ces  différentes  communications,  M.  le  Président  in- 
vite M.  Godard-Faultrier  à  continuer  la  lecture  de  son  tra- 
vail sur  la  3'.  question  : 

Quels  sont  les  vestiges  de  constructions  gallo-romaines 
les  plus  importants  ?  En  présenter  des  plans  mesurés. 

RAPPORT   t)E  ÎH.   GODARD-FAULTRIER. 
Amphithéâtre. 

La  ville  d'Angers  avait  non-seulement  un  cirque  et  des 
bains  publics,  mais  encore  un  amphithéàlre. 

Il  n'en  reste,  rue  Hannelou  (ancien  couvent  de  la  Fidélité), 
que  de  rares  vestiges ,  en  cmplecton  à  petit  appareil ,  mais 
d'une  dureté  extrême. 


28       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Le  plan  le  plus  authentique  qui  a  été  dressé  de  ce  monu- 
ment fut  fait  vers  la  fin  du  XVIIIe.  siècle,  par  M.  Beauma- 
noir  ;  on  le  trouve  à  la  bibliothèque  d'Angers ,  dans  le 
t.  Ier.  des  Manuscrits  de  feu  M.  Berlhe,  qui  le  tenait  de 
M.  Beaumanoir  lui-même. 

A  l'époque  où  ce  dernier  le  dressa  ,  on  voyait  encore  quel- 
ques murailles  de  h  à  5  mètres  d'élévation  (1).  D'après  le 
calcul  de  M.  Beaumanoir ,  cet  amphithéâtre  pouvait  contenir 
dix  mille  personnes. 

Nous  ne  répéterons  pas  ici  ce  que  les  auteurs  modernes 
ont  écrit  sur  ce  monument ,  qui  portait  le  nom  de  Grohan, 
tout  le  monde  pouvant  les  consulter.  Bornons-nous  donc  à 
citer  quelques  lignes  des  Origines  de  la  langue  française, 
de  Ménage,  p.  376,  au  mot  Grohan  : 

«  Dans  un  des  faubourgs  de  la  ville  d'Angers,  appelé  le 
«  faubourg  de  Bressignè  ,  il  y  a  une  hôtellerie  appelée  la 
«  Côte  de  Baleine  où  il  y  a  un  jardin  ,  et  auprès  de  ce  jardin 
«  il  y  avait  une  vigne,  il  y  a  cinquante  ans  (2),  dans  le 
«  milieu  de  laquelle  il  y  avait  une  place  en  ovale  où  l'on 
«  voyait  des  restes  d'un  amphithéâtre  ancien  ,  qu'on  appelait 
«  Grohan.  M.  Mesnard  ,  lieutenant  delà  prevosté  d'Angers, 
«  fit  graver  ces  restes  d'amphithéâtre  en  1636,  et  la  môme 
«  année ,  il  fit  imprimer  une  dissertation   sur   cet  amphi- 


(1)  E»  1860  et  1861,  l'on  découvrit,  en  ouvrant  la  rue  de  la 
Fidélité  ,  six  fragments  de  murailles  de  cet  amphithéâtre  ;  on  y  voyait 
de  la  brique.  Ils  ont  été  relevés  par  M.  Joyau  ,  d'après  un  croquis 
communiqué  par  M.  Sansfourche,  architecte.  Peut-être  en  publierons- 
nous  le  plan,  qui  pourra  compléter  celui  plus  général  publié,  en  1843  , 
dans  Angers  pittoresque.  On  découvrit  encore  dans  ce  lieu  des  os 
d'éléphant,  une  tête  de  lion,  des  défenses  de  sanglier,  puis  des  pièces 
des  empereurs  Commode,  Marc-Aurèle,  Antonin-le-Pieux,  Victorin  , 
Gordien,   Posthume,  comme  aussi  divers  vases  antiques. 

(2)  Ménage,  qui  a  écrit  ces  lignes,  est  mort  le  23  juillet  1692. 


XXIXe.    SESSION,    A  SAUMUH.  29 

«  théâtre  ,  qu'il  dédia  à  M.  Servien ,  secrétaire  d'État  re- 
«  légué  en  ce  temps-là  à  Angers  ^1).  M.  Mesnard  prétend , 
«  dans  cette  dissertation ,  que  cet  amphithéâtre  avait  été 
«  appelé    Grohan   parce    qu'il    était   consacré   à    Apollon 

«   Grannus 

«  Pour  moi  (continue  Ménage),  je  suis  très-persuadé  que 
«  cet  amphithéâtre  fut  appelé  Grohan  du  mot  bas-hreton 
«  Growan  ,  qui  signifie  encore  aujourd'hui  sable.  »  (Voyez 
le  petit  dictionnaire  bas-breton  de  Quiquer ,  imprimé  à 
St.-Brieucen  1640.  ) 

«  On  appelait  arènes  (2)  la  plupart  des  amphithéâtres... 
o  Les  Latins  appelaient  arenas  leurs  amphithéâtres  parce 
«  que  le  sol  était  de  sable  battu  ;  et  de  là  arenarius  pour 
»  un  gladiateur Le  lieu  où  était  cet  amphithéâtre  de 


(1)  Cet  opuscule  se  trouve  à  la  bibliothèque  d'Angers,  et  la  gravure, 
au  Musée  des  Antiquités ,  qui  possède  encore  un  tableau  provenant  de 
l'ex-oratoire  d'Angers,  tableau  au  bas  duquel  on  lit:  «  Typus  am- 
«  pliitheatri  Andegavensis ,  vulgo  dicti  de  Grohan  nuper  e  ruderibus 
«  et  parietinis  erutiexquo  antiquitaset  amplitudo  civitatis  demonstran- 
«  lur.  » 

Cette  peinture  n'a  pas  de  caractère  authentique,  et  la  gravure  de 
Ménard,  à  ce  point  de  vue,  ne  nous  satisfait  pas  non  plus. 

Le  dessin  publié  dans  Angers  pittoresque  est  une  restitution  plus 
exacte. 

(2)  En  parcourant,  eu  janvier  1862  ,  le  Cartulaire  de  St. -Aubin,  qui 
est  à  la  bibliothèque  d'Angers,  et  que  l'on  fait  remonter  au  XIIe. 
siècle,  nous  y  avons  trouvé,  folio  là,  n°.  1,  ce  passage:  «  Très 
«  quarlerios  vinee  apud  Andecavis  prope  Arenas,  »  et  folio  15,  verso 
il".  8  :  »  Vineani  ex  possessione  nostra  arpennuin  I,  que  sita  est  prope 
«  civilate  Andecavensi  in  locura  qui  dicitur  Ad  Arenas  ad  locuni 
«  Sancti  Albini.  »  L'abbaye  deSt.-Aubin,  en  cet  endroit  nommé 
les  Arènes,  possédait  des  vignes.  On  voit  par  là  que  le  nom  d'Arènes 
s'était  perpétué  au  moyen-âge. 


30  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   UE   FRANCE. 

«  Grohan  est  aujourd'hui  le  jardin  des  religieuses  de  ta 
«  Fidélité.  » 

Nous  compléterons  ces  lignes  de  Ménage ,  en  disant  que 
ce  couvent  fut  vendu  à  la  Révolution  ,  et  qu'il  est  présente- 
ment divisé  en  plusieurs  habitations  particulières  (1). 

L'un  des  anciens  propriétaires ,  feu  M.  Gaultier-Goupil, 
trouva,  en  1812  ,  al  mètre  de  profondeur,  au  sud-est  de 
l'intérieur  de  l'arène  ,  les  curieux  objets  suivants ,  qu'il  a  , 
depuis,  donnés  au  Musée  d'antiquités. 

1°.  Un  fragment  de  marbre  antique ,  orné  d'une  in- 
scription dont  il  ne  reste  que  six  lettres  dépareillées. 


VRI 

Fil      .    .    .,   .    . 


2°.  Une  figurine  en  bronze,  autrefois  doré,  d'un  style 
remarquable ,  représentant  un  Antinous ,  d'après  certains 
archéologues,  ou  le  Faune  flûteur,  selon  d'autres. 

Ces  derniers  croient  que  le  bras  gauche  de  la  statuette 
était  appuyé  sur  le  tronc  d'un  arbre,  et  que  la  main  droite 
se  trouvait  ouverte  et  pendante. 

Cette  figure,  haute  de  \k  centimètres,  prouve,  par 
l'extrême  délicatesse  de  son  travail,  que  les  arts  n'étaient 
pas  demeurés  sans  culture  en  Anjou ,  au  temps  de  la  do- 
mination romaine. 

Cet  Antinous   a    dû   faire   partie  d'un   système    général 

(1)  M.  Louis  Raimbault  ,  de  Sauiuur,  nous  a  récemment  adressé, 
sur  cet  amphithéâtre,  plusieurs  documents  des  années  1415,  1425, 
1437,  4441  ,  1472  et  1522,  qui  ne  manquent  pas  d'intérêt  et  que 
l'on  trouvera  insérés  dans  le  Répertoire  archéologique ,  n".  de  jan- 
vier 1862. 

On  y  voit  qu'au  XVe.  siècle,  ce  lieu  portail  le  nom  de  Ckalel  de 
Gourhan  ,  chasteau  Grohan ,  lostel  de  Grohan. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUK.  6\ 

d'ornement ,  ainsi  qu'il  est  aisé  de  s'en  convaincre ,  en 
examinant  l'uti  des  pieds  qui  porte  encore  la  trace  de  sa 
liaison  présumée  avec  l'extrémité  de  l'une  des  tiges  de  métal, 
habituellement  destinées  à  consolider  la  balustrade  du  podium 
dans  les  amphithéâtres. 

On  sait  que  l'empereur  Adrien  (117-138  de  Jésus-Christ), 
fit  élever  un  temple  à  Antinous,  et  qu'il  donna  le  nom  de  ce 
favori  à  un  grand  nombre  de  villes  ;  ajoutons  qu'il  multiplia 
les  statues  et  les  médailles  de  cet  esclave. 

Si  notre  statuette  représente  réellement  Antinous,  elle 
aurait  l'avantage  de  nous  mettre  en  voie  de  connaître 
l'époque  probable  de  la  construction  de  l'amphithéâtre  ;  il 
aurait  été,  en  ce  cas,  bâti  entre  l'année  132,  date  delà 
mort  d'Antinous,  et  l'année  138 ,  date  de  celle  d'Adrien;  car 
c'est  probablement  entre  ces  deux  dates  que  les  images  de 
ce  favori  auront  été  multipliées. 

3°.  Une  romaine  à  peser,  en  bronze,  analogue  à  plusieurs 
autres  ,  qui  ont  été  trouvées  à  Pompeia ,  et  que  les  Italiens 
nomment  siadere.  Elles  ont  quelque  ressemblance  avec  celles 
dont  on  se  sert  encore  dans  nos  campagnes  et  qui  continuent 
de  porter  le  nom  de  romaines. 

La  découverte  de  notre  stadera  dans  l'amphithéâtre  d'An- 
gers ne  surprendra  pas,  si  l'on  songe  qu'auprès  des  théâtres, 
des  cirques ,  des  bains ,  des  amphithéâtres ,  et  en  général 
de  tous  les  lieux  publics  chez  les  anciens ,  on  voyait  des 
marchands  de  vin  et  d'aliments  cuits,  des  vendeurs  de  porc 
salé  et  des  botularii,  marchands  de  boudins. 

4°.  Une  clef ,  en  fer  oxydé ,  avec  poignée  en  bronze , 
représentant  un  quadrupède. 

5°.  Une  sorte  de  loqueleau ,  en  bronze,  avec  ressort. 

6°.   Un  anneau  d'argent. 

7°.   Un  morceau  de  bronze  d'un  usage  inconnu. 

Près  de  cet  amphithéâtre ,  se  trouvait  un  champ  appelé 


32       C0NG1IÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Rogus  (Bûcher).  Dans  les  Titres  de  saint  Aubin,  «  ce  champ 
«  était,  dit  Robin  ( Nos  origines,  t.  II,  p.  106)  ,  destiné  à 
«  brûler  les  corps  des  gladiateurs.  Il  joignait,  du  côté  de 
«  l'orient,  le  carrefour  de  Hannelou,  et  du  côté  de  l'occident, 
«  les  maisons  de  l'amphithéâtre.  » 

D'une  charte  du  commencement  du  XIIIe.  siècle  résulte 
qu'il  existait  «  un  lieu  nommé  de  Rogo  sancti  Albini ,  que 
«  le  P.  Robert  dit  vulgo  le  Ray  ;  M.  Mesnard  a  cru  qu'il 
«  fallait  dire  le  Champ  du  bâcher,  et  que  c'était  le  lieu  où 
«  l'on  brûlait  les  corps  et  les  victimes,  proche  l'amphithéâtre 
«  de  Grohan,  du  temps  des  Romains.    »   (Roger,  p.  122.  ) 

Capitale. 

«  A  l'imitation  de  Rome,  lisons-nous  dans  ['Encyclopédie 
«  de  Diderot,  diverses  villes  voulurent  avoir  leur  capitole, 
«  soit  temples ,  soit  forteresses.  »  Angers  fut  de  ce  nombre. 

A  la  fin  du  XVIIIe.  siècle,  on  appelait  encore  de  ce  nom 
(dit  le  curé  Robin  dans  son  t.  II,  p.  116,  de  ses  Recher- 
ches sur  nos  origines),  l'appartement  situé  sur  la  grande 
salle  de  l'évêché ,  bien  qu'il  ne  remonte  pas  à  l'époque  ro- 
maine. 

Le  même  auteur  cite  l'extrait  d'une  charte  du  XIe.  siècle, 
ainsi  conçu  : 

«  Octrannus  abbas  sancti  Albini  et  Ralduinus  eleemosina- 
o  rius  in  capitolium  Sancti  Mauricii  ubi  Fulco  cornes,  Euse- 
«  bius  episcopus ,  et  Sigo  abbas  Sancti  Florentii  de  hac  re 
«  judicaturi  convenerant.    » 

Quelle  que  soit  la  valeur  de  cette  tradition,  il  est  du  moins 
certain  que  diverses  parties  de  l'évêché  actuel  sont  très- 
antiques,  principalement  plusieurs  murailles  de  la  façade 
vers  le  nord. 

Cette  façade,  depuis  peu  de  temps  démasquée  ,  demeurait 
à  peu  près  inconnue  des  Angevins. 


XXIXe.    SESSION,   A   SAU.YIUR.  33 

Originairement ,  nous  venons  de  le  dire  ,  cet  édifice  porta 
le  nom  de  Capiwle ,  il  est ,  en  effet ,  reçu  que  là  fut  le  siège 
de  l'administration  romaine.  Plus  lard,  le  capitole  devint 
naturellement  la  maison  des  consuls  ou  comtes  temporaires 
de  l'Anjou,  et  notamment  de  Rainfroy,  au  commencement 
du  VHP.  siècle.  Inutile,  ici,  de  retracer  la  biographie  de  ce 
Neustrien  célèbre  :  il  suffira  de  savoir  qu'il  fit  remanier  notre 
ancien  capitole. 

Jusqu'au  IXe.  siècle,  ce  palais  fut  à  l'usage  des  comtes 
d'Anjou  ;  mais  à  cette  époque ,  c'est-à-dire  sous  le  règne  de 
Charles-le-Chauve  et  l'épiscopat  de  Dodon  (  milieu  du  IXe. 
siècle)  ,  cet  évêque  en  prit  possession,  donnant  en  échange 
un  terrain  sis  où  se  trouve  aujourd'hui  le  château.  Depuis 
lors ,  cet  édifice  n'a  pas  cessé  d'être  la  résidence  épis- 
copale. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  nous  distinguons  sur  notre  façade  l'ap- 
pareil de  trois  époques: 

1°.  Du  petit  appareil  gallo-romain  avec  joints  en  ciment 
et  pierres  de  tuf,  alternées  d'assises  de  briques; 

2°.  Des  reprises  en  sous-œuvre  avec  pierres  à  grand  appa- 
reil et  moulures  en  style  du  XIIe.  siècle  ; 

3°.  Des  fenêtres  modernes  dans  le  goût  des  XVIIe.  et 
XVIIIe.  siècles. 

Cette  façade ,  qui  donne  sur  la  place  Neuve ,  se  relie 
avec  l'ancien  rempart  gallo-romain.  Elle  a  aussi  à  peu  près 
la  même  épaisseur  dans  la  partie  inférieure  de  sa  muraille, 
c'est-à-dire  environ  h  mètres. 

M.  Ernest  Dainville,  architecte,  en  a  fait  un  fort  beau 
dessin  que  l'on  peut  voir  au  musée  d'antiquités. 

C'est  ici  qu'il  convient  de  parler  d'une  statue  romaine  , 
découverte  en  septembre  1861,  lorsque  l'on  creusait  les  fon- 
dements de  l'aile  moderne  du  palais  épiscopal,  construit  sous 
la  direction  de  M.  Joly,  architecte. 

3 


3i  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

Par  les  soins  de  MM.  Renault,  employé  de  la  poste; 
Tardif,  chanoine  d'Angers,  et  Aïvas,  agent-voyer  de  la  ville, 
cette  statue,  dont  la  tête  et  les  bras  manquent,  fut  transportée 
au  musée  d'antiquités;  dans  son  entier,  elle  ne  devait  pas 
avoir  moins  de  lm.  85e.  de  hauteur  sur  une  largeur  moyenne 
de  55e.  Elle  est  en  pierre  de  tuf  et  entièrement  drapée;  près 
de  sa  jambe  gauche  on  aperçoit  une  sorte  d'autel.  La  partie 
postérieure  de  cette  statue  présente  un  appendice  longitu- 
dinal qui  prouve  qu'elle  avait  dû  être  engagée  dans  une  mu- 
raille ;  l'exécution  laisse  à  désirer ,  mais  le  style  en  est  large 
et  d'un  assez  grand  caractère.  Comme  les  attributs  man- 
quent, il  est  difficile  de  bien  préciser  quelle  est  cette  déesse; 
cependant  on  croit  y  voir  une  Vesla.  Elle  a  été  trouvée  ren- 
versée sur  la  poitrine,  les  pieds  à  l'est,  et  couverte  de  ce 
mortier  que  les  anciens,  au  rapport  de  Pline,  formaient  de 
chaux  ,  de  sable  et  de  cendres  mélangées  de  parcelles  de 
charbon  de  bois.  Elle  était  noyée  dans  l'intérieur  de  cette 
muraille  gallo-romaine  ,  sur  laquelle  s'appuie  l'évêché  vers  le 
jiord  ,  près  de  l'endroit  nommé  Porte-Angevine.  L'extrémité 
de  cette  muraille  ,  qui  faisait  partie  de  la  primitive  enceinte 
d'Angers,  n'a  pas  moins  de  k"\  d'épaisseur  à  sa  base,  épais- 
seur égale  à  celle  du  vieux  mur  de  la  Porte-Toussaint ,  que 
M.  Vallon,  préfet  de  Maine-et-Loire  et  l'Administration  mu- 
nicipale firent,  il  y  a  quelques  années,  entourer  d'une  grille. 
La  muraille,  près  de  l'évêché ,  avait  pour  assises  des  pierres 
sèches,  bloquées  pêle-mêle,  sans  doute  pour  prévenir  l'humi- 
dité ;  les  autres  assises  étaient  un  composé  de  mêmes  pierres, 
mais  celles-ci  bloquées  dans  le  mortier,  genre  de  construc- 
tion uommé  emplecton  petit  appareil ,  ou  encore  hérisson, 
qui  excluait  l'emploi  de  la  truelle.  Sous  ce  massif,  où  n'en- 
trent que  très-accidentellement  de  rares  ardoises  ,  pierres 
trop  plates  pour  le  blocage  à  bains  de  chaux ,  l'on  découvrit 
plusieurs  assises  d'énormes  pierres  carrées,  les  unes  en  tuf, 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUK.  35 

les  autres  en  oolithe.  Celle  espèce  de  construction,  employée 
surtout  dans  les  fondements  des  tours  qui  accompagnaient,  à 
droite  et  à  gauche,  les  portes  des  villes  municipales  vers  la 
fin  de  l'époque  romaine,  est  très-bien  décrite  dans  Grégoire 
de  Tours,  à  propos  des  murs  de  Dijon  :  «  Murus  vero...  de 
«  quadratis  lapidibus  desuper  a  minuto  lapide  edificatus 
«  habetur.  » 

Traduction  :  «  C'est  une  muraille  qui  passe  pour  être  faite 
«  de  pierres  carrées,  surmontées  d'assises  en  petit  appareil 
«  (rninuto  lapide).  »  Grégoire  de  Tours,  lib.  III,  alin.  19. 

Voilà  bien  les  deux  appareils  en  présence  :  le  grand  en- 
dessous,  le  petit  en-dessus ,  absolument  comme  dans  le  mur 
de  l'évèché  d'Angers. 

Mais  pourquoi  la  statue  de  Vesta ,  ainsi  qu'un  tambour  de 
colonne  et  un  fragment  de  corniche,  ont-ils  été  bloqués  dans 
cette  muraille?  Avant  de  répondre  à  cette  question  ,  il  con- 
vient de  dire  qu'en  1813  et  1838  on  découvrit,  dans  les 
fondations  de  l'enceinte  primitive  d'Angers  (maison  Puységur, 
au  sud  du  transept  de  la  cathédrale,  puis  à  la  porte  de  la 
Vieille- Chartre),  divers  autres  débris  d'architecture  romaine 
et  des  inscriptions  lapidaires,  le  tout  noyé  dans  du  mortier. 

La  réponse  au  pourquoi  se  trouve  au  titre  XII,  De  operibus 
■publias,  des  lois  romaines.  On  y  voit,  en  effet,  qu'au  com- 
mencement du  Ve.  siècle,  la  loi  de  se  fortifier  devint  obli- 
gatoire en  Occident  :  e  muros  vel  novos  debere  facere  vel 
«  veteres  fîrmius  renovare.  »  Et  le  Code  autorise  à  se  servir 
des  édifices  antérieurs  :  «  diruta  penitusque  destructa  et 
«  qua2  parum  sunt  in  usu  civitatum.   » 

Ajoutons  que  le  christianisme,  étant  devenu  maître  des 
cités  delà  Gaule,  ne  voyait  pas  d'un  mauvais  œil  les  monu- 
ments païens  tomber  en  ruine  et  disparaître. 

Dès  lors,  écrit  M.  de  Caumont ,  «  tout  ce  qui  rappelait 
«  le  culte  païen  fut  démoli  pour  être  employé  à  l'usage  de  la 


36       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

•  défense  des  cités.  »  (V.  Bull,  monum.,  p,  63 ,  an  1859.  ) 
Un  fait  remarquable ,  c'est  que  plus  de  chiquante  cités 
de  la  Gaule  ont  présenté ,  dans  leurs  murailles ,  comme  à 
Angers ,  des  débris  de  sculpture  et  d'architecture  païennes. 
Me  sera-t-il  permis  maintenant  de  risquer  une  conjecture, 
qui  consisterait  à  dire  qu'il  n'est  peut-être  pas  invraisem- 
blable d'admettre  qu'un  temple  dédié  à  Vesta  aurait  existé 
dans  l'emplacement  de  notre  cathédrale ,  près  de  laquelle  a 
été  trouvée  notre  statue ,  et  que  le  christianisme ,  afin  de 
mieux  affermir  son  triomphe  sur  l'ancien  culte,  aurait  pri- 
mitivement consacré  ce  même  temple  à  la  Vierge  ? 

Hiret  nous  apprend,  en  effet,  que  la  cathédrale,  dans  son 
origine ,  était  une  chapelle  dédiée  à  Marie ,  dès  le  temps  de 
l'empereur  Zenon,  vers  l'an  klk. 

Nous  pourrions  citer  plus  d'un  exemple  à  ce  sujet,  et 
entr'autres  celui  du  Parthénon,  qui,  d'abord  temple  de 
Minerve ,  devint  plus  tard  temple  de  la  Sainte-Vierge.  Ce 
n'était  point  là  une  transaction,  qu'à  bon  droit ,  jamais  les 
évêques  n'auraient  acceptée,  mais  un  moyen  fort  légitime  de 
sanctifier  un  lieu  que  le  paganisme  avait  occupé. 

Lion  gallo— romain. 

Ce  lion ,  trouvé  vers  1813 ,  sous  le  vieux  mur  de  la  cité  , 
dans  une  cave  de  la  maison  de  M.  Puységur ,  a  été  tout 
d'abord  déposé  au  Jardin-des-Plantes  ;  il  fait  aujourd'hui 
partie  des  monuments  que  l'on  voit  au  musée  Toussaint. 
Bodin,  dans  ses  Recherches,  l'a  décrit  de  la  sorte  : 
«  C'est  un  lion  en  tuf  blanc,  dont  la  pose  est  semblable  à 
«  celle  des  sphinx  que  les  anciens  mettaient  à  la  porte  des 
«  grands  édifices  ;  il  tient ,  sous  une  de  ses  pattes  de  devant , 
«  une  tête  de  bélier.  Ce  morceau  de  sculpture,  de  83  cen- 
«  timètres  de  longueur  sur  50  de  hauteur,  est  du  plus 
«  mauvais  goût.  » 


XXIX*.    SESSION,    A   SAUMUR.  37 

Bodin  n'a  pas  cherché  à  découvrir  le  sens  emblématique 
de  ce  petit  monument  ;  nous  essayons  de  le  faire. 

M.  Félix  Lajard ,  dans  ses  Mémoires  de  l'Institut  de 
France,  année  1860  ,  s'exprime  ainsi  :  «  Selon  les  doctrines 
«  de  l'antiquité ,  le  lion  est  le  symbole  de  la  chaleur,  le 
«  symbole  du  principe  igné...  Il  est  un  symbole  astro- 
«  nomique  et  physique.  » 

Le  même  auteur,  au  tome  XV,  année  1845,  dit:  «  Cela 
«  posé ,  il  ne  m'a  pas  été  difficile  de  faire  comprendre  pour- 
«  quoi  le  lion  devint  l'attribut  caractéristique  de  Mithra... 
«   De  là  les  Mithras  Iéontocéphales.   » 

Or  ,  l'on  sait  que  ,  chez  les  Romains  ,  Mithra  c'est  le  so- 
leil :  Soli  Deo  invicto  Mitrhce. 

On  sait  également  que  ce  culte  mithriaque ,  venu  de 
l'Orient ,  s'établit  à  Rome  sous  le  règne  de  Trajan ,  vers 
l'an  101  de  J.-C.  ,  et  qu'il  pénétra  plus  lard  dans  les 
Gaules. 

Partout  ce  qui  précède,  notre  lion  gallo-romain  a  donc 
été ,  probablement ,  un  emblème  du  soleil. 

Ce  point  établi ,  le  reste  s'explique  par  surcroît.  Qu'est-ce, 
en  effet,  que  ce  thème  de  la  tête  du  bélier  sous  la  griffe  du 
lion  ,  sinon  le  symbole  idéographique  de  l'entrée  du  Soleil 
dans  le  signe  zodiacal  du  Bélier? 

Ce  petit  monument  peut  être  considéré  ,  dans  son  en- 
semble, comme  une  représentation  figurée  du  mois  de  mars 
qui,  chez  les  Romains  ,  était  le  premier  de  l'année. 

Sa  tournure  de  sphinx  tend  à  prouver  qu'il  devait  être 
placé  au-devant  d'un  édifice  fondé  ,  sans  doute  ,  au  mois  de 
mars. 

Long-temps  j'ai  pu  croire  que  ce  lion  était  de  la  famille  de 
ceux  qui ,  foulant  sous  leurs  griffes  un  serpent,  se  trouvaient, 
au  moyen-âge ,  placés  à  droite  et  à  gauche  de  l'entrée  des 
églises,  inter  leones;  mais  j'ai  dû. renoncer  à  cette  interpré- 


38       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

tation  ,  parce  qu'au  lieu  d'un  serpent  placé  sous  les  griffes 
du  lion  ,  c'est  bien  une  tète  de  bélier  ;  ensuite  ,  parce  que 
ce  lion  a  été  découvert  sous  l'ancien  mur  de  la  cité,  et  enfin, 
parce  que  l'explication  précédente  nous  semble  être  la  plus 
naturelle. 

'  Enceinte  gallo— romaine  d'Angers. 

La  Commission  arcbéologique  de  Maine-et-Loire,  recher- 
chant avec  soin,  dans  l'année  1858,  les  traces  de  cette 
enceinte,  a  très-bien  pu  la  déterminer,  depuis  la  Porte-Tous- 
saint jusqu'à  l'esplanade  nommée  le  Bout-du-Monde  ,  en 
suivant  la  rue  Toussaint,  la  rue  St. -Gilles,  la  place  Neuve, 
la  rue  Baudrière,  le  bas  de  la  Montée-Sl. -Maurice  et  la  rue 
du  Château. 

Je  m'exprime  mal ,  lorsque  je  dis  en  suivant  les  rues: 
j'aurais  dû  dire  en  visitant  les  maisons  qui  bordent  le  côté 
de  ces  rues  vers  l'ouest  ;  car  notre  enceinte ,  en  général  , 
n'est  visible  que  derrière  lesdites  maisons. 

1°.  11  résulte  de  cette  enquête  que  la  muraille  gallo-ro- 
maine qui  enveloppe  la  Cité,  partie  d'Angers  la  plus  an- 
cienne ,  a  été  remaniée  dans  sa  construction  ,  notamment  au 
XIIe.  siècle  ; 

2'.  Qu'elle  domine  certaines  cours  d'une  hauteur  qui 
varie  :  rue  Toussaint ,  de  5  à  8  mètres ,  et  rue  Baudrière, 
de  1 5  h  17  mètres  ; 

3°.   Que  son  épaisseur  varie  entre  3  et  h  mètres  ; 
•    U°.   Que  son  appareil  le  plus  ancien  se  distingue  de  celui 
qui  l'est  le  moins  par  l'absence  de  pierres  d'ardoises  ; 

5".  Qu'elle  est  flanquée ,  en  de  rares  endroits ,  de  petites 
tours  carrées  ou  puissants  contreforts,  et  en  d'autres  de  tours 
rondes  ; 

6°.  Que  ces  tours  carrées  sont  les  plus  anciennes  généra- 
lement ; 


XXIXe.    SESSION,    A    SAUMUR.  39 

7°.  Que  ladite  enceinte  affectait  un  plan  ovale  et  suivait 
les  accidents  du  rocher  sur  lequel  fut  établie  la  Cité  ; 

8°.  Qu'elle  avait  quatre  portes,  savoir  :  vers  le  nord,  la 
Porte-  Angevine  ;  vers  l'est,  la  Porte-Hugon  ou  de  la  Vieille- 
Chartre;\ers  l'ouest,  la  Porte-de-Fer  ;  et  enfin,  vers  le  sud, 
la  Porte-des- Champs  (1)  ,  dont  on  ignore  la  situation  pré- 
cise ,  mais  qui  devait  être  voisine  du  lieu  que  l'on  nomme 
aujourd'hui  Por te -Toussaint ; 

9°.  Que  les  assises  horizontales  de  briques  et  de  moellons, 
qui  sont  les  véritables  restes  de  la  muraille  gallo-romaine  , 
ont  été  constatées  vers  la  Porte-Toussaint,  au-dessous  de  la 
maison  Ponceau,  derrière  une  grille  en  fer  ;  rue  Toussaint, 
derrière  la  maison  Ganneray;  rue  St. -Gilles  ,  maisons  à 
gauche  en  descendant;  place  Neuve  ,  façade  du  palais  épis- 
copal  ;  rue  du  Château,  maison  des  dames  Laurent.  Tous  ces 
alternats  de  briques  et  de  moellons  existent  en  effet ,  et  dans 
un  bon  état  de  conservation  ; 

10°.  Que  le  petit  appareil  de  la  muraille,  en  quelques 
parties ,  n'est  pas  orné  de  cordons  de  briques  ; 

11°.  Que  les  pierres  de  ce  même  petit  appareil  sont,  en 
certains  endroits ,  rejointoyées  avec  soin,  comme  pour  enca- 
drer carrément  chacune  d'elles  ;  ces  joints  paraissent  avoir 
été,  avant  que  le  mortier  fût  sec,  faits  au  moyen  d'un 
fer  aigu  et  d'une  règle; 

12°.  Que,  dans  deux  endroits  où  des  fouilles  furent  pra- 
tiquées,  les  premières  en  1813  ,  maison  Puységur,  près  de 
la  cathédrale,  et  les  secondes  en  1838,  maison  Baillif,  près 
de  la  porte  de  la  Virille-Chartre ,  on  a  découvert ,  sous  le 
mur  même  de  l'enceinte  gallo-romaine,  et  lui  servant  de 
fondements,  plusieurs  pierres  sépulcrales,  savoir:  dans  les 

(1)  Grégoire  de  Tours,  liv.  III,  alin.  19,  écrit  en  parlant  de  Dijon  : 
c  Quatuor  porlcv  a  quatuor  ptagis  mundi  sunl  positœ. 


UO  CONGBÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

caves  de  la  maison  Puységur,  le  lion  décrit  précédément, 
la  frise  d'un  cirque  ,  trois  épitaphes  ,  et  un  autel  ;  enfin  , 
dans  la  maison  Baillif ,  la  tombe  d'Aelia  Epicarpia  ; 

13°.  Que  celte  enceinte  passait  derrière  le  grand-autel 
actuel  de  la  cathédrale  et  derrière  les  anciennes  prisons  de 
l'évêché  ; 

\h°.  Que  le  seuil  de  h  porte  de  Fer  se  fait  encore  remar- 
quer, au  bas  de  la  montée  St. -Maurice  ,  par  une  pierre  en- 
gagée dans  une  maison  à  main  gauche  en  descendant. 

Il  résulte  en  outre  de  l'enquête  de  la  Commission,  que  la 
partie  de  la  muraille  à  petit  appareil  repose  généralement  sur 
des  pierres  de  tuf  à  grand  appareil  ,  et  celles-ci  sur  un  lit 
de  moellons  fort  durs  de  10  à  15  centimètres  d'échantillon  , 
lesdits  moellons  bloqués  d'une  façon  oblique  ;  c'est  ce  que 
nous  avons  très-bien  pu  voir  dans  la  cave  de  la  maison 
Baillif,  voisine  de  la  porte  de  la  Vieille-Chartre  ,  ainsi  qu'à 
la  porte  Angevine  ,  lors  de  la  construction  de  l'aile  moderne 
de  l'évêché.  Ajoutons  ici  qu'en  1847,  le  long  de  la  rue  du 
Château ,  en  creusant  les  fondements  de  la  maison  Bodinier , 
on  découvrit  une  partie  de  l'enceinte  imbriquée.  Cette  partie 
était  placée  sur  le  rocher  qui  domine  la  Maine,  vers  le  nord- 
ouest  de  li  cité.  Mais  ce  mur  différait  un  peu,  dans  sa  com- 
position de  ceux  de  la  porte  Toussaint.  Il  en  différait:  1°.  par 
son  épaisseur  qui  était  seulement  de  2  mètres  k0  cent.  , 
parce  que,  se  trouvant  bâti  sur  un  point  de  la  cité  naturelle- 
ment fortifié ,  il  n'avait  pas  besoin  autant  de  solidité  ;  2°. 
par  la  disposition  des  briques  à  rebord  qui  étaient  encastrées 
les  unes  dans  les  autres ,  et  liées  entr'elles  horizontalement 
par  assises  avec  du  mortier  ;  il  en  différait  enfin  par  une 
particulière  disposition  en  pilastres ,  pilastres  qui  firent  sup- 
poser l'existence  d'arcades  intérieures  par  rapport  au  mur 
d'enceinte,  ainsi  qu'on  le  voit  à  Rome.  Les  fondements 
étaient  établis  solidement  au  moyen  de  gros  blocs  de  tuf; 


XXIX*.    SESSION  ,  A  SAUMUR.  kl 

on  apercevait  les  alternais  de  briques  et  de  moellons  à  l'exclu- 
sion de  l'ardoise. 

Les  pierres  d'ardoise ,  en  effet,  lorsqu'elles  se  rencontrent 
en  masse  dans  les  parties  de  notre  mur  d'enceinte,  indiquent 
toujours  un  remaniement  postérieur  à  l'ère  gallo-romaine. 

Le  plan  et  les  coupes  des  vestiges  trouvés  dans  la  propriété 
de  M.  Bodinier  ont  été  dressés  par  M.  Tendron,  architecte  , 
et  offerts  au  Musée  d'antiquités  par  le  premier. 

Le  mur  d'enceinte  se  poursuivait  au-delà  de  l'endroit 
nommé  le  Bout-du-Monde,  et  au-delà  de  la  douve  du  château, 
si  profonde  de  ce  côté  ;  en  effet ,  nous  avons  signalé  l'exis- 
tence d'une  construction  en  briques  à  la  base  de  la  plus 
haute  tour  du  XIIe.  siècle,  vers  l'ouest.  Ensuite  il  surplom- 
bait le  rocher  de  la  Maine,  dans  cette  partie  de  notre  cita- 
delle où  l'on  voit  une  haute  et  longue  muraille  à  petit  appa- 
reil, autrefois  percée  de  fenêtres  romanes.  De  l'extrémité 
sud- ouest  de  cette  muraille,  qui  date  au  moins  du  IXe.  siècle, 
il  se  dirigeait  (1)  en-dedans  du  château  actuel  par  un  retour 
à  l'est,  vers  la  porte  Toussaint.  On  le  remarque  encore  for- 
mant arrachement ,  sur  la  pente  intérieure  de  la  contrescarpe 
du  fossé  vers  l'ouest. 

Cette  enceinte,  à  peu  près  ovale,  formait  une  circonférence 
d'environ  1,200  mètres  (2).  Plusieurs  fois  remaniée,   elle 

(1)  En  1859,  avant  la  réparation  du  château,  du  côté  de  la  rivière, 
j'aperçus  très-bien  l'extrémité  occidentale  du  mur  gallo-romain  avec 
son  petit  appareil  chaîné  de  briques;  depuis  lors  celte  partie  a  été 
recouverte  par  une  maçonnerie  en  ardoises. 

(2)  Les  enceintes  des  anciennes  cités  gallo-romaines  sont  générale- 
ment petites,  a  Dans  cinquante  villes  à  peu  près  de  ce  genre,  écrit 
«  M.  de  Caumont,  j'ai  trouvé  que  la  surface  est  presque  la  môme,  et 
o  ne  dépasse  pas  10  hectares.  » 

Il  fait  remarquer  que  les  villes  chefs-lieux  sont  généralement  les 
seules  qui  aient  eu  des  enceintes;  il  ajoute  que  ces  chefs-lieux  de- 
vinrent un  peu  plus  tôt,  un  peu  plus  tard  ,  des  villes  épiscopales. 


42       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

fut  la  seule  à  défendre  la  ville  d'Angers,  depuis  l'ère  gallo- 
romaine  jusqu'au  commencement  du  XIe.  siècle.  Au  XIIe., 
elle  a  été  réparée,  comme  l'indique  une  tour  ronde  de 
cette  époque ,  placée  entre  la  rue  Baudrière  et  la  maison  des 
Sœurs  grises  ;  comme  l'indiquent  encore  des  moulures  de 
cette  même  époque  ,  sculptées  sur  la  façade  du  palais  épisco- 
pal ,  du  côté  de  la  place  Neuve. 

La  porte  Angevine ,  au  IXe.  siècle ,  servait  de  prison  ;  la 
porte  de  la  Vieille-Chartre  eut  la  même  destination  au 
XVe.  (1).  Il  résulte  d'un  différend  qui  eut  lieu  entre  le  cha- 
pitre de  la  cathédrale  et  les  habitants  d'Angers,  qu'au  XVIe. 
siècle  les  portes  de  la  cité  existaient  encore,  puisque  ceux-ci 
firent  opposition  ,  le  20  mai  1562  ,  à  leur  fermeture  (Voir 
Journal  de  Louvet ,  p.  267  ;  Revue  d'Anjou  et  de  Maine- 
et-Loire,  mai-juin,  3  livraisons,  an  185Zi  ). 

Quant  à  l'enceinte,  il  est  incroyable  qu'elle  ait  pu  résister 
encore  aussi  bien  à  tous  les  usages  auxquels  on  l'emploie  ; 
ici,  ce  sont  des  terrasses  que  l'on  a  établies  sur  son  sommet  ; 
là,  des  lieux  d'aisances  que  l'on  a  creusés  à  sa  base  ;  ailleurs, 
c'est  un  four  que  l'on  y  a  pratiqué  ;  plus  loin,  une  alcôve  a  été 
formée  dans  son  épaisseur. 

Mais  à  quelle  époque  remonte  cette  enceinte  ?  Cette  ques- 
tion mérite  d'être  étudiée. 

L'espace  que  notre  enceinte  renferme  porte  encore  le  nom 
de  cité,  et  ce  nom  est  très-significatif.  On  sait,  en  effet,  qu'il 
s'applique  traditionnellement  aux  plus  anciennes  parties  d'une 
ville.  En  Gaule  ,  la  cité  ,  sur  la  fin  de  l'Empire,  correspon- 
dait généralement  à  ce  que  l'on  nommait  en  Grèce  une 
acropole. 

Notre  primitive  enceinte  d'Angers  ,  qui  comprend  la  ca- 
thédrale, l'évêché  et  le  château ,  formait  à  peine  la  neuvième 

(1)  Péan  de  La  Tuillerie,  p.  24  et  65. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUU.  A3 

partie  de  la  ville  actuelle  ;  aussi  notre  évêque  d'Angers  , 
Talasius,  pouvait-il  à  bon  droit,  en  l'an  661,  appeler  sa  ville 
épiscopale  civitatuta  mea  ,  c'est-à-dire  ma  très-petite 
cité.  (1).  Cette  qualification  s'applique  bien  à  notre  enceinte, 
et  nous  prouve  qu'elle  n'est  pas  de  date  postérieure  à  l'an 
661  ;  aussi  l'appelonj-nous  primitive  ,  dans  la  persuasion  où 
nous  sommes  que  du  temps  des  Romains  notre  ville,  qui 
était  certainement  plus  étendue,  n'avait  point  de  clôture. 

Je  dis  que  notre  ville  ,  antérieurement  à  sa  primitive  en- 
ceinte, était  plus  étendue;  en  effet,  le  cirque  ,  les  bains,  le 
cimetière  et  l'amphithéâtre  n'étaient  point  compris  dans  la 
clôture  imbriquée;  évidemment  donc  l'évêque  Talasius  a 
écrit  cwitatula  mea  (  ma  petite  cité),  par  opposition  avec  ce 
qu'elle  avait  été  auparavant  ;  et  nous  en  concluons  qu'Angers 
vit  restreindre  son  étendue  à  une  époque  assez  voisine  de 
son  épiscopat  ;  ceci  répond  bien  à  ces  lignes  de  M.  de 
Caumont  :  «  Il  est  à  remarquer,  dit-il ,  que  toutes  les  cités 
«  ainsi  environnées  de  murailles  furent  rétrécies  dans  leurs 
«  proportions,  pour  être  d'une  défense  plus  facile.  »  (Bul- 
letin motiwnental,  p.  63,  an  1859.) 

Essayons  de  rechercher  quels  événements  ont  dû ,  avant 
l'année  661 ,  porter  ses  habitants  à  se  resserrer  ainsi  dans  de 
plus  étroites  limites. 

Ne  perdons  pas  de  vue  que  l'autorité  romaine  régnait 
encore  dans  nos  murs  en  661  ,  et  qu'elle  ne  disparut  com- 
plètement que  vers  l'an  675  ,  après  la  mort  du  comte  Paul , 
tué  de  la  main  même  de  Childéric  I". 

Mais  cette  autorité  élait  déjà  fort  compromise,  puisqu'au 
rapport  de  Y  Histoire  parlementaire  de  Bûchez  et  de  Roux  , 
t.   Ier.  ,  p.   18,    notre  ville  d'Angers  fut  au  nombre   des 

(1)  Voir  Gallia  christiana  Sammarthanorum ,  au  titre:  Episcopi 
andegavenses,    Talasius. 


hU  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

vingt-deux  cités  qui ,  liguées  entr'elles  sous  le  nom  de 
Confédération  des  Armoriques ,  issue  de  l'insurrection  ba- 
gaude  ,  s'efforcèrent  d'amoindrir  l'influence  romaine  pour 
ressaisir  leur  vieille  indépendance  gauloise.  Cette  confé- 
dération, que  les  Romains  voulurent  détruire  en  lui  opposant 
au  midi  de  la  Loire  les  Visigoths,  n'acquit  son  entier  dé- 
veloppement que  vers  l'an  409. 

Par  suite  de  la  cession  de  l'Aquitaine,  faite  en  412  d'après 
l'ordre  de  l'empereur  Honorius  à  Wallia  ,  roi  des  Visigoths , 
la  ville  d'Angers,  les  voyant  à  ses  portes,  eut  tout  intérêt 
à  s'en  garantir. 

On  conçoit  donc  très— bien  que  ses  habitants,  avides  d'in- 
dépendance et  très-ennemis  de  l'arianisme ,  aient  vers  ce 
temps-là  songé  à  ceindre  leur  cité  d'une  épaisse  muraille,  et 
l'on  conçoit  très-bien  aussi  que  l'impuissant  comte  Paul  ait 
laissé  faire. 

Ajoutons  que ,  vers  le  milieu  de  ce  même  Ve.  siècle , 
arrivaient  du  Nord  de  sinistres  nouvelles.  Il  faut  lire ,  dans 
Grégoire  de  Tours,  ce  que  faisaient  naître  d'inquiétude  les 
marches  et  contre-marches  des  barbares. 

Je  ne  crois  donc  point  trop  m'avancer  en  disant  que  notre 
ville  dut  établir  sa  première  clôture  dans  la  première  moitié 
du  Ve.  siècle  (1),  en  même  temps  qu'elle  restreignait  son 
étendue. 

D'un  autre  côté,  nos  évêques  gallo-romains,  que  l'on  fut 
heureux  de  rencontrer  à  ces  époques  difficiles  pour  leur 

(1)  Il  est  certain,  par  le  passage  ci-dessous,  qu'à  la  fin  du  VIe.  siècle 
l'enceinte  primitive  d'Angers  existait. 

Ce  passage  nous  apprend  que  saint  Lézin,  évêque,  fit  construire  un 
monastère  en  dehors  de  la  ville,  non  loin  des  murs  :  extra  civitatem 
non  longe  e  mûris  (Voir  Vie  de  saint  Lézin,  par  Marbode,  archidiacre 
d'Angers,  et  plus  tard  évêque  de  Rennes;  dans  Beaugendre,  p.  ihlS  , 
Bibl.  de  l'évêché,  A.  26,  2). 


XXIXe.    SESSION,   A   SAtJMUR.  Û5 

confier  (du  moins  en  fait)  le  gouvernement  des  affaires 
temporelles ,  ne  virent  pas  d'un  mauvais  œil  que  l'on  ren- 
versât les  monuments  païens,  afin  d'en  jeter  pêle-mêle  les 
débris  dans  les  fondements  du  mur  d'enceinte;  et  c'est  là 
ce  qui  peut  expliquer  la  découverte  ,  faite  en  1813  ,  1838  et 
1861,  des  tombeaux,  inscriptions  et  sculptures  ci-dessus 
décrits  (1).  M.  de  Caumont  n'hésite  même  point  à  attribuer 
aux  évêques  la  construction  des  enceintes  :  «  Il  est  évident , 
«  dit-il  (p.  62  du  Bulletin  monumental  pour  l'année  1859), 
«  que  l'évêque  défenseur  de  la  cité ,  comme  il  en  avait  les 
«  titres  et  les  fonctions,  dut  succéder  aux  magistrats  romains 
«  et  prendre  soin  de  mettre,  par  ce  moyen,  son  troupeau 
«  à  l'abri  des  attaques  du  dehors.    » 

Il  fait  remonter  ces  enceintes  généralement  au  IVe.  siècle. 
Quoiqu'il  en  soit,  on  a  pu  voir  que,  pour  Angers,  nos 
conjectures  se  rapprochaient  de  cette  date. 

Bains. 

De  même  que  la  plupart  des  villes  municipales  de  la 
Gaule,  Angers  eut  ses  bains  publics.  Depuis  18^7,  j'ai  pu 
moi-même  constater  les  traces  de  canaux  allant  de  l'est  à 

(1)  «  On  utilisa  surtout,  dit  M.  de  Caumont,  les  monuments  situés 
«  au  pourtour  des  villes.  »  —  Cet  auteur  croit  môme  à  l'existence  d'un 
rescrit,  qui  aurait  permis  de  détruire  tous  les  monuments  dont  la  con- 
servation était  indispensable,  pour  les  employer  à  la  défense  des  cités, 
o  Dès-lors,  écrit-il,  tout  ce  qui  rappelait  le  culte  païen  fut  démoli  pour 
«  être  employé  à  cet  usage.  »  (Voir  Bull,  monum.,  p.  63,  an  1859.) 

«  On  sait  qu'au  commencement  du  Ve.  siècle ,  la  loi  de  construire 
«  devint  obligatoire  en  Occident  :  muros  vel  novos  debere  facere ,  vel 
«  veteres  fwmius  renovare.  Au  titre  XII  ,  De  operibus  publias,  le  Code 
«  autorise  à  se  servir  des  édifices  antérieurs  :  diruta  penitusque 
*  destructa  et  quœ  parum  sunt  in  usu  civitatum.  »  (Voir  Revue  d'Anjou, 
p.  371,  septembre  1859.) 


46       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  TRANCE. 

l'ouest  dans  la  direction  de  la  fontaine  Froite-Pènii ,  à  Les- 
vières (Aquaria).  Ces  travaux  traversaient  le  cimetière  gallo- 
romain  d'Angers ,  se  bifurquaient  en  divers  sens  ,  pour  aller 
se  rendre  dans  les  jardins  du  Doyenné,  des  Belles-Poitrines, 
et  de  Lesvières.  J'en  ai  même  remarqué  des  restes  près  de 
la  nouvelle  manufacture  de  MM.  Joubert  et  Guinoyseau , 
au-dessus  de  ÏEcce-Homo  (1). 

Le  mieux  conservé  de  ces  canaux  fut  découvert  près  de 
la  gare  ;  il  présentait ,  en  coupe  à  sa  base,  une  ouverture, 
large  de  1  mètre  U  cent.  ,  qui  allait  en  s'évasant.  Le  fond 
et  les  parois,  à  l'intérieur,  étaient  garnis  d'une  couche  déci- 
ment gris-rose  de  10  cent,  d'épaisseur  ;  la  profondeur  du 
méandre  était  de  25  cent.  ;  et  quant  aux  murs  qui  le  soute- 
tenaient ,  ils  avaient  à  leur  base  33  cent,  d'épaisseur,  et  dans 
les  parois  extérieures,  U5  cent,  d'un  côté  et  70  de  l'autre. 

D'autres  canaux  ,  moins  larges,  étaient  formés  d'un  blo- 
cage de  petites  pierres  noyées  dans  un  mortier  fort  dur,  qui 
avait  beaucoup  de  ressemblance  avec  noire  béton  moderne. 

On  découvrit  également  un  puits  d'absorption  sur  les 
hauteurs  des  Belles-Poitrines.  Son  orifice  était  voûté  en 
belles  briques  Irès-rouges  mélangées  de  moellons. 

Ces  bains  avaient  une  étendue  de  plusieurs  hectares,  et  le 
terrain  sur  lequel  ils  étaient  établis  présentait  divers 
mouvements  favorables  à  l'écoulement  des  eaux  en  diverses 
directions. 

Les  noms  de  Belles-Poitrines  et  de  Lesvières  sont,  ici , 
très-significatifs. 

Non  loin  du  puits  d'absorption ,  on  trouva  trois  médailles 
romaines:  une  consulaire  crénelée  de  la  famille  Mamilia; 

(1)  Nous  publierons  peut-être  un  jour  le  plan  des  ruines  de  l'enclos 
des  Belles-Poitrines,  plan  dressé  vers  1850. 


XXIXe.    SESSION  ,    A    SAUMUR.  67 

deux  en  bronze,  de  Tiberivs  Clavdivs  Drvsvs,  et  de  Lv- 
civs  Domitivs  Nero. 

Il  y  a  plus  d'un  siècle  et  demi  que  l'historien  Claude 
Ménard  avait  déjà  fait  mention  de  l'existence  de  ces  bains. 

Un  titre  de  1326  (  autrefois  aux  archives  de  la  cathédrale) 
parlait  d'une  place  située  devant  les  bains  d'Angers  :  cujus- 
dam  arecv  ante  balneas  andegavenses  (  sic  ,  d'après  Bodin  , 
Bas-Anjou ,  t.  Ier. ,  p.  522).  Un  autre  titre  de  l'abbaye  de 
Toussaint  mentionne  un  aqueduc  de  l' Épine-Sèche  ,  de  Spi- 
na  sicca,  près  de  cette  abbaye. 

La  fontaine  d'où  provenait  l'eau  qui  entretenait  ces  bains 
se  voit  encore  à  un  kilomètre  d'Angers  ,  route  des  Ponts-de- 
Cé.  Elle  porte  le  nom  de  fontaine  Frotte-Pênil.  Hirel,  à  la 
page  615,  parle  de  ces  bains  alimentés  par  cette  fontaine. 
M.  de  Bernard  ,  qui  en  est  aujourd'hui  propriétaire ,  a  su 
tirer  de  cette  eau  vive  un  très-beau  parti  pour  irriguer  ses 
délicieux  jardins.  Il  a  bien  voulu  remettre  au  musée  d'anti- 
quités un  fragment  d'inscription  en  lettres  romaines ,  qu'il 
a  découvert  au-dessus  de  la  voûte  d'un  canal  souterrain  situé 
dans  sa  propriété.  Ce  fragment  porte  les  lettres  suivantes  : 
r  dit,  malheureusement  trop  altérées  pour  en  connaître  le 
sens. 

Cette  fontaine,  dont  les  eaux  étaient  sans  doute  plus  abon- 
dantes à  l'époque  gallo-romaine ,  n'alimentait  pas  seulement 
les  bains  d'Angers,  elle  entretenait  encore  un  aqueduc  qui  se 
rendait  en  Frémur  auprès  des  Châteliers ,  en  traversant  les 
fermes  nommées  la  Diablerie ,  l'Enfer  et  les  Jonchères. 
Ne  quittons  pas  nos  bains  d'Angers  sans  dire  quelque  chose 
de  la  découverte,  faite  à  Lesvières,  d'une  singulière  statuette 
antique  sur  laquelle  nous  lisons  ces  deux  mots  :  rex  tvsenos. 

C'est  là  un  nom  jusqu'ici  entièrement  inconnu  et  qui  ré- 
clame de  notre  part  une  courte  dissertation  ,  car  nous  avons 
lieu  de  croire  qu'il  se  rapporte  à  l'un  de  ces  rois  électifs  et 


48       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

temporaires,  qui,  antérieurement  à  la  conquête  romaine  et 
même  durant  cette  conquête  ,  étaient  chargés  du  gouverne- 
ment d'une  cité  gauloise.  On  sait  que  l'on  devait  entendre 
alors  par  cité  une  petite  peuplade  et  non  pas  une  ville,  comme 
cela  est  arrivé  sur  le  déclin  de  l'Empire  romain  (V.  Samson). 
On  sait  encore  que  la  Gaule  ,  conquise  par  César ,  ne 
renfermait  pas  moins  de  60  cités. 

Ces  rois  des  cités,  appelés  rheys  (1)  et  par  les  Latins  reges, 
étaient  annuels  suivant  Strahon  (liv.  IV  ,  ch.  h).  Chaque 
cité,  ajoute-t-il,  nommait  un  gouverneur  et  un  général  d'ar- 
mée .  «  La  naissance ,  écrit  quelque  part  M.  Aurélien  de 
«  Courson  (2)  ,  condition  préalable  à  l'éligibilité,  comme 
«  chez  les  Germains  ,  désignait  au  suffrage  les  rois  de  la 
«  cité:  Regcs  ex  nobilitate,  duces  ex  virtute sumunt  «(Tacite, 
Germ. ,  vil.  ) 

Les  druides  jouaient  le  premier  rôle  dans  l'élection  de  ces 
rois  qui  ne  semblent  avoir  été,  en  définitive,  que  des  adminis- 
trateurs proposés  à  la  surveillance  des  intérêts  publics. 

Ceci  bien  établi ,  revenons  à  Tusenos  dont  le  nom  a  été 
découvert  précédé  de  sa  qualité  de  rex  sur  une  figurine  en 
terre  de  pipe  trouvée  parmi  des  débris  gallo-romains  dans 
les  jardins  de  Lesvières  ,  appartenant  à  M.  Goullion-Mamert, 
conseiller  de  préfecture. 

Nous  parlerons  ci-après  de  cette  statuette  ,  nous  bornant  à 
disserter  présentement  sur  l'inscription.  Les  lettres  sont  ro- 
maines, le  premier  mot  (rex)  est  latin,  le  second  (tvsenos) 
possède  une  terminaison  grecque.  Comment  expliquer  ici  ce 
produit  de  deux  langues  autrement  que  par  leur  intervention 
à  des  degrés  divers  dans  la  Gaule  ?  César  nous  apprend  ,  en 

(1)  Histoire  des  Gaulois,  par  Clavel,  p.  à. 

(2)  Origines  et  iiistitutions  des  peuples  de  la  Gaule  armoricaine , 
p.  105. 


XXIV.    SESSION  ,   A   SAUMOR.  49 

effet ,  que  les  peuples  de  celle  contrée  se  servaient  de  lettres 
grecques  dans  les  affaires  publiques  et  privées  (  Comm.,  lib. 
VI,  alin.  14).  Mais,  d'un  autre  côté  ,  il  résulte  de  certain 
passage  de  ses  Commentaires,  qu'ils  en  ignoraient  la  lan- 
gue (1)  ;  d'où  l'on  doit  inférer  que  leur  savoir  hellénique  se 
bornait,  dans  les  régions  du  centre  et  du  nord,  à  la  con- 
naissance des  caractères  de  cette  langue  et  de  quelques-unes 
de  ses  désinences.  Je  dis  à  dessein  dans  Les  régions  du  centre 
et  du  nord  de  la  Gaule,  parce  qu'il  est  constant  que,  plus  de 
six  siècles  avant  la  conquête  romaine ,  la  partie  méridionale 
était  en  possession  de  la  langue  grecque  ,  et  notamment 
Marseille,  ville  que  les  Phocéens  fondèreut  environ  700  ans 
avant  notre  ère. 

Ce  mélange  des  lettres  romaines  avec  des  mots  à  dési- 
nences grecques  se  rencontre  également  sur  certaines  mon- 
naies celtiques  :  par  exemple,  sur  celles  de  Tours  portant  la 
légende  tvroinos]  triccos  ;  et  encore  celles  de  Duratins 
de  Poitiers,  dvrat-ivuos  ;  de  giamilos,  d'vLATOS ,  de 
pixtilos,  etc.  (2). 

Quant  à  l'introduction  des  caractères  latins  dans  les 
Gaules,  il  n'est  pas  douteux  qu'elle  ait  eu  lieu  au  temps  de 
la  Conquête,  c'est-à-dire  un  demi-siècle  avant  Jésus-Christ  ; 
ce  qui  permet  de  croire  que  la  plupart  des  monuments  cel- 
tiques, ayant  des  lettres  romaines  avec  des  mots  à  dési- 
nences grecques ,  prennent  leur  plus  vieille  date  dans  la  se- 
conde moitié  du  siècle  qui  précéda  notre  ère.  La  médaille 
du  celle  Durat-lulios  vient  à  l'appui  de  cette  conjecture; 
on  sait,  par  les  Commentaires,  que  cet  antagoniste  de  notre 
célèbre  Dumnacus  vécut  au  temps  de  Jules-César.  D'après 
cela,  il  sera  loisible  de  penser  que  Tusenos,  ce  petit  roi  d'une 

(1)  César,  Commentaires,  lib.  V,  alin.  48. 

(2)  Voir,  sur  les  lettres  grecques,  Cochet,  La  Seine-Inférieure  au 
temps  des  (Uiulois,  p.  8. 

k 


30       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

cité  ,  a  bien  pu  être  leur  contemporain.  Mais  dans  quelle  cité 
de  la  Gaule  a-t-il  eu  le  commandement  ?  La  réponse  est  em- 
barrassante ,  et  nous  tombons  ici  dans  le  domaine  des  con- 
jectures. En  effet ,  le  nom  de  la  cité  ne  se  rencontre  point 
dans  l'inscription  ,  et  le  lieu  où  la  statuette  a  été  découverte 
est,  pour  nous ,  le  seul  indice  tendant  à  prouver  queTusenos 
pourrait  bien  avoir  été  roi  dans  la  cité  des  Andes  ;  on 
sera  même  fondé  à  le  croire  jusqu'à  ce  que  d'autres  rensei- 
gnements ,  s'il  s'en  trouve  jamais,  restituent  ce  personnage 
à  une  autre  cité  des  Gaules.  Cette  conjecture  ,  nous  devons 
le  dire  ,  est  fort  compromise  par  la  découverte  qui  a  été  faite 
à  Gorseul ,  en  Bretagne  ,  d'une  statuette  semblable,  au  rap- 
port de  M.  Bizeul  (  1".  juillet  1858  ).  La  question,  du  reste  , 
n'en  devient  que  plus  intéressante.  Dans  la  Vénus  de  Gorseul, 
l'inscription  est  au-dessous  des  seins. 

En  1857  ,  nous  avons  vu  une  statuette  analogue  ,  en  terre 
de  pipe,  au  musée  de  Tours;  mais  elle  ne  portait  pas  d'in- 
scription ;  sa  main  gauche  tenait  un  rouleau  ,  et  ses  parties 
féminines  nues  étaient  fortement  accusées.  Elle  fut  trouvée 
dans  le  lac  de  Soing,  en  Sologne. 

Quelques  mots  maintenant  sur  notre  statuette. 

Non  compris  la  tète  ,  qui  n'existe  plus ,  elle  a  de  longueur 
environ  16  cent,  avec  largeur  en  proportion  ;  style  médiocre, 
parties  charnues  très-plates,  corps  entièrement  nu  et  les 
parties  génitales  très-apparentes;  corps  divisé  de  haut  en 
bas  par  une  sorte  de  plaquette,  en  terre  de  pipe,  qui  lui  sert 
d'encadrement  de  façon  à  faire  paraître  cette  statuette  bas- 
relief  devant  et  bas-relief  derrière.  La  plaquette  est  ornée, 
des  deux  côtés  ,  de  moulures  étoilées  et  perlées ,  ainsi  que 
de  petits  cercles  concentriques  dont  les  analogues  se  re- 
trouvent sur  quelques  monnaies  celtiques  ,  dites  de  la  fin  de 
la  deuxième  époque. 


XXIXe.   SESSION  ,  A   SAUMUR.  51 

Cette  statuette  représente  une  Vénus  populaire.  Le  cou 
est  paré  d'un  demi-collier  de  petites  perles  supportant  cinq 
anneaux  à  cercles  concentriques,  le  tout  assez  bien  modelé; 
un  semis  d'autres  petites  perles ,  placées  en  ligne  droite , 
environne  les  seins.  Le  bras  droit  est  coudé  de  manière  à 
permettre  à  la  main,  qui  porte  un  rouleau,  de  se  poser  au- 
dessus  du  creux  de  l'estomac.  Plusieurs  veulent  voir  dans 
ce  rouleau  l'image  d'un  phallus.  L'autre  bras  est  pendant, 
ménageant  toutefois  un  espace  entre  lui  et  le  buste ,  réservé 
à  l'inscription  :  rex  tvsenos.  Par  derrière ,  cette  figurine 
laisse  voir  le  cou  sans  collier. 

Maintenant  pourquoi,  et  nous  terminerons  par  là  ,  le  nom 
de  Tusenos  se  trouve-t-il  sur  cette  étrange  figurine  ?  En 
serait-il  l'artiste?  Ne  la  lui  aurait-on  point  dédiée  ? 

Pourquoi  également  ce  rouleau  mystérieux? 

Questions  que  nous  abandonnons  à  de  plus  érudits. 

Cette  statuette  appartient  à  M.  Mamert,  qui  nous  a  per- 
mis d'en  tirer  un  moulage. 

Camp  de  César  en  t- réunir,  près  d'Angers. 

Quittons  la  ville  d'Angers  et  transportons-nous  dans  la 
commune  de  Sle. -Gemme-sur-Loire ,  au  centre  du  camp 
dit  de  César. 

De  forme  triangulaire  ,  cette  station  militaire  comprenait  : 
1°.  le  camp  proprement  dit  ;  1°.  ses  dépendances.  Le  tout 
n'a  pas  moins  de  9  kilomètres  de  pourtour  ,  vers  le  sud.  La 
Loire  le  défendait  vers  l'ouest  ;  la  Maine  au  nord-est  avec  une 
très-longue  levée,  moitié  de  main  d'homme  et  moitié  natu- 
relle. Celte  levée  a ,  de  hauteur  moyenne  ,  5  mètres  en- 
viron du  côté  de  l'extérieur  de  l'enceinte.  Ce  serait  une 
erreur  de  croire  que  les  camps  étaient  toujours  de  forme 
carrée.  Végèce  nous  apprend,  en   effet,  qu'ils  avaient  une 


.V2  CONGRÈS   ARCHÈOLOG1QUK    DE    FRANCK, 

forme  soit  carrée ,  soil  ovale ,  soit  triangulaire ,  suivant  la 
disposition  du  sol  :  a  Interdùtn  autem  quadrata ,  interdùm 
a  trigona  ,  mlerdùm  sentir  otunda ,  semioblonga ,  prout  loci 
i  qualitas  aut  nécessitas  postulaverit,  castra  facienda  sont.   » 

L'un  des  angles  de  notre  camp  de  César  s'appelle  Pierre- 
Martine.  Ce  nom  m'inlrigue ,  car  je  le  retrouve  près  de 
l'igeac,  appliqué  à  un  rouler.  Dans  le  département  du 
Nord  ,  on  cite  également  les  pierres  Martines  de  Solre-le- 
Chàteau  ;  elles  sont  classées  au  nombre  des  monuments 
druidiques  (  Voir  Revu "archéologique  de  Leleu  du  15 juillet 
1859,  p.  Ihk). 

Et  c'est  aussi  non  loin  de  notre  pierre  Martine,  qu'en 
un  lieu  nommé  Pouillè  l'on  découvrit ,  en  1861,  dans  un 
vase  de  terre,  neuf  bracelets  celtiques  en  bronze  et  du  poids 
de  "2  kilogrammes;  M.  Aimé  de  Soland  en  est  le  proprié- 
taire (  Voir  Répertoire  archéologique  du  département  de 
Maine-et-Loire ,  n".  de  juin   1861  ,  p.  171  ). 

Revenons  à  notre  station  militaire.  Le  camp  proprement 
dit,  lieu  seulement  où  l'on  trouve  des  antiquités,  occupait 
l'espace  situé  entre  les  Cbâteliers  et  Empiré  ;  il  était  tra- 
versé ,  de  l'est  à  l'ouest ,  par  le  ruisseau  doré ,  ainsi  nommé 
des  pièces  d'or  celtiques  et  romaines  qu'on  y  a  trouvées.  Au 
nord  de  ce  ruisseau ,  l'on  voit  encore  les  vestiges  d'une 
enceinte  semi-circulaire  formée  de  terres  rapportées  et  haute, 
en  moyenne ,  de  h  mètres.  Quelques  débris  de  murailles  et 
de  tours  avec  ou  sans  briques ,  à  petit  appareil ,  se  font 
remarquer  aux  cornes  de  cet  hémicycle.  Cette  petite  en- 
ceinte très-élevée  ,  située  dans  le  vaste  triangle ,  comprend 
environ  35  ares  de  superficie  ;  c'est  le  réduit  du  camp.  La 
chapelle  Ste. -Apolline  des  Cbâteliers  est  assise  sur  la  partie 
oriental»-  de  la  levée  de  ce  réduit ,  et ,  chose  bizarre  !  les 
habitants  de  la  campagne  vous  disent  encore  naïvement  que 
le  loi  César  y  allait  à  la  messe. 


X\tXr.    SESSION  ,    A   SAliMUR.  53 

Toujours  au  nord  du  ruisseau  doré,  à  moins  de  100 
mètres  du  réduit  ou  prétoire  du  camp ,  à  main  gauche  en 
descendant ,  on  aperçoit ,  au  centre  d'une  vigne  nommée 
les  Dix-Quartiers  ,  deux  piliers  cubiques  en  petit  appa- 
reil avec  cordons  de  briques  (il  en  existait  d'autres  au 
XVIII*.  siècle);  ils  servaient  de  supports  aux  arcades  d'un 
aqueduc  dont  quelques  restes  furent  trouvés  le  6  février 
1852. 

Il  serait  trop  long  de  m'étendre  ici  davantage  sur  ce  camp 
auquel  j'ai  consacré  un  chapitre  entier  dans  un  mémoire 
spécial,  et  qui  est  en  cours  de  publication  ;  qu'il  suffise  de 
savoir  que  le  Musée  des  antiquités  d'Angers  possède  trois 
vitrines  pleines  d'objets  gallo-romains  trouvés  dans  ce  camp. 
Cependant,  à  ceux  qui  pourraient  s'étonner  de  la  longueur 
du  retranchement  de  notre  camp  de  César  en  Frémur  (en- 
viron 3  kilomètres  vers  le  nord-est  ) ,  nous  dirons  que  César, 
dans  sa  première  campagne  des  Gaules,  fit  élever,  en  moins 
de  quinze  jours,  depuis  le  lac  Léman  jusqu'au  mont  Jura  , 
un  rempart  de  dix-neuf  mille  pas  de  longueur  et  de  la 
hauteur  de  16  pieds,  et  qu'il  y  joignit  un  fossé  (1). 

Napoléon  I"r. ,  dans  ses  Remarques  sur  le  premier  livre  des 
Commentaires  de  César  (2)  dit  :  «  La  toise  courante  de 
«  retranchement,  cubant  Vïh  pieds  (une  toise  1/2)  ,  était 
«  faite  par  un  homme  en  trente-deux  heures  ou  trois  jours 
»  de  travail ,  et  par  douze  hommes  en  deux  ou  trois  heures. 
«  La  légion  pouvait  donc  faire  6  lieues  de  retranchement , 
«  qui  cubaient  21,000  toises  ,  en  cent  vingt  heures  ,  ou  dix 
<(  à  quinze  jours  de  travail.   » 

D'après  ces  données,  l'étendue  de  notre   retranchement 
de  Frémur  ne  paraîtra  point  exagérée.  Du  reste ,  cette  po- 

(1)  Commentaires  de  César  ,  liv.  Ier.,   alin.  8. 

(2)  Traduction  des  Commentaires  par  Artaud.  Pari*,  18<>tt. 


5U  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

sition  militaire  était  un  stativum  castrum  et  un  camp  d'hi- 
vernage (1). 

César  nous  apprend  encore  qu'on  dilatait  ou  resserrait  un 
camp  à  volonté,  suivant  le  besoin  des  circonstances  (Voir 
livre  V,  alin.  69).  Et  c'est  ce  qui  ressortira  de  la  description 
des  deux  stations  militaires  suivantes. 

Camp  de  la  Segourie ,  arrondissement  de  Cholet,  commune  du } 
Fief-Sauvin. 

Ce  camp  n'a  pas  de  forme  arrêtée  ;  il  est  limité  par  la 
réunion  de  deux  cours  d'eau ,  savoir  :  au  sud,  par  un  ruis- 
seau; à  l'est,  parl'Evre  ;  à  l'ouest,  par  un  ravin  ;  au  nord,  par 
une  très-haute  levée  de  main  d'homme  établie  en  manière 
de  chevron  :  de  telle  façon  que  l'angle  externe  se  trouve 
en  dehors  du  camp  ;  c'est  un  plateau  d'environ  2  hectares 
de  superficie. 

Vers  le  nord-ouest ,  à  l'extérieur  du  camp ,  au  lieu  dit  le 
Petit-Nombault,  sont  de  vieilles  murailles  parmi  lesquelles 
l'on  a  rencontré  des  meules  à  bras,  des  briques  à  rebord, 
des  poteries  rouges  ,  des  peintures  murales  ,  des  pièces  gau- 
loises portant  le  type  du  cheval  androcéphale  ;  des  monnaies 
d'argent,  des  familles  romaines  Cassïa  et  Serviiia;  des  pièces 
d'Auguste,  Vespasien  ,  Trajan ,  Hadrien  ,  Antonin-le-Pieux  , 
Marc-Aurèle  ,  Caracalla  et  des  deux  Faustines  ;  puis  des 
intaillcs  ,  propriété  de  M.  Tristan-Martin  ,  trois  statuettes, 
etc.,  etc.  ,  tous  objets  incontestablement  gallo-romains. 

Le  camp  de  la  Segourie  nous  paraît  être  le  véritable  em- 
placement de  la  station  Segora. 

(1)  «  Ipse  (Caesar)  in  Carnutes  ,  Andes  Turonesque  legionibus  in 
hiberna  deductis,  etc.  »  (Lib.  II,  in  fine  ).  —  «  Publius  Crassns  ado- 
«  lescens  cura  legione  septima...  in  Andibus  hiemabat.  »  (  Lib.  III , 
alin.  7). 


X\IXr.    SESSION,    A    SAUMUR.  55 

Camp  de  Chenehulle,  arrondissement  de  S  an  mur ,  commune  des 
Tu ff eaux. 

11  esl  situé  sur  la  cime  d'un  coteau  dont  la  base  est 
baignée  par  la  Loire  (  rive  gauche)  ;  il  domine  le  fleuve  d'au 
moins  35  mètres,  vers  le  nord.  Au  sud- est ,  est  un  ravin 
profond  qui  contourne  la  colline.  Dans  ce  ravin  coule  un 
ruisseau  qui  décharge  ses  eaux  dans  la  Loire.  A  l'ouest,  ce 
camp  est  défendu  par  une  levée  artificielle  et  polygonale. 
La  hauteur  de  cette  levée  varie  entre  U  et  7  mètres;  sa 
plus  giande  largeur  de  base  peut  mesurer  de  28  à  30  mètres, 
et  sa  longueur  esl  d'environ  250  mètres.  Ce  camp,  à  part 
les  angles  de  sa  levée,  affecte  une  forme  ovale  dont  la  cir- 
conférence a  plus  de  950  mètres.  Sa  largeur  est  de  240  et 
sa  longueur  de  370.  Bodin  en  a  donné  un  plan  exact.  On  y 
trouve  des  briques  à  rebord  ,  des  fragments  de  poteries 
rouges,  des  monnaies  du  Haut-Empire  allant  d'Auguste  aux 
Antonins. 

Sur  un  des  versants  de  cette  station,  du  côté  sud,  nous 
vîmes,  en  1854,  une  agglomération  d'esquilles  d'ossements 
d'animaux  qui  provenaient  sans  doute  du  macellum,  lieu  où 
l'on  abattait  et  distribuait  les  viandes. 

Nous  aperçûmes  aussi ,  dans  le  même  camp ,  une  citerne 
carrée,  enduite  de  ciment  rose,  qui  venait  d'être  découverte. 

En  octobre  1856,  on  trouva  un  autre  bassin  (celui-ci 
octogone)  ayant  1  mètre  95  de  diamètre;  il  était  encombré 
de  tuiles  tégulaires ,  d'une  couche  de  charbon  qui  paraissait 
provenir  de  charpentes  incendiées  ,  et  enfin  ,  d'une  seconde 
couche  (celle-ci  de  blé  carbonisé). 

M.  Joly,  si  je  ne  me  trompe,  a  relevé  le  plan  de  ce  bassin, 
et  feu  M.  de  Beauregard ,  de  regrettable  mémoire  ,  en  a 
publié  une  description  ,    dans   les  Mémoires  de  la  Société 


56  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Angers,  2e.  série,  vol.  VIII, 
p.  52,  année  1857. 

Au  sud-est  de  ce  camp ,  Bodin  a  découvert  une  voie 
romaine,  sur  500  mètres  de  longueur,  qui  se  dirigeait  vers 
Doué.  Sa  largeur  était  de  U  à  5  mètres  ;  elle  formait  comme 
un  chemin  couvert  pratiqué  au-dessous  du  ramp ,  le  long  cl 
sur  le  versant  oriental  du  coteau.  Cette  voie  était  soutenue, 
ça  et  là,  par  un  mur  rustique  de  2  mètres  de  hauteur.  La 
coupe  de  cette  voie  présentait  :  1°.  des  pavés  non  taillés  ; 
2°.  une  couche  de  tessons  de  briques  ;  3°.  de  vieilles 
ferrailles  ;  U°.  des  ossements  d'animaux  ;  5°.  des  mâchefers. 

Je  ne  m'étendrai  pas  davantage  sur  ce  camp,  persuadé 
que  des  renseignements  plus  nouveaux  vous  seront  donnes 
dans  cette  séance. 

Commune  de  la  Romagne. 

Sur  cette  commune  existe  un  camp,  de  forme  rectan- 
gulaire, au  lieu  dit  la  Bouirie ,  sur  la  limite  des  deux  dé- 
partements de  Maine-et-Loire  et  de  la  Vendée.  11  ne  se 
compose  que  de  retranchements  en  terre. 

Le  côté  nord  est  intact,  et  n'a  pas  moins  de  135  mètres 
de  longueur.  Le  talus  a  pour  moyenne  de  hauteur  5  mètres  : 
il  est  entre  deux  fossés:  l'un  externe,  d'environ  12  mètres 
de  large;  l'autre,  interne,  est  plus  petit.  Entrée  au  centre 
de  la  ligne. 

Le  côté  ouest  est  également  intact;  il  a  de  125  à  130 
mètres  en  longueur.  Entrée  vers  le  centre  de  la  ligne ,  mais 
plus  près  de  l'angle  sud.  Fossés  externe  et  interne. 

Le  côté  sud  n'est  qu'à  moitié  conservé.  Ce  qui  reste  de  ce 
côté  se  trouve  entre  deux  fossés,  comme  les  côtés  précédents. 

Le  côté  est  a  disparu.  Aucuns  vestiges  de  constructions; 
point  de  médailles,  de  briques,  ni  de  poteries. 

Ce  camp  de  la  Boulrie  contient  1  hectare  environ. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  &1 


Commune  de  Cfaolet. 

Sur  celle  commune  voisine  de  celle  de  la  Romagne  , 
au  lieu  dit  la  Bauge  du  Château ,  près  le  Chêne- Landry, 
propriété  de  M.  Lavau ,  il  existe  un  point  fortifié ,  en  tout 
semblable  à  celui  delà  Boulrie,  sauf  qu'il  est  plus  petit.  Nuls 
vestiges  de  constructions  modernes. 

Chose  à  remarquer,  ce  camp  de  la  Bauge  du  Château  n'a, 
comme  celui  de  la  Boutrie,  que  deux  côtés  et  un  demi-côté 
conservés;  serait-ce  que  les  garnisons,  en  quittant  ces  lieux 
fortifiés,  les  auraient  ainsi  mulilés  à  dessein  pour  qu'ils  ne 
pussent  désormais  servir?  C'est  d'autant  plus  probable,  que 
l'on  remarque  la  même  mutilation  dans  un  troisième  camp, 
nommé  Camp  des  Anglais,  sans  doute  parce  qu'ils  s'en 
seront  servis;  il  est  situé  sur  la  commune  de  St.-Aubin-de- 
Baubigné  ^  Deux-Sèvres).  Et,  chose  plus  notable  encore! 
dans  ces  trois  camps,  le  côté  oriental  et  le  demi-côté  mé- 
ridional sont  les  seuls  mutilés. 

Le  camp  de  la  commune  de  St.-Aubin-de-Baubigné  porte 
le  nom  de  Fief  des  Houlleries  ;  il  est  en  quelque  façon  sur 
la  limite  des  départements  de  Maine-et-Loire  et  des  Deux- 
Sèvres,  non  loin  des  communes  de  Maulévrier,  des  Cerqueux 
et  d'Yzernay. 

Comme  les  camps  de  la  Boutrie  et  de  la  Bauge  du  Château, 
celui-ci  est  également  carré;  il  a  de  longueur  125  mètres, 
de  l'est  à  l'ouest,  sur  H  5  mètres  du  nord  au  sud.  La  hauteur 
des  retranchements  varie  entre  3  et  5  mètres.  Vers  le  nord  , 
le  fossé  a  20  mètres  de  large. 

C'est  à  MM.  Paul  Loyer  et  Tristan-Martin  que  nous 
devons  ces  renseignements. 

Nous  pourrions  signaler  d'autres  positions  militaires  ïituécs 
en  Maine-et-Loire ,  mais  qui  sont  plus  ou  moins   contes- 


58        CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

labiés;  on  les  trouve  marquées  sur  notre  Carte  gallo-romaine, 
mais  avec  un  point  d'interrogation. 

Gennes ,  arrondissement  de  Saumur ,  présente  encore 
quelques  vestiges  gallo-romains  d'un  assez  grand  intérêt  ; 
nous  en  parlerons  sur  le  lieu ,  puisque  le  Congrès  se  propose 
de  le  visiter. 

Un  membre  du  Congrès  fait  remarquer  qu'à  St. -Florent, 
près  de  Saumur  ,  il  a  retrouvé  des  briques  romaines  et  autres 
vestiges  de  constructions  gallo-romaines.  M.  Imbert,  de 
Tbouars,  fait  connaître  qu'à  St.-Jean-de-Bonneval  ,  près 
Tbouars,  sur  un  endroit  nommé  le  Clos-du-Vicomte,  il  a  con- 
staté des  subslruclions  romaines  très-nombreuses  ;°briques  , 
poteries ,  bassins  ,  canaux  ,  tout  semble  annoncer  que  'cet 
endroit  était  remplacement  primitif  de  la  ville  de  Tbouars. 

M.   le  Président  passe  à  la  question  suivante,  ainsi  conçue  : 
En    quoi    consistent    les   monuments    ép'tgraphiques    de 

l'époque  romaine  dans  le  pays? 

M.  Godard-Faultrier  lit,  en  réponse  à   cette  question,   le 

mémoire  suivant  : 

MÉMOIRE  DK  M     tiODARD-FAULTK  1ER. 

Il  est  aisé  de  prouver  qu'Angers  fut  une  \illc  gallo- 
romaine,  par  les  monuments  dont  la  relation  suit  : 

Inscriptions. 

Dans  l'ex- cimetière  de  l'église  de  St. -Julien,  aujourd'hui 
détruite  ,  existait  une  grosse  urne  de  pierre  (1)  que  l'on  voit 

(1)  Description  de  ta  ville  d'Angers ,  par  Péan  do  La  Tuilerie. 
Angers,  1788,  chez  Charles-François  Billault,  imprimeur-libraire,  rue 
St.-Laud,  p.  95.  —Voir  Hiret  ,  p.  298  ;  il  écrivait  en  1618.  Voir  un 
dessin  de  TartiCume,  Man.  de  la  bibl.  d'Angers,  n°.  9'tO  ,  p.  237. 
Tartifurue  écrivait  en  lfi2;3. 


XXIXe.    SESSION,    A  SAUMUR.  59 

présentement   au  Jardin-des-Plantes.  'Elle  porte  cette  in- 
scription : 

VXORI 

OPTIMAE 
T   FLAVIVS 

AVG  LIB 
ASIATICVS 

«  Feu  M.  de  Tillemont ,  écrit  Péan  ,  croyait  que  ce  Titus 
«  Flavius  était  l'un  des  affranchis  de  l'empereur  Vespasien , 
«  ou  de  Tite  ou  de  Domitien ,  qui  tous  trois  portaient  le 
«  nom  de  Titus  Flavius.  » 

«  Le  cognomen  Asiaticus,  dit  Bodin  (1)  ,  annoncerait  qu'il 
«  avait  fait  la  guerre  en  Asie.  » 

On  peut  traduire  ainsi  cette  inscription,  qui  est  en  belles 
et  grandes  lettres  romaines  : 

A  son  épouse 

très-bonne 

Titus  Flavius  Asiaticus 

affranchi  de  l'Empereur 

Le  tombeau  où  se  trouve  gravée  cette  épitaphe  est  en 
granité  ;  il  a  une  forme  cubique  vers  sa  partie  inférieure  et 
octogone  à  son  sommet.  Il  mesure  1  mètre  de  hauteur ,  et 
75  centimètres  de  largeur.  On  aperçoit,  à  l'un  de  ses  côtés  , 
un  trou  pratiqué  sans  doute  pour  recevoir  les  cendres  de 
la  défunte. 

Au  mois  de  septembre  1817,  Bodin  fit  la  découverte  d'une 
inscription  à  la  porte  Toussaint  (2).  Cette  inscription,  gravée 
sur  le  devant  d'un  aulel ,  provenait  de  la  démolition,  faite 
en  1813,  d'un  mur  gallo-romain  situé  près  de  l'église  de 

(1)  Recherches  sur  Angers  et  le  Bas-Anjou,  par  J.-F.  Bodin  ,  l.  Ier., 
p.  50.  Saumur,  1821 ,  chez  Degouy,  imprimeur. 

(2)  Bodin,  Bas- Anjou,  Ier.  vol.,  p.  47. 


60  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

St. -Maurice.  Cet  autel  était  formé  de  deux  pièces;  la  partie 
supérieure  seule  a  été  trouvée  et  déposée  d'abord  au  Jardin- 
des-Plantes ,  ensuite  au  musée  Toussaint.  Cette  partie  su- 
périeure, assez  bien  conservée,  porte  : 

MATRIOVC 

AVG 

ClVIlECTKI. 

Bodin  croit ,  mais  avec  réserve,  que  l'on  peut  expliquer 
cette  inscription  de  la  sorte  : 

Martio  viro  clarissimo  augustali  civùatis  lectum  tributum. 

«  Cela  ,  écrit-il ,  signifierait  que  la  cité  des  Andes  se 
«  serait  imposé  une  contribution  pour  élever  une  statue  ou 
«  une  colonne  à  un  personnage  ,  nommé  Martius,  qui  était 
«  augustal.    » 

Mais  M.  de  Longperrier,  auquel  j'ai  fait  voir  ce  monument 
en  1852,  ne  partage  pas  cette  opinion  et  croit  qu'il  s'agit  ici 
d'un  autel  érigé  au  dieu  Mars  de  tel  endroit  ;  il  lut  la  pre- 
mière ligne  ainsi  : 

Marti  loue. 

Le  t  forme  une  double  lettre  équivalant  à  TI;  M.  Co- 
marmond ,  dans  son  Musée  lapidaire  de  Lyon ,  page  1  , 
reproduit  une  inscription  où  le  mot  salvtis  est  écrit  de  la 
sorte  :  salvts. 

Quant  au  mot  Loue,  c'est  toujours,  d'après  M.  de  Long- 
perrier ,  un  nom  de  lieu  à  chercher.  On  pourrait  donc  lire  : 

Marti  loue 

Augusto 

Civùatis  lectum   tributum. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  ce  docte  membre  de  l'Institut  n'hé- 
site pas  à  faire  remonter  cet  autel  au  siècle  d'Auguste. 
En  juillet  1838,  on  découvrit  à  Angers,  près  de  la  porte 


XXIX*.    SESSION,   A    SAUMUR.  61 

de  la  Vieille-Chartre  ,  sous  le  mur  de  la  Cité ,  uue  tombe 
chargée  de  l'épitaphe  que  voici  : 

D.  M. 

ae  :    iae  epjcarpiak  (1) 
:   on  ;   vg  : 

BEN    j    DE   SE   MERITAE 

A    j     :     j    I10CLES 

AVG  DISP 

Cette  tombe,  que  l'on  peut  voir  au  musée  Toussaint,  a 
1  mètre  16  cent,  de  haut,  sur  autant  de  large;  l'épaisseur 
de  la  pierre  de  tuf,  qui  était  autrefois  d'un  seul  bloc,  est  de 
50  cent.  ;  les  capitales  creusées  ont  environ  8  cent,  de  lon- 
gueur et  sont  d'un  beau  romain. 

Après  avoir  retourné  cette  inscription  en  divers  sens,  je 
me  suis  arrêté  à  la  rétablir  ainsi  : 

Dits  Manibus 

Aeliae  Epicarpiae 

conjugis 
benè  de  se  meritae 

Agaihocles 
Augusii  dispensaior. 

Il  suffit  d'ouvrir  Gruter  pour  savoir,  en  etfet,  que  les 
lettres  D.   m.  signifient  Diis  Manibus. 

Quant  au  nom  d'Aelia  ,  on  le  trouve  fréquemment  daus 
les  épitaphes  romaines  recueillies  par  le  même  auteur.  Le 

(1)  Peut  être  devrait-on  lire  evcarpiae  ?  Ce  nom  se  trouve ,  en  effet, 
sur  un  sarcoplvt^e  dans  le  jardin  du  rouvent  de  St.- Barthélémy,  près 
«le  Nice  f  Voir  Untlctiu  monumental   de  M.  de  Caumout ,  année  186.');. 


62  CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

mot  conjugis  va  tout'seul  ;  et  pour  ce  qui  est  de  la  quatrième 
ligne,  bewe  de  se,  etc. ,  c'est  une  formule  que  l'on  rencontre 
encore  dans  Gruler  et  notamment  à  la  page  596 ,  épitaphe 
de  Julia  Pelagia. 

Agaihocles  ne  présente  aucune  difficulté  ;  et  il  en  est  de 
même  d'Augusti  dispensator  :  c'était  une  charge ,  dans  la 
maison  de  l'Empereur  ,  correspondant  à  celle  d'intendant , 
d'économe,  de  trésorier  ou  de  maître-d'hôtel.  Gruter,  sous 
le  titre  :  Officiorum  domus  augustee  et  privatorum ,  men- 
tionne beaucoup  d'inscriptions  (  pages  596  et  597  )  portant 
les  mots  d'Augusti  dispensator. 

On  pourra  donc  traduire  l'épitaphe  en  question  comme 
suit: 

Aux  Dieux  Mânes 
d'Aelia  Epicarpia 

épouse 

gui  a  bien  mérité 

Agathoclès 

intendant  de  L'Empereur 

Il  est  remarquable  que  les  noms  Epicarpia  et  Agathoclès 
ont  une  origine  grecque. 

Ces  trois  inscriptions  ne  sont  pas  les  seules  qui  aient  été 
découvertes  à  Angers ,  mais  elles  sont  les  seules  de  ce  genre 
qui  existent  aujourd'hui. 

D'après  M.  de  Longperrier  ,  elles  appartiennent  incon- 
testablement à  la  belle  époque  de  l'épigraphie ,  c'est-à-dire 
au  Ier.  siècle  de  notre  ère.  Constatons  que  le  nom  abrégé 
à' Auguste,  avg.,  figure  sur  chacune  d'elles.  C'est  là  comme 
une  date  de  la  haute  antiquité  de  notre  ville  d'Angers,  dont 
le    nom  de  Juliomagus  indique  suffisamment  qu'elle  était 


XXIX\    SESSION,    A    SAUMUR.  63 

Julienne,  je  veux  dire  honorée  de  porter  le  nom  de  Jules- 
César  (1). 

Parmi  les  inscriptions  aujourd'hui  perdues,  nous  en  ci- 
terons une  recueillie  dans  la  Description  de  'la  ville  d'An- 
gers, de  Péan  de  La  Tuilerie;  Angers,  Billault ,  1778  : 

«  Le  29  janvier  1625,  dit-il,  des  paveurs,  qui  travaillaient 
«  près  cette  même  église  (St.- Julien),  trouvèrent  une  pierre 
«  ardoisiue  sur  laquelle  était  gravée  ,  en  lettres  romaines  , 
«  celte  épitaphe  : 

SUB   HUJUS   LAPIDIS   TEGUMENTO   CONDIT.E 

VIKI   BON.E   MEMORISE    NOMINE  ; 

SEPTIMO   IDUS   APRILIS   OBIIT   IN   PACE, 

IN    PRIMO    ANNO   REGNANTE   CESARE. 

Nous  ne  croyons  pas  à  l'authenticité  de  cette  épitaphe;  sa 
dernière  ligne  :  In  primo  anno  régnante  Cccsare,  ne  nous 
semble  point  avoir  appartenu  au  vrai  style  lapidaire  des 
anciens. 

Nous  avions  raison,  car  depuis,  en  lisant  le  journal  de 
Louvet,  p.  132,  Revue  d'Anjou,  2e.  livr. ,  1856,  nous  avons 
trouvé  que  la  véritable  inscription  ne  porte  point  In  primo 
anno  régnante  C césar e ,  mais  bien  In  primo  atino  regni. 
Carol. 

Quel  est  ce  Charles?  Louvet  semble  croire  qu'il  s'agit  de 
Charlemagne  ;  mais  je  crois  qu'il  se  trompe ,  et  nous  en 
faisons  ressortir  la  preuve  de  l'une  de  ses  propres  phrases; 
car  il  dit  que  les  lettres  de  cette  épitaphe  sont  romaines. 
Or,  comme  ces  lettres  ne  sont  redevenues  en  usage  qu'au 
commencement  du  XVIe.  siècle  en  Anjou  ,  il  s'ensuit  que  le 
nom  deCaroli  ne  peut  guère  s'appliquer  ici  qu'à  Charles  IX, 

(1)  Voir,  pour  les  villes  Atténues,  l'Encyclopédie  de  1778,  au  mot 
Jllia.  Voir  Revue  des  Sociétés  savantes,  oe.  livr.,  septembre  1857, 
Mémoire  de  M,  Félix  Bourquelof,  p.  270. 


64  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

et  conséquemmenl  que  ladite  inscription  n'est  pas  romaine. 

Le  savant  abbé  Cochet ,  dans  une  lettre  qu'il  nous  écrit 
(Dieppe,  1k  mai  1862),  croit  qu'elle  est  du  IXe.  ou  du 
Xe.  siècle,  à  cause  de  sa  teneur;  il  la  compare  à  d'autres 
inscriptions  dont  la  formule  est  analogue  et  qui  même 
remontent  à  l'époque  mérovingienne  (Voir,  nous  dit-il, 
l'ouvrage  de  M.  Leblant  sur  les  inscriptions  chrétiennes  de 
la  Gaule,  antérieures  au  XIII*.  siècle).  Quoi  qu'il  en  soit , 
cette  épitaphe  n'est  pas  romaine,  et  c'était  là  surtout  ce  que 
nous  avions  à  cœur  de  prouver. 

Il  en  est  autrement  de  trois  autres  que  M.  Berthe,  dans 
le  tome  Ier.  de  ses  Manuscrits  ,  nous  a  conservées.  Elles  ont 
été  découvertes  vers  1813 ,  dans  une  cave  que  M.  Puységur 
fit  creuser  sous  le  mur  gallo-romain  d'Angers,  près  de  l'aile 
sud  de  St. -Maurice.  On  ne  sait  ce  qu'elles  sont  devenues.  La 
première  était  une  épitaphe  gravée  sur  une  pierre  de  h  pieds 
6  pouces  de  hauteur  sur  2  de  large.  Les  lettres  étaient  peintes 
en  rouge  : 

DUS   MANIBVS 

DVRON1AE 

GEMIMNAE 

DVRONIVS 

PJLAGVS 

FIL1AE   PIISSIMAE 

POSV1T 

Aux  Dieux  Mânes 

de  Duronia 

Geminina 

Duronius 

Pitagus 

à  sa  fille  très- pieuse 

érigea  ce  monument. 


XXIXe.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  65 

La  seconde  épilaphc  était  haute  de  5  pieds  6  pouces,  sur 
2  pieds  6  pouces  de  large  : 

nus  MANIBVS 

AIBKIXL1SI 

DIANTAE  VXORIS 

SEXTVS    (1) 

L1GVRVS 

SEXTVS 

POSV1T. 

La  seconde  ligne  est-elle  un  seul  nom ,  ou  l'ensemble  de 
plusieurs  prénoms  !  En  outre,  la  lettre  K,  d'origine  grecque, 
et  que  les  Latins  n'adoptèrent  qu'avec  réserve,  rend  l'in- 
terprétation de  cette  ligne  fort  difficile.  Quant  au  mot  Sextus, 
deux  fois  répété  au  nominatif,  je  crois  qu'il  y  a  erreur  dans 
la  copie  de  RI.  Berthe  :  il  faudrait  pour  le  premier  le  génitif 
Sexti;  ce  qui  nous  porte  à  croire  que  Bodin  a  mieux 
reproduit  cette  partie  de  l'épitaphe ,  en  écrivant  Sex ,  qui 
permet  l'adoption  de  Sexti. 

Malheureusement  cet  auteur  n'a  risqué  aucune  inter- 
prétation, et  nous  devrions  peut-être  l'imiter;  cependant, 
sous  toute  réserve,  nous  essaierons  de  traduire  ainsi  : 

Aux  Dieux  Mânes 

de  (un  prénom  d'origine  grecque  présumée,  à  cause  du  K) 

Dianta,  épouse 

de  Sextus , 

Ligurus 

Sextus 

a  érigé  ce  monument. 

(1)  Bodin  écrit  seulement  Sex.  Voir  p.  45,  t.  Ier.  ,  Bas- Anjou.  La 
distribution  du  nombre  de  mots  dans  chaque  ligne  n'est  pas  non  plus 
la  même. 


66       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Ce  Ligurus  Sextus  était  sans  doute  le  frère ,  tout  au  moins 
le  parent  du  Sextus,  mari  de  Dianta. 

La  troisième  épitaphe  était  très-ornée.  On  y  voyait,  sur  un 
fronton  triangulaire,  une  figure  gravée  en  creux,  représentant 
un  buste  de  femme,  les  mamelles  nues.  Ce  buste  était  inscrit 
entre  deux  lignes  courbes,  du  milieu  de  chacune  desquelles 
pendait  une  branche  à  cinq  feuilles.  Au-dessous  du  fronton 
triangulaire,  régnait  une  sorte  de  frise  ornée  d'au  moins  huit 
rameaux  droits.  Venait,  plus  bas,  l'épilapbe  entre  deux 
ornements,  colonnes  ou  pilastres. 

Les  lettres  avaient  deux  pouces  de  hauteur  et  étaient 
peintes  en  rouge  : 

D  M 

ET  MEMORIA    [e] 

AETERNAE 

NVINTARVSER 

CONIVGIS   PIENT1SSIMA    [E] 

MELIVS  GEKVIN1VS  M.    T. 

NERVLNVS    CENÏVRIO 

LEG  W.    P.    E. 

F  C 

Le  nom  ou  les  noms  de  la  quatrième  ligne  m'embarrassent. 
Les  sixième  et  septième  lignes  renferment-elles  un  seul  nom 
ou  bien  deux  ?  Les  lettres  M.  T.  sont-elles  les  initiales  de 
deux  prénoms  ou  d'une  charge?  Les  trois  derniers  caractères 
de  la  ligne  huit  laissent  de  l'incertitude.  Voici  nos  essais  de 
traduction  : 

Aux  Dieux  Mânes 

et  à   la  mémoire  éternelle 

de  (  nom  à  chercher  ) 

épouse  très  méritante, 


XXIXe.    Sr.SSION  ,    A   SAUMUK.  67 

Melius  Gervinius ,  tribun  des  soldats, 

et  iServinus ,  centurion 

de  la  légion  X , 

ont  pris  soin  d'élever  ce  monument. 

Dans  cette  traduction,  M  ï  signifient  militum  tribunus  ; 
¥  (1,  faciendwn  curaverunt ;  LE'G,  legionis ;  W  ,  X  (con- 
sulter à  ce  sujet  Comarmoiid  ,  p.  xxxvm  ,  p.  236-261  ,  p. 
LUI,  p.  xxvil  de  sa  Description  du  musée  lapidaire  de  Lyon). 

M.  Albert  Lemarchand,  dans  son  Rapport  sur  le  concours 
de  1858  (Mémoires  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et 
arts  d'Angers»  p.  29,  année  1859),  complète  ainsi  notre 
traduction  : 

Aux  Dieux   Mânes 

et  à  la  mémoire 

éternelle 

de  Nut'nta ,  épouse  de  Ru  fus  Sirvius 

très-méritante , 

Melius  Gervinius,   tribun  des  soldats, 

et  IServinus  ,  centttrion 

de  la  légion  X,  ses  parents, 

ont  pris  soin  d'élever  ce  monument. 

Dans  ce  système,  les  lettres  de  la  quatrième  ligne  doivent 
se  lire  :  nvintae  rvf  servii  ,  et  le  p  et  Te  de  la  huitième 

ligne,  PARENTES  E1VS. 

11  est  remarquable  que  quatre  de  ces  inscriptions  sont 
dédiées  à  des  épouses,  et  une  cinquième  à  une  fille. 

Enfin  il  est  une  dernière  inscription  que  nous  voulons 
citer ,  c'est  celle  qui  nous  a  fait  connaître  l'existence  d'un 
cirque  à  Angers,  monument  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
notre  amphithéâtre. 

Une  belle   frise  en  pierre  calcaire,    brisée   en  plusieurs 


08  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

morceaux,  fut  découverte  vers  1813,  dans  les  caves  delà 
maison  Poységur,  place  St. -Maurice.  Celte  frise  portait  cette 
partie  d'une  inscription  en  lettres  de  3  pouces  6  lignes,  creusées 
et  peintes  en  rouge  : 

C.  RVFIO  CIRCV.  MI.  T.   V.   EXT.    ;     ;     j     •    LPX. 

Peut-être  devra-t-on  l'interpréter  ainsi  :  Consule  Rufio 
circus  Minervcc  tributo  urbano  exsiructus  ;  c'est-à-dire  : 
Rufius  étant  consul  ,  un  cirque  fut  construit  en  l'honneur 
de  Minerve,  à  l'aide  d'un  impôt  municipal.  Quant  aux 
lettres  LPX ,  j'ignore  ce  qu'elles  peuvent  signifier ,  à  moins 
que  ce  ne  soit  ludi  publici  x  ,  jeux  publics  dix  ,  en  l'hon- 
neur de  la  déesse  ;  mais  comme,  entre  le  mot  ext  et  les 
lettres  lpx,  il  existe  une  lacune ,  il  sera  toujours  difficile  de 
bien  se  rendre  compte  de  cette    fin  de  l'inscription. 

Pour  ce  qui  est  du  nom  de  rvfivs  ,  on  le  trouve  souvent 
dans  Gruler,  et  la  Table  de  Riccioli  fait  mention  de  quatre 
consuls  de  ce  nom ,  savoir  : 

L'an  365  de  Jésus-Christ,  Rufius  Albinus. 
423  Rufius  Marinianus. 

501  Rufius  A  vie  nu  s. 

502  Rufius  Avienus ,  le  jeune. 

Le  premier  de  ces  consuls  nous  paraît  devoir  être  celui 
qui  peut  le  mieux  se  rapporter  à  notre  inscription  :  d'abord, 
parce  qu'au  milieu  du  IVe.  siècle  les  jeux  du  cirque  étaient 
en  vogue,  et  même  à  Constantinople  sous  les  empereurs  Con- 
stantin et  Théodose  ;  ensuite  parce  que  ,  le  paganisme  étant 
loin  d'être  banni  de  la  Gaule  en  365 ,  la  déesse  Minerve 
pouvait  encore  très-bien  à  celte  époque  être  honorée  sur  la 
frise  du  cirque  d'Angers;  car,  d'après  notre  inscription, 
nous  ne  doutons  point  qu'il  n'en  ait  existé  un  en  notre  ville. 

Il  est  regrettable  que  la  frise  en  question  ai!  élé  aussitôt 


XXÏX*.    SESSION  ,    A   S'AUMUR.  69 

perdue  que  découverte  (1  )  ;  heureusement  que  la  biblio- 
thèque d'Angers  en  possède  un  dessin  dans  le  tome  Ier., 
page  14,  des  manuscrits  de  M.  Berthe. 

Ce  dessin  nous  représente  un  entablement  composé  d'une 
corniche,  d'une  frise  et  d'une  architrave  ,  qui  ne  pouvaient 
convenir  qu'au  fronton  d'un  édifice  public. 

Mais  où  pouvait  être  ce  cirque? 

Jusqu'ici  personne  ne  s'en  est  préoccupé,  et  cela  devait 
être  en  l'absence  de  tontes  traces  quelconques  d'un  pareil 
monument.  Les  choses  en  étaient  là  ,  lorsqu'en  septembre 
18M  ,  dans  un  terrain  appartenant  à  M.  Cassin  et  situé  le 
long  du  boulevard  de  la  Basse-Chaîne,  en  regard  du  château, 
à  main  gauche  en  descendant ,  l'on  découvrit,  en  préparant 
les  fondations  de  la  maison  qu'occupe  aujourd'hui  M.  Servais, 
marbrier,  une  enceinte  serai- circulaire  d'une  étendue  de 
23  mètres,  mais  qui  devait  être  beaucoup  plus  grande,  les 
déblais  n'ayant  pas  été  continués  jusqu'aux  extrémités  de  la 
courbe.  Le  dos  de  la  combe  regardait  le  nord-nord-est.  Le 
mur  de  celte  enceinte  était  formé  de  grandes  pierres 
de  taille,  au  sommet  desquelles  régnait  une  corniche  d'en- 
viron 16  centimètres  de  saillie.  Ce  mur  pouvait  avoir  66  cenf. 
d'épaisseur  à  son  sommet,  autant  à  sa  base,  et  50  seulement 
au  milieu  de  sa  hauteur;  car  il  avait  ce  que  l'on  nomme  du 
fruit,  c'est-à-dire  qu'il  affectait  celte  forme  en  retraite  que 
l'on  remarque  dans  nos  manèges  modernes;  et,  disons-le  de 
suite,  c'est  cette  forme  qui  nous  a  déterminé  à  croire  que 
cet  hémicycle  avait  dû  être  le  rond-point  d'un  cirque  , 
autrement  d'un  hippodrome  romain. 

Ce  mur  semi-circulaire,  haut  de  2  mètres  33,  qui  pouvait 
bien  avoir  été  le  podium  du  cirque,  était  enterré  d'autant 
sous  les  décombres.  Ces  décombres,  chose  assez  remarquable! 

(J)  Voir  Bulletin  tic  la  Société  industrielle  d'Angers,  p.  *20o,  t.  IX. 


70       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

étaient  en  grande  partie  composés  de  fragments  de  vases  en 
terre  rouge ,  d'un  beau  vernis,  et  sur  lesquels  on  voyait  en 
relief  des  chasses ,  des  combats  et  des  scènes  mythologiques. 

Au  pied  du  podium  et  sur  l'aire  de  l'hémicycle,  se  trouvait 
une  couche  de  sable  fin ,  de  30  centimètres  d'épaisseur.  Ce 
sable  recouvrait  un  fond  de  schiste  très-horizontalement  taillé. 

La  façade  de  ce  cirque  devait  être  au  sud-sud-ouest , 
comme  aussi  son  inscription  dédiée  à  Minerve.  On  sait 
qu'un  cirque  diffère  d'un  amphithéâtre,  en  ce  qu'il  affecte  la 
forme  d'un  carré  long,  terminé  d'un  côté  par  un  hémicycle, 
tandis  que  l'amphithéâtre  est  elliptique. 

Ordinairement ,  la  façade  carrée  d'un  cirque  était  percée 
de  trois  portes,  au-dessus  desquelles  régnait  une  frise  portant 
inscription.  Or,  comme  la  partie  semi-circulaire  de  notre 
cirque  était  au  nord-nord-est ,  sa  façade ,  sans  aucun  doute  , 
regardait  le  sud-sud-ouest. 

En  1860,  l'on  trouva,  dans  le  même  endroit  du  boulevard 
de  la  Basse-Chaîne  ,  maison  Jeanneteau  ,  une  statuette  an- 
tique en  cuivre,  haute  de  13  centimètres,  représentant  un 
génie  nu,  ailé,  tenant  dans  ses  mains  une  boule.  Ce  génie , 
coiffé  d'une  sorte  de  bonnet  phrygien,  se  tient  dans  l'attitude 
d'une  personne  qui  court;  il  est  debout  sur  un  dauphin 
dont  la  queue  se  dresse  jusqu'à  la  hauteur  des  ailes  du  génie. 
Ce  dauphin  paraît  posé  sur  un  globe  légèrement  ovoïde , 
engagé  dans  une  douille  hexagone  dont  la  partie  creuse 
permettait  à  une  tige  de  métal  d'être  introduite.  A  cette 
douille  est  fixée  une  espèce  d'anse  oblongue ,  où  devait  s'at- 
tacher une  chaîne.  Rapprochement  assez  curieux!  le  dauphin 
était  l'ornement  obligé  de  tous  les  cirques  (Voir  Dictionnaire 
des  antiquités  romaines  et  grecques ,  traduit  par  Cherruel , 
au  mot  Delphinus).  Ajoutons  que,  dans  ces  mêmes  cirques, 
ou  voyait  des  dauphins  posés  sur  des  globes  (Encyclopédie, 
au  mot  Dauphin). 


XXIX*.    SESSION,    A    SAUMUR.  73 

Il  est  donc  plus  que  probable  que  notre  petit  bronze,  classé 
sous  le  n°.  8,  2e.  catal.  du  musée  des  antiquités  d'Angers,  se 
rapportait  à  l'ornement  du  cirque  de  notre  cité.  Mais  quelle 
signification  pouvaient  avoir  le  dauphin  et  le  globe  ovoïde  ? 
Le  dauphin  ,  dit  Cherruel  précité ,  «  était  choisi  en  l'honneur 
«  de  Neptune ,  l'œuf  en  l'honneur  de  Castor  et  de  Pollux.  » 
Or,  Neptune  fit,  suivant  la  fable,  sonir  des  entrailles  de  la 
terre  le  premier  cheval  ;  on  lui  donnait  le  soin  des  chevaux 
et  des  chars,  et  ses  fêtes  se  célébraient  par  des  jeux  équestres. 
On  l'appelait  Hippws,  parce  qu'il  fut  le  premier  qui  trouva 
l'art  de  dompter  les  chevaux.  Donc  le  dauphin,  son  emblème, 
convenait  parfaitement  à  l'ornement  d'un  cirque. 

D'un  autre  côté ,  Castor  était  le  patron  de  ceux  qui  dis- 
putaient le  prix  de  la  course  à  cheval ,  et  Pollux  celui  des 
lutteurs,  parce  qu'il  avait  remporté  le  prix  aux  jeux  olym- 
piques dans  les  courses  de  chars  ;  on  voit  le  rapprochement. 

On  entend  alors  la  note  suivante ,  de  M.  Dupuis,  sur  les 
inscriptions  gallo-romaines  du  musée  d'Orléans. 

NOTE  DE  M.  DUPUIS. 

Inscription  trouvée  dans  les  fouilles  de  la  fontaine  de  CEtuve'e, 
à  2  kilomètres  nord  d'Orléans. 

AUG.    ACION^. 

SACRUM. 

CAPILLUS.    ILLIO 

MARI.    PORTIGUM. 

CUM.    SUIS.    ORNA 

MENTIS.    V.    S.    L.    M. 

Aciona  est  regardée  comme  la  divinité  topique  de  la  fon- 
taine. 


72       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

lias-relief  trouvé  dans  les  fondations  d'une  tour  de  fortification  sur  le 
quai  d'Orléans. 

Pierre  lumulaire  représentant  un  homme  armé  d'un  fouet. 
Au-dessus  est  l'inscription  suivante  : 

D.    M.    L.   M. 
MARCO.    MARSILLIA 

Elle  est  gravée  dans  l'ouvrage  de  Jollois  sur  les  antiquités 
du  Loiret. 

Borne    milliaire    trouvée   sur   la  voie  de   Genabum   à  Salioclilum 
C  Saclas  )  ,  lors  de  la  construction  du  chemin  de  fer. 

JMP.    C.    L.    D.    AURE 

LIANO.   P.    F.    INVI.    C. 

AUG.    POINT.    M.    P.    P.    T.    P.    Vil. 

COSS.    III.    GERM.    GOT.    M.    PA 

R.    M.    DA.    M.    CAR.    M.    IM. 

Que  le  catalogue  du  musée  traduit  ainsi  : 

Imperatori  Caio  Lucio  Domilio  Aurdiano 

pio  fetici  invicto  Cœsari  augnsto 

pontifia  maximo  patri  patries 

tribuno  plebis  Vil  consuli  lll 

Germanico  Golhico  maximo  Parthico 

maximo  Dacico  maximo  Carpico 

maximo  l  millia  (passuum) 

Sur  le  socle  d'un  cheval  de  bronze  trouvé  à  Reuvy ,  en  Sullias. 

AUG.    RUDIOBO   SACRUM 

CUR.    CASSICIATE  D.    S.    P.    D. 

SER.    ESUMACIUS.    SACROVIR.    SERIOMAGIUS.    SEVERUS 

F.  C. 


XXIX'.    SESSION,    A    SAUMUR.  73 

ANCIENS    PONTS    SUR    LA    LOIRE,    VERS    LE    MILIEU    DBj-SON    COURS. 

I.  Ponts  détruits.  —  Il  y  avait  un  pont  gaulois  à  Gena- 
bum.  Il  n'en  reste  aucune  trace ,  malgré  les  prétentions 
contraires,  ni  à  Orléans,  ni  à  Gien,  ni  à  Chàtcauncuf  qui 
revendiquent  la  position  de  Genabum.  Les  ruines  de  piles 
qu'on  a  prétendu  retrouver  sont  ou  des  arrachements  na- 
turels, ou  des  restes  de  barrages. 

On  rencontrait  encore  ,  sur  la  Loire,  quelques  ponts  ap- 
partenant au  moyen-âge  dans  les  localités  suivantes  : 

A  Gien.  Le  pont,  détruit  vers  la  fin  du  XV4.  siècle, 
occupait  le  même  emplacement  que  le  pont  actuel. 

A  Sully.  11  avait  été  construit  au  XIe.  siècle  et  a  été 
détruit  au  commencement  du  XVIIe. 

A  Javgeau.  Bâti  au  XIIIe.  siècle,  détruit  au  XVIIIe.  ;  il 
occupait  le  lieu  du  pont  suspendu  actuel. 

A  Orléans.  Le  pont  fut  détruit  au  milieu  du  XVIe.  siècle. 
A  Meung.  Bâti  au  XIIIe.   siècle,  le  pont  fut    ruiné  au 
milieu  du  XVIIe. 

A  Blois,  il  existait,  en  1089,  un  pont  qui  fut  détruit  au 
commencement  du  XVIIIe.  siècle. 

A  Amboise,  sur  le  bras  gauche.  Pont  supposé  du  XV.  siècle. 
A    Tours  (de  St.-Symphorien  ).  Le  pont    fut  bâti   vers 
1037,  d'après  une  charte    d'Eudcs-le-Champenois ,   comte 
de  Chartres  et  de  Blois. 

A  Saumur.  Les  anciens  ponts  en  bois  de  Saumur  furent 
construits  en  1161.  L'ancien  pont  des  Sept- Voies  a  été 
construit  en  1230. 

Aux  Ponts-de-Cè.  Le  pont  St. -Aubin,  construit  en  1050  ; 
le  pont  St.-Maurille  ,  dans  le  XIP.   siècle. 

II.  Ponts  existants.  —  Gien  et  Blois  possédaient  des 
ponts  au  commencement  du  XVIII".  siècle. 

Bcaugency.  Il  existait  un  pont  dans  cette  localité  au  XIU. 
siècle. 


7i  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

Il  est  donné  communication  de  la  note  suivante,  par 
M.  l'abbé  Lacurie,  sur  les  nouvelles  acquisitions  du  musée 
lapidaire  de  Saintes. 

NOTi;  DE  M.   L  ABBÉ  LACURIF. 

N°.  93.  Fragment  d'une  corniche  tirée  des  fouilles  de 
l'Hôpital  civil  en  l.si  2. 

N°.  96.  Fragment  d'une  inscription  provenant  des  fouilles 
dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1852. 

N°.  95.  Fragment  d'une  frise  provenant  des  fouilles  faites 
dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1852. 

N°.  96.  Fragment  d'une  corniche,  faisant  suite  aux  nos. 
33 ,  35  ,  38  ,  60  ,  provenant  des  fouilles  faites  dans  les  murs 
de  l'Hôpital  en  1855. 

N°.  97.  Fragment  de  corniche  provenant  des  fouilles 
faites  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1862. 

N°.  98.  Fragment  d'une  frise  provenant  des  fouilles 
faites  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1862. 

N°.  99.  Fragment  d'une  corniche ,  faisant  suite  au  p°.  93, 
provenant  des  fouilles  faites  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1862. 

IN0.  100.  —  Fragment  d'une  inscription,  faisant  partie  d'un 
édifice  en  l'honneur  de  CORNETO  DVBNO  ,  provenant  des 
fouilles  faites  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1853. 

N°.  101.  Fragment  d'une  frise,  faisant  suite  aux  n05.  31  , 
32  ,  67 ,  69  ,  provenant  de  fouilles  faites  à  l'Hôpital  en  1853. 

N°.   102.    Fragment  d'un  cippe  funéraire  tiré^des  murs 
de  l'Hôpital  en  1853. 
Ce  marbre  a  été  lu  ainsi  par  M.  Comarmond  : 

Diis  Manibus. 

ET  MEJV10RI 

AE  Caii  Lucii  RVFI  RVFI 

MARITI  S VI. 


XXIX'.    SESSION,   A  SAUMUR.  75 

Le  reste  manque. 

N°.  103.  Fragment  d'un  groupe,  représentant  la  partie 
supérieure  d'un  cavalier  et  la  tête  de  son  cheval ,  sous  une 
arcade,  provenant  des  fouilles  dans  les  murs  de  l'Hôpital 
en  1858 

N°.  104.  Fragment  d'un  groupe,  dont  on  ne  voit  que  la 
partie  inférieure  (ce  bloc  faisait  angle  à  un  édifice  qu'on 
ne  peut  juger),  provenant  des  fouilles  dans  les  murs  de 
l'Hôpital  en  1858. 

N°.  105.  Fragment  d'une  corniche,  couronnant  un  dessus 
de  passage,  provenant  des  fouilles  dans  les  murs  de  l'Hôpital 
en  1858. 

N°.  106.  Fragment  d'une  statue  de  saint  Sébastien,  donnée 

par  la  famille  Bruneau  en  1 859. 

N°.  107.  Fragment  trouvé  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1862. 

N°.  108.  Chapiteau  corinthien,  à  feuilles  de  laurier,  pro- 
venant des  fouilles  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1858. 

N°.  109.  Chapiteau  historié  provenant  des  fouilles  faites 
sur  la  place  de  St.-Eutrope  en  1857. 

N°.  110.  Cippe  funéraire  trouvé  sous  le  pavé  de  l'église 
d'Aulnay  en  1859. 

Ce  marbre  a  été  lu  ainsi  par  M.  l'abbé  Paris  : 

Lucius  avtivs  Uicii  Yiiius 

ANimt  vOBtissimi  ivLit 

MlLes  LEGionis  XIIII 

GEMince,  ANNCW 

XXXV  STlPendiarius  XV 

Hic  sepultus  Est. 

N°\  111,  112,  113.  Fragments  de  cippes  funéraires 
trouvés  à  Aulnay  en  1859. 

N°.  1 1  £i.  Fragment  d'un  groupe  que  l'on  ne  peut  guère 
juger,  faisant  angle ,  provenant  des  fouilles  dans  les  murs  de 
l'Hôpital.en  1858. 


76       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

N°.  115.  Torse  d'un  soldat  nu  et  armé,  provenant  des 
fouilles  dans  les  murs  de  l'Hôpital  en  1859. 

N°.  116.  Auge  sépulcrale  creusée  dans  une  colonne  im- 
briquée, trouvée  dans  les  fouilles  de  St. -Vivien  en  1858. 

N°.  117.  Tête  de  Caracalla  couronnée  de  lierre ,  trouvée 
dans  les  anciens  fossés  de  Saintes ,  en  1857  ;  le  reste  n'a  pas 
pu  être  trouvé. 

N08.  118,119.  Fragments  de  mosaïque  trouvés  au  bord 
de  !a  rivière,  dans  le  périmètre  de  la  ville  gallo-romaine. 

Ncs.  120,  121.  Mosaïque  trouvée  à  Bernay ,  arrondis- 
sement de  St.-Jean-d'Angély  ,  offerte  parla  commune  de 
Bernay. 

N°.  122.  Fragment  d'inscription  ayant  fait  partie  d'un 
édifice  considérable  élevé  à  la  mémoire  d'un  père  par  sa  fille. 

N°.  123.  Tête  trouvée  dans  le  périmètre  de  la  ville  gallo- 
romaine  en  1861.   Don  de  M.  André  Taillasson. 

N°.  12Zi.  Fragment  d'une  tète  de  Midas  trouvée  dans  le 
périmètre  de  la  ville  gallo-romaine  en  1861.  Don  de  M.  André 
Taillasson. 

N°.  125.  Inscription  tumulaire  provenant  de  l'église  de 
St.-Maur.  Don  de  M.  Marc  Arnauld. 

N°.  126.  Vitrine  renfermant  des  débris  celtiques  et  ro- 
mains, et  un  échantillon  des  roches  du  département. 

Cette  lecture  est  suivie  de  quelques  renseignements  que 
M.  le  commandant  Prévost  veut  bien  donner,  à  la  demande 
de  M.  de  Caumont,  sur  le  château  de  Saumur  que  le  Congrès 
doit  visiter  à  midi.  M.  Prévost  remarque  d'abord  qu'on 
manque  de  documents  sur  l'origine  et  l'histoire  primitive 
de  ce  château,  qu'il  fait  remonter  au  XIIe.  siècle;  puis  il 
donne  quelques  détails  sur  ses  quatre  tours ,  reliées  par  des 
courtines:  sur  la  forme  do  ces  tours,  circulaires  à  la  base  et 
octogones  à  la  partie  supérieure,  forme  qui  annonce  deux 


XXIX*.    SESSION  ,    A   SAl'MUR.  77 

époques.  M.  Prévost  signale  des  contreforts  du  XVe.  siècle  et 
une  partie  toute  moderne  où  se  trouve  une  toiture  plate  de 
mauvais  goût.  Enfin ,  M.  Prévost  veut  bien  proposer  au 
Congrès  de  donner,  sur  les  lieux  mêmes,  des  renseignements 
plus  complets. 

M.  de  Caumont  demande  à  M.  Prévost  de  vouloir  bien 
faire  connaître  au  Congrès  des  murs  vitrifiés  qu'il  a  pu 
observer  dans  plusieurs  localités  et  à  Sr.-Suzanne,  petite 
ville  de  la  Mayenne.  Quelle  est  la  nature  de  ces  vitrifications? 
Quelle  en  peut  être  l'origine? 

M.  Prévost  lit  le  travail  suivant  ,  en  réponse  à  cette 
question  : 

NOTE  DE  M.  PRÉVOST. 

Parmi  les  anciens  édifices  militaires  qui  méritent  le  plus 
d'attirer  l'attention  des  arebéologues  ,  il  en  est  dont  la  con- 
struction est  restée  jusqu'à  ce  jour  un  problème,  une  énigme: 
nous  voulons  parler  des  murs  vitrifiés. 

On  les  trouve  en  Ecosse,  où  ils  formaient  des  châteaux 
entiers ,  et  dans  quelques  départements  de  l'ouest  de  la 
France:  notamment  dans  l'Orne,  au  vieux  manoir  de  La 
Courbe  j.  près  Argentan;  dans  les  Côtes-du-Nord  ,  à  Péran  , 
et  dans  la  Mayenne  ,  à  Ste. -Suzanne. 

M.  de  Caumont  vient  de  nous  faire  connaître  que  M.  Garnicr 
a  récemment  découvert  des  vitrifications  dans  un  ancien  fort , 
à  St. -Jean-sur-Mayenne  ,  non  loin  de  Laval.  A  en  juger  par 
les  descriptions  qui  ont  été  faites  des  forts  vitrifiés  de 
l'Ecosse  (1),  ils  ont  une  grande  analogie  avec  une  partie  de 
l'enceinte  de  Ste. -Suzanne.  Ce  que  l'on  voit  à  La  Courbe  est 

(1)  Voir  Parlscîe  inséré  ,  par  M.  Ballier ,  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie celtique,  t.  III ,  1809  ,  p.  399. 


78       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DU,  FRANCE. 

trop  peu  caractérisé  pour  être  étudié  avec  fruit.  Nous  ue 
connaissons  qu'imparfaitement  les  murs  de  St.-Jean,  sur 
lesquels  nous  attendons  les  plus  amples  renseignements. 
Quant  à  Péran  ,  le  phénomène  a  été  l'objet  de  minutieuses 
investigations  de  la  part  de  M.  Geslin  de  Bourgogne  (1). 
Ici,  les  vitrifications  existent  à  l'intérieur  des  murs  bien  plus 
que  sur  les  parements  extérieurs;  l'action  ignée  paraît  avoir 
beaucoup  plus  tourmenté  les  maçonneries  qu'elle  ne  l'a  fait 
à  Ste. -Suzanne  et  en  Ecosse,  où  les  remparts  présentent 
d'ordinaire  l'aspect  suivant:  ce  sont  des  pierres  d'un  petit 
volume  et  de  formes  très-irrégulières  ;  leur  nature  est  un 
grès  plus  ou  moins  réfractaire ,  mais  très-coloré  par  de 
l'oxyde  de  fer  (2).  Elles  sont  reliées  entre  elles  à  l'aide  d'une 
substance  vitreuse,  en  tout  semblable  aux  laitiers  des  hauts- 
fourneaux.  On  dirait  un  opus  inee'rtum,  dans  lequel  un  verre 
grossier  tiendrait  la  place  du  mortier  ou  du  ciment  usités 
pour  les  constructions  ordinaires.  Chaque  pierre  est  noyée 
et  entourée  par  la  matière  vitrifiée  ;  elle-même  porte  des 
traces  non  équivoques  de  l'action  d'un  feu  violent.  Les  murs 
sont  construits  de  la  façon  que  nous  venons  d'indiquer , 
dans  toute  leur  épaisseur  ;  seulement  il  ne  nous  a  pas  été 
possible  de  vérifier,  à  St". -Suzanne,  si  la  vitrification  est 
aussi  complète  à.  l'intérieur  du  massif  que  sur  le  parement  : 
nous  ne  le  pensons  pas. 

Par  quel  procédé  obtenait-on  ces  maçonneries  vitrifiées? 

Tous  les  savants,  qui  ont  étudié  cette  question,  sont  una- 
nimes pour  reconnaître  que  l'application  du  feu  a  été  faite 
sur  de  grands  massifs  de  murs  à  la  fois  ;  mais  ils  diffèrent 
pour  les  détails  de  l'opération. 

Suivant  Williams  et  Black  (3),  «  quand  on  voulait  con- 

(1)  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  t.  VIII,  1846. 

(2)  APéraa,  les  pierres  sont  granitiques  ou  schisteuses. 
[o)  Voir  le  mémoire  de  M.  Ballier  précité. 


XXIX*.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  79 

<<  slruire  une  muraille  de  verre,  on  commençait  parfaire 
«  un  moule  composé,  selon  toute  apparence,  de  deux  levées 
<i  de  terre  ou  de  gazon ,  qui  laissaient  entre  elles  un  intcr- 
«  valle  exactement  égal  à  l'épaisseur  que  devait  avoir  la  mu- 
«  raille,  et  qui  la  surpassaient  un  peu  en  hauteur.  On  rem- 
it plissait  ce  moule  de  bois  et  de  matières  vitrifiables  réduites 
«  en  éclats  d'un  médiocre  volume.  On  allumait,  on  entre- 
«  tenait  le  feu  ,  et  il  en  résultait  une  première  couche  de 
«  matière  vitrifiée  ,  qui  allait  se  déposer  au  fond  du  moule. 
«  On  obtenait  une  seconde  couche  par  un  procédé  tout 
«  semblable,  et  l'on  répétait  l'opération  jusqu'à  ce  que  la 
«  muraille  eût  atteint  la  hauteur  qu'on  voulait  lui  donner. 
«  Le  moule  enfin  ,  étant  détruit ,  laissait  voir  la  muraille  à 
«  découvert.  C'est  ainsi  que,  sans  mortier ,  sans  maçons  et 
«  sans  autres  instruments  que  ceux  propres  à  couper  le  bois 
«  et  à  casser  la  pierre,  on  venait  à  bout  d'élever  des  murailles 
<«  très-hautes  et  très-solides. 

«  Dans  ces  temps-là  ,  le  bois  n'était  pas  rare  sans  doute  : 
«  et  il  est  reconnu  que  la  pierre  la  plus  commune  dans  le 
«  pays  est  de  nature  à  entrer  assez  facilement  en  fusion.  » 

L'emploi  de  ce  moyen  nous  paraît  inadmissible  ;  nous  ne 
concevons  pas  comment  on  aurait  pu  avoir  une  ventilation 
assez  active  pour  former  une  température  capable  de  fondre 
des  pierres:  manquant  de  l'air  nécessaire,  le  bois  serait 
resté  à  l'état  de  charbon. 

En  tout  cas,  pour  ce  qui  est  des  murs  de  Ste. -Suzanne  , 
ce  n'est  pas  ainsi  qu'on  a  dû  s'y  prendre.  Les  moellons  de 
grès  ne  sont  pas  arrivés  à  l'état  de  fusion  ,  ils  ont  conservé 
leur  forme  première  et  sont  simplement  entourés  d'une  pâte 
vitreuse. 

M.  Geslin  de  Bourgogne  suppose  ,  pour  les  murs  de  IJé- 
ran  ,  qu'on  les  a  maçonnés  avec  des  fragments  de  granit, 
de  quartz  et  de  schiste,  sans  mortier;  des  matières  combtis- 


80       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

libles,  mêlées  en  quantité  suffisante  avec  les  pierres  du  massif, 
des  évenls  convenablement  ménagés  pour  la  ventilation  per- 
mettaient d'obtenir  la  température  voulue.  Avant  de  mettre 
le  feu ,  on  entourait  le  tout  de  terre  qui  empêchait  la  dé- 
formation de  la  muraille,  et  qu'on  a,  du  reste ,  laissée  même 
après  l'opération  terminée. 

11  nous  semble  qu'il  eût  été  plus  sûr  de  construire  d'abord, 
avec  des  pierres ,  de  la  chaux  et  du  sable  ,  la  maçonnerie  ; 
puis  de  l'envelopper  de  combustible  qu'il  aurait  été  facile 
de  renouveler  jusqu'à  ce  que  le  résultat  désiré  eût  été  obtenu. 
Brûlant  à  l'air  libre,  le  bois  pouvait  se  consumer  complète- 
lement  et  fournir  les  cendres  nécessaires  pour  composer  , 
avec  le  sable  et  la  chaux  du  mortier  ,  l'espèce  de  verre  qui 
enveloppe  chaque  pierre.  La  déformation  du  mur  n'était  pas 
à  craindre  puisqu'il  était  bien  homogène,  sans  matière  com- 
bustible dans  son  intérieur. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  si  l'on  ignore  les  procédés  mis  en  usage 
pour  arriver  à  créer  ces  fortifications  de  verre  ,  tout  le  monde 
est  d'accord  pour  les  faire  remonter  à  une  antiquité  très- 
reculée. 

Nous  pensons  qu'il  y  a  beaucoup  à  rabattre  de  cette  anti- 
quité prétendue,  au  moins  pour  les  murs  de  St*. -Suzanne. 
Nous  ferons  observer,  d'abord,  que  leurs  vitrifications  n'existent 
que  sur  une  longueur  de  10  mètres  au  plus  et  sur  une  hau- 
teur de  1  mètre  au-dessus  du  sol  extérieur  actuel.  Peut-être, 
au-dessous,  en  trouverait-on  si  l'on  faisait  des  fouilles;  mais 
ce  ne  serait  pas  à  une  bien  grande  profondeur  ,  le  rocher  qui 
supporte  le  mur  est  trop  près.  1M.  l'abbé  Gérault  (1),  M.  de  La 
Pylaie  et  M.  Mérimée  (2),  dans  leur  étude  sur  Sle. -Suzanne  , 
n'ont  pu  éclaircir  cette  question  du   procédé  employé  pour 

(1)  Notice  sur  Sle.-Suzanne,  1840. 

(2)  Tome  VIII  des  Mémoires  de  la  Sodélé  dis  Antiquaires  de  France. 


\Xt\'.    SMSSION  ,  A   SAUMUK.  81 

édifier  ta  portion  vitrifiée  de  l'enceinte  ;  il  résulte  de  leurs 
observations,  qu'on  ne  doit  pas  attribuer  la  pâte  de  verre 
à  l'existence  d'un  four  à  chaux  ou  d'un  haut-fourneau  accolé 
au  rempart:  la  position,  exceptionnellement  élevée,  et  l'accès 
difficile  du  mamelon  sur  lequel  est  située  la  ville  ne 
permettent  aucun  doute  à  cet  égard.  M.  Dupeyroux ,  dans 
son  intéressant  ouvrage  intitulé  :  Les  Alpes  Mancelies  (1)  , 
indique  comme  possible  l'incendie  d'un  agger ,  construit  en 
fascines  par  des  assiégeants ,  auquel  les  défenseurs  auraient 
mis  le  feu,  au  moment  où  ce  moyen  d'attaque,  après  avoir 
atteint  les  murs,  allait  livrer  passage  aux  ennemis. 

L'idée  de  cet  agger  nous  paraît  difficile  à  admettre.  Le 
petit  chemin  qui  règne  aujourd'hui  entre  le  sommet  du 
ravin  et  le  pied  de  l'enceinte  de  Ste. -Suzanne  est  moderne  ; 
il  n'existait  autrefois,  en  cet  endroit,  que  des  blocs  de 
rochers  irrégulièrement  amoncelés  par  la  convulsion  géolo- 
gique qui  a  créé  le  lit  de  la  rivière  d'Erve,  et  la  déchirure 
escarpée  dont  les  bords  sont  couronnés  par  les  remparts. 
Pour  conduire  un  agger  jusqu'aux  pieds  de  ces  derniers,  on 
aurait  eu  à  combler  un  large  et  profond  ravin  ;  et  ce  travail , 
comparable  à  ce  qui  s'est  fait  dans  les  plus  laborieux  sièges 
de  l'antiquité  et  du  moyen- âge,  aurait  eu  un  retentissement 
dont  nos  annales  conserveraient  des  traces  ;  or ,  il  n'en  est 
parlé  nulle  part. 

Voici  quel  est  notre  avis  sur  la  cause  des  vitrifications  de 
S". -Suzanne  : 

Après  avoir  vu  leur  enceinte  ouverte  par  une  brèche  de 
10  mètres  de  largeur,  les  habitants  auront  profité  de  la  nuit 
pour  enlever  les  débris  du  mur  écroulés,  nettoyer  le  pied 
de  la  brèche  et  y  entasser  des  fagots  auxquels  ils  auront  mis 
le  feu.  Puis,  pendant  plusieurs  jours ,  jetant  sans  relâche  des 

(4)  Le  Mans,  1860,  p.  286. 


82       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

matières  combustibles  dans  le  foyer,   ils  se  seront  fait  un 
obstacle  igné  contre  les  tentatives  des  assaillants. 

Cette  défense  des  brèches  par  le  feu  est  fréquente  à  toutes 
les  époques  de  l'histoire;  elle  est,  de  nos  jours,  recommandée 
dans  les  ouvrages  classiques  sur  l'art  des  sièges. 

Les  conséquences  d'un  pareil  incendie,  long-temps  en- 
tretenu ,  sont  trop  faciles  à  saisir  pour  que  nous  insistions 
davantage.  A  l'appui  de  l'hypothèse  que  nous  venons  d'émettre, 
nous  citerons  une  observation  qui  nous  paraît  importante  : 
il  y  a  vingt  ans,  on  voyait  eucore  saillir,  sur  le  parement 
vitrifié  de  S,e.-Suzanne,  une  excroissance  presque  entièrement 
sphérique,  de  près  de  0"'.  60  centimètres  de  diamètre.  C'était 
comme  une  grosse  loupe  de  laitier,  provenant  d'une  tem- 
pérature excessive  sur  ce  point  de  la  muraille;  une  plus 
grande  fluidité  des  matières  fondues  dans  le  massif  de  la 
maçonnerie  aura  permis  cet  écoulement  ,  qui  se  sera  figé 
à  sa  sortie.  Cette  loupe  a  disparu  ;  on  voit  à  sa  place  un 
creux  dont  les  parois  sont  tapissées  de  verre,  de  cendre 
et  de  scories.  Il  nous  semble  évident  que ,  si  l'on  avait  eu 
l'intention  de  construire  des  murs  vitrifiés  de  toutes  pièces , 
on  aurait ,  une  fois  l'opération  achevée  ,  enlevé  cette  ex- 
croissance, qui  dépareille  un  parement  très-régulier  et  très-net 
dans  tout  le  reste  de  sa  surface.  Nous  le  répétons ,  il  n'y  a 
lieu  de  voir  à  Sls.-Suzanne  qu'un  accident,  et  nous  croyons 
l'avoir  expliqué. 

La  maçonnerie  qui  surmonte  la  portion  vitrifiée  est  bien 
évidemment  d'une  date  plus  récente. 

En  admettant  la  supposition  d'une  brèche  défendue  par  le 
feu,  il  reste  à  trouver  à  quelle  époque  remonte  le  siège  dont 
il  s'agirait  ici,  Mous  croyons,  tout  d'abord,  qu'il  y  a  lieu 
d'écarter  l'hypothèse  d'une  muraille  renversée  par  le  bélier, 
il  n'existait  pas  autour  de  la  place  un  espace  assez  large  pour 
installer  cet  engin  de  destruction.  Nous  sommes  donc  forcé 


XXIXe.    SESSION,    A    SAUMUtt.  83 

de  recourir  à  l'usage  du  canon  ,  et  nous  n'hésitons  pas  a 
proposer  l'époque  du  siège  de  St'. -Suzanne ,  par  Salisbury, 
c'est-à-dire  l'année  1624.  Voici  ce  qu'on  lit,  sur  ce  fait  de 
guerre  ,  dans  la  Chronique  de  La  Pucelle  (1)  : 

«  Il  (le  comte  de  Salisbury)  vint  mettre  le  siège  devant 
«  les  chastel  et  ville  de  Saincte-Suzanne ,  au  uiesme  pays  du 

Maine  ,  où  estoit  capitaine  messire  Ambroise  de  Loré  ; 
«  et  ycelui  comte  y  fit  assortir  et  asseoir  plusieurs  grosses 
«  bombardes,  à  la  venue  duquel  ledit  messire  Ambroise  fit 
«  plusieurs  belles  escarmouches  et  saillies,  lesquelles  por- 
«  tèrent  grand  dommage  aux  Anglois  ;  et ,  après  ce  ,  le  siège 
«  fut  clos  de  toutes  parts.  Et ,  quand  il  y  eut  esté  quelque 
«  dix  jours ,  il  commença  à  faire  tirer  les  dits  canons  et 
<'  bombardes  incessamment  jour  et  nuit ,  tellement  qu'ils 
«  abattirent  grand  foison  des  murs  de  la  dite  ville ,  et  y 
«  fit-on  plusieurs  escarmouches  et  saillies  d'un  costé  et 
«  essays  pour  assaillir...   » 

La  ville  fut  obligée  de  se  rendre. 

En  terminant  l'exposé  qu'on  vient  de  lire,  nous  ferons 
observer  que  nous  donnons  l'explication  des  vitrifications 
de  Ste. -Suzanne  ,  par  un  feu  au  pied  de  la  brèche,  avec 
l'arrière-pensée  de  revoir  les  lieux  et  d'y  faire  exécuter 
quelques  fouilles,  qui  nous  permettront,  il  faut  l'espérer, 
d'asseoir  notre  opinion  d'une  manière  définitive. 

M.  de  Caumont  ajoute  à  ces  détails ,  qu'aux  assises  scien- 
tifiques tenues  à  Laval  pendant  le  Concours  régional ,  le  1k 
mai  dernier,  M.  Garnier ,  membre  de  la  Société  française 
d'archéologie,  à  Laval,  a  parlé  d'une  fortification  ovale  à 
St. -Jean  ,  près  Laval ,  qui  est  aussi  formée  de  grès  concassés 
reliés  par  l'action  du  feu. 

(1)  Édition  de  M.  Vallet  de  Viriville,  1859,  p.  228. 


84  CONÇUES   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

M.  le  Président  donne  lecture  d'un  chapitre  manuscrit 
considérable  que  M.  l'abbé  Briffault,  membre  de  la  Société 
française  d'archéologie  à  Saumur  ,  a  adressé  au  Congrès. 
Ce  chapitre  concerne  l'histoire  des  points  les  plus  curieux 
de  la  ligne  à  suivre  pour  se  rendre  de  Saumur  à  Gennes. 

Des  rcmercîments  sont  votés  à  U.  l'abbé  Briffault,  pour 
son  intéressante  communication  et  pour  les  nombreux  ma- 
nuscrits qu'il  a  adressés  au   Congrès. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  1/2. 

Le  Secrétaire  , 
L'abbé  Prudhomme,  de  Laval. 


'Z'\  Séance  tin  %  JEiiii. 

Présidence  de  M.  de  La  Prairie,  président  de  la  Société  archéologique 
de  Soissons. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Caumont ,  Chedeau,  adjoint, 
à  Saumur;  V.  Petit,  membre  du  Conseil;  l'abbé  Le  Petit, 
secrétaire-général  de  la  Société  française  d'archéologie  ; 
de  Galembert ,  Godard-Faultrier  et  Segretain  ,  inspecteurs 
de  la  Société  française  d'archéologie. 

M.  d'Espinay,  jugea  Saumur,  remplit  les  fonctions  de 
secrétaire. 

M.  de  Caumont  annonce  la  présence  de  M.  le  Secrétaire 
de  l'Académie  de  Païenne  ,  qui  offre  plusieurs  ouvrages 
publiés  dans  cette  ville  et  donne  un  aperçu  du  mouvement 
archéologique  en  Sicile. 

M.  de  Galembert  dépose  des  copies  des  peintures  de 
l'église  de  Rivière  et  de  St.-!\Icsme  de  Chinon  ,  et  le  ma- 


XXIX".    SL.SS10N,    A    SA l. MUR.  85 

gnilique  album  de  St. -Julien  de  Tours:  ces  pièces  seront 
exposées  dans  la  salle  pendant  la  durée  du  Congrès. 

lM.  de  Caumont  présente  le  rapport  suivant,  de  la  part  de 
M.   Auberlin,  de  Beaune. 

RAPPORT   1>K  M.   AUUfcKTîX. 

Peu  de  contrées  oiïrent  des  mines  plus  fécondes  pour 
l'archéologie  que  la  portion  de  l'ancien  duché  de  Bourgogne, 
qui  constitue  aujourd'hui  le  département  de  la  Côle-d'Or. 
Appelé  par  la  nature  de  mes  fonctions  à  connaître,  d'une  ma- 
nière particulière ,  les  antiquités  de  l'arrondissement  de 
Beaune  ,  j'ai  l'honneur  de  signaler  au  Congrès  les  divers 
points  où  des  fouilles  pourraient  être  dirigées  avec  les  meil- 
leures chances  de  succès,  j'oserai  même  dire  avec  cer- 
titude. 

Je  citerai  d'abord,  comme  étant  le  plus  rapproché  de  notre 
centre  administratif,  le  vallon  de  Lacune  (  Lucuna  dans  de 
vieux  titres),  à  trois  kilomètres  de  Beaune,  Des  fouilles  y  ont 
été  déjà  commencées  dans  d'autres  temps  ,  et  ne  sont  pas 
restées  sans  résultats.  Cet  emplacement  renferme  plusieurs 
tombeaux  de  l'époque  gallo-romaine ,  dont  deux  seulement 
ont  été  ouverts.  La  modicité  du  crédit  alloué  m'a  em- 
pêché d'aller  plus  loin  ,  et  pourtant  la  journée  n'a  pas  été 
perdue  :  deux  beaux  sabres  en  fer  sont  venus  augmenter  les 
collections  de  mon  musée.  Je  mentionnerai  encore  des  frag- 
ments de  poterie  commune  ,  une  très-belle  clef  eu  bronze, 
une  meule  de  moulin  à  bras  et  des  restes  de  béton.  Le  tout 
est  en  la  possession  de  M.  Alphonse  Marey-Monge,  député 
de  la  Côte-d'Or,  qui  avait  entrepris  la  fouille  à  ses  frais. 

Permettez-moi  ,  Messieurs  ,  d'appeler  maintenant  votre 
bienveillante  attention  sur  les  antiquités  de  !.abrmjcrc,c:A\\[o\\ 
de  Seurre,  à  32  kilomètres  de  Beaune. 


86       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

«  Le  15  décembre  1861  ,  je  me  rendais  à  Seurre,  où 
m'attendait  M.  P.  Mallard,  juge  de  paix  du  canton  et  membre 
de  la  Commission  archéologique  de  la  Côte-d'Or,  qui  devait 
me  guider  dans  le  cours  de  mes  investigations.  La  journée, 
bien  que  pleinement  et  sérieusement  occupée,  n'a  malheu- 
reusement suffi  qu'à  un  examen  un  peu  sommaire. 

«  Après  une  courte  visite  à  l'ancienne  maison  Bossuet , 
nous  nous  rendîmes  d'abord  au  cabinet  de  M.  Beaussiron 
de  Keroëc  ,  percepteur  à  Seurre  ,  qui  possède  une  certaine 
quantité  d'objets  extraits  du  sol  de  Labruyère.  J'y  ai  vu  deux 
urnes  en  terre  jaunâtre ,  à  panse  arrondie ,  d'une  hauteur 
d'environ  17  à  20  centimètres,  et  un  assez  grand  nombre 
de  médailles  moyen-bronze ,  bien  conservées ,  appartenant 
toutes  aux  règnes  de  Vespasien  et  de  Domilien  ,  sauf  une  à 
l'effigie  de  Faustine  ,  et  une  belle  collection  de  fibules  et 
agrafes  en  bronze.  Immédiatement  après,  nous  nous  rendions 
sur  le  territoire  de  Labruyère ,  où  nous  ne  tardâmes  pas  à 
rencontrer  le  sol  d'où  provenaient  les  urnes  et  les  médailles  ; 
là  commença  un  examen  qui  fut  sérieux  et  long  ,  vu  que  ce 
terrain  offre  une  superficie  d'environ  15  hectares.  Sur 
l'étendue  du  terrain  que  j'indique ,  les  débris  céramiques 
ne  sont  pas  plus  rares  que  les  cailloux.  Tous  ces  débris  , 
en  terre  jaune  et  rouge ,  sont  réduits  en  morceaux  infini- 
ment petits ,  et  sont  presque  tous  couverts  de  dessins.  Nous 
avons  vu  aussi  une  quantité  de  tuiles  à  rebords  ,  assez  bien 
conservées.  Toutes  portent  les  traces  du  feu  ,  malgré  leur 
long  séjour  dans  la  terre ,  et  il  y  avait  à  côté  des  pierres 
presque  calcinées. 

«  Ayant  réuni  quelques  anciens  échantillons  pour  les 
collections  archéologiques  de  Beaune ,  et  sûr  maintenant 
d'avoir  une  mine  féconde  à  exploiter  quand  quelques  res- 
sources m'en  fourniraient  la  possibilité,  nous  allions,  M.  Mal- 
lard et  moi,  terminer  là  nos  recherches ,  quand  je  donnai  un 


\\l\c.    SESSION,   A  SAUMUR.  87 

coup  do  pioche  à  un  petit  tertre.  Un  bruit  sec  m'avertit 
que  j'avais  frappé  juste,  car  j'ai  pu  retirer  plusieurs  frag- 
ments d'amphores ,  dont  un  considérable ,  encore  muni  de 
ses  anses.  J'ai  trouvé  aussi  quelques  petits  morceaux  d'un 
verre  verdàtre ,  des  cendres,  du  bois  calciné  et  des  clous  de 
charpente  d'une  très-grande  dimension. 

«  Au  moyen  de  quelques  fonds,  qui  m'ont  été  alloués  par 
notre  Société  d'histoire  et  d'archéologie,  j'ai  pu  réunir  au 
musée  assez  d'objets,  provenant  du  sol  de  Labruyère,  pour 
en  former  une  division  spéciale.  En  voici  la  nomenclature 
détaillée  :  vases  funéraires  renfermant  des  cendres  et  des  os, 
avec  une  médaille  grand-bronze  a  l'effigie  d'Antonin-le-Pieux  ; 
fragments  et  anses  d'amphores  ,  en  terre  jaune  et  grisâtre  ; 
clous  de  charpente  et  deux  tuyaux  de  conduite  en  plomb. 
J'ai  encore  à  mentionner  une  quinzaine  de  fers-à- cheval , 
une  magnifique  lance,  de  18  centimètres  de  longueur,  et  des 
fers  de  flèche.  Mais  voici  l'objet  le  plus  ancien  de  tous,  et 
dont  la  présence  lève  un  doute  qui  a  subsisté  jusqu'alors 
dans  l'archéologie  gallo-romaine:  c'est  un  éirier  en  fer; 
cet  instrument,  désigné  par  Philon  sous  le  nom  de  stapes  ou 
stapeda,  pièce  d'une  importance  capitale  et  que  je  n'ai 
pas  encore  vue  jusqu'alors  dans  nos  musées  voisins.  Plusieurs 
antiquaires  distingués  l'ont  visitée  avec  intérêt. 

«  Les  antiquités  de  Lucune  et  de  Labruyère  occupent  leur 
place  au  musée  de  Beaune ,  où  tout  est  classé  par  localité. 
Mais  il  reste  encore,  dans  l'arrondissement,  un  lieu  que  je  n'ai 
pu  explorer  que  des  yeux  et  qui  ne  demande  qu'à  être 
fouillé  :  je  veux  parler  d'Essey  ,  nom  évidemment  celtique 
et  que  l'on  a  latinisé  au  moyen-âge  par  la  dénomination 
d'Acceicam  ou  Àcciacum.  La  rivière  d'drmançon  prend 
sa  source  à  1  kilomètre  et  sur  le  territoire  de  ce  vil- 
lage, qui  dépend  du  canton  de  Pouilly-en-Auxois ,  ar- 
rondissement  de    Beaune.   Dans    les  champs  voisins  de,  la 


88  GONGIIÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

source ,  on  ne  peut  douter,  à  l'inspection  des  lieux ,  qu'il 
n'ait  existé  là  une  bourgade  de  quelque  importance ,  si  l'on 
en  juge  par  la  grande  étendue  de  terrain  jonché  de  tuiles 
à  rebords  ,  de  pierres  de  substructions ,  et  aux  cendres 
mélangées  avec  le  sol  noirci.  La  tradition  prétend  qu'il 
existait  là  une  ville  appelée  la  ville  d'Armançon,  qui  aurait 
été  détruite  par  un  incendie.  J'en  doute  d'autant  moins ,  que 
les  scories  et  les  pierres  rongées  par  le  feu  y  abondent. 
On  connaît,  passant  à  environ  600  mètres  de  FArmançon  , 
les  traces  d'une  voie  romaine  ;  quoiqu'elle  soit  actuellement 
en  culture ,  il  est  facile  de  la  suivre  dans  toute  l'étendue  du 
Image. 

«  Je  reviens  à  notre  prétendue  ville    d'Armançon.  Vous 
savez,  Messieurs,  tous  les  efforts  que  font  maintenant  les 
cultivateurs  pour  étendre  et  améliorer  leurs   fonds.  Trois 
particuliers  entr'autres  ont  eu  l'idée ,   pendant  ce  dernier 
hiver ,  d'ouvrir  des  fossés  le  long  des  murées  qui  longent 
leurs  champs,  à  peu  de  distance  de  FArmançon,  sans  autre 
but  que  d'enfouir  ces  pierres ,  afin  de  donner  plus  d'étendue 
et  de  valeur  à  leurs  propriétés.  Au  lieu  du  terrain  naturel 
qu'on  s'attendait  à  trouver  dans  ces  fossés ,  on  n'a  extrait , 
pour  me  servir  d'une  expression  vulgaire,  que  des  décombres 
de  bâtiments,  tels  que  sables,  chaux,  tuiles  de  toute  espèce  , 
pavés,  etc.,  etc.    Voici  maintenant  la  partie  vraiment  ar- 
chéologique de  cette  fouille:    elle  consiste  en  corniches, 
chapiteaux ,  fûts  de  colonnes  en  pierre  et  débris  de  marbre 
monumental ,  torse  d'une  statue  et  deux  têtes  sculptées  en 
relief,  quantité  innombrable  de  poteries  rouges  à  dessins  et 
monnaies  grand-bronze  de  la  fin  du  Haut-Empire. 

«  J'ajouterai ,  pour  terminer  ma  description  ,  qu'il  y  a 
déjà  plusieurs  années,  une  fouille,  entreprise  par  M.  le  Maire 
et  M.  le  Curé  du  lieu ,  a  amené  la  découverte  d'une  mo- 
saïque formée  de  cubes  blancs,  bleus  et  verts.  On  a  encore 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  89 

exhumé  d'un  champ  une  pierre  sculptée,  représentant  un 
char,  attelé  de  deux  chevaux ,  avec  leur  conducteur.  Cette 
sculpture,  qui  avait  été  acquise  par  M.  le  marquis  de  Villers 
La  Faye,  est  actuellement  au  musée  de  Dijon.   » 

Des  fouilles  pratiquées  sur  ces  points,  ainsi  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  le  dire,  ne  resteraient  pas,  Messieurs,  sans 
résultat,  et  une  allocation,  quelque  minime  qu'elle  fût,  me 
serait  de  la  plus  grande  utilité.  Si  Lucune  et  Labruyère  sont 
représentés  au  musée  de  Beaune  par  plusieurs  objets  extraits 
de  leur  sol,  il  n'en  est  pas  de  même  d'Essey,  qui  paraît 
offrir  aussi  une  matière  considérable  à  exploration  et  à 
étude. 

Ce'rapport  est  renvoyé  à  la  Commission  des  allocations. 

M.  Godard  lit  le  Mémoire  suivant,  en  réponse  à  la  5e.  ques- 
tion du  programme  : 

Quels  sont  les  tombeaux  gallo-romains  trouvés  dans  la 
contrée  ? 

Sépultures. 

Indépendamment  des  tombeaux  à  epitaphes ,  que  nous 
avons  classés  dans  la  série  des  inscriptions  ,  il  est  d'autres 
sépultures  qui  ne  sont  pas  moins  dignes  de  remarque. 

Lorsqu'en  18ft8  et  années  suivantes,  l'on  exécuta  les 
travaux  relatifs  à  la  traverse  du  chemin  de  fer  au  sud-est 
d'Angers,  on  ne  fut  pas  peu  surpris  de  découvrir  l'ancien 
cimetière  gallo-romain  de  la  ville.  Dès  auparavant ,  cet  en- 
droit, où  aboutissaient  plusieurs  voies  romaines  et  que  tra- 
versaient certains  canaux  d'aqueduc  venant  de  la  fontaine 
Frottepenil  pour  se  rendre  à  Lesvières  ,  dès  auparavant, 
dis-je  ,  cet  endroit  avait  fourni  diverses  traces  de  sépultures. 
Ces  sépultures  peuvent  se  diviser  eu  deux  classes  : 


90  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

1°.  Celle  des  urnes  ; 

2°.  Celle  des  cercueils  en  plomb. 

Première  classe.  —  Urnes. 

Ces  traces  de  sépultmaîs  sont  assurément  les  plus  anciennes, 
puisqu'elles  remontent  à  cette  époque  durant  laquelle  on 
brûlait  les  corps  ,  c'est-à  -dire  du  Ier.  siècle  au  commence- 
ment du  IVe. 

Parmi  ces  urnes ,  trouvées  en  grand  nombre  et  pleines 
encore  de  détritus  d'ossements ,  de  cendres  et  de  charbon  , 
les  unes  sont  en  terre  grise  et  les  autres  en  terre  noire  d'un 
beau  vernis;  toutes  sont  ovoïdes.  L'une  d'elles  porte  inscrit 
sur  sa  panse ,  en  lettres  tracées  avec  une  pointe,  le  mot  cor  , 
qui  probablement  dut  indiquer  que  le  cœur  du  défunt  y  avait 
été  déposé.  Une  seule  urne  est  en  bronze  ,  d'un  joli  galbe  ; 
elle  fait,  avec  les  précédentes ,  partie  des  objets  déposés  au 
musée  d'antiquités  d'Angers.  Sur  son  anse  on  remarque ,  en 
relief,  llarpocrate  ou  le  génie  du  silence,  avec  un  autel  et 
une  flamme.  Cette  urne  a  été  découverte,  dès  1839,  dans 
un  coin  de  l'emplacement  qu'occupent  aujourd'hui  la  gare  et 
ses  servitudes.  Elle  fut  trouvée  à  une  profondeur  d'environ 
1  mètre  ;  elle  est  haute  de  22  centimètres  et  a  été  décrite 
par  M.  Boreau  dans  l'un  des  Bulletins  de  la  Société  in- 
dustrielle, année  1840,  p.  38.  Elle  était  remplie  d'une  sorte 
de  terreau  noirâtre ,  au  milieu  duquel  se  trouvèrent  cinq 
clous  en  fer,  longs  chacun  de  5  à  8  centimètres,  qui  avaient 
subi  une  torsion  ,  sans  doute  par  l'effet  du  feu  du  bû- 
cher. Tout  porte  à  croire  que  ces  mêmes  clous,  qui  durent 
servir  à  maintenir  entr'elles  les  rondelles  de  bois  destinées 
à  être  brûlées  (1),  auront  été  recueillis  après  la  cérémonie 

(1)  M.   l'abbé  Cochet  vient  d'émettre  une  conjecture  semblable  à 


XXIX".    SESSION  ,   A   SAUMUR.  91 

de  l'incinération  et  déposés  dans  l'urne  en  même  temps  que 
plusieurs  poignées  des  cendres  du  défunt. 

Il  résulte  de  l'inspection  que  nous  avons  faite  du  cimetière 
gallo-romain  d'Angers,  que  nos  pères,  dans  leurs  étranges 
cérémonies  funèbres,  s'y  prenaient  ainsi  :  ils  creusaient  le 
terrain  près  duquel  s'élevait  le  bûcher  ;  la  flamme  dévorait 
le  cadavre,  et  ses  cendres,  confondues  avec  celle  du  bois, 
étaient  ensuite  jetées  au  fond  de  la  fosse  ,  après  toutefois  que 
de  pieuses  mains  en  avaient  recueilli  plusieurs  poignées  dans 
de  petites  urnes.  On  plaçait  ensuite  ces  urnes,  avec  des  vases 
de  diverses  sortes  et  des  fioles  de  parfums ,  sur  le  dépôt 
entier  que  l'on  couvrait  de  terre  ,  puis  d'une  colonne  ou 
d'un  cippe. 

Ces  monuments  extérieurs,  cippes,  colonnes,  etc.  ,  ont 
disparu  ,  un  certain  nombre  pour  aller  s'engloutir,  lors  des 
invasions  barbares ,  dans  les  fondements  de  l'enceinte  élevée 
autour  de  notre  cité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  notre  cimetière  est  d'une  haute  an- 
tiquité, et  date  au  moins  du  IIIe.  siècle ,  époque  où  l'usage 
de  brûler  les  corps  était  encore  reçu  (1).  Mais,  si  l'on  fait 
attention  à  l'immense  quantité  de  fosses  incinérées ,  de  vases 


l'occasion  de  clous  découverts  dans  le  cimetière  de  Barentin,  près  de 
Rouen  :  «  J'ai  pu,  dit-il,  reconnaître,  soit  dans  les  vases,  soit  autour 
«  d'eux ,  des  clous  en  fer  provenant  les  premiers,  du  bâti  sur  lequel  le 
«  corps  avait  été  brûlé,  les  derniers,  des  caisses  de  bois  destinées  à 
«  contenir  les  vases  au  moment  de  leur  inhumation.  »  Voir  p.  315  de 
la  Revue  archéologique  de  Leleux.  Paris,  1858,  livr.  du  15  août. 

(I)  M.  Comarmond,  dans  sa  Description  du  musée  lapidaire  de  Lyon, 
p.  55,  prétend  même,  et  non  sans  de  bonnes  raisons,  que  l'usage  de 
l'incinération  tomba  en  désuétude  à  Rome  vers  la  fin  du  l".  siècle,  et 
disparut  dans  toute  l'étendue  de  l'Empire"  vers  le  milieu  et  la  fin  du 
IIe.  D'après  cela ,  notre  cimetière  gallo-romain  d'Angers  daterait  au 
moins  de  la  fin  du  IIe.  siècle. 


92  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

cl  de  débris  de  vases  que  l'on  y  a  rencontrés ,  il  esl  im- 
possible de  croire  que  ce  cimetière  n'ait  pas  servi  de  dépôt 
à  bien  des  générations  antérieures  môme  au  III*.  siècle  ; 
d'où  il  est  aisé  de  déduire  qu'il  peut  remonter  à  l'époque 
de  la  première  occupation  romaine,  temps  vers  lequel  l'usage 
de  brûler  les  corps  fut  très-répandu  chez  les  Romains  ;  d'où 
suit  encore  que  notre  ville  d'Angers  serait  contemporaine 
au  moins  d'Auguste;  car  ici  l'habitation  des  morts  prouve 
l'existence  d'un  grand  centre  de  population.  Des  médailles 
d'Antoine  et  d'Auguste  ,  en  argent ,  trouvées  dans  ce  ci- 
metière,  autorisent  ces  conjectures.  Or,  ce  centre  de  po- 
pulation, prouvé  par  tous  ces  débris  de  la  mort,  à  qui  peut-il 
mieux  convenir  qu'à  Juiiomagus ,  capitale  des  Andes  sous 
les  Romains?  Ceci  soit  dit  pour  ceux  qui  font  voyager  notre 
ville  à  Frémur,  à  Andard ,  au  Plessis-Grammoire  ,  à  Notre- 
Dame-d'Alençon,  et  je  ne  sais  où. 

L'usage  de  brûler  les  corps  ayant  cessé  vers  le  commence- 
ment du  IVe.  siècle  ,  les  Gallo-Romains  revinrent  à  l'ancienne 
coutume  de  les  enterrer. 

A  cette  période  d'inhumation  se  rattachent  les  huit  cer- 
cueils en  plomb  que  l'on  a  découverts  dans  notre  cimetière 
antique.  Ils  forment  la  seconde  classe  de  nos  sépultures 
gallo-romaines  et  sont  aujourd'hui  déposés  au  musée  d'anti- 
quités. 

Deuxième  classe    —  Cercueils  en  plomb. 

On  peut  les  distinguer  en  cercueils  sous  crypte ,  cercueils 
en  pleine  terre,  cercueils  sans  signes  chrétiens,  cercueils 
avec  signes  chrétiens. 


XXIX1.    SESSION,    A   SALMUR,  93 

Cercueil*  sous  crypte  et   sans  signes  chrétiens. 

Ils  sont  au  nombre  de  deux  et  classés  au  musée  sous  les 
nr\  I  et  IV.  Décrivons-les  séparément. 

Cercueil  n*.  1.  —  Sous  crypte  et  sans  signes  chrétiens. 

En  juillet  1868,  j'aperçus  au  nord-est  de  la  gare  du  che- 
min de  fer ,  que  l'on  établissait ,  l'ouverture  d'une  crypte 
voûtée  avec  des  briques  posées  en  rayons  et  liées  entr'elles 
par  du  ciment  rose,  d'un  centimètre  et  demi  d'épaisseur. 

Les  briques  étaient  plates,  chacune  avait  une  entaille  ser- 
vant de  poignée;  elles  avaient  de  longueur  32  cent,  sur  26 
de  large  et  3  1/2  d'épaisseur.  Je  distinguai  seulement  sur 
l'extrados  de  la  voûte  quelques  fragments  de  briques  à  re- 
bord. Ledit  extrados  était  surmonté  d'une  couche  de  ciment, 
puis  de  quelques  pierres  d'ardoise  brute ,  recouvertes  elles- 
mêmes  par  une  autre  couche  de  ciment  ;  le  tout  formait  une 
enveloppe  ou  chape  horizontale ,  au-dessus  de  laquelle  la 
couche  du  sol  avait  environ  1  mètre  de  hauteur. 

Celte  crypte  appartenait  à  la  classe  des  monuments  fu- 
nèbres non  apparents. 

Le  sommet  de  l'intrados  de  la  voûte  n'était  pas  recrépi  à  la 
chaux ,  tandis  que  le  reste  des  parois  intérieures  l'a  été  :  ce 
qui  nous  dispose  à  croire  que  la  voûte  ne  fut  totalement 
construite  qu'après  le  dépôt  du  cercueil. 

Ce  caveau  ,  intérieurement ,  avait  de  largeur  environ  69 
cent.  ,  63  de  hauteur  et  lm.  66  de  longueur.  Celte  grotte  se 
trouvait  être,  sur  sa  longueur,  placée  dans  le  plan  nord-est 
sud-ouesi  de  38  degrés.  L'épaisseur  de  la  voûte  et  de  ses 
parois  n'avait  pas  moins  de  30  cent. 

Ce  caveau  renfermait  un  cercueil  de  plomb  bien  conservé 
et  solidement  encastré  dans  un  bain  de  ciment,  de  3  cent, 
environ  d'épaisseur. 


\)k  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

La  couche  sur  laquelle  reposait  le  cercueil  était  mélangée 
de  briques,  dont  l'une,  plus  grande  que  les  autres,  avait 
hO  cent,  de  long  sur  31  de  large  et  2  1/2  d'épaisseur. 

En  dehors  du  cercueil ,  à  ses  parois  de  droite  et  de  gauche 
dans  le  bain  de  ciment ,  je  trouvai  plusieurs  fragments  de 
vases  en  terre  grise,  pareils  à  des  assiettes.  Une  fiole,  à  base 
en  forme  de  boule  ,  surmontée  d'un  large  goulot,  d'une  belle 
terre  noire  vernie  ,  haute  de  6  cent.  ,  était  placée  en  dehors 
du  cercueil ,  du  côté  des  pieds  ;  cette  fiole  était  aussi  plongée 
dans  le  bain  de  ciment. 

Le  cercueil  a  :  de  longueur,  lm.  55  ;  de  largeur  ,  35  cent.; 
de  profondeur,  1h  ,  et  d'épaisseur ,  5  millim.  ;  l'élévation  de 
la  flèche  de  la  cambrure  plein-cintre   du  couvercle  est  de 

5  cent.  Ce  cercueil  affecte  la  forme  d'un  parallélipipède  ;  la 
tête  occupait  le  nord-est. 

Il  renfermait  ,  du  côté  des  pieds  : 

1.  Un   petit   bélier,   en  terre  cuite  blanchâtre,  haut  de 

6  cent. 

2.  Une  patère  en  verre  blanc,  à  laquelle  le  temps  a  donné 
une  belle  couleur  opale  ;  elle  a  16  cent,  de  diamètre. 

3.  Un  vase  de  verre ,  en  forme  de  salière,  contenant  une 
sorte  de  sable  brillant  que  l'on  prendrait  pour  du  sel. 

h.  Un  fond  de  vase  rond  et  brisé. 

5.  Quelques  os  de  jambe. 

6.  Deux  coquilles  de  saint  Jacques. 

7.  Une  urne  lacrymatoire  en  verre  et  en  forme  de  petit 
chandelier. 

8*  Une  fiole  à  parfum,  en  verre,  d'une  forme  bizarre  , 
avec  goulot-biberon  orné  de  deux  anses. 

9.  Les  débris  d'une  coupe  en  verre  ,  dont  la  panse  était 
striée  et  bosselée. 

10.  Un  ferrement  courbé,  long  de  25  cent.  ,  qui  servait 
à  maintenir  intérieurement  la  concavité  du  couvercle  du  cer- 
cueil. 


XXIX'.    SESSION,    A  SAUMUR.  9;~> 

11.  Deux  petits  couvercles  en  verre,  s'adaptant  aux  es- 
pèces de  salières  dont  l'une  est  décrite  n".  3  ,  et  dont  l'autre 
le  sera  n°.  20. 

12.  Des  fragments  de  bracelet  en  cuivre  et  deux  plaques, 
de  même  métal ,  dont  j'ignore  l'usage. 

13.  Vers  le  milieu  du  cercueil,  deux  ou  trois  autres  co- 
quilles de  saint  Jacques. 

\k.  Un  petit  baril  en  os  ou  ivoire,  noirci  parle  temps, 
haut  de  2  cent,  et  demi  et  ayant  à  ses  extrémités  2  cent,  de 
diamètre. 

15.  Vers  la  poitrine,  quelques  débris  d'ossements. 

16.  Des  épingles  brunes  ,  en  os  ou  ivoire  ,  et  longues  en 
moyenne  de  9  cent. 

17.  Une  sorte  de  pectoral,  également  en  ivoire,  avec  un 
très-petit  cercle  de  même  matière. 

18.  A  main  gauche  du  cadavre,  un  très-beau  style  en 
bronze,  ou  poinçon  ,  qui  servait  aux  anciens  pour  écrire  sur 
des  tablettes  enduites  de  cire  ;  ce  style  a  de  longueur  15c; 
il  est  armé  de  sa  pointe  en  olive  et  de  son  grattoir. 

19.  Au-dessus  du  style,  une  tablette  de  porphyre  ver- 
dàtre  ,  longue  de  12  cent,  1/2  ,  large  de  8  ,  et  épaisse  de 
23  millim. ,  sur  laquelle  on  a  dû  étendre  la  cire. 

20.  Plus  haut ,  près  de  la  tête  encore,  une  sorte  de  salière 
pareille  à  celle  du  n°.  3,  et  pleines  des  mêmes  grains  bril- 
lants (1). 

21.  Des  fragments  du  crâne  et  quelques  dents. 

22.  A  la  droite  de  la  tête ,  c'est-à-dire  à  main  gauche  de 
celui  qui  regarde,  les  fragments  d'une  coupe  sphéroïde  et 
dont  le  verre  est  très-mince. 


(1)  Un  petit  vase  semblable  en  verre  et  revêtu  de  son  couvercle  a 
été  trouvé,  en  1861,  dans  les  ruines  de  l'amphithéâtre  romain  d'An- 
gers; il  nous  a  été  cédé  par  M.   Renault,  employé  de  la  Poste, 


96       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

23.  Un  vase  en  verre,  de  forme  cubique,  surmonté  d'un 
goulot  rond  et  large. 

2k.  Enfin ,  un  second  ferrement  courbé  qui  supportait 
le  couvercle  du  cercueil. 

A  quelle  époque  remonte  cette  sépulture?  On  peut,  je 
crois,  lui  assigner  pour  date  le  IVe.  siècle  de  notre  ère;  et, 
afin  de  ne  pas  nous  répéter  ici,  nous  renvoyons  le  lecteur  aux 
preuves  qui  se  trouvent  longuement  développées  à  ce  sujet 
dans  les  Mémoires  de  la  Société  d'agriculture ,  sciences  et 
arts  d'Angers,  VIe.  volume,  année  18^9,  p.  29-63. 

On  y  verra  également  l'explication  de  la  plupart  des  objets 
cotés  de  1  à  2k. 

Cercueil  n°.  IV. —  Sous  crypte  et  sans  signes  chrétiens. 

Le  27  décembre  18/iS,  toujours  dans  le  cimetière  gallo- 
romain  (gare  du  chemin  de  fer),  vers  le  sud,  vis-à-vis  l'ancien 
octroi  de  la  Croix- Renard,  on  découvrit  le  cercueil  en  plomb 
classé  au  musée  sous  le  n°.  IV.  Il  reposait  sous  une  petite 
crypte  entièrement  formée  de  briques,  la  plupart  à  crossettes; 
cette  crypte  a  été  transportée  daus  sa  masse  au  musée  de 
Toussaint. 

La  tête  était  à  l'ouest  et  les  pieds  à  l'est. 

Le  cercueil  n'a  que  1  mètre  60  centimètres  de  long  sur 
Zh  centimètres  de  large.  Une  monnaie  (grand  module)  fut 
trouvée  sous  le  bras  droit,  mais  elle  est  oxydée.  Une  mèche 
de  cheveux ,  ou  plutôt  un  détritus  de  chevelure ,  se  voyait 
tombant  sur  l'épaule  droite.  Quelques  traces  de  linceul 
étaient  encore  visibles.  Évidemment  cette  bière  renfermait 
une  femme ,  ou  plutôt  une  jeune  fille  :  la  délicatesse  des 
ossements  ,  la  largeur  du  bassin ,  et  cette  chevelure  le 
prouvent.  Aux  quatre  coins  externes  du  cercueil,  je  retirai 
de  gros  clous  dont  la  présence  indiquait  assez  qu'un  cercueil 
de  bois  avait  enveloppé  celui  de  plomb.  Toujours  en  dehors 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUIi.  97 

dudit  cercueil,  à  droite  de  la  tête,  j'aperçus  trois  petits  objets 
en  ivoire  ou  en  os  tournés,  qui  ont  dû  servir  à  la  toilette. 

Près  de  cette  sépulture,  on  distinguait  encore  très-bien 
une  autre  crypte  gallo-romaine,  mais  qui  a  été  fouillée  à  une 
date  inconnue  (  Voir  Mémoires  de  la  Société  d'agricul- 
ture ,  sciences  et  arts  d'Angers  ,  VI*.  volume  ,  année  1849  , 
p.  230)  (1). 

Cercueils  en  pleine  terre,  avec  ou  sans  signes  chrétiens. 

Les  cercueils  trouvés  en  pleine  terre ,  dans  le  cimetière 
gallo-romain  d'Angers,  sont  au  nombre  de  six,  et  classés 
au  musée  sous  les  n08.  II,  III,  V,  VI,  VII  et  VIII. 

Ils  se  divisent  en  cercueils  sans  signes  chrétiens  et  en 
cercueils  avec  signes  chrétiens. 

Nous  avons  vu  que  les  cercueils  n05.  I  et  IV  n'avaient 
aucuns  signes  chrétiens  ;  il  en  est  de  même  des  n05.  V,  VI , 
VII  et  VIII.  Passons-les  en  revue. 

Cercueil  n°.  V.  —  En  pleine  terre  et  sans  signes  chrétiens. 

Le  n°.  V  a  été  découvert  en  juin  1849,  dans  cette  partie 
de  la  gare  qui  confine  à  la  Croix-Renard;  près  de  la  tête, 
tournée  vers  le  sud,  je  recueillis  une  fiole  en  verre,  octogone. 

Cercueil  n°.  VI.  —  En  pleine  terre  et  sans  signes  chrétiens. 

Le  cercueil  classé  au  musée  n°.  VI  a  été  trouvé  dans  les 
mêmes  terrains  que  les  précédents,  le  6  août  1853.  Il  mesure 
lm.  74  de  long  sur  47  cent,  de  large,  et  27  cent,  de  pro- 

(1)  En  1861,  M.  Chapeau,  sculpteur,  découvrit  à  l'est  de  ses  ateliers 
une  sépulture  en  forme  d'auge,  la  tête  au  nord.  Cette  tombe  avait  ses 
paroi»  formées  de  briques  à  rebords,  posées  sur  plat.  Quant  au  cou- 
vercle, il  avait  été  détruit  par  suite  du  forage  d'un  vieux  puits.  Cette 
sépulture  avait  fait  partie  du  cimetière  gallo-romain  d'Angers  (gare 
du  cuemiii  de  fer). 

7 


98       CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

fondeur.  Vers  les  pieds ,  il  est  de  même  dimension  qu'à  la 
tète  ;  celle-ci  se  trouve  au  nord-nord-ouest.  Deux  vases , 
l'un  en  argile  et  l'autre  en  verre  ,  placés  à  l'extérieur  du 
cercueil  du  côté  de  la  tête,  ont  été  maladroitement  brisés; 
le  vase  de  verre  avait  une  forme  cubique.  Ce  cercueil  ren- 
fermait des  objets  de  toilette  ,  savoir  :  deux  grosses  aiguilles 
à  cheveux  et  deux  bracelets  ,  le  tout  en  jais  d'un  noir  très- 
brillant. 

Cette  bière  était  celle  d'une  femme  ou  d'une  jeune  fille , 
auprès  de  laquelle  on  avait  déposé  quelques-uns  de  ses 
objets  de  toilette  (Voir  Mémoires  de  la  Société  d'agriculture, 
sciences  et  arts  d'Angers,  p.  31,  année  1853). 

Cercueil  n°.  VIL — En  pleine  terre  et  sans  signes  chrétiens. 

Ce  cercueil  est  l'un  des  plus  curieux  de  tous;  il  a  été 
trouvé  le  12  septembre  1853,  à  3  mètres  de  profondeur. 
Il  avait  les  pieds  dirigés  vers  sud-sud-est  et  la  tête  vers 
nord-nord-ouest. 

Sa  longueur  est  de  lm.  80;  sa  largeur,  aux  pieds,  de 
50  cent. ,  ainsi  qu'à  la  tête. 

La  hauteur  de  ses  bords  est  de  33  centimètres.  Il  ren- 
fermait encore  des  ossements. 

Mais  ce  qui  lui  donne  un  intérêt  spécial,  ce  sont  les  reliefs 
(  faisant  corps  avec  la  matière  du  cercueil  )  de  cinq  pièces 
romaines ,  trois  de  grand  et  deux  de  petit  module.  Ces 
reliefs,  en  plomb,  sont  probablement  sortis  de  leurs  coins  , 
ou  matrices ,  en  même  temps  que  les  pannes  de  plomb 
composant  les  parois  du  cercueil  ont  été  coulées  et  formées. 
Ces  empreintes  de  pièces  se  voient  très-bien  à  l'intérieur 
du  cercueil,  du  côté  de  la  tête.  Les  trois  grandes  empreintes 
datent  certainement  du  Haut-Empire  ;  quant  aux  deux 
petites,  elles  ne  nous  paraissent  pas  devoir  être  plus  anciennes 
que  les  Posthume  ou  les  Tetricus  (IIP.  siècle)  :  ces  em- 


XXIIe.    SLSSION  ,    A    SAUMUR.  99 

preintes  sont  tellement  frustes  que  nous  croyons  qu'il  est 
à  peu  près  impossible  de  préciser  davantage  le  caractère  de 
leurs  effigies.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  cercueil  appartient  bien 
évidemment  à  la  période  gallo-romaine,  qui  s'ouvre  au  milieu 
du  IIIe.  siècle,  et  qui  se  ferme  avec  le  commencement  du 
Ve.  Et  comme  il  est  reçu  que  le  mode  d'inhumation  succéda 
au  mode  d'incinération  vers  le  commencement  du  IVe.  siècle, 
il  s'ensuit  que  ledit  cercueil  doit  être  postérieur  au  IIIe.  siècle. 

D'un  autre  côté,  il  est  également  admis  que  le  type  romain 
dans  les  monnaies  persista  jusque  sous  les  Mérovingiens.  Ne 
nous  étonnons  donc  point  de  voir  des  empreintes  de  mé- 
dailles du  Haut-Empire  faisant  partie  de  la  substance  de 
notre  cercueil  n°.  VII ,  bien  qu'il  soit  postérieur  au  IIIe. 
siècle,  et  très-probablement  de  la  fin  du  IVe.  ou  même  du 
V*.  siècle.  Mais,  pourquoi  ces  empreintes?  Celte  question 
posée,  nous  croyons  pouvoir  y  répondre  en  disant  que  nos 
empreintes  de  pièces  sont  là  sur  le  cercueil  pour  indiquer  la 
qualité  du  défunt;  or,  cette  qualité  ne  pouvait  être  que  celle 
de  monétaire ,  à  tout  le  moins  de  monnayeur,  noms  divers 
que  l'on  donnait  aux  garants  et  aux  fabricateurs  des  an- 
ciennes monnaies. 

Il  existait,  en  effet,  un  atelier  de  monnayage  à  Angers, 
vers  la  fin  de  l'ère  gallo-romaine. 

Dans  une  notice  insérée  au  t.  XXVI,  année  1860  ,  du 
Bulletin  monumental ,  M.  de  Caumont  passe  en  revue 
les  lieux  de  France  où  l'on  a  découvert  des  cercueils  gallo- 
romains  en  plomb.  Il  cite  Arles ,  Lieusaint ,  près  de  Va- 
lognes;  Rouen,  Beauvais,  Amiens  et  Angers,  qui  possède 
la  plus  nombreuse  collection  de  ces  coffres  funèbres. 

Il  s'attache  particulièrement  à  décrire  le  sarcophage  en 
plomb  de  Lieusaint ,  dont  l'ornementation  se  compose  de 
«  deux  figures  en  buste,  répétées  sur  les  parois,  les  bouts  et 


100  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

«  le  couvercle  du  cercueil ,  et  de  deux  génies  appliqués.  » 
Les  deux  figures  en  buste  sont  la  plupart  encadrées  dans  des 
cercles  dont  le  diamètre  varie  de  62  à  95  millim.  ;  tous  ces 
disques  sont  symétriquement  espacés  à  l'extrados  et  sur  les 
parois  du  cercueil. 

M.  de  Caumont ,  rapprochant  ces  disques  de  ceux  que 
l'on  voit  sur  notre  cercueil  n°.  VII,  émet  le  doute  que  les 
disques  d'Angers  soient  des  empreintes  de  pièces  romaines. 
Mais,  après  vérification  faite  des  empreintes  avec  M.  Barbier 
de  Montault ,  nous  sommes  restés  convaincus  tous  les  deux 
qu'elles  sont  bien  celles  de  cinq  pièces  romaines,  trois  de 
grand  et  deux  de  petit  module. 

Il  n'y  a,  d'ailleurs,  aucune  similitude  entre  les  disques  de 
Lieusaint  et  ceux  d'Angers  ,  ni  dans  le  module  ,  ni  dans  la 
symétrie. 

Depuis  lors,  j'ai  revu  avec  M.  Emile  Amé,  architecte  du 
Gouvernement  et  du  département  du  Morbihan ,  les  em- 
preintes en  question  ;  et  cet  archéologue  distingué  est  non- 
seulement  de  notre  avis,  mais  il  va  plus  loin  encore,  car  il  a 
cru  reconnaître  de  vraies  pièces  romaines  incrustées  dans  le 
plomb. 

Cercueil  n°.    VIII.  —  En  pleine  terre  et  sans  signes  chrétiens. 

Ce  cercueil  en  plomb  fut  trouvé  en  janvier  1855,  toujours 
dans  la  gare  du  chemin  de  fer ,  au  sud-est  de  la  pièce  d'eau 
ovale  qui  sert  à  l'embellissement  du  jardin  anglais.  Cette 
bière  avait  la  tête  vers  le  sud-ouest  et  les  pieds  au  nord-est. 
Elle  ne  contenait  que  des  détritus  d'ossements. 

Il  nous  reste  maintenant  à  parler  des  cercueils  en  pleine 
terre  avec  signes  chrétiens.  Ils  sont  au  nombre  de  deux  ,  et 
classés  au  musée  sous  les  n08.  II  et  III. 

Etudions-les  l'un  après  l'autre. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  101 

Cercueil  n°.  IL  —  En  pleine  terre  avec  signe  chrétien. 

Ce  cercueil  avait  été  trouvé  au  commencement  d'août  1848 
(toujours  gare  du  chemin  de  fer);  des  restes  de  clous 
donnent  lieu  de  croire  qu'il  avait  été  renfermé  dans  un  cer- 
cueil de  bois.  Les  pieds  se  dirigeaient  vers  le  nord  ,  de  1  de- 
gré 12.  Cette  bière  ,  large  aux  épaules  de  55  cent,  et  de 
49  cent,  du  côté  des  jambes ,  a  de  longueur  lm.  85  sur 
36  cent,  de  profondeur. 

Le  couvercle  présente  extérieurement ,  du  côté  de  la  tête, 
une  sorte  de  temple  en  relief,  formé  de  deux  colonnes  et 
d'un  fronton  triangulaire.  Au-dessous  paraît  un  chi  (X)  grec. 
Cet  édicule  a  de  hauteur  47  cent.  ,  et  chacun  des  bâtons 
croisés  du  chi  24  cent.  Les  moulures  formant  les  colonnes  et 
le  fronton  ressemblent  à  des  perles  longues ,  qui  seraient 
soudées  les  unes  au  bout  des  autres  au  moyen  d'annelets. 
Dans  une  autre  province ,  sur  les  couvercles  en  plomb  de 
deux  sépultures  gallo-romaines,  on  a  trouvé  des  X  perlés 
(Voir  Notice  de  M.  Mathon  ;  Béarnais,  1856). 

Sous  le  couvercle  cintré  et  maintenu  par  trois  petits  ar- 
ceaux en  fer  de  notre  cercueil  n°.  II,  nous  découvrîmes  un 
squelette.  Sa  main  droite  ,  placée  sur  le  bas-ventre ,  tenait 
une  monnaie  très-fruste  ,  sur  l'un  des  côtés  de  laquelle  je 
distinguai  les  empreintes  d'un  tissu  ;  j'en  ai  conclu  que  le 
corps  avait  dû  être  enveloppé  dans  un  suaire.  Cette  monnaie 
appartient  à  la  classe  des  médailles  romaines  dites  de  moyen- 
bronze. 

Cette  sépulture ,  malgré  sa  monnaie  évidemment  placée 
dans  la  main  du  cadavre  pour  solder  le  passage  de  l'Achéron, 
nous  paraît  se  rattacher  au  christianisme.  Le  chi  grec  ,  lettre 
initiale  du  monogramme  du  Christ ,  X/m'cttoç,  en  fait  preuve  ; 
on  voit  souvent,  dit  Batissier ,  p.  354,  dans  les  catacombes 
les  lettres  ï ,  X ,  I ,  Il  ;  la   première  est  le  tau,  qui  est , 


102  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

d'après  L'zéchieJ,  un  signe  salutaire  ci  préservatif  ;  la  lettre  X 
signifie  la  croix,  elc. ,  etc.  On  regarde  I  et  H  comme  les 
initiales  du  Christ.  Ajoutons  que  le  petit  temple  n'est  pas 
sans  avoir  une  certaine  analogie  avec  ceux  marqués  sur  plu- 
sieurs pièces  carlovingienncs;  non  que  je  veuille  dire  que  le 
cercueil  en  question  soit  du  IXe.  siècle  ,  car  je  le  crois  au 
contraire  de  la  fin  du  IVe.  ;  mais  je  cherche  par  ce  rappro- 
chement à  établir  que  le  petit  temple  eu  relief  a  autant  sa 
raison  d'être  d'origine  chrétienne  que  le  même  type  offert 
par  nos  pièces  carlovingienncs. 

Sur  notre  cercueil  n°.  II ,  divers  éléments  religieux  sont 
donc  en  présence  :  l'un  -païen  ,  l'autre  chrétien;  ce  qui  nous 
détermine  à  dire  qu'il  doit  appartenir  à  cette  période  du 
milieu  du  IV*.  siècle  (1),  durant  laquelle  s'opéra  en  Anjou  la 
transition  du  paganisme  au  christianisme. 

Son  orientation  n'est  pas  chrétienne,  les  pieds  n'étant  point 
à  l'est,  mais  au  nord;  d'où  il  suit,  réflexion  faite,  que  nous 

(1)  Nous  croyons  pouvoir  attribuer  au  même  siècle  un  tombeau 
chrétien  qui  existait  autrefois  dans  l'église  St.-Maurille  d'Angers,  place 
du  Ralliement,  tombeau  dont  notre  exposition  de  1858  a  mis  en  lu- 
mière un  dessin  aussi  rare  que  curieux,  sous  le  n°.  £03  du  catalogue. 
Feu  M.  Audou)s  ,  dans  une  note  manuscrite,  décrit  ainsi  cetle  sépul- 
ture, qui  disparut  à  la  Révolution  :  «.  Dans  un  caveau  sous  le  chœur  de 
«  l'église  collégiale  de  St.-Maurille,  à  la  gauche  du  chœur,  en  entrant, 
«  existe  le  plus  ancien  monument  sur  lequel  nous  puissions  fonder 
■  quelqu'époque  de  la  religion  chrétienne  en  Anjou  ;  il  est  l'un  des 
«  seize  tombeaux  qui  se  voient  dans  les  cryptes  souterraines  prati- 
«  quées  sous  le  grand-autel  de  l'église  T\  collégiale  de  St.  - 
.  Maurille  d'Angers  ;  on  y  voit  le  chrisme  J!>|<^  auls'  que  le  grand 
«  Constantin  l'arbora  dans  l'étendard  de  l'Empire,  mais  auquel  sont 
«  ajoutées  les  lettres  grecques  A  et  il,  ce  qui  ne  convient  qu'au  temps 
u  de  Magnence  qui ,  s'étant  fait  proclamer  empereur  dans  les  Gaules, 
.  où  il  se  maintint  depuis  Panuée  350  jusqu'en  353,  fit  ajouter  ces 
«  deux  lettres  dans  son  étendard  et  sur  les  monnaies.   » 


XXIX*.    SESSION,    A   SAUMUR.  103 

nous  rangeons  du  côté  de  ceux  qui  pensent  que  le  défunt  du 
cercueil  n°.  II  doit  être  classé  parmi  ces  païens  qui ,  à 
l'exemple  d'Alexandre-Sévère  et  des  Gnostiques,  admettaient 
dans  leurs  croyances  divers  symboles  du  christianisme. 

Cercueil  n°.  III.— En  pleine  terre  et  avec  signe  chrétien. 

Ce  cercueil  fut  découvert  le  17  novembre  1848,  dans  la 
même  région  que  les  sept  autres ,  mais  à  l'est  de  la  gare. 
La  tête  était  dirigée  vers  le  sud.  Sur  le  couvercle,  au  sommet 
de  la  poitrine,  on  voit  une  croix  à  six  branches.  Le  défunt, 
dans  sa  droite  ,  tenait  une  pièce  de  monnaie 
(  moyen-bronze  )  à  l'effigie  de  Constantin  ,  en- 
tourée de  la  légende  : 

IMP.  CONSTANTINVS.  PF.  AUG. 
rç)  :  PRINCEPS  JVVENTVTIS. 

Le  champ  :  S.   A. 
L'exergue:   P.  T.   R. 

Ce  cercueil  était  en  pleine  terre,  à  lm.  80  de  profondeur. 
Il  a  légèrement  plus  de  largeur  vers  la  tête  que  du  côté 
des  pieds. 

Le  chrisme ,  à  six  branches ,  est  analogue  à  de  pareils 
emblèmes  que  nous  avons  aperçus  dans  les  Catacombes  de 
Rome.  Il  m'est  impossible  de  ne  pas  voir  ici  une  sépulture 
chrétienne. 

En  résumé,  les  nombreuses  urnes  et  nos  huit  cercueils  de 
plomb  prouvent  que  le  procédé  d'incinération  et  celui  d'in- 
humation  ont  été  successivement  en  usage  dans  le  cimetière 
gallo-romain  d'Angers.  Je  dis  successivement ,  car  plusieurs 
cryptes  funèbres  furent  construites  dans  des  fosses  cinéraires, 
qui  présentèrent ,  sous  les  maçonneries ,  une  couche  de 
cendre  de  0m.  10  d'épaisseur. 


iOk  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

Parlons  maintenant  de  divers  objets  trouvés  dans  le  même 
cimetière,  et  qui  se  rapportent  directement  ou  indirectement 
aux  sépultures. 

Lampes  sépulerales. 

Ces  lampes  sont  de  deux  sortes:  les  unes  en  terre  cuite  , 
sans  grand  intérêt,  et  les  autres  en  bronze.  De  ces  dernières , 
la  plus  élégante  est  en  forme  de  croissant  dont  les  pointes 
arrondies ,  ou  plutôt  les  deux  becs  recevaient  chacun  un 
faisceau  de  mèche  très-mince;  la  poignée-,  en  forme  de 
feuille,  s'attache  à  la  partie  centrale  de  la  courbe  externe. 
La  seconde  lampe  n'a  qu'un  seul  bec  ovale  ;  le  bassin  d'huile 
est  rond  et  se  trouve  surmonté  d'un  croissant  qui  sert  de 
poignée;  ces  deux  lampes  appartiennent  au  musée  d'anti- 
quités d'Angers. 

M.  Aimé  de  Soland  en  possède  une  de  pareil  métal, 
également  ornée  du  croissant  et  trouvée  dans  le  même  ci- 
metière antique  (1). 

Le  croissant  ne  peut  être  ici  l'effet  d'un  caprice ,  il  a 
nécessairement  un  sens  symbolique.  Sur  nos  trois  lampes  , 
il  doit  être  l'emblème  d'Hécate ,  fille  de  la  Nuit  et  la  Diane 
des  enfers.  «  On  sait  que  les  disciples  de  Pylhagore,  de 
Socrate  et  de  Platon  partageaient  les  morts  en  trois  classes  : 
les  saints,  les  imparfaits  et  les  impies.  Il  les  logeaient  dans 
trois  endroits  différents.  Les  âmes  innocentes  montaient  au 
ciel  ;  les  âmes  des  imparfaits,  ne  pouvant  pas  s'élever  tout  d'un 
coup  jusqu'au  ciel,  étaient  reçues  dans  le  globe  de  la  lune,  et 
là,  obligées  d'habiter  dans  les  vallées  d'Hécate,  jusqu'à  ce 
que,  purifiées  et  dégagées  de  cette  vapeur  qui  les  avait  em- 
pêchées d'arriver  au  séjour  céleste,  elles  y  parvinssent;  enfin, 
les  vallées  d'Hécate  répondent  au  purgatoire  des  chrétiens. 

(1)  Voir  la  note  de  M.  de  Soiand  ,  t.  V ,  p.  137,  Mémoires  de  la 
Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Angers. 


XX1X%    SESSION,    A   SAUMUR.  105 

«  Quant  aux  âmes  de  la  troisième  classe  ,  elles  étaient 
à  la  sortie  de  leur  corps  environnées  d'épaisses  ténèbres  qui , 
les  empêchant  de  s'élever  au  ciel ,  les  tenaient  toujours 
errantes  autour  de  leurs  tombeaux  ;  elles  portaient  les  noms 
de  Lamies,  Larves,  Lémures.  Bien  loin  de  prier  pour  ces 
âmes,  les  païens  les  maudissaient;  de  là  certaines  formules 
qu'on  mettait  sur  les  tombeaux ,  pour  empêcher  qu'on  ne  fil 
des  imprécations  contre  les  mânes  des  défunts  :  Quisquis  es  , 
parce  manibus  et  maleilicere  noii  (1).   » 

Nos  lampes  à  croissant  s'adressaient  évidemment  aux  dé- 
funts que  l'on  croyait  devoir  appartenir  à  la  seconde  classe  ; 
elles  étaient  placées  dans  les  sépultures  à  titre  d'invocation 
à  Hécate ,  déesse  qui  pouvait  prolonger  plus  ou  moins 
long-temps  le  séjour  des  âmes  des  imparfaits  dans  ces  vallées 
d'expiation.  «  Hécate  était  la  déesse  des  sortilèges  ;  elle 
«  personnifiait  la  lune  brillant  dans  l'obscurité  des  nuits...  ; 
«  elle  régnait  au  milieu  des  fantômes.  »  (  De  l'astrologie  et 
de  la  magie,  p.  5.  Revue  de  Leleux,  lre.  livr. ,  15  avril  1859.) 

Buste  et  statuettes. 

Dans  le  même  cimetière,  on  découvrit  en  1848  un  petit 
buste,  haut  de  0'".  13  cent.  1/2,  en  terre  de  pipe.  Des 
figurines  semblables  ont  été  trouvées  dans  le  Finistère,  ainsi 
qu'au  Vieil-Évreux  (  Voir  Bulletin  monumental  de  M.  de 
Caumont,  année  1856,  p.  452). 

On  remarque,  au  bas  de  noire  petit  buste  (Musée  des 
antiquités),  une  feuille  deJierfe.  La  présence  de  celte  plante, 
dédiée  à  Bacchus ,  et  le  sourire  du  petit  personnage  nous 
disposent  à  croire  que  cette  figurine  représente  un  Bacchus 
enfant,  sans  barbe  et  joufflu. 

(1)  Page  364,  t.  Ier.,  du  Rational  de  Guillaume  Durand,  traduction 
et  notes  de  M.  Charles  Barthélémy,  de  Paris.  1854. 


106      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Mais  qu'a-t-il  à  voir  au  milieu  des  tombeaux ,  ce  dieu 
du  plaisir  et  de  la  joie?  Je  n'en  sais  rien,  à  moins  que  l'on 
ne  veuille  trouver  dans  la  croyance  que  les  anciens  avaient, 
qu'il  était  venu  deux  fois  au  monde  (dithyrambus) ,  un 
emblème  de  double  vie,  c'est-à-dire  d'immortalité. 

Je  ne  m'explique  pas  mieux  la  découverte,  que  l'on  fit  au 
même  endroit,  d'une  Vénus  Anadiomène  (sortant  de  l'eau). 
Celte  statuette,  en  terre  de  pipe,  de  15  cent,  de  hauteur, 
est  aujourd'hui  déposée  au  musée  d'antiquités. 

Je  m'explique  encore  moins  cette  idole  affreuse  qui  tient 
de  l'ours  et  du  renard,  et  qui  porte  à  son  cou  un  collier  d'où 
pend  une  sorte  d'amulette.  Cette  statuette,  également  en 
terre  de  pipe  ,  se  voit  au  Musée  d'Angers  en  double  original. 
Vers  1849,  nous  en  remarquâmes  une  semblable  au  Musée 
du  Mans. 

Pareil  embarras  pour  une  statuette  d'Apollon  en  terre  cuite 
vernissée  ,  et  trouvée  dans  la  même  région. 

Cependant ,  si  nous  ne  nous  rendons  pas  compte  de  la  pré- 
sence particulière  de  ces  divinités  dans  ce  lieu  funèbre , 
nous  croyons  voir  du  moins  dans  leur  ensemble  l'expression 
de  celte  idée  que  l'on  plaçait  les  morts  sous  la  protection  des 
dieux. 

M.  le  président  de  La  Prairie  dit  qu'il  a  trouvé  à  Soissons 
un  tombeau  gallo-romain  avec  des  médailles  de  l'an  322  ; 
l'incinération  a  dû  durer  jusqu'à  cette  époque  ;  le  tombeau 
renfermait  des  cendres. 

M.  de  Caumont  parle  de  cercueils  en  plomb  trouvés  à 
Beauvais  et  à  Rouen  ,  peut-être  postérieurs  à  l'an  300  ; 
d'autres  correspondant  à  l'époque  de  l'incinération. 

M.  Bouet  donne  quelques  détails  sur  le  cercueil  de 
Lieusaint ,  décrit  dans  le  Bulletin  monumental  par  M.  de 
Caumont ,  et  sur  la  partie  antérieure  duquel  se  voient  deux 


XXIXe.    SESSION  ,    A    SAUMUB. 


107 


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108  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

génies  symboliques  portant  des  flambeaux ,  tandis  que  les 
extrémités  et  le  dessus  sont  ornés  de  médaillons  présentant 
des  figures. 

M.  le  Président  parle  d'un  cylindre  en  plomb  déposé  au 
musée  de  Soissons  et  renfermant  une  urne  cinéraire. 

M.  de  Gaumont  présente  ,  à  ce  sujet ,  le  dessin  de  l'enve- 
loppe en  plomb  d'une  urne  qui  existe  au  musée  de  Rouen. 


Il  parle  ensuite  d'un  cercueil  en  plomb  ,  trouvé  à  Arles  , 
renfermant  une  jeune  fille  avec  une  partie  de  ses  vêtements. 
Ce  sarcophage  était  accompagné  d'une  table  en  marbre ,  sur 
laquelle  est  gravée  une  épitaphe  en  vers  qui  a  été  publiée 
dans  le  Bulletin  monumental. 

M.  Imbert  ,  de  ïhouars ,  signale  une  sépulture  où  il  a 
trouvé  des  ossements ,  des  urnes  en  terre  rouge  avec  des 
cendres;  —  il  parle  aussi  d'un  cimetière  mérovingien  à 
Luché,  et  d'une  découverte  de  plusieurs  tombeaux  en  briques. 

M.  Dalanoy ,  de  Parthenay  ,  mentionne  des  tombeaux 
gallo-romains,  à  Gourgé,  creusés  dans  la  pierre. 

M.  Courtillier  parle  des  objets  romains  du  musée  de  Sau- 
mur  ;  ces  notes  seront  reproduites  lors  de  la  visite  du  musée. 


XXIX*.    SESSION  ,    A   SAUMUIÎ. 


109 


Églises  antérieures  à  l'an    lOOO. 

On  passe  à  la  question  suivante  : 

A-t-on  trouvé,  dans  la  région,  des  églises  autres  que 
celles  signalées  depuis  long-temps  par  M.  de  Caumont ,  qui 
puissent  remonter  à  l'époque  mérovingienne  ou  carlo- 
vingienne  ? 

Quand  M.  de  Caumont  vint  explorer  l'Anjou  en  1830  , 
époque  à  laquelle  il  professait  son  Cours  d'antiquités,  il  visita 
les  églises  que  Bodin  citait  comme  ayant  été  des  temples 
païens  ,  et  d'autres  qui  avaient  des  caractères  incontestables 
d'ancienneté. 

Ce  fut  alors  que,  pour  la  première  fois,  l'église  de  Sa- 
venières  fut  dessinée  et  lilhographiée ,  que  parut  aussi  la 
porte  de  St.-Eusèbe  de  Gennes ,  que  des  spécimens  des 
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FENÊTRES    ET    APPAREILS    DE    SAINT-GÉNÉROUX. 

appareils  de  St. -Martin   d'Angers,  de  St. -Généraux 


et  du 


110      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Ronceray  furent  donnés  dans  l'Atlas  du  Cours  d'antiquités 
monumentales.  Plus  tard ,  M.  de  Caumont  visita  Suèvres , 
Gravant  et  quelques  autres  églises  des  bords  de  la  Loire 
dont  l'ancienneté  ne  paraît  pas  douteuse. 

M.  de  Caumont  a  donné,  soit  dans  son  Cours,  soit  dans 
le  Bulletin  monumental ,  des  types  suffisants  pour  séparer 
en  deux  classes  les  édifices  antérieurs  à  l'an  1000  ou  plutôt 
les  portions  d'édifice  ;  car  la  plupart  ont  été  allongés  ou  en 
partie  refaits ,  et  souvent  il  ne  reste  que  des  portions  de  la 
construction  primitive.  Ces  parties  méritent  la  plus  grande 
attention;  on  en  trouvera  nécessairement  beaucoup  d'autres 
en  examinant  certaines  églises  rurales ,  et  c'est  dans  le  but 
de  provoquer  cette  étude  dans  l'Anjou  et  la  Touraine  que 
la  question  a  été  posée  par  le  bureau  de  la  Société  française 
d'archéologie. 

M.  Godard-Faullrier  demande  la  parole  pour  indiquer 
une  église  antérieure  à  l'an  1000  dans  la  commune  de  Cisay 
(en  latin  Sisiacutn)  ,  canton  de  iMontreuil-Bellay,  arrondis- 
sement de  Saumur. 

Je  la  visitai  ,  dit-il,  vers  1859  ,  avec  H.  l'abbé  Barbier  de 
Montault,  et  nous  sommes  tombés  d'accord  que  la  murailie 
septentrionale  de  la  nef  de  celte  église  appartient  à  l'époque 
mérovingienne. 

Je  l'ai  signalée,  le  12  juin  1861 ,  dans  un  Rapport  adressé 
au  Ministre ,  en  ces  termes  : 

«  On  y  trouve  le  petit  appareil  connu  sous  le  nom  d'opus 
«  spicatwn ,  coupé  par  une  bande  horizontale  où  s'alternent 
c  de  petits  frontons  triangulaires ,  de  petites  arcades  en 
t  plein-cintre  et  des  trumeaux  carrés.  Cet  ornement  est 
«  très-rare.  Les  types  qui  s'en  rapprochent  le  plus  se  ren- 
«  contrent  à  l'église  de  St. -Généraux f  sise  en  Poitou  ,  et  à 
«  celle  de  Cravant,  près  de  Chinon.  » 

La   Commission    archéologique  d'Angers  désire   d'autant 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  111 

plus  la  conservation  de  cette  partie  de  l'église ,  qu'il  est 
fait  mention  de  cet  édifice  dans  une  charte  de  Dagobert  Ier., 
imprimée  dans  Hiret,  écrivain  de  l'an  1618,  p.  96. 

Je  sais  que  cette  charte  n'est  pas  à  l'abri  de  reproches  au 
point  de  vue  des  formes  (1).  De  maladroits  copistes  en  ont 
compromis  l'authenticité  ;  mais  le  fond  reste  et  se  vérifie 
d'ailleurs  par  son  rapprochement  avec  le  type ,  incontesta- 
blement mérovingien  ,  de  la  muraille  en  question. 

Celte  église  de  Cisay  est  sous  le  patronage  de  saint  Denis  ; 
on  y  voit  ce  saint  portant  sa  tête  entre  ses  mains. 

Le  chœur  est  du  XIIIe.  siècle ,  et  la  travée  qui  le  précède 
du  XIIe. 

On  y  voit  un  siège  abbatial,  en  bois,  du  XVIIe.  siècle; 
il  provient  de  l'ex-abbaye  d'Asnières,  voisine  de  Cisay. 

M.  de  Caumonl ,  après  avoir  rappelé  la  disposition  des 
églises  avec  chaînes  et  ornements  de  briques ,  présente  un 
dessin  de  la  façade  de  celle  de  St. -Christophe  à  Suèvres,  près 
Mers  (  Loir-et-Cher)  ,  que  nous  reproduisons  à  la  page  sui- 
vante. La  brique  y  est  disposée  de  manière  à  produire  une 
ornementation  rappelant  celle  de  Savenières,  publiée  dans  la 
he.  partie  du  Cours  d'antiquités  monumentales. 

Dans  une  région  différente,  à  Chassenon  (Charente),  la 
brique  avait  été  employée  à  peu  près  de  la  même  manière 
dans  la  façade  de  l'église. 

M.  de  Cauniont  parle  ensuite  des  églises  de  St. -Martin 
d'Angers  ,  St.-Eusèbe  et  autres ,  et  de  St.-Lubin  ,  bâtie  sur 
un  débris  de  temple  romain  ,  dont  un  des  murs  a  été 
utilisé  dans  la  construction  actuelle  (Voir  la  page  113). 
Une   inscription    dédicatoire  à   Apollon  atteste  que  ce  dieu 

(4)  Voir  Diptomata,  etc.,  prius  collecta  de  Bréquigny,  et  Laporte 
du  Theil.  — 1843,  t.  II,  p.  8,  Diplôme,  n".  cclii. 


112 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


FAÇADE    DE    L'ÉGLISE    SAINT-CHRISTOPHE ,     A    51ÈVRE5. 

Nota.  — ta  fenêtre  supérieure  a  ét<5  porcée  aprcs  coup,  il  n'y  en  a  que  deux  d'anciennes. 


XXIXe.    SESSIOpj,    A    SAUMU1Î. 


113 


\\h  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

y  était  adoré.  Dans  le  clocher  de  l'église  de  St.-Lubin, 
qui  peut  dater  du  XIe.  siècle ,  M.  de  Tracy,  membre  de  la 
Société  française  d'archéologie ,  a  signalé  un  chapiteau  en 
marbre  pareil  à  celui  de  Jouarre ,  figuré  dans  Y  Abécédaire 
d'archéologie. 


M.  de  Galembert  signale  le  petit  appareil  dans  une  série 
de  nefs  d'églises  dont  les  chœurs  n'ont  été  faits  qu'à  une 
époque  postérieure  :  à  Langeais ,  le  petit  appareil  existe , 
mais  sans  briques;  à  Chaumont  et  à  Tavaux,  les  églises  sont 
en  grand  appareil.  M.  de  Galembert  pense  que  le  petit  ap- 
pareil est  le  plus  ancien. 

M.  Raimbault  signale  les  églises  de  Chétigné ,  Rou  ,  St.- 
Hilaire-d'Epicea,  construites  en  petit  appareil. 

M.  Joly  cite  l'église  de  Verrie,  en  moellon  dur  brut, 
posé  en  arête  de  poisson. 

M.  de  Verneilh  observe  que  les  églises  à  petit  appareil 
n'avaient  pas  de  voûtes  ;  St.-Hilaire  de  Poitiers,  primitive- 
ment, n'en  possédait  pas.  Il  devait  exister  là  pourtant  une 
grande  église  au  Xe.  siècle.  —  L'église  du  Ronceray  d'Angers 
(XIe.  siècle)  est  voûtée  en  berceaux,  posés  transversalement; 
ce  système  a  été  souvent  employé  dans  ie  midi.  A  St.-Seurin 
'de  Cordeaux ,  les  bas-côtés  sont  voûtés  en  berceau. 


XXIV.    SESSION,    A   SAUMUK.  115 

M.  Godard  mentionne  l'église  de  St. -Rémi,  construite  en 
petit  appareil  (IXe.  siècle?);  l'église  a  été  fondée  à  cette 
époque;  le  chœur  est  du  XIIe.  siècle. 

M.  Segretain  signale  l'église  de  Civaux  (Vienne) ,  où  l'ap- 
pareil du  XIe.  siècle  se  mêle  à  un  appareil  plus  ancien  (petit 
appareil);  dans  l'église  d'Airvaux  on  a  employé  des  frag- 
ments d'appareil  en  arête  de  poisson,  restes  d'une  construc- 
tion plus  ancienne. 

M.  Joly  parle  de  St. -Serge  :  les  piliers  du  transept  ont  de 
la  brique  ;  la  première  fondation  date  du  VIIe.  siècle.  A 
Notre-Dame  de  Poitiers ,  du  côté  nord  ,  sous  la  tour ,  existe 
un  fragment  de  mur  avec  chaînes  de  briques;  appareil  al- 
longé comme  celui  de  St. -Jean  ,  de  la  même  ville  ,  lequel  a 
été  cité  déjà  par  M.  deCaumontdansle  Bulletin  monumental. 

La  nef  de  Notre-Dame  de  Poitiers  est  du  XIe.  siècle  ; 
son  portail ,  du  XIIe. 

M.  de  Caumont  recommande  à  la  Société  de  Tours  et  aux 
antiquaires  de  l'Anjou  de  surveiller  la  curieuse  église  de  Cra- 
vant,  décrite  par  lui  dans  le  Bulletin  monumental ,  et  qui  va 
cesser  de  servir  au  culte  par  suite  de  la  construction  d'une 
église  neuve  ;  il  propose  d'émettre  un  vœu  pour  sa  conserva- 
tion. Le  Congrès  adopte  à  l'unanimité  cette  proposition. 

M.  Imberl  signale  l'église  de  Tourtenay,  en  petit  appareil 
avec  fenêtres  à  plein- cintre,  comme  devant  être  au  moins 
du  commencement  du  XIe.  siècle. 

M.  de  Caumont  demande  que  des  dessins  soient  faits  de 
toutes  ces  églises.  M.  Joly  en  apportera.  M.  de  Galerabert 
a  déjà  préseuté  les  dessins  de  St. -Julien  de  Tours,  par 
M.  Guérin  ,  architecte  diocésain. 

M.  Segretain  signale  une  église ,  dédiée  à  saint  Fort ,  qui 
doit  être  du  commencement  du  XIe.  siècle;  M.  Godard  , 
une  chapelle  du  Lion-d'Angers,  qui  porte  le  même  nom 
s'appliquant  au  Sauveur. 


116  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Mi  Lambert  parle  de  l'église  St.-Laumer  de  Blois ,  qui 
doit  être  du  XIe.   siècle. 

M.  de  Caumont  prend  la  parole  et  fait  la  communication 
suivante  : 

Cette  séance  étant  consacrée  à  l'étude  des  caractères  de 
l'architecture  et  de  la  sculpture  mérovingiennes ,  je  dois 
vous  faire  connaître  la  suite  que  je  donne  aux  recherches 
relatives  à  l'histoire  de  l'art  à  cette  époque.  J'ai  fait  mouler 
les  chapiteaux- de  la  crypte  de  Jouarre  et  d'autres  de  la 
crypte  de  St.-Brice  de  Chartres  et  de  la  basilique  de  Sl.- 
Remi  de  Reims. 

Notre  musée  possède  également  de  bons  moulages  de  quel- 
ques chapiteaux  de  St.  -Jean  de  Poitiers ,  et  nous  aurons 
bientôt  une  collection  précieuse  d'objets  mérovingiens  ;  je 
continue  ,  d'ailleurs ,  de  faire  dessiner  tous  les  cercueils 
chrétiens  en  marbre  des  premiers  siècles  ,  dont  le  midi  de  la 
France  est  encore  assez  riche. 

Ces  moulages  et  ces  dessins  réunis  nous  donneront  des  no- 
tions assez  précises  sur  l'état  de  l'art  dans  les  premiers  siècles 
chrétiens. 

L'année  dernière  ,  la  Société  française  d'archéologie  , 
réunie  à  Bordeaux  pendant  la  session  du  Congrès  scienti- 
fique de  France,  visita  la  crypte  de  l'église  St. -Seurin,  si 
intéressante  par  ses  sarcophages  mérovingiens  en  marbre. 
Nous  remarquâmes,  le  long  des  murs ,  quelques  plaques  de 
marbre  de  la  même  époque,  ornées  comme  eux  de  moulures. 
Ces  espèces  de  médaillons  me  frappèrent ,  et  je  priai  M.  Du- 
rand, architecte,  d'en  faire  des  moulages  pour  le  musée  plas- 
tique de  la  Société  ,  en  même  temps  que  j'engageai  M.  Léo 
Drouyn  à  les  dessiner.  L'un  et  l'autre  ont  accédé  à  mon 
vœu.  Les  plâtres  représentant  ces  débris  curieux  de  l'orne- 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUR.  117 

mcntation  mérovingienne  me  sont  arrivés  ,  et  je  puis  vous 
présenter  les  dessins  qu'en  a  fait  M.  Léo  Drouyn. 


SCULPTURES    MÉROVINGIENNES    SUR    DES    PLANCHES   DE    MARBRE 
DANS    LA    CRÏPTE    DE    SAINT-SEURIN,    A    BORDEAUX. 

Je  pense  que  ces  plaques  de  marbre  ont  pu  faire  partie 
de  la  balustrade  d'un  sanctuaire,  ou  décorer  le  pourtour 
d'une  abside. 


118      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


SCULPTURES   MEROVINGIENNES   SUR  DES   PLANCHES   DE    MARBRE 
DANS     LA    CRYPTE    DE    SAINT-SEURIN,    A    BORDEAUX. 

Je  trouve  dans  l'ouvrage  de  M.  Albert  Le  Noir  une  es- 
quisse des  clôtures  du  chœur  de  Ste.-Marie-Transtevère,  qui 
se  composaient  de  tables  de  marbre  couvertes  d'ornements 
maintenus  dans  leur  position  verticale,  et  qui  ont  été  em- 
ployées dans  le  pavage  lors  de  la  reconstruction  de  cette  basi- 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUlt.  H9 

lique  au  XII».  siècle  ;  on  voit  que  ces  plaques  ont  beaucoup 


de  ressemblance  avec  celles  de  St.  -Seurin  de  Bordeaux. 

Un  de  ces  dessins  a  le  plus  frappant  rapport  avec  une 
autre  plaque  mérovingienne  que  voici  (V.  la  page  suivante), 
et  qui  se  trouve  aujourd'hui  dans  le  mur  de  l'église  de 
Bayon  (,'Gironde)  où  elle  a  été  dessinée  par  M.  Léo  Drouyn, 
sur  l'indication  de  M.  Paul  de  Chasteigner  auquel  on  en  doit 
la  conservation. 

M.  de  Caumont  donne  ensuite  quelques  détails,  d'un  haut 
intérêt  et  tout-à-fait  neufs,  sur  plusieurs  églises  présumées 
carlovingiennes. 


A  la  fin  de  la  séance ,  M.  le  docteur  Bouchard  présente  , 
de  la  part  de  M.  de  Beauvois .  d'Angers,  une  tête  d'ange  en 


120      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

o.éS 


SCULPTURE   MÉROVINGIENNE   DANS    L'ÉGLISE   DE   BATON    (  GIRONDE). 


XXir.    SESSION,    A   SALMUR.  121 

plâtre,  provenant  de  la  chapelle  de  Ste.  -  Croix ,  à  Leiches, 
carrefour  des  Célestins  ;  l'original  est  en  ergasse ,  pierre  cal- 
caire du  pays.  Cette  sculpture ,  dont  l'original  est  à  Angers  , 
est  du  XVI'.  siècle  et  d'un  beau  caractère. 

Le  Secrétaire, 

De  L'Épinay. 


VISITE  A  CHENEHUTTE,  SAINT-MACÉ,  TREVES,  BERNES, 
CUNAULT  ET  SAINT-FLORENT 

(Le    5    juin    1862). 

Présidence  de  M.  de  Caumom1. 

M.  Victor  Petit,  secrétaire-rapporteur. 

ConforméDienl  au  programme  ,  la  première  excursion  ar- 
chéologique, dans  les  environs  de  Saumur,  a  eu  lieu  le  mardi 
3  juin.  Celte  excursion ,  favorisée  par  un  très-beau  temps , 
a  présenté  le  plus  vif  intérêt. 

Presque  tous  les  membres  du  Congrès  ont  pris  part  à 
l'excursion 

Le  départ  a  eu  lieu  à  5  heures  du  matin,  dans  une  série 
d'omnibus  et  de  voitures.  MM.  Louvet  et  Maillaud  avaient 
bien  voulu  offrir  ,  avec  la  plus  grande  obligeance  ,  un  certain 
nombre  de  places  dans  leurs  voitures  particulières. 

Après  avoir  longé  le  champ  de  manœuvre  de  l'école  de 
cavalerie  de  Saumur,  on  traversa  la  jolie  et  fertile  vallée 
du  Thouet  ;  puis  ,  laissant  à  gauche  pour  y  revenir  plus  tard 
l'ancienne  abbaye  bénédictine  de  St.-Florent-lès-Saumur , 
on  traversa  successivement  les  villages  de  St. -Florent  et  de 
St.-Hilaire,  tous  deux  situés  à  la  base  d'une  belle  colline 
dominant  la  rive  gauche  du  Thouet ,  à  peu  de  distance  du 


r^ 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUK.  123 

confluent  de  celte  rivière  dans  la  Loire.  D'épais  et  nombreux 
massifs  d'arbres  cachent  le  fleuve  et  entourent  plusieurs 
habitations  bourgeoises,  situées  d'une  manière  pittoresque  au 
fond  ,  ou  sur  le  penchant  de  charmants  petits  vallons  boisés 
qui  se  succèdent  à  notre  gauche ,  et  qui  sont  creusés  dans 
le  massif  de  pierre  tendre,  dite  tuffeau,  dont  l'exploitation  , 
comme  matériaux  à  bâtir,  occupe  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  un  nombre  considérable  d'ouvriers  désignés  sous  le 
nom  de  bêcheux  de  tuffeau. 

De  distance  en  distance,  on  entrevoit,  au  milieu  de  vergers, 
de  pittoresques  petits  manoirs  datant  des  XVe.  et  XVIe.  siècles, 
habités  aujourd'hui  par  des  familles  de  laboureurs  ou  d'ou- 
vriers carriers. 

Les  Tuffeaux. — On  arrive  bientôt  au  village  des  Tuffeaux, 
bâti  sur  le  bord  de  la  Loire  et  à  la  base  d'une  haute  colline 
dont  le  sommet  aplani  est  occupé  par  le  camp  romain  de 
Chenehutte,  célèbre  en  Anjou,  et  qui  sera,  après  la  visite  de 
l'église,  l'objet  d'une  exploration. 

L'église  des  Tuffeaux ,  construite  le  long  de  l'ancien 
chemin ,  est  fort  ancienne  et  orientée  au  sud-est  par  suite 
de  la  disposition  du  sol ,  dont  le  peu  de  largeur  ne  permet 
pas  l'orientation  traditionnelle.  On  remarque  la  tour  carrée 
du  clocher,  laquelle,  s'élevant  au-dessus  de  l'abside,  offre 
quelqu'intérêt  par  suite  de  la  disposition  de  quatre  colon- 
nettes  engagées  à  demi  dans  la  muraille  ,  et  dont  les  bases 
présentent  la  forme  de  véritables  chapiteaux.  Le  haut  du 
clocher  ,  terminé  par  une  pyramide  en  pierre  ,  est  éclairé 
par  quatre  fenêtres  à  plein-cintre,  divisées  par  deux  arca- 
tures  s'appuyant  sur  des  colonnes  assez  courtes ,  mais  dont 
les  chapiteaux  ,  qui  ont  une  double  astragale  ,  indiquent  le 
XI*.  siècle. 

On  remarque  aussi  l'élégance  de  l'ornementation  de  Par- 


Vlh  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 


Brniet  del 


INE    DES    COLONNES    IH     CLOCHER    DES    TLFFEADX. 


XXIXe.    SESSION,    A    SAUMUR.  125 

chivolte  en  plein-cintre  du  portail  latéral  est ,  qui  date  du 
XIIe.  siècle.  Le  portail  nord  semble  dater  du  XI'.  siècle.  Le 
côté  ouest  de  l'église  a  été  assez  fortement  enfoui  sous  les 
terres  descendues  du  flanc  de  la  colline.  Le  Congrès  eut  à 
gravir  la  pente  assez  rapide  de  cette  colline  pour  arriver  au 
camp  de  Chenehutle. 

A  mi-côte  du  chemin  tracé  en  écharpe,  M.  Joly  fit  re- 
marquer ,  dans  la  berge  de  gauche ,  les  débris  de  deux 
tombes  en  pierre  coquillière,  lesquelles,  lors  de  leur  dé- 
couverte ,  renfermaient  encore  des  ossements  ,  probablement 
du  Xe.    siècle. 

Camp  de  Chêne  hutte.  —  Arrivé  au  sommet  de  la  montée, 
le  chemin  tourne  sur  la  gauche  et  franchit,  dans  une  tranchée 
peu  profonde,  un  grand  remblai  en  terre  formant,  du  côté  le 
plus  accessible  du  plateau,  le  retranchement  du  camp  romain. 
Ce  camp ,  l'un  des  plus  grands  de  l'Anjou  ,  a  été  l'objet  de 
nombreuses  dissertations.  Depuis  long-temps,  des  fouilles 
partielles  et  surtout  le  travail  de  culture  de  la  surface,  un 
peu  inclinée  vers  le  sud-est ,  ont  mis  à  découvert  un  nombre 
considérable  de  poteries  fines  et  de  tuiles  dont  les  morceaux 
les  plus  intéressants  ont  été  déposés  au  musée  de  Saumur , 
ainsi  que  beaucoup  de  médailles. 

Le  camp  est  admirablement  placé  pour  dominer  ,  sur  une 
très-vaste  étendue  ,  la  vallée  de  la  Loire  et  le  cours  même  du 
fleuve  ,  vis-à-vis  d'un  passage  souvent  praticable  à  gué,  établi 
vers  le  centre  de  vastes  bas-fonds.  Une  tradition  dit  qu'ils 
étaient  autrefois  occupés  par  une  ville  qui  fut  détruite  lors 
d'une  grande  inondation.  L'église  fut  renversée  et  la  cloche  , 
qui  était  tombée  au  fond  d'un  gouffre ,  sonne  toutes  les  nuits 
de  Noël.  iAI.  de  Caumont  a  fait  remarquer  qu'il  a  retrouvé  la 
même  tradition  dans  plusieurs  localités  où  il  existe  des  ruines 
antiques. 


126      COXGKES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANGE. 

OAMP    KOMAIN    DE    CHEISBHITTE. 


Légende  du  plan. 


a.  Rempart. 

b.  Entrée  du  camp. 

c.  Fossés  comblés. 
1,  2,  3,  k.  Fouilles. 
5.  Moulins. 


6.  Ruines^ 

7.  Ruisseau. 

8.  La  Marquerie. 

9.  Chenehutte. 

10.  Village  des  Tuffeaux. 


XXIX*.    SESSION,    A   SAUMUR.  1^7 

M.  Joly  signala  au  Congrès  les  vestiges ,  aujourd'hui  re- 
couverts, d'une  sorte  de  cuve  ayant  lm.  30  de  profondeur 
sur  lm.  40  de  largeur ,  de  forme  hexagone  à  fond  de  béton, 
et  à  laquelle  aboutissaient  deux  conduites  d'eau.  M.  Joly 
a  fait  remarquer  la  disposition  du  remblai  ou  retranche- 
ment du  camp  qui ,  à  l'est  et  au  sud ,  domine  la  Loire  et 
un  vallon  profond ,  et ,  à  l'ouest  et  au  nord ,  fait  face  au 
plateau  général.  On  reconnaît  les  restes  d'une  longue  mu- 
raille en  pierres  sèches,  destinée  à  soutenir  le  remblai,  lequel 
est  actuellement  recouvert  de  broussailles  ou  livré  à  la  cul- 
ture ,  notamment  du  côté  de  l'entrée  tournée  au  nord  et 
vis-à-vis  de  laquelle  on  remarque  un  large  fossé. 

Un  massif  assez  considérable  de  rochers  de  grès  attira 
l'attention  de  plusieurs  membres  du  Congrès  ;  d'autres 
membres  se  mirent  à  la  recherche  de  poteries  fines,  ou 
examinèrent ,  du  bord  du  retranchement,  les  bâtiments  assez 
pittoresques  d'ensemble  d'un  ancien  prieuré  qui  est  situé 
près  du  camp.  Près  de  là  est  un  petit  cours  d'eau  alimenté 
par  la  fontaine  dite  d'Enfer ,  et  dont  les  eaux  ont  dû  être 
utilisées  par  les  Romains  et  ensuite  par  les  populations  qui 
se  sont  succédé  sur  l'emplacement  du  camp.  Ces  populations 
descendirent  peu  à  peu  dans  la  vallée  et  construisirent ,  dès 
le  XIe.  siècle,  l'église  des  Tuffeaux.  Une  autre  partie  de  la 
population  semble  ,  au  contraire  ,  avoir  préféré  s'établir  vers 
l'extrémité  de  la  colline  escarpée  qui  domine  la  Loire  ,  et  y 
bâtit  l'église  de  Chenehutte  aujourd'hui  ruinée ,  et  près  de 
laquelle  on  remarque  un  petit  manoir,  nommé  le  Prieuré, 
admirablement  situé  pour  découvrir  un  immense  pa- 
norama. 

Le  Congrès  se  rendit ,  en  quittant  le  camp  romain  ,  direc- 
tement à  Gennes ,  but  de  l'excursion ,  se  réservant  de  visiter 
Cunault  et  Trêves,  au  retour. 

La  route,  bordant  continuellement  la  rive  gauche  de  la 


128  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Loire ,  présente  une  diversité  de  points  de  vue  très-remar- 
quables. On  entrevoit  sur  le  côté  gauche,  au  fond  de  longues 
excavations,  l'entrée  étroite  et  obscure  de  nombreuses  car- 
rières de  tuffeau. 

Germes. — Le  bourg  de  Gennes  est  situé  au  confluent  avec 
la  Loire,  d'un  petit  cours  d'eau  alimenté  par  plusieurs  belles 
sources  coulant  au  milieu  des  prairies  qui  en  occupent  le 
fond  étroit  et  tortueux  et  arrosant  une  jolie  et  fertile  vallée 
(  Voir  le  plan,  p.  129).  Celle-ci ,  bordée  de  collines  boisées  , 
présente  plusieurs  dépressions  de  terrain,  parmi  lesquelles  on 
en  remarque  une  qui  offre  l'aspect  d'un  demi-amphithéâtre 
faisant  face  au  nord  ,  et  dont  les  pentes  sont  recouvertes  d'un 
taillis  épais.  C'est  directement  vers  ce  point,  situé  à  environ 
500  pas  du  bourg ,  que  se  dirigea  le  Congrès ,  guidé  par 
M.  de  Caumont  qui  avait ,  quelques  jours  auparavant ,  ex- 
ploré celte  localité ,  et  par  M.  Joly,  qui  y  avait  fait  pratiquer 
des  fouilles  dans  le  but  de  mettre  à  découvert  des  murs 
antiques  signalés  à  l'attention  des  archéologues. 

Dans  un  chemin  étroit,  bordé  de  haies  vives,  M.  Joly  fit 
remarquer  au  Congrès ,  presque  au  niveau  du  sol ,  un  blo- 
cage de  maçonnerie ,  présentant  une  ligne  courbe ,  qui  se 
relie  à  une  suite  d'aulres  murailles  constituant  un  édifice 
assez  considérable  ,  et  qui  peut  èlre  reconnu  comme  étant  un 
amphithéâtre  ou  seulement  un  théâtre  romain.  De  très-petites 
fouilles  ,  pratiquées  à  cinq  endroits  isolés,  ont  mis  à  décou- 
vert la  muraille  antique  dont  l'appareil  est  bien  caractérisé, 
et  dont  la  position  présente  la  forme  d'un  ovale  ou  demi- 
cercle  seulement.  Une  vive  discussion  eut  lieu  à  ce  sujet ,  et 
il  fut  décidé  que  de  nouvelles  fouilles  ,  facilitées  par  le  pro- 
priétaire du  sol ,  M.  d'Achon ,  seraient  entreprises  durant 
l'hiver  prochain.  La  Société  française  a  voté,  séance  tenante, 
des  fon.ls  pour  ces  travaux.  Le  Congrès  examina  avec  atten- 


X\IX*.    SESSION,    A   SAUMUR. 

PLAN    DE    GENNES. 


129 


Légende  du  plan. 

1.  Ancienne  église  St.-Eusèlje. 

2.  Les  caves. 

3.  Route  de  Saumur. 
h.  Moulin  de  Brulon. 

5.  Petit  moulin. 

6.  Grand  moulin. 

7.  Mairie. 

8.  Église  St.-Vétérin  et  cimetière. 

9.  Salle  d'un  bain  romain. 
10.  Théâtre  romain. 


130  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

tiou  l'appareil  gallo-romain  de  cet  éditice  ,  enfoui  sous  le  sol 
maintenant ,  et  dont  un  plan  sera  relevé  pour  en  faire  bien 
comprendre  la  disposition  encore  incertaine. 

M.  de  Caumont  a  fixé  l'attention  du  Congrès  sur  la  muraille 
d'une  des  grandes  entrées ,  nouvellement  dégagée  des  terres 
qui  l'environnaient ,  par  une  excavation.  Ce  mur  en  petit 


vS^Jv? 


APPAREILS    Df    THÉÂTRE   DE    GENNêfl. 


appareil  avec  chaînes  de  briques  montre  ,  sur  beaucoup  de 
ses  parements,  des  rainures  formant  des  zigzags  et  des 
losanges.  M.  de  Caumont,  rappelant  que  MM.  de  Saulcy  et 
"Viollet-Ï.educ  avaient  cru  pouvoir  considérer  comme  mé- 


XXIX».    SESSION,    A   SÀUMIÏB.  131 

rovingienne  une  partie  du  théâtre  de  Champlicu  (Oise), 
parce  que  ses  appareils  sont  couverts  de  ces  moulures,  tracées 


ÏJui 


\Mm^± 


t|Bil»l  131 


|IIip$gE3mû^    ^Ëffllfe  «L 


APPAREILS    DU    THEATRE    .1R    CEKXES. 

vraisemblablement  avec  l'instrument  qui  servait  à  tailler  la 
pierre,  dit  qu'il  avait  déjà  réclamé  contre  cette  opinion,  qui 
lui  paraissait  contredite  par  des  faits  ;  il  est  heureux  de  pou- 
voir présenter  un  exemple  de  ce  caractère  sur  un  monument 
incontestablement  romain. 

Le  camp  de  Champlieu ,  un  des  théâtres  romains  les  plus 
incontestables  que  nous  ayons  en  France  ,  n'avait  pas  besoin 
de  cette  justification  pour  demeurer  purement  romain  aux 
yeux  de  la  plupart  des  observateurs  ;  mais  il  est  bon,  continue 


132      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE. 

M.  de  Caurnont ,  de  ne  pas  laisser  une  erreur  s'accréditer , 
surtout  quand  elle  émane  d'hommes  aussi  considérables  dans 
la  science  que  MM.  de  Saulcy  et  Viollet-Leduc. 

Bains.  —  Un  petit  aqueduc ,  d'origine  antique ,  longeait 
le  côté  nord  de  l'édifice  dont  nous  venons  de  parler  ;  il  a 
été  retrouvé  sur  la  plus  grande  partie  de  son  parcours ,  et 
commençait  à  une  très-belle  source  située  à  1  kilomètre  de 
distance ,  pour  aboutir  à  un  autre  édifice  ,  également  an- 
tique ,  éloigné  de  400  mètres  environ  du  bourg,  mais  très- 
rapproché  de  l'église  paroissiale  ,  et  que  le  Congrès  examina 
avec  la  plus  grande  attention. 

On  reconnut  un  établissement  de  bains,  construit  avec  une 
certaine  recherche,  mais  dont  l'état  d'amoindrissement  actuel 
ne  permet  pas  de  bien  apprécier  l'étendue  ni  la  disposition 
primitives.  On  étudia  avec  soin  l'agencement  de  plusieurs 
surfaces  courbes,  appareillées  avec  solidité  et  régularité, 
paraissant  avoir  fait  partie  de  petites  rotondes  ou  niches 
autour  d'une  salle  ,  et  auxquelles  aboutissaient  des  tuyaux 
de  plomb  trouvés  il  y  a  vingt  ans  environ,  époque  où  l'édi- 
fice ,  dont  il  ne  reste  maintenant  que  des  (!ébris  ,  était 
mieux  conservé. 

M.  de  Caumonl  avait  visité  ce  bain  en  1831  et  il  y  était 
revenu,  avec  M.  Bouet,  quelques  jours  avant  l'ouverture  du 
Congrès.  M.  Bouet  avait  pris  le  dessin  ci-joint  des  murs  de 
la  salle  dont  nous  venons  de  parler  (  Voir  la  page  suivante). 
M.  de  Caumont  a  donné  à  celte  occasion  quelques  détails 
sur  une  salie  récemment  découverte  à  Pitres ,  près  Pont-de- 
l' Arche  (Eure),  et  dont  une  partie  existe  encore  dans  la 
maison  d'un  habitant  de  celte  commune  ;  cette  salle ,  dont 
les  murs  ont  encore  près  de  3  mètres  d'élévation ,  offrait  à 
peu  près  la  forme  circulaire  avec  quatre  absidioles  espacées 
également  et  donnant  ainsi  un  carré  (Voir  la  page  136). 


XXIX",    SESSION  ,   A   SAUMUB. 


133 


I  NE  PORTION  NES  BAINS  ROMAINS  DE  GENRES. 


134  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANGE, 

LÙrbO 


PLAN    U  UNE    DES    SALLES    DE    LA    VILLA    ROMAINE    TROUVEE    A    PITRES. 

(Chez  M.  Le  Bcr.) 


XXIX".    SESSION  ,    A   SAUMUR.  135 

On  n'a  pas  assez  étudié ,  dit  M.  de  Caumont ,  les  formes 
usitées  par  les  Romains  dans  leurs  diverses  salles  :  on  trouve 
aussi  dans  le  plan  d'une  construction  romaine  ,  observée , 
il  y  a  trente  ans ,  par  M.  l'ingénieur  de  Boisvillette  ,  à 
Marboué  ,  près  de  Châteaudun  ,  une  pièce  polylobée  qui 
rappelle ,  avec  quelques  dissemblances  pourtant  ,  la  dispo- 
sition de  Pitres.  On  a  regardé  l'édifice  comme  un  temple, 
ou  bien  comme  une  église  ,  ou  au  moins  comme  un  mo- 
nument romain  converti  en  église  dans  les  premiers  siècles 
(  Voir  le  t.  XXII  du  Bulletin  monumental ,  p.  Ull  ).  Le 
plan  du  soubassement  d'un  édifice  laisse  toujours  beaucoup 
de  latitude  aux  conjectures.  M.  de  Caumont  ne  prétend  pas 
émettre  d'opinion  à  ce  sujet ,  mais  il  croit  devoir  rappeler 
ce  plan  pour  montrer  que  les  Romains  ont  employé  assez 
souvent  la  forme  arrondie  polylobée. 

Église  St.-Vétérin.  —  L'étude,  par  le  Congrès,  des 
ruines  romaines  étant  terminée  ,  on  commença  l'examen  des 
édifices  de  la  période  romane ,  et ,  à  cet  égard ,  l'église  de 
Gennes,  dédiée  à  saint  Vétérin ,  laquelle  fut  donnée  à  l'ab- 
baye de  St.-JYIaur  dès  le  IXe.  siècle,  appela  tout  d'abord 
l'attention.  On  étudia  avec  beaucoup  d'intérêt  un  pan  de  mur 
resté  enclavé  dans  la  base,  du  côté  sud  de  la  tour  du  clocher. 
Ce  pan  de  mur ,  dans  lequel  on  remarque  quelques  briques 
et  aussi  des  tuiles  creuses,  était  décoré,  aux  trois  quarts  de 
sa  hauteur  ,  d'une  corniche  à  modillons  carrés  ,  aujourd'hui 
très-frustes  ;  on  s'accorda  a  y  reconnaître  une  œuvre  datant 
du  Xe.  siècle  et  peut  être  même  antérieure.  Les  autres 
parties  de  l'église  datent  des  XIIe.  et  XIIIe.  siècles  et 
n'offrent  rien  d'exceptionnel  à  signaler  (Voir  la  page  137). 

A  100  mètres  au  nord  de  cet  édifice,  qui  s'élève  isolément 
sur  un  pli  de  terrain,  on  remarqua ,  dans  un  très-petit  enclos 
qui  bientôt  sera  traversé  par  une  route  ,   un  assez  grand 


136  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 


"~~3 


xmrs 


PS 


10  M 


SALLE    POLÏLOBÉe    AL    MILIEl    D'UN    ÉDIFICE    GALLO-ROMAIN    TitOLVÉ    A 
MARBOIK    (riKE-ET-LOIR  ). 


XXIW    SESSION,  A   SAbMUR. 


137 


FRAGMENT    DES  MURS    DE    l'ÉCMSF.    SAINT-VÉTÉRIN. 

nombre  de  lombes  en  pierres  coquillières  cl  remonlant  à  une 
haute  anciennelé.  On  ne  doute  pas  que  les  travaux  de  déblai, 
nécessités  par  le  nivellement  de  la  route  projetée,  ne  mettent 
à  découvert  beaucoup  de  tombes  semblables. 

On  signala  au  Congrès  une  assez  grande  pierre  creusée 
pour  servir  de  tombeau ,  et  qui  primitivement  avait  reçu  , 
comme  devant  occuper  l'angle  d'un  édifice,  une  ornementa- 
tion assez  soignée  ;  on  reconnut  facilement  la  tige  d'un  ro- 


138      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

seau,  sculptée  avec  peu  de  relief,  mais  avec  exactitude,  sur  le 
revers  d'une  sorte  de  pilastre;  l'époque  de  ce  travail  est 
incertaine,  mais  probablement  romaine. 

Eglise  de  St.-Eusèbe. —  Après  quelques  instants  de  repos, 
on  se  rendit,  par  un  sentier  tortueux  et  rapide,  au  sommet 
très-élevé  d'une  colline  dominant  la  rive  gauche  de  la  Loire, 
et  au  point  culminant  de  laquelle  fut  bâtie  l'église  de  St.-Eu- 


PORTE    DE    L  ÉGLISE    SAINT-EUSEBE. 

sèbe,  aujourd'hui  abandonnée.  L'ensemble  de  la  construction 


XXIX'.    SESSION,    A    SACMUK.  139 

appartient  à  la  période  du  XII'.  siècle;  mais  la  nef,  qui  a 
perdu  sa  toiture  et  même  sa  voûte  ,  et  qui  est  encombrée  par 
les  ronces,  a  conservé  un  fragment  très-important  de  muraille 
dont  le  système  de  construction  est  une  imitation  évidente  de 
l'art  gallo-romain  ,  notamment  en  ce  qui  concerne  l'arcade  à 
plein-cintre ,  à  claveaux  minces  alternés  avec  des  briques 
disposées  deux  par  deux  et  surmontées  ou  entourées  d'un 
double  rang  de  briques  ,  paraissant  provenir  d'un  édifice  an- 
tique. C'est  dans  la  face  nord  de  la  nef  qu'on  trouve  cette 
curieuse  porte ,  bouchée  depuis  long-temps.  M.  de  Caumont 
l'avait  dessinée  dès  l'année  1830  et  figurée  dans  l'atlas  de  son 
Cours  d'antiquités  monumentales. 

De  l'église  de  St.-Eusèbe,  qui  a  été  l'objet  de  quelques 
travaux  de  soutènement  par  M.  Joly-Leterme  ,  architecte  ,  on 
découvre  un  magnifique  panorama  sur  le  cours  de  la  Loire  , 
eti'iminense  plaine  qui  occupe  toute  la  partie  nord  du  riche 
département  de  Maine-et-Loire.  On  ne  peut  disconvenir 
qu'un  temple  païen  ne  fût  admirablement  placé  sur  ce  point 
élevé,  si ,  suivant  l'opinion  de  Bodin  ,  l'église  actuelle  en  oc- 
cupe l'emplacement. 

Cunault.  —  Le  programme  de  l'excursion  ramenait  le  Con- 
grès vers  le  village  de  Cunault ,  localité  autrefois  importante, 
située  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire  ,  et  dans  laquelle  on  re- 
marque encore  plusieurs  habitations  anciennes.  Nous  cite- 
rons notamment  le  château  ,  édifice  important ,  d'un  aspect 
pittoresque  et  datant ,  ainsi  qu'une  foule  de  petits  manoirs 
avoisinanls,  des  premières  années  du  XVIe.  siècle. 

Mais  une  église  justement  célèbre  ,  et  qui  est  comptée  au 
nombre  de  nos  monuments  historiques  les  plus  importants  , 
attira  exclusivement  et  captiva  durant  long-temps  toute 
l'attention  du  Congrès.  La  grande  église  de  Cunault ,  fondée 
par  Dagobert ,  roi  de  France  ,  est  située  sur  le  penchant 


HO  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

de  la  colline  et  vers  le  centre  des  habitations.  C'est  un 
édifice  imposant,  et  qui  produisit  sur  tous  les  membres 
du  Congrès  une  très-vive  et  très-profonde  impression. 
Cette  impression  sera  durable ,  il  n'en  faut  pas  douter , 
et  chacun  des  amis  des  arts  et  de  nos  vieux  monuments 
historiques  sera  heureux  de  reporter  ses  souvenirs  aux 
instants  trop  vite  écoulés  sous  les  grandes  voûtes  de  la  belle 
église  qui ,  dès  maintenant ,  grâce  à  une  habile  et  sobre  res- 
tauration toute  récente ,  peut  faire  bien  comprendre  le  type 
architectural  religieux  de  l'Anjou  durant  la  période  du 
moyen-âge  postérieure  à  l'an  1000. 

La  restauration  de  l'église  de  Cunault  a  été  faite  par 
M.  Joly-Leterme ,  architecte  attaché  à  la  Commission  des 
monuments  historiques;  les  projets  de  restauration  furent  ré- 
digés en  1835  et  les  travaux  ont  été  continués  jusqu'en 
1860. 

Un  pareil  édifice  exige  une  monographie  complète,  et  il 
nous  est  impossible  ,  dans  le  court  résumé  d'une  très-rapide 
excursion  ,  de  pouvoir  effleurer  la  description  d'un  seul  des 
nombreux  sujets  d'ornementation  qui  donnent  à  l'église  de  Cu- 
nault tant  d'importance.  Il  en  est  de  même  en  ce  qui  touche 
le  style  de  la  construction  qui  se  développe,  durant  la  période 
du  XIe.  au  XIII*.  siècle  ,  avec  toute  la  verve  et  la  hardiesse 
savante  des  architectes  angevins,  dont  les  œuvres,  dans  toute 
la  province  d'Anjou  et  les  provinces  limitrophes,  présentent 
une  disposition  générale  pleine  d'élégance  et  d'originalité. 

A  Cunault ,  la  décoration  murale  peinte  offre  des  sujets 
assez  nombreux  et  assez  variés  pour  que  chacun  des  mem- 
bres du  Congrès  ait  pu  y  trouver  l'objet  d'études  nouvelles 
toutes  spéciales.  Dans  chacun  des  petits  groupes  formés 
par  les  visiteurs ,  des  dissertations  et  des  discussions  pleines 
d'intérêt  ne  cessèrent  pas  de  donner  partout  la  plus  vive 
animation.  Il  est  de  toute  impossibilité  à  votre  rapporteur 


\\]V.  session,  a  saumur.  im 

de  résumer  ou  d'analyser  les  observations  échangées  entre 
les  membres  du  Congrès;  observations  insaisissables,  parce 
qu'elles  se  produisaient  sur  divers  points  de  l'église  à  la 
fois. 

Trêves. —  De  Cunault  à  Trêves,  la  distance  est  très-courte. 
Le  Congrès  visita  d'abord  la  petite  église  paroissiale,  qui  mal- 
heureusement est  dans  un  état  déplorable  de  vétusté.  Cn  re- 
marqua notamment  :  un  large  bénitier  en  pierre  ;  une  statue 
de  grandeur  de  nature  représentant ,  couché  sur  son  tom- 
beau, Robert  Le  ÎVIaczon,  chevalier,  seigneur  de  Trêves,  le- 
quel mourut  en  \hh1  ;  une  belle  «  réserve  »  en  pierre,  style 
du  XV'.  siècle,  très-finement  sculptée,  etc. 

C'est  à  Robert  Le  Maczon  qu'on  attribue  la  construction  de 
la  tour  ou  donjon  de  Trêves,  dont  le  Congrès  admira  ,  en  se 
rendant  à  St.-Macé,  le  bel  ensemble  féodal  et  la  remarquable 
conservation. 

St.-Macê.  —  Un  chemin  en  côte  très-rapide  monte  , 
par  le  fond  d'un  ravin ,  sur  le  sommet  d'une  haute  colline 
bordée  ,  à  l'ouest  et  au  nord,  par  un  vallon  étroit  et  profond 
dont  les  pentes  boisées  offrent  un  aspect  pittoresque.  Ce 
chemin  conduit  ,  après  un  quart-d'heure  de  marche ,  à 
l'entrée  d'une  petite  ferme  établie  dans  les  bâtiments  de 
l'ancien  prieuré  de  St.-Macé.  Ce  vieil  édifice  ,  presque  com- 
plètement ruiné  et  dont  la  chute  entière  est  imminente, 
se  trouve  bâti  sur  le  point  culminant  et  assez  étroit  de  la  col- 
line qui  domine  le  bourg  de  Trêves ,  sur  un  massif  de  ro- 
chers. La  visite  du  prieuré  de  St.-Macé  offrit  aux  membres 
du  Congrès  un  attrait  lout-à-fait  inattendu  ,  motivé  par  des 
constructions  très-singulières  et  qui  piquèrent  vivement  la 
curiosité.  Il  s'agit  ici  d'une  sorte  de  muraille  d'enceinte  , 
longue  de  18  mètres  environ  et  haute  de  moins  de  5  mètres, 
dont  les  fondations  reposent  sur  le  roc ,   et  qui   présente 


U2  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE 


DE   FRANCE. 


\r  //J 


PARTIE   D'OH   ANCIEN   MUR,    A   SAINT-MACÉ, 


XXIXe.    SESSION,   A   SAUMUR.  U3 

quatre  des  faces  d'un  octogone  assez  régulier.  Cette  muraille 
est  divisée,  dans  le  sens  de  sa  hauteur,  en  trois  portions  à 
peu  près  égales ,  d'un  appareil  différent  ;  la  portion  centrale 
seule  offre  de  l'intérêt  :  on  y  reconnaît  l'imitation  parfaite 
«  en  miniature  »,  c'est-à-dire  dans  une  proportion  réduite  de 
moitié  environ,  des  murs  romains  construits  en  petit  appareil 
et  chaînes  de  briques.  Dans  la  singulière  muraille  de  St.- 
Macé ,  les  briques  sont  remplacées  par  de  véritables  tuiles  à 
rebords  romaines ,  ainsi  que  l'ont  bien  constaté  MM.  de 
Galembert  et  de  Verneilh. 

On  s'est  demandé  à  quelle  époque  cette  muraille ,  si  elle 
n'était  pas  réellement  d'origine  gallo-romaine ,  pourrait  ap- 
partenir ,  ou  enfin  à  quel  prieur  on  devrait  attribuer  l'imita- 
tion si  fidèle  d'un  mode  de  maçonnerie  tombé  déjà  dans  le 
domaine  de  l'archéologie  à  l'époque  de  la  construction  du 
prieuré  ,  fondé  en  H  02  et  bâti  durant  la  période  entière  du 
XIIe.  siècle ,  époque  bien  caractérisée  dans  l'ornementation 
élégante  de  la  chapelle  et  des  bâtiments  adjacents ,  dans  les- 
quels on  voit  également  des  cordons  de  briques. 

L'intérieur  de  la  chapelle  offre  un  genre  d'intérêt  plus 
habituel ,  quoique  très-rare  :  ce  sont  de  curieuses  peintures 
murales ,  à  l'égard  de  la  conservation  desquelles  une  longue 
discussion  s'est  établie  quant  au  mode  à  adopter  pour  leur 
conservation  ou  leur  reproduction  entière  après  la  recon- 
struction de  la  muraille  ruinée  qu'elles  recouvrent.  Ces  pein- 
tures,  qui  sont  elles-mêmes  dans  un  très-mauvais  état, 
représentent  ,  dans  la  voûte  en  demi-coupole  de  l'abside , 
Dieu  bénissant  ,  entouré  des  symboles  des  Évangélistes  ,  etc. 

Deux  curieuses  inscriptions  ont  aussi  appelé  l'attention  du 
Congrès.  La  première  est  placée  près  de  l'entrée  de  la  cha- 
pelle. La  voici  : 

*....    DE   LOP.TO    i    DEDIT    ET   ALIA  1    SI   QVIS    VERO 


ikh  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

HVIC  ECCLES1E  HEC  AVFEER  CELESTE  REGWM 
El  AVFERAT... 

La  deuxième  inscription  est  gravée  sur  une  seule  ligne  , 
à  l'extérieur  de  la  chapelle,  en  grandes  lettres  capitales  du 
XIIe.  siècle.  Malheureusement  quelques  parties  de  cette  ma- 
gnifique inscription ,  qui  devait  border  le  cimetière  des  reli- 
gieux, ont  été  masquées  par  des  contreforts.  En  voici  le  texte, 
d'après  la  copie  faite  avec  le  plus  grand  soin  par  M.  Godard- 
Faultrier  : 

....    MEMO PRIORES 

V1XIMVS  HEV  PESTIS   MALA    MORS  FVIMVS  Q'  QVOD  ESTIS 

....    ALASI VOBIS   N  P   CAVEAT1S 

V1XIMVS   EDIMVS  Q  BIBIMVS    BENE    INSEDIM   Q 

LVSIMVS MMVS  EDES 

PRO   MAGMS   MINIMAS   PRO   TAM    SVBLIMIB'   IMAS 
VOS  QVOQVÈ   NVNC    EDITIS   BIBJÏIS    VITAM. 

Une  troisième  inscription ,  qui  ne  fut  pas  retrouvée ,  por- 
tait pour  texte  : 

RAGINAVDVS    DE   REMIS   ARCHIEPISCOPVS 
BASILICAM   ISTAM   DEDICAVIT. 

Ce  Raginaudus,  archevêque  de  Reims,  qui  dédia  la  basi- 
lique de  St.-Macé,  fut  auparavant  évèque  d'Angers,  \ers 
l'an  1102,  d'après  M.  Godard-Faullrier. 

Les  ronces  et  les  broussailles  ,  et  aussi  quelques  plates- 
bandes  potagères  occupent  ou  envahissent  les  anciennes  salles, 
dont  les  voûtes  se  sont  écroulées.  Ce  n'est  pas  sans  difficultés 
qu'on  peut  rétablir  par  la  pensée  les  distributions  primitives 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUK.  U."> 

du  curieux    édifice  ,   dont  l'étude  el   l'exploration  passion- 
nèrent vivement  tous  les  membres  du  Congrès. 

On  redescendit  à  la  tour  de  Trêves,  mais  l'espace  nous 
manque  pour  décrire  les  principales  distributions  extérieures 
du  château  ,  dont  le  donjon  domine  la  vallée  de  la  Loire  : 
il  fut  bâti  par  Robert  Le  Maczon ,  vers  l'an  li3i.  C'est  une 
très-haute  tour  ronde ,  engagée  pour  un  quart  de  sa  surface 
environ  dans  une  seconde  tour  de  forme  carrée ,  el  à  la  base 
de  laquelle  se  trouve  placée  l'entrée,  défendue  par  une  passe- 
relle mobile  ou  petit  pont-levis. 

Aujourd'hui  encore  celte  tour ,  qui  appartient  à  M.  de 
Fos ,  pourrait  être  confortablement  habitée.  De  charmantes 
voûtes  en  pierre,  à  fines  nervures  ogivales ,  offrent  une  très- 
grande  élégance  dans  les  diverses  salles  établies  dans  les 
étages  principaux  du  donjon  ,  terminé  maintenant  en  plate- 
forme, d'où  la  vue  s'étend  au  loin  sur  les  rives  de  la  Loire. 
Ses  dépendances  se  prolongeaient  sur  le  sommet  aplani  d'un 
grand  massif  de  roches,  escarpé  de  tous  côtés  et  taillé  à  pic 
dans  les  endroits  où  il  pouvait  être  primitivement  plus  facile 
de  passer.  Il  ne  reste  rien,  de  ces  bâtiments,  que  d'assez 
vastes  souterrains  creusés  dans  le  massif  de  tuffeau. 

St. -Florent. — Le  Congrès,  revenu  à  St.-Florent-lès- 
Saumur ,  s'empressa  d'aller  visiter  l'église  paroissiale ,  qui 
montre  encore  ses  fenêtres  fortifiées,  surmontées  de  grands 
arcs  percés  de  mâchicoulis  comme  on  en  voit  à  Avignon ,  au 
Palais  des  papes  (Voir  la  page  suivante  ).  On  remarqua 
notamment  :  une  grille  de  fenêtre ,  en  fer ,  curieux  ouvrage 
de  serrurerie ,  dit-on ,  comme  difficulté  d'exécution  ;  un 
bénitier  en  pierre,  à  huit  lobes;  une  porte  en  fer  conduisant 
au  couvent  ;  enfin  ,  trois  délicieux  médaillons,  en  pierre  très- 
dure  et  d'une  finesse  de  ciselure  extrêmement  remarquable , 
représentant  dessujels  religieux,  de  la  fin  du  XVe.   siècle. 

10 


146  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE  DIS   FKAXCE. 


\XIXf.    SESSION,    A   SAUMUH.  U7 

C'est  par  le  couvent  du  Bon-Pasteur  que  se  termina  la 
rapide  excursion  du  Congrès,  qui  fut  reçu  et  accompagné 
par  M.  le  Curé  et  M.  de  La  Frégeolière ,  maire  de  St.- 
Florent.  On  visita  avec  un  intérêt  extrême  la  crypte ,  au- 
jourd'hui isolée  et  solitaire  ,  de  l'ancienne  église  démolie  en 
1806,  et  recouverte  maintenant  de  plantes  grimpantes  et 
d'arbustes. 

Vingt  colonnes  à  larges  chapiteaux  soutiennent  les  petites 
voûtes  d'arête,  formées  d'une  sorte  de  blocage  ou  de  béton 
devenu  très-dur;  on  reconnaît  le  type  de  l'ornementation 
du  milieu  du  XIe.  siècle. 

On  visita  ensuite  le  narthex  ou  grand  porche  de  l'ancienne 
église  abbatiale,  lequel  fut  construit  au  XIIIe.  siècle,  avec  la 
plus  grande  élégance  pour  l'agencement  des  voûtes,  qui  re- 
produisent la  disposition  habituelle  en  Anjou  ,  c'est-à-dire 
l'établissement  d'une  voûte  en  coupole  ogivale  s'appuyant  sur 
un  bâtiment  de  forme  complètement  carrée.  Le  Congrès,  après 
avoir  admiré  l'un  des  exemples  les  plus  purs  de  cette  dispo- 
sition ,  architecture  résolue  avec  une  rare  et  heureuse  sim- 
plicité d'exécution  dans  le  plus  grand  nombre  des  églises  de 
l'Anjou,  durant  le  XIIe.  et  le  XIIIe.  siècle,  donna  quelques 
moments  d'attention  aux  riches  et  curieux  détails  d'orne- 
mentation sculptés  avec  beaucoup  d'habileté  aux  claveaux 
réguliers  de  l'immense  arcade  ,  du  XIIe.  siècle,  qui  formait 
l'entrée  de  l'ancienne  grande  église  de  l'abbaye.  En  avant 
de  cette  arcade ,  on  a  construit  récemment  une  assez  vaste 
chapelle.  Les  dépendances  de  l'abbaye  de  St. -Florent,  re- 
construites en  partie  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XV ,  furent 
démolies  presque  complètement  dès  les  premières  années  du 
XIXe.  siècle. 

Moulin  de  St. -Florent.  — Nous  terminerons  le  compte- 
rendu  de  la  rapide  et  curieuse  excursion  archéologique  faite 


IUS  CONGKÈS  AKCHÉOLOG1QUE  DE  FRANCE. 

le  3  juin  par  les  membres  du  Congrès,  en  signalant,  d'après 
M.  de  Caumont ,  l'un  des  anciens  moulins  de  l'abbaye  de 
Sl.-Florent,  et  qui  subsiste  encore  en  partie  au  bas  du  grand 
mur  de  clôture.  Ce  moulin  ,  d'après  les  recherches  de  M. 
l'abbé  Briffaut,  aurait  été  bâti  par  l'abbé  Michel,  mort  en 
1220.  M.  l'abbé  Briffaut  donne  également  la  date  de  con- 
struction ou  d'amodiation  d'un  grand  nombre  de  moulins 
que  l'abbaye  bénédictine  de  St.  -Florent  lès-Saumur  possédait 
déjà  dès  le  XIIe.   siècle. 

Le  Secrétaire , 

Victor  Petit, 

De  l'Institut  des  provinces. 


1".  Séance  du  4  juin. 

Présidence  de  M.  Ramé,  inspecteur  divisionnaire  de  la  Société  française 
d'archéologie,  à  Rennes. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Caumont ,  directeur  de  la 
Société  française  d'archéologie  ;  l'abbé  Le  Petit,  chanoine 
honoraire  ,  doyen  de  Tilly-sur-Seulles ,  membre  de  l'Institut 
des  provinces  ;  Godard-Faultrier  ,  d'Angers ,  inspecteur 
de  Maine-et-Loire ,  membre  de  la  Société  impériale  d'agri- 
culture, sciences  et  arts  d'Angers;  Segretain  ,  inspecteur 
de  la  Société  française  d'archéologie ,  architecte,  à  Niort. 

M.  Marionneau  ,  de  Nantes ,  remplit  les  fonctions  de  se- 
crétaire. 

M.  le  Président  déclare  la  séance  ouverte  et  donne  la  parole 
à  M.  de  Caumont  pour  la  lecture  de  la  correspondance,  de 
laquelle  il  résulte  que  plusieurs  membres  de  la  Société  ex- 
priment tous  leurs  regrets  de  ne  pouvoir  se  rendre  à  Saumur, 
comme  ils  en  avaient  eu  le  projet.  —  M.  de  Caumont  dépose 


XXIX'.    SESSION,    A    SAUMUB.  149 

sur  le  bureau  quelques  ouvrages,  qui,  suivant  les  règlements, 
deviennent  la  propriété  de  la  Bibliothèque  publique  de  la 
ville  où  se  tiennent  les  assises  de  la  Société. 

Après  avoir  présenté  le  procès-verbal  de  la  séance  précé- 
dente au  nom  de  M.  de  L'Épinay,  secrétaire,  que  des  affaires 
empêchent  d'assister  à  la  séance ,  M.  de  Caumont  engage 
M.  Ramé,  inspecteur  divisionnaire,  à  présider  la  réunion. 

M.  de  Caumont  ajoute  que,  la  veille,  pendant  que  le  Congrès 
s'occupait  des  églises  antérieures  à  l'an  1000  et  qu'il  émettait 
un  vœu  pour  la  conservation  de  l'église  de  Cravant ,  décrite 
et  figurée  par  lui  dans  le  Bulletin  monumental,  M.  Rame 
visitait  et  dessinait  cette  église  ,  qu'il  n'avait  pas  encore  vue  ; 
qu'il  dessinait  ensuite  l'église  de  St.  -Mesme  de  Chinon  dont 
le  Bulletin  monumental  s'est  également  occupé ,  et  dont  la 
façade  offre  une  série  de  figures,  disposées  dans  un  ordre  qui 
a  été  observé  dans  d'autres  constructions  antérieures  de  la 
région  ;  qu'enfin  M.  Ramé  visitait  aussi  la  curieuse  église 
de  Rivière ,  dont  les  dessins  ont  été  mis  déjà  sous  les  yeux 
du  Congrès  par  M.  Botiet  ,  'et  que  le  Bulletin  monumental 
a  décrite  d'après  M.  de  Galembert,  église  que  le  Congrès 
doit  visiter  dans  son  excursion  à  Chinon. 

M.  Ramé ,  qui  vient  d'analyser  avec  soin  ces  trois  mo- 
numents, aura  sans  doute  des  choses  très-intéressantes  à 
communiquer  à  leur  sujet ,  et  l'Assemblée  sera  heureuse 
d'entendre  sa  communication. 

M.  Ramé ,  se  rendant  à  l'invitation  de  M.  de  Caumont, 
dit  qu'effectivement  il  a  étudié  avec  le  plus  vif  intérêt  les 
églises  que  l'on  vient  de  citer. 

Cravant,  dont  il  avait  compris  toute  l'importance  d'après 
le  dessin  publié  dans  le  Bulletin  monumental,  est  une  église 
d'un  grand  intérêt  pour  l'histoire  de  l'art  ;  la  description 
qu'en  donne  M.  de  Caumont  est  fort  exacte,  et  le  dessin  rend 
l'effet  de  l'appareil  et  des  frontons  qui  décorent  les  intervalles 
des  fenêtres ,  comme  à  l'église  de  St.- Généraux. 


RÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 


XXIX*.    SESSION,    A    SAUMUR.  !.*>! 

Celte  église  ne  sert  plus  au  culte  à  l'heure  qu'il  est,  l'église 
neuve  ayant  été  consacrée. 

Peut-être  n'est-ce  pas  un  mal ,  si  l'on  veut  entretenir  les 
couvertures  du  monument  ;  car  on  eût  probablement  entre- 
pris des  restaurations  déplorables  qui  auraient  défiguré  ces 
murs  respectables  qui  ont  conservé  leur  cachet  primitif. 

Ce  qu'il  faut,  c'est  conserver  ce  qui  existe  sans  y  rien  faire, 
et  l'entretien  des  toits  suffit  pour  cela. 

Après  avoir  passé  en  revue  les  caractères  de  l'église  de 
Cravant,  M.  Ramé  s'occupe  de  l'église  de  St.-Mesmc  de 
Chinon.  Elle  est  moins  ancienne  que  celle  de  Cravant ,  mais 
elle  en  retient  plusieurs  caractères  et  elle  nous  montre  de 
plus  une  façade  historiée.  Ces  bas-reliefs,  que  l'on  croit  du 
Xe.  siècle,  sont  d'autant  plus  importants  que  ce  sont  les 
plus  anciens  types  peut-être  d'une  imagerie  symbolique  que 
l'on  trouve  au  XIe.  et  au  XIIe.  siècle,  en  Touraine,  en 
Poitou  et  probablement  ailleurs  au  midi  de  la  Loire.  On 
remarcpie  la  même  ornementation  et  la  même  disposition  des 
figures  dans  plusieurs  églises,  notamment  dans  celle  d'Azay- 
le-Rideau  (  Indre-et-Loire  ). 

M.  Ramé  décrit  sommairement  l'ordonnance  de  cette 
façade  historiée ,  dont  il  présente  des  esquisses  très-fidèles. 
M.  de  Caumont  l'engage  à  donner  ces  dessins  afin  qu'ils 
soient  gravés  pour  le  compte-rendu  du  Congrès.  Il  répond 
que  ces  dessins  ne  sont  pas  complètement  finis,  et  qu'il  les 
destine  à  un  article  très-délaillé  sur  les  églises  antérieures  à 
l'an  1000  ,  article  qu'il  a  promis  depuis  long-temps  au 
Bulletin  monumental  et  auquel  il  met  la  dernière  main. 
Cet  article  paraîtra  ,  dit-il ,  avant  la  publication  du  compte- 
rendu. 

Abordant  l'examen  de  l'église  de  Rivière,  M.  Ramé  pense 
qu'elle  ne  remonte  pas  au-delà  des  premières  années  du 
XI*.  siècle. 


152  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

C'est  un  monument  ancien  et  qui  donne  la  mesure  du 
progrès  fait  dans  le  pays  dans  l'espace  de  cinquante  à  soixante 
années,  car  il  paraît  d'un  demi-siècle  postérieur  à  St.  -Mesme. 
Du  reste,  ajoute  M.  Ramé,  j'ai  passé  moins  de  temps  à  Rivière 
qu'à  Cravant  et  à  Chinon  ,  et  je  n'ai  pas  dessiné  celte  der- 
nière église.  M.  Bouet  l'a  dessinée  la  veille  de  mon  arrivée, 
et  demain  le  Congrès  pourra  la  voir  et  la  juger  dans  son 
excursion  à  Chinon. 

Cette  intéressante  communication  ,  dont  le  secrétaire  ne 
peut  reproduire  les  détails,  a  été  écoutée  avec  beaucoup 
d'intérêt  et  a  donné  lieu  à  quelques  questions  adressées  par 
M.  F.  de  Verneilh  et  par  M.  Bouet 

M.  de  Gaumont  dit  que  l'église  de  Tourtenay  ,  citée  hier 
par  M.  Ledain  ,  a  élé  depuis  long-temps  signalée  à  la  Société 
française  d'archéologie,  mais  que  jamais  on  n'en  a  présenté  de 
dessin;  et  pourtant  la  Société  a  plusieurs  fois  réclamé  à  ce  sujet. 
Cette  église  a  été  mentionnée  dans  l'ouvrage  déjà  ancien  de 
MM.  Clï.  Arnault  et  Baugier  ,  sur  les  monuments  du  Poitou. 

«  L'église  de  Tourtenay,  dit  cet  ouvrage  ,  possède  ,  dans 
«•  quelques-unes  de  ses  parties,  les  restes  les  plus  anciens; 
«  c'est  un  fronton  triangulaire  dont  l'appareil  est  digue 
«  d'attention.  A  sa  base ,  ce  fronton  commence  par  des 
«  briques  et  des  pierres,  mais  ensuite  on  voit  syuiélrique- 
«  ment  posées  des  pierres  et  des  briques  taillées  en  rond. 
«  Les  espaces  laissés  par  ces  briques  et  ces  pierres  sont 
«  remplis  par  d'autres  pierres;  après,  ce  sont  des  briques 
«  debout,  etc.  ,  etc.   » 

Le  mur  du  nord  offre  aussi  de  l'intérêt  :  la  partie  infé- 
rieure a  été  refaite,  mais  la  partie  supérieure  est  vraiment 
remarquable;  les  pierres  sont  séparées  par  une  épaisse  couche 
de  ciment  rouge.  Les  fenêtres  sont  cintrées  et  peu  larges. 
Enfin,  l'église  de  Tourtenay,  qui  n'a  qu'une  seule  nef, 
n'avait  pas  d'abside  dans  l'origine  ;  c'était  un  carré  long ,  de 


XXF.V.  SESSION,  A    SAUMUB.  158 

13  à  \h  mètres  de  longueur,  sans  voûtes  :  ce  qui  prouve  son 
ancienneté.  Les  églises  primitives  n'avaient  pas  d'abside  ; 
elles  formaient  des  carrés-longs ,  dont  les  murs  n'étaient  pas 
soutenus  par  des  contreforts. 

L'église  de  Tourtenay  a  été  allongée  et  défigurée  ;  la  façade 
occidentale  a  été  reconstruite. 

En  terminant ,  M.  de  Caumont  insiste  sur  la  nécessité  de 
se  procurer  de  bons  dessins  de  cette  église  et  de  beaucoup 
d'autres ,  signalées  comme  pouvant  en  partie  remonter  à  une 
époque  antérieure  à  l'an  1000.  M.  Ramé,  président,  partage 
cet  avis. 

MM.  de  Verneilb  et  Godard-Faultrier  discutent  sur  le  style 
de  l'église  du  Ronceray ,  en  établissant  des  parallèles  entre 
cet  édifice  et  plusieurs  autres  de  la  région  ,  qui  portent  les 
mêmes  caractères  dans  l'appareil  et  dans  l'ornementation. 

M.  de  Galembert  décrit  l'église  de  Preuilly. 

Le  Congrès  passe  à  la  question  suivante  : 

Y  a-t-il  dans  la  région  d'autres  églises  à  coupoles  que 
celle  de  Fontevrault  ?  Peut-on  en  signaler,  dans  les  dépar- 
tements voisins,  qui  n'aient  pas  été  citées  par  M.  de  Verneilh 
dans  son  bel  ouvrage  sur  i 'architecture  byzantine? 

M.  Godard-Faultrier  prend  la  parole.  Il  n'y  a  réellement, 
dit-il ,  que  la  belle  église  abbatiale  de  Fontevrault  qui  ait 
une  série  de  quatre  coupoles  sur  pendentifs;  mais  on  peut 
citer  la  petite  église  de  St.-iMartin-du-Bois  et  celle  de 
St.-Aubin  (Anjou),  qui  possèdent  de  petites  coupoles. 

M.  de  Verneilh  cite  également  quelques  églises  entre 
Loches  et  Fontevrault,  mais  il  demande  la  liste  des  monu- 
ments religieux  à  pendentifs  sphériques ,  av^c  ou  sans  ner- 
vures, dans  le  Bas-Anjou  et  dans  les  Deux-Sèvres. 

M.  Ledain  signale  plusieurs  églises  du  Poitou  qui  pré- 
sentent ,  à  l'intersection  des  transepts,  des  coupoles  à  fortes 
nervures ,  placées  sous  des  clochers. 


15'l  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

M.  Segretain  fait  observer  que  presque  toutes  les  églises 
du  Poitou  ont  à  la  croisée  une  coupole  sur  plan  circulaire  ; 
c'est  une  voûte  plus  ou  moins  régulière.  Quelques  nervures 
de  ces  voûtes  ne  sont  placées  que  comme  ornement  et  nulle- 
ment exigées  par  la  construction. — L'orateur  signale  une  cou- 
pole sphérique ,  construite  en  appareil  réticulé ,  dans  une 
église  d'un  des  faubourgs  de  la  ville  de  Niort. 

M.  le  Président  donne  la  parole  à  RI.  de  La  Tourette  fds  , 
de  Loudun ,  pour  la  lecture  d'un  mémoire  constatant  une 
découverte  celtique. 

Cette  découverte  remonte  à  l'année  1828,  mais  jusqu'à 
ce  jour  elle  n'avait  pas  été  le  sujet  d'une  communication 
complète  et  toutes  ses  particularités  n'avaient  pas  été  pu- 
bliées. 

Avant  de  lire  son  mémoire ,  M.  de  La  Tourette  dépose  sur 
le  bureau  des  fragments  d'ossements,  des  fibules,  des  flèches 
en  silex,  des  celtœ,  des  anneaux  et  des  bracelets  en  bronze,  etc. 
Les  dessins  reproduisant  ces  divers  objets  sont  également 
remis  à  RI.  le  Président. 

NOTE  DE  M.  DE  LA  TOURETTE  SUR  LE  DOLMEN  DE 
PONCÉ,  PRÈS  LOUDUN  (VIENNE). 

Dans  le  cours  de  l'été  1828  ,  des  ouvriers  terrassiers  exé- 
cutant le  tracé  de  la  route  départementale  de  Chinon  à 
Thouars  ,  trouvèrent ,  non  loin  du  moulin  du  Petit-Poncé  , 
commune  de  Sammarcolles  ,  plusieurs  disques  en  ardoise, 

trois  couteaux  en  silex  ,  des  ossements Ces  objets  furent 

donnés  à   RI.  Barbier  de  Montault ,  propriétaire ,  à  Loudun. 

RI.  de  La  Tourette  père,  à  la  nouvelle  de  cette  découverte, 
se  transporta  immédiatement  sur  les  lieux  et  procéda  à  des 
fouilles  qui  amenèrent  le  résultat  suivant  : 

A  5  à  600  pas  environ  ,  en  amont  du  passage  établi  sur  le 


XXIXe.    SESSION,    A    5AUMUR.  155 

cours  du  Négro  ou  Négron,  existait  un  renflement  de  terrain 
au  sommet  duquel  se  distinguaient  les  vestiges  d'un  dolmen. 

La  table  de  ce  dolmen  ,  enlevée  et  brisée  jadis,  était  allée 
consolider  la  digue  du  moulin  voisin. 

Le  tiers  oriental  du  monticule,  coupé  par  le  côté  droit  de 
la  route,  offrait  une  disposition  stratiforme  des  plus  curieuses. 

Au-dessous  du  gazon  on  remarquait  : 

1°.   ['ne  couche  de  terre  assez  épaisse  ; 

2°.  De  la  galuche  plate  du  pays  (  pierre  à  chaux  extraite 
du  sous-sol  )  ,  étendue  horizontalement  par  lits ,  dans  un 
certain  ordre  ; 

3".   Au-dessous,  une  nouvelle  couche  de  terre; 

h".  Un  mélange  de  sable  et  de  charbon  ,  sous  lequel 
étaient  placés  des  ossements  ; 

5°.  Enfin  ,  au  niveau  des  champs  voisins ,  le  sol  battu  , 
compacte ,  résistant ,  avait  été  nivelé  avec  le  plus  grand 
soin. 

Les  trois  premières  couches  enlevées  méthodiquement  jus- 
qu'au sable  ,  qui  n'existe  point  dans  cette  région  ,  on  mil  à 
découvert  trente  à  quarante  squelettes  environ  ,  placés  circu- 
lairemenl  dans  un  ordre  parfait,  les  uns  ayant  la  tôle  vers 
le  centre  de  la  courbe,  les  autres  les  pieds  alternativement. 

Tous  ces  squelettes  appartenaient  à  des  hommes  dans  la 
force  de  l'âge. 

Quelques-uns  portaient,  près  de  l'humérus  gauche,  un 
couteau  en  silex  ;  d'autres  ,  au  niveau  du  cou ,  des  pointes 

de  flèches  dont  l'une   est  d'un   clivage  remarquable Un 

morceau  d'ocre,  du  poids  de  9  grammes,  percé  d'un  trou 
destiné  à  recevoir  un  cordon ,  fut  également  trouvé  ;  ce 
morceau  d'ocre ,  singulièrement  taillé ,  semble  avoir  servi 
de  pierre  de  tatouage. 

Douze  couteaux,  d'une  conservation  parfaite,  trois  pointes 
de  flèches ,  un  morceau  de  silex  en  forme  de  pointe  de  lance, 


156      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

un  fragment  de  couteau  beaucoup  plus  épais  et  moins  large 
que  les  précédents,  des  débris  de  poterie  noire  travaillés 
furent  réunis. 

Au  centre  du  cercle  gisait  le  squelette  d'une  jeune  femme , 
la  tète  à  l'occident,  les  pieds  à  l'orient;  sur  sa  poitrine  et 
orientés  de  la  même  manière ,  on  rencontra  les  restes  d'un 
enfant  dont  les  os  accusaient  un  âge  peu  avancé. 

A  la  hauteur  du  cou  du  squelette  de  la  femme  ,  on  dis- 
tinguait une  marqueterie  bizarre  ,  composée  de  petits  mor- 
ceaux d'os  taillés  en  forme  de  graines  de  melon.  Cet  ornement, 
étudié  avec  soin  ,  semblait  avoir  élé  fixé  sur  une  lanière  en 
cuir,  formant  probablement  la  partie  supérieure  d'une  tu- 
nique. 

Aux  pieds  de  ce  squelette,  on  avait  ramassé  des  disques 
en  ardoise  dont  malheureusement  les  débris  tombaient  en 
poussière. 

Quatre  épingles  en  os  furent  recueillies. 

A  l'endroit  correspondant  à  la  poitrine  de  l'enfant  ,  on 
trouva  une  dent  incisive  de  ruminant ,  percée  au  sommet  de 
sa  racine ,  à  côté  d'un  fragment  d'os  de  cygne  ou  d'aigle , 
qu'avait  usé  intérieurement  et  à  son  pourtour  un  cordon 
suspenseur. 

Cette  fouille  ,  conduite  avec  le  plus  grand  soin  ,  avait  été 
favorisée  par  un  étal  particulier  des  os;  certaines  parties, 
semblant  saponifiées ,  résistèrent  assez  long-temps ,  avant  de 
tomber  en  poussière ,  sous  l'action  des  rayons  solaires. 

A  peu  de  distance  du  dolmen  de  Poncé  existe  le  château 
de  Roche-Folle. 

M.  Ramé  cite  des  découvertes  faites  en  Bretagne,  et  qui 
présentent  des  rapports  intimes  avec  les  dispositions  du  dol- 
men de  Poncé. 

i\i.   Godard-Faultricr  appuie   les  opinions  émises  par  les 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUK.  157 

précédents  orateurs ,  en  exposant  de  nouveaux  faits  extraits 
d'un  mémoire  publié  par  lui  sur  les  monuments  gaulois  de 
l'Anjou. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  et  demie. 

Le  Secrétaire  , 

Marionneau. 


v    Séance  du  1  jnin. 

Présidence  de  M.  de  Ver?ieilh. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Caumont ,  de  Galembert , 
l'abbé  Bourrasse  et  l'abbé  Le  Petit. 

M.  Ledain ,  de  Parthenay ,  remplit  les  fonctions  de  se- 
crétaire. 

La  séance  est  ouverte  à  trois  heures. 

M.  Lancia  di  Brolo  ,  secrétaire  de  l'Académie  de  Palerme, 
ayant  obtenu  la  parole ,  entretient  un  moment  l'Assemblée 
de  la  situation  et  des  progrès  de  la  science  archéologique  en 
Sicile.  Il  offre  au  Congrès  un  ouvrage  sur  les  antiquités  de 
cette  île  célèbre. 

M.  de  Caumont  annonce  l'envoi  d'une  grande  quantité  de 
chartes  et  autres  documents  par  M.  l'abbé  Briffaut.  Parmi 
ces  pièces,  il  ne  citera  que  celle  fixant  la  fondation  du  moulin 
de  St. -Florent  à  la  date  de  1220,  car  il  serait  impossible  de 
les  dépouiller  toutes.  11  remercie  vivement,  au  nom  du 
Congrès ,  M.  l'abbé  Briffaut  de  ses  communications. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  discussion  sur  la  question  du 
programme  ainsi  conçue  : 

Quelles  églises  de  la  région  possèdent  des  vitraux  peints , 
des  pierres  tombales ,   des   pavés  émaillés ,   des  peintures 


158  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   Fl'.AACt. 

murales,  des  inscriptions ,  des  boiseries  sculptées,  des  ta- 
bleaux intéressants ,  des  tapisseries ,  des  statues  anciennes? 
M.  de  Galembert  lit  un  remarquable  mémoire  sur  l'his- 
toire et  les  progrès  de  la  peinture  murale  et  de  la  sculpture 
en  Touraine,  depuis  le  Xe.  siècle  jusqu'aux  premières  années 
du  XIIIe.  (1220).  Après  avoir  établi  que  Marmoutiers  et 
St. -Martin  de  Tours  furent  des  foyers  d'arts  durant  le 
moyen-âge ,  il  passe  successivement  en  revue  les  fresques  de 
la  tour  de  St.  -Julien  de  Tours,  de  Notre-Dame  de  Rivière,  etc.  ; 
les  bas -reliefs  ou  statues  de  l'abbaye  de  Beaulieu ,  de  Cor- 
mery,  Preuilly,  Azay-Ie-Rideau  ,  St. -Léonard,  Amboise, 
St. -Ours  de  Loches,  Candes  ,  Fontevrault. 

MÉMOIRE  DE  M.  DE  GALEMBERT. 

Après  les  désastres  occasionnés  par  l'invasion  des  Nor- 
mands ,  une  terreur  générale  s'empara  des  esprits  à  la  fin  du 
X°.  siècle  ,  et  paralysa  ,  jusqu'à  l'aurore  du  XIe. ,  l'activité 
de  nos  pères. 

La  croyance  commune  que  l'an  1000  verrait  la  fin  du 
monde  n'empêcha  pas  de  relever  les  édifices  tombant  en 
ruines,  et  de  pourvoir  à  l'exercice  du  culte  et  à  la  défense  des 
places;  mais  les  âmes,  découragées,  incapables  de  grandes 
conceptions,  se  renfermèrent  dans  les  limites  étroites  du 
nécessaire,  sans  pouvoir  s'élever  aux  combinaisons  sublimes 
de  l'harmonie  et  du  rhythme. 

Aussi  le  réveil  du  premier  jour  de  l'an  1001  fut-il  le  signal 
d'une  véritable  ivresse,  dont  les  vieux  chroniqueurs  nous  ont 
conservé  le  souvenir.  A  ce  premier  élan  succéda  comme  une 
chaleur  secrète  circulant  dans  les  veines  du  corps  social.  Une 
vie  nouvelle  ,  véritable  renaissance  de  l'humanité  épuisée  , 
s'épanche  au-dehors  dans  une  activité   toujours  croissante. 

Ce  mouvement  est  favorisé  par  les  tendances  de  la  politique. 


X\.!\".    SESSION ',    A  SAIA11K.  159 

Dès  la  un  du  XIe.  siècle,  le  pouvoir  endetté  du  régime  féodal 
tend  à  se  concentrer;  les  institutions  de  l'avenir  développent 
mystérieusement  leurs  germes.  De  toutes  parts,  les  construc- 
tions mesquines  du  siècle  précédent  sont  délaissées  ou  dé- 
truites ,  et  des  édifices  nouveaux  s'élèvent  à  leur  place  dans 
des  conditions  supérieures  de  solidité  et  de  grandeur. 

Rien  n'arrête  cette  ardeur  juvénile  :  ni  les  traditions  de 
l'art  ancien  presqu'entièrement  perdues,  ni  le  manque  de 
modèles ,  ni  les  difficultés  matérielles  de  tous  genres  :  le  zèle 
et  la  foi  suppléent  à  tout.  Des  architectes  improvisés  sur- 
gissent dans  les  moindres  localités;  des  peintres  non  moins 
inexpérimentés  s'emparent  des  grandes  surfaces  intérieures 
et  les  couvrent  à  l'envi  d'innombrables  figures. 

Trois  circonstances  spéciales  ont  fait  participer  notre  pro- 
vince à  ce  mouvement  de  renaissance  avec  plus  d'élan  peut- 
être  que  partout  ailleurs:  1°.  la  domination  intelligente  et 
forte  des  comtes  d'Anjou  et  de  Touraine;  2°.  l'abondance  des 
matériaux  propres  à  bâtir  et  leur  facilité  à  recevoir  le  travail 
du  ciseau  ;  3°.  enfin  ,  le  nombre  et  la  puissance  des  grands 
monastères  ,  qui  fournirent  exclusivement  au  XI'.  siècle  les 
artistes,  maîtres  et  ordonnateurs  de  l'œuvre  dansions  ces 
détails. 

Mannouliers  et  St. -Martin  étaient  alors,  pour  la  Touraine, 
les  foyers  de  lumière  où  se  conservaient  les  traditions  an- 
ciennes échappées  au  naufrage  des  sciences  et  des  arts  du 
siècle  précédent. 

11  est  important  de  se  demander  quelle  pourrait  être  la 
nature  de  ces  traditions,  en  ce  qui  regarde  la  peinture  et  la 
sculpture. 

Existait-il   des  règles  formulées  en   manière  de  Codex 
comme  la  Schedula  diversarum  arlium  du   moine   Théo- 
phile ;   ou,    devenus   complètement    barbares,    nos    pères 
durent-ils  être  de  nouveau  initiés  à  la  pratique  des  arts  par 


160  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

des  maîtres  étrangers,  les  Byzantins,  par  exemple;  ou  bien, 
enfin  ,  posèrent-ils  eux-mêmes  les  fondements  d'une  esthé- 
tique nouvelle  en  s'aidant  de  modèles  antérieurs ,  mutilés  et 
incomplets  ? 

C'est  à  cette  dernière  conjecture  que  je  me  range,  et  voici, 
en  peu  de  mots ,  mes  raisons  : 

Tout  en  admettant ,  avec  nos  savants  collègues  MM.  de 
Caumont ,  de  Verneilh,  etc.  ,  une  influence  byzantine  dans 
l'architecture  romane  à  la  fin  du  XIe.  et  au  commencement 
du  XIIe.  siècle,  je  crois  que  cette  influence  se  fit  par 
approche  et  fut  limitée  à  certaines  localités  Or  ,  nos  monu- 
ments de  Touraine  (1)  n'en  ont  conservé  qu'une  empreinte 
fugitive  ,  rare  et  comme  reçue  indirectement. 

Mais  c'est  sur  l'étude  comparée  des  manuscrits  à  minia- 
tures que  se  fonde  plus  particulièrement  ma  conviction. 

En  effet ,  si ,  aux  époques  d'apogée ,  le  dessin  est  la  base 
essentielle  du  progrès  de  la  peinture  et  de  la  sculpture , 
cette  vérité  est  plus  incontestable  encore  pour  les  époques 
primitives.  Or  ,  en  comparant  les  miniatures  des  manuscrits 
occidentaux  des  X'.  et  XIe.  siècles  avec  celles  de  provenance 
byzantine  exécutées  dans  le  même  temps  (2),  il  est  impossible 
de  contester  leur  complète  divergence. 

Les  unes ,  produit  d'une  décadence  radicale ,  présentent 
tous  les  symptômes  de  l'enfance  de  l'art,  tandis  que  les 
autres  offrent  encore,  malgré  un  affaissement  notable,  une 
exécution  savante  qui  révèle  l'existence  des  traditions ,  des 
procédés  et  même  des  modèles  de  l'antiquité  païenne. 

Je  ne  crois  pas  non  plus  que  les  moines  artistes  du  XV. 
siècle  aient  travaillé  d'après  des  règles  écrites.  Rien,  en  effet, 
n'est  moins  réglé  que  leurs  monuments  de  toute  sorte,  et 

(1)  Cette  infiuence  se  reconnaît  à  St.-Ours,  Cormery,  Fontevrault. 

(2)  Evangétiaire,  Bit)!,  impériale,  n".  Gr.  70; — Id.,  Psautier ,n".  139. 


XXIXe.    SLSSION  ,    A    SAL'MUR.  161 

aucune  époque  d'art  ne  se  caractérise  par  une  variété  plus 
originale  et  une  indépendance  plus  complète  de  tout  prin- 
cipe régulateur.  Quant  aux  modèles  à  imiter,  il  faut  faire  en 
ce  point  une  distinction  entre  la  sculpture  et  la  peinture. 

Pour  cette  dernière,  à  défaut  des  peintures  murales  anté- 
rieures que  le  manque  d'entretien  des  édifices  et  les  désastres 
du  Xe.  siècle  durent  anéantir  en  grande  partie  ,  il  resta 
dans  les  manuscrits  conservés  dans  les  monastères  un  nombre 
considérable  de  bons  modèles  qui  suffirent,  avec  quelques 
procédés  traditionnels,  à  guider  les  peintres  dans  la  voie 
nouvelle.  Les  sculpteurs  n'eurent  pas  cette  ressource.  Mais 
comme,  sans  nul  doute,  les  mêmes  individus  exerçaient 
alors  les  deux  professions ,  l'influence  des  mêmes  modèles 
produisit  cette  physionomie  très-caractéristique  des  œuvres 
de  ce  temps ,  où  l'on  retrouve  une  similitude  frappante 
entre  les  œuvres  de  la  sculpture  et  celles  de  la  peinture. 

Ainsi ,  pour  ce  qui  regarde  l'ornementation  ,  les  enroule- 
ments, entrelacs,  têtes-plates,  animaux  fantastiques  sculptés 
à  profusion  sur  certaines  façades  des  édifices  romans ,  se 
rencontrent  exactement  semblables  dans  les  manuscrits  du 
Xe.  au  XIIe.  siècle.  D'un  autre  côté,  la  figure  humaine  garde, 
dans  ces  deux  manifestations  de  l'art,  la  même  maigreur,  la 
même  incertitude  dans  les  proportions ,  le  même  système 
de  plis  concentriques  dans  les  draperies  ,  en  un  mot ,  la  simi- 
litude la  plus  complète  dans  le  dessin. 

Aussi  voyons-nous ,  jusqu'à  la  seconde  moitié  du  XIIe. 
siècle ,  la  sculpture  ,  emmaillotée  ,  pour  ainsi  dire  ,  par  les 
exigences  des  procédés,  rester  comme  figée  dans  le  bas- 
relief,  et  les  statues  elles-mêmes  ne  sont  que  des  demi- 
rondes-bosses  qui  gardent  la  trace  du  dessin  primitif  dont  le 
ciseau  timide  ose  à  peine  s'écarter. 

De  son  côté,  la  peinture  à  la  fresque  ou  en  détrempe,  seule 
usitée  à  cette  époque,  n'offre  pas,  comme  la  peinture  à  l'huile, 

11 


162  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

des  ressources  et  des  combinaisons  hien  variées  ;  le  modelé 
par  empâtement  en  est  exclu,  et ,  sous  la  couleur,  toujours 
étendue  liquide,  le  trait  du  dessin  persiste,  accusant  presque 
seul  les  modifications  delà  forme. 

Je  puis  conclure  de  ce  qui  précède  que  la  pratique  des 
deux  arts  par  la  même  main  ,  la  similitude  des  procédés  et 
surtout  une  base  commune  par  la  domination  absolue  du 
tracé  primitif ,  rendent  les  mêmes  observations  applicables 
aux  œuvres  de  la  peinture  et  de  la  sculpture  jusqu'à  l'époque 
de  leur  divergence  complète  ,  époque  que  je  crois  pouvoir 
fixer,  pour  notre  province,  vers  le  milieu  du  XIIe.  siècle. 

On  comprend,  dès-lors,  que  la  plupart  des  remarques  que 
je  vais  faire  sur  les  divers  monuments  de  peinture  et  de 
sculpture  de  cette  époque,  portant  presque  entièrement  sur  le 
dessin  ,  seront  communes  à  ces  deux  fractions  de  l'art.  Je 
les  passerai  cependant  en  revue  séparément  en  commençant 
par  la  peinture  ,  qui ,  par  sa  liaison  plus  intime  avec  l'élé- 
ment graphique  et  ses  rapports  plus  évidents  avec  les  minia- 
tures des  manuscrits  antérieurs ,  me  semble  avoir  été  le  prin- 
cipe primordial  de  tout  l'art  nouveau  et  son  point  de  suture 
avec  l'ancien. 

Peinture. 

Dans  le  nombre  assez  considérable  de  monuments  peints 
qui  subsistent  encore  en  Touraine,  il  en  est  deux  qui,  re- 
montant évidemment  à  la  première  moitié  du  XIe.  siècle , 
offrent  les  plus  anciens  spécimens  de  la  période  qui  nous 
occupe.  Ce  sont  :  1°.  les  peintures  à  fresque  qui  décorent 
le  mur  extérieur  de  la  belle  tour  de  Si. -Julien  ;  et  2".  celles 
de  la  crypte  de  l'église  de  Tavan  ,  ancien  prieuré,  situé  à 
une  demi-lieue  de  File  Bouchard.  Ces  deux  fresques  offrant 
presque  iden'.iqnement  les  mêmes  caractères,  je   ne  m'occu- 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMOB.  163 

perai  que  de  celles  de  St. -Julien,  qui  sont  de  beaucoup  les 
plus  importantes. 

Si  le  spectateur  qui  visite  la  belle  église  de  St. -Julien  de 
Tours  regarde  la  partie  occidentale  ,  il  aperçoit  au-dessus  de 
l'orgue,  à  travers  de  grandes  arcades  plaquées  au  XIIIe.  siècle 
sur  le  mur  de  la  tour  romane ,  des  restes  confus  de  couleurs. 
11  est  impossible,  de  loin,  de  rien  distinguer;  mais  en  ap- 
prochant, au  moyen  d'un  échafaudage,  j'ai  pu,  il  y  a  dix 
ans,  relever  exactement  les  sujets  représentés. 

Les  peintures  s'étendent  en  deux  zones  parallèles  sur  une 
longueur  de  7  mètres  95  et  une  élévation  de  3  mètres  70. 
Les  personnages  ont  environ  1  mètre  de  hauteur.  Le  tout 
forme  six  tableaux ,  représentant  le  passage  de  la  mer  Rouge, 
Moïse  sur  le  mont  Sinaï ,  l'adoration  du  veau-d'or,  le  mas- 
sacre des  prévaricateurs,  enfin  une  curieuse  image  de  l'Arche 
d'alliance  au  milieu  du  Tabernacle. 

Dans  la  composition  de  ces  différents  sujets,  les  figures 
sont  en  général  juxta-posées,  comme  sur  les  vases  étrusques. 
L'artiste,  qui  les  a  dessinées  sur  l'enduit  de  mortier,  eût  pu, 
sans  rien  changer  à  la  composition,  en  faire  un  bas-relief, 
en  découpant  les  contours  au  ciseau  et  enlevant  le  champ 
extérieur  à  une  légère  profondeur.  C'est,  à  n'en  pas  douter, 
par  ce  procédé  qu'a  dû'  être  exécuté  le  singulier  bas-relief  dit 
de  St. -Hubert,  à  Beaulieu,  dont  je  parlerai  plus  loin. 

Dans  la  manière  dont  les  figures  de  la  fresque  de  St.- 
Julien  sont  groupées ,  il  n'y  paraît  aucune  préoccupation 
d'arrangement  combiné  avec  art  pour  satisfaire  le  goût,  et 
il  est  évident  que  le  dessinateur  a  campé  ces  personnages 
à  telle  ou  telle  place  ,  uniquement  pour  l'intelligence  de  son 
sujet ,  et  sans  aucun  souci  de  la  confusion  qui  pourrait  en 
résulter  pour  l'esprit  et  pour  les  yeux. 

Les  proportions  du  corps  varient  sans  motif  apparent  ;  ce 
qui  suffirait  à   prouver  qu'il  n'y  avait  pas  alors  de  règles 


16/i  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

écrites,  ou  fixées  par  des  types  reconnus,  comme  le  Canon 
des  écoles  grecques.  Chacun  sait ,  du  reste ,  que  la  même 
variété  se  remarque  dans  la  statuaire  romane,  et  que,  même 
à  son  apogée,  celle  de  l'époque  ogivale  ne  s'est  jamais  montrée 
très-rigoureuse  à  cet  égard. 

Un  autre  caractère  bien  distinct  est  celui  que  présente 
généralement  l'apparence  du  corps ,  qui  se  rapproche  plutôt 
du  squelette  de  l'homme  que  de  sa  forme  vivante,  revêtue  de 
chair. 

De  là  ces  membres  grêles  et  ce  type  de  figures  décharnées 
qui ,  aux  yeux  de  quelques-uns ,  passent  sur  le  compte  de 
l'ascétisme  des  bons  moines,  et  ne  sont ,  à  mon  avis ,  que  le 
produit  dégénéré  de  traditions  antérieures  par  l'abstention 
prolongée  de  toute  imitation  de  la  nature.  De  là  aussi  ce 
système  de  draperies  adhérentes  au  corps,  dont  nous  par- 
lerons tout  à  l'heure. 

Les  règles  de  la  perspective  sont  complètement  inconnues, 
aussi  bien  pour  les  figures  animées  que  pour  les  objets 
inanimés.  Pour  ces  derniers ,  on  ne  sent  même  pas  ce  com- 
mencement de  révélation ,  à  l'état  rudimentaire ,  que  l'on 
peut  observer  dans  le  tombeau  du  Lazare  de  la  fresque  de 
Rivière ,  ouvrage  que  je  suppose  exécuté  à  la  fin  du 
XIe.  siècle.  En  comparant  les  lignes  fuyantes  de  ce  tombeau 
avec  celles  de  l'Arche  placée  au  milieu  du  Tabernacle  dans  la 
fresque  de  St. -Julien,  on  doit  constater  qu'un  progrès, 
instinctif  sans  doute ,  mais  cependant  certain ,  s'est  accompli 
sur  ce  point  pendant  le  cours  de  ce  siècle. 

On  peut  facilement  s'imaginer  comment ,  avec  une  igno- 
rance aussi  complète  des  lois  de  la  perspective ,  les  raccourcis 
les  plus  ordinaires  sont  d'un  effet  peu  satisfaisant.  La  né- 
cessité d'éviter  les  difficultés  de  ce  genre  met  de  la  gêne 
partout,  notamment  dans  les  figures,  auxquelles  la  nature  du 
sujet  impose  des  mouvements  violents. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  165 

De  là  vient  une  particularité  que  l'on  retrouve  dans  toutes 
les  peintures  de  cette  période. 

Quelle  que  soit  l'attitude  de  l'homme,  les  pieds  se  présentent 
toujours  de  profil  ou  de  trois  quarts,  et  l'on  voit  très-souvent 
des  personnages,  posés  sur  l'extrémité  des  orteils,  qui  pa- 
raissent s'avancer  en  dansant  plutôt  que  marcher. 

Une  semblable  remarque  a  été  faite  par  Winckelmann  pour 
certaines  figures  de  vases  grecs  de  l'époque  éginétique. 

Dans  nos  fresques  de  St. -Julien,  les  têtes  sont  marquées 
à  un  cachet  de  barbarie  souvent  grotesque.  Les  traits  gros- 
siers donnent  aux  figures  un  air  farouche,  qui  s'adoucit 
à  peine  pour  les  têtes  de  femme  ,  et  pour  celles  qui  ont  des. 
prétentions  particulières  à  la  jeunesse  et  à  la  beauté  :  telle  est 
celle  du  mauvais  riche  dans  une  peinture  de  Rivière.  Mais 
ce  qui  caractérise  d'une  manière  frappante  le  dessin  de  la 
figure  humaine  à  cotte  époque,  c'est  le  système  de  draperies 
généralement  adopté  pour  la  sculpture  comme  pour  la  pein- 
ture. 

L'agencement  des  plis  révèle  exactement  la  forme  du 
corps  par  masses  brisées  aux  jointures  des  membres ,  et , 
dans  les  espaces  intermédiaires,  par  des  traits  plus  légers, 
parallèles  aux  contours  extérieurs ,  de  manière  à  accuser 
rigoureusement  la  partie  du  corps  que  recouvre  la  draperie. 

Ainsi ,  aux  genoux ,  sur  le  ventre ,  la  poitrine  et  les 
épaules ,  les  traces  du  pinceau  se  contournent  en  volutes 
dont  le  centre  correspond  à  la  rotule ,  aux  bouts  de  sein  ,  au 
nombril  et  autres  parties  saillantes  du  corps. 

Malgré  la  barbarie  de  ce  procédé,  il  faut  y  reconnaître,  ainsi 
que  le  remarque  M.  Mérimée  pour  la  fresque  de  St.-Savin  , 
comme  un  écho  lointain  d'un  principe  constant  de  l'art  antique. 
Du  reste  ,  tout  dans  ces  peintures  est  routine  traditionnelle  , 
et,  quelque  dégénérée  qu'elle  soit ,  la  méthode  pratiquée  a 
des  raisons  profondes  qui  remontent ,  avec  des  phases  di- 


166  CONGUÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

verses   (1) ,  jusqu'à   l'enseignement  des  écoles    romaines. 

L'étendue  que  nous  avons  donnée  à  l'examen  de  la  fresque 
de  St. -Julien  nous  permettra  de  passer  plus  rapidement  sur 
les  autres  spécimens  de  peinture  de  cette  période  ,  nom- 
breux encore  dans  notre  province ,  et  qui  offrent  tous  les 
caractères  généraux  que  nous  venons  d'indiquer. 

On  en  retrouve  à  l'ancienne  abbaye  d'Aigues-Vives  ,  à 
l'église  paroissiale  de  Lignières ,  à  la  Chartreuse  du  Liget  ,  à 
Notre-Dame-de-Rivière ,   près  Chinon. 

Les  deux  derniers  ont  le  plus  d'importance  par  leur 
étendue  et  leur  conservation  ;  mais  leurs  procédés  d'exécution 
différant  peu  de  ceux  employés  à  St. 'Julien  ,  je  me  bornerai 
à  remarquer  :  1°.  pour  la  fresque  de  Rivière,  un  goût 
meilleur  et  plus  recherché  dans  l'ornementation  (2) ,  quelque 
préoccupation  de  plaire  aux  yeux  dans  la  composition  du 
sujet ,  enfin  moins  de  rudesse  dans  le  plissage  des  draperies 
et  la  physionomie  des  personnages  ;  2°.  à  la  Chartreuse  du 
Liget ,  ce  dernier  caractère  est  très-remarquable  par  une 
tendance  marquée  à  la  douceur  et  à  la  noblesse  clans  les  traits 
du  visage. 

Les  bornes  de  ce  travail  s'opposent  à  ce  que  j'entre  dans 
de  plus  grands  détails  sur  les  intéressantes  compositions  his- 

(1)  Les  miniatures  des  manuscrits  antérieurs  au  Xe.  siècle  permettent 
de  suivre  les  phases  de  celle  décadence. 

On  peut  consuller  :  Évangél'.aire  de  Charlemngne ,  autrefois  Biblio- 
thèque impériale  ,  maintenant  au  musée  des  Souverains,  n°.  A  72  ; — 
Bibliothèque  Ste.-Geneviève ,  p.».  127,  A-14  ;  —  Bibliothèque  impé- 
riale, n°.  257; — ld.,  i)°.  1152,  tn-40.  ,  aujourd'hui  au  musée  des 
Souverains  ;  —  Bibliothèque  impériale  ,  n°.  266  ;  —  Bibliothèque  Slc.- 
Geneviève  ,  n°.  124,  A-tl-L.  ; — Bibliothèque  de  l'Arsenal,  T.  L. 
192  ;  —  ld.,  T.  L.  037  ;  —  ld.,  T.  F.  8,  grand  in-A". 

(2)  Il  faut  remarquer  surtout  une  frise  élégante  qui  rappelle  le 
goût  antique. 


XXIXe.    SESSION  ,  A   SAUMU.P.  167 

toriques  de  ces  deux  localités;  j'ajouterai  seulement  que  ,  si 
les  différences  remarquées  à  l'avantage  de  ces  œuvres  ne 
permettent  pas  de  les  attribuer  à  un  changement  de  mé- 
thode ,  on  peut  cependant  constater  que,  les  procédés  restant 
les  mêmes ,  il  y  a  eu  progrès  dans  l'application  par  l'effet 
naturel  du  temps  et  de  la  pratique. 

Aussi,  h  défaut  de  textes  et  antres  données  précises,  pre- 
nant pour  base  !a  date  à  peu  près  certaine  des  fresques  de 
St. -Julien,  je  conjecture  que  les  peintures  de  Rivière  et  du 
Liget  ont  été  exécutées  à  la  fin  du  XIe.  siècle  ou  dans  les  pre- 
mières années  du  XIIe.  ,  mais  bien  certainement  avant  l'an- 
née 1150.  Ce  qui  m'enhardit  à  tirer  cette  conclusion ,  c'est  le 
changement  produit,  à  cette  époque,  dans  l'architecture  par 
un  système  nouveau  propre  aux  trois  provinces  de  l'Anjou  , 
du  Poitou  et  de  la  Touraine  ;  système  que  M.  Godard- 
Fauitrier  a  proposé  fort  judicieusement  d'appeler  style  Plan- 
tagenei ,  du  nom  de  la  puissante  famille  qui  possédait  ces 
provinces  pendant  le  XIIe.  siècle. 

Ce  style ,  qui  tient  à  la  fois  du  roman  et  de  l'ogival  ,  et 
sert  de  transition  de  l'un  à  l'autre,  commence  avec  l'avène- 
ment de  Henri  H,  et  j'estime  qu'il  fleurit  en  Touraine 
pendant  une  période  de  70  à  75  ans ,  jusqu'à  la  fin  du  règne 
de  Philippe-Auguste,  époque  de  l'invasion  du  style  ogival 
pur. 

Nous  y  reviendrons  tout  à  l'heure  avec  la  sculpture,  pour 
laquelle  il  nous  faut  d'abord  remonter  au  commencement 
du  XIe.  siècle  pour  suivre  les  phases  diverses  de  ces  progrès 
pendant  la  période  romane, 

§eulptui*e. 

A  l'inverse  de  la  pénurie  que  l'on  remarque  pour  les 
sculptures  antérieures  au  Xe.  siècle  ,  celles  des  deux  siècles 


168      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

suivants  sont  nombreuses  dans  notre  province.  Je  vais  donc 
les  grouper  par  catégories  offrant  des  caractères  analogues  , 
6ans  entrer  pour  chacune  d'elles  dans  des  détails  particuliers 
qui  Qu'éloigneraient  du  but  que  je  poursuis.  Je  tirerai  ensuite 
de  l'examen  de  ces  groupes  quelques  conclusions  générales , 
en  raison  de  leurs  caractères  semblables  ou  différents ,  et  je 
m'efforcerai  de  reconnaître  leur  enchaînement  réciproque. 

Je  formerai  trois  groupes  de  nos  sculptures  de  l'époque 
romane  des  XIe.  et  XIIe.  siècles.  Les  deux  premiers  ne 
diffèrent  entr'eux  que  par  des  nuances  peu  marquées ,  à  peu 
près  au  même  degré  que  les  fresques  de  St. -Julien  compa- 
rées à  celles  de  Rivière  et  du  Liget.  Le  troisième,  au 
contraire  ,  correspondant  à  l'époque  de  transition  du  style 
Plantagenet,  nous  fera  passer  par  un  progrès  rapide  de  la 
jeunesse  de  l'art  du  statuaire  à  sa  maturité  au  XIIIe.  siècle. 

Le  premier  de  nos  trois  groupes  comprend:  1°.  le  bas- 
relief  qui  se  voit  au  fronton  extérieur  du  transept  de  l'église 
de  Beaulieu  ,  antique  abbaye  bâtie  par  Foulques  Néra,  mort 
en  10o9  ;  2°.  d'autres  bas-reliefs  très-frustes  qui  décorent  le 
clocher  de  l'ancienne  abbaye  de  Cormery  ;  3°.  les  chapi- 
teaux à  personnages  de  l'église  de  Preoilly,  achevée  en  1009  ; 
k°.  les  statues  engagées  dans  les  arcades  intérieures  de 
l'abside,  à  l'église  paroissiale  de  Cormery  ;  5°.  les  deux  statues 
situées  de  chaque  côté  de  la  porte  de  l'église  de  Crouzille  ; 
6°.  enfin  ,  les  statuettes  de  la  façade  de  l'église  d'Azay-le 
Rideau. 

De  ces  six  spécimens  de  sculpture,  ceux  de  Crouzille  et  du 
clocher  de  Cormery  sont  tellement  mutilés  que  je  les  nomme 
seulement  pour  mémoire.  Parmi  les  quatre  autres,  le  bas-relief 
de  l'abbaye  de  Beaulieu  et  les  chapiteaux  de  l'église  de 
Preuilly  sont  surtout  intéressants  par  leur  antiquité  et  la  date 
certaine  des  édifices  auxquels  ils  sont  attachés  ,  date  qui  en 
fixe  l'exécution  dans  les  premières  années  du  XIe.  siècle. 


XXIX".    SESSION,    A  SAUMUR.  169 

La  sculpture  de  Beaulieu  occupe  entièrement  le  triangle 
du  fronton  du  transept  septentrional  de  l'église  de  Foulques 
INéra,  à  l'extérieur.  Malgré  l'état  de  dégradation  où  l'ont  ré- 
duit plus  de  huit  siècles  d'existence  en  plein  air  ,  on  peut 
encore  y  distinguer  :  des  guerriers  à  pied  et  à  cheval  ;  des 
animaux  divers,  superposés  sans  ordre  et  sans  proportions; 
enfin  ,  au  sommet  de  la  composition  ,  un  homme  à  genoux 
entre  deux  gros  oiseaux  et  paraissant  en  proie  h  leur  voracité. 

L'opinion  populaire  veut  que  ce  bas-relief  représente  la 
Chasse  Je  saint  Hubert. 

L'espèce  de  Prométhée  dont  je  viens  de  parler  dérouterait 
une  interprétation  plus  savante.  Quoi  qu'il  en  soit ,  chasse 
ou  bâta  -lie,  peut-être  l'une  et  l'autre,  il  est  certain  que  cette 
œuvre ,  d'un  relief  très-bas ,  appartient  à  cette  période  du 
dessin  dont  je  disais ,  à  propos  des  peintures  de  St. -Julien  , 
qu'elle  ne  montre  aucune  préoccupation  de  plaire  aux  yeux 
par  l'arrangement  de  la  composition. 

Il  n'y  faut  chercher  non  plus  ni  proportions  normales,  ni 
correction  dans  la  forme.  C'est  tout  au  plus  si  les  objets 
représentés  s'y  reconnaissent  par  les  caractères  généraux  qui 
distinguent  les  espèces  entr'elles.  Point  de  draperies  visibles, 
ou  du  moins  l'éloignement  et  l'état  fruste  de  ces  sculptures 
ne  laissent  apercevoir  aucun  plissage  (1).  En  un  mot,  c'est 
l'enfance  de  l'art  dans  son  acception  la  plus  complète. 

Les  chapiteaux  historiés  de  Preuilly  rentrent  dans  la  même 
catégorie.  Je  ne  m'y  arrêterai  que  pour  remarquer  la  diffé- 
rence qui  existe  entre  les  chapiteaux  du  chœur  et  les  deux 
autres  de  la  nef,  les  seuls  où  l'on  voit  des  personnages.  Les 
premiers  présentent  un  relief  très-bas,  avec  des  formes 
grêles ,  tandis  que  dans  ceux  de  la  nef  les  figures  ont  des 

(1)  Il  serait  possible  qu'à  l'origine  la  peinture  indiquât  seule  les 
vêtements,  comme  dans  les  statues  égyptiennes. 


170  CONGRÈS   Ar.CHfcor.Of.lQUL    Dli   FRANCE. 

proportions  courtes  ,  des  formes  lourdes  et  un  relief  plus 
prononcé,  (les  variations  proviennent  seulement ,  je  le  crois 
du  moins,  de  la  différence  de  goût  et  d'habileté  des  artistes. 
Quant  aux  sculptures  de  l'église  paroissiale  deCormery, 
elles  indiquent  un  progrès  notable  sur  la  précédente,  et  doi- 
vent avoir  été  exécutées  beaucoup  plus  tard. 

D'abord  ,  ce  sont  des  statues  ;  il  est  vrai  que  ces  statues 
ne  sont  qu'à  moitié  sorties  du  bloc  de  pierre  qui  les  a  pro- 
duites, et  auquel  elles  adhèrent  encore  dans  toute  leur  lon- 
gueur ;  mais  précisément  par  celte  circonstance  de  ronde- 
bosse  à  l'état  rudimenlaire,  elles  permettent  de  prendre  sur 
le  fait  le  procédé  à  l'aide  duquel  elles  se  sont  dégagées  peu 
à  peu  de  la  masse  d'où  elles  sortent. 

Ces  statues  ,  au  nombre  de  quatre ,  présentent  tontes  les 
mêmes  caractères  d'exécution  naïve  ,  avec  des  formes  pres- 
que identiques,  comme  si  elles  avaient  été  jetées  dans  le 
même  moule:  proportions  assez  élancées,  poses  Irès-raides  , 
têtes  barbares,  sans  apparence  de  chevelure.  Les  bras  sont 
collés  au  corps  avec  les  objets  que  les  mains  tiennent  ; 
dans  la  gauche  un  livre ,  dans  la  droite  un  sceptre  fleuri. 
Les  vêtements  conservent  la  physionomie  caractéristique  de 
l'époque  par  leurs  plis  contournés  et  leur  adhérence  au  corps. 
Celle-ci  est  tellement  complète  pour  la  partie  inférieure 
que  la  figure  paraît  se  terminer  en  gaîne ,  à  la  manière  de 
certaines  statues  égyptiennes,  avec  lesquelles  ces  sculptures 
offrent  plus  d'un  point  de  ressemblance. 

Douze  statuettes,  placées  au-dessus  du  portail  de  la  petite 
église  d'Azay-le-Rideau  ,  présentent  à  peu  près  les  mêmes 
caractères  que  les  statues  de  Cormeryet  me  paraissent  appar- 
tenir à  la  même  époque.  Elles  n'en  diffèrent  que  par  des 
proportions  plus  courtes  et  une  exécution  bien  inférieure. 

Il  importe  d'observer  ici  ,  et  pour  les  ouvrages  que  nous 
venons  d'examiner  et  pour  ceux  qui  nous  restent  à  passer  en 


XXIXe.    SESSION,    A  SAUMUR.  l~l 

revue ,  qu'à  l'origine  toutes  ces  statues  et  ces  bas-reliefs 
étaient  peints ,  et  que  leur  mise  en  couleur  avait  pour  but 
non-seulement  de  les  rendre  plus  vivants  en  leur  donnant 
plus  d'éclat  et  de  relief,  mais  encore  de  compléter  le  travail 
du  ciseau.  Le  sculpteur  ébauchait ,  le  peintre  terminait. 

Ainsi ,  je  ne  doute  pas  que  pour  les  statues  de  Cormery 
les  cheveux  dont  nous  avons  remarqué  l'absence  ne  fussent 
indiqués  à  l'aide  du  pinceau  ,  ce  qui  devait  leur  donner  une 
physionomie  toute  différente  de  celle  qu'elles  ont  aujour- 
d'hui sous  la  blancheur  sale  de  leur  badigeon. 

Le  second  groupe  de  sculpture,  tout  en  s'éloignant  peu 
des  principes  du  précédent,  révèle  cependant  un  progrès 
réel ,   peut-être  même  une  école  différente. 

Tous  les  édifices  où  nous  les  rencontrons  en  Touraine 
appartiennent  au  roman  fleuri ,  si  remarquable  par  la  prodi- 
galité des  ornements  et  par  l'apparition  accidentelle  de  l'arc 
en  tiers-point.  Ce  style  correspond ,  en  Touraine  comme 
ailleurs,  à  la  première  moitié  du  XIIe.  siècle. 

Les  spécimens  de  ce  groupe  se  rencontrent  :  dans  le 
chœur  de  l'église  de  Notre-Dame  de  Loches  ;  a  la  retombée 
des  nervures  des  transepts,  à  Aigues-Vives;  sur  un  chapi- 
teau du  chœur  de  Fongombault;  à  la  porte  occidentale  de 
l'église  de  Parçay-sur-Vienne  ;  enfin,  sur  les  chapiteaux  des 
colonnes  du  chœur  de  l'ancien  prieuré  de  St. -Léonard,  à 
l'île  Bouchard,  ruines  précieuses  qui  devraient  depuis  long- 
temps être  à  l'abri  de  la  destruction  qui  les  menace. 

Tous  ces  sculptures  ayant  un  lien  de  parenté  incontestable, 
je  m'occuperai  seulement  de  celles  de  St. -Léonard,  dont 
voici  les  caractères  principaux  :  proportions  très-courtes  à 
raison  de  la  grosseur  de  la  tète ,  qui  n'est  comprise  que 
quatre  à  cinq  fois  dans  la  hauteur  totale  ;  forme  lourde; 
tètes  énormes  avec  le  nez  épaté  et  les  yeux  démesurés  et 
saillants;  les  mains  et  les  pieds  ont  des  dimensions  en  rap- 


172  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

port  avec  la  valeur  exagérée  de  la  tête  ,  ce  qui  est  au  moins 
de  la  logique ,  sinon  de  la  beauté. 

Tous  ces  défauts ,  dont  il  ne  faut  pas  dissimuler  la  gra- 
vité ,  sont  rachetés  par  un  travail  mieux  étudié  des  parties , 
travail  auquel  l'observation  de  la  nature  n'est  point  restée 
étrangère.  Celte  remarque  ne  surprendra  point  les  archéo- 
logues, qui  savent  avec  quel  soin  les  détails  sont  étudiés 
dans  les  statues-colonnes  du  portail  occidental  de  la  cathédrale 
de  Chartres  ,  malgré  des  proportions  allongées  outre  mesure. 

C'est  certainement  à  ce  principe  d'une  observation  plus 
directe  de  la  nature  que  nos  statuettes  doivent  l'amélioration 
sensible,  dans  la  draperie,  qui  les  dislingue  du  groupe  précé- 
dent. En  effet,  les  vêtements  sont  jetés  par  masses  qui  suivent 
convenablement  les  mouvements  du  corps,  avec  une  modifi- 
cation profonde  du  système  de  plis  intermédiaires  si  carac- 
téristiques dans  les  peintures  et  sculptures  dont  nous  nous 
sommes  occupé  jusqu'ici.  Ces  plis  contournés  sont  remplacés 
à  St. -Léonard  par  des  fi.'ets  saillants  ,  parallèles  et  uniformes, 
qui  semblent  les  rayures  régulières  d'une  étoffe  bariolée. 

il  faut  constater  également  un  principe  d'amélioration  fé- 
cond dans  la  composition  du  sujet ,  par  une  tendance  mar- 
quée à  disposer  symétriquement  les  personnages.  Enfin , 
malgré  la  lourdeur  des  formes,  on  peut  remarquer  plus  de 
mouvement  dans  les  figures  par  la  flexibilité  de  la  tête  sur  le 
cou ,  la  variété  des  poses  et  la  possibilité  de  la  marche. 

Ces  qualités  constituent  un  progrès  certain  de  ce  second 
groupe  sur  le  premier  ,  et ,  bien  que  leurs  défauts  communs 
les  rapprochent ,  il  est  intéressant  de  constater  le  pas  décisif 
par  lequel  ces  sculptures  donnent  la  main  au  troisième  groupe 
que  nous  allons  examiner. 

Tous  les  édifices  où  se  rencontrent  les  œuvres  de  ce  troi- 
sième groupe  appartiennent ,  sans  exception ,  au  style  Plan- 
lagenet. 


XXIX*.    SESSION  ,    A   SAUML'R.  173 

Je  noierai,  comme  faisant  partie  de  cette  division  :  1°.  plu- 
sieurs chapiteaux  historiés  à  l'église  St.  -Denis  d'Amboise  ; 
2°.    les  clefs  de  voûte  de   St. -Laurent  de  Beaulieu   et  de 
presque  tous  les  édifices  de  ce  style;  3°.  les  statues  malheu- 
reusement si    mutilées   du  magnifique  porche  de  St. -Ours 
de  Loches,    restauré  par  Pactius  en   1180;  h°.  celles   du 
même  style ,  à  l'intérieur  de  l'églige  de  Candes  ;  5°.  les  figu- 
rines à  la  rencontre  des  nervures,  à  St. -Maurice  de  Chinon  ; 
6°.    les  quatre  statues  du  chœur  de  Crouzille  et  celles  du 
même  genre  enclavées  dans  les  colonnes  de  l'église  de  Panzou  ; 
7°.  enfin  ,  les  statues  tombales  des  rois  d'Angleterre  ,  à  Fon- 
tevrault.   Bien  que  cette  dernière  localité  n'appartienne  pas  à 
la  Touraine  ,  dont  elle  avoisine  seulement  l'extrême  limite  , 
je  me  crois  autorisé  à  la  ranger  parmi  les  œuvres  de  notre 
pays,  à   raison   des   rapports    intimes   des  deux    provinces 
d'Anjou  et  de  Touraine,  réunies  sous  la  même  domination 
des  Plantagenets. 

Elles  présentent ,  d'ailleurs ,  pour  le  classement  de  la 
sculpture  de  cette  époque ,  une  importance  capitale  par  leur 
date  certaine  et  par  leur  destination  ,  qui  doit  faire  supposer 
qu'elles  sont  l'ouvrage  des  artistes  les  plus  habiles  du  temps; 
elles  offrent,  par  conséquent,  le  spécimen  le  plus  complet  des 
progrès  de  l'art  du  statuaire  à  la  fin  de  la  deuxième  moitié 
du  XIIe.  siècle. 

Nous  les  prendrons  donc  comme  type  du  troisième  groupe, 
dont  nous  terminerons  l'examen  par  la  description  des  sta- 
tues de  Crouzille ,  qui ,  avec  celles  de  Panzou  ,  doivent 
former  une  subdivision  particulière,  à  raison  du  progrès  cer- 
tain qu'elles  révèlent  sur  l'ensemble  des  œuvres  de  la  pre- 
mière fraction. 

Les  statues  de  Fontevrault  représentent  Henri  II  et  sa 
femme  ,  Éléonore  de  Guyenne  ;  leur  fils  Uichard-Cœur-de- 
Lion  et  Isabelle  d'Angoulème  ,  femme  de  Jean-Sans-Terre. 


174  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

Henri  II  étant  mort  en  1189  et  Richard  en  1199,  ces 
tombeaux  ont  dû  être  élevés  au  plus  tard  dans  les  vingt 
premières  années  du  XIIP.  siècle.  D'un  autre  côté,  il  est 
certain  que  la  restauration  de  l'église  de  Loches  par  Paclius 
est  de  1180.  C'est  donc  entre  cette  date  et  celle  de  1220 
que  les  principales  œuvres  de  ce  groupe  doivent  se  rapporter. 

Nous  allons  analyser  brièvement  les  caractères  communs 
aux  quatre  statues  tombales  de  Fonlcvrault,  sans  tenir  compte 
de  quelques  différences  de  peu  d'importance. 

Ma  première  remarque  portera  sur  le  relief. 

Ces  statues  ne  sont  encore  que  des  demi-rondes-bosses. 
La  moitié  du  corps  au  moins  paraît  engagée  dans  la  dalle , 
dont  les  bords  se  relèvent  à  chaque  extrémité  pour  servir  de 
supports  à  la  tête  et  aux  pieds ,  enclavant  ainsi  les  person- 
nages de  trois  côtés. 

Cette  disposition  n'est  pas  spéciale  aux  statues  tombales , 
car  nous  la  rencontrons  à  Loches  et  à  Candes  ,  dans  des 
figures  appliquées  à  des  murailles  verticales.  Il  faut  recon- 
naître qu'elle  tient  aux  procédés  mêmes  de  cette  époque,  où 
le  sculpteur  timide  n'ose  pas  encore  s'affranchir  des  traits 
du  dessin  à  l'aide  desquels  il  a  préalablement  tracé  les  détails 
sur  la  pierre  ébauchée.  La  grande  analogie  qui  existe  entre 
le  faire  des  draperies  de  nos  statues  et  celui  que  j'ai  re- 
marqué dans  les  miniatures  des  manuscrits  de  ce  temps  ,  me 
confirme  dans  cette  opinion. 

Comparé  avec  le  système  remarqué  dans  le  groupe  pré- 
cédent ,  il  faut  reconnaître  un  grand  progrès  accompli ,  une 
méthode  nouvelle  mise  en  pratique.  Le  relief  du  corps 
est  suffisamment  indiqué  par  le  jet  des  vêtements.  Les  plis 
intermédiaires,  toujours  multipliés,  ne  contrarient  plus  le 
mouvement  des  masses  principales.  Tout  ce  travail,  il  est 
vrai ,  est  encore  fait  à  plat  et  sans  que  les  parties ,  naturelle- 
ment déprimées ,  soient  fouillées  à  la  profondeur  convenable. 


XXIX'.    StbSIOM,    A   SAUMUR.  i75 

Je  vois  là  une  nouvelle  preuve  de  la  pression  persistante  du 
dessin  sur  la  liberté  du  ciseau.  Eu  voici  une  autre  preuve 
plus  remarquable  encore.  Les  bras  sont  collés  aux  flancs  de 
la  figure  et  les  contournent  par  une  courbe  qui  suit  l'ondu- 
lation de  la  poitrine.  Cette  disposition  ,  jointe  au  rétrécissc- 
%  ment  des  épaules  et  au  rapprochement  des  jambes  ,  donne 
à  ces  statues  une  raideur  de  maintien  et  une  uniformité 
d'aspect  qui  laisse  une  grande  marge  au  progrès  futur  de  la 
statuaire  dans  la  période  suivante. 

J'ai  déjà  remarqué  souveul  combien,  à  l'époque  dont  nous 
nous  occupons,  les  proportions  du  corps  humain  étaient  va- 
riables. Celles  des  statues  de  Fontevrault  nous  offrent  un 
exemple  particulier  d'élévation  pour  la  hauteur  totale  du 
personnage ,  par  rapport  à  la  tète  prise  comme  unité.  En 
effet ,  celle-ci  n'est  pas  contenue  moins  de  sept  fois  et  demie 
et  même  huit  fois  dans  la  longueur  du  corps. 

Je  n'ai  rien  à  dire  du  caractère  des  tetes,  non  plus  que 
de  la  forme  des  pieds  et  des  mains,  ces  parties  ayant  été 
refaites  en  18&6 ,  lorsque  les  statues  furent  transportées  à 
Paris  pour  être  placées  au  musée  de  Versailles. 

En  résumé,  il  résulte  de  l'ensemble  de  mes  observations 
sur  les  divers  monuments  qui  comprennent  la  première  sub- 
division de  ce  troisième  groupe ,  que  si  les  sculpteurs  de  la 
fin  du  XIIe.  siècle  ont  ajouté  quelques  améliorations  notables 
aux  connaissances  pratiques  de  leurs  devanciers,  ils  le  durent 
plutôt  au  progrès  du  dessin  ,  en  général ,  qu'à  celui  des  pro- 
cédés propres  à  la  sculpture. 

Les  statues  de  Crouzille  ,  prises  comme  type  de  la  seconde 
fraction,  vont  nous  montrer  l'art  du  statuaire  cherchant  à  se 
développer  dans  le  sens  du  mouvement ,  du  relief  et  du 
modelé ,  toutes  conditions  qui  révèlent  chez  les  sculpteurs  le 
sentiment  plus  positif  des  exigences  propies  à  leur  art. 
Nous  ne  connaissons  aucun  lexN;  f*i  aucun  fait  qui  cou- 


176      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

state  la  date  de  l'église  de  Crouzille.  Elle  appartient,  pour  la 
plus  grande  partie ,  au  style  Plantagenet  ;  mais  si  l'on  peut 
fixer  approximativement  l'époque  où  cette  manière  de  bâtir 
a  commencé,  il  est  plus  difficile  de  préciser  le  moment  où 
elle  a  cessé  d'être  en  usage  dans  notre  province.  Le  champ , 
sur  ce  point ,  est  donc  ouvert  aux  conjectures.  Voici  la 
mienne.  Elle  se  base  sur  le  fait  de  la  réunion  de  la  Tou- 
raine  à  la  Couronne  par  la  conquête  qu'en  fit  Philippe- 
Auguste,  en  1205.  Un  événement  politique  aussi  considé- 
rable enfanta  nécessairement  des  conséquences  de  plus  d'un 
genre,  parmi  lesquelles  j'admettrais  avec  une  grande  vrai- 
semblance l'invasion  du  style  ogival ,  dont  le  courant  parlait 
des  provinces  du  domaine  royal.  Mais  il  faut  faire,  en  pareille 
matière ,  une  distinction  importante  entre  les  grands  édifices 
des  principaux  centres  de  population  ,  où  l'on  n'épargne  rien 
pour  en  faire  des  modèles  de  grandeur  et  de  magnificence , 
pour  lesquels  on  peut  faire  venir  de  loin  des  architectes  et 
des  artistes  en  tous  genres ,  et  les  simples  églises  de  cam- 
pagne, nécessairement  bornées  aux  ressources  locales. 

Cette  distinction  doit  faire  admettre  une  certaine  latitude 
entre  le  fait  de  l'avènement  du  style  ogival  en  Touraine  et 
son  expansion  complète  dans  toutes  les  parties  de  la  pro- 
vince. Je  ne  serais  donc  pas  surpris  que  l'ancien  système 
eût  persévéré  dans  certaines  contrées  au-delà  de  la  pre- 
mière moitié  du  XIIIe.  siècle.  Ainsi,  sur  les  bords  de  l'Indre 
et  de  la  Vienne  où  les  villes  de  Loches  et  de  Chinon  mon- 
trèrent ,  par  leur  résistance  aux  armes  de  Philippe-Auguste  , 
la  sincérité  de  leur  attachement  à  la  famille  Plantagenet , 
il  ne  me  paraît  pas  douteux  que  le  style  angevin  n'ait  persisté 
long-temps  après  l'époque  où  la  cathédrale  de  Tours  et 
l'abbaye  de  St. -Julien  introduisirent  dans  leur  architecture 
le  goût  français  des  bords  de  la  Seine. 

D'un  autre  côté,   le  progrès  marqué  delà  statuaire  de 


XXIX*.   SESSION,  A   SAUMUR.  177 

Crouzille  ,  comparée  à  celle  de  Fontevrault,  ne  permettant 
pas  de  les  supposer  toutes  deux  du  môme  temps,  je  me  crois 
fondé  à  conjecturer  que  l'exécution  des  premiers  doit  se 
placer  postérieurement  à  l'année  1220. 

Ceci  établi,  je  passe  à  l'examen  de  ces  précieux  spécimens 
de  notre  sculpture  tourangelle. 

Un  des  signes  distinctifs  de  l'architecture  Plantagenet  est 
la  multitude  de  figurines  sculptées  dans  toutes  les  parties  de 
l'édifice.  A  la  rencontre  de  toutes  les  nervures  ,  aux  clefs  de 
voûte ,  au  haut  des  colonnettes  en  guise  de  chapiteaux  ,  à 
leur  extrémité  inférieure  pour  servir  de  base  ,  partout  appa- 
raît une  foule  de  statuettes  grimpant  aux  membres  d'archi- 
tecture, comme  les  matelots  aux  cordages  d'un  navire. 

Le  plus  souvent  leur  petitesse  doit  les  faire  classer  dans 
l'ornementation,  comme  à  St.-Laurent  de  Beaulieu,  à  St.- 
Maurice  de  Chinon ,  et  généralement  dans  les  édifices  de  ce 
genre  bâtis  sous  le  règne  de  Henri  II.  Mais  à  Panzou  et  à 
Crouzille  ,  elles  atteignent  des  dimensions  respectables  qui 
doivent  les  faire  ranger  parmi  les  produits  de  la  statuaire. 

Les  quatre  statues  de  Crouzille  sont  placées  au  pourtour 
du  sanctuaire ,  immédiatement  sur  les  chapiteaux  des  co- 
lonnes ,  au  point  d'où  partent  en  se  bifurquant  les  moulures 
d'encadrement  des  fenêtres  et  les  nervures  de  la  voûte. 

Je  remarque,  d'abord  ,  que,  comparées  à  celles  que  nous 
avons  passées  en  revue  jusqu'ici,  elles  indiquent  des  pro- 
portions plus  normales. 

On  peut  aussi  constater  dans  le  mouvement  des  figures  un 
progrès  notable  en  principe ,  bien  que  petit  en  réalité.  Ainsi, 
quoique  la  partie  inférieure  du  corps  reste  raide  et  comme 
engaînée ,  les  bras  montrent  une  tendance  plus  libre  et  com- 
mencent à  se  détacher  du  corps.  Mais  c'est  surtout  par  la 
flexibilité  très-accusée  de  la  tète  sur  le  cou,  que  la  pose  de 
ces  figures  révèle  le  germe  de  ce  principe  fécond  qui ,  dé- 

12 


178  COiXGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE  P8ANCE. 

veloppé  au  XIIIe.  siècle,  conduira  à  la  découverte  de  la  loi 
du  balancement  du  torse  sur  les  hanches ,  seul  capable  de 
rompre  avec  l'immobilité  des  œuvres  de  la  période  romane. 

Je  n'aperçois  pas  une  grande  modification  dans  la  forme 
du  corps ,  toujours  étroite  ,  allongée  et  semblable  aux  fûts  de 
colonnes  dont  ces  statues  occupent  la  place.  Les  pieds  sont 
épatés  et  généralement  à  moitié  cachés  par  le  bas  de  la  robe. 
Les  mains  paraissent  lourdes ,  malgré  la  longueur  des  doigts, 
et  les  traits  du  visage  ,  toujours  très-accentués ,  annoncent 
cependant  des  efforts  certains  pour  se  rapprocher  de  la 
réalité.  Le  modelé  ,  comparé  à  celui  des  œuvres  de  la  pre- 
mière fraction  de  notre  troisième  groupe,  a  progressé  con- 
sidérablement. D'abord,  le  parallélogramme  de  pierre  d'où 
les  statues  sont  sorties  n'est  plus  naïvement  conservé  comme 
un  témoin  du  labeur  de  l'artiste,  et,  par  suite  ,  la  ronde- 
bosse  a  fait  un  pas  en  avant.  Le  relief  de  chaque  partie 
s'accuse  de  plus  en  plus,  et  quelques  plis,  convenablement 
fouillés,  donnent  de  l'effet  aux  draperies.  Dans  celle-ci ,  un 
progrès  notable  s'est  accompli. 

Jusqu'à  ce  moment  nous  n'avons  rencontré  que  des  vête- 
ments aux  plis  parallèles,  collés  au  corps. 

Je  constate  ici  un  travail  d'observation  intelligente  qui 
révèle  une  tendance  positive  vers  l'imitation  de  la  nature. 
Si  les  grandes  masses  n'ont  pas  encore  l'ampleur  que  la  fonc- 
tion architecturale  de  ces  statues  suffisait  à  exclure  ,  les  plis 
secondaires  tombent  sans  affectation  de  régularité  ;  ils  se 
modifient  à  propos ,  suivant  la  disposition  des  membres  dont 
ils  accusent  le  mouvement  et  la  forme.  Affectant  des  ondula- 
tions plus  en  harmonie  avec  la  coupe  du  vêtement  ,  ils  s'en- 
chaînent ,  tout  en  se  contrariant  suivant  la  direction  partielle 
qu'ils  subissent. 

En  résumé ,  le  progrès  pratique  qui  se  révèle  dans  les 
statues  de  Crouzille  et  de  Panzou  est  considérable,  et ,  bien 


\\IXP.    SESSION,    A   SAUMUR.  17(.) 

qu'en  raison  de  leurs  parlies  défectueuses  elles  se  rattachent 
encore  à  la  période  antérieure,  je  ne  doute  pas  qu'elles 
n'appartiennent  pour  leur  exécution  à  la  première  moitié  du 
XIIIe.  siècle.  Elles  servent  ainsi  de  transition  immédiate  avec 
les  œuvres  si  remarquables  de  la  période  suivante  ,  dont  la 
sculpture  du  porche  septentrional  de  Candes  nous  offrira  le 
type  le  plus  élevé  ,  au  moyen-âge  ,  dans  notre  province. 

M.  Godard-F'aultrier  signale  l'existence  de  peintures  mu- 
rales dans  les  localités  suivantes  : 

A  Angers,  dans  l'église  de  la  Trinité,  à  l'une  des  chapelles 
de  la  nef,  côté  nord  ;  elles  sont  de  la  fin  du  XVe.  siècle. 

A  Angers,  dans  l'ex-église  de  Toussaint,  dans  la  nef,  côté 
sud  (XVe.  siècle). 

A  Angers ,  dans  l'ex-chapelle  de  Lesvières.  Les  voûtes 
lambrissées  sont  également  peintes  (fin  du  XVe.  siècle). 

A  La  Haye-aux-Bons-Hommes,  près  d'Angers  (XI Ie.  siècle). 

A  St.-Aubin-des-Ponts-de-Cé(XVI°.  siècle).  MM.  Mérimée 
et  Lenormand  ont  trouvé  ces  peintures  fort  belles. 

A  St.-Remi-la-Varenne  (XIIe.  siècle). 

A  l'église  de  Pontigné  (XIIe.  siècle). 

A  l'église  de  Fonlaine-Guérin  ,  on  voit  une  voûte  lam- 
brissée, couverte  de  peintures  représentant  de  nombreux 
arbres  chargés  d'oiseaux  et  de  blasons  (XVe.  siècle). 

A  Fontevrault,  dans  l'ancienne  salle  capitulaire  de  l'ab- 
baye (XVIIe.  siècle). — Voir  notice  sur  Fontevrault,  p.  18. 

A  l'ex-église  deSL-Macé,  dite  Ermitage,  commune  de 
Trèves-Cunauld  (  XIIe.  siècle  ). 

A  Cunauld  ,  dans  les  nefs  (  XVe.  siècle  ). 

Dans  l'église  du  Lion-d'Angers  ,  murs  de  la  nef  (  XVe.  et 
XVIe.  siècles). 

Dans  l'église  de  Chanteussé  (XIIe.  et  XVe.  siècles). 

La  plupart  de  nos  anciennes  églises  étaient  peintes,  re- 


180  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

vêtues  do  pavés  émaillés  et  ornées  de  vitraux  que  le  temps 
a  fait  disparaître. 

Le  même  membre  mentionne  également  des  vitraux  peints 
qu'il  a  remarqués  dans  quelques  édifices  religieux. 

Cathédrale  d'Angers.  —  Les  plus  anciens  et  les  plus  cu- 
rieux vitraux  se  trouvent  dans  la  nef  (  fenêtres  du  nord)  ;  ils 
représentent  le  martyre  de  saint  Vincent  ,  la  vie  de  la 
Vierge  et  le  martyre  de  sainte  Catherine;  ils  appartiennent 
au  XIIe.   siècle. 

Dans  le  chœur,  des  vitraux  du  XIIIe.  siècle  représentent 
la  vie  de  saint  Pierre,  de  saint  Éloi,  de  saint  Martin,  l'Arbre 
de  Jessé ,  la  vie  de  saint  Julien. 

Les  grandes  rosaces  des  transepts  sont  du  XVe.  siècle  ; 
dans  celle  du  sud,  on  remarque  les  douze  signes  du  zodiaque. 

St.-Serge.  —  Dans  la  nef,  les  vitraux  appartiennent  au 
XVe.  siècle  et  représentent  des  prophètes. 

Le  chœur  renferme  des  grisailles  du  XIIe.  siècle. 

Eglise  de  Vernantes.  —  Entr'autres  sujets,  l'un  des  vitraux 
offre,  dit-on  ,  la  figure  de  Foulques  V ,  comte  d'Anjou,  de 
1109  à  1129  ;  mais  ce  vitrail,  datant  du  XVe.  siècle,  laisse 
peser  plus  qu'un  doute  sur  l'attribution  qu'on  veut  lui 
donner. 

St.-Aubin-des-Ponts-de~Cé.  —  Tout  le  chœur  est  orné  de 
vitraux  des  XVe.  et  XVIe.  siècles ,  à  la  conservation  desquels 
M.  le  curé  Ourion  fait  bonne  garde. 

Plessis- Bourré.  —  Ce  château  ne  renferme  plus  dans  sa 
chapelle  que  quelques  restes  de  vitraux  du  XVe.  siècle,  mais 
qui  sont  d'une  rare  perfection  ;  les  principaux  en  ont  été 
détachés  il  y  a  moins  de  trente  ans,  et  vendus  en  Angleterre, 
si  je  suis  bien  renseigné. 

Château  de  La  Coleterie  ,  commune  de  St.-Lambert-la- 
Poterie.  —  Dans  la  chapelle ,  qui  est  moderne  ,  on  a  placé 
de   fort  beaux  vitraux  du  XVIe.  siècle  ,  provenant  de  la  dé- 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  181 

molition  de  l'ancienne  église  de  St.-Mathurin.  (  V.  Nouv. 
arcli.  ,  n°.  22.) 

Chapelle  de  Roumois.  —Cette  chapelle  renferme  un  ma- 
gnifique vitrail  représentant  Jésus-Christ  sur  la  croix  ;  son  sang 
coule  dans  une  fontaine  où  les  pécheurs  viennent  se  purifier. 
Les  fenêtres  de  l'est  et  du  sud  portent  en  signature  les 
initiales  B.  G.  ,  qui  font  naturellement  penser  à  Ballhazar 
Godon  ou  Gondon  ,  dont  les  verrières  remarquables ,  signa- 
lées par  M.  l'abbé  Coffinet ,  remontent  à  la  période  écoulée 
entre  les  années  1497  et  1515  (V.  Répert.  arch.  de  l'Anjou, 
année  1859,  p.  99). 

Eglise  de  Bèhuard.  —  On  y  voit  encore  quelques  vitraux 
du  XVe.  siècle. 

M.  Goclard-Faultrier  fait  connaître  ensuite  trois  pierres 
tombales  qu'il  a  rencontrées  dans  différentes  églises. 

Dans  la  cathédrale  d'Angers,  chapelle  du  Baptistère,  pierre 
tombale  représentant,  gravé  au  trait  et  en  pied  ,  le  chanoine 
Gaufridus  de  Versalio  (XIIIe.  siècle). 

Nous  en  parlons  dans  le  Questionnaire ,  n°.  13  ,  au  titre 
Inscriptions. 

Au  Ronceray  d'Angers  (École  des  arts-et-métiers ) ,  pierre 
tombale  représentant ,  gravée  au  trait  et  en  pied,  l'abbesse 
du  Ronceray,  Renée  Sarrazin,  morte  en  1499  (style  Renais- 
sance). Autour  de  la  coquille  qui  fait  arcade  pour  la  tête,  on 
lit:  In  sola  misericordia  Dci  spero  salvari;  puis,  le  long 
de  la  tombe  ,  cette  épitapKe  : 

Cy  noble  et  vertueuse  dame  saige  abbesse  sans  vice  ou 
blasme  Renée  Sarazin  repouse  qui  dixième  may  rendit 
l'ame  l'an  mil  cinq  cens  ung  moins  qu'on  clame  (1499, 
son  ame  soit  es  cieulx  enclouse.    Amen. 

\  St.-Aubin-de-Cuigné,  dans  l'église,  pierre  tombale  re- 


182      CONGRÈS  ARCHÉOLOG[QUE  DE  FRANCE. 

présentant ,  gravé  au  trait  et  en  pied ,  un  chevalier  (  style  de 
la  Renaissance).  Cette  pierre  ,  par  sa  coquille  en  forme  d'ar- 
cade, ressemble  beaucoup  à  celle  de  l'abbesse  Renée  Sarrazin 
(Voir  Rép.  arch. —  Janvier  1860). 

M.  Joly  cite  une  pierre  tombale  existant  dans  la  nef  de 
St. -Pierre  de  Saumur ,  et  qui  vient  d'être  masquée  par  un 
mur,  mais  dont  l'inscription  se  voit  encore.  M.  Lambert 
donne  quelques  explications  à  cet  égard  ;  puis  M.  de  Caumont 
insiste  vivement  pour  que  MM.  les  Curés  et  les  Conseils  de 
fabrique  ne  fassent  pas  disparaître  ,  de  leurs  églises ,  des  mo- 
numents qui  souvent  conservent  le  souvenir  de  leurs  anciens 
bienfaiteurs. 

Dans  l'église  de  Parnay ,  dit  M.  Raimbault ,  on  voit  un 
tombeau  en  forme  d'autel ,  placé  dans  un  arceau  pratiqué 
sous  le  bas-côté  de  gauche.  Cette  tombe  est  celle  de  Jean  du 
Plessis,  seigneur  de  Parnay,  décédé  le  18  novembre  1476, 
et  d'Isabelle  de  Montis,  dame  de  Parnay ,  décédée  le  16 
octobre  1479. 

Sur  ce  tombeau  on  lit  l'inscription  suivante  : 

Cy  gisent  nobles  personnes  Jehan  du  Plexis  et  de  Parnay , 
en  son  vivant  escuier  et  conseiller  du  roy  de  Sesille  ,  qui 
trespassa  le  XXV IW.  jour  de  novembre  MCCCC  LXXVI 
et  ausi  damoyselle  Isabelle  de  Montis,  dame  de  Parnay,  qui 
trespassa  le  XVIe.  jour  d'octobre  M  CCCC  LXXIX. 

M.  de  Galembert  signale  plusieurs  pavés  émaillés  en  Tou- 
raine. 

IM.  de  Verneilh  demande  des  renseignements  sur  les  tapis- 
series anciennes  de  Nantilly,  que  le  Congrès  n'a  pas  visitées. 
M.  Joly  ,  architecte ,  répond  qu'il  les  a  en  dépôt  chez  lui 
en  ce  moment  et  qu'il  les  a  fait  restaurer;  il  promet  d'en 
prendre  le  plus  grand  soin  jusqu'à  leur  réintégration  dans 
l'église. 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUR.  183 

RI.  Godard-Faullrier  lit  un  mémoire  sur  les  tapisseries  de 
la  cathédrale  d'Angers  (XV.  siècle),  lesquelles  ont  été 
dessinées ,  dit-on ,  par  le  roi  René.  Il  raconte  l'histoire  des 
tapisseries  fabriquées  à  Saumur ,  au  X*'.  siècle ,  par  les  reli- 
gieux de  St. -Florent. 

La  cathédrale  d'Angers  possède  de  nombreuses  tapisseries 
de  laine  qui  ont  été  longuement  décrites  dans  une  brochure, 
de  M.  l'abbé  Barbier  de  Monlault,  publiée  à  Angers  en  1858. 

La  plus  belle  est  celle  de  l'Apocalypse  (  XIVe.  et  XV. 
siècles  )  ;  elle  fut  léguée  à  la  cathédrale  par  le  roi  René 
d'Anjou  ,  qui  en  avait  orné  auparavant  son  château  de 
Baugé.  Elle  ne  comprend  pas  moins  de  75  tableaux. 

Ces  tableaux  sont  eu  voie  d'être  gravés  au  trait  et  publiés 
par  RI.  Léon  de  Joannis ,  ancien  directeur  de  l'École  des 
arts  et  métiers  d'Angers. 

La  première  livraison  de  ce  bel  ouvrage  a  paru  au  com- 
mencement de  cette  année. 

C'est  aux  soins  de  RI.  l'abbé  Joubert ,  custode  de  la  cathé- 
drale ,  que  l'on  doit  la  réparation  de  cette  magnifique  tapis- 
serie, dont  les  dessins  ont  été  tracés  par  le  roi  René 
lui-même ,  si  nous  devons  en  croire  une  ancienne  tradition. 

Le  Gouvernement  a  alloué  des  fonds  pour  cette  réparation, 
et  nous  nous  plaisons  à  dire  ici  que  M.  Joly  ,  architecte  ,  n'a 
point  été  étranger  aux  démarches  faites  à  ce  sujet. 

Le  Répertoire  archéologique  du  département  de  Rlaine- 
et-Loire ,  dans  son  numéro  de  mars  1862  ,  a  parlé  de  cette 
tapisserie  et  en  a  publié  une  gravure  dans  son  numéro  de  juin. 

L'église  St. -Pierre  de  Saumur  ,  de  son  côté  ,  possède  une 
curieuse  tapisserie,  ùhe  Tapisserie  de  St. -Florent.  Elle  parut 
à  l'exposition  d'Angers  de  l'an  18/i2  ,  et  fut  lithographiée  au 
trait  par  M.  Hawke.  J'eus  l'honneur  de  joindre  à  cette  pu- 
blication une  notice  imprimée  ,  dans  la  même  année  ,  chez 
Cosnier  et  Lachèse. 


184  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

Cette  tapisserie  avait  appartenu  au  monastère  bénédictin 
de  St. -Florent,  près  de  Saumur.  Des  vers,  en  lettres  dites 
gothiques,  se  lisent  aux  pieds  des  personnages  et  font  con- 
naître la  légende  de  St. -Florent.  Les  derniers  indiquent  quel 
fut  le  donateur  ;  les  voici  : 

}par  très  reoerenb  père  en  JOieu 

liions  l'abbé  Sacques  Iero}> 

3e  fus  bonne'e  a  a  sahut    lieu 

(Le  moyennant  benot  au  ro^. 

JjJrie*  3csus  sonneront  rog 

(due  be  tout  mal  so'tt  beffcnbti 

Un  bienfait  n'est  jamais  perbu  (  to24). 

Cette  tapisserie  se  composait  de  neuf  pièces ,  dont  six 
seulement  ont  été  exposées  à  Angers,  en  1842.  Que  sont 
devenues  les  2e.,  4  e.  et  5e.  ?  Je  l'ignore!  Les  six  pièces  qui 
nous  restent  ont ,  dans  leur  ensemble  ,  28  mètres  de  long  sur 
une  hauteur  de  1  mètre  80  centimètres. 

Nantilly  en  possède  également  de  fort  belles,  qui  ne  se- 
raient point  indignes  de  la  publication. 

Cette  église,  qui  possède  un  oratoire  de  Louis  XI,  dé- 
pendait du  célèbre  monastère  bénédictin  de  St. -Florent  de 
Saumur ,  où  ,  vers  la  fin  du  Xe.  siècle  ,  en  985  ,  se  trouvait 
établi  un  riche  atelier  de  tapisseries ,  au  rapport  de  Martène 
et  de  Durand  ;  les  religieux  fabriquaient  eux-mêmes  ces 
tapis  de  diverses  sortes  d'étoffes ,  avec  ornements  de  Heurs 
et  de  figures  d'animaux.  A  ce  propos,  je  ne  puis  m'em- 
pêcher  de  citer  un  texte  inédit  de  Dom  Jean  Huynes,  ainsi 
conçu  : 

«  Le  bon  père  Robert  (abbé  de  St. -Florent,  fin  du  Xe. 
«  siècle  )  fit  faire  plusieurs  tapisseries ,  richement  élabou- 
«  rées  ;  un  jour ,  étant  allé  pour  je  ne  sais  quel  sujet  en 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  185 

«  France  (1)  ,  le  frère  cellérier  voulut  épargner  sur  le  boire 
«  des  ouvriers,  ne  leur  donnant  le  mixton  ordinaire;  ce  que 
k  voyant  ils  commencèrent  à  regretter  l'absence  du  bon 
«  père  et  à  dire:  Bien  que  vous  nous  traitiez  de  la  sorte, 
«  nous  ne  discontinuerons  l'œuvre  ;  mais,  puisque  vous  nous 
«  traitez  à  rebours ,  nous  vous  ferons  des  personnages  de 
«  travers;  ce  qu'ils  firent.  Et  on  a  vu  long-temps  telles 
«  tapisseries  en  l'abbaye  (2).  » 

Je  n'ai  pu  trouver  durant  combien  d'années  cet  atelier 
fonctionna  ;  je  sais  seulement  que  ce  goût  des  belles  tapisse- 
ries était  fort  répandu  encore  à  Saumur  au  XVe.  siècle. 

Dans  une  notice  bistorique  sur  les  manufactures  impériales 
de  tapisseries  des  Gobelins,  etc.  ,  par  A.-L.  Lacordaire ,  di- 
recteur de  cet  établissement  (Paris,  1855),  on  lit:  que 
l'art  de  fabriquer  les  tapisseries  remonte  à  la  plus  haute  an- 
tiquité et  est  originaire  de  l'Orient.  Les  anciens  connaissaient 
le  métier  à  chaîne  verticale  ;  il  est  encore  employé  à  la  ma- 
nufacture des  Gobelins,  sous  le  nom  de  métier  à  haute-lice. 

«  Les  Égyptiens  furent  ,  dit-on  ,  les  premiers  qui ,  pour 
«  faciliter  la  fabrication  des  tissus  ordinaires ,  disposèrent 
«  différemment  la  chaîne  et  le  travail  en  rendant  le  métier 
«  horizontal;  de  là,  par  opposition,  le  nom  de  métier  à 
«  basse-lice  qui  lui  a  été  donné.  Des  fragments  de  tissus 
«  égyptiens  faisant  partie  de  la  collection  Clol-Bey,  acquise 
«  par  le  Musée  du  Louvre,  donnent  une  idée  de  cet  art 
«  antique  et  du  degré  de  perfection  auquel  il  était  déjà 
«  porté  à  une  époque  fort  reculée.    » 

Cet  art  fut  introduit  en  France  dans  le  cours  du  IXe. 
siècle,  et  les  religieux  de  l'abbaye  de  Si. -Florent  de  Saumur 
comptent  au  nombre  des  premiers   fabricants.   Mathieu  de 

(1)  On  appelait  alors  France  le  territoire  situé  au  nord  de  la  Loire. 

(2)  Manuscrit  de  Huynes. 


186  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

Loudun  ,  abbé  de  ce  monastère  ,  nommé  en  1133  ,  y  fit  exé- 
cuter pour  son  église  une  tenture  complète  ;  sur  l'une  des 
deux  pièces  qui  devaient  orner  le  chœur ,  on  représenta  les 
vingt-quatre  vieillards  de  l'Apocalypse;  sur  l'autre  pièce, 
un  sujet  tiré  du  même  livre;  et  sur  celle  de  la  nef,  des 
chasses  de  bêtes  fauves  (1). 

Ces  animaux  fantastiques ,  représentés  sur  les  tapisseries 
que  l'on  exposait  dans  les  nefs  d'église  ,  n'auraient-ils  point 
donné  aux  architectes  du  moyen-âge  l'idée  de  sculpter  des 
sujets  analogues,  connus  sous  le  nom  de  figures  grimaçantes, 
qui  couvrent,  au  XIIe.  siècle,  les  motlillons  de  nos  édifices 
romans  ?       ' 

La  tenture  précitée  de  la  nef  de  St. -Florent,  sous  l'abbé 
Mathieu  de  Loudun,  nous  autorise  à  le  croire. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  la  ville  de  Saumur  peut  justement 
s'honorer  d'avoir  été  l'une  des  premières  en  France,  grâce 
à  ses  moines  bénédictins  ,  à  exercer  l'industrie  encore  au- 
jourd'hui si  recherchée  des  tapisseries  historiées. 

M.  Godard  fait  connaître  ensuite  plusieurs  boiseries  scul- 
ptées ou  meubles  existant  h  la  Trinité  d'Angers  et  ailleurs. 

Dans  l'église  delà  Trinité  d'Angers,  on  voit  un  devant- 
d'autel  ,  bas-relief  en  bois,  représentant  les  œuvres  de  misé- 
ricorde. M.  l'abbé  Tardif  a  fort  bien  décrit  cet  objet  du  XVe. 
siècle  (V.  Rép.  arch.,  1858-1859,  p.  118). 

Dans  la  même  église  se  voit  une  cage  d'escalier,  en  bois, 
style  Renaissance. 

Dans  l'église  de  St.-Maurille-des-Ponls-de-Cé,  et  prove- 
nant primitivement  de  La  Haye-aux-Bonshommes,  très-belles 
stalles  du  XVT.  siècle.  Elles  sont  en  réparation,  si  je  suis 
bien  renseigné  ,  dans  l'atelier  de  l'abbé  Choyer. 

(1)  DD.  Marttne  et  Durand,  Historia  monasterii  Sanrti  Florent i 
Salmuriensis  Ampt.  Coll.  ,  t.  V  (Lacordaire  ,  p.  2  ). 


XXIX'.    SESSION,    A    SAUMUB.  187 

Au  musée  d'antiquités  d'Angers ,  très-beau  bahut  repré- 
sentant une  revanche  de  la  danse  macabe(XVIe.  siècle). 
M.  Fortoul  croit  que  celte  scène  n'a  pas  d'analogue. 
M.  Joly  signale  des  stalles  au  Puy-Notre-Dame. 

Le  Congrès  passe  à  la  question  suivante: 

Signaler  les  autels  et  les  fonts  baptismaux  anciens  ,  les 
cloches  a  inscriptions  gothiques  ,  les  objets  d'orfèvrerie  et 
les  autres  meubles  et  ornements  du  moyen-âge  que  re?i- 
ferment  encore  les  églises  de  la  région. 

M.  de  Caumont  recommande  de  respecter  les  anciennes 
cloches,  dont  plusieurs  fort  belles,  des  XIVe.  et  XVe.  siècles, 
existent  encore.  Il  fait  savoir  que  M.  le  comte  de  Toulouse- 
Lautrec  a  composé  un  travail  sur  les  cloches  du  midi  de  la 
France  et  a  relevé  beaucoup  d'inscriptions.  M.  le  docteur  Billon 
a  fait  aussi  un  grand  travail  sur  le  même  sujet,  dans  le  nord. 

M.  Joly  signale  d'anciennes  cloches  à  St. -Vincent ,  à  Blon 
et  à  Nantilly.  M.  l'abbé  Jouberl  dit  qu'il  serait  bon  de  s'oc- 
cuper aussi  de  la  sonorité  des  cloches  ,  qui  laisse  beaucoup 
à  désirer  aujourd'hui.  M.  Mayant  émet  l'avis  que  MM.  les 
curés  soient  engagés  à  reproduire  et  à  conserver  les  anciennes 
inscriptions  existant  sur  les  cloches  de  leurs  églises. 

M.  Raimbault  cite  les  cloches  des  Tuffeaux  (1663),  de 
Blon  (même  époque),  de  Souvigné  ,  de  Martigné  (1A80). 

M.  de  Galembert  signale  un  reliquaire  d'argent ,  à  Ste.- 
Calherine-de-Fierbois. 

M.  Raimbault  signale  un  calice  du  XVe.  siècle,  à  Thouarcé. 

Un  membre ,  au  nom  de  la  Commission  archéologique  de 
Maine-et-Loire  ,  fait  hommage  du  Répertoire  archéologique 
que  publie  chaque  mois  cette  Commission.  M.  de  Caumont 
atteste  le  succès  mérité  de  cette  publication. 

Le  Secrétaire, 

B.  Ledain. 


188  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

EXCURSION  A  FONTEVRAULT,    CANDES   ET  CHINON 

(Le    4    juin    1862). 

Présidence  de  M.  Louvet  ,  maire  de  Saumur. 

M.  F.  de  Verneilh  ,  secrétaire-rapporteur. 

Il  n'est  peut-être  aucune  ville  française  qui  se  prête  mieux 
que  Saumur  aux  excursions  archéologiques ,  et  qui  réunisse 
dans  ses  environs  autant  de  monuments ,  d'un  intérêt  à  la 
fois  très-grand  et  très-varié  ,  encadrés  par  de  ravissants 
paysages.  Voir  et  étudier  dans  la  même  journée ,  sans  em- 
prunter au  chemin  de  fer  autre  chose  que  ses  omnibus, 
Fontevrault  avec  toutes  les  dépendances  d'une  abbaye  de 
premier  ordre,  Montsoreau,  Candes,  St. -Germain-sur- Vienne, 
Ghihon  avec  son  château  historique ,  ses  vieilles  maisons  et 
ses  curieuses  églises,  en  y  comprenant  celle  de  Rivière; 
c'est  un  programme  bien  chargé  et  fait  pour  lasser  les  plus 
intrépides,  mais  bien  attrayant  et  d'une  merveilleuse  richesse. 

Aussi  étions-nous  de  grand  matin  à  Fontevrault,  et, 
pendant  que  M.  le  Maire  de  Saumur  avisait  à  nous  faire  ou- 
vrir les  portes  de  l'abbaye ,  convertie  en  maison  centrale, 
nous  nous  dirigions  aussitôt  sur  la  chapelle  funéraire,  bâtie  un 
peu  avant  1225,  par  Ala,  duchesse  de  Bourgogne.  Sa  crypte, 
sa  voûte  singulière  revêtue  de  nervures  nombreuses  et  élé- 
gantes ,  enfin  sa  toiture  en  pierre,  avec  le  fanal  qui  la  surmonte 
et  les  pyramides ,  si  différentes  par  leur  forme  ou  par  leurs 
proportions,  des  clochetons  gothiques  qui  l'accompagnent 
latéralement ,  en  couronnant  les  quatre  contreforts  d'angle  ; 
tout  est  attentivement  examiné,  et  l'on  regrette  que  dans  un 
département  aussi  riche  que  celui  de  Maine-et-Loire ,  et  qui 
a  donné  tant  de  preuves  de  son  zèle  pour  les  monuments , 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUR.  189 

celui  dont  il  s'agit  n'ait  pas  encore  été  acheté  et  débarrassé 
des  planchers,  reliés  par  un  escalier  vermoulu,  qui  l'obs- 
truent intérieurement.  En  assurant  sa  conservation,  on  lui 
rendrait  son  effet  pittoresque ,  et  l'on  ferait ,  au  prix  de 
quelques  milliers  de  francs  tout  au  plus ,  une  excellente 
affaire. 

Après  avoir  vu,  en  passant,  l'église  paroissiale  dédiée  à 
saint  Michel,  dont  les  vieux  tableaux,  provenant  de  l'abbaye, 
et  les  voûtes  surhaussées  ,  caractéristiques  du  style  ogival  de 
l'Anjou,  mériteraient  plus  d'attention,  nous  entrons  enfin 
dans  l'enceinte  de  l'abbaye.  M.  le  Directeur  de  la  Maison 
centrale ,  qui  s'est  pris  d'affection  ,  comme  son  collègue  du 
Mont-Saint-Michel,  pour  le  noble  monument  confié  à  sa 
garde ,  nous  en  fait  les  honneurs  avec  empressement  et  nous 
conduit  d'abord  à  la  tour  d'Evrault,  édifice  assez  analogue, 
par  sa  forme ,  à  la  chapelle  funéraire  que  nous  venons  d'étu- 
dier, mais  d'une  destination  bien  différente.  C'était,  en 
effet,  la  grande  cuisine  de  l'abbaye.  MM.  Joly-Leterme  et 
Segrétain  ,  qui  ne  l'avaient  pas  revue  depuis  que  les  publi- 
cations de  M.  de  Caumont ,  de  M.  Parker  et  de  M.  Viollel- 
Leduc  ont  montré  ,  par  des  dessins  comparés  ,  à  quel  usage 
elle  était  réellement  affectée  ,  conservaient  encore  des  doutes 
sur  ce  fait  archéologique.  A  l'aide  de  hautes  échelles,  ils  at- 
teignent au  sommet  de  ces  absides  obscures  qui  flanquent  la 
tour  d'Evrault,  et,  en  allumant  des  bougies,  ils  voient  et 
font  voir  à  tous ,  au  haut  de  la  voûte  hémi-circulaire ,  un 
tuyau  de  cheminée  parfaitement  rond  ,  qui  s'élève  perpen- 
diculairement jusqu'au  point  où  une  restauration  plus  ou 
moins  récente  est  venue  le  tronquer.  En  même  temps,  on 
aura  fermé  les  petites  fenêtres  qui  s'ouvraient  primitivement 
dans  chaque  abside.  Des  fenêtres  dans  une  cheminée,  au- 
dessus  du  foyer  et  en  arrière  de  la  colonne  de  fumée  qui 
s'en  échappe  ,  cela  peut  paraître  singulier.  Maison  ne  conçoit 


190      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

guère  autrement  comment  la  cuisine,  qui  ne  sert  plus  au- 
jourd'hui que  de  bûcher,  pouvait  être  éclairée,  et  surtout 
on  ne  comprend  pas ,  comme  arcs  de  décharge ,  les  petits 
cintres  que  l'on  voit  encore  très-distinctement  dans  le  pare- 
ment extérieur. 

A  cela  près ,  les  vastes  dimensions  de  la  tour  d'Évrault 
s'expliquent  par  les  besoins  d'une  Communauté  où  vivaient 
des  milliers  de  personnes.  La  nécessité  d'aérer  et  d'assainir 
une  pièce  où  brûlaient  à  la  fois  cinq  grands  feux  de  che- 
minée, et  où  les  viandes  cuites  exhalaient  d'épaisses  vapeurs, 
motive  sa  hauteur  et  sa  structure  compliquée;  car,  au  fond 
de  ces  sortes  de  niches  au-dessus  desquelles  s'élève,  comme 
un  clocher,  la  pyramide  centrale,  il  y  avait ,  selon  M.  Viollet- 
Leduc ,  un  second  étage  de  tuyaux  de  cheminée.  Quant  à 
la  construction  élégante  de  cette  cuisine  de  Fontevrault ,  qui 
date ,  aussi  bien  que  le  chœur  de  l'église  principale ,  du 
milieu  du  XIIe.  siècle,  elle  n'a  rien  d'étonnant  à  une  époque 
où  tous  les  bâtiments  accessoires  des  grandes  abbayes  pre- 
naient un  air  monumental. 

Une  nouvelle  preuve,  et  qui  n'avait  point  été  remarquée  , 
je  crois,  avant  notre  visite,  que  la  tour  d'Évrault  est  vraiment 
une  cuisine  ,  c'est  qu'elle  communiquait ,  par  un  des  côtés 
de  l'octogone  où  il  n'y  a  pas  d'abside ,  avec  un  grand  corps- 
de-logis  servant  encore  de  réfectoire  aux  détenus  ,  comme 
autrefois  aux  religieuses.  Il  a  été  voûté  pour  la  première  fois. 
au  XVe.  siècle;  mais  ses  murs  sont  romans  et  l'on  distingue 
aisément  les  anciennes  fenêtres  et  l'ancienne  distribution  , 
qui  n'a  pas  changé  ;  car ,  dans  ces  grandes  agglomérations 
humaines,  qu'elles  soient  composées  de  saints  ou  de  ré- 
prouvés ,  les  besoins  restent  les  mêmes  et  la  tradition  ,  for- 
tifiée toujours  par  des  convenances  locales,  conserve  inva- 
riablement son  empire.  Nous  verrons  de  même  l'ancienne 
maladrerie  de  Fontevrault  servir  d'infirmerie  aux  détenus. 


rn>  pis  i.v  c  usine  i»e  eomevkm  vr. 


COITE    FI'    V(  K    1\  ir.lilKI  RF.    DE    LA    1,1  IMNK    1)1     KONTEMUl  II. 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUK.  191 

Mais  nous  allons  d'abord  à  la  grande  église  abbatiale  , 
en  traversant  un  magnifique  cloître ,  des  premières  années 
du  XVIe.  siècle,  où  va  s'ouvrir  de  nouveau  ,  grâce  à  de  ju- 
dicieuses réparations,  une  salle  capitulaire  ornée  de  curieuses 
peintures  qui  représentent  chaque  abbesse,  assistant  en  quel- 
que sorte  à  une  des  scènes  de  la  Passion. 

La  nef,  consacrée  en  1120,  offre  une  série  de  quatre 
coupoles  byzantines  sur  pendentifs  sphériques.  C'est  le  seul 


plan  de  l'église  de  fomevkault. 
monument  de  cette  espèce  qui  se  trouve  dans  la  vallée  de 
la  Loire.  A  Loches,  on  a  imité  Fontevrault  sans  faire   de 
vraies  coupoles  ,  et  à  Villandry,  Monts  et  Cormery  ,  où  il  en 


192      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

est  autrement ,  elles  ne  forment  pas  de  série.  Il  faut  faire 
50  lioues,  au  sud,  pour  rencontrer  des  édifices  analogues  à 
la  nef  de  Fontevrault.  Telle  est  la  cathédrale  d'Angoulême 
qui,  selon  toute  apparence,  lui  a  servi  de  modèle;  tous  les 
détails  du  plan  et  de  l'élévation  sont  presque  identiques ,  à 
tel  point  qu'il  n'y  a  qu'un  centimètre  de  différence  dans  le 
diamètre  des  coupoles. 

Consacrée  aussi  en  1120  ,  la  cathédrale  d'Angoulême  ,  qui 
comprend  d'ailleurs  ,  outre  la  nef  semblable  à  celle  de  Fon- 
tevrault, un  chœur  accompagné  de  chapelles  rayonnantes  et 


PLAN    DE   LA   CATHÉDRALE   D'ANGOULÊME. 

deux  vastes  transepts  terminés  par  des  clochers ,  avait  été 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  193 

commencée  beaucoup  plus  tôt,  probablement  depuis  1101,  ou 
peu  après.  L'imitation  est  donc  parfaitement  possible  :  et  ce 
qui  achève  d'expliquer  un  fait  extraordinaire  en  lui-même, 
mais  suffisamment  démontré  déjà  par  la  prodigieuse  ressem- 
blance des  deux  monuments,  c'est  que,  sans  parler  des  voyages 
de  Robert  d'Arbrissel  et  de  ses  premiers  disciples  dans  la 
région  des  églises  à  coupoles,  on  voit,  en  1117,  les  chefs 
de  l'abbaye  de  Fontevrault  venir  plaider  ,  à  Angoulême  ,  une 
affaire  très-importante  pour  les  intérêts  de  leur  Communauté, 
devant  l'évêque  Gérard ,  légat  du  Saint-Siège  pour  les  pro- 
vinces de  l'ouest  et  présidant ,  en  cette  qualité ,  un  concile 
de  quarante  prélats.  Or,  si  l'on  songe  que  le  chœur  de  St.- 
Denis  a  été  terminé  en  trois  ans  et  trois  mois ,  on  conçoit 
que  la  nef  de  Fontevrault,  édifice  bien  plus  simple  et  moins 
dispendieux  après  tout,  ait  pu  être  bâti  dans  le  même  temps. 
Après  avoir  indiqué  ce  rapprochement  historique  ,  qui  ne 
se  trouvait  point  dans  l'ouvrage  où  il  a  comparé  Fontevrault 
à  la  cathédrale  d'Angoulême  ,  et  qu'une  récente  notice  de 
Mgr.  Cousseau,  sur  son  prédécesseur  Hugues  Tison  ,  lui  a 
permis  de  faire  pour  la  première  fois ,  M.  de  Verneilh  ex- 
plique que,  clans  son  opinion,  la  nef  byzantine  de  Fontevrault 
s'est  adaptée  d'abord  aux  transepts  et  au  chœur  de  l'église 
primitive ,  rebâtis  à  leur  tour  un  peu  plus  tard.  Il  montre 
ensuite,  sur  le  monument  lui-même,  en  quoi  il  diffère  de 
la  nef  d'Angoulême ,  et  par  quels  détails  la  copie  l'emporte 
sur  l'original.  Il  constate  que  les  chapiteaux  sont  bien  plus 
conformes  au  style  roman  du  Poitou  ,  de  la  Saintonge  et  de 
l'Angoumois ,  qu'à  celui  de  la  Touraine  et  de  l'Anjou.  Enfin, 
il  remarque  ,  dans  un  étage  occupé  autrefois  par  des  pri- 
sonniers politiques,  et  où  il  n'avait  pu  être  admis,  que  des 
petites  corniches  presque  imperceptibles  couronnent  encore 
les  pendentifs  de  deux  travées,  en  marquant  la  naissance  des 
coupoles  proprement  dites  ou  calottes  ,  tandis  que  les  dessins 

13 


194  CONGBjÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

relevés  par  M.  Dainville,  d'Angers,  pour  L'Architecture 
byzantine  en  France,  laissaient  croire,  en  omettant  ce  dé- 
tail caractéristique,  à  la  possibilité  de  coupoles  sans  penden- 
tifs distincts. 

M.  de  Verneilh  rappelle  aussi  que  la  nef  de  Fontevrault  a 
évidemment  servi  de  point  de  départ  au  style  Plantagenet , 
qui  s'est  formé  dans  l'Anjou  d'une  fusion  entre  l'architecture 
ogivale  du  nord  et  l'architecture  byzantine  du  midi ,  pour  se 
répandre  ensuite  dans  tout  l'ouest.  En  architecture ,  comme 
en  fait  d'organisation  monastique ,  cette  église  est  donc  réel- 
lement un  chef  d'ordre. 

Dans  les  étages  inférieurs  de  la  nef,  il  n'y  a  àobserverque 
la  forme ,  la  grandeur  et  l'écartement  des  piliers ,  le  dessin 
des  arcatures  et  la  sculpture  des  chapiteaux  ;  mais  l'étage  qui 
règne  à  la  hauteur  des  pendentifs ,  et  qui  forme  un  immense 
dortoir,  présente  un  aspect  saisissant.  Ces  larges  ogives,  les 
plus  vieilles  ,  selon  M.  Godard-Kaultrier ,  que  l'on  connaisse 
en  Anjou  (1),  toutes  ces  surfaces  sphériques  qui  les  réu- 
nissent, et  auxquelles  il  ne  manque  que  la  calotte  des  cou- 
poles ,  produisent  un  effet  analogue  à  celui  que  ferait  l'en- 
semble de  l'édifice. 

C'est  ce  que  nous  nous  disons  en  cherchant ,  sans  mandat, 
le  meilleur  moyen  de  restaurer  la  nef  de  Fontevrault  et  de 
la  rendre  au  culte.  Deux  combinaisons  ont  été  proposées  : 
l'une  consisterait  à  faire  de  la  nef  de  l'abbaye  l'église  pa- 
roissiale du  bourg,  auquel  on  la  rattacherait  par  un  pont 
couvert  jeté  sur  le  chemin  de  ronde  de  la  prison.  Mais  il  y  a 
à  cela  de  nombreux  inconvénients  et  des  difficultés  sérieuses; 
il  y  en  aurait  certainement  moins  à  obtenir  de  l'État  qu'il 
voulût  bien  ,  dans  le  seul  intérêt  du  monument ,  réunir  la 
nef  aux  transepts  et  faire  de  tout,  comme  autrefois,  une  vaste 

(1)  Répertoire   archéologique   de    l'Anjou,     1861 ,    article  Fonte- 

VBAILT. 


XXIX*.    SESSION,    A   SAUMUR.  195 

et  imposante  église.  C'est  ce  que  M.  Godard-Faultrier , 
inspecteur  des  monuments  de  Maine-et-Loire,  sollicite  depuis 
long-temps;  c'est  ce  que  conseillerait  aussi  la  majorité  de 
l'Assemblée. 

Si  l'on  se  décide  à  bâtir  un  nouveau  dortoir,  plus  sain  et 
aéré,  à  la  place  de  celui  dont  il  s'agit  ;  si ,  ce  qui  est  possible 
aussi ,  le  nombre  des  prisonniers  se  réduit  assez  pour  per- 
mettre de  s'en  passer  tout-à-fait,  il  y  aurait  à  peine  20,000  fr. 
à  dépenser  pour  rétablir  la  calotte  des  quatre  coupoles ,  en- 
lever les  planchers  et  les  murs  de  séparation  ,  et  restituer 
ainsi  à  l'édifice  son  unité  et  sa  majesté  premières.  Ce  serait 
pour  la  chapelle  de  la  prison  un  agrandissement  inutile; 
mais  il  serait  singulièrement  apprécié  par  les  nombreux 
visiteurs  de  l'abbaye.  Il  permettrait  de  remettre  à  leur  place 
primitive  (1)  les  tombeaux  profanés  des  Plantagenets ,  et  il 
profiterait  de  toutes  façons  à  l'art ,  à  l'archéologie  ,  à 
l'honneur  national  enfin,  intéressé,  quoi  qu'on  en  dise,  à 
ce  que  des  souvenirs  historiques  aussi  précieux  pour  l'Anjou 
et  pour  la  France  recouvrent  tout  leur  prestige. 
^  Avec  la  nef  de  Fontevrault ,  nous  parcourons  librement 
les  autres  parties  de  l'édifice.  Les  transepts,  élevés  vers  1130, 
et  le  chœur,  entrepris  peu  de  temps  après,  nous  offrent 
un  plan  qui  se  développe  par  degrés  ,  et  un  autre  style 
d'architecture  et  de  sculpture  plus  conforme  aux  traditions 
romanes  de  l'Anjou.  Mais  déjà,  sous  la  tour  centrale,  une 
petite  coupole  sans  pendentifs  distincts  nous  fournit  le 
premier  des  jalons  qui  conduisent  au  style  Plantagenet. 

Nous  entrons  à  tour  de  rôle  ,  car  elle  ne  saurait  nous 
recevoir  tous  à  la  fois,  dans. la  petite  chapelle  où  sont  en- 
tassées les  statues  tombales  d'Henri  II  et  d'Éléonore  d'Aqui- 
taine,  de  Richard-Cœur-de-Lion  et  d'Isabelle  d'Angoulême, 

(1)  Annales  archéologiques,  t.  V,  p.  280. 


1%  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

veuve  de  Jean-sans-Terre.  Ce  ne  sont  pas  les  plus  anciennes 
qui  existent,  car  celles  de  Childebert ,  à  St.-Germain-des- 
Prés,  et  de  Clovis,  à  Sie. -Geneviève,  ont  environ  un  demi- 
siècle  de  plus  ;  mais  ce  sont  les  premières  effigies  royales  qui 
aient  été  faites  immédiatement  après  la  mort  des  personnages 
qu'elles  représentent,  et  dont  la  ressemblance  soit  possible 
ou  probable.  Aucune  n'offre  encore  ces  anges  au  chevet  , 
ces  lions  en  guise  de  coussin  ,  qui  sont  devenus  plus  lard 
un  accompagnement  banal.  Toutes  sont  couchées  sur  le 
même  lit  mortuaire,  relevé  a  la  tête  et  aux  pieds;  toutes 
sont  sculptées  dans  le  même  goût,  quoique  celle  d'Henri  II 
soit  évidemment  la  plus  romane ,  et  celle  d'Isabelle  la  plus 
gothique,  comme  c'était  naturel. 

Avant  de  quitter  ces  statues,  quelques-uns  de  nous  rap- 
pellent les  étranges  négociations  dont  elles  ont  été  l'objet. 
Depuis  1817,  l'Angleterre  les  a  réclamées,  en  se  fondant 
sur  l'abandon  où  on  les  laissait  et  sur  le  peu  de  cas  qu'on 
semblait  en  faire.  Elles  étaient  alors ,  en  effet ,  au  milieu 
des  décombres ,  comme  des  débris  sans  valeur.  Sur  les  ob- 
servations patriotiques  de  M.  Bodin  et  de  M.  le  baron 
de  Wismes ,  préfet  de  Maine-et-Loire ,  les  ministres  de 
Louis  XVIII  les  refusèrent. 

Comme  M.  de  Guilhermy  l'a  si  bien  raconté  dans  les 
Annales  archéologiques  (1) ,  Henri  II  était  le  fils  d'un  prince 
français ,  et  il  ne  l'oubliait  pas ,  malgré  sa  haute  fortune. 
Il  voulut  être  enseveli  dans  l'abbaye  la  plus  célèbre  et  la 
plus  sainte  des  domaines  des  comtes  du  Maine  et  de  l'Anjou. 
Assurément  il  eut  tort  et  se  montra  mal  inspiré.  S'il  avait 
donné  la  préférence  à  son  royaume  d'Angleterre,  jamais  sa 
tombe  n'aurait  été  violée ,  même  sous  Cromwel  ;  elle  serait 
encore   paisible  et  honorée  ;  les  prières  seules  lui  auraient 

(1)  Ann.  urch.,  t.  V,  p.  281. 


XXIX'.    SESSION,    A    SAUMUR.  197 

manqué  un  jour.  De  même ,  si  Henri  Plantagenet  avait  fondé 
en  Angleterre  des  établissements  comme  les  hospices  de 
Caen,  du  Mans  et  d'Angers,  on  n'aurait  pas  détruit  l'un 
et  travesti  l'autre  en  caserne  ;  on  ne  s'apprêterait  pas  à  faire 
du  troisième  une  filature.  Les  Anglais  les  compteraient  au 
nombre  de  leurs  plus  beaux  ,  de  leurs  plus  précieux  mo- 
numents; et,  s'ils  étaient  devenus  insuffisants,  on  les  agran- 
dirait ,  on  en  bâtirait  de  nouveaux ,  en  se  gardant  bien  de 
changer  leur  destination.  Mais  Henri  II  a  tenu  à  rester 
français  avant  tout  ;  il  devait ,  à  ce  titre  ,  partager  le  sort 
de  nos  autres  souverains. 

Richard  Ier.  pensait  encore  comme  lui  ;  il  désira  que  ses  os 
reposassent  à  côté  de  ceux  de  son  père,  et  en  léguant  son 
cœur  de  lion  à  la  cathédrale  de  Rouen,  une  autre  partie 
de  sa  dépouille  mortelle  à  l'abbaye  poitevine  de  Charroux , 
il  oublia  l'Angleterre,  qui  ne  lui  en  a  pas  gardé  rancune. 

La  Restauration ,  qui  n'était  pas  solidaire  de  nos  fureurs 
révolutionnaires  et  de  nos  ingratitudes ,  aurait  rougi  de  ré- 
pudier au  nom  de  la  France  des  renommées  aussi  éclatantes. 
Elle  refusa,  comme  nous  l'avons  vu,  de  céder  les  statues 
des  Plantagenets;  mais,  au  lieu  de  leur  donner  asile  à  St.- 
Denis ,  ce  qui  était  peut-être  convenable  ,  on  se  contenta 
de  les  rapporter  dans  la  partie  de  l'église  de  Fontevrault 
qui  restait  consacrée  au  culte.  La  réparation  se  borna  là , 
et  on  les  traita  d'ailleurs  comme  les  statues  les  plus  vulgaires. 
Il  n'y  eut  pas  même  d'inscriptions  pour  dire  leurs  noms , 
ou  pour  rappeler,  par  exemple ,  que  le  coeur  de  Henri  III 
avait  été  déposé  dans  le  tombeau  de  sa  mère  Isabelle. 

Elles  demeurèrent  oubliées  jusqu'à  l'époque  où  se  forma 
le  musée  de  Versailles.  Alors  elles  y  furent  transportées,  par 
les  ordres  du  roi.  S'il  s'agissait  de  les  mouler,  l'opération 
pouvait  se  faire  sur  place  ;  mais  on  était  disposé  à  les  garder 
en  nature,  ou  plutôt  à  les  donner  à  l'Angleterre,  qui  ne 


198      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

cessait  pas  de  les  revendiquer.  Des  réclamations  énergiques, 
appuyées  par  la  presse  archéologique  (1)  et  portées  à  la 
tribune  par  M.  le  comte  de  iMontalembert ,  firent  obstacle 
à  ces  projets ,  sans  parler  des  événements  d'Espagne  qui 
rendirent  tout-à-coup  l'entente  moins  cordiale.  Cependant 
il  n'y  eut  pas  de  restitution.  1868  survint,  et  il  ne  s'agit 
plus  de  donner  les  statues  de  Fontevrault,  mais  de  les  vendre. 
Voici  comment  :  la  bibliothèque  Bodléienne  d'Oxford  pos- 
sédait la  plus  grande  partie  des  dessins  de  la  collection 
Gaignières ,  si  précieux  pour  notre  archéologie  nationale. 
Il  fut  sérieusement  question,  à  ce  que  l'on  raconte,  à  Oxford, 
de  les  échanger  contre  les  statues  de  Fontevrault,  dont  la 
République  n'avait  que  faire  à  Paris.  Heureusement  les  ad- 
ministrateurs de  la  bibliothèque  Bodléienne,  qui  cédaient  les 
dessins,  n'auraient  pas  eu  les  statues  réservées  à  Westminster. 
Ils  trouvèrent  le  marché  mauvais;  et  bientôt,  sous  l'ad- 
ministration de  M.  de  Falloux,  les  démarches  réitérées  de  la 
Société  archéologique  d'Angers  eurent  un  succès  complet. 
Les  statues  des  Plantagenets  revinrent  définitivement  à  Fon- 
tevrault ,  sans  avoir  g;igné  à  tout  ce  bruit  autre  chose  que 
d'être  gravées  dans  les  Annales  archéologiques  ;  car,  pour 
la  restauration  faite  tant  bien  que  mal  à  Versailles,  il  est 
douteux  qu'elle  soit  avantageuse. 

Mais  c'est  trop  s'arrêter  à  Fontevrault  :  disons  seulement, 
avant  d'en  sortir,  que  l'infirmerie  des  détenus,  où  les  visiteurs 
ne  sont  pas  admis  ordinairement,  se  trouve  établie  dans 
l'ancienne  église  de  St. -Lazare  (2),  avec  son  cloître  par- 
ticulier et  ses  dépendances;  le  tout  consacré  dès  l'origine  aux 
malades.   Cette  église ,  fondée  par  Robert  d'Arbrisscl ,   mais 

(1)  Ann.  arch. ,  t.  V ,  p.  280  ;  —  le  Bulletin  monumental  et  les 
procès-verbaux  des  réunions  de  la  Société  française  d'archéologie. 

(2)  Voyez  l'article  de  M.  Godard-Faultrier  sur  Fonlevrault,  dans  le 
Répertoire  archéologique  de  l'Anjou. 


XXIX*.    SKSSION,    A    SAUMUR.  lW 

rebâtie  un  peu  après  le  milieu  du  XIIe.  siècle,  offre,  ainsi 
que  la  nef  de  l'église  abbatiale  ou  du  grand  rnousticr,  un 
vaisseau  unique  et  des  travées  carrées,  disposées  comme  si 
elles  devaient  recevoir  des  coupoles.  Toute  la  différence 
consiste  en  ce  qu'il  y  a  déjà  ,  entre  les  grands  arcs,  des  voûtes 
d'arêtes  sur  nervures  très-sur  haussées.  C'est  un  des  meilleurs 
et  des  plus  anciens  exemples  du  style  Plantagenel,  qui  \ient 
immédiatement  après  les  coupoles  à  nervures  de  la  tour 
St. -Serge,  à  Angers,  et  de  l'église  St. -Pierre  de  Saumur. 

De  Fontevrault ,  nous  regagnons  la  vallée  de  la  Loire 
que  nous  avions  quittée  à  Monlsoreau  ;  mais  cette  fois  encore 
nous  ajournons  notre  visite  au  château  de  ce  nom,  malgré 
les  instances  de  M.  Victor  Petit ,  qui  voudrait  lui  assurer 
l'attention  dont  il  est  si  digne.  C'est  à  Chinon  que  nous 
attend  notre  déjeuner,  et  nous  avons  à  voir  sur  la  route 
Candes  et  St.- Germain. 

Candes.—  L'église  de  Candes,  élevée  sur  le  lieu  où  mourut 
saint  Martin  de  Tours ,  a  reçu  depuis  peu  des  réparations 
indispensables  faites  avec  talent  et ,  ce  qui  est  plus  rare,  avec 
sobriété.  Elle  est  bien  connue  par  la  hardiesse  de  ses  trois 
nefs  d'égale  hauteur,  par  les  élégantes  statues  qui  décorent 
son  porche,  et  par  cet  air  de  château  que  lui  donnent  des 
mâchicoulis  ajoutés  après  coup.  Sauf  une  des  absides  la- 
térales, reste  d'un  édifice  plus  ancien,  elle  appartient  à  la 
seconde  moitié  du  XIIIe.  siècle  et  reproduit  le  type  de  la 
cathédrale  de  Poitiers.  Mais  il  y  a  là  plus  à  admirer  qu'à 
étudier. 

St. -Germain.  —  C'est  le  contraire  à  St.-Gmnain-sur- 
Vienne.  La  nef,  bien  mutilée ,  nous  montre  les  débris  d'un 
édifice  antérieur  à  Pan  1000.  Les  uns  dessinent  à  la  hâte 
l'appareil  compliqué  de  l'ancien  portail  ;  d'autres ,  pour  aller 
plus  vite  ,  estampent  quelques-uns  de  ces  entrelacs  qui  pas- 
sent pour  mérovingiens  ;  d'autres  enfin  s'attachent  au  chœur 


200       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


ENTRELACS    DE    SAINT-GERMAIN-SUR-YIENSE. 


XXIXe.    SESSION  ,    A    SAUMUR. 


'201 


SCULPTL'RRS    A    L  EGLISE    II  F,    SAIKT-GERM  AIN-SUR-VIENNE. 


qui  ,  à  un  point  de  vue  tout  différent ,  n'offre  pas  moins 
d'intérêt.  Cette  construction  du  XIIIe.  siècle  a  des  nervures 
si  multipliées  et  d'un  arrangement  si  insolite,  même  dans 
le  style  Plantagenet,  qu'à  en  juger  par  leur  projection  hori- 


202  CONGRES    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

zontale ,  on  croirait  que  le  plan  de  l'édifice  comporte  deux 
nefs  au  lieu  d'une,  et  huit  travées  au  lieu  de  deux. 

Chinon.  —  Enfin ,  nous  arrivons  à  Chinon  où  la  nature 
reprend  ses  droits.  Nous  y  sommes  rejoints  par  plusieurs 
membres  de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  qui  habi- 
tent le  voisinage  ,  notamment  par  M.  le  marquis  Costa  de 
Beauregard  ,  président  du  Conseil  général  de  Savoie  et  pro- 
priétaire du  domaine  de  Champigny  ,  dont  la  chapelle  offre 
de  si  beaux  vitraux,  et  par  M.  de  Cougny,  qui  a  écrit  sur 
le  château  de  Chinon  une  excellente  notice.  Après  une 
heure  de  repos,  nous  reprenons  la  visite  des  monuments, 
en  commençant  par  les  églises  qui  nous  protègent  contre 
un  soleil  aident. 

Nous  allons  d'abord  à  St. -Maurice,  en  suivant  une  longue 
rue  presque  entièrement  bordée  de  maisons  du  XVe.  et  du 
XVIe.  siècle  ,  ou  pour  mieux  dire  de  petits  castels.  On  croit, 
d'après  une  vieille  inscription  perdue  aujourd'hui ,  que  cette 
église  a  été  bâtie  par  Henri  II  dans  les  dernières  années  de  son 
règne,  et  l'aspect  à  demi-roman  des  statuettes  nombreuses  qui 
se  trouvent  à  la  naissance  ou  à  l'intersection  des  nervures  ne 
dément  pas  cette  indication.  De  même,  les  fenêtres  sont  encore 
en  plein-cintre  comme  à  l'hôpital  d'Angers  ;  mais  le  style  go- 
thique domine  déjà  dans  l'édifice,  sauf  pour  le  clocher  qui 
est  plus  ancien.  Il  n'y  a  d'ailleurs,  selon  l'usage  du  pays, 
qu'une  seule  nef,  à  travées  carrées  et  à  voûtas  très-surhaussées, 
avec  des  nervures  supplémentaires  au  sommet  des  berceaux. 
Toutes  ces  nervures  ont  le  même  profil,  quelle  que  soit  leur 
importance ,  et  sont  réduites  à  un  simple  tore ,  au  moins  en 
apparence;  car,  pour  les  nervure^  diagonales,  la  pierre  qui 
a  fourni  la  moulure  saillante  s'élargit  en  se  confondant  avec 
le  remplissage  des  voûtes.  C'est  le  même  procédé  qui  a 
permis,  à  St. -Jean  deSaumur,  de  réduire  lesarcs-doubleaux 
eux-  mêmes  à  un  tore  unique  et  très-mince.  Le  chœur  de 
St. -Maurice  se  termine  par  un  mur  droit  ;  mais  à  l'intérieur 


XXIX'.    SESSION,    A   SALMUR.  203 

la  voûte  est  disposée  et  subdivisée  de  manière  à  figurer  une 
abside.  On  songe  à  agrandir  de  ce  côté  l'église  de  St. -Mau- 
rice; ce  qui  entraînera  de  regrettables  démolitions.  Il  faudrait, 
du  moins ,  rétablir  dans  le  nouveau  chœur  l'ancien  arran- 
gement de  la  voûte. 

L'église  de  St. -Etienne,  où  se  conserve  l'antique  chape, 


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FRAGMENT   DE   LA    CHAPE    DE    SAINT  MESME  ,   A    CH1NON. 

d'étoffe  orientale ,  connue  sous  le  nom  de  chape  de  saint 


20/l  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Mesme  (1)  ,  est  due  au  célèbre  historien  Commines.  Ses 
armoiries,  au  chevron  d'or  en  champ  de  gueules  accompagné 
de  trois  coquilles  oreillées  d'argent ,  se  voient  à  la  porte 
principale.  D'ailleurs,  un  passage  de  Daguindeau,  publié  par 
la  Société  de  l'Histoire  de  France,  dit  :  «  Philippe  de  Com- 
«  mines  fit  rebâtir,  par  ordre  de  Louis  XI,  les  châteaux  de 
«  Chinon  dont  ce  prince  l'avait  nommé  capitaine;  mais 
«  ce  qu'il  a  fait  de  plus  beau  à  Chinon ,  c'est  l'église  de 
«  St. -Etienne  qu'il  a  fait  rebâtir  en  même  temps  dans  l'es- 
«  pace  de  dix  mois  et  qui  est  une  des  plus  belles  chapelles 
«  de  France  (2).  »  St. -Etienne  serait  pour  nous  une  vé- 
ritable église;  mais,  quand  un  édifice  religieux  n'a  qu'une 
nef  terminée  par  une  abside  unique  ;  aussi  haute ,  aussi 
large,  aussi  longue  qu'elle  soit,  et  malgré  les  réduits  ménagés 
entre  les  contreforts,  ce  n'est  qu'une  chapelle  dans  les  idées 
du  nord ,  et  l'on  donnerait  volontiers  ce  nom  à  la  cathé- 
drale d'Alby  elle-même. 

L'ancienne  collégiale  de  St. -Mesme,  à  moitié  détruite  et 
transformée  en  école  par  les  Frères  de  la  Doctrine  chrétienne, 
est  encore  le  plus  curieux  des  édifices  religieux  de  Chinon. 
La  nef,  privée  de  ses  bas-côtés  et  divisée  en  étages ,  conserve 
assez  bien  au-dehors  son  ancienne  physionomie.  Comme  les 
autres  monuments  du  style  roman  primordial ,  ou  style 
latin ,  elle  n'avait  pas  de  voûtes.  M.  de  Caumont  a  signalé 
dans  le  Bulletin  monumental  (3)  l'analogie  que  son  appareil 
et  ses  archivoltes  présentent  avec  les  églises  de  St.-Géné- 
roux  et  de  Cravant  (  V.  la  figure ,  p.  205  ).  On  retrouve  à 
l'intérieur  du  porche  actuel ,  et  au-dessus  de  sa  voûle ,  la 

(1)  Voir  la  description  de  ce  tissu  dans  le  Bulletin  monumental  et 
dans  l' Abécédaire  d'archéologie  de  M.  de  Caumont. 

(2)  Bull,  monum.,  1857,  p.  546. 

(3)  M.,  1855,  p.  550. 


XXIX8.    SESSION,  A  SAUMUR.  205 

façade  qui  terminait  primitivement  cette  nef  et  dont  toute 
la  décoration  se  compose  de  sculptures  bizarres  aux  claveaux 


FENETRES    ET    APPAREILS    DES    MURS    LATÉRAUX,     A    SAINT-MESME. 

de  la  porte ,  puis  de  diverses  combinaisons  d'appareil  accen- 
tuées par  des  traits  de  ciment  rouge. 

En  avant  de  ce  pignon ,  dont  on  trouva  bientôt  les  or- 
nements trop  simples,  on  a  bâti,  à  une  époque  qui  ne  saurait 
être  plus  récente  que  la  première  moitié  du  XI*.  siècle ,  un 
grand  portail  flanqué  latéralement  de  deux  grosses  tours,  et 
c'est  peut-être  le  premier  exemple  de  cette  combinaison  ar- 
chitecturale ,  devenue  plus  tard  si  familière  aux  artistes  ro- 
mans et  gothiques.  L'un  de  ces  clochers  a  été  repris  jusqu'aux 
fondements  au  XVe.  siècle  ,  mais  l'autre  est  passablement 
conservé.  Fortifié  de  contreforts  assez  saillants,  il  s'avance 
autant  que  le  portail  proprement  dit  et  s'appuie  par  derrière 
à  la  façade  primitive,  dont  il  laisse  voir  une  fenêtre  en 
œil-de-bœuf.    Il  a  vraiment    l'ampleur  et   l'aspect   général 


206      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

des  clochers  du  XIIe.  siècle  ;  mais  ses  rares  ornements  sem- 
bleraient presque  trop  anciens  pour  le  XIe.  siècle  lui-même. 

C'est  ce  que  l'on  peut  dire  aussi  des  ornements  de  la 
façade  actuelle ,  qui  étaient  très-abondants  au  contraire. 
Malheureusement  on  a  martelé  toutes  les  figures;  mais  par 
la  forme  et  par  l'arrangement  des  grandes  dalles ,  posées 
debout,  qui  revêtent  presque  toute  celte  façade  jusqu'au 
sommet  du  fronton  ,  par  les  silhouettes  qu'elles  conservent , 
on  peut  parfaitement  juger  de  la  richesse  et  même  du  sujet 
de  la  décoration. 

Évidemment  on  s'était  essayé  là  à  retracer,  avec  plus  de 
courage  que  d'habileté ,  un  Christ  dans  sa  gloire  et 
entouré  de  la  Cour  céleste.  Mais,  au  lieu  de  se  concentrer 
dans  les  tympans,  les  voussures  et  les  jambages  de  la  porte  , 
comme  cela  eut  lieu  plus  lard  ,  les  personnages  et  les  sujets 
accessoires  étaient  dispersés  sur  toute  la  façade,  ainsi  qu'à 
St.-Pierre  d'Angoulème  (1),  et  encadrés,  non  par  des  ar- 
catures  d'aucune  espèce ,  mais  par  des  arbres  analogues 
à  des  palmiers ,  ou  par  des  rinceaux ,  ou  par  de  fausses 
indications  d'appareil  réticulé  ;  le  tout  sculpté  aussi  sur  des 
dalles. 

La  porte,  dont  le  large  cintre  se  montre  encore  au-dessus 
d'une  ogive  flamboyante  ,  el  les  soubassements ,  qui  lient 
parfaitement  leurs  assises  à  celles  de  la  tour  du  nord,  étaient 
ce  qu'il  y  avait  de  plus  simple  ;  on  y  remarque  cependant 
des  blocs  sculptés  d'entrelacs,  qui  sont  posés  sans  aucune 
symétrie  et  au  hasard  dans  la  maçonnerie,  comme  des  pierres 
ordinaires.  Ce  sont  des  débris  d'édifices  plus  anciens,  mais 
non  pas  de  la  façade  qui  terminait  primitivement  la  nef, 
puisqu'elle  existe  et  n'offre  pas  d'enlreiacs  pareils. 


(1)  Déjà  la  façade  latine  de  St. -Front  offre  une  certaine  ressemblance 
avec  celle  de  St.-Mesme,  surtout  par  sa  construction  en  dalles. 


XXIX'.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  207 

Une  ingénieuse  observation  de  M.  Segrétain  a  permis  de 
préciser  le  sens  de  quelques-unes  des  sculptures  martelées. 
A  la  base  du  fronton  règne  une  suite  de  médaillons  cir- 
culaires. Le  septième,  en  allant  de  gauche  à  droite  ,  présente 
les  restes  très-apparents  d'une  gerbe  de  blé.  C'était  donc 
un  zodiaque,  car  les  médaillons  étaient  au  nombre  de  douze, 
et  le  mois  de  juillet,  qui  correspond  à  la  moisson,  est  bien 
le  septième  de  l'année. 

L'église  de  St.-Mesme  a  des  curiosités  d'un  autre  genre. 
A  l'intérieur  de  la  tour  du  sud  se  trouvent  des  peintures 
murales  du  XVe.  siècle ,  très-bien  conservées  et  très-singu- 
lières, dont  M.  le  comte  de  Galcmbert  nous  explique  le  sujet. 

Mais  il  faut  se  hâter ,  et  déjà  nous  gravissons  la  rue 
escarpée  qui  conduit  au  cbàteau  ,  pendant  que  MM.  Ramé 
et  Boue! ,  qui  viennent  de  passer  plusieurs  jours  à  Chinon  , 
dont  ils  connaissent  tous  les  monuments,  restent  à  St.- 
Mesme  pour  ajouter  à  leurs  dessins  un  dernier  post- 
scriptum  (  Voir  la  page  208). 

On  parle,  dans  les  derniers  siècles  du  moyen- âge,  non  du 
château,  mais  des  châteaux  de  Chinon  ;  et ,  en  effet ,  il  y  en 
a  trois,  mais  il  n'en  a  pas  toujours  été  ainsi.  Le  château 
de  St. -Georges  paraît  avoir  été  ajouté,  en  guise  de  for- 
tification avancée,  sur  le  seul  point  où  l'on  pouvait  aborder 
de  plain-pied  les  anciennes  défenses,  par  Henri  II,  qui  fonda 
certainement  la  chapelle  de  ce  nom.  Isolées  au  levant  par 
une  profonde  coupure ,  ses  courtines  ,  en  pierre  de  taille , 
offrent,  à  des  intervalles  très-rapprochés ,  des  saillies  carrées 
et  massives  qui  tiennent  le  milieu  entre  des  contreforts  et 
de  véritables  tours.  Tour  la  disposition  générale  et  pour  les 
détails,  c'est  un  peu  comme  à  Château-Gaillard,  qui  a  dû 
naturellement  s'inspirer  de  Chinon.  Par  malheur,  les  con- 
structions ont  été  dérasées  au  niveau  de  la  cour  intérieure; 


208 


CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 


XXIX*.    SESSION,    A   SAUMUR.  209 

de  sorte  qu'il  est  difficile  de  juger  de  leur  date  par  leur 
style. 

A  l'ouest  du  fort  de  St. -Georges,  il  existait  un  plateau 
très-allongé ,  très-élevé  au-dessus  du  cours  de  la  Vienne, 
et  escarpé  presque  de  toutes  parts.  C'était  un  de  ces  châteaux 
naturels  qui  ont  été  fortifiés  à  toutes  les  époques  ;  mais  à 
l'exception  d'un  fragment  romain  encore  inexpliqué,  on  n'y 
voit  rien  aujourd'hui  de  plus  ancien  que  les  restes  d'une 
vaste  enceinte  en  moellons  rougeâtres  irrégulièrement  rangés 
par  assises.  Elle  paraît  remonter  à  la  domination  des  comtes 
de  Chartres.  Depuis,  il  n'y  a  point  eu  de  reconstruction 
générale.  On  s'est  contenté  de  remplacer  partiellement  ces 
murs  grossiers,  mais  extrêmement  solides,  par  des  courtines 
en  pierre  de  tailie ,  et  d'y  ajouter  à  diverses  reprises  des 
tours  et  des  bâtiments  d'habitation. 

Par  exemple ,  lorsque  Henri  II  eut  fait  sa  principale  ré- 
sidence du  château  de  Chinon ,  où  il  trouvait  réunis  les 
avantages  d'une  situation  centrale  entre  la  Guienne  et  la 
Normandie ,  d'un  vaste  emplacement  et  d'une  position  à  la 
fois  très-agréable  et  très-forte ,  le  corps  de  la  place  reçut , 
comme  les  fortifications  avancées,  d'importantes  améliorations. 
La  plupart  des  tours  qui  furent  alors  bâties  présentent  un 
arrangement  inusité.  Carrées  à  leur  base,  elles  passent  à 
l'octogone  au  moyen  de  plans  inclinés ,  de  forme  triangulaire, 
qui  sont  en  quelque  sorte  des  pendentifs  à  l'envers,  et  devien- 
nent ensuite,  par  le  même  procédé,  complètement  arrondies  : 
telle  est  la  belle  tour  du  Moulin,  si  élancée,  si  admirablement 
conservée,  qui ,  malgré  ses  médiocres  dimensions,  jouait 
presque  le  rôle  d'un  donjon.  Au  premier  étage,  sa  voûte, 
revêtue  d'élégantes  nervures,  se  compose  néanmoins,  non 
d'une  série  de  berceaux  ,  mais  d'une  coupole  sphérique  dont 
les  assises,  au  lieu  d'être  horizontales,  sont  disposées  ver- 
ticalement. D'ailleurs ,   les  formerets  et  les  fenêtres  sont  en 

ïk 


210      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


^  « 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  211 

plein-cintrc.  C'est  bien  là  le  style  Planiagenet  comme  il  était 
à  la  fin  du  règne  de  Henri  II,  ou  sous  Richard-Cœur-de-Lion, 
plutôt  que  sous  Philippe-Auguste. 

A  droite  de  la  tour  du  Moulin ,  une  autre  tour ,  qui  reste 
carrée  jusqu'au  sommet ,  coupe  par  le  milieu  et  a  condamné 
une  des  portes  de  l'enceinte  primitive  ;  elle  offre  elle-même 
à  sa  base  une  très-petite  poterne ,  fermée  par  un  pont-levis 
qui  n'avait  qu'un  bras,  et  protégée  par  une  barbacane. 

Au  nord-ouest,  une  sorte  de  tour  carrée,  très-large  et 
très-peu  saillante ,  présente  une  particularité  digne  d'être 
notée.  A  une  certaine  hauteur,  les  assises  du  milieu  s'élèvent 
perpendiculairement,  pendant  que  le  reste  est  en  talus,  de 
manière  à  former ,  non  de  grands  mâchicoulis  comme  au 
donjon  de  Châleau-Gailllard  ,  mais  un  ressaut  de  parapets 
utile  à  la  défense. 

Sur  la  partie  de  l'enceinte  qui  regarde  et  domine  la 
ville  s'élèvent  d'autres  constructions  de  Henri  II ,  mais 
d'un  caractère  plus  roman  ;  elles  remontent,  sans  doute,  aux 
premières  années  de  son  règne.  Ce  sont  des  bâtiments  d'ha- 
bitation ,  assez  petits ,  percés  de  quelques  fenêtres  en  cintre 
géminé  ;  ils  ont  servi  de  noyau  à  ce  que  l'on  a  appelé  depuis 
le  Grand-Logis. 

Dans  le  courant  du  XIIIe.  siècle,  les  défenses  du  château 
de  Chinon  ont  été  soigneusement  remaniées  et  considéra- 
blement accrues.  On  a  alors  séparé  du  reste  le  fort  qui 
porte  le  nom  de  château  du  Coudray  par  une  troisième 
coupure,  très -large,  très-profonde,  dans  laquelle  plongent 
deux  belles  tours  d'angle  et  un  donjon  cylindrique  en- 
tièrement isolé.  Il  semblerait  que  ces  travaux  ont  dû  se  faire 
sous  Philippe-Auguste ,  ou  sous  ses  premiers  successeurs , 
lorsqu'il  importait  aux  rois  de  France  de  consolider  une 
acquisition  récente  que  les  Anglais  contestaient  encore  par 
les  armes.  Mais,  à  en  juger  par  les  nervures  et  les  autres 


212  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

I  1 


XXIX*.    SESSION,   A   SAUMUK.  213 

ornements  de  ces  tours  du  XIIIe.  siècle,  elles  ont  été  bâtie 
sous  Philippe-le-Hardi ,  ou  sous  Philippe-le-Bel.  C'est  bien 
l'époque  qu'indiquerait,    par   exemple,  la  chapelle  de  ce 
château  du  Coudray,  renfermée  dans  une  des  tours  d'angle. 

La  seule  construction  qui  puisse  être  attribuée  à  Philippe- 
Auguste  ,  c'est  la  tour  ronde  qui  se  trouve  à  l'angle  nord-est 
du  château  du  milieu  ,  point  le  plus  exposé  aux  attaques  ; 
elle  est  d'un  genre  particulier  ,  et  ses  ruines  montrent  du 
côté  de  la  place  un  escalier ,  ou  une  rampe  douce ,  qui  se 
développe  circulairement  dans  l'épaisseur  du  mur.  La  brèche 
par  laquelle  le  château  de  Chinon,  défendu  par  Roger  de 
Lascy,  fut  pris  après  un  an  de  siège  était  peut-être  là. 

Charles  VII  et  Louis  XI ,  qui  se  plaisaient  à  habiter  la 
Touraine  ,  travaillèrent  à  leur  tour  au  château  de  Chinon  ; 
ils  élevèrent  notammment  le  pavillon  du  grand  pont-levis , 
si  large ,  si  mince  et  si  haut ,  qui  seul  a  conservé  sa  toiture 
(V.  la  lettre  A,  p.  212).  Quand  on  l'aperçoit  de  profd  depuis 
le  pont  ou  la  place  du  Marché ,  se  dressant  à  35  mètres  de 
hauteur  sur  une  base  qui  n'en  a  pas  5 ,  on  ne  conçoit  pas 
qu'il  soit  solide.  On  dirait ,  tant  la  saillie  de  ses  mâchicoulis 
est  grande,  une  colonne  corinthienne  surmontée  de  son 
chapiteau.  Deux  grosses  tours  rondes ,  dont  l'une  garde  le 
nom  de  tour  d'Argenton  (1  )  ,  parce  que  Commines  la 
construisit  comme  gouverneur  ou  l'habita  comme  prisonnier, 
et  enfin  la  plupart  des  salles  du  Grand-Logis  portent  aussi  les 
caractères  du  XVe.   siècle. 

C'est  dans  ce  Grand-Logis,  à  moitié  roman,  à  moitié  go- 
thique, que  sont  morts  Henri  II  et  Richard  Cœur-de-Lion  ; 
car ,  malgré  la  tradition ,  on  ne  comprend  pas  comment  ce 

(1)  On  observe  dans  les  lours  du  XVe.  siècle,  au  haut  des  meurtrières 
et  très-près  de  leur  ouverture  extérieure,  une  petite  traverse  en  fer  qui 
parait  avoir  servi  à  appuyer  le  canon  des  arquebuses. 


21A  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

dernier  prince  aurait  préféré  une  maison  de  la  basse-ville , 
dont  aucune  partie  ne  remonte  au  XIIe.  siècle ,  à  son  lo- 
gement habituel ,  si  sûr ,  si  sain  ,  si  agréable  pour  un  malade 
et  un  blessé ,  par  la  vue  magnifique  qu'on  a  de  toutes  ses 
fenêtres.  C'est  là ,  dans  cette  grande  salle ,  encore  re- 
connaissable  aujourd'hui,  que  Jeanne-d'Arc  fut  présentée 
au  roi  de  France.  Mais  laissons  à  M.  de  Cougny ,  le  savant 
historien  du  château  de  Chinon  ,  le  soin  de  rappeler  tant 
de  faits  mémorables  ! 

Bornons- nous  à  dire  que  les  fondations  du  Grand- Logis, 
dont  là  chute  serait  désastreuse  pour  beaucoup  de  maisons , 
ont  été  récemment  consolidées  avec  un  plein  succès  par 
M.  Joly-Leterme,  et  aux  frais  du  Conseil  général  d'Indre- 
et-Loire.  La  ville,  de  son  côté,  s'est  chargée  de  créer  dans 
l'enceinte  du  château  un  jardin  planté  d'arbres  et  toujours 
accessible  au  public.  Dans  les  nivellements ,  qui  ont  été  faits 
à  cette  occasion,  on  a  découvert,  une  ruine  romaine  que 
l'on  ne  comprend  pas  bien  encore.  A  voir  ces  blocs  de 
grand  appareil,  posés  sans  mortier,  et  dont  l'un,  transporté 
depuis  peu  dans  une  des  tours ,  n'était  autre  chose  qu'une 
stèle  gallo-romaine  du  temps  de  l'incinération,  offrant  l'image 
d'un  personnage  en  pied,  sculptée  en  bas-relief  comme  on 
en  trouve  dans  les  murs  d'enceinte ,  on  dirait  un  fragment 
de  ces  enceintes  que  toutes  nos  cités  élevèrent ,  vers  la  fin 
du  IVe.  siècle ,  aux  dépens  des  monuments  païens.  Mais  le 
parement  du  mur  regarde  l'intérieur  de  la  place.  Était-ce 
une  sorte  de  donjon  ?  Il  serait  facile  de  s'en  assurer  par  de 
nouvelles  fouilles. 

Rivière.  —  Avant  de  reprendre  la  direction  de  Saumur,  il 
nous  reste  à  voir  l'église  de  Rivière ,  petit  village  sur  la  rive 
gauche  de  la  Vienne,  à  3  kilomètres  en  amont  de  Chinon  (V. 
les  p.  215  et  216).  Entre  les  deux  moitiés  de  cette  église,  bâ- 


XXIX*.    SE^ ...!0.N,    A   SAUMtB. 


215 


CHEVET    DE    L  EGLISE    DE    RIVIERE. 


216      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 


INTÉR1EUU    DU    CHOEUR    DE    L'ÉGLISE    DE     RIVIÈRE. 


XX!.\%    SESSION  ,    A   SAU.WUR.  217 

ties  pourtant  presque  à  la  même  époque,  le  contraste  est  aussi 
complet  que  possible.  La  nef,  qui  est  la  plus  ancienne,  est  sans 
bas-côtés,  sans  voûtes  et  sans  ornements  architecturaux  ;  elle 
n'a  de  remarquable  que  son  appareil  extérieur ,  en  petites 
pierres  carrées  ,  et  ses  vieilles  peintures  que  l'on  restaure  en 
ce  moment  sous  l'habile  direction   de  M.  de  Galembert.  Le 
chœur,  tout  en  pierre  de  taille ,  est  exhaussé  sur  une  crypte 
et  des  chapelles  voûtées  l'accompagnent.  Au-dedans  et  au- 
dehors ,  il  offre  toute  la  richesse  de  dessin  et  l'harmonieuse 
élégance  de  nos  meilleures  constructions  romanes  du  XIIe. 
siècle  ;  mais  ses  moulures  et  ses  ornements  sculptés  se  rap- 
portent sans  mélange  au  style  latin.  M.  de  Caumont  incline 
à  croire  que  ce  curieux  édifice,  bien  digne  des  soins  qui  lui 
sont  donnés,  est  réellement  du  Xe.  siècle.  M.  Ramé,  qui  a  fait 
aussi  une  élude  approfondie  des  monuments  de  cegenre,  pense 
au  contraire  qu'on  a  pu  encore  meure  en  œuvre  vers  lO/iO  , 
et  avec  une  habileté  toujours  exceptionnelle ,  mais  plus  con- 
cevable au  XIe.  siècle  qu'au  Xe   ,  les  éléments  de  l'art  car- 
lovingien. 

Mais  le  soleil  s'abaisse  rapidement  à  l'horizon.  Avec  des 
chevaux  aussi  las  que  nous  le  sommes  nous-mêmes,  il  nous 
restera  à  peine  assez  de  jour  pour  examiner  à  Candes,  dans 
le  parc  de  M.  Caillau  ,  les  ruines  d'une  somptueuse  villa 
que  les  Romains ,  excellents  connaisseurs  en  beaux  sites  , 
avaient  élevée  sur  le  coteau  au  pied  duquel  la  Vienne  se 
jette  dans  la  Loire.  La  Société  archéologique  de  Tours 
promet  de  publier  un  plan  de  cette  villa  gallo-romaine  qui 
était  ornée  de  colonnes. 

Nous  avons  profité  des  dernières  lueurs  du  jour  pour  lire 
sur  la  façade  intérieure  du  château  de  Montsoieau  (  Voir  la 
page  suivante)  les  de\ises  de  la  famille  de  Chambes,  et  nous 
ne  sommes  rentrés  à  Saumur  qu'à  la  nuit  close. 


218  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    JE    FRANCE. 


Bouet    del. 
MACHICOULIS    ET    PORTION  DE    LA    GALERIE    DU    CHATEAU  DE    MONTSOREAU. 


Le  Secrétaire  rapporteur , 

F.  de  Yerneilh. 


lre.  Séance  du  «  juân. 

Présidence  de  M.  Prévôt,  capitaine  du  génie. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Caumont,  l'abbé  Le  Petit, 
Chariot,  de  Tours;  Courtiiler ,  conservateur  du  musée  de 
Saumur  ;  Peetêrs  Wilbaux,  membre  de  la  Société  historique 
et  littéraire  à  Tournai  (Belgique)  ;  Gauguin,  trésorier. 


XXIX".    SESSION,    A   SAliMUR.  219 

M.  Marionneau  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

M.  de  Caumont  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  l'abbé 
Polhicr ,  curé  de  Candes ,  adressée  à  M.  le  Président  de  la 
Société  et  le  priant  d'appeler  l'attention  de  Son  Exe.  M.  le 
Ministre  sur  le  haut  intérêt  artistique  et  archéologique  de 
l'église  fortifiée  de  Candes,  qui,  malgré  son  état  de  déla- 
brement, fait  l'admiration  des  artistes,  des  archéologues  et 
des  gens  du  monde. 

M.  de  Grand-Launay  ,  maire  de  la  commune  de  Candes , 
appuie  la  demande  de  M.  le  Curé. 

Lettre  de  M.  le  docteur  Bertheraux ,  secrétaire-perpétuel 
de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  Poligny  (Jura). 
Cette  lettre  exprime  le  désir  de  voir  assister  à  la  mise  à  dé- 
couvert des  mosaïques  de  Tourmont  quelques  délégués  de 
la  Société  française  d'archéologie  ,  le  Conseil  d'administration 
de  la  Société  ayant  voté  des  fonds  pour  exécuter  les  fouilles. 
—  A  la  lettre  de  M.  Bertheraux  est  jointe  une  circulaire 
qui  annonce  l'ouverture  à  Poligny  ,  le  22  juin  1862  ,  d'un 
congrès  géologique  et  paléontologique. 

M.  Halléguin ,  docteur-médecin  à  Chàteaulin ,  adresse 
des  notes  sur  Carhaix  et  les  voies  romaines  du  Finistère. 
Ces  notes  ,  accompagnées  de  plusieurs  plans  et  dessins  avec 
légendes ,  indiquent  les  principaux  établissements  gallo- 
romains  et  du  moyen-âge  qui  se  trouvent«dans  les  environs  de 
Carhaix.  Ces  communications  sont  accueillies  avec  beaucoup 
d'intérêt ,  car  elles  fournissent  des  documents  précieux  sur 
la  géographie  ancienne  et  l'histoire  de  la  Basse-Bretagne. 

M.  Halléguin  termine  sa  communication,  en  exprimant  le 
désir  de  voir  la  Société  française  d'archéologie  venir  tenir 
une  de  ses  prochaines  assises  à  Quimper. 

M.  Birat,  de  Narbonne,  offre  au  Congrès  des  extraits  d'un 
de  ses  ouvrages ,  ayant  pour  titre  :  Poésies  narbonnaiscs , 
en  français  et  en  patois ,  suivies  d'entretiens  sur  l'histoire  , 


220      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE. 

les    traditions ,    les    légendes ,    les   mœurs   du    pays    nar- 
bpnnais. 

M.  Birat  demande  également  que  le  Conseil  veuille  bien 
choisir  la  ville  de  Narbonne  pour  l'une  de  ses  prochaines 
réunions. 

M.  l'abbé  Briffaut-,  curé  à  Saumur ,  soumet  au  Congrès 
plusieurs  documents  intéressants  pour  les  annales  saumu- 
roises ,  entr'autres  des  manuscrits  dont  l'un  a  pour  titre  : 
Procédure  au  profit  de  noble  demoiselle  de  Montaigne ,  de 
Chemillè,  de  Passavent  et  de  Beauprèau  ,  etc..  Ces  ma- 
nuscrits sont  examinés  avec  beaucoup  d'intérêt  par  plusieurs 
membres  de  l'assemblée. 

M.  l'abbé  Briffaut  adresse  également  plusieurs  notes  his- 
toriques sur  les  monuments  de  la  région. 

Des  notices  rédigées  par  le  savant  ecclésiastique  saumurois, 
nous  extrayons  le  passage  suivant  : 

«  Suger  ,  né  en  108/; ,  suivant  le  Dictionnaire  de  Feller  , 
était  à  Saumur,  d'après  la  Collection  Guizot,  en  1098 ,  pour 
achever  ses  humanités. —  Venu  à  l'âge  de  seize  ans,  il  n'en 
aurait  pas  moins  terminé  ses  études  dans  le  temps  marqué 
par  M.  Guizot;  mais  il  serait  resté  dans  cette  abbaye  plus 
qu'il  n'a  été  dit,  puisque  l'auteur  de  la  dissertation  apolo- 
gétique de  l'abbaye  et  ordre  de  Fontevrault ,  dit  que  Suger 
assista  au  Concile  de  Poitiers  en  1106.   » 

M.  de  Caumont  ayant  exprimé  le  désir  qu'on  exposât 
des  gravures  ou  dessins  d'anciens  monuments  du  pays  ,  un 
dessin  des  arènes  de  Doué ,  en  Poitou  ,  est  présenté  à  la 
Société  par  M.  Briffaut ,  qui  signale  également  une  vue  de 
l'ancienne  abbaye  de  St.-Florent-lès-Saumur  ,  conservée  à 
la  Bibliothèque  de  la  ville  ,  dans  un  grand  in-f°. ,  contenant 
les  dessins  de  plusieurs  abbayes  de  France. 

Le  mémoire  de  M.  Briffaut  cite,  parmi  les  plus  anciennes 
églises  des  environs  de  Saumur,  Distré,  Chétigné,  Rou,  Verrie, 


XXIXe.    SESSION,   A   SAUMUP.  221 

des  Ulmes ,  Cizay  ,  Daubigné  et  Doué  ;  ces  trois  dernières 
fondées  par  Dagobert  sous  le  vocable  de  St. -Denis.  Dans  les 
constructions  de  ces  divers  édifices  se  retrouvent  des  frag- 
ments provenant ,  dit  l'auteur  du  mémoire  ,  d'une  anciene 
construction  appelée  par  les  gens  du  pays  la  sainte  église , 
et  placé  près  de  la  butte  de  Montesy. 

Notre- Dame-dc-Nantilly ,  d'après  la  traduction  popu- 
laire ,  aurait  été  consacrée  d'abord  sous  le  nom  de  St. -Jean- 
Baptiste.  Une  image  de  la  Vierge  ayant  été  trouvée  dans  un 
champ  de  lentilles ,  près  Saumur  ,  elle  fut  portée  dans  l'église 
St. -Jean-Baptiste  qui  dès  lors  a  été  appelée  Notre-Damc-de- 
Nantilly  ou  Lentilly.  Elle  devint  la  première  paroisse  du 
pays  ,  et  c'est  pour  cela  qu'elle  est  qualifiée  d'église-mère. 

Il  est  de  fait  que  ,  d'après  Mabillon  ,  l'église  abbatiale  de 
Nantilly  était  placée  sous  le  vocable  de  la  sainte  Mère  de 
Dieu,  Marie,  et  de  saint  Jean-Baptiste:  «  In  abbalia  sanctœ 
«  Dei  Genitricis  Mariaa  et  sancti  Johannis  Baptistae.  »  {An- 
nales  bénédictines,  t.  III,  liv.  56,  p.  4 7/4.  ) 

M.  le  Président  adresse  des  remercîments  à  M.  l'abbé 
Briffaut,  pour  son  zèle  dans  la  recherche  des  documents  re- 
latifs à  l'histoire  du  pays. 

M.  Godard-Faultrier  offre  au  musée  de  Saumur  des  es- 
tampages de  fer  à  hosties,  d'un  miroir  en  ivoire  et  d'une 
crosse  dite  de  Pétronille  de  Chemillé  (1109-1149),  pro- 
venant de  l'abbaye  de  Fontevrault.  Les  originaux  de  ces 
divers  objets  font  partie  du  musée  d'Angers. 

M.  Godard  offre  également  a  la  ville  de  Saumur  les  objets 
suivants  :  statuette  de  Notre-Dame-de-Sous-Terre  du  Ron- 
ceray ,  estampage  en  plâtre. 

Un  reliquaire  ,  photographie  ;  —  sommet  de  custode  en 
cuivre  ,  id.  ;  —  fragment  d'une  couronne  de  lumière ,  id.  ; 
—  crosse  du  XIIe.  siècle,  id.  ; — crosse  du  XIIIe.  siècle,  id. 

Portrait  de  Mme.  Jeanne-Baptiste  de  France,  abbesse,  chef 


222      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

généralle  de  l'abbaye  et  ordre  de  Font-Euraul  (sic).  — 
«  iEtatis  suae  41  anno  1648.  » 

Note  sur  un  tombeau  découvert  à  St. -Serge  d'Angers  , 
avec  gravures  des  objets  trouvés,  tels  que  calice,  patène  en 
argent ,  gance  en  soie ,  crosse  en  bois  doré. 

M.  le  Président  remercie  M.  Godard-Faultrier. 

M.  Ch.  Drouillard  présente  au  Congrès  deux  médailles  : 
l'une  de  Valentinien  et  l'autre,  très-fruste,  présumée  gau- 
loise. Ces  médailles  ont  été  recueillies  près  du  vieux  bourg 
de  Dyve,  où  se  trouve  une  voie  romaine. 

M.  le  Président  annonce  la  reprise  du  programme  par 
la  question  ainsi  conçue  : 

Signaler  les  autels  et  les  fonts  baptismaux  anciens  ,  les 
cloches  à  inscriptions  gothiques ,  les  objets  d'orfèvrerie  et 
les  autres  meubles  et  ornements  du  moyen-âge  que  ren- 
ferment encore  les  églises  de  la  région. 

M.  Parrot  lit  un  inventaire  inédit  du  trésor  de  l'ancienne 
abbaye  des  Bénédictins  de  Sl.-Florent-!ès-Saumur ,  extrait 
des  archives  de  St. -Florent,  liasse  cotée  :  Reliques  de 
Su-Florent,  D.  Housseau  ,  t.  XVIII,  n°.  532.  Paris, 
Bibliothèque  impériale. 

MÉMOIRE  DE  M.  PARROT. 

Messieurs  , 

Depuis  l'ouverture  du  Congrès  archéologique  de  France , 
vous  avez ,  sans  aucun  doute  ,  dirigé  plus  d'une  fois  vos  sa- 
vantes excursions  vers  le  lieu  délicieux  où  vivaient  naguère 
de  riches  cénobites  ,  plus  célèbres  dans  les  fastes  de  l'Anjou 
par  leur  opulence  que  par  leurs  travaux  scientifiques. 

L'histoire  des  Bénédictins  de  St. -Florent  de  Saumur  ,  ces 
puissants  enfants  du  Mont-donne,  vous  est  trop  connue 


XXIXe.    SESSION,    A   SAtMUR.  223 

pour  qu'il  soit  utile  de  vous  en  parler.  Cependant ,  per- 
mettez-moi d'appeler  un  instant  votre  bienveillante  attention 
sur  un  inventaire  inédit  du  trésor  de  cette  abbaye.  11  vous 
fera  connaître  quelques  riebesses  artistiques  dont  le  temps 
et  les  révolutions  ne  nous  ont  légué  que  le  souvenir. 

Ce  n'est  point  sur  les  anciennes  rives  de  la  Vienne ,  à 
l'ombre  du  formidable  château  du  Truncus  ,  où  le  comte  de 
Blois ,  Tbibault-le-Tricbeur ,  éleva  dans  sa  Johannis  villa 
le  premier  monastère  en  l'honneur  de  saint  Florent,  que  je 
désire  vous  arrêter  un  instant;  c'est  sur  les  bords  pai- 
sibles du  Thouet ,  dans  l'abbaye  construite  du  temps  de 
Foulques  Néra,  le  célèbre  bâtisseur  angevin,  que  Jean  du 
Bellay  transforma  en  forteresse ,  et  que  bombarda  et  prit 
l'amiral  de  Cbâtillon. 

A  la  fin  du  moyen-âge,  vous  le  savez,  Messieurs,  les  in- 
cursions incessantes  des  gens  de  guerre  et  les  ravages  qu'ils 
causaient  forcèrent  les  villes ,  les  châteaux  et  les  abbayes  si- 
tués en  dehors  des  cités  à  se  garantir  par  de  puissantes  for- 
tifications. Les  moines  de  St.-FIorent,  riches  seigneurs  d'une 
grande  partie  du  pays  saumurois,  ayant  tout  à  craindre  des 
différents  partis  qui  dévastaient  les  campagnes,  et  surtout 
les  Anglais  qui  saccageaient  l'Anjou  ,  firent  alors  fortifier 
leur  monastère  et  même  leur  église.  Les  murs  furent  re- 
haussés par  des  mâchicoulis  et  des  créneaux  ;  l'enceinte  exté- 
rieure de  l'abbaye  fut  protégée  par  de  larges  et  profonds 
fossés ,  et  l'entrée  défendue  par  deux  grosses  tours  garnies  de 
plusieurs  pièces  d'artillerie.  Tous  ces  travaux  furent  exécutés 
sous  le  règne  de  Louis  XI ,  par  ordre  de  Jean  du  Bellay , 
évêquede  Poitiers  et  abbé  commendalaire  de  St. -Florent  (1). 

(4)  Les  vassaux  de  l'abbaye  formaient  sa  garnison.  Ils  y  étaient  obli- 
gés, en  vertu  des  letlres-palentes,  en  date  du  2à  novembre  13C9,  que 
le  roi  Charles  V  avait  accordées  à  l'abbé  Guillaume  du  Luc. 


224  CONGKÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

C'est  dans  ce  moustier  féodal,  au  27  décembre  1538  , 
que  je  serais  heureux ,  Messieurs ,  de  reporter  un  instant 
votre  imagination.  Vers  le  milieu  de  ce  jour,  un  notaire 
royal,  mandé  de  Saumur  ,  traversait  le  pont-levis  du  monas- 
tère. Après  les  saluls  d'usage ,  le  procureur  du  cardinal  de 
Tournon  (1),  abbé  commendataire  de  St. -Florent ,  lui  fit 
connaître  l'ordre  qu'il  avait  reçu  de  son  supérieur  de  faire 
inventorier  le  trésor  de  l'abbaye.  Le  notaire,  le  procureur  du 
cardinal  et  plusieurs  religieux  se  dirigèrent  vers  le  sacraio- 
rium ,  qui  fut  ouvert  en  leur  présence ,  et  les  objets  qu'il 
renfermait  présentés  a  l'officier  public  qui  dressa  l'acte  sui- 
vant : 

«  Inventaire  des  reliques  et  joyaux,  etc.  estant  au  monastère 
et  église  de  l'abbaye  de  S.  Florent  de  Saumur  faict  a  la  re- 
queste  de  religieuse  personne  frère  Claude  Droaut ,  vicaire 
et  procureur  de  monseigneur  le  reverandissime  cardinal  de 
Tournon ,  abbé  commendataire  ,  par  moy  Martin  Gautier 
notlaire  royal  audit  Saumur,  en  presance  de  religieuses  per- 
sonnes frères  Jehan  Hacquedé  Mâche  ,  prieur ,  François  de 
Changuy  ,  secrétaire ,  et  autres. 

Du  27e.  jour  de  décembre  l'an  1538  a  été  fait  visille  et 
ouverture  du  lieu  ou  a  accouslumé  mettre  et  reposer  les  re- 
liques de  ladite  abbeïe  auquel  a  été  trouvé  ce  qui  suit  : 

Une  boette  d'argeant  bandée  de   bandes  d'argeant  dorée 

(1)  François  de  Tournon,  fils  de  Jacques,  comte  de  Tournon,  et  de 
Jeanne  de  Polignac,  naquit  en  1489.  A  l'âge  de  28  ans,  il  fut  nommé 
archevêque  d'Embrun  ,  puis  de  Bourges,  de  Lyon  ,  évêque  de  Sabine, 
en  Iblie,  abbé  de  St.-Gerrnain-des-Prés,  cardinal ,  etc.  Ce  fut  un  des 
hommes  les  plus  influents  du  règne  de  François  Ier.  ,  et  l'un  des  plus 
cruels  persécuteurs  des  protestants.  Il  décéda  le  21  avril  1562,  après 
avoir  joué  un  grand  rôle  dans  la  politique  de  son  siècle,  et  être  tombé 
en  disgrâce  sous  l'administration  des  Guises.  Son  blason  était  :  Parti  au 
1"\  sané  de  France  ;  au  2°.  de  gueules  ,  au  lion  d'or. 


XXIXe,  SESSION  ,  A   SAUMUR.  225 

couverte  de  plusieurs  pierres  fines  non  étant  de  grande  valeur, 
dedans  laquelle  boëite  est  un  petit  vaisseau  aussi  bandé  de 
bandes  d'argeant  doré  qu'on  dit  être  l'un  des  vesseaux  de  la 
Cène  de  Jesus-Christ. 

Item.  Un  chef  d'argeant  dont  les  cheveux  sont  dorés  au- 
quel est  enchâssé  le  chef  saint  Philippe  apôtre. 

Item.  Un  autre  chef  d'argeant  mytié  d'une  mytre  d'argeant 
qui  se  ouste  facilement  dudit  chef ,  auquel  chef  sont  quel- 
que petit  nombre  de  pierres  de  peu  de  valeur ,  auquel  chef 
est  enchâssé  le  chef  Monsieur  saint  Martin  de  Vertou. 

Item.  Un  angelot  d'argeant  doré  duquel  les  ailes  sont  sé- 
parées et  rompues. 

Item.  Un  bras  d'argeant  doré  enrichi  de  quelque  nombre 
de  petites  pierres  dans  lequel  est  enchâssé  le  bras  de  Mon- 
sieur St.  Florent. 

Item.  Un  autre  bras  couvert  d'argeant  doré  auquel  est 
enchâssé  le  bras  de  Monsieur  St.  Serge  martyr. 

Item.  Un  autre  bras  couvert  d'argeant  blanc  enrichi  de 
bandes  d'argeant  doré  et  de  quelques  pierres  telles  que  des- 
sus ,  auquel  est  enchâssé  le  bras  de  Mn'e  Ste  Agnes ,  en  la 
main  duquel  bras  est  un  doit  rompu. 

Item.  Une  custode  d'argeant  doré  ou  l'on  porte  le  Corpus 
Dni.  le  jour  du  sacre. 

Item.  Une  grande  couppe  en  façon  de  calice  en  laquelle 
on  met  reposer  le  Corpus  Dni.  le  jeudy  absolu ,  garni  de  sa 
patenne  ouvrée  ;  le  tout  d'argeant  doré. 

Item.  Un  grand  calice  d'argeant  doré  appelé  le  calice  des 
marchands,  avec  sa  patenne. 

Item.  Deux  grandes  chopinnes  d'argeant  servant  à  mettre 
vin  et  eau  à  dire  messe. 

Item.  Une  grande  croix  d'argeant  doré  en  laquelle  il  y  a 
quelque  pièce  de  vray  croix ,  avec  son  bâton  couvert  d'argeant 
doré  ,  semé  de  bourdons  et  coquilles. 

15 


226  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE  FRANCE. 

Item.  Une  autre  grande  croix  peu  moindre  que  l'autre , 
avec  son  bâton  d'argeanl  relié  à  fdets  d'argeant  doré.  Les 
dites  croix  garnies  chacune  de  leur  étuys  de  cuire  noir. 

Item.  Lin  bénitier  garni  de  gectone ,  le  tout  d'argeant , 
lequel  gectone  est  rompu  par  le  bas  bout. 

Item.  Deux  encensoirs  avec  une  navette  et  une  cueilliere  , 
le  tout  d'argeant  blanc. 

Item.  Un  bâton  couvert  d'argeant  blanc  ,  servant  a  l'office 
de  chantre  ,  relié  de  filets  d'argeant  doré  sur  lequel  est  une 
petite  image  de  S.  Florent ,  aussi  d'argeant. 

Item.  Une  image  d'un  roy  dépriant  a  genoux  au  devant 
du  quel  est  un  escabeau  armoyé  de  fleurs  de  lys  et  azuré , 
et  sur  iceîuy  un  couèssin  et  des  Heures  ,  avec  un  petit  armet 
de  tête ,  et  tout  étant  sur  un  soubastement ,  le  tout  d'argent 
doré  (1). 

Item.  Une  autre  image  d'un  évêque  crosse  et  mytré  étant 
de  genoux  sur  un  soubastement  ,  au-devant  duquel  est  une 
escabelle  et  des  Heures  dessus ,  le  tout  d'argeant  doré  ,  ar- 
moyé de  deux  écussons  des  armes  du  Bellay  (2). 

Item.  Un  texte  d'Evangile  couvert  d'argeant  doré  dont  les 
fermoirs  et  les  corroyés  d'icelles  sont  rompues. 

Item.  Un  bâton  de  bois  rouge  qu'on  dit  être  le  bâton  de 
Mr.  St.  Florent ,  dont  le  haut  est  couvert  d'argeant  doré  et 
sur  iceîuy  est  une  pierre  longue  de  cristal  servant  de  potence 
au  bâton. 

Item.  Quatre  corporalies  dont  en  a  deux  de  drap  d'or , 
l'autre  de  velours  cramoysi  et  l'autre  de  velours  violet. 

Item.  Deux  vieilles  petites  chopines  d'argeant  dont  les 
couvercles  et  les  pieds  sont  rompus. 

(1)  Cetle  statuette  était  celle  du  roi  Louis  XI,  et  la  suivante  celle  de 
l'abbé  commendataire  Jean  du  Bellay,  1er.  du  nom. 

(2)  La  maison  du  Bellay  portait  pour  blason  :  D'argent ,  à  la  bande 
fuselée  de  gueules ,  accompagnée  de  six  fleurs  de  lis  d'azur  posées  en 
ork. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  227 

Item.  Un  autre  corporalie  de  taffetas  jaune  auquel  sont  plu- 
sieurs reliques  non  enchâssées  et  pour  especial  une  petite  croix 
d'argeant  doré  ou  il  y  a  de  la  vraye  croix  ;  avec  une  boucle  d'ar- 
geant  de  l'un  des  encensoirs  ,  et  la  moitié  d'une  petite  pomme 
d'argeant  doré  ;  les  deux  couvercles  des  deux  petites  chopines 
d'argeant  et  les  deux  tenons  de  derrière  desdits  couvercles. 

Item.  Un  petit  bahut  de  bois  bandé  de  petites  bandes  de 
cuivre  auquel  sont  plusieurs  petites  reliques. 

Item.  Un  livre  appelé  Collectaire  lequel  est  encore  en  partie 
couvert  d'argeant 

Item.  Un  psaultier  appelé  le  Psaultier  de  M.  St.  Florent, 
lequel  a  été  autrefois  couvert  d'argeant. 

Item.  Une  pierre  ronde  de  cristal  pendante  a  une  petite 
chaîne  d'argeant  de  laquelle  on  fait  le  feu  nouveau  (1). 

Item.  Une  Véronique  brodée  a  lentour  de  quatre  doits  de 
velours  noir  et  quatre  petites  pierres  de  cristal  dont  l'une  est 
pendante  à  une  petite  chaîne  d'argeant. 

(1)  L'usage  de  renouveler  le  feu,  au  commencement  de  l'année,  à 
l'aide  des  rayons  solaires  remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  Les  Grecs 
et  les  Romains,  au  rapport  de  Plutarque,  se  servaient,  pour  rallumer 
le  feu  sacré  de  Vesta ,  d'un  vase  d'airain  sur  lequel  les  rayons  du 
soleil,  venant  à  se  réunir,  emflammaient  le  combustible  sur  lequel  on  les 
attirait.  C'étaient  de  vrais  miroirs  ardents. — Chez  les  Romains,  le  feu 
sacré  se  renouvelait  constamment  à  l'équinoxe  du  printemps,  au  mois 
de  mars.  Les  Hébreux  avaient  aussi  un  feu  sacré  ,  ils  célébraient  sa  fête 
en  même  temps  que  celle  des  Tabernacles,  vers  le  printemps.  Lors  de 
la  prise  de  Jérusalem  par  les  Assyriens ,  ce  feu  fut  caché  au  fond  d'une 
citerne.  Long-temps  après ,  Néhémie  envoya  le  chercher  ,  et  l'on  ne 
trouva  qu'une  eau  bourbeuse  et  épaisse  que  l'on  répandit  sur  l'autel , 
et  que  le  soleil  enflamma  aussitôt.  —  Un  feu  sacré  brûlait  dans  les 
temples  d'Apollon  à  Athènes  et  à  Delphes ,  dans  celui  de  Cérès  à  Man- 
tinée ,  de  Minerve  ,  de  Jupiter-Ammon  ,  et  dans  les  prytanées  de  toutes 
les  villes  grecques  où  brûlaient  des  lampes  qu'on  ne  laissait  jamais 
éteindre. 


228      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Item.  Cinq  coissins  dont  en  a  deux  grands  couverts  de 
drap  d'or  et  trois  de  velours  cramoysi  vieil,  commençant  à  user. 

Item.  Un  petit  livre  de  cuire  rouge  ou  sont  les  bénédic- 
tions. 

Item.  Deux  petits  calices  d'argeant  blanc  avec  deux  pa- 
ïennes qui  sont  rompues. 

hem.  Un  autre  calice  d'argeant  doré  avec  sa  patenne  , 
aussi  rompue ,  auquel  calice  sont  les  armes  de  feu  M.  l'abbé 
du  Bellay. 

Item.  Six  petites  croix  d'argeant  blanc  avec  une  lozange 
couverte  d'argeant  en  laquelle  est  une  image  de  Ste.  Anne  et 
deux  petites  boettes  d'yvoire  ou  sont  quelques  reliques. 

Item.  Une  croix  d'argeant  doré  dont  le  soubassement  est 
rompue. 

Item.  Une  croix  d'argeant  doré  en  laquelle  il  y  a  de  la 
vraye  croix  ,  et  à  la  pâte  blanche  il  y  a  des  pierres  rouges  et 
autres  et  même  un  camaycux  et  une  agate. 

Item.  Cinq  calices  d'argeant  blanc  et  un  calice  d'argeant 
doré  qui  servent  ordinairement  à  dire  les  messes  dans  la  dite 
église. 

En  l'église  du  dit  St.  Florent  est  le  grand-autel  dont  le  bas 
est  garni  et  couvert  d'une  table  d'argeant  doré  en  laquelle 
sont  les  images  de  Dieu  et  ses  apôtres  faisant  la  Cène ,  et 
autres  images;  le  tout  couvert  d'argeant  doré,  et  le  dessus  du 
dit  autel  est  par  semblable  garni  et  couvert  d'une  table  cou- 
verte d'argeant  doré  ,  dedans  laquelle  sont  élevées  en  bosse 
neuf  images  ,  l'une  de  Dieu  et  ses  autres  apôtres  et  martyrs  , 
sur  lesquelles  images  de  chacun  d'iceux,  est  un  chapiteau;  le 
tout  d'argeant  doré  et  azuré,  et  sur  ledit  autel  et  choses  sus- 
dites est  une  belle  ,  grande  et  magnifique  chasse  toute  cou- 
verte d'argeant  doré  en  laquelle  sont  les  reliques  du  corps  de 
Monsr.  St.  Flaureni  faite  de  personnages  enlevés  en  bosse  de 
tous  endroits  contenant  lad.  vie  et  histoire  dudil  Si.  Florent  ; 


XXIXP.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  229 

de  longueur  de  six  pieds  cl  de  pareille  hauteur,  aux  quatre 
coins  de  laquelle  chasse  sont  quatre  tourelles  et  quatre  an- 
gelots, et  est  le  haut  d'icelle  semé  de  (leurs  de  lys  ,  et  trois 
pignons  à  feuillages;  le  tout  d'argeant  doré  comme  dit  est  (1). 

(1)  Le  roi  Louis  XI  avait  fait  exécuter  celte  magnifique  châsse,  en 
1475,  par  un  habile  orfèvre  d'Angers ,  nommé  Gervais  Pélier.  Il  y  avait 
représenté  toute  la  vie  de  saint  Florent,  depuis  son  arrestation  avec  son 
frère  Florian  ,  jusqu'à  sa  mort.  Ce  grand  morceau  d'orfèvrerie  ,  exécuté 
en  vermeil,  pesait  trois  cents  marcs.On  le  citait,  dans  son  temps,  comme 
un  chef-d'œuvre  de  l'art.  Il  fut  terminé  en  1480.  Les  reliques  de  saint 
Florent,  que  celte  châsse  renfermait,  forment  à  elles  seules  la  plus 
grande  partie  de  l'histoire  de  l'abbaye  saumuroise.  D'abord  déposées 
dans  le  vieux  monastère  du  Mont-Glonne,  elles  y  restèrent  assez  pai- 
siblement jusqu'en  853.  A  celte  époque,  les  Normands  ravagèrent 
Si. -Florenl-le- Vieil.  A  leur  approche,  les  religieux  prirent  la  fuite  et 
emportèrent  avec  eux  les  os  de  leur  patron.  Reliques  et  moines  reçurent 
alors  l'hospitalité  dans  l'abbaye  de  St.-Gondon,  près  de  Bourges;  puis 
dans  celle  deTournus.Le  mariage  de  l'illustre  Rollon,  chef  des  Normands, 
avec  Giselle,  fille  du  roi  de  France,  Charles-le-Simple,  ayant  ramené  la 
paix  dans  le  royaume,  les  moines  de  St. -Florent  voulurent  retourner 
dans  leur  ancien  monastère  Les  religieux  de  Tournus  les  laissèrent 
libres  à  cet  égard;  mais  ils  leur  signifièrent  qu'ils  garderaient  les  reliques 
de  saint  Florent.  Elles  étaient  pour  l'abbaye  mâconnaise  une  véritable 
fortune;  car,  chaque  jour,  de  nombreux  pèlerins  venaient  déposer  au 
pied  de  la  capse  vénérée  de  riches  offrandes,  dont  les  moines  remplis- 
saient leur  trésor. — Les  réclamations  des  cénobites  angevins  étant  de- 
meurées infructueuses,  ceux-ci  reprirent  le  chemin  de  leur  terre  natale, 
Là,  avec  l'aide  de  quelques  seigneurs,  i's  relevèrent  les  murs  de  leur  mo- 
nastère. Si  les  reliques  de  saint  Florent  étaient  perdues  pour  l'abbaye 
de  Sl.-Florent-le-Vieil,  elles  ne  le  furent  pas  pour  les  bords  de  la  Loire, 
grâce  à  la  ruse  d'un  jeuue  moine,  nommé  Absalon,  qui  les  enleva  du 
monastère  de  Tournus  pendant  que  les  religieux  célébraient  par  une 
orgie  la  fête  de  leur  patron.  Ce  furent  ces  reliques,  apportées  à  Jukanna 
villa,  qui  donnèrent  naissance  au  monastère  de  St.-Florcnt  de  Saumur, 
en  950.  Lorsque  Foulques  Néra  incendia  le  pays  de  Saumur,  l'abbé 
Frédéric  prit  le  corps  du  saint  et  le  cacha  sur  la  rive  gauche  du  ïhouct. 
Ce  ne  fut  que  cinq  ans  après  qu'il  put  reparaître  dans  le  monastère , 


230  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

Item.  Au  coté  dextre  de  ladite  chasse  est  le  chef 
Monsr.  saint  Florent  enchâssé  richement  et  magniGquement, 
en  argeant  doré,  de  hauteur  d'un  homme  de  genoux ,  com- 
pris le  soubassement,  au  derrière  du  quel  chef  est  un  dia- 
dème aussi  d'argeant  doré. 

Item.  Sur  ledit  grand-autel,  chasses  et  choses  susdites 
pend  une  grande  custode  d'argeant;  dedans  laquelle  custode 
est  une  boette  quarrée  d'or ,  en  laquelle  repose  Corpus  Do- 
mini.  Ladite  custode  couverte  d'un  pavillon  de  camelot 
rouge  dont  le  bas  est  de  drap  d'or ,  frangé  de  soye. 

Item.  Derrière  ledit  grand  autel  sont  six  petites  chasses 
chacune  garnie  d'argeant  par  devant. 

Item.  Aux  deux  cotés  du  grand  autel  sont  deux  parements 
de  drap  d'or  avec  deux  rideaux  de  taffetas  jaune  et  bleu. 

Item.  A  lentour  dudit  grand  autel  et  au-dessus  d'icelluy 
sont  deux  grandes  pièces  de  broderies  de  fil  d'or  et  de  soye 
en  l'une  desquelles  est  figuré  Octonyen  soy  voulant  faire 
adorer,  et  en  l'autre  le  dit  Octonyen  et  une  Sibylle  luy  dé- 
montrant Ara  cœli ,  et  autres  grands  personnages. 

et  être  placé  sur  l'autel  de  St. -Jean-Baptiste.  Enlevé  en  1135  par  la 
force  des  armes,  le  corps  de  saint  Florent  fut  donné  par  le  comte  de 
Vermandois  à  l'église  collégiale  de  St.-Georges-de-Roye,  au  diocèse 
d'Amiens.  Il  s'y  trouvait  encore  sans  conteste  en  1475,  lorsque  Louis  XI, 
apprenant  qu'il  avait  été  dérobé  à  l'abbaye  de  Saumur,  résolut  de  l'y 
transférer.  La  translation  eut  lieu,  en  effet,  le  25  juin  1480.  Charles  VIII, 
sur  les  instances  des  chanoines  de  Roye,  ordonna  de  remettre  le  corps 
de  saint  Florent  à  ses  derniers  possesseurs.  Les  religieux  de  Saumur  s'y 
refusèrent,  et  l'intervention  du  Parlement  mit  seule  fin  a  une  longue 
querelle,  qui  ne  s'assoupit  qu'en  1496  par  le  partage  des  reliques  entre 
la  collégiale  de  Roye  et  l'abbaye  de  St. -Florent.  Jusqu'à  la  Révolution, 
l'église  de  St.-Florent  garda  religieusement  la  moitié  du  corps,  qui 
lui  était  échue.  Enfin ,  le  22  avril  1858,  un  nouveau  partage  des  reliques 
du  saint  eut  lieu  entre  l'église  St.-Florent-le-Jeune  et  celle  de  St.-Florent- 
le-Vieil. 


XXIX'.    SESSION,    A  SAUMLR.  231 

Au  revestiaire  ou  sacristie  de  ladite  abbeïe  il  y  a  trente 
huit  chappes  de  drap  d'or,  de  velours,  et  autres  étoffes, 
trente  chasubles,  et  quarante  neuf  ou  cinquante  dalmatiques 
sans  compter  les  étoiles  et  manipules ,  deux  tapis  de  Turquie , 
et  quelques  autres  morceaux  de  tapisserie  de  soye  et  or 
pour  parer  le  sanctuaire  ;  deux  ou  trois  mitres  d'un  grand 
prix,  et  un  cercle  de  vermeil  qu'on  dit  être  la  couronne  de 
saint  Judicaël ,  roy  de  Bretagne. 

L'original  de  cet  Inventaire  ,  écrit  sur  papier  et  signé  du 
notaire ,  était  conservé  dans  les  archives  de  St. -Florent 
(liasse  cotée  Reliques  de  S.  Ftorent).'XJne  copie  en  fut  faite 
au  XVIIe.  siècle,  elle  fait  partie  des  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque impériale  (collection  de  Dom  Housseau);  c'est  elle 
que  nous  avons  transcrite. 

Telles  étaient ,  Messieurs,  les  principales  richesses  artis- 
tiques que  possédait ,  au  XVIe.  siècle,  l'abbaye  de  St. -Flo- 
rent. Il  est  convenable  d'y  ajouter  plusieurs  tapisseries  en 
laine  ,  représentant  les  principaux  épisodes  de  la  vie  de  saint 
Florent  et  de  son  frère.  F.lles  avaient  été  données  à  l'église  du 
monastère  ,  en  1524 ,  par  Jacques  le  Roy  ,  abbé  commenda- 
taire  de  St. -Florent.  Sur  l'une  d'elles,  on  lit  encore  les  vers 
suivants ,  tracés  en  caractères  gothiques  : 

{Jnr  très  reocrenb  çere  en.  3Dtcu 
liions  l'abbé  3aeques  Ce  îlov; 
3e  fus  tannée  à  ce  sainct  lieu 
tëe  moyennant  ievot  au  rog 
$rie2  Sesus  souoerain  rog 
(iîlue  bc  tout  mal  soit  oefenou 
IKn  bienfait  n'est  jamais  ?erbu 
1524. 

Le  blason  de  cet  abbé ,  répété  sur  les  tapisseries  qu'il  avait 


232  CONGISÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE  FRANCE, 

données,  était  :  ècarielè  au  1er.  et  h",  d'argent ,  à  la  bande 
de  gucides  ,  qui  est  le  Roi  ;  au  2e.  et  3e.  êchiquelé  d'or  et 
d'azur,  à  la  bordure  de  gueides  ,  qui  est  d'Évreux. 

En  1545  ,  un  nouvel  inventaire  du  trésor  de  l'abbaye  de 
St. -Florent  fut  fait  par  l'ordre  de  Jacques  de  Castelueau  de 
Clermont-Lodève ,  successeur  du  cardinal  de  Touruon  (1); 
il  est  entièrement  conforme  au  précédent 

Peu  d'années  plus  tard,  en  1562  ,  pendant  les  troubles  de 
si  douloureuse  mémoire  qui  ensanglantèrent  la  France ,  le 
trésor  de  St. -Florent  fut  enlevé  par  ordre  du  prince  de 
Condé.  Cet  acte  reçut  des  Saumurois  un  acueil  enthousiaste , 
car  ils  gémissaient  depuis  cinq  cents  ans ,  dit  l'historien 
Bodin ,  sous  un  double  joug  féodal ,  ne  pouvant  faire  un 
pas  sans  être  froissés  ,  soit  par  la  crosse  de  saint  Florent ,  soit 
par  celle  de  l'abbesse  de  Fontevrault.  Cette  gêne  continuelle, 
les  vexations  des  agents  des  deux  abbayes  dont  les  fiefs 
se  croisaient  dans  la  ville ,  les  procès  ruineux  qui  étaient 
la  suite  inévitable  d'une  foule  de  droits  seigneuriaux  souvent 
inconnus  ,  avaient  disposé  les  esprits  à  saisir  la  première 
occasion  qui  se  présenterait ,  de  se  soustraire  à  l'autorité 
monacale.  Cette  occasion  se  présenta  lorsque  le  protestan- 
tisme fut  introduit  à  Saumur ,  et  adopté  par  les  principaux 
habitants  et  une  grande  partie  du  peuple. 

Doin  Housseau  nous  a  conservé  l'inventaire  des  objets 
enlevés  au  trésor  de  St.-Florent ,  en  1562.  Ce  titre  est 
ainsi  conçu: 

(1)  Il  était  fils  du  baron  Guy  de  Castelueau  de  Clennont-Lodève ,  et 
de  Louise  d'Avaugour.  Uu  de  ses  frères,  François-Guillaume  de  Castel- 
ueau de  Clermont-Lodève,  fut  archevêque  d'Auch  et  de  Narbonne, 
lé,rat  d'Avignon  et  cardinal  ;  il  décécia  doyen  du  Sacré-Collège,  en  5  540. 

L'abbé  de  Castelneau  de  Clermont-Lodève  fut  nommé  évêque  de 

St.-Pons  en  1544 ,  et  mourut  en  1577.  Il  portait  pour  blason  :  de  gueules, 
au  château  d'or. 


XXIX*.    SESSION  ,    A    SAL'MUn.  233 

«  Copie  du  vidimvs  et  collation  faite  de  l'inventaire  et 
signée  de  deffunt  M.  le  lieutenant  Bourneau  ,  des  reliques 
et  joyaux  qu'il  prit  et  fit  prendre  en  l'abbaye  de  St.  Florent 
de  Saumur  laquelle  est  écrite  de  la  main  de  sr.  Jacques 
Maillard  ,  grand  vicaire  de  ladite  abbaye: 

Le  chef  saint  Florent , 

Le  chef  saint  Philippe , 

Le  chef  saint  Martin  de  Verlou  , 

Le  bras  de  saint  Florent , 

Le  bras  de  saint  Serge , 

Le  pot  de  la  Cène , 

Une  petite  croix  d'argent , 

La  grande  croix , 

Deux  calices  avec  deux  patènes  , 

Deux  chandeliers  d'argent , 

Trois  bâtons  couverts  d'argent, 

Une  pierre  de  cristallin  , 

La  chasse  de  saint  Florent. 
<>  Ces  présentes  ont  été  par  nous  notlaires  royaux  à  An- 
gers, soussignés,  vidimées  sur  un  écrit  à  nous  présenté  par 
discret  sr.  Pierre  Le  Breton  ,  secretain  de  l'abbaïe  de  St.  Flo- 
rent-les-Sauinur ,  et  Jacques  de  La  Roche  sous-chantre  de 
ladite  abbaïe  pour  ce  faire.  Et  à  la  fin  de  ces  mots  :  St.  Flo- 
rent, il  y  a  un  paragraphe  et  au-dessous  est  iceluy  écrit 
signé  Bourneau,  Fait  à  Angers  le  23  juin  1562.  Ainsy  signé  : 
Kaimbault  et  Foures.  »  (Archives  de  St. -Florent,  liasse  co- 
tée Reliques  de  saint  Florent.  —  D.  Housseau,  t.  XVIII, 
ir.  532.  ) 

A  la  fin  du  XVIIP.  siècle,  le  trésor  de  l'abbaye  de  St. -Flo- 
rent ne  possédait  plus  que  de  faibles  traces  de  ses  anciennes 
richesses  :  une  mitre  brisée  et  un  bras  d'argent ,  sans  doute 
celui  qui  renfermait  les  reliques  de  sainte  Agnès,  étaient  à 
peu  près  les  seuls  objets  qui  avaient  survécu  aux  guerres  de 


234      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

religion.  Enfin ,  les  anciennes  tapisseries  de  l'église  abbatiale, 
que  possède  actuellement  l'église  de  St. -Pierre  de  Saumur, 
sont  les  vestiges  les  plus  importants  qui  restent  de  la  splen- 
deur éclipsée  du  vieux  moustier  saumurois. 

Si  le  sacratorium  de  St. -Florent  ne  posséda  jamais  des 
chefs-d'œuvre  d'orfèvrerie,  comparables  à  ceux  de  St. -Denis 
et  de  St.-Germain-des-Prés  par  leur  beauté  artistique,  le 
souvenir  de  ceux  qu'il  renferma  n'en  est  peut-être  pas  moins 
digne  de  l'attention  des  archéologues  qui,  comme  vous, 
Messieurs,  se  font  gloire  d'étudier  le  passé  dans  ses  moindres 
détails,  pour  servir  à  l'enseignement  des  générations  futures. 

M.  le  Président  remercie  M.  Parrot  de  son  intéressante 
communication. 

M.  Lambert  donne  une  description  très-détaillée  d'un 
reliquaire  appartenant  à  sa  famille.  Ce  reliquaire  ou  sorte  de 
coffret,  d'après  le  caractère  de  son  ornementation,  remon- 
terait au  XIP.  siècle. 

M.  Lambert  communique  également  au  Congrès  un  dessin, 
réduit  au  quart,  de  la  chape  de  saint  Mesme,  conservée  dans 
l'église  St.  -Etienne  de  Cbinon. 

Un  membre  cite  encore ,  comme  meubles  précieux  du 
moyen-âge,  le  cadre  en  ébène  sculpté  d'un  tableau  de  l'église 
de  Monlreuil-Bellay ,  et  les  stalles  de  l'église  du  Puy-Notre- 
Dame. 

On  passe  à  la  proposition  suivante  :  Faire  connaître  les 
anciennes  croix  de  cimetière. 

M.  Ledain  signale  la  croix  de  Lapperat ,  arrondissement  de 
Parthenay  ,  comme  étant  d'une  haute  ancienneté  ;  mais  nul 
autre  monument  n'est  désigné  dans  la  région.  II  est  pré- 
sumable  que  les  anciennes  croix  ont  été  renversées  dans  les 
guerres  de  religion  et  pendant  l'époque  révolutionnaire. 

MM.    Prévost ,  Godard-Faultrier ,  Léman    et   Lancia  di 


XXIXe.    SESSION,    A    SAUMUR.  235 

Brolo  échangent  quelques  observations  sur  les  croix  de 
carrefour,  et  sur  les  divers  motifs  de  leur  érection.  M.  Lancia 
rappelle  l'usage  italien  de  placer ,  sur  les  bords  des  chemins 
ou  même  dans  les  champs ,  une  croix  de  bois  pour  indiquer 
qu'en  cet  endroit  un  homme  a  perdu  la  vie  soit  par  un  crime, 
ou  frappé  par  la  foudre. 

16e.  question  :  Quels  sont  les  monuments  et  les  objets 
d'art  ou  d'antiquité  dont  la  conservation  est  menacée  ? 
Quels  sont  ceux  gui  ont  été  récemment  détruits ,  perdus 
ou  aliénés  ?  Quels  souvenirs  en  a-t-on  gardés  ? 

M.  Pecard  cite  l'église  de  Cravan  (Indre-et-Loire),  d'un 
vrai  mérite  architectural  et  d'un  haut  intérêt  artistique,  mais 
dont  l'abandon  complet  inspire  de  vives  inquiétudes  pour  sa 
conservation. 

M.  de  Caumont  l'a  décrite,  figurée  et  recommandée,  il  y  a 
déjà  quelques  années,  dans  un  de  ses  rapports  publiés  dans  le 
Bulletin  monumental  ;  mais  aujourd'hui  que  l'église  a  cessé 
de  servir  au  culte  ,  elle  est  peut-être  plus  exposée  encore. 

M.  de  Caumont  dit  que  le  Congrès  doit ,  avec  empresse- 
ment ,  réclamer  une  vigilante  surveillance  et  la  conservation 
de  cet  édifice  important.  Ce  vœu  pourra  être  adressé  à  l'au- 
torité, mais  il  faut  que  les  membres  de  la  Société  archéo- 
logique de  Touraine  et  ceux  de  la  Société  française  d'ar- 
chéologie y  veillent ,  car  l'indifférence  de  la  commune  est 
très-grande  ;  il  suffit,  d'ailleurs,  d'entretenir  la  couverture  : 
tout  autre  travail  serait  nuisible. 

M.  Godard  signale  le  narthex  de  l'église  de  St. -Serge, 
bâti  au  XVe.  siècle  par  François  d'Audigné ,  dont  l'existence 
est  bien  menacée.  M.  Godard  demande  que  ce  narthex  soit 
conservé. 

M.  Joly-Leterme  donne  des  explications  sur  l'état  de  ce 
uarthex. 


2o6  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRAMCE. 

M.  de  L'Épinay  pense  que  ce  nariîiex  nuit  à  l'aspect  de 
l'édifice,  et  sa  démolition  ne  lui  paraît  pas  un  fait  regrettable. 

M.  Marionneau  exprime  un  avis  opposé.  Ce  narthex  sub- 
siste depuis  trois  cents  ans  ;  il  rappelle  un  nom  historique , 
et  l'esprit  de  notre  siècle  est  assez  démolisseur  pour  ne  pas 
opposer  une  digue  à  ses  envahissements.  Si  le  culte  des  sou- 
venirs est  banni  du  monde  affairé,  qu'il  se  retrouve  au  moins 
dans  nos  temples  et  dans  nos  églises. 

M.  de  Verneilh  exprime  le  vœu  que  l'on  achète  les  ma- 
sures qui  entourent  la  chapelle  sépulcrale  de  Fontevraull, 
afin  de  dégager  l'édifice. 


VUE    DE    LA   CHAPELLE   SÉPULCRALE    DE    FOMEVRAULT. 


L'Élat,  l'administration  départementale  ou  communale 
devraient  acquérir  ce  curieux  et  rare  monument,  acquisition 
qui  se  ferait  pour  une  somme  bien  minime.  Il  est  pénible 
de  voir  cet  édifice  dans  un  état  si  complet  de  délabrement. 

M.  Joly  appuie  la  motion  de  M.  de  Verneilh  et  demande 


XXIX'.    SLSSION,    A   SAUMliR.  237 

que  la  lanterne  des  morts  de  l'ancien  cimetière  de  St. -Nicolas, 
à  Saumnr ,  soit  également  conservée  sans  altération.  Le 
Conseil  municipal  ne  pourrait-il  pas  acquérir  cet  immeuble? 
Le  Congrès  partage  l'opinion  de  M.  Joly. 

M.  Le  Dain  expose  au  Congrès  l'importance  des  belles 
ruines  du  manoir  de  Bressuire.  Ce  château  occupe  une 
immense  étendue,  niais  le  tracé  de  la  route  de  Tours  aux 
Sables  menace  de  renverser  une  partie  de  ses  remparts,  si 
remplis  d'intérêt  pour  l'élude  de  l'art  monumental  au 
moyen-âge  ,  et  pour  ses  souvenirs  historiques. 

U.  le  Président  partage  l'avis  du  préopinant,  mais  il 
pense  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  s'effrayer  des  jalons  placés  sur 
les  remparts  de  Bressuire.  Ce  fait  indique  seulement  que 
l'administration  s'occupe  du  tracé ,  et  ces  jalons  placés  en 
évidence  sont  parfois  des  moyens  pour  obtenir  de  l'argent , 
en  prouvant  à  la  commune  que  le  projet  de  la  route  est  à 
l'étude.  Pourtant  il  est  bon  de  se  tenir  en  garde  et  de  ré- 
clamer si  besoin  est. 

M.  de  La  Tourette  fds  signale  l'église  Sle.  -Croix  de  Loudun, 
fort  remarquable  par  son  ancienneté  et  son  mérite  architec- 
tural et  par  les  souvenirs  tragiques  de  l'infortuné  curé , 
Urbain  Grandier.  Cette  église  est  maintenant  une  halle;  des 
maisons  particulières  s'adossent  aux  murs  de  l'édifice  et  les 
détériorations  les  plus  déplorables  se  pratiquent  d'une  ma- 
nière occulte.  Le  Congrès  émet  un  vœu  très-énergique  pour 
obtenir  la  cessation  d'un  état  de  choses  préjudiciable  à  la 
conservation  de  l'église  de  Loudun. 

M.  le  Président  espère  un  heureux  résultat  de  cette  ma- 
nifestation du  Congrès ,  et  cite  l'exemple  des  arènes  de 
Nîmes,  qui  étaient  autrefois  une  sorte  de  cour  des  miracles, 
et  que  l'administration  a  rendues  à  l'étude  des  artistes  et  des 
archéologues  et  à  l'admiration  de  tous. 

M.  de  L'Épinay  expose  que  la  tour  de  Loudun  est  louée 


238  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

à  une  famille  dont  le  bail  spécifie  que  rien  ne  sera  détruit , 
ni  même  changé  dans  la  disposition  de  l'édifice.  Pourquoi 
n'agirait-on  pas  de  même  à  l'égard  de  l'église  de  Loudun  ? 

M.  Joly  annonce  qu'il  est  chargé  par  le  Ministre  de  faire 
un  rapport  sur  l'importance  monumentale  de  la  tour  de 
Loudun ,  citée  par  M.  de  L'Épinay. 

M.  de  Caumont  fait  ressortir  l'importance  de  la  tour  de 
Loudun ,  qu'il  a  décrite  et  publiée  il  y  a  vingt  ans. 


TOUR    DE    LOUDUN. 


Plusieurs  membres  font  part  à  l'Assemblée  de  la  disparition 


XXIXe.    SESSION  ,  A  SAUMUR.  239 

d'anciennes  tombes  dans  le  repavage  des  églises  ;  les  unes 
ont  été  brisées  ,  d'autres  placées  dans  les  murs  des  édifices  ; 
mais  sans  se  préoccuper  si  les  inscriptions  qui  rappellent 
des  noms  historiques  ont  été  convenablement  placées. 

M.  Joly  apprend  au  Congrès  l'enlèvement  des  tombeaux 
et  des  statues  de  l'église  de  Lignères- Bouton. 

M.  Godard-Faultrier  ajoute  à  ces  tristes  communications 
le  fait ,  non  moins  déplorable  ,  d'une  tombe  curieuse  trans- 
formée en  évier. 

Le  même  membre  indique  le  tombeau  du  seigneur  de  La 
Guerche  (XVIe.  siècle),  placé  le  long  du  mur,  dans  l'église 
St.-Aubin-de-Luigné. 

M.  l'abbé  Joubert  pense  que  cette  église  a  été  mutilée  en 
1793,  et  que,  la  tombe  ayant  été  violée  ,  la  pierre  tumulaire 
a  dû  être  placée  à  l'endroit  signalé  par  le  préopinant. 

M.  Godard-Faultrier  termine  la  séance  en  exprimant  le 
vœu  que  le  tombeau  de  Renée  Sarrazin ,  abbesse  du  Ron- 
ceray ,  actuellement  à  Angers ,  dans  un  recoin  de  l'École 
des  Arts,  soit  rétabli  dans  la  crypte  de  l'église  abbatiale  de 
Notre-Dame-du-Ronceray. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  1/2. 

Le  Secrétaire, 

Marionneau  , 

Membre  (la  Conseil  général  administratif  de  la  Société 
française  d'archéologie. 


VISITE  DU  MUSEE. 


Le  Congrès  a  fait,  après  la  séance,  la  visite  officielle  du 
Musée,  où  il  a  été  reçu  par  M.  Courtiller ,  un  des  fondateurs 
de  l'établissement  et  un  des  naturalistes  les  plus  connus  de 
France  par  ses  travaux  sur  la  paléontologie. 


240  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

51.  Courtilier  a  donné  oralement,  sur  la  partie  archéologique 
du  Musée,  les  renseignements  dont  voici  le  résumé  : 

Le  musée  de  Saumur ,  uniquement  formé  d'objets  trouvés 
dans  un  très-petit  rayon,  est  non-seulement  composé  des  pro- 
ductions d'histoire  naturelle  prises  dans  tous  les  ordres,  mais 
renferme  encore  les  antiquités  celtiques  et  romaines  recueil- 
lies dans  nos  environs. 

Ces  objets  sont  :  soixante-quinze  à  quatre-vingts  casse-tête 
en  silex,  de  toutes  grandeurs;  quelques-uns  ne  sontqu'ébau- 
chés  et  indiquent ,  par  leur  degré  d'imperfection,  les  moyens 
employés  pour  arriver  à  leur  entier  achèvement.  De  magnifi- 
ques couteaux  en  silex ,  des  pointes  de  flèche ,  des  bouts  de 
lance  également  en  silex  ,  des  os  aiguisés  en  longues  pointes  , 
un  marteau  en  bois  de  cerf  et  des  dents  de  sanglier  emman- 
chées dans  des  os  complètent  ces  armes  primitives.  Viennent 
ensuite  les  haches  de  bronze ,  au  nombre  de  plus  de  cent 
vingt ,  présentant  d'abord  la  forme  exacte  de  la  hache  de 
pierre,  et  qui  se  modifie  d'une  manière  remarquable  en  arri- 
vant, par  une  transition  presque  insensible,  à  la  forme  de  la 
lance. 

Des  lames  en  bronze  très-larges  à  la  base ,  d'autres  très- 
étroites,  fixées  à  leur  manche  par  trois  clous  en  cuivre  for- 
ment le  passage  à  une  belle  épée  gallo-romaine.  Une  suite 
nombreuse  de  clefs  de  toutes  formes,  des  ornements  de  cui- 
rasse, des  bracelets,  des  fibules,  des  bagues,  styles,  statuettes, 
balances,  lampes,  un  miroir  en  bronze,  etc.,  etc.  ,  forment 
la  majeure  partie  de  notre  collection.  Mais  ce  qui  fixe  surtout 
l'attention,  c'est  la  découverte  faite  à  St.-Just-sur-Dive  de 
tout  le  ménage  d'un  charpentier  romain,  non-seulement  des 
objets  nécessaires  à  la  vie,  comme  plats,  vases  de  différentes 
formes,  grandes  bouillottes  d'une  belle  conservation;  sa  bourse, 
témoin  irrécusable,  composée  d'un  grand  nombre  de  pièces 
en  bronze  du  beau  temps  de  l'Empire  ,  et  tous  les  outils  en 


XXIX'.    SESSION  ,    A   SAUMUR. 


241 


ISTENSILF.S    ÏROIVÉS    A    SAINT- JlST-SUR-DJVE,    PRÈS    SAIMUR. 


46 


%k1  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 


USTENSILES    TllOUVÉS    A    SAiNT-JVST-SlT.-DIVE,    PRÈS    SAUMUlî, 


XXIX*.    SESSION,    A    SAUMUR.  2û8 


VASE   GALLO-ROMAIN    EN    BRONZE,    AU     MUSEE   DE   SAUM 


244  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

fer  qui  servaient  à  son  industrie  :  instruments  tranchants  de 
toute  espèce,  scies,  gouges,  tarières,  ciseaux,  herniinettes , 
compas,  lire-ligne,  fers  de  varlope,  enfin  tous  les  instruments 
dont  se  servent  encore  nos  ouvriers  :  mêmes  formes ,  même 
perfection  ;  le  temps  a  passé  sans  y  apporter  aucun  change- 
ment. Enfin  ,  au  milieu  de  tous  ces  objets ,  qui  avaient  été 
renfermés  soigneusement  dans  une  caisse  dont  nous  avons 
retrouvé  les  crampons  en  fer,  les  clous  et  la  clef,  se  trouvait 
une  magnifique  trompette,  seul  spécimen,  je  crois,  aussi 
bien  conservé  de  cet  instrument  qui  servait  à  conduire  au 
combat  les  légions  romaines.  Un  assez  grand  nombre  d'urnes 
cinéraires  et  de  vases  à  l'usage  domestique,  des  moules  à 
faire  ces  vases  et  quelques  statuettes  en  pierre  complètent 
notre  collection  d'antiquités.  Tous  ces  objets  ,  recueillis  dans 
des  fouilles  faites  aux  environs  de  Saumur,  soit  dans  le  camp 
romain  de  Chenehute,  soit  sur  la  commune  de  St.-Jusl-sur- 
Dive. 

M.  de  Caumont  a  félicité  M.  Courtiller  de  son  zèle  et  de 
son  dévouement ,  et  l'a  remercié  des  intéressants  détails 
qu'il  a  bien  voulu  donner  au  Congrès. 

Le  Secrétaire , 

G.   BOUET, 

Inspecteur  des  mouaœents  do  Calvados. 


2*.  Séance  du  6  jnin. 

Présidence  de  M.  Godard-Faultrier,  d'Angers,  inspecteur  de  la 
Société  française  d'archéologie. 

MM.  Louvet;  Joubert ,  custode  de  la  cathédrale  d'Angers; 
d'Espinay,  magistrat,  h  Saumur  ;  Pécard,  directeur  du  musée 
de  Tours,  sont  appelés  au  bureau. 


XXIX'.    SESSION,    A    SAUMUIl.  2/l5 

M.   I. ancra  ,  de  Palerme,  est  chargé  de  la  rédaction  du 

procès-verbal. 

MM.  de  Canmont  et  Godard-Fanllrier  expriment  de  pro- 
fonds regrets  à  l'endroit  de  la  chapelle,  de  la  grande  salle, 
du  cloître ,  des  greniers  et  des  caves  de  l'hôpital  d'Angers  , 
qui  doivent  être  abandonnés.  M.  de  Caumont ,  qui  les  a  de 
nouveau  visités  il  y  a  quelques  jours,  craint  fort  que  les  gre- 
niers ne  soient  détruits  tôt  ou  tard  pour  élargir  une  petite  rue 
qui  passe  derrière.  Le  Congrès  déplore  que  ce  magnifique 
ensemble  du  XIIe.  siècle,  insigne  monument  de  la  pieuse 
charité  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre  et  comte  d'Anjou, 
change  de  destination  sous  un  prétexte  plus  ou  moins  fondé 
de  salubrité  publique.  Il  émet  un  voeu  formel  pour  que  ces 
cinq  parties  d'un  même  établissement  soient  en  tous  cas  con- 
servées avec  le  plus  grand  soin.  Plusieurs  membres  déclarent 
que  ce  monument  est  l'un  des  plus  curieux  de  ceux  qui  exis- 
tent en  Europe.  M.  de  Caumont  offre  l'esquisse  de  la  salle 
des  malades  (  Voir  la  page  2^6)  ,  qui  a  étonné  par  sa  har- 
diesse plus  d'un  explorateur. 

Un  membre  rassure  l'Assemblée ,  en  affirmant  que  l'État 
saurait  s'opposer  à  tout  projet  de  démolition  concernant  cet 
édifice.  Il  ajoute  que  l'administration  municipale  d'Angers 
est  trop  éclairée  pour  souffrir  qu'il  en  soit  autrement. 

D'unanimes  remercîments  sont  adressés  à  l'éminent  ar- 
tiste M.  Bodinier ,  qui,  par  l'acquisition  du  logis  de  Pincé  et 
par  le  don  qu'il  en  a  fait  à  la  ville  d'Angers ,  a  sauvé  ce  joli 
monument  de  la  Renaissance. 

On  doit  de  la  reconnaissance  au  propriétaire  des  belles 
ruines  de  l'abbaye  d'Asnières,  pour  son  intention  bien  connue 
de  les  conserver  ; 

Et  des  éloges  à  M.  Duvêtre,  pour  son  heureuse  réparation 
de  la  chapelle  basse  de  l'évêché  d'Angers. 

Le  Congrès  complimente  M.  Joly,  à  l'occasion  de  la  res- 


2/-1Ô  CONGl'.ÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANGE. 


H. MEUNIER 
SALLB  DBS     MALADES    DE    L'HOSPICIi    d'aNOERS. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUft.  2hl 

tauration  de  la  célèbre  crypte  du  Ronceray ,  ainsi  que 
M.  Delêtre,  dont  les  efforts,  soutenus  par  M.  le  Directeur  de 
l'Ecole  des  arts  et  métiers  d'Angers  ,  sont  parvenus  a  sauver 
l'une  des  absides  si  curieuses  de  l'église  du  Ronceray. 

On  émet  le  vœu  que  la  chapelle  de  St.-Maur-sur-Loire 
soit  au  plus  tôt  réparée ,  et  que  la  magnifique  église  de  Fon- 
tevrault  soit  rendue  au  culte. 

Enfin ,  on  blâme  énergiquement  tous  les  démolisseurs. 

Le  Président  passe  ensuite  à  h  17e.  question,  qui  est  ainsi 
conçue  : 

Indiquer  les  châteaux  cl  les  manoirs  les  plus  curieux  par 
leur  antiquité,  les  particularités  de  leur  architecture  ou  leurs 
souvenirs  historiques. 

M.  Raimbault  lit,  à  ce  sujet,  un  mémoire  sur  le  château  de 
Monsoreau  et  sur  le  château  de  la  Bouchardière: 

«  Le  château  de  la  Bouchardière,  dit  M.  Raimbault ,  est 
en  ruine,  situé  dans  la  commune  de  St.-Cyr-en-Bourg,  près 
Saumur ,  sur  le  bord  de  l'ancien  chemin  de  Saumur  à 
Louduu. 

«  Sa  construction  remonte  au  XIVe.  siècle,  et  il  a  ,  sans 
doute,  été  ruiné  dans  les  guerres  du  XVIe.  siècle. 

«  Pierre  de  Longue  possédait  ce  domaine  en  1223,  époque 
à  laquelle  il  donna  aux  religieux  de  l'abbaye  du  Loroux  une 
rente  d'un  demi-muid  de  vin  à  prendre  dans  ses  pressoirs  de 
la  Bouchardière. 

«  Pierre  de  Brezé,  grand-sénéchal  de  Normandie,  seigneur 
de  Brissac ,  etc.,  rendit  à  Louis  d'Amboise,  seigneur  de 
Berrie,  vers  1437  ,  son  aveu  pour  raison  de  la  seigneurie  de 
la  Bouchardière.     - 

«  Jacques  de  Brezé,  son  fils,  célèbre  par  son  mariage  avec 
Charlotte  de  France,  qu'il  assassina  dans  un  accès  de  jalousie, 
posséda  également  ce  domaine. 


2^8  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

«  Il  fut  vendu,  en  1557  ,  à  Arthus  de  Maillé,  seigneur  de 
Brezé,  et  subit  pendant  la  fin  du  XVIe.  siècle  plusieurs  mu- 
tilations. 

•  Un  acte  de  1609  constate  que  le  château  était  alors  en 
ruine.  Depuis  cette  époque ,  il  a  toujours  appartenu  aux  sei- 
gneurs de  Brezé. 

«  Sa  situation  dans  un  bois,  au  milieu  des  ronces,  en  rend 
l'approche  très-difficile  et  donne  une  idée  exacte  du  château 
de  la  Belle  au  bois  dormant.    » 

Une  discussion  s'engage  sur  cette  devise  de  la  ville  de 
Sa u mur  : 

MŒN1A  FALLUNT  HOSTEM. 
TORMENTUM   BEXTRA     DOMAT. 

Y  prennent  part  MM.  Louvet,  Lambert ,  Prévost  et  Raim- 
bault ,  qui  s'accordent  à  la  faire  remonter  au  règne  de 
Charles  VIL 

Tapisseries  de  Nantilly.  —Un  membre  émet  le  vœu,  forte- 
ment appuyé ,  que  les  tapisseries  de  Nantilly  soient  bientôt 
replacées  dans  l'église  de  cette  localité. 

M.  Joly  répond  qu'elles  sont  déposées  chez  lui  pour  être 
réparées  ;  il  veille,  du  reste,  à  leur  conservation. 

A  cette  occasion  ,  un  autre  membre  fait  remarquer  que  , 
vers  985,  les  religieux  de  l'abbaye  de  St. -Florent  de  Saumur 
fabriquaient  eux-mêmes ,  dans  leur  enclos ,  des  tapisseries  de 
diverses  sortes  d'étoffes  ;  que  Mathieu  de  Loudun ,  abbé  de 
ce  monastère,  nommé  en  1133,  y  fit  exécuter  pour  son 
église  une  tenture  complète;  que,  sur  l'une  des  deux  pièces 
qui  devaient  orner  le  chœur,  on  représenta  les  2&  vieillards 
de  l'Apocalypse  ;  sur  l'autre  pièce ,  un  sujet  tiré  du  même 
livre  ,  et  sur  celle  de  la  nef ,  des  chasses  de  bêtes  fauves 


XXIX*.    SESSION,    A    SAUMUR.  249 

(  Voir  DD.  Marlenne  et  Durand  ,  Historia  monasterii  S. 
FLorenti  Salmuriensis ,  Amp.  Col.  ,  t.  V.  Voir  aussi  notice 
de  A.-L.  Lacordaire  ,  Tapisseries  des  Gobelins,  Paris 
1855). 

Halles  de  Saumur. — La  discussion  est  portée  sur  Y  empla- 
cement des  anciennes  halles  de  Saumur.  Rien  de  précis 
n'étant  articulé,  M.  le  Président  engage  les  Saumurois  à 
faire  des  recherches  à  ce  sujet. 

On  passe  à  la  19e.  question,  ainsi  conçue  : 

Possède-i-on,  dans  la  région,  d'anciens  étalons  pour  me- 
surer les  grains?  La  mesure  ci-jointe  en  pierre,  assez  com- 
mune dans  les  collections ,  servait-elle  à  mesurer  les  grains 
ou  les  liquides? 


M.  de  La  Tourette  pense  que  certains  vases  de  pierre  à 
becs,  que  l'on  a  pris  pour  des  mesures  à  grains  et  à  liquides, 
ne  servaient  pas  à  cet  usage ,  mais  à  broyer  le  froment  à 
l'usage  des  hosties.  Ces  vases,  dansl'arrondissementde  Loudun, 
se  trouvent  assez  fréquemment  dans  les  églises  avec  des  fers 
à  hosties.  Il  y  a  constaté  ,  soit  dit  en  passant ,  54  de  ces  fers. 

Un  membre  donne  une  liste  de  boisseaux-étalons  en  bronze, 
à  la  mesure  de  Brissac,  d'Angers  et  de  Chemillé  :  le  premier 


250      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

est  au  château  de  Brissac,  et  1  s  autres  au  musée  des  anti- 
quités d'Angers.  M.  Raimbault  signale  un  étalon  en  bois ,  à 
la  mesure  de  Thouarcé. 

L'Anjou  possédait  plus  de  80  boisseaux-étalons  de  diverses 
contenances,  qui  tous  se  rapportaient  à  la  mesure  royale  des 
Ponts-de-Cé. 

M.  de  Caumont  annonce  que  dans  le  midi  de  la  France  on 
se  servait  de  grands  vases  en  pierre,  immobiles,  pour  mesurer 
les  grains  sous  les  halles  ;  on  verse  par  l'orifice  supérieur  le 
blé  qui  s'échappe  ensuite  dans  les  poches  par  un  trou  infé- 
rieur. Il  en  présente  un  spécimen  remarquable  (Voir  la  page 
suivante). 

Le  Congrès  ne  se  prononce  pas  sur  la  20e.  question  :  savoir 
si  l'édifice  de  l'ancien  cimetière  St. -Nicolas  de  Saumur  a  été 
une  lanterne  des  morts  ou  une  cuisine  ;  mais  il  déclare  que 
ce  monument  du  XIIe.  siècle  mérite  d'être  conservé  ,  et  il 
entend  avec  intérêt  le  rapport  qui  lui  est  fait  sur  ce  monument 
par  MM.  Segretain  et  F.  de  Verneilh  (Voir  la  p.  259). 

A  quelle  époque  remontent  l'industrie  et  le  commerce  des 
chapelets  à  Saumur ,  et  celle  des  objets  en  verre  et  en  émail 
dans  cette  ville  ? 

M.  Raimbault  répond  en  ces  termes  à  cette  question  : 

Cette  industrie,  dit-il ,  paraît  remonter  au  commencement 
du  XVIe.  siècle,  à  Saumur  ,  et  elle  s'y  est  établie  à  l'occa- 
sion des  visites  faites  à  Notre-Dame-des-Ardilliers ,  par  les 
nombreux  pèlerins  qui  y  venaient  de  toutes  les  provinces  voi- 
sines et  même  souvent  de  fort  loin. 

Les  documents  nous  ont  manqué  pour  donner  un  peu  de 
précision  à  cette  note  jusqu'à  la  fin  du  XVIIe.  siècle. 

Miromesnil,  intendant  de  la  généralité  de  Tours ,  dans  un 
Mémoire  statistique  écrit  en  1699 ,  signale  à  Saumur  une 
fabrique  de  chapelets. 


XXIX'.    SESSION,    A    SAUMUR. 


251 


252  CONGRÈS   ARCHÉOLOG'OUE   DE    FRANCE. 

En  1735,  les  Patenôtriers  ou  faiseurs  de  chapelets  présen- 
tèrent au  Roi  une  requête,  tendant  à  être  autorisés  et  reçus 
en  jurande  ainsi  que  bien  d'autres  corps  de  métiers  ;  mais 
cette  autorisation  fut  ajournée,  et  par  délibération  du  17  jan- 
vier 1736  ,  le  Corps  municipal,  saisi  de  cette  affaire,  ne 
voulut  pas  s'en  occuper  à  moins  que  la  communication  ne 
lui  fût  faite  de  la  part  du  Roi. 

Nous  n'avons  pas  retrouvé  de  documents  qui  puissent 
établir  si  les  Patenôtriers  ont  eu  le  privilège  d'être  érigés  en 
corporation  ou  communauté. 

Cette  industrie  est  encore  en  progrès,  et  depuis  quelques 
années  MM.  Mayaud  et  Delaunay  ont  appliqué  avec  succès  la 
vapeur  à  celte  fabrication. 

La  machine  de  MM.  Mayaud  est  établie  dans  le  quartier 
de  Fenet,  elle  est  de  la  force  de  16  chevaux. 

Celle  de  MM.  Delaunay  est  installée  à  St. -Florent,  non 
loin  de  l'ancienne  abbaye. 

On  pense  que  l'industrie  de  l'émail  s'est  établie  à  Saumur, 
vers  le  commencement  du  XVIe.  siècle  ,  à  l'occasion  de 
l'affluence  des  étrangers  qui  venaient  visiter  Notre-Dame-des- 
Ardilliers. 

Voici  les  noms  de  quelques  émailleurs  :  Jean  Damancourt, 
demeurant  en  Fenet,  1639;  Nicolas  Masurier,  en  16^0; 
Pierre  Carré  ,  marchand  émailleur  ,  demeurant  au  faubourg 
de  Fenet,  1779. 

La  célébrité  de  Saumur  pour  les  ouvrages  en  émail  est 
ancienne  et  méritée.  Il  y  a  quelques  années ,  le  musée  Dam- 
bourg  a  beaucoup  intéressé  Paris.  Mais  cet  art  paraît  destiné 
à  s'éteindre  chez  nous  ;  car  le  plus  fort  émailleur  n'a  pas 
d'élèves,  et  la  vogue  de  ces  sortes  d'ouvrages  semble  tout-à- 
fait  passée. 


XXIX*.    SLSSlO.N,    A   SAUMUR.  253 

Possède-t-on  encore  ,  à  Saumur  ,  la  charte  de  fondation 
de  la  Mairie. 

M.  Rairabault  répond  en  ces  termes  à  cette  question. 

Les  Archives  communales  de  Saumur  ne  possèdent  plus 
depuis  long-temps  la  charte  de  fondation  de  la  Mairie  ,  mais 
plusieurs  pièces  en  font  mention  et  nous  apprennent  que , 
par  lettres-patentes  du  mois  de  février  1437  ,  le  roi 
Charles  VII,  étant  à  Montreuil-Bellay ,  accorda  aux  habitants 
de  Saumur,  la  permission  de  s'assembler  périodiquement,  et 
de  nommer  deux  échevins  et  un  procureur  et  receveur  pour 
s'occuper  des  affaires  de  la  ville.  Louis  XIII  confirma,  en 
1616,  les  privilèges  accordés  aux  habitants  de  Saumur  par 
les  rois  Charles  VII  et  Henri  IV. 

M.  Louvet  ,  parle  d'une  belle  collection  de  livres  rares , 
recueillis  par  M.  Chedeau  ;  le  mérite  de  cette  collection  est 
tel ,  que  M.  Taschereau  ,  de  la  Bibliothèque  impériale,  vive- 
ment intéressé,  passa  trois  jours  à  les  examiner. 

Dans  cette  séance,  beaucoup  de  livres,  de  photographies, 
de  dessins  et  de  moulages ,  ont  été  présentés  au  Congrès 
qui,  de  son  côté,  les  a  offerts  à  la  ville  de  Saumur ,  notam- 
ment :  le  Bulletin  historique  et  monumental  de  l'Anjou  ,  par 
MM.  de  Soland  et  Barrasse ,  et  le  Répertoire  archéolo- 
gique de  Maine-et-Loire,  [m  h  Commission  archéologique 
d'Angers. 

Le  Secrétaire , 
Lancia  di  Brolo  ,  de  Païenne. 


254  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

VISITE  AU   MONUMENT  CELTIQUE  DE  BAGNEUX  ET  A   LA 
VILLA*  DESMARAIS. 

Présidence  de  M.  de  Cacmont. 

Le  Congrès  n'avait  garde  d'oublier  de  visiter  la  magnifique 
allée  couverte  de  Bagneux ,  près  de  Saumur.  Ce  monument 
celtique  colossal,  le  plus  beau  peut-être  qui  existe  en  France, 
avait  déjà  été  vu  de  beaucoup  de  membres  ;  mais  tous  vou- 
laient le  revoir  et  l'examiner  encore.  Le  Congrès  s'y  est 
donc  transporté  entre  deux  de  ses  réunions ,  et  il  a  pu  ad- 
mirer cette  galerie  formée  de  dalles  immenses ,  d'un  grès 
analogue  à  celui  de  Fontainebleau  :  les  unes  posées  de  champ 
pour  faire  les  murs ,  les  autres  posées  horizontalement  pour 
former  le  toit  et  portant  par  les  extrémités  sur  les  premières. 

Ce  monument  a  été  souvent  dessiné ,  et  pourtant  aucun 
dessin  ne  rend  complètement  son  effet  grandiose.  Les  meil- 
leurs dessins  sont  ceux  qui  ont  été  donnés  par  M.  Gailhabault. 

Ce  monument  devait  être ,  dans  l'origine ,  au  milieu  d'un 
tumulus  dont  les  matériaux  ont  été  enlevés. 

Après  avoir  long-temps  examiné  tous  les  blocs,  dont  la 
plupart  ont  été  mesurés  par  M.  Segretain  ,  de  Niort  (1),  le 
Congrès  a  été  reçu  avec  la  plus  grande  amabilité  par  M.  Des- 
marais, dont  la  charmante  villa  est  située  dans  la  com- 
mune de  Bagneux.  Le  Congrès  n'avait  pas  seulement  à 
admirer  l'élégance  de  cette  habitation  et  les  points  de  vue 
ménagés  avec  art  dans  le  parc ,  il  avait  encore  à  voir  chez 
M.  Desmarais  une  collection  considérable  d'objets  curieux  , 
tableaux  anciens ,  poteries ,  émaux ,  tapisseries  ouvrées,  vieux 

(1)  Les  pierres  qui  servent  de  supports  ont  environ  2  mètres  20  de 
hauteur;  leur  épaisseur  est  de  0m.  20  à  O".  60.  La  pierre  la  plus  con- 
sidérable du  toit  a  7m.  sur  6B.  50. 


XX1XV    SESSION,    A   SAUMUR.  255 

meubles  ,  armes ,  médailles ,  etc.  La  collection  de  M.  Des- 
marais est  un  riche  musée,  qui  occupe  plusieurs  salons  et 
qui  méritait  à  coup  sûr  la  visite  du  Congrès.  L'Assemblée  a 
regretté  de  ne  pouvoir  ,  vu  l'heure  avancée  ,  passer  que  peu 
de  temps  au  milieu  de  ces  richesses  variées  ;  elle  a  pris 
congé  de  son  hôte  aimable  après  l'avoir  remercié  et  félicité 
par  l'organe  du  directeur  de  la  Société  française  d'archéo- 
logie, M.  de  Caumont. 

Le  Secrétaire-général  de  la  Société  française, 
L'abbé  Lu:  Petit. 


VISITE  DES  ANCIENNES  MAISONS  DE  LA  VILLE  DE 
SAUMUR. 

Présidence  de  M.  Joly. 

Plusieurs  promenades  ont  été  faites  dans  la  ville  de  Saumur 
par  le  Congrès  archéologique ,  sous  la  conduite  de  M.  Joly  , 
architecte,  membre  du  Conseil  général  administratif  de  la 
Société  française  d'archéologie.  M.  Bouet ,  inspecteur  du 
Calvados ,  s'était  chargé  de  prendre  des  croquis  de  quelques- 
unes  de  ces  maisons;  mais  la  rapidité  des  visites,  le  peu  de 
temps  qu'a  duré  la  session  ne  lui  ont  permis  d'en  dessiner  que 
deux  ou  trois  que  nous  allons  reproduire. 

La  première  ,  à  l'angle  formé  par  la  jonction  des  deux 
rues ,  est  flanquée  de  tourelles  en  saillie  en  forme  de  poi- 
vrière ,  avec  une  belle  lucarne  dont  le  fronton  est  garni  de 
feuilles  frisées  au  centre  du  toit  ,  et  une  fenêtre  à  meneau 
de  pierre  correspondant  au  premier  étage  (Voir  la  p.  256). 

Aucune  ouverture  ne  correspond  au  rez-de-chaussée  pour 
plus  de  sûreté.   Ce  type  se  trouve  assez  souvent  à  la  fin  du 


256  C01VGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 


'<P<^i 


AN'CIENNSS    MAISONS  ,    .(     SAUMUR, 


XVe.  siècle  ou  au  commencement  du  XVIe.  Mais,  ici,  la  maison 
est  intacte  et  méritait  un  dessin. 

Une  autre  maison ,  avec  pignon  et  deux  fenêtres  corres- 
pondant au  premier  étage  ,  fait  suite  à  la  première  (Voir 
la  figure,  p.  256);  elle  paraît  un  peu  moins  ancienne  qu'elle. 

Le  Congrès  s'est  arrêté  devant  un  grand  hôtel  du  XVI*. 
siècle  et  de  la  fin  du  XVe.  ,  dont  M.  Joly  a  expliqué  toutes 
les  parties,  et  a  successivement  visité  une  douzaine  de 
maisons  plus  ou  moins  intéressantes. 

Celle  dont  nous  donnons  l'esquisse  (p.  258)  ,  et  qui  se 
liait  aux  remparts ,  montre  comment  les  murs  d'enceinte 
qui  existaient  autour  de  la  ville  étaient  garnis  de  mâchi- 
coulis. M.  Joly  a  expliqué  comment  ces  murs  venaient,  après 
avoir  entouré  la  ville,  se  soudera  l'Hôtel -de- Ville  dont  la 
façade ,  vers  la  Loire ,  était  défendue  de  mâchicoulis  abso- 
lument semblables  à  ceux  que  nous  figurons  et  date  du 
même  temps. 

C'est  ainsi  que,  par  des  promenades  faites  en  commun,  les 
membres  du  Congrès  étudient ,  dans  tous  leurs  détails ,  les 
monuments  publics  et  privés  des  contrées  où  ils  tiennent 
leurs  sessions.  Jamais  on  ne  revient  du  Congrès  sans  avoir 
vu  beaucoup.  L'instruction  archéologique  y  gagne  ,  car  c'est 
surtout  en  voyant  que  l'on  s'instruit  et  que  l'on  apprend 
à  bien  juger. 

Le  Secrétaire , 
G.  BOUET, 

Inspecteur  des  monuments  du  Calvados. 


17 


258  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 


Eouet  ilel. 


ANCIENNE    MAISON,    A    SAUMl  R, 


XXIX'.    SF.SSTON,    A   SAUMUR. 


259 


VISITE   DE  LA  PYRAMIDE  DU  CIMETIÈRE  DE  SAINT- 
NICOLAS. 


Plusieurs  membres  du  Congrès  ont  visité  avec  intérêt , 
dans  l'enceinte  même  de  Saumur ,  un  petit  monument  in- 
connu à  la  plupart  des  habitants  de  la  ville.  M.  Segretain  en 
a  relevé  le  plan  et  M.  Bouet  en  a  pris  le  croquis.  C'est  la  cha- 


PLAN    DE  LA   PYRAMIDE     DE     SAINT-NICOLAS. 

pelle  sépulcrale  qui  s'élevait  autrefois  dans  le  cimetière  de 
St. -Nicolas,  et  qui  se  trouve  maintenant  enveloppée  de  toutes 
parts  par  des  maisons.  Plus  récente  et  d'un  style  moins  orné 
que  celle  du  cimetière  de  Fontevrault ,  elle  en  a  la  forme  gé- 
nérale et  presque  les  dimensions.  Sur  une  salle  carrée  ,  dont 
chaque  face  intérieure  n'a  pour  toute  décoration  qu'une  ar- 
cade feinte  ,  s'élève  une  haute  pyramide  d'abord  à  quatre , 


!60  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE    nf    FRANCE. 


M 


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.Sepretain  dc-1.  Le  Blanc  sculp. 

COUPE    DE    LA    PYRAlilDE    DE    SAINT  NICOLAS. 


XXIX'.    SESSION,    A    BÀUMUR.  261 

puis  à  huit  pans.  De  petits  pinacles  servent  à  marquer  ce 
changement  de  plan  et  à  charger  les  angles  de  la  voûte.  La 
pointe  de  l'octogone  est  émoussée.  Il  y  avait  là ,  comme  à 
Fontevrault,  un  lanternon  et  un  fanal. 

La  destination  singulière  et  la  forme  originale  de  cet  édi- 
cule  devraient  porter  les  administrateurs  de  la  ville  de  Sau- 
mur ,  non  à  le  dégager ,  ce  qui  est  impossible ,  mais  à  le 
déblayer  intérieurement  et  à  en  faciliter  l'accès  aux  curieux. 
Il  y  a  des  monuments  de  tout  ordre ,  et  une  vieille  ville  n'en 
a  jamais  trop  ,  même  des  plus  humbles. 

F.   de  Verneilii,  rapporteur. 


Séauce  publique  de  clôture. 

Présidence  de  M.  Louvet,  maire  de  Saumur. 

La  séance  publique  de  clôture  s'est  ouverte  à  8  heures 
du  soir,  sous  la  présidence  de  M.  Louvet.  MM.  de  Caumont, 
directeur;  l'abbé  Le  Petit,  secrétaire-général;  de  Verneilh, 
inspecteur  divisionnaire;  Godard -Faultrier ,  inspecteur  de 
Maine-et-Loire  ,  et   Gaugain  ,  trésorier,  siègent  au  bureau. 

M.  le  comte  Lancia  di  Brolo  ,  de  Païenne  ,  communique 
le  procès-verbal  de  la  séance  tenue  à  2  heures. 

M.  de  Verneilh  rend  compte  de  l'étude ,  faite  par  lui  et 
par  une  Commission,  de  l'église  St. -Jean  située  près  de 
l'Hôtel-de-Ville.  Cette  église  appartient  au  style  ogival  Plan- 
tagenet,  dont  il  a  été  souvent  fait  mention  ;  elle  est  très-inté- 
rcssante  ,  et  les  compartiments  de  ses  voûtes  montrent  des 
combinaisons  usitées  dans  la  région  où  ce  style  était  en  usage 
(  Voir  la  figure ,  p.  262  ).  La  ville  de  Saumur  a  eu  grande- 


262      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE  FRANCE. 


VOUTES    DE    l'É0.L1>B  SAlNI-.it..\.\    DE    SACMOR. 


XXIX*.    SESSION,    A   SAUMUR.  263 

ment  raison  de  conserver  ce  type  élégant  d'une  architecture 
qui  a  été  pratiquée  avec  tant  de  goût  sur  les  bords  de  la 
Loire. 

MÉDAILLES. 

M.  l'abbé  Le  Petit ,  secrétaire-général  de  la  Société  fran- 
çaise d'archéologie  ,  prend  ensuite  la  parole  pour  lire  un 
rapport  sur  les  récompenses  honorifiques  accordées  par  la 
Société  aux  auteurs  des  meilleures  recherches  archéologiques, 
et  aux  hommes  qui  ont  concouru  avec  dévouement  à  la 
conservation  des  monuments  pendant  le  cours  des  années 
1861  et  1862. 

M.  Victor  Petit  a  obtenu  une  médaille  de  vermeil ,  pour 
son  travail  sur  les  châteaux  de  la  vallée  de  la  Loire. 

Une  médaille  de  vermeil  a  été  décernée  à  M.  R.  Bordeaux, 
d'Évreux,  pour  la  nouvelle  édition  de  son  ouvrage  sur  l'ameu- 
blement des  églises  ; 

Une  médaille  d'argent  à  M.  J.-B.  Douillet,  de  Clermont , 
pour  avoir  créé  et  classé  le  musée  d'antiquités  de  cette 
ville; 

Une  médaille  d'argent  à  M.  Auberlin  ,  conservateur  du 
musée  et  de  la  bibliothèque  de  Beaune  ; 

Une  médaille  d'argent  à  M.  l'abbé  Prud'homme  ,  pour  son 
Histoire  de  Craon  ; 

Une  médaille  d'argent  à  M.  l'abbé  Briffaut,  de  Saumur, 
pour  ses  longues  recherches  sur  l'histoire  du  Saumurais ,  et 
pour  les  extraits  considérables  de  titres  et  de  documents  qu'il 
a  présentés  au  Congrès  ; 

Une  médaille  de  bronze  à  M.  G.  de  Cougny  ,  pour  sa 
Notice  archéologique  et  historique  sur  le  château  de  Chinon  ; 

Une  médaille  de  bronze  à  M.  Antoine  Tribert ,  entrepre- 
neur à  Molle  ,  pour  la  restauration  de  plusieurs  monuments. 


264  COKGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FKAÎÎCE. 

ALLOCATIONS. 

M.  le  Secrétaire  a  fait  connaître  ensuite  les  sommes  al- 
louées par  la  Société  archéologique  de  France  : 

Une  somme  de  200  fr.  est  votée  pour  des  fouilles  à  Gennes; 

Une  somme  de  300  fr.  pour  la  restauration  du  prieuré 
de  St.-Maur; 

Une  somme  de  400  fr.  pour  le  moulage  des  statues  de 
Fontevrault  ; 

Une  somme  de  100  fr.  pour  le  moulage  des  piliers  de 
Cravan  ; 

Et  une  pareille  somme  de  100  fr.  pour  l'église  de  St.- 
Martin  de  Sanzay. 

Ces  travaux  seront  exécutés  sous  la  surveillance  d'une  com- 
mission composée  de  MM.  Godard-Faultrier  ,  Joly  et  Louvet. 

D'autres  sommes  ont  été  allouées,  savoir: 

Une  somme  de  500  fr.  pour  la  gravure  des  noms  des 
compagnons  de  Guillaume-le-Conquérant  dans  l'église  de 
Dives  (Calvados); 

100  fr.  pour  la  continuation  des  fouilles  des  tumulus  du 
Finistère,  sous  la  direction  de  MM.  de  Blois  et  Du  Chatellier; 

50  fr.  pour  l'église  de  Cottun  (  Calvados  )  ; 

100  fr.  pour  des  fouilles  à  exécuter  aux  environs  de  Beaune, 
sous  la  direction  de,  M.  Aubertin  ,  conservateur  du  musée  ; 

100  fr.  pour  réparations  à  l'église  de  Rucqueville  ; 

100  fr.  pour  réparations  à  l'église  d'Audrieu  ; 

100  fr.  pour  réparations  à  la  chapelle  de  Geoirs  ; 

100  fr.  pour  assurer  la  conservation  d'une  mosaïque  à 
Poligny  ; 

Après  ces  communications,  et  avant  la  clôture  de  la  ses- 
sion ,  M.  Louvet  maire  de  Saumur,  a  adressé  les  paroles 
suivantes  à  M.  de  Caumont  et  aux  illustres  hôtes  que  pos- 
sédait depuis  huit  jours  la  ville  de  Saumur  : 


XXIXe.   SESSION  ,  A    SAl'MUR.  265 

«  Messieurs, 

«  La  première  partie  de  votre  session  de  1862  ,  qui  va  se 
clore  d'ici  à  quelques  minutes ,  doit  finir  comme  elle  a  com- 
mencé, par  un  juste  hommage  de  gratitude  rendu  au  Di- 
recteur et  aux  membres  de  la  Société  d'archéologie  qui  ont 
honoré  notre  ville  de  leur  présence.  Cette  session  a  été  re- 
marquable sous  tous  les  rapports  et  laissera  de  grands  souve- 
nirs parmi  nous.  Vous  aurez  passé  en  notre  contrée ,  Mes- 
sieurs ,  comme  un  rayon  de  lumière  qui  réchauffe ,  éclaire  et 
vivifie.  Le  goût  de  la  science  aura  été  ranimé  et  accru  chez 
ceux  qui  l'avaient  déjà  ;  vous  l'aurez  fait  naître  chez  ceux  qui 
ne  l'avaient  pas  encore.  Nos  vieux  monuments ,  remis  en 
honneur  et  présentés  sous  leur  vrai  jour,  grâce  à  vos  savantes 
dissertations  ;  notre  musée  et  notre  bibliothèque  enrichis  par 
vos  dons  généreux  ;  le  culte  de  l'art  récompensé  par  de  bien- 
veillants encouragements  adressés  à  ceux  qui  portent  en  eux 
quelque  étincelle  du  feu  sacré  ;  des  allocations  accordées 
pour  la  conservation  de  nos  antiquités  les  plus  précieuses  et 
pour  leur  reproduction  par  le  dessin  ou  le  moulage  :  voilà  , 
Messieurs ,  quelles  seront  les  traces  ineffaçables  de  votre 
heureuse  apparition  au  milieu  de  nous.  Soyez  donc  remerciés, 
au  nom  de  notre  pays  ému  et  reconnaissant. 

«  Un  adieu,  Messieurs,  a  toujours  quelque  chose  de  grave 
et  de  triste.  Avant  de  prononcer  entre  nous  ce  mot  suprême, 
laissez-moi  vous  dire  combien  nous  avons  apprécié  les  hommes 
éminents  qui  composent  votre  Société ,  et  dont  le  mérite  a 
brillé  chaque  jour  en  cette  enceinte.  Durant  la  semaine  que 
nous  venons  de  passer  tous  ensemble ,  l'esprit  n'a  pas  été 
seul  à  être  satisfait  :  le  cœur  aussi  s'est  mis  de  la  partie  ;  et 
il  s'est  formé  ici  de  douces  et  aimables  relations  qui  survi- 
vront ,  je  l'espère,  à  notre  séparation.  Au  revoir  donc,  Mes- 
sieurs ,  et  si  notre  pays  de  Saumur  avait  eu  la  bonne  chance 


266  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

de  conquérir  une  petite  place  en  vos  souvenirs,  puissiez-vous 
un  jour ,  en  vous  rappelant  nos  excursions  de  Gennes  ,  Cu- 
nault,  Fontevrault ,  Candes  et  Chinon,  concevoir  le  désir  de 
venir  de  nouveau  tenir  en  nos  murs  ces  assises  de  l'archéo- 
logie où  l'amitié  s'ébauche  à  côté  de  la  science  qui  progresse 
et  fleurit.  » 

Après  ce  discours  ,  M.  de  Caumont ,  plein  d'émotion  ,  a 
pris  la  parole  pour  remercier  l'Administration  et  les  habi- 
tants de  Saumur,  M.  Louvet  surtout,  de  l'accueil  si  sympa- 
thique que  les  membres  de  la  Société  archéologique  de 
France  ont  reçu  dans  cette  ville.  Il  a  émis  le  désir  de  voir 
ces  bonnes  relations  se  continuer  par  des  communications 
que  les  archéologues  du  pays  pourront  adresser  à  la  Société 
française  d'archéologie.  La  Société,  h  son  tour,  saisira  toutes 
les  occasions  de  se  rappeler  au  souvenir  de  la  bonne  ville  de 
Saumur. 

M.  de  Caumont  annonce,  en  terminant,  que  plusieurs  mem- 
bres du  Congrès  visiteront  demain  Montreuil-Bellay  et  Puy- 
Nolre-Dame,  et  que  le  dépari  aura  lieu  à  5  heures  du  matin. 

Le  Secrétaire-général , 

L'abbé  Le  Petit. 


EXCURSION  A  MONTREUIL-BELLAY  ET    A    PUY-NOTRE- 
DAME. 

Présidence  de  M.  Louvet,  maire  de  Saumur,  membre  du  Corps  législatif. 

M.   Félix  de  Verneilh,  rapporteur. 
*  Ainsi  que  M.  de  Caumont  l'avait  annoncé  la  veille,  les  mem- 
bres du  Congrès  partirent  à  5  heures  du  matin  de  Saumur  , 
par  un  temps  magnifique.  M.  Louvet,  député,  qui  représente 


XXIX*.    SESSION  ,   A    SAUMUR.  2G7 

au  Conseil  général  le  canton  de  Montreuil-Bellay,  avait  accepté 
la  présidence  de  la  Compagnie  et  lui  avait,  avec  une  amabi- 
lité dont  il  n'avait  cessé  de  donner  des  preuves  au  Congrès , 
ménagé  la  surprise  d'un  banquet  préparé  dans  le  principal 
hôtel  de  la  ville  et  dont  il  voulut  faire  les  honneurs. 

La  première  station  a  été  faite  a  Distré ,  tout  près  de  la 
route  impériale.  C'était  une  des  églises  signalées  au  Congrès 
comme  pouvant  être  antérieure  à  l'an  1000,  pour  La  nef 
seulement. 

Cette  nef  présente ,  en  effet ,  dans  ses  deux  murs  laté- 
raux un  petit  appareil  régulier  offrant  des  caractères  incon- 
testables d'ancienneté  et  des  fenêtres  cintrées  sans  colonnes  , 
dont  les  claveaux  réguliers  et  les  montants  sont  composés  de 
pierres  de  taille  et  disposés  symétriquement ,  rappelant  en 
cela  ce  que  déjà  d'autres  églises  anciennes  avaient  offert  ail- 
leurs. MM.  de  Verneilh  et  de  Caumont  ont  pris  une  esquisse 
de  ces  fenêtres  pendant  que  M.  Bouet  dessinait  l'archivolte 
de  la  porte,  qui  se  trouve,  comme  celle  de  l'église  deCravan, 
dans  le  mur  latéral  du  sud.  Cette  archivolte  est  composée  de 
claveaux  symétriques  fH  de  pierres  géométriques  séparées  les 
unes  des  autres  par  un  ciment  épais.  Celte  coupe  des  pierres 
a  été  signalée  par  M.  de  Caumont  comme  ancienne  dans 
son  Abécédaire  d'archéologie ,  et  il  a  figuré  des  claveaux 
disposés  de  même  et  provenant  de  l'ancienne  église  d'Évrecy 
(Calvados),  qui  sont  antérieurs  à  l'an  1000.  L'esquisse 
suivante  (p.  268)  fait  comprendre  cette  disposition  et  le  dessin 
mosaïque  qui  en  résultait  ;  la  figure  que  nous  donnons 
(p.  269),  en  montrant  séparément  quelques  claveaux,  in- 
dique quelle  était  l'épaisseur  du  ciment  qui  les  séparait. 

La  porte  n'a  d'autre  ornementation  que  l'appareil  com- 
pliqué de  ses  claveaux;  il  y  en  a  trois  rangs  :  les  premiers, 
très-minces  et  très-allongés ,  se  terminent  en  pointe ,  de 
manière  à  encadrer  de  petits  blocs  en   losange.  Les  autres 


2G8 


COKGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


PS  Ql 


XXIXe.    SESSION  ,    A    SACM'CR.  ^69 

claveaux  sont  subdivisés  en  trois  ou  quatre  pièces  par  des 
traits  creusés  profondément  dans  la  pierre  et  que  remplissait 
un  ciment  coloré. 


DÉTAILS    DR    L'ARCHIVOLTE   DU    PORTAIL    DE    DISTRÉ. 

A  ces  caractères,  on  croirait  reconnaître  une  église  an- 
térieure à  l'an  1000;  toutefois  ,  les  monuments  de  ce  genre 
seraient  bien  nombreux  dans  les  environs  de  Saumur,  et  il 
est  peut-être  préférable  d'admettre  que ,  pour  celte  région , 
le  style  roman  secondaire  n'a  succédé  au  style  roman  pri- 
mordial, ou   style  latin,  que  dans  le  courant  du  XI*.  siècle. 

Après  avoir  examiné  attentivement  ces  particularités,  le 
Congrès  s'est  dirigé  sur  Montreuil  sans  s'arrêter,  regrettant 
de  ne  pouvoir  explorer  deux  autres  églises  qui  se  trouvent  à 
quelque  distance  de  la  route ,  et  qui  lui  étaient  signalées 
comme  offrant  des  appareils  analogues  à  celui  de  la  nef  de 
Distré. 

Bientôt  le  Congrès  arriva  au  pont  de  Montreuil,  et  put  jouir 
de  l'aspect  imposant  du  château  qui  domine  l'autre  rive. 


270       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Montreuil-Bellay  est  un  lieu  justement  célèbre  :  les  œuvres 
d'art  s'y  mêlent  harmonieusement  aux  beautés  naturelles. 
Avant  de  soupçonner  l'existence  de  la  ville  ,  on  voit  s'élever 
sur  uu  coteau,  en  arrière  d'une  petite  rivière,  dans  le  paysage 
le  plus  riant  et  le  plus  ombragé ,  un  magnifique  château  du 
XVe.  siècle  et  une  grande  église  de  la  même  époque  ,  qu'en- 
veloppe la  même  enceinte  murale  ,  fortifiée  par  un  grand 
nombre  de  petites  tours  rondes. 

Il  faut ,  en  effet ,  que  les  habitants  de  la  ville  passent 
par  la  première  porte  du  château  et  traversent  ses  cours 
pour  arriver  à  l'église  paroissiale,  chose  gênante  pour  tout 
le  monde ,  mais  surtout  pour  les  châtelains ,  quand  il  y  en  a. 
Aussi  proposent-ils  de  jeter  un  autre  pont  sur  les  fossés  et 
d'ouvrir  aux  fidèles  une  voie  plus  directe ,  qui  rendrait 
l'église  à  la  ville.  Mais  il  n'est  pas  sûr ,  dit-on  ,  que  ces 
offres  soient  acceptées. 

Jadis,  la  ville  de  Montreuil-Bellay  avait  d'autres  monu- 
ments consacrés  au  culte  :  l'un ,  qui  portait  le  titre  de 
prieuré,  a  laissé  au  pied  de  l'enceinte  extérieure  du  château 
d'assez  nobles  ruines ,  de  style  roman  ;  l'autre  sert  encore 
de  chapelle  à  un  couvent.  Mais,  entre  ces  églises,  on  a  gardé 
la  plus  belle ,  qui  était  incontestablement  celie  du  château  ; 
elle  a  la  forme  des  saintes  chapelles.  La  nef  est  donc  unique 
et  terminée  par  une  seule  abside ,  bien  qu'elle  appartienne 
à  la  seconde  moitié ,  peut-être  à  la  fin  du  XVe.  siècle.  Ses 
voûtes  sont  encore  très-surhaussées ,  à  la  mode  angevine. 
L'ensemble  a  de  vastes  proportions.  On  remarque,  entre  deux 
contreforts,  le  réduit  où  le  seigneur  assistait  à  la  messe,  sans 
être  gêné  et  sans  être  vu  par  la  foule.  Les  litres  des  illustres 
familles  de  Bellay  et  de  La  Trémouilie ,  qui  ont  successive- 
ment possédé  le  château ,  présentent  aussi  une  décoration 
peinte,  bien  conservée  et  d'un  certain  effet. 

Entre  les  bâtiments  de  dépendance ,   la   cuisine  mérite 


XXIX'.    SliSSION,   A   SAUMUR.  271 

d'être  signalée  :  c'est  un  petit  édifice  isolé ,  très-largement  et 
très-heureusement  disposé  pour  sa  destination  spéciale  ;  il 
communiquait  avec  le  château  par  une  galerie  aujourd'hui 
démolie ,  et  qui  ne  paraît  pas  avoir  fait  corps  avec  les  con- 
structions primitives. 

M.  Viollet-Leduc  a  donné,  dans  son  Dictionnaire  d'archi- 
tecture ,  le  plan  et  la  coupe  de  cette  cuisine  de  Montreuil- 
Bellay  ,  qui  offre,  en  effet  beaucoup  d'intérêt.  M.  Bouet  en  a 
fait  un  croquis  pendant  notre  visite. 

Le  château  lui-môme  est  flanqué  de  quatre  tours  très- 
élevées ,  d'un  arrangement  insolite  :  elles  n'ont  point  de  cré- 
neaux ni  de  mâchicoulis.  Au-dessus  de  la  corniche,  formée 
d'un  simple  cordon  en  encorbellement ,  se  trouve  un  para- 
pet énorme  qui  cache  presque  entièrement  le  toit.  C'est  assez 
disgracieux ,  il  faut  en  convenir  ;  mais  c'était  utile  en  cas  de 
siège  ,  car  les  parties  de  la  toiture,  qui  sont  ordinairement 
les  plus  exposées',  n'avaient  rien  à  craindre  des  piojectiles 
ennemis. 

A  l'intérieur ,  il  n'y  aurait  à  noter  que  le  nombre  et  la 
grandeur  des  appartements  ,  qui ,  presque  tous ,  conservent 
leurs  poutres  sculptées  ;  mais  l'oratoire  du  seigneur  efface 
tout  par  ses  magnifiques  peintures.  Les  soubassements  ont 
seuls  été  endommagés.  Le  reste  est  en  si  bon  état  que  toute 
restauration  serait  nuisible. 

L'École  de  Tours,  dont  Fouquet  est  le  chef,  n'a  rien  laissé 
de  plus  suave  et  de  plus  beau. 

Toutes  ces  murailles  ont  été  vendues  par  un  La  Trémouille 
au  prix  de  dix  mille  francs ,  dit-on  :  quand  on  ne  veut  pas 
les  habiter  ou  qu'on  ne  le  peut  pas ,  de  pareils  châteaux 
sont  une  lourde  charge.  Heureusement ,  le  château  de  Mon- 
treuil-Bellay  est  encore  en  bonnes  mains.  Mme.  de  Grand- 
inaison ,  fille  de  l'antiquaire  Millin ,  se  propose  d'en  faire  sa 
résidence ,  et  déjà  une  somptueuse  restauration  a  été  com- 
mencée sous  la  direction  de  M.  Jolv-Leterme. 


272  COAGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Puy-Notre-Darae  est  à  2  lieues  de  Montreuil-Bellay. 
L'église  du  Puy-Notre-Dame ,  fondée ,  au  XIe.  siècle  ,  par 
les  comtes  de  Poitiers ,  a  été  entièrement  rebâtie  sous  le 
règne  de  saint  Louis ,  sans  que  l'histoire  ait  conservé  aucune 
trace  de  cette  reconstruction.  Elle  se  trouvait  dans  l'ancien 
diocèse  de  Poitiers;  aussi  n'est-ce  point  le  style  ogival  de 
l'Anjou  qu'elle  a  adopté.  Par  ses  trois  nefs  de  même  hauteur 
et  par  son  chevet  carré ,  elle  dérive  nettement  de  la  cathé- 
drale de  Poitiers;  toutes  ses  proportions  sont  excellentes  et 
ses  détails  parfaitement  soignés,  surtout  à  l'intérieur;  mais 
le  clocher  ajouté  au  XIV1'.  siècle  et  qui  produit  de  loin  un  bon 
effet  est  d'un  goût  détestable  :  si  le  style  ogival  ne  comptait 
que  de  telles  œuvres ,  il  faudrait  renoncer  à  le  réhabiliter.  — 
Comme  dans  le  Poitou  et  dans  l'Anjou,  chaque  comparti- 
ment de  voûte  a  huit  nervures ,  les  unes  aux  arêtes ,  les 
autres  au  sommet  des  berceaux.  Elles  se  multiplient  encore 
davantage  dans  le  chœur,  qui  offre  quelque  chose  de  l'aspect 
d'une  abside ,  bien  qu'il  soit  carré. 

Le  Puy-Notre-Dame  devait  une  partie  de  sa  célébrité  à 
uue  relique ,  connue  sous  le  nom  de  ceinture  de  la  Sainte- 
Vierge  ,  que  plusieurs  reines  de  France  se  sont  fait  envoyer 
pendant  leurs  couches.  On  la  garde  encore  dans  la  sacristie  ; 
le  fourreau  qui  l'enveloppe  a  des  fermoirs  en  vermeil  avec 
figures  d'anges  et  écussons  aux  trois  fleurs  de  lis. 

Les  soins  ne  manquent  pas  à  cette  charmante  église.  Plu- 
sieurs de  ses  piliers ,  si  minces  et  si  hauts ,  offraient  à  leurs 
bases  des  pierres  complètement  délitées.  M.  Joly-Leterme , 
dont  on  a  plaisir  à  retrouver  les  travaux  dans  les  principaux 
monuments  de  l'Anjou  ,  les  a  repris  en  sous-œuvre ,  sans 
ébranler  les  voûtes.  Les  embellissements  ont  eu  aussi  leur 
part,  et  d'excellents  vitraux ,  en  style  du  XIIe.  siècle,  qui 
sont  dus  en  grande  partie  au  zèle  pieux  de  M.  Louvet ,  ont 
pris  place  dans  les  fenêtres  du  chœur. 

F.  DE  VERNE1LH,  rapporteur, 


CONFÉRENCES 
ARCHÉOLOGIQUES, 

A  SAUMUR, 

PENDANT  LA  SESSION  DU  CONGRES. 


Si  les  connaissances  archéologiques  sont  devenues  popu- 
laires en  France,  on  le  doit  d'abord  au  cours  d'antiquités 
professé  en  1830  par  M.  de  Caumont  et  publié  peu  de  temps 
après;  on  le  doit  à  son  Abécédaire  d'archéologie,  à  ses 
autres  publications  et  à  celles  qui ,  plus  tard ,  ont  surgi  de 
divers  côtés  ;  on  le  doit  encore  à  la  Société  française  d'ar- 
chéologie, dont  les  congrès  ont  formé  depuis  trente  ans  un 
véritable  enseignement.  Les  enquêtes  archéologiques  ou- 
vertes chaque  année  pendant  plusieurs  jours  ,  sur  différents 
points  de  la  France ,  sont  en  effet  des  cours  d'archéologie 
appliqués  aux  différentes  contrées  où  elles  sont  faites,  et  les 
résultats  qu'elles  ont  produits  sont  immenses  au  double  point 
de  vue  de  l'instruction  archéologique  et  de  la  conservation 
des  édifices,  mieux  respectés  depuis  qu'ils  sont  mieux  ap- 
préciés et  mieux  compris. 

Aujourd'hui  que,  grâce  à  ces  réunions  et  aux  publications 
dont  nous  venons  de  parler ,  les  connaissances  archéologiques 
sont  générales,  M.  le  Directeur  de  la  Société  française  a  pensé 
qu'indépendamment  des  enquêtes  faites  dans  le  sein  du 
Congrès,  il  serait  bon  de  traiter  à  fond  certaines  questions' 
d'archéologie  appliquées,  autant  que  possible,  à  la  région. 

18 


Tlk  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Ainsi,  pendant  le  Congrès  de  Saumur ,  trois  sujets  ont  été 
choisis  pour  être  traités  dans  des  séances  publiques. 

1°.  Histoire  du  l'architecture  militaire,  au  raoyen-âge,  sur 
les  bords  de  la  Loire,  du  Ve.  siècle  au  XVe.  —  M.  de  Caumont. 

2°.  Les  grands  châteaux  des  rives  de  la  Loire  aux  XVe. 
et  XVIe.  siècles.  —  M.   V.  Petit. 

3°.  Les  voûtes  en  coupole  ,  leur  filiation  et  les  voûtes  du 
style  Plantagenet.  —  M.  F.  de  Verne ilh. 

Ces  trois  beaux  sujets  ont  été  traités,  dans  trois  confé- 
rences, par  les  trois  archéologues  que  nous  venons  de  citer. 
C'était  le  soir,  dans  la  grande  salle  de  l'Hôtel-de-Viile,  qu'un 
public  nombreux,  dont  quelques  dames  faisaient  partie,  se 
pressait  pour  entendre  les  orateurs.  Nous  regrettons  de 
n'avoir  que  des  notes  bien  incomplètes  à  présenter,  en  sou- 
venir de  ces  instructions.  Ce  procès-verbal,  trop  restreint, 
indiquera  au  moins  quelques-uns  des  principes  émis  dans 
les  conférences. 

lre.   CONFÉRENCE. 

L'ARCHITECTURE  MILITAIRE  DE  LA  LOIRE, 

PA«   M.   DR  CAUMONT. 

M.  de  Caumont  prend  la  parole  devant  un  auditoire  nom- 
breux et  choisi  ,  dans  la  belle  salle  de  l'Hôtel-de- Ville  , 
éclairée  comme  aux  jours  de  fête  par  les  soins  de  l'autorité 
municipale. 

Après  avoir  indiqué  quel  sera  l'objet  de  sa  conférence  et 
dans  quelles  limites  il  compte  se  renfermer,  M.  de  Caumont 
dit  que  l'étude  des  monuments,  militaires  du  moyen-âge  a 
bien  moins  occupé  que  celle  des  monuments  religieux. 


XXIX'.    SESSION,    A   SAUMUR.  27  > 

Pourtant ,  si  les  églises  offrent  plus  d'intérêt  au  point  de 
vue  de  l'art,  si  elles  étalent  de  grandes  richesses,  des  sculp- 
tures ,  des  peintures  ,  etc. ,  etc.  ,  les  châteaux  ont  souvent 
une  liaison  plus  intime  avec  l'histoire  du  pays,  et,  sous  ce 
rapport,  ils  doivent  intéresser  vivement  les  observateurs  et 
les  érudits.  Leurs  masses  ne  sont  pas  dépourvues  de  poésie  : 
tel  donjon  que  l'on  pourrait  citer  n'est  pas  moins  harmo- 
nieux, dans  sa  masse  et  ses  proportions,  qu'une  cathédrale 
renommée. 

L'orateur  jettera  ,  dans  cette  conférence,  un  coup-d'œil 
rapide  sur  l'histoire  de  l'architecture  militaire  sur  les  bords 
de  la  Loire ,  sans  se  restreindre  à  la  rigoureuse  acception  du 
mot,  et  en  considérant  comme  appartenant  à  cette  région 
certains  châteaux  situés  près  des  affluents  de  ce  grand 
fleuve. 

M.  de  Caumont  présente  d'abord  le  tableau  de  la  Gaule 
sous  la  domination  romaine,  pendant  les  trois  premiers  siècles 
de  l'ère  chrétienne  ;  il  montre  les  arts  prospérant  partout , 
les  routes  mettant  en  communication  toutes  les  régions  et 
facilitant  les  rapports  entre  les  habitants  des  points  les  plus 
reculés  ;  il  renvoie  aux  détails  donnés  dans  son  Abécédaire 
d'archéologie  et  dans  son  Cours  d'antiquités  (ère  gallo- 
romaine)  sur  les  monuments  publics  et  privés  dont  la  Gaule 
était  couverte  dans  ces  temps  de  prospérité  ;  puis,  présentant 
rapidement  l'histoire  de  la  Gaule  au  IVe.  siècle ,  il  décrit 
les  invasions  des  barbares  ;  il  compare  les  bandes  qui  se 
ruaient  successivement  sur  les  provinces  romaines  à  ces 
nuées  de  sauterelles  qui ,  emportées  par  le  vent,  viennent 
dévorer  les  moissons  et  stériliser  d'immenses  étendues  de 
pays. 

Les  populations  nomades  des  Germains  éprouvaient  une 
tendance  irrésistible  à  chercher  dans  le  monde  civilisé  des 
moyens  d'existence   qui    devenaient  insuffisants  dans  leur 


276  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

pays  :  ils  s'abattaient  sur  les  provinces  comme  des  troupes 
affamées. 

Ces  irruptions,  qui  jettèrent  la  perturbation  dans  la  société 
gallo-romaine ,  et  dont  l'histoire  nous  montre  les  affreuses 
conséquences,  devaient  finir  par  entraîner  l'anéantissement 
du  pouvoir  romain  dans  ls    Gaules. 

Mais  il  n'est  pas  dans  la  nature  de  l'homme  de  perdre  ce 
qu'il  possède  sans  résister  à  la  force  qui  veut  envahir  et 
arracher  par  la  violence. 

Les  villes  romaines  qui ,  dans  les  temps  de  tranquillité  , 
étaient  restées  mollement  étendues  sur  la  pente  des  coteaux 
sans  songer  à  se  défendre  contre  des  dangers  que  l'on  ne  re- 
doutait pas  alors  ,  se  virent  forcées  de  se  condenser  et  de  se 
renfermer  dans  des  murailles  :  le  danger  était  tel ,  la  fureur 
des  barbares  si  redoutable  ,  que  les  monuments  publics  fu- 
rent démolis  pour  bâtir  des  murs  d'enceinte.  On  choisit  les 
parties  des  cités  les  plus  faciles  à  défendre  pour  les  entourer  de 
murailles,  et  tout  le  reste  fut  négligé.  Une  grande  partie  des 
villes  dut  ainsi  rester  en  dehors  des  remparts;  l'enceinte 
était  peu  étendue  pour  être  plus  facile  à  défendre ,  et  telle 
ville  romaine ,  qui  occupait  près  de  200  hectares ,  ne  put 
entourer  de  murs  que  9  à  10  hectares.  On  comprend  que 
l'impossibilité,  où  l'on  était,  de  garantir  les  monuments  qui 
demeuraient  en  dehors  de  ces  enceintes  détermina  souvent  à 
les  sacrifier  pour  en  employer  les  débris  ;  et  c'est  ce  qui  ex- 
plique pourquoi  les  murs  offraient  dans  leurs  fondations  un 
si  grand  nombre  de  sculptures ,  de  frises ,  de  chapiteaux, 
etc. ,  etc. 

J'ai ,  du  reste ,  il  y  a  bien  long-temps ,  dit  M.  de  Cau- 
mont  (  en  1830)  ,  cité  dans  mon  Cours  d'antiquités  de 
nombreux  exemples  de  ces  enceintes  que  j'étudiais  alors  avec 
le  plus  vif  intérêt,  au  milieu  des  villes  qui  en  ont  possédé  et 
qui  en  conservent  encore  des  restes. 


XXIX'.    SESSION,    A   S  AU  MUR. 


•277 


278  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Pour  revenir  à  la  région  dans  laquelle  nous  sommes  ici , 
les  Romains  avaient  laissé  de  grandes  et  belles  fortifications 
qui  défendaient  les  villes  de  la  Loire  :  Orléans ,  Tours , 
Angers  ,  Nantes ,  Jublains  offrent  des  remparts  que  les  efforts 
destructeurs  de  tous  les  siècles  n'ont  pu  faire  disparaître 
complètement,  et  dontje  nôtre  laissera  peut-être  encore 
quelques  traces ,  malgré  la  malheureuse  passion  qui  le  do- 
mine pour  la  destruction  de  toutes  choses. 

Ces  grandes  constructions  militaires  des  Romains  lais- 
sèrent naturellement  des  modèles  que  l'on  suivit  quand  on 
éleva  des  châteaux.  C'est  là  que  commence  réellement  pour 
la  France  l'histoire  de  l'architecture  militaire.  Les  Mérovin- 
giens étaient,  du  reste ,  assez  disposés  à  se  servir  de  ce  qu'ils 
trouvaient  tout  fait  :  il  était  plus  facile  d'occuper  les  con- 
structions militaires  existantes  que  d'en  établir  à  grands  frais 
de  nouvelles  :  les  malheurs  de  la  fin  du  IVe.  siècle  et  du  Ve. 
avaient  ruiné  les  populations  et  les  avaient  décimées. 

L'architecture  militaire  mérovingienne  et  carlovingienne 
doit  donc  se  confondre  avec  celle  des  derniers  temps  de 
l'Empire  ,  et  pour  les  châteaux  qui  furent  construits  de 
toutes  pièces  dans  des  localités  où  de  nouveaux  centres  pu- 
rent se  former  après  la  destruction  de  certaines  localités 
complètement  ruinées  par  les  invasions ,  ils  furent  évidem- 
ment copiés  sur  les  châteaux  romains  et  construits  d'après 
les  mêmes  principes ,  avec  cette  différence  peut-être  que  le 
bois  fut  souvent  substitué  à  la  pierre. 

M.  de  Caumont  décrit  la  forme  habituelle  des  châteaux  au 
IVe.  siècle,  il  indique  leurs  dispositions  intérieures  et  exté- 
rieures, décrit  particulièrement  le  château  de  Jublains  et 
celui  de  Larçay  ,  près  de  Tours  ,  offrant  une  enceinte  carrée- 
longue  ,  garnie  de  tours  cylindriques  ,  dont  les  fondations 
se  composent  encore  de  débris  sculptés  et  de  fragments  de 
colonnes  provenant  de  constructions  antérieures. 


XXIX'.    Sl.SSiON  ,    A    5AU.MLR. 


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280 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


PLAN  DU  CHATEAU  DE  LARÇAV. 


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i  Ji_JuJL_JL^J^jXLT!ÏliLl|-i-.  '  ;?.mii  L  a  PJ.i  "'.i^iMCTiMiUiiiiiiiiuiiiiii.. 

nf.j.li  ,,■!  ,  i ;,,  iV       :   1   •'      "<   '   "    '    ii  ;  '■  ■■  -pi  'il  i  'I 


FONDATIONS  DU  CHATEAU  DE  LARCAÏ. 


Les  peuples  germaniques,  en  se  confondant  avec  la  popu- 
lation gallo-romaine,  avaient  pourtant  conservé  leurs  habi- 
tudes :  ils  préféraient  la  vie  des  champs  à  celle  des  villes. 
Le  système  de  clôture  qu'ils  adoptèrent  pour  l'habitation 
qu'ils  occupaient  au  centre  de  leurs  domaines  et  des  villages 
qui  se  formaient  près  d'eux  devaient  consister  en  haies 
vives  et  en  fossés  garnis  de  pièces  de  bois.  Comme  ils  oc- 
cupèrent souvent  les  villa  ou  établissements  ruraux  des 
populations  gallo-romaines,  ils  durent  en  conserver  les  prin- 
cipales distributions. 


XXIX'.    SESSION  ,    A    SAUMUR.  281 

Mais  ce  n'étaient  pas  là  les  châteaux  fortifiés  que  nous 
voyons  paraître  aux  Xe.  et  XIe.  siècles.  La  facilité  avec  la- 
quelle les  Normands  parcouraient  et  dévastaient  les  différents 
pays  montre  qu'il  n'y  avait  guère  de  châteaux  fortifiés  pro- 
prement dits,  et  c'est  au  siècle  suivant  que  l'on  s'occupa  d'en 
établir  de  réguliers. 

Les  plus  anciens  châteaux-forts ,  au  Xe.  siècle ,  étaient 
construits  en  bois  ;  leurs  fossés  garnis  de  pieux  ou  de  palis- 
sades ;  le  donjon  ,  partie  principale  consacrée  à  l'habitation 
du  maître,  était  établi  sur  un  monticule  en  terre  ou  sur 
un  escarpement  naturel. 


M.  de  Caumont  donne  la  description  d'une  série  de  châ- 
teaux de  cette  espèce,  puis  il  continue  : 

Dès  le  Xe.  siècle,  on  éleva  des  châteaux  solidement  con- 
struits en  pierre  ;  au  XIe.  siècle,  le  système  féodal  développa 
l'architecture  militaire  et  les  donjons  prirent  un  aspect  mo- 
numental :  ce  furent  des  tours  carrées  à  plusieurs  étages, 
comme  celles  de  Montrichard ,  de  Montbason  ,  de  Beau- 
gency  ,  de  Nogent-le-Rotrou  et  de  quelques  autres  loca- 
lités. 


282  CONGRÈS   AIlCHÉOLUGluLt;    DE   FRANCE 


DONJON    DE   NOGENT-LE   ROTROl'. 


DONJON    DE    BKAl'GENCÏ. 


XXIXe.    SLSSIOiN,    A    SAUMLR. 


2M 


DONJON    DR    MOMTiICHARD. 


Le  rez-de-chaussée  de  ces  tours  est  voûté  et  ne  commu- 
nique pas  avec  la  grande  salle  supérieure;  l'entrée  de  celle- 
ci  est  toujours  à  un  niveau  assez  élevé  au-dessus  du  sol 
(Voir,  dans  le  Cours  d'archéologie  et  dans  Y  Abécédaire 
d' 'archéologie ,  la  description  de  ces  derniers  donjons  ). 

M.  de  Caumont  examine  successivement  un  douzaine  de 
donjons  des  XIe.  et  XIIe.  siècles.  Il  décrit  la  disposition  des 
bâtiments  du  château  dans  l'enceinte  des  cours  ,  puis  il 
montre  comment  les  murs  d'enceinte  étaient  flanqués  de 
tours  cylindriques. 

Les  tours  et  les  murailles  n'étaient  pas  encore  couronnées 
de  ces  ouvrages  saillants  en  pierre  que  l'on  a  appelés  mâ- 
chicoulis, mais  bien  de  balcons  ou  galeries  en  bois  que  l'on 
appelle  hourds  et  que  l'on  établissait  quand  les  besoins  l'exi- 
geaient ,  c'est-à-dire  quand  les  places  étaient  menacées  d'un 
siège. 

Quelques  donjons  romans  sont  cylindriques  comme  ceux 
de  Laval ,  de  Châteaudun  ;  d'autres  sont  polylobés  comme  le 


284  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 


LE  DONJON  CYLINDRIQUE  DU  CHATEAU  DE  LAVAL  GAHNI  DE  SES  HOURDS  EN  BOIS. 
Les  fenêtres  qu'on  voit  dans  cette  tour  ont  été  percées  au  XVIe.  siècle. 


XXIXe.    SESSION  ,    A   SAUMUR.  285 

donjon  d'Étampes.  Il  y  eut,  dès  le  XII*.  siècle  ,  une  tendance 
à  abandonner  la  forme  carrée  pour  adopter  la  forme  cylin- 
drique. 

Au  XIIe.  siècle  ,  un  grand  mouvement  se  manifeste  dans 
l'esprit  inventif  des  ingénieurs.  L'architecture  militaire  , 
comme  l'architecture  religieuse ,  va  subir  d'importantes  in- 
novations. Elles  portent  sur  plusieurs  parties,  notamment 
sur  la  forme  du  donjon  pour  lequel  on  finit,  au XIIIe.  siècle, 


DONJON    CYLINDRIQUE    DU    \IlIe.    SIECLE. 


par  adopter  à  peu  près  exclusivement  la  forme  cylindrique. 


286      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Alors  on  ne  voit  plus  de  motte  en  terre  supportant  le  donjon  : 
celui-ci  fut  entouré  d'un  fossé,  et  le  fossé  d'un  chemin  ou 
rempart  en  pierre  décrivant  un  cercle.  Tel  était  le  magni- 
fique donjon  de  Coucy,  entre  Soissons  et  Noyon. 

Le  château  de  Montargis  avait  au  centre  de  la  place  un 
magnifique  donjon  cylindrique  qui  a  été  détruit  en  1810, 
et  qui  pouvait  rivaliser  avec  celui  de  Coucy  ;  mais  le  donjon 
de  Châtillon-sur-Loing  est  encore  debout ,  et  c'est  un  des 
plus  beaux  qui  restent  (V.  le  Bulletin  monumental  ). 

Le  donjon ,  en  affectant  la  forme  cylindrique  des  tours 
d'enceinte ,  perdit  de  son  importance  :  il  était  bien  la  maî- 
tresse-tour ,  mais  quelques-unes  de  ses  sœurs  essayaient 
parfois  de  l'égaler  en  beauté.  C'était  toujours  le  signe  de  la 
puissance  baroniale,  le  siège  du  fief;  mais  le  baron  se  trouvait 
plus  à  l'aise  dans  les  bâtiments  disposés  dans  la  cour,  et  l'usage 
vint  de  les  occuper  de  préférence.  Dans  ce  cas ,  on  accédait 
quelquefois  du  palais  au  donjon  par  une  galerie  couverte 
comme  à  Montargis. 

Dans  quelques  châteaux  de  la  fin  du  XIIIe.  siècle,  le 
donjon  n'est  plus  qu'une  tour  peu  différente  des  autres  tours 
d'enceinte. 

M.  de  Caumont  a  parlé  des  courtines  ,  des  créneaux  ,  des 
archères ,  des  chemins  couverts  et  des  autres  parties  de  la 
fortification  ,  et  il  a  terminé  cet  aperçu  de  l'architecture  mi- 
litaire au  XIIIe.  siècle  en  décrivant  à  grands  traits  divers 
châteaux  de  cette  époque  (  Villeneuve-le-Roi ,  Issouduu  , 
Coucy ,  Verneuil  (  Tour  grise  ) ,  puis  ceux  de  Chinon  et 
d'Angers.  Passant  aux  ouvrages  accessoires,  il  a  parlé  des 
barbacanes ,  des  têtes  de  pont,  des  portes  à  herses,  ponts- 
levis  et  autres  moyens  de  défense  usités  dans  le  bassin 
de  la  Loire. 


,->'■'» 


XXIX'.    SESSION      A   SAUMl'R. 


287 


2SS 


CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRASCE. 


PORTE    GARNIE    DE    SA    HÊRSE. 


Au  XIVe.  siècle ,  les  logements  indépendants  du  donjon 
devinrent  de  plus  en  plus  considérables  :  on  pensait  au  con- 
fortable. Les  murailles  étaient  encore  le  plus  souvent  cou- 
ronnées de  hourds  en  bois ,  mais  les  mâchicoulis  et  les  ga- 
leries saillantes  en  pierre,  dont  on  trouve  quelques  exemples 
dès  la  fin  du  XIIIe.  siècle  ,  remplacent  les  hourds.  Le  pont- 
levis  devient  d'un  usage  plus  général,  aussi  bien  que  la  herse 
dont  on  ne  trouve  guère  de  traces  avant  le  XIIIe.  siècle. 

Examen  de  quelques  châteaux  du  XIVe.  siècle,  notamment 
du  château  de  Clisson,  près  Nantes 

Cependant  les  hourds  en  bois  offraient  des  inconvénients 
auxquels  on  cherchait  à  remédier  depuis  deux  siècles. 


XXIX».    SESSION  ,    A   SAUMUR.  289 

Les  châteaux  qui  en  avaient  encore  les  abandonnèrent  tous 
pour  des  parapets  en  pierre  et  des  mâchicoulis,  dont  les  murs 
d'Avignon  et  beaucoup  d'autres  constructions  avaient,  dès  le 
XIVe.  siècle ,  fourni  d'élégants  modèles. 


CHATEAU    DE   V1LLEBON    (ELRE-ET-LOIK 


Peut-être  l'introduction  de  l'artillerie  hâta-t-elle  l'adoption 
de  ces  constructions  plus  solides  que  le  bois,  mais  impuis- 
santes pourtant  à  résister  au  canon. 


J9 


290  CONGRftS   AKCnÉOLOGIOUK   DE    FRANCE. 


M.  de  Caumont  a  terminé  en  donnant  un  aperça  de  l'at- 
taque et  de  la  défense  des  places  avant  l'emploi  des  armes 
à  feu,  durant  la  période  comprise  entre  le  Xe.  siècle  et 
le  XV8. 

Je  m'arrête  ici ,  dit  M.  de  Caumont  :  mon  confrère , 
M.  Victor  Petit ,  continuera  demain  celte  histoire  de  l'archi- 
tecture militaire  dont  j'ai  essayé  de  tracer  la  marche,  et  vous 
parlera  des  changements  qui  survinrent  dans  les  châteaux  de 
la  2e.  moitié  du  XVe.  siècle  et  du  XVIe.  sur  les  bords  de  la 
Loire.  Personne  ne  pourrait  le  faire  aussi  bien  et  avec   plus 


XXIXe.    .SESSION  ,    A   SAUMUR. 


291 


292  coiscniîs  archéologique  de  frange. 

d'autorité  que  notre  savant  ami ,  l'auteur  des  Châteaux  du 
X  Ve.  siècle  et  de  la  Renaissance  des  bords  de  la  Loire. 

Nous  avons  le  regret  de  ne  pouvoir  présenter  que  le  sque- 
lette décharné  de  cette  conférence  ;  mais  notre  devoir  était 
de  dresser  le  procès-verbal  de  la  réunion  ,  et  non  de  sténo- 
graphier une  leçon  orale  :  nous  nous  sommes  renfermé  dans 
le  cercle  qui  nous  éiait  tracé. 

Le  Secrétaire-général , 

L'abbé  Le  Petit. 


2e.  CONFÉRENCE. 

L'ARCHITECTURE  DES  CHATEAUX  EN  TOUKAINE 
ET  EN  ANJOU  AUX  XVe.  ET  XVIe.  SIÈCLES. 


(4  juin  Î862), 

PAR    M.    VICTOK    PETIT. 

Invité  par  M.  de  Caumont  à  prendre  la  parole ,  M.  Victor 
Petit  entretient  d'abord  l'Assemblée  de  la  publication  d'un 
grand  ouvrage  qu'il  vient  de  terminer  et  qui  a  pour  titre  : 
Châteaux  de  la  vallée  de  la  Loire.  Une  partie  de  cette 
collection,  qui  est  composée  de  cent  planches  in-folio,  est 
exposée  dans  la  salle  du  Congrès.  On  a  choisi  les  dessins  re- 
présentant les  principaux  châteaux  de  la  ïouraine  et  surtout 
de  l'Anjou  ,  édifices  à  l'égard  desquels  diverses  communica- 
tions doivent  être  faites. 


XXIX'.    SESSION,   A  S&UMUIS.  293 

Après  quelques  observations  préliminaires  expliquant  le 
but  de  l'ouvrage  ,  M.  Victor  Petit  aborde  le  sujet  principal 
de  la  conférence ,  c'est-à-dire  la  date  précise  de  la  construc- 
tion des  grands  châteaux  de  la  Touraine  et  de  l'Anjou. 

La  vallée  de  la  Loire  possède  encore,  dit  M.  Victor  Petit, 
beaucoup  de  grands  châteaux  justement  célèbres.  Ces  belles 
résidences  seront  toujours  l'orgueil  de  cette  magnifique  vallée, 
qui ,  déjà  riche  en  monuments  antiques,  possède  également 
un  nombre  considérable  de  petits  manoirs ,  de  maisons  de 
plaisance  et  d'habitations  bourgeoises  datant  des  derniers 
temps  de  la  Renaissance.  Cependant,  la  vallée  de  la  Loire  a  vu 
disparaître  de  somptueuses  constructions  seigneuriales  ;  les 
unes  ont  été  dévastées  durant  l'époque  de  la  Terreur;  les  au- 
tres ,  et  c'est  le  plus  grand  nombre  ,  n'ont  été  démolies  que 
lorsque  les  temps  de  prospérité  furent  revenus.  Chose  bizarre 
et  curieuse  à  constater  !  c'est  quelques  années  après  la  Révo- 
lution française  que  disparurent  tout-à-fait  les  plus  vastes  ré- 
sidences que  les  temps  de  troubles  n'avaient  fait  que  fermer 
ou  appauvrir.  Plusieurs  grands  et  magnifiques  châteaux  n'ont 
laissé  d'autre  trace  qu'un  emplacement  encore  stérile.  De 
la  plupart  de  ces  riches  demeures  ,  il  ne  reste  même  pas  un 
plan  ou  un  dessin  qui  permette  de  constater  leur  importance 
architecturale.  Plus  heureux ,  et  par  suite  de  circonstances 
exceptionnelles,  d'autres  châteaux  ont  été  reproduits  par  la 
gravure  à  une  époque  ou  leur  ruine  ne  pouvait  être  pres- 
sentie. 

Mais,  avant  de  rappeler  ici  les  noms  des  grands  châteaux 
de  l'Anjou  qui  ont  été  démolis ,  nous  croyons  devoir  tracer 
un  très-rapide  aperçu  de  l'aspect  général  des  constructions 
seigneuriales  de  la  vallée  de  la  Loire.  Il  suffit  de  remarquer 
que  ce  fleuve  traverse  ,  sépare  ou  côtoie  l'Auvergne  ,  le 
Bourbonnais  ,  la  Bourgogne  ,  le  Berry  ,  le  Nivernais  ,  l'Or- 
léanais, la  Touraine,  l'Anjou,  la  Vendée  et  la  Bretagne,  pour 


29/*      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

reconnaître  quel  puissant  intérêt  peut  offrir  une  exploration 
artistique  dans  ces  belles  et  célèbres  provinces. 

Toutefois  nous  passerons ,  sans  devoir  nous  y  arrêter ,  de- 
vant les  imposantes  résidences  féodales  de  la  Haute-Loire. 
D'ailleurs,  les  châtelains  de  cette  lointaine  et  sévère  contrée 
ne  ressentaient  nul  besoin  d'habiter  des  châteaux  décorés 
avec  élégance.  L'âpreté  du  climat,  l'isolement  de  la  situation, 
la  dureté  des  matériaux  de  construction,  aussi  bien  que 
l'ignorance  ou  l'inhabileté  des  ouvriers,  auraient  opposé  une 
insurmontable  résistance.  Les  petits  manoirs  surtout  pré- 
sentent une  pauvreté  de  construction  qui  atteste  le  peu  de 
ressources  dont  pouvaient  disposer  les  anciens  possesseurs. 
De  même  que,  dans  l'Anjou,  ces  petits  manoirs  dépendaient 
de  puissantes  forteresses  qui,  aujourd'hui  encore ,  témoignent 
par  la  grandeur  et  l'étendue  de  leurs  débris  d'une  impor- 
tance féodale  considérable.  Nous  ne  citerons  que  le  château 
de  Polignac ,  l'un  des  plus  anciens  de  l'Auvergne  et  certai- 
nement l'une  des  plus  imposantes  constructions  militaires  de 
la  vallée  de  la  Loire  tout  entière. 

Signalons,  dans  le  Bourbonnais  ,  riche  et  curieuse  contrée 
que  longe  la  Loire,  un  type  bien  caractérisé  de  construction, 
dont  nous  retrouvons  en  Anjou  quelques  exemples  :  l'emploi 
de  la  brique.  C'est  avec  une  intelligence  remarquable  que  ces 
petits  matériaux  ont  été  mis  en  œuvre  dans  tout  le  Bourbonnais, 
dès  le  XVe.  siècle,  époque  où  on  commença  généralement 
à  employer  d'une  manière  symétrique  les  briques  rouges  et 
les  briques  noires.  Les  dimensions  régulières  de  ces  briques, 
leur  fabrication  excellente ,  enfin  leur  coloration  vigoureuse , 
rouge  ou  noire,  ont  donné  aux  maçons  du  Bourbonnais  la 
possibilité  de  construire ,  avec  une  rectitude  parfaite ,  de 
grandes  et  hautes  murailles  ayant  l'apparence  de  véritables 
mosaïques.  Ils  surent  trouver,  dans  les  diverses  combinaisons 
des  briques  rouges  et  noires,  une  variété  de  dessins  d'un  effet 


XX1.V.    SpSSIOK,    A    SALML'R.  295 

charmant.  Les  traditions  locales  des  maçons  du  Bourbonnais 
ne  se  sont  pas  altérées  depuis  le  moyen-âge  :  elles  out 
conservé  toute  leur  originalité  et  toute  leur  habileté.  On 
peut,  en  Bourbonnais,  voir  les  plus  humbles  comme  les  plus 
riches  habitations  modernes,  construites  avec  une  élégance 
incontestable;  de  même  qu'en  Anjou,  et  toute  la  contrée  où 
se  montre  la  pierre  de  tuiïeau  ,  on  voit  aussi,  jusque  dans 
les  plus  petits  hameaux  ,  des  maisons  dont  la  régularité 
et  la  grandeur  de  l'appareil  frappent  d'étounement  le  habi- 
tants du  Berry  ,  du  Nivernais  et  d'une  partie  de  l'Orléanais. 

Nous  avons  hâte  de  parler  de  la  Touraine,  l'une  des  plus 
riches  régions  de  la  vallée  de  la  Loire  ;  c'est  même  là ,  pour 
beaucoup  de  touristes ,  que  commence  celte  célèbre  vallée 
dont  la  réputation  de  beauté  est  devenue  proverbiale.  Sans 
vouloir  chercher  ici  ce  qu'il  peut  y  avoir  d'un  peu  exclusif 
dans  cette  appréciation ,  nous  pensons  que  ce  n'est  pas  en 
suivant  les  routes  qui  traversent  en  longues  lignes  droites 
les  grands  plateaux  ondulés  de  la  Touraine ,  que  l'on  re- 
connaîtra la  justesse  du  dicton  populaire  que  chacun  répète 
de  confiance.  Il  ne  faut  pas  s'écarter  beaucoup  des  char- 
mantes vallées  du  Cher  et  de  l'Indre.  Dans  ces  vertes  ci 
fertiles  vallées,  de  même  que  dans  la  grande  vallée  de  la 
Loire,  on  remarque  d'innombrables  petits  manoirs,  de  beaux 
châteaux  et  de  grandes  forteresses  féodales.  Il  n'est  pas  de 
province  qui  puisse  mieux  que  la  Touraine  présenter  autant 
de  puissantes  demeures  seigneuriales  richement  habitées. 

Enfin,  nous  touchons  à  l'Anjou,  contrée  non  moins  cé- 
lèbre que  la  Touraine,  sa  rivale,  et  qui,  de  même,  a  conservé 
ses  belles  résidences  du  moyen-âge  et  de  la  renaissance. 
C'est  ici  que  commence  réellement  notre  exploration  ar- 
tistique et  archéologique. 

Ici ,  M.  Victor  Petit  rappelle  avec  quelle  hauteur  d'ap- 
préciation ,  et  quelle  vérité  de  description ,  RI.  de  Caumont 


296      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

a  parlé,  dans  la  conférence  d'ouverture,  des  principaux 
donjons  de  la  France ,  et  notamment  de  ceux  de  la  vallée 
de  la  Loire.  Les  donjons  célèbres  de  Beaugency,  de  Loches, 
de  Chinon,  de  Montbazon,  de  Montrichard,  de  Langeais,  etc., 
qui  tous  datent  de  la  première  période  du  moyen-âge ,  ont 
bien  souvent  été  le  sujet  d'études  archéologiques,  savantes 
et  approfondies.  On  est  parvenu  peu  à  peu  à  reconnaître 
l'époque  de  construction ,  trop  souvent  confondue  avec  celle 
de  fondation  primitive ,  de  ces  nombreuses  tours  carrées , 
d'un  aspect  encore  si  imposant  et  qui  dut  paraître  formi- 
dable autrefois,  c'est-à-dire  dès  le  milieu  du  XIIe.  siècle, 
époque  de  leur  plus  grande  splendeur  féodale. 

Il  semblerait  résulter,  continue  M.  Victor  Petit,  de  l'en- 
semble des  constructions  militaires  de  la  Touraine  et  de 
l'Anjou,  que,  depuis  le  XIIe.  siècle  jusqu'au  XVe.,  c'est- 
à-dire  durant  l'espace  de  près  de  trois  cents  ans,  on  se 
borna  le  plus  souvent  à  fortifier,  agrandir,  consolider  et 
modifier  les  anciens  châteaux  ,  mais  nullement  à  les  rebâtir 
entièrement. 

A  peine  pourrait-on  signaler,  en  général,  dans  la  Touraine 
et  l'Anjou,  divers  corps-de-logis  imposants,  quelques  tou- 
relles importantes,  datant  d'une  manière  bien  positive  des 
XIIIe.  et  XIVe.  siècles.  On  semble  s'être  contenté  de  relever 
les  constructions  ruinées ,  les  murs  ébranlés ,  les  poternes 
crevassées.  On  utilisa  et  améliora  les  fortifications  anciennes, 
en  les  fortifiant  davantage  à  l'aide  de  créneaux ,  mâchicoulis, 
meurtrières ,  etc.  On  reconstruisit  les  portes ,  en  les  gar- 
nissant de  ponts-levis  dont  l'usage  devint  général;  on  cou- 
ronna le  sommet  des  murs  d'une  longue  série  de  créneaux 
et  de  mâchicoulis  ;  les  murailles  d'enceinte  furent  agrandies 
et  prolongées;  enfin,  on  renforça  la  demeure  féodale  en  raison 
des  moyens  d'attaque  devenus  plus  puissants. 

Mais  il  arriva  une  époque  ,  et  nous  insistons  vivement  sur 


XXIXe.    SIÎSS10N,    A   SAUMUR.  297 

ce  point ,  où  tous  ces  remaniements  semblent  avoir  fait  place 
tout  à  coup ,  en  Touraine  et  en  Anjou,  à  une  reconstruction 
tout  entière,  intégrale  ,  homogène  ,  pleine  de  force  et  d'ha- 
bileté, montrant  de  tous  côtés  une  nouvelle  et  brillante  pa- 
rure de  moulures  finement  profilées  et  décorées  de  délicates 
ciselures. 

Dans  tout  le  cours  de  la  Loire  ,  ce  n'est  qu'en  Touraine  et 
en  Anjou  que  se  développe  subitement ,  dans  sa  riche  nou- 
veauté, ce  style  architectural  militaire,  si  élégant  et  si  monu- 
mental tout  à  la  fois,  et  dont  les  châteaux  de  Langeais,  d'Ussé, 
du  Coudray-Montpensier,de  Montsoreau  ,  de  Monlsabert,  du 
Plessis-Bourré  ,  etc.,  présentent  les  principaux  exemples. 

Mais  il  en  est  des  châteaux  comme  des  hommes  célèbres  : 
on  veut  savoir  leur  âge.  Là  commence  une  des  exigences 
de  l'archéologie  moderne.  Il  fut  un  temps ,  qui  n'est  pas 
encore  bien  éloigné  de  nous ,  où  il  suffisait  de  répondre  : 
c'est  un  château  «  gothique.  »  On  se  contentait  de  cette  la- 
conique réponse  que  personne  aujourd'hui  ne  ferait  ni  n'ac- 
cepterait, pas  plus  que  cette  autre  réponse  de  date  un  peu 
plus  récente  :  c'est  un  château  «  moyen-âge.  » 

D'après  une  tradition  générale  un  peu  vague,  nous  avons 
cru  personnellement ,  nous  avons  répété  et  imprimé ,  que  les 
grands  châteaux  de  la  Touraine  et  de  l'Anjou  dataient  du 
XIVe.  siècle.  C'est  là ,  nous  croyons  nous  en  être  assuré , 
une  assez  grande  erreur  ;  et  c'est  dans  le  but  et  le  désir 
d'éclairer  cette  question  de  date,  dans  la  conférence  présente, 
que  nous  exposerons  les  raisons  qui  nous  ont  amené  ,  à  notre 
grande  surprise ,  à  une  appréciation  très-différente  de  l'âge 
réel  des  belles  et  somptueuses  résidences  féodales  de  la  vallée 
centrale  de  la  Loire. 

II  est  évident,  d'abord,  que  les  châteaux  que  nous  avons 
nommés  déjà ,  c'est-à-dire  Langeais,  Ussô,  le  Coudray-Mont- 
pensier,  Montsoreau,  Monlsabert  et  le  Plessis-Bourré,  offrent 


298  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DF,   FfiàNCE. 

enlr'eux  une  très-grande  analogie  de  construction  et  une 
non  moins  grande  similitude  de  détails  d'ornementation.  Ils 
furent  construits  durant  la  même  période  féodale  et  d'après 
les  mêmes  principes  de  défense,  à  peu  de  distance  les  uns 
des  autres ,  le  long  des  rives  de  la  Loire  ou  dans  les  vallées 
affluentes.  Voici  donc,  à  l'égard  de  leur  âge,  quelques  rensei- 
gnements positifs: 

Tous  les  voyageurs  allant  de  Saumur  à  Tours  remarquent, 
un  peu  avant  d'arriver  à  la  station  de  Port-Boulet ,  le  joli 
château  des  Réaux  ,  nommé  autrefois  Plessis-le-Rideau,  et 
qui  dépend  de  la  commune  de  Chouzé-sur-Loire.  On  en 
attribue  la  construction  à  Jean  Briçonnet  ,  d'une  famille 
bourgeoise,  originaire  de  Tours ,  et  dont  les  membres  surent 
s'élever  aux  emplois  les  plus  brillants. 

Jean  Briçonnet  ,  né  à  Tours,  vers  1420  ,  fut  le  premier 
maire  de  cette  ville,  en  1462  ;  il  mourut  le  30  octobre  1^93, 
ayant  eu  six  enfants  de  Jeanne  Berthelot ,  autre  famille  de 
Tours,  riche  et  considérée,  dont  nous  retrouverons  bientôt 
le  nom  dans  le  cours  de  notre  exploration.  Or,  dans  la  gé- 
néalogie de  la  famille  Briçonnet ,  le  Père  Anselme  {Histoire 
des  grands  officiers  de  la  Couronne  ,  t.  VI  ,  p.  428)  dit  que 
Jean  Briçonnet  fut  commis  au  paiement  des  ouvrages  et 
bâtiments  du  château  de  Langeais  en  1465  et  1467.  Il  résulte 
aussi  des  documents  inédits  recueillis  par  KL  Paul  Marchegay 
pour  son  excellente  histoire  du  château  du  Plessis-Bourré, 
remarquable  édifice  dont  la  province  d'Anjou  peut  être  fière 
à  bon  droit,  que  ce  fut  Jean  Bourré  ,  ministre  de  Louis  XI 
et  gouverneur  de  Langeais ,  e  qui  fit  bâtir  le  nouveau  châ- 
teau de  Langeais.  »  Les  comptes  de  Jean  Briçonnet  datent  de 
1465-1667  ;  or,  c'est  en  1467  que  Jean  Bourré  commença 
la  construction  de  son  propre  château  du  Plessis  qu'il  fit 
bâtir  en  entier  de  1467  à  1472  ,  dates  précises  et  bien  con- 
statées par  des  documents  extrêmement  curieux ,  et  ce  châ- 


XXIX'.  SLSS10N  ,  A  SAL'.MUIi. 


299 


CH.-J\ETF.K« 
U.NE  DES  TOURS  DU  CHATEAU  DE  LANGEAIS. 


300      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

teau  offre  la  pins  grande  similitude  possible  avec  le  château 
de  Langeais ,  qui  semble  avoir  été  le  type  ou  modèle  qui 
servit  à  Jean  Bourré  pour  bâtir  son  nouveau  <•  logis.  » 

Jusqu'ici  on  croyait  généralement  que  c'était  Pierre  de 
Brosse,  seigneur  de  Langeais,  chambellan  et  ministre  de 
Philippe-Ie-Hardi ,  qui  avait  fait  édiûer  le  nouveau  château 
de  Langeais  ,  lequel ,  en  effet ,  s'élève  a  peu  de  distance  de 
l'ancien  donjon  féodal  dont  il  ne  reste  plus  que  les  ruines  ; 
mais  l'examen  attentif  de  la  construction  nouvelle  n'admet 
pas  une  date  aussi  reculée  que  celle  de  1270,  époque  où 
Pierre  de  Brosse,  qui  fut  mis  à  mort  en  1278,  se  rendit  ac- 
quéreur de  Langeais.  Tout  au  plus  doit-on  désormais  sup- 
poser que  Pierre  de  Brosse  commença  la  construction  du 
château,  qui,  deux  cents  ans  après,  aurait  été  continuée  et 
achevée  par  Jean  Bourré  ,  sous  la  direction  de  Louis  XI  et 
avec  une  beauté  de  main-d'œuvre  fort  remarquable. 

Langeais  présente  donc  l'un  des  plus  beaux  types  de  l'ar- 
chitecture militaire  durant  le  XVe.  siècle  ,  mais  d'après  les 
traditions  antérieures  et  alors  que  les  effets  de  la  poudre 
n'étaient  pas  encore  bien  connus.  Tout  le  système  de  défense 
est  calculé  contre  l'escalade  seule. 

On  retrouve  aux  châteaux  d'Ussé ,  du  Coudray-Montpen- 
sier,  de  IMonlsoreau  ,  de  Montsabert ,  de  Saumur ,  de  Mon- 
treuil-Bellay ,  etc.  ,  etc. ,  les  mêmes  dispositions  défensives 
extérieures  dans  l'agencement  identique  des  créneaux ,  mâ- 
chicoulis, nierions,  archières,  etc.,  qui  tous  sont  taillés  sur  les 
mêmes  dimensions,  profilés  de  la  même  manière  et  décorés 
d'arcatures  ogivales  dont  l'agencement  ou  la  décoration  tri- 
lobée offre  partout  la  plus  grande  similitude  dans  sa  variété. 

Ce  serait  donc  incontestablement  durant  la  période  des 
règnes  de  Charles  VII  (1422-1661  )  et  de  Louis  XI  (  1461- 
1683  )  que  furent  reconstruits  en  entier  tous  les  grands 
châteaux  féodaux  de  la  Touraine  et  de  l'Anjou. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAU.UUn. 


SOI 


DÉTAILS    Ml    CllllEAU    DUSSE. 


DÉTAILS    DE    MONTSOREAU, 


iX.UIETF-.ICH 

FRAGMENT    DC    CHATEAU    DE 
MONTSOKKAC. 


3C2  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

L'un  des  plus  beaux  et  des  plus  importants  fut  celui  de 
Montsoreau;  mais  cette  magnifique  construction  n'est  plus 
telle  que  d'anciens  dessins  de  la  précieuse  collection  Gai- 
gnières  la  représentent  :  elle  a  subi  de  nombreuses  et 
cruelles  mutilations.  Les  hautes  toitures  des  deux  grandes 
tours  d'angle  ont  été  démolies;  il  en  est  de  même  d'une 
partie  des  créneaux  ;  mais  l'extrême  solidité  des  murailles , 
toutes  entièrement  construites  en  belles  pierres  de  taille, 
fait  espérer  que  cette  imposante  résidence  féodale,  édifiée 
par  la  famille  de  Chambes,  qui  posséda  Montsoreau  de  1450 
à  1664,  pourra  long-temps  encore  résister  aux  diverses 
causes  de  ruine  qui  la  menacent.  Montsoreau  a  vu  tourner 
contre  lui-même  sa  grandeur,  sa  force,  et  surtout  son 
isolement.  Bâties  près  du  confluent  de  la  Vienne  ,  dans 
la  Loire,  les  murailles  plongeaient  leur  base  dans  le  grand 
fleuve,  situation  presque  unique  dans  toute  l'étendue  de  son 
cours. 

En  parlant  des  grands  châteaux  du  val  de  la  Loire  ,  il  est 
impossible  de  ne  pas  penser  à  celui  de  Chaumont.  A  l'égard 
de  cette  magnifique  résidence,  l'une  des  plus  connues  de  la 
Touraine  ,  et  à  l'égard  de  laquelle  un  nombre  considérable 
d'études  historiques  et  artistiques  ont  été  publiées ,  nous 
trouvons  encore ,  dans  l'ouvrage  du  Père  Anselme ,  t.  VI , 
p.  123  ,  la  mention  suivante  :  le  roi  Louis  XI  ordonna,  au 
mois  de  janvier  1465  ,  que  la  place  de  Chaumont-sur-Loire  , 
qui  cpaprtenait  à  Pierre  d'Amboise,  fut  brûlée  et  rasée  ,  ce 
qui  fut  exécuté.  A  la  mort  de  celui-ci,  en  1473,  Charles 
d'Amboise,  premier  du  nom  ,  devint  seigneur  de  Chaumont. 
lie  Père  Anselme  ajoute  :  on  trouve  encore  plusieurs  quit- 
tances de  Charles  d'Amboise  ,  des  années  précédentes  [1473- 
1475],  tant  pour  les  sommes  que  le  roi  Louis  XI  lui  avait 
accordées  pour  la  réparation  et  réédificalion  de  son  château 
et  place  de  Chaumont  que  pour ,  etc.  Nous  retrouvons  donc 


XXIV.    SESSION,    A    SAUMUR.  303 

à  Chaumont,  de  même  qu'à  Langeais,  l'influence  ou  la  di- 
rection de  Louis  XL 

Aux  châteaux  dont  nous  avons  cité  les  noms,  nous  ajou- 
terons d'autres  châteaux  datant  de  la  même  période  féodale  , 
mais  dont  le  système  de  défense  consistait  principalement  en 
de  larges  fossés  pleins  d'eau,  notamment  ceux  :  deBoumois, 
reconstruit  vers  1670  par  René  de  Thory,  type  encore  à  peu 
près  complet  d'une  petite  forteresse  avec  toutes  ses  dépen- 
dances ;  du  Moulin  ,  curieux  et  charmant  manoir  commencé 
en  1680  par  Philippe  du  Moulin  et  parvenu  intact  jusqu'à 
nous;  de  l'Islette ,  belle  construction  commencée  vers  1695 
par  Hardouin  de  Maillé;  d'Azay-le-Rideau,  délicieux  château 
commencé  en  1503  par  Gilles  Berthelot  ;  des  Réaux  ,  con- 
struit en  pierre  et  briques,  commencé,  dit-on,  vers  1690  par 
Jean  Briçonnet;  enfin,  celui  du  Plessis-Bourré,  très-remar- 
quable château  à  l'égard  duquel  iM.  Paul  Marchegay  a  publié, 
dans  le  bel  ouvrage  de  M.  le  baron  de  Wismes,  intitulé 
Le  Maine  et  l'Anjou,  une  notice  d'un  extrême  intérêt  histo- 
rique et  archéologique  ,  et  dont  la  construction  ,  dirigée  avec 
le  plus  grand  soin  par  Jean  Bourré  et  sa  femme,  Marguerite 
de  Feschal,  fut  commencée  vers  1667  et  terminée  en  1672. 

L'Anjou  possède  encore  un  certain  nombre  de  châteaux 
datant  de  la  même  époque,  à  en  juger  par  leur  aspect,  mais 
sur  lesquels  nous  n'avons  pas  recueilli  de  renseignements. 

Durant  les  règnes  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XII , 
c'est-à-dire  à  la  fin  du  XVe.  siècle  et  durant  le  commence- 
ment du  XVIe.  ,  plusieurs  petits  châteaux  et  beaucoup  de 
manoirs  furent  construits  en  Touraine  et  en  Anjou.  Mais  le 
mode  de  construction,  «  pierre  et  brique  »  alternativement, 
semble  avoir  été  peu  en  faveur  en  Anjou ,  contrée  qui 
possède  d'innombrables  carrières  de  belles  pierres. 

Dès  les  premières  années  du  XVIe.  siècle  ,  les  châteaux 
ne  se  fortifient  plus  que  faiblement;  ils  s'embellissent,  se 


30't  CQNGRfcS    \ncllÈOI.OGIQUE    DE    FRANCE. 


ea.DIETBJCH 


USE   DES    TUllîS   Dl'   PLESSIS-BOURKR, 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  305 

développent  en  larges  façades  ,  décorées  avec  une  profusion 
de  détails  et  une  richesse  d'ornementation  sans  limites, 
et  dont  l'admirable  château  de  Meillant ,  dans  le  Berry,  au 
milieu  d'immenses  forêts ,  et  l'hôtel  de  Jacques-Cœur ,  à 
Bourges ,  peuvent  être  cités  comme  les  types  de  cette  trans- 
formation architecturale. 

L'Anjou  ne  possède  rien  de  semblable;  l'exemple  le  plus 
frappant  de  ce  nouveau  style  décoratif  exagéré  se  voit  encore 
dans  ce  qui  reste  du  couronnement  des  deux  vieilles  tours 
rondes  du  château  de  Brissac,  vaste  et  célèbre  demeure  dont 
nous  aurons  bientôt  à  reparler. 

Un  édifice  considérable  et  d'une  haute  valeur  architecturale, 
contemporain  comme  date  de  fondation  du  Plessis-Bourré  , 
est  le  château  ducal  de  Nantes,  reconstruit  presque  entièrement 
par  le  duc  François  II  pour  le  rendre  propre  à  se  défendre 
contre  l'artillerie.  Il  résulterait  de  documents  précis  que  les 
travaux  furent  commencés  en  octobre  1466  ;  l'architecte  se 
nommait  Mathurin  Rodier.  Après  la  mort  de  François  II , 
en  1488,  sa  fille,  la  fameuse  duchesse  Anne  de  Bretagne, 
fit  continuer  et  achever  le  magnifique  corps-de-logis  dont  la 
façade  donne  sur  la  grande  cour  intérieure.  Cette  princesse, 
née  en  1476 ,  termina  le  château  vers  1491 ,  époque  où  elle 
épousa  Charles  VIII. 

Le  grand  corps-de-logis ,  terminé  par  la  duchesse  Anne , 
présente  de  charmants  détails  d'ornementation  sculptée.  Les 
magnifiques  lucarnes  en  pierre  de  la  grande  toiture  ont  été 
récemment  restaurées,  avec  la  plus  scrupuleuse  exactitude, 
sous  l'habile  direction  d'un  officier  du  génie. 

Dès  les  premières  années  du  XVIe.  siècle  ,  nos  architectes 
et  nos  sculpteurs  ayant  poussé  jusqu'à  ses  dernières  limites 
la  science  de  l'équilibre  et  la  finesse  d'ornementation  ,  cher- 
chèrent une  nouvelle  voie.  Les  architectes  et  les  sculpteurs 
italiens ,  appelés  en  France ,  la  leur  indiquèrent  involontaire- 

20 


306      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

ment.  Le  style  italien  se  développa  avec  une  rapidité  extrême 
clans  toutes  nos  provinces  centrales.  Un  grand  nombre  de 
vieux  châteaux  furent  démolis  en  partie  pour  être  réédifiés 
dans  le  nouveau  genre.  De  charmants  «  logis  »  ou  maisons 
particulières,  appartenant  à  de  riches  bourgeois ,  furent  con- 
struits avec  profusion  ,  notamment  en  Touraine  et  une  partie 
de  l'Anjou. 

Le  type  architectural  du  règne  de  Louis  XII  est  trop  bien 
connu  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  le  décrire  ici.  Il  en  est 
de  même  du  style  italien  naturalisé  français  sous  le  règne  de 
François  Ier.,  et  désigné  sous  le  titre  général  de  style  de  la 
Renaissance.  L'Anjou  possède  plusieurs  délicieux  logis  ou 
manoirs  datant  de  cette  brillante  époque  artistique  ,  notam- 
ment ,  à  Angers  ,  l'hôtel  de  la  famille  de  Pincé ,  récemment 
acquis  par  la  ville  ;  le  charmant  château  du  Percher,  ter- 
miné vers  1510;  le  délicieux  manoir  de  St.-Ouen,  petit 
chef-d'œuvre  d'élégance  ,  achevé  également  vers  1510. 

Dans  une  région  plus  rapprochée  de  Saumur,  deux  autres 
châteaux,  fort  remarquables  à  différents  titres,  sont  :  Oiron, 
grande  et  imposante  résidence,  reconstruite  presque  tout  en- 
tière par  la  famille  Gouffier  sous  le  règne  de  François  Ier.  ;  et 
Landifer,  manoir  d'un  aspect  très-particulier  datant  du  règne 
de  Henri  IL  Nous  citerons  encore  un  peu  au  hasard ,  tant 
les  châteaux  sont  nombreux  :  le  beau  château  de  Lude , 
commencé  par  Jacques  de  Daillon  et  terminé  vers  1535  par 
sa  veuve ,  dame  d'Illiers  ;  celui  de  Serrant ,  grandiose  édi- 
fice commencé  par  Jean  de  Brie,  en  1545;  enfin  celui  de 
Brissac,  étonnante  construction  terminée  vers  1610  par  le 
maréchal  de  Cossé  ,  duc  de  Brissac. 

Il  est  encore  une  foule  d'autres  châteaux  ayant  une  réelle 
importance ,  disséminés  dans  les  riches  vallées  de  l'Anjou  , 
contrée  où ,  de  même  qu'en  Touraine ,  chaque  commune ,  à 
peu  près ,  possédait  un  château  et  plusieurs  manoirs  ou 
maisons  seigneuriales. 


XXIXe.    SESSION,    A   SAUMUR.  307 

Au  début  de  notre  exploration  ,  nous  n'avons  trouvé  au 
milieu  des  montagues  de  l'Auvergne  que  les  rustiques  con- 
structions en  granit  de  la  vallée  de  la  Haute-Loire.  Arrivé  au 
terme  de  cette  même  exploration,  à  plus  de  deux  cent  cin- 
quante lieues  de  distance  ,  nous  retrouvons ,  au  centre  des 
vastes  plateaux  ondulés  de  la  Bretagne ,  dans  la  vallée  de  la 
Loire-Inférieure  ,  d'autres  constructions  rustiques  en  granit. 
Sur  les  rives  torrentueuses  de  la  Loire  de  l'Auvergne,  ou 
près  des  longues  plages  de  la  Loire  de  Bretagne ,  on  voit , 
dans  le  fond  de  vallons  solitaires  ou   sur  le  sommet  de  ro- 
chers abrupts  ,  de   nombreux  manoirs  dont  les  habitants , 
seigneurs  ou   vassaux  autrefois ,  bourgeois  ou  métayers  au- 
jourd'hui ,   n'ont  jamais  songé  à  décorer  leur  demeure  sé- 
culaire. Il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  provinces  intermé- 
diaires, notamment  dans  l'Orléanais,  la  Touraine  et  l'Anjou. 
Au  point  de  vue  de  l'art  de  bâtir ,  durant  le  moyen-âge 
et  la   renaissance ,  les    élégantes  constructions  en  briques 
rouges  et  noires  du  Bourbonnais ,  du  Berry  et  d'une  partie 
du  Nivernais ,  le  contraste  est  frappant ,  si  on  les  compare 
aux  constructions  en  pierre  blanche  de  la  Touraine  et  de 
l'Anjou.  Chacune  de  ces  constructions  présente  une  variété  de 
formes  et  une  diversité  de  détails  infimes.  L'art  architectural 
du  moyen-âge  et  de  la  renaissance  se  modifie ,  en  traversant 
successivement  les  riches  provinces  que  borde  ou  traverse 
la  Loire.  Toutefois  les  châteaux  de  la  partie  centrale  de  la 
vallée  de  la  Loire  ont  donné  à  cette  magnifique  contrée  ,  qui 
resta  jusqu'au  XVIIe.   siècle  la  résidence  favorite  des  rois 
de  France ,   une  célébrité  européenne.   Et  cependant ,  on 
ignore  encore  la  date  de  construction  du  plus  grand  nombre 
de  ces  vastes  et  féodales  demeures.   On  est  réduit  à  en 
apprécier  l'âge  par  induction  ,   par  analogie ,   ou  d'après 
quelques  renseignements  fugitifs,  quelques  dates  isolées. 
Nous  avons  cherché,  en  rappelant  la  date  de  construction 


308  CCuNGUÈS   ARCHÊOLOGIQUL   DE   FRANCE. 

des  beaux  châteaux  de  Langeais  et  du  Plessis-Bourré ,  à 
indiquer,  à  litre  de  renseignement,  un  point  de  départ  positif 
pour  commencer  de  nouvelles  recherches. 

Cette  conférence  est  suivie  de  nombreux  applaudissements. 


S*.  CONFÉRENCE. 

INFLUENCES  BYZANTINES  EN  ANJOU, 

PAR    M.    F.    DE    VERNEILH. 

Avant  de  rechercher  les  influences  byzantines  qui  se  sont 
exercées  sur  les  monuments  de  l'Anjou  pendant  le  XIIe.  et  le 
XIIP.  siècle,  31.  Félix  de  Verneilh  commence  par  rappeler 
ce  que  c'est  que  l'architecture  byzantine.  —  M.  de  Caumont 
nous  disait  naguère  que,  sous  l'Empire  romain,  les  premiers 
remparts  des  villes  de  l'intérieur  lurent  bâtis  avec  les  débris 
des  temples  du  paganisme.  Cela  est  vrai  aussi  pour  les  pre- 
mières églises.    Les  colonnes  de  marbre  et  de  granit ,  aussi 
remarquables   par  l'éclat  de  leurs  couleurs  que  par  la  di- 
mension de  leur  fût  monolithe,  abondaient,  comme  les  grands 
blocs  tout  taillés ,  dans  des  édifices  devenus  inutiles  et  que 
l'on  ne   voulait   nullement   conserver  à  l'état  de  ruines ,  à 
cause  des  souvenirs  qui  s'y  rattachaient.  On  se  servit  de  ces 
colonnes  pour  faire ,  à  peu  de  frais  ,  des  églises  très-vastes , 
très-commodes  et  vraiment  belles,  au  moins  à  l'intérieur.  Il 
suffisait  de  les  appareiller  et  de  les  redresser  sur  deux  rangs, 
en  les  réunissant  par  de  simples  charpentes,  pour  obtenir 
un  vaisseau  a  trois  nefs  ,  très-facile  à  clore  et  à  éclairer.  Les 
bases  et  les  chapiteaux  ne  manquaient  pas  dans  le  principe. 
On  avait  même  les  anciennes  architraves ,  à  moins  qu'on  ne 


\X!\".    SKSSION  ,    A    SAU.V.l!!.  34M) 

voulût  agrandir  1rs  enlrccolounemenis  ;  et ,  dans  ce  cas  ,  on 
les  remplaçait  par  des  arcades.  La  forme  générale  était  celle 
des  basiliques  où  se  rendait  la  justice,  mais  elle  était  com- 
mandée avant  tout  par  le  désir  de  faire  du  neuf  avec  du  vieux. 
En  France,  les  invasions  étaient  plus  fréquentes  ainsi  que 
les   incendies.    La    provision  de  colonnes  antiques  s'épuisa 
bientôt,  mais  en  Italie  elle  a  duré  jusqu'à  nos  jours.  On  u'a 
pas  eu  besoin  ,  comme  on  le  faisait  chez  nous  avant  le  XIe. 
siècle ,  d'y  suppléer  par  des  piliers  carrés ,  toujours  réunis 
par  des  charpentes.  —  Cependant,  le  besoin  de  donner  à  cer- 
taines constructions  religieuses,  par  exemple  aux  églises  sé- 
pulcrales, un  aspect  plus  monumental  et  une  solidité  ,  sinon 
plus  réelle,  du  moins  plus  apparente  ,  fit  adopter  parfois  en 
Italie  comme  en    France  Un  système  de  voûtes  en  béton  , 
coulées  sur  un  mould  en  planches.  Alors  on  s'inspira,  tantôt 
comme  à  la  cathédrale  de  Trêves,  des  voûtes  d'arêtes  du 
lemple  de  la  Paix  ,  tantôt ,  et  le  plus  souvent ,  des  rotondes 
du   Panthéon  et  de  Minerva  Medica.  A    Rome  même  ,   les 
églises  de  Ste.  -Constance  et  des  St'.  -Pierre  et  Marcellin,  des- 
tinées à  recevoir  les  tombeaux  de  la  fille  et  de  la  femme  de 
Constantin  ,  sont  construites  sur  cette  donnée.  Il  en  est  en- 
core ainsi  à  Thessalonique  pour  l'église  de  St.-Georges,  dont 
la  construction  et  la  décoration  ,  toutes  romaines,  remontent 
aux  premières  aimées  du  IVe.  siècle.  Qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y 
ait  pas  de  bas-côtés,  autour  de  la  rotonde  centrale  ,  les  murs 
extérieurs  sont   extrêmement    épais   et    on    y  ménage    des 
exèdres    alternativement   rondes   et  carrées ,  ressemblance 
caractéristique  avec  le  Panthéon. 

De  ces  rotondes  romaines,  contemporaines  de  Constantin, 
on  pass-a  par  degrés  à  la  coupole  proprement  dite,  élevée  sur 
quatre  piliers  et  quatre  arcs  ,  que  les  Romains  n'avaient  point 
connue.  L'église  de  St.-Laurent,  celle  de  St.-Aquilin,  bâties 
à  Milan  vers  le  commencement  du  IVe.  siècle,  celle  des  St\  - 


310  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE  Dli   FRANCE. 

Kazaire  et  Celse  à  Ravenne ,  qui  renferme  la  tombe  de  Galla 
Placidia  ,  offrent  les  premiers  de  ces  degrés.  Viennent  après, 
dans  la  succession  logique  des  formes  ,  St. -Vital,  ou  plutôt 
des  églises  antérieures  de  même  type,  c'est-à-dire  octogones, 
avec  des  exèdres  à  jour  et  en  saillie  sur  le  bas-côté,  qui  se 
trouvaient  déjà  à  St. -Laurent;  et  enfin  la  petite  Ste. -Sophie 
de  Constantinople  ,  qui  prépare  directement  la  grande. 

Dans  ce  chef-d'œuvre  de  Justinien,  la  coupole  sur  pen- 
dentifs se  montre  pour  la  première  fois  unie  aux  exèdres  ou 
absides  à  jour  et  à  double  étage  ;  mais  l'idée  primitive,  tout 
comme  les  transformations  successives  qui  permettent  de  la 
réaliser  complètement ,  arrivent  de  Rome  et  de  l'Italie  ,  bien 
plus  que  de  l'Orient.  La  coupole  de  StvSophie  ne  se  dis- 
tingue pas  moins  par  ses  dimensions  que  par  l'originalité  de 
sa  forme.  Elle  a  31  mètres  de  diamètre  ou  100  pieds  romains  : 
ce  qui  est  énorme  ,  si  l'on  songe  qu'elle  est  entièrement  sus- 
pendue sur  le  vide,  tandis  que  les  dômes  de  St.-Pierre  de 
Rome  et  de  Ste.-Marie-des-Fleurs  portent  en  grande  partie 
de  fond.  Aussi  n'y  a-t-il  au  monde  rien  de  comparable  à 
Ste. -Sophie  pour  la  hardiesse  et  la  légèreté,  comme  pour 
la  richesse  et  l'unité  d'aspect.  Dans  tout  l'intérieur  de  l'édi- 
fice ,  qui  présente  un  carré  de  70  mètres  de  côté ,  il  ne  se 
trouve  que  quatre  piliers  ,  médiocrement  épais  ;  les  autres 
supports  des  voûtes  sont  de  simples  colonnes.  Comme  la 
coupole  est  prolongée  à  l'occident  et  à  l'orient  par  deux  ab- 
sides immenses,  subdivisées  chacune  en  trois  absidioles  à 
jour  qui  touchent  aux  extrémités  du  monument ,  à  peine  a- 
t-on  franchi  la  porte  du  narthex  que  le  regard  embrasse 
aussitôt  tout  le  ciel  doré  des  voûtes  et  pénètre ,  à  travers  des 
colonnades  de  porphyre  et  de  verre  antique,  jusqu'au  fond 
des  bas-côtés.  A  St.-Pierre  de  Rome  au  contraire,  quand  on 
est  dans  la  nef,  on  ne  voit  guère  les  bas-côtés,  masqués  par 
des  files  de  piliers  gigantesques,  et  on  ne  soupçonne  pasl'exis- 


XXIX*.    SESSION,    A    SAUMUIt.  311 

tcnce  (le  la  coupole  centrale,  ainsi  que  des  transepts.  Il  faut 
aller  sous  le  dôme  et  renverser  la  tête  en  arrière  pour  en 
apprécier  l'importance  ;  mais  alors  on  perd  de  vue  le  reste 
de  l'édifice. 

De  même  à  St. -Pierre  de  Rome,  il  y  a  beaucoup  de  plâtres 
et  de  faux  marbres  ,  lorsqu'à  Ste. -Sophie  toutes  les  surfaces 
des  murs  et  des  voûtes  sont  revêtues  des  marbres  les  plus 
précieux  et  des  plus  brillantes  mosaïques.  Il  y  a  quelques 
années  encore,  ces  mosaïques  étaient  voilées  par  du  badigeon, 
et  c'est  ce  qui  explique  tant  d'appréciations  moins  enthou- 
siastes; mais  aujourd'hui,  grâce  aux  travaux  dirigés  par 
31.  Fossati ,  elles  ont  retrouvé  leur  éclat  et  leur  effet.  Les 
figures ,  qui  ne  sauraient  être  tolérées  dans  une  mosquée  , 
étaient  heureusement  en  petite  quantité.  Après  les  avoir  des- 
sinées avec  soin,  on  les  a  cachées  sous  de  fausses  mosaïques 
qui  continuent  les  rinceaux  et  les  autres  ornements  courants 
de  l'ensemble  des  voûtes. 

L'extérieur  de  Ste. -Sophie  est  informe  et  le  style  des 
sculptures  laisse  beaucoup  à  désirer.  Mais,  peu  importe, 
l'effet  général  du  monument  est  encore  aujourd'hui  incom- 
parable ,  et  MM.  Godard-Faultrier ,  Desmarets  et  de  Ga- 
lembert  en  témoigneraient  ici  comme  M.  de  Verneilh.  Qu'on 
juge  donc  de  l'admiration  dont  il  frappa  les  contemporains 
de  Justinien,  et  de  l'influence  qu'il  exerça  pendant  toute  la 
durée  de  l'empire  grec. 

II  offrait,  d'ailleurs,  un  principe  de  construction  aussi  fé- 
cond que  nouveau.  La  coupole  sphérique ,  exhaussée  sur 
quatre  piliers  et  autant  de  grands  arcs,  auxquels  elle  se  relie 
par  des  pendentifs  en  portions  de  sphère,  forme  la  base  de 
l'architecture  byzantine  dont  les  Turcs  eux-mêmes  ont  hérité. 
Sans  doute  ,  on  voit  en  Orient  quelques  édifices  qui  con- 
tinuent à  s'inspirer  du  type  de  St. -Vital  4  mais  ces  rotondes 
byzantines  sont,  aux  vraies  coupoles,  dans  la  proportion  de 


312  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANGE. 

un  à  cent,  tout  au  plus.  Toujours,  en  quelque  sorte,  on 
reproduit,  sans  yrien  changer,  la  partie  centrale  de  Ste.- 
Sophie  ,  en  négligeant  le  reste.  Toujours ,  dans  chaque  cou- 
pole ,  il  y  a  deux  voûtes  sphériques  dont  l'une,  ayant  pour 
diamètre  la  diagonale  des  piliers ,  engendre  les  pendentifs 
et  s'interrompt  ensuite  pour  faire  place  à  l'autre ,  qui  est 
plus  petite  d'un  tiers  environ. 

Les  architectes  byzantins  restent  loin  des  dimensions 
de  Si*. -Sophie;  les  Turcs  seuls  ont  essayé  de  s'en  rap- 
procher. Jusqu'au  moment  où  les  souverains  de  Constan- 
tinople  redeviennent  puissants  et  riches ,  à  défaut  d'une 
grande -coupole,  on  en  fait  plusieurs  petites;  et,  comme  elles 
sont  inscrites  dans  un  carré  ,  il  est  facile  de  les  multiplier  , 
de  les  grouper  les  unes  à  côté  des  autres ,  selon  les  néces- 
sités du  plan  général. 

Ordinairement  les  églises  byzantines,  bien  moins  vastes 
que  les  nôtres,  ont  cinq  coupoles,  sans  compter  celles  du 
vestibule  ou  narthex  :  la  plus  grande  au  centre ,  avec  de 
grands  arcs  qui  s'étendent  jusqu'aux  murs  extérieurs  ;  les 
quatre  autres  dans  les  angles.  Tel  est  aussi  le  plan  des 
églises  russes. 

St. -Marc  de  Venise,  qui  est  un  édifice  purement  byzantin, 
a,  par  exception  ,  cinq  grandes  coupoles  disposées  en  croix 
grecque  et  dont  les  piliers   sont  évidés  intérieurement. 

Or  ,  il  existe  au  cœur  de  la  France  ,  à  Périgueux ,  une 
église  parfaitement  semblable  à  St.-Marc,  non  pas,  bien  en- 
tendu, par  la  richesse,  mais  par  la  forme, par  les  dimensions, 
par  le  style  architectural.  Le  caractère  de  l'ornementation 
sculptée  est  plus  douteux  et  il  a  été  contesté;  mais,  selon 
91  de  Verneilh  ,  St. -Front  est  l'œuvre  d'un  architecte  grec, 
et  les  sculptures  y  sont  byzantines  comme  le  reste. 

St. -Front  a  donc  introduit  et  naturalisé  en  France  l'ar- 
chitecture bvzantine. 


XXIX".    SESSION,    A    SAUMUR.  313 

Il  pourrait  y  avoir  eu,  sur  l'immense  étendue  du  terri- 
toire français  ,  d'autres  importations  d'architecture  orientale. 
Il  semble  qu'il  n'y  en  a  eu  qu'une ,  car  toutes  les  églises  à 
coupoles  byzantines,  c'est-à-dire  sur  pendentifs  sphériques , 
sont  renfermées  dans  l'Aquitaine ,  entre  la  Loire  et  la  Ga- 
ronne. Les  principaux  de  ces  monuments ,  qui  sont  les 
églises  à  série  de  coupoles  ,  sont  même  rassemblés,  au 
nombre  de  quarante  environ  ,  dans  le  diocèse  de  Périgueux 
et  dans  les  cinq  diocèses  d'Angoulème,  de  Saintes,  de  Bor- 
deaux, de  Cahors  et  de  Limoges  qui  l'enveloppent  de  toutes 
parts. 

Comme  sa  situation  excentrique  l'indique  déjà,  c'est  Fon- 
tevrault  qui  est  la  copie  et  la  cathédrale  d'Angoulème  le. 
modèle  :  aussi  la  construction  du  premier  de  ces  monuments 
est -elle,  à  certains  égards,  plus  perfectionnée. 

11  y  a  une  exception  à  cette  règle  :  c'est  Fontevrault ,  qui 
atteint,  sans  les  dépasser,  les  bornes  de  l'Aquitaine.  La  nef 
de  cet  édifice  se  couvre  de  quatre  larges  coupoles  à  pen- 
dentifs byzantins  ;  mais  elle  est  si  semblable  à  la  nef  de  la 
cathédrale  d'Angoulème,  par  ses  proportions,  ses  dimensions 
et  tous  les  détails  de  son  architecture  ,  que ,  selon  toute  ap- 
parence ,  les  deux  monuments  ont  été  imités  l'un  de  l'autre 
et  bâtis  peut-être  par  le  même  architecte. 

A  Fontevrault,  ainsi  que  dans  la  plupart  des  édifices  imités 
de  St.-Front,  la  nef  s'accroît  aux  dépens  des  transepts;  les 
coupoles  se  cachent  sous  une  charpente  et  l'ornementation 
est  purement  romane. 

Lorsque  la  nef  de  Fontevrault  fut  fondée  (de  1110  à  1119), 
il  y  avait,  dans  un  voisinage  plus  rapproché,  des  églises  en- 
tièrement voûtées  et  dont  la  solidité  ne  laissait  rien  à  désirer, 
notamment  l'abbaye  du  Ronceray  à  Angers  et  celle  de  Mon- 
tierneufà  Poitiers;  mais  les  triples  nefs  de  ces  édifices  étaient 
étroites  et  mal   éclairées.   On  comprend  donc   que  la  nef 


3ii  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

unique  et  très-large  de  St. -Pierre  d'Angoulême  ait  paru  plus 
commode  et  d'un  aspect  plus  imposant.  On  comprend  aussi 
que  les  fondateurs  de  Fontevrault  aient  pu  facilement  con- 
naître l'œuvre  dont  ils  se  sont  inspirés.  Dans  le  premier 
quart  du  XIIe.  siècle,  le  siège  d'Angoulême  avait  en  effet  une 
importance  bien  plus  grande  qu'avant  cette  époque  ou  de- 
puis. L'évêque  Gérard  était  légat  du  Saint-Siège  pour  tous 
les  diocèses  de  l'ouest ,  et  il  a  réuni  plusieurs  fois  des  con- 
ciles dans  sa  ville  épiscopale ,  notamment  en  1117  où  on 
traita  des  affaires  relatives  au  monastère  de  Fontevrault. 

Les  coupoles  de  Fontevrault ,  si  bien  placées  pour  exercer 
une  grande  influence  ,  ont  eu  à  leur  tour  des  imitateurs  et 
beaucoup.  Au  sud  de  la  Loire  ,  on  trouve  à  Cormery ,  à 
Monts ,  à  Villandry  ,  des  coupoles  isolées  ,  mais  à  pendentifs 
byzantins,  qui  ont  été  dessinées  et  décrites  par  un  antiquaire 
anglais,  M.  John  Petit.  La  collégiale  de  Loches,  qui  n'est 
pas  antérieure  à  la  seconde  moitié  du  XIIe.  siècle,  affecte 
aussi  par  ses  voûtes  en  pyramide ,  et  mieux  encore  par  son 
plan  général ,  une  certaine  ressemblance  avec  la  nef  de  Fon- 
tevrault; mais  c'est  là  un  fait  anormal  et  sans  conséquences 
pour  la  marche  de  l'architecture  dans  le  pays. 

Il  en  est  autrement  des  coupoles  sans  pendentifs  distincts 
que  l'on  voit  à  Fontevrault  même  ,  sur  le  transept ,  puis  à 
St. -Martin  d'Angers  :  elles  naissent  naturellement  des  vraies 
coupoles ,  car,  lorsque  l'espace  à  couvrir  n'est  pas  très-grand, 
on  est  porté  à  laisser  se  continuer  jusqu'au  sommet  cette 
première  voûte  sphérique  ,  établie  sur  la  diagonale  des  piliers 
et  découpée  par  les  grands  arcs  qui ,  après  avoir  fourni  les 
pendentifs,  s'interrompt,  pour  faire  place  à  la  calotte  de 
la  coupole.  Alors  il  n'y  a  plus  de  corniche  à  la  naissance  de 
cette  calotte,  toutes  les  parties  de  la  coupole  sont  tracées  avec 
le  même  rayon  ez  les  pendentifs  se  confondent  avec  le  reste. 
C'est  une  évidente  simplification  sans  aucun  inconvénient , 


XXIX*.  SESSION,  A   SAUMUR.  315 

quand  le  diamètre  réel  reste  médiocre,  et  qui  a  ses  avantages  ; 
car  elle  dispense  de  relever  autant  la  clef  des  voûtes  ainsi  que 
les  charpentes.  Aussi  a-t-elle  été  essayée  maintes  fois  dans  l'An- 
goumois  comme  en  Orient.  M.  de  Verneilh  l'a  même  observée 
à  Ste.  -Sophie,  au-dessus  de  quelques  travées  des  gynécées  ou 
tribunes.  Mais,  en  Anjou,  elle  a  eu  des  conséquences  étendues 
et  a  conduit  à  un  nouveau  système  d'architecture. 

Les  nervures  arrivaient  du  nord  de  la  France  avec  les  pre- 
mières notions  du  style  ogival.  On  imagina  de  fortifier,  ou 
plutôt  de  décorer,  au  moyen  de  nervures,  les  coupoles  sans 
pendentifs  distincts.  C'est  ce  que  l'on  remarque  à  Saumur  , 
dans  les  églises  de  St. -Pierre  et  de  Nantilly  ;  à  Angers,  dans 
l'intérieur  du  clocher  de  St. -Aubin  ;  à  Chinon ,  dans  la 
tour  du  Moulin.  Dans  ces  divers  monuments ,  des  nervures 
se  croisent  sous  la  voûte ,  mais  elle  reste  parfaitement  sphé- 
rique  et  composée  d'assises  concentriques. 

Bientôt  la  fusion  se  fait  plus  complète  entre  le  système  by- 
zantin et  le  système  ogival.  A  St. -Lazare  de  Fontevrault  et  à 
la  cathédrale  d'Angers,  dès  le  milieu  du  XIIe.  siècle,  la  voûte 
d'arêtes  est  adoptée  avec  les  nervures  ;  mais  elle  est  très- 
surhaussée  et  devient  domicaie  ,  selon  l'expression  de  M. 
Parker,  ou,  si  l'on  aime  mieux,  analogue  à  un  dôme.  D'ailleurs, 
la  nef  est  large  et  unique,  les  travées  sont  exactement  carrées, 
et,  en  plan  ainsi  qu'en  élévation  ,  l'édifice  continue  à  res- 
sembler singulièrement  à  la  nef  de  Fontevrault. 

Comme  avec  les  formes  domicales  le  poids  des  voûtes  ne 
porte  plus  exclusivement  sur  les  nervures  diagonales,  on  en 
réduit  successivement  la  force  de  manière  à  les  convertir  en 
simple  tores,  dont  les  queues  se  confondent  avec  le  remplis- 
sage des  berceaux  ;  en  même  temps  on  double  le  nombre  des 
nervures,  surtout  dans  un  but  de  décoration,  et  on  en  met, 
contre  l'usage  du  nord,  au  sommet  ou  à  la  clef  de  chaque 
berceau.  Des  édifices  à  nef  unique,  ce  genre  de  voûtes  passe 


316  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

aux  églises  à  trois  nefs,  comme  St. -Serge  d'Angers,  la  cathé- 
drale de  Poitiers  et  le  Puy-Notre-Dame  ;  il  est  systématique- 
ment employé  même  dans  les  monuments  d'architecture 
civile,  tels  que  le  bel  hospice  d'Angers,  et  il  se  conserve  par- 
fois jusqu'au  XVe.  siècle. 

Ainsi  se  forme  le  style  ogival  de  l'Anjou  ,  que  M.  Godard- 
Faultrier  a  nommé  style  Plantagenet,  et  qui,  en  effet,  se  ré- 
pand dans  presque  tous  les  pays  soumis  à  la  domination 
d'Henri  II  et  de  Richard-Cœur-de-Lion.  Ses  productions 
sont  innombrables  en  Anjou  et  dans  les  provinces  circonvoi- 
sines.  A  Saumur  ,  la  chapelle  de  St.-Jean,  aujourd'hui  en- 
globée dans  un  couvent,  mais  soigneusement  restaurée  aux 
frais  des  dames  de  la  ville  ,  en  est  un  des  plus  élégants  spé- 
cimens. Au  sud,  on  le  retrouve  à  La  Couronne,  près  d'An- 
goulème;  à  St.-i\lacaire ,  près  de  Bordeaux,  et  peut-être  les 
cathédrales  à  vaisseau  unique  qui  dominent  dans  le  midi 
doivent-elles  y  être  rattachées,  quoique  leurs  voûtes  ne  soient 
plus  domicales.  Au  nord  ,  le  style  Plantagenet  se  montre  au 
Mans  ,  dans  l'hospice  de  Pontlieue  et  dans  la  nef  de  l'église 
de  Ja  Couture  ;  à  Laval ,  dans  la  cathédrale  ;  dans  la  Nor- 
mandie, à  Pontorson ,  à  Cherbourg,  à  Valognes,  on  en  saisit 
encore  des  traces  ,  mais  elles  sont  bien  faibles.  Aussi  paraît-il 
très-douteux  que  ce  style  ait  passé  la  Manche,  et  surtout 
qu'il  ait  exercé  sur  l'architecture  anglaise  du  XIIIe.  siècle 
l'influence  considérable  que  31  M.  Parker  et  Viollet-Leduc 
sont  disposés  à  lui  attribuer.  Cependant  M.  de  Verneilh  se 
propose  de  vérifier  attentivement  le  fait  dont  il  s'agit  ,  dans 
le  voyage  qu'il  va  faire  en  Angleterre. 

Chose  curieuse!  il  existe  en  Allemagne  ,  à  Paderborn,  un 
édifice  que  l'on  sait  avoir  été  bâti  vers  1015  ,  per  operarios 
grivcos.  Comme  St. -Front,  il  a  introduit  dans  le  pays  où  il 
se  trouve  l'usage  de  la  voûte  sphérique  qui  s'est  continué 
pendant  toute  la  durée  du  style  roman,  et  a  modifié  ensuite 


XXIX*.    5£SSI0N  ,    A    SAU.UUI'..  317 

le  style  ogival  dans  le  même  sens  qu'en  Anjou.  Malgré  l'éloi- 
gnemcnl,  malgré  le  génie  différent  des  populations ,  les  mômes 
causes  ont  produit  des  effets  très-analogues  en  Wesphalie  et 
sur  les  bords  de  la  Loire. 

M.  de  Vernoilh  termine  en  disant  que  le  style  Plantagenct, 
loin  de  mériter  l'oubli,  devrait  se  perpétuer  en  Anjou.  Lorsque 
l'on  construit  une  cathédrale ,  ce  qui  arrive  rarement  de  nos 
jours,  il  convient,  sans  doute ,  de  prendre  l'art  ogival  sous  sa 
forme  la  plus  populaire  et  la  plus  brillante;  mais,  pour  les 
édifices  de  second  et  de  troisième  ordre,  qui  se  multiplient 
si  heureusement  dans  chacune  de  nos  provinces  françaises, 
il  faudrait  éviter  de  les  jeter  tous  dans  le  même  moule.  Le 
style  Plantagcnet,  qui  se  recommande  par  la  solidité,  la  com- 
modité et  l'économie,  a  dès-lors  des  droits  particuliers  à  l'at- 
tention des  architectes  de  l'Anjou  :  ils  peuvent  en  tirer  des 
effets  nouveaux  et  lui  faire  faire  de  véritables  progrès,  car  il 
n'a  point  donné  son  dernier  mot. 

Les  dernières  paroles  de  l'orateur  ont  été  suivies  d'une 
triple  salve  d'applaudissements ,  et  le  public  a  témoigné  de 
l'intérêt  qu'il  a  trouvé  dans  les  trois  conférences  qui  ont 
été  faites  cette  année. 


EXPLORATION 
DES    TXJMXJLXJS 

DU  DÉPARTEMENT  DU  FINISTÈRE 

(  Rapport  adressé  à  M.  de  Cautnont  ), 

Par  H.  DU  CHATELLIER  , 

Membre  de  l'Institut  des  provinces  et  de  la  Société  française 
d'archéologie. 


Mon  cher  Directeur, 

La  Société  française  d'archéologie,  dans  sa  session  du  Con- 
grès de  Reims  en  juillet  1861 ,  a  bien  voulu  m'accorder  son 
concours  et  une  allocation  pour  des  recherches  relatives  aux 
monuments  celtiques  encore  si  nombreux  en  Bretagne,  et 
particulièrement  dans  les  deux  départements  du  Morbihan 
et  du  Finistère. 

L'objet  et  l'intérêt  de  ces  recherches  se  recommandaient 
d'eux-mêmes. 

Quelle  partie  de  notre  histoire,  en  effet,  est  restée  plus 
obscure  et  plus  difficile  à  pénétrer  que  celle  des  races  celto- 
gauloises  cimmériennes  ,  ou  autres ,  qui  occupèrent  notre 
beau  pays  avant  la  conquête  des  Romains  ,  et  ont  en  quelque 
sorte  enfoui ,  dans  les  profondeurs  obscures  de  leurs  tom- 
beaux ,  les  seuls  titres  restant  de  leur  origine  comme  de  leur 
existence  ? 

Je  sais  une  partie  des  persistants  efforts  qui  sont  faits 
par  quelques  linguistes  pour  retrouver  la  filiation  des  langues 
celto-cimmériques,  ou  leur  titre  de  parenté  avec  le  sanscrit  : 


EXPLORATION    DES   TU. ML  LUS    DU    FINISTERE.  319 

je  sais  quelles  autres  recherches  sont  poussées,  avec  une 
égale  persistance,  vers  l'histoire  physiologique  et  ethno- 
graphique des  anciennes  races  dont  les  évolutions  se  suivent, 
ou  s'aperçoivent,  depuis  le  pays  de  l'Iran  jusqu'aux  bassins 
des  vallées  où  s'arrêtèrent,  en  Europe,  les  premières  tribus, 
qui  ont  servi  parmi  nous  de  souche  aux  nombreuses  et 
vaillantes  races  qui  ont  animé  de  leur  génie  l'antiquité  , 
et  jusqu'aux  grandes  nationalités  de  nos  temps  modernes. 
Mais  je  sais  aussi  ce  qu'il  y  a  souvent  de  hasardé  et  d'hy- 
pothétique dans  ces  appréciations  plus  ou  moins  ingénieuses  ; 
et  quand  beaucoup  ont  attribué  jusqu'à  ce  jour  le  premier 
peuplement  de  l'Europe  à  un  puissant  courant  de  populations 
qui  se  serait  élevé  du  sud  de  l'Asie ,  par  le  Caucase  et  le 
Niéper ,  pour  passer  de  là  vers  les  régions  fortunées  de  notre 
continent ,  je  sais  également  qu'il  y  a  d'autres  savants  qui 
vont  chercher  jusque  dans  les  steppes  de  l'Afrique  ,  chez  les 
Berbers ,  une  race  brune  à  tête  ronde ,  qui  pourrait  bien 
avoir  compté,  parmi  les  plus  vaillants  hommes,  des  ancêtres 
desquels  serait  descendue  une  notable  partie  de  notre 
population,  qui  n'eut  jamais  ni  les  cheveux  blonds,  ni  la 
haute  stature  et  le  tempérament  un  peu  lymphatique  des 
Cimmériens  et  des  hommes  du  Nord. 

Mais,  jusqu'à  présent ,  que  conclure  de  ces  données  plus 
ou  moins  vagues;  qu'espérer  de  ces  rapprochements, souvent 
très -ingénieux,  mais  souvent  aussi  dépourvus  de  preuves 
et  de  faits  suffisants  pour  faire  démonstration  ?  Qu'ils  se 
continuent,  et  la  science  ne  pourra  que  s'en  bien  trouver. 
Mais  il  y  a,  suivant  nous,  un  champ  beaucoup  plus  vaste  et 
plus  riche  à  explorer  :  c'est  celui  des  fouilles  à  diriger  vers 
tous  les  monuments  celtiques  encore  existants,  non-seulement 
en  France ,  en  Angleterre,  en  Allemagne ,  dans  le  Nord  et 
jusqu'en  Islande ,  mais  même  en  Asie,  au  nord  de  la  mer 
Noir,e  et  sur  les  bords  de  la  Méditerranée  et  du  Bosphore , 


320  C0N6Rfc3   AUCHÈOrOtilQL'i   de   fbam;p. 

où  plus  d'un  lumulus  ancien  a  déjà  fourni  des  débris  et  des 
souvenirs  qui  se  classeront  un  jour  d'eux-mêmes  dans  la 
longue  série   des  antiquités  celliques. 

Les  dolmens,  les  tumulus,  les  menhirs,  les  cromlechs,  les 
pierres  branlantes,  et  tout  ce  qui  nous  vient  des  Celtes  ou 
d'autres  peuples,  doit  donc  être  étudié,  examiné  à  nouveau  ; 
et,  en  s'attachant  ainsi  et  par-dessus  tout  aux  faits,  à  la 
réalité,  il  serait  bien  surprenant,  qu'avec  des  recherches 
suffisantes ,  on  n'arrivât  pas  à  renonciation  de  quelques  faits 
historiques  d'une  importance  incontestable. 

C'est  parce  que  j'avais  déjà  vu  et  examiné  beaucoup  de  mo- 
numents celtiques,  que  j'en  avais  fouillé  plusieurs  avec  succès, 
que  l'idée  m'est  venue  de  reprendre  cette  étude  et  de  pro- 
poser à  la  Société  française  d'archéologie  d'y  porter  son 
attention ,  avant  qu'ils  arrivent  à  disparaître  à  peu  près 
complètement  sous  les  incessantes  attaques  des  populations 
et  des  hommes  qui  se  serrent  de  plus  en  plus  sur  le  sol  où 
ces  monuments  n'ont  si  long-temps  subsisté  que  parce  qu'ils 
y  étaient  en  quelque  sorte  inaperçus. 

J)e  nouveau  donc  je  remercie  la  Société  française  de  son 
habile  et  dévoué  concours  ;  et  en  lui  reportant  tout  le  mérite 
des  quelques  découvertes  que  j'ai  faites  dans  huit  à  dix 
explorations  entreprises  en  son  nom,  dans  le  courant  des 
derniers  mois  de  l'été  passé ,  j'espère  qu'elle  ne  s'arrêtera 
pas  dans  la  voie  des  investigations  que  j'ai  poursuivies  avec 
son  appui. 

Mais  ,  d'abord  ,  quelques  courtes  remarques  sur  les  mo- 
numents que  j'ai  cru  devoir  explorer. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit ,  le  Finistère  ,  comme  le  Mor- 
bihan ,  est  encore  couvert  de  monuments  celtiques  de  la 
plus  grande  et  de  la  plus  belle  conservation.  Un  archéologue 
breton,  le  docteur  Halléguen,  qui  s'est  donné  le  soin  d'en 
visiter  beaucoup ,  croyant  les  avoir  dénombrés  à  peu  près 


EXPLORATION    DES   TUMULUS   DU    FINISTÈRE.  321 

complètement ,  en  élève  le  chiffre  jusqu'à  700 ,  pour  le 
Finistère  seul.  J'admets  que  ses  observations  ont  été  bien 
faites  ;  mais  je  tiens  cependant  pour  à  peu  près  certain  qu'il 
y  en  a  beaucoup  qu'il  n'a  pas  connus  ;  et  ce  qui  me  fait 
le  penser,  c'est  que,  dans  un  rayon  de  moins  d'un  my- 
riamètre  de  mon  habitation  ,  j'en  découvre  tous  les  jours 
de  nouveaux  ,  et  qu'un  archéologue  de  mes  amis ,  qui  a  été 
jusqu'à  faire  la  topographie  monumentale  d'une  seule  pa- 
roisse de  mon  voisinage,  malgré  tous  ses  soins,  n'a  pu  tout 
voir  et  tout  décrire. 

Chercher ,  désigner  et  bien  déterminer  les  monuments 
celtiques  encore  existants  en  Bretagne ,  ne  sera  donc  pas 
d'ici  long-temps  un  travail  inutile  et  oiseux. 

Ceux  que  j'avais  sous  la  main ,  dans  le  canton  de  Pont- 
l'Abbé ,  s'offraient  naturellement  à  moi  comme  devant  être 
l'objet  de  mes  premières  recherches. 

Des  menhirs,  des  dolmens  et  des  tumulus,  sont  à  peu  près 
les  seuls  monuments  d'origine  celtique  incontestable  qui 
s'offrissent  à  mes  recherches. 

Quelques  très-beaux  menhirs  et  de  vastes  dolmens ,  avec 
ou  sans  galeries  d'accession  ,  m'étaient  connus ,  mais  ne 
m'ont  pas  paru  devoir  attirer  mes  premières  investigations  : 
d'abord ,  pour  les  dolmens ,  parce  que  je  savais  depuis  long- 
temps», et  à  n'en  pas  douter ,  qu'ils  n'étaient  autre  chose 
que  des  tombeaux  débarrassés  de  leur  enveloppe  tumulaire , 
et  par  conséquent  fouillés  et  mis  à  découvert  depuis  un 
temps  plus  ou  moins  éloigné;  et,  pour  les  menhirs,  parce 
qu'il  y  a  de  grandes  difficultés  à  descendre  jusqu'à  leur  base, 
et  peu  de  chances  généralement  d'y  faire  des  découvertes 
importantes. 

Les  tombelles,  les  bustes,  les  tumulus  donc  se  présentaient 
à  mon  esprit  comme  devant  offrir  les  chances  de  succès  les 
plus  probables. 

.21 


322  CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

Je  portai  ma  première  attention  sur  ceux  qui  me  pa- 
raissaient à  la  fois  les  plus  considérables  et  les  plus  intacts. 

Les  tumulus  du  Palud ,  de  la  Torche ,  de  Rosmeur  et  de 
Kerboulon  peu  distants  les  uns  des  autres ,  furent  l'objet 
de  mes  premières  fouilles. 

Tous  trois  placés  sur  la  limite  des  deux  paroisses  de 
Penmarch  et  de  Plomeur,  sur  une  côte  aride  dont  les  roches 
et  les  lignes  onduleuses  de  sable  prêtent  au  site  quelque 
chose  du  désert ,  se  présentaient  à  l'imagination  comme  des 
stations  antiques ,  peut-être  sans  date  ,  mais  non  sans  une 
certaine  poésie  à  laquelle  l'attention  s'attache  avec  une 
curiosité  d'autant  plus  vive  que  l'homme  s'est  en  quelque 
sorte  retiré  de  ces  lieux ,  et  qu'on  n'aperçoit  qu'à  une 
certaine  distance  les  cultures  et  les  fermes  qu'il  occupe 
aujourd'hui. 

Le  premier  de  ces  tumulus ,  dont  je  vous  parlerai ,  est 
celui  du  Palud  lui-même ,  en  quelque  sorte  perdu  au  mi- 
lieu des  sables  et  n'offrant  aux  yeux  peu  exercés  des  pas- 
sants qu'un  monticule ,  pareil  à  tous  ceux  que  les  vents  de 
mer  ont  élevés  sur  celte  côte  inhospitalière.  Mais  j'avais 
remarqué  une  croix  près  de  ce  tertre ,  et  aussi  quelques 
pierres  légèrement  découvertes  dont  les  crêtes  perçaient  le 
linceul  de  sable  qui  les  enveloppait.  Je  ne  tardai  pas  à 
reconnaître  qu'il  y  avait  là  un  tumulus;  et,  l'ayant  vivement 
attaqué  avec  une  dixaine  de  travailleurs  partagés  en  deux 
groupes  que  je  plaçai  au  nord  et  au  sud  de  la  tombelle ,  j'eus 
bientôt  mis  à  découvert  huit  pierres  placées ,  comme  on  le 
voit  au  plan  n°.  1. 

L'ensemble  de  la  sépulture,  s'orientant  du  sud  au  nord 
sur  une  espace  de  9  à  10  mètres,  se  divisait  en  deux  groupes 
de  tombes ,  chacun  composé  de  quatre  pierres  brutes  de 
2  mètres  à  2  mètres  20  de  longueur,  sur  50  à  60  c.  de  large, 
avec  une  épaisseur  moyenne  de  30  à  U0  c. 


EXPLORATION    DES  TUMULUS   DU   FINISTÈKE.  323 

Les  deux  groupes  étaient  séparés  l'un  de  l'autre  par  un 
espace  de  3  mètres  environ. 

En  nous  arrêtant  d'abord  aux  quatre  tombes  du  sud ,  qui 
étaient  placées  parallèlement,  mais  inégalement  entr'elles, 
sur  une  surface  de  k  mètres  50  environ  ,  on  remarque  (  car 
nous  avons  pu  en  laisser  trois  en  place  )  que  l'extrémité  sud 
de  chacune  de  ces  pierres  tombales  repose  sur  un  muretin 
en  pierres  brutes  et  sèches  qui  forment  comme  une  cloison 
pleine  à  l'extrémité  sud,  quand,  au  contraire,  le  bout  de  ces 
lombes,  tourné  vers  le  nord,  ne  repose  que  sur  une  sorte 
de  coussinet  en  pierres  brutes  formant  un  appui  séparé  pour 
chacune  d'elles.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  fort  remarquable,  c'est 
que  l'espace  entre  ce  coussinet  du  nord  et  le  muretin  du 
sud,  comprenant  toute  la  longueur  de  la  tombe,  est  lui- 
même  partagé  par  une  pierre  plate  posée  de  champ,  qui 
forme  comme  une  seconde  cloison  à  20  ou  25  c.  du  coussinet 
nord;  de  sorte  que  l'espace  compris  entre  le  muretin  du  sud 
et  cette  cloison  n'est  plus  que  de  60  à  70  c. 

Tous  les  sables  enlevés  et  ces  tombes  parfaitement  dé- 
gagées ,  on  en  comptait  donc  huit  :  quatre  au  sud  et  quatre 
au  nord.  Orientées  très-symétriquement ,  elles  laissaient 
penser  qu'un  cadavre  avait  dû  être  placé  sous  chaque 
tombe  ,  en  supposant  un  espace  de  50  à  60  c.  au  moins 
entre  le  dessous  de  la  pierre  tombale  et  le  lit  même  de  la 
tombe.  Nous  prîmes  les  plus  grands  soins  pour  explorer  les 
sables  restés  entassés  et  formant  le  plein  sous  ces  pierres. 
Quelques  fragments  d'os  ,  deux  à  trois  dents  molaires  de 
cheval  avaient  déjà  été  trouvés  dans  l'entre-deux  de  ces 
tombes,  et  nous  nous  attendions  à  rencontrer  les  ossements 
des  cadavres  étendus  dans  toute  leur  longueur  sous  lesMalles, 
dont  la  dimension  variait  entre  2  mètres  et  2  mètres  20  ; 
mais  non,  le  seul  espace  de  60  à  70  c.  entre  le  muretin 
du  sud  et  la  pierre  placée  de  champ  à  20  c.  du  coussinet 


524      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

nord,  servant  de  support  à  la  tombe,  contenait  des  ossements. 
Si  bien  que  nous  reconnûmes ,  dans  la  tombe  placée  au 
sud-est ,  tout  un  squelette  dont  l'épine  dorsale  et  les  omo- 
plates avaient  été  relevées  par  des  pierres  brutes,  de  manière 
que  le  haut  du  thorax  touchât  presque  la  pierre  plate 
formant  cloison,  et  que  la  tête  eût  été  complètement  re- 
courbée sur  la  poitrine.  Quant  aux  jambes,  elles  avaient  été 
également  repliées  sur  elles-mêmes ,  et  les  hommes  inhumés 
sous  ces  tombes,  d'un  caractère  si  brut  et  si  primitif,  ne 
pouvaient  évidemment  avoir  été  placés  qu'à  la  manière  des 
Mexicains,  c'est-à-dire  accroupis  sur  eux-mêmes,  les  jambes 
repliées  ,  et  peut-être  ramassées  sous  le  menton  ;  car  nous 
n'avons  trouvé  de  restes  un  peu  complets  que  dans  la  tombe 
placée  au  sud-est,  et  encore  n'y  avait-il  là  que  les  côtes  et  les 
os  du  thorax  avec  quelques  vertèbres  de  bien  conservés.  La 
tête  avait  complètement  disparu  ,  mais  le  tout  paraissait  évi- 
demment disposé  pour  laisser  en  hauteur  un  espace  plus 
grand  que  celui  exigé  pour  l'épaisseur  d'un  cadavre. 

Quelques  dents  de  cheval ,  comme  nous  l'avons  dit ,  avec 
les  débris  d'une  tête  trouvés  dans  la  tombe  du  sud-ouest 
et  deux  fragments  de  poterie  grossière ,  sont  les  seuls  objets 
que  nous  ayons  rencontrés. 

Quant  aux  quatre  tombes  du  nord,  disposées  comme  celles 
du  sud  et  placées  sur  une  même  ligne ,  elles  présentent  des 
pierres  encore  plus  brutes  que  celles  du  sud.  A  peine  dé- 
grossies, elles  ont  à  l'une  de  leurs  extrémités  jusqu'à  1  mètre 
d'épaisseur;  quant  à  l'autre,  elles  n'ont  pas  plus  de  20 
à  25  c.  en  toutes  dimensions.  Examinées  de  près,  ces  pierres 
n'ont  évidemment  subi  l'action  d'aucun  coin  ou  instrument 
en  métal ,  quoique  fragmentées  sur  quelques-unes  de  leurs 
arêtes,  dressées  sans  doute  à  l'aide  de  galets  ou  des  cailloux 
pareils  à  ceux  qui  se  trouvent  en  très-grand  nombre  sur  la 
côte ,   seul  endroit  d'où  ces  tombes  aient  pu  être  tirées  et 


EXPLORATION    DES   TUMULUS   DU    FINISTÈRE.  325 

roulées  pour  élever  le  monument  dont  nous  nous  occupons , 
et  qui  se  trouve  placé ,  comme  nous  l'avons  dit ,  à  environ 
1  kilomètre  du  bord  de  la  mer.  Il  présente  encore,  quoiqu'au 
milieu  des  sables,  des  dimensions  générales  de  37  mètres 
de  long  sur  30  de  large ,  avec  une  hauteur  de  h  mètres 
à  peu  près ,  réduite  aujourd'hui  à  2  mètres  environ  par 
l'enlèvement  des  pierres  qui  formaient  la  partie  élevée  de  ce 
tumulus,  de  forme  conique,  aujourd'hui  très-abaissé. 

Ce  premier  lieu  visité  ,  nous  nous  sommes  rendus  à  la 
pointe  de  Rosmeur,  sise  au  nord-ouest  du  bourg  de  Pen- 
march,  vis-à-vis  la  roche  escarpée  de  la  Torche,  lieu  célèbre 
dans  la  chronique  légendaire  du  pays  par  son  siège  d'Aris- 
tole,  où  tous  les  touristes  qui  visitent  la  Bretagne  tiennent 
à  honneur  de  s'asseoir,  et  son  Sault-du-lMoine  ,  large  pré- 
cipice béant  que  quelques  imprudents  sautent  encore  sans 
trop  s'effrayer  de  la  roche ,  de  forme  ronde ,  tenue  en 
suspens  entre  ses  parois  et  que  la  légende  assure  être  la  tête 
du  pauvre  cénobite,  qui  a  laissé  son  nom  au  lieu  si  juste- 
ment redouté. 

S'élevant  en  forme  de  cône ,  un  peu  déprimé  à  son 
sommet ,  le  tumulus  du  Ilosmeur  s'aperçoit  de  loin ,  au 
milieu  de  ces  sites  heurtés  et  pittoresques.  Le  plus  grand 
diamètre  de  sa  base ,  sur  un  sol  granitique  et  rocheux,  est  de 
ùû  mètres,  et  son  plus  petit  diamètre  de  33  mètres  environ; 
sa  hauteur  culminante,  avant  nos  travaux,  était  de  6  mètres. 

Une  fouille,  faite  par  les  agents  de  la  commune  sur  le 
côté  sud  du  monument  pour  se  procurer  quelques  pierres 
propres  au  macadamisage  des  roules  municipales  ,  m'avait 
d'abord  donné  l'idée  de  suivre  cette  première  piste  pour  passer 
du  revêtement  qui  avait  été  attaqué  au  centre  même  du 
monument;  mais  l'aspect  général  du  tumulus,  son  revêtement 
extérieur  en  terre ,  sa  seconde  enveloppe,  en  pierres  mobiles, 
qui  seule  avait  été  entamée  dans  la  partie  inférieure,  me 


326     CONCISES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

donnèrent  la  pensée  que  j'aurais  plus  vite  fait  d'attaquer  le 
monticule  par  sa  crête  pour  arriver  à  ciel  ouvert ,  et  non 
en  galerie,  au  centre  même  du  lieu  où  devaient  être  placées 
les  chambres  ou  compartiments  que  je  soupçonnais. 

Nos  recherches  furent  donc  poussées  dans  cette  direction , 
et ,  à  peine  arrivés  à  2  mètres  après  avoir  traversé  la 
couche  de  terre  d'une  épaisseur  de  60  c.  environ  et  remué 
des  pierres  brutes  de  toutes  dimensions,  nous  commençâmes 
à  rencontrer  des  fragments  d'os  et  de  poterie ,  mais  sans 
que  ces  fragments  fussent  près  l'un  de  l'autre,  ou  symé- 
triquement placés.  Des  cendres,  quelques  rares  morceaux 
de  charbon  d'une  petite  dimension ,  se  montraient  en  même 
temps.  Bientôt  on  rencontra  des  fers  de  dard  et  de  lance 
fortement  oxydés ,  puis  des  tessons  et  le  fond  de  quelques 
vases  encore  pourvus  de  cendres  et  de  débris  carbonisés  ; 
puis  quelques  monnaies  romaines  en  cuivre.  Frappés  de  ces 
rencontres  et  arrêtés  quelques  instants  par  ces  débris  jetés 
pêle-mêle  au  milieu  des  pierres  entassées  sans  ordre ,  nous 
nous  sommes  remis  à  l'œuvre  en  poussant  vers  le  cœur  du 
tumulus.  En  peu  de  temps  ,  nous  sommes  arrivés  à  des 
pierres  larges  et  plates  placées  horizontalement,  comme  je 
m'y  attendais.  Puis,  je  remarquai  sur  les  côtés,  sur  tout  le 
pourtour  d'un  puits  d'environ  3  mètres  de  baie  que  j'avais 
ouvert,  comme  un  cloisonnement  en  pierres  brutes,  qui 
s'élargissait  en  formant  la  voûte  en  descendant  sur  le  sol. 
Nous  étions  bien  au  centre  du  monument  et  dans  l'espace 
formant  la  salle  ou  le  caveau  principal  d'une  sépulture.  ) 

Nous  descendîmes  ainsi ,  toujours  en  vidant  les  lieux  , 
jusqu'à  5  mètres  environ  de  la  crête.  On  peut  tracer  à  peu 
près  comme  en  la  feuille  n°.  2  l'aspect  général  de  cette 
excavation,  ayant  en  F  une  chambre  voûtée  en  pierres  brutes, 
de  1  mètre  60  dans  les  deux  sens  sur  1  mètre  80  de  hauteur; 
une  très-belle  dalle  en  granit  formant  le  plan  parterre;  en  E, 


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TUMULUS    EXPLORES     DANS    LE    FINISTERE 


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EXPLORATION    DES   TUMULUS   DU    FINISTÈRE.  327 

une  galerie  couverte  formée  de  pierres  sur  champ ,  de 
1  mètre  60  à  2  mètres  20  de  hauteur,  avec  quatre  tables 
horizontales ,  dont  trois  sont  restées  en  place  et  présentant 
tontes  des  dimensions  considérables  ,  jusqu'à  2  mètres  10 
de  longueur  sur  0  mètre  70  de  largeur,  avec  une  épaisseur 
moyenne  de  0  mètre  20  à  0  mètre  25.  En  E  et  en  F , 
d'autres  renfoncements  ou  hémicycles,  plus  ou  moins  pro- 
noncés ,  sur  le  champ  desquels  la  plus  grande  partie  des 
tessons  et  des  ossements ,  mais  non  des  armes ,  ont  été 
trouvés  ;  quand,  au  contraire,  nous  n'avons  rencontré  dans 
la  galerie  couverte  qu'une  médaille  romaine  de  très-petit 
module  ;  enfin ,  sur  le  côté,  en  G  ,  des  pierres  debout ,  de 
1  mètre  environ  ,  formant  la  base  du  cloisonnement ,  et  aux 
lettres  C ,  D ,  encore  des  pierres  debout ,  de  1  mètre  80 
à  2  mètres  sur  une  largeur  de  0  mètre  30  a  0  mètre  60  , 
qui  ont  évidemment  perdu  leurs  tables  ou  pierres  de  re- 
couvrement. 

Puis,  en  dernier  lieu,  après  des  fouilles  poussées  jusqu'au 
sol  primitif  et  même  sous  la  large  dalle  de  la  grotte  F,  un 
lit  de  terre  fine,  sans  pierres  et  sans  graviers,  qu'on  dirait 
avoir  été  tamisée  pour  former  le  lit  général  du  tombeau,  sur 
une  épaisseur  constante  de  30  à  U0  c.  L'ensemble  du  caveau 
présentait  au  ras  du  sol  3  mètres  à  3  mètres  60  de  largeur. 

D'assez  nombreuses  observations  doivent  être  exprimées 
sur  les  objets  trouvés  et  la  place  où  ils  ont  été  rencontrés  ; 
mais,  qu'on  nous  permette  de  les  rejeter  à  la  fin  de  cet 
exposé,  pour  passer  au  troisième  tumulus  que  nous  avons 
ouvert  et  qui  se  trouve  plus  à  l'est  du  Palud ,  près  d'un 
village  nommé  Kerboulon. 

Ici ,  comme  dans  les  deux  autres  explorations ,  nous 
sommes  en  face  d'un  tumulus  ou  gogal  (suivant  le  nom 
en  usage  dans  le  pays),  parfaitement  caractérisé  :  23  mètres 
sur  19  de  base,  avec  une  élévation  d'environ  3  mètres  au- 


328  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

dessus  du  niveau  actuel  du  sol.  Deux  des  pierres  d'en- 
tablement sont  à  découvert,  et  on  a  enlevé  ici,  comme  dans 
celui  de  Croix-ar-Gloannec ,  les  pierres  brutes  ayant  formé 
une  partie  du  revêtement  sur  un  espace  de  2  à  3  mètrçs  ; 
de  sorte  que  l'on  aperçoit  par  les  interstices  restés  entre  les 
tables,  ou  dolmens  découverts,  la  chambre  principale  du 
gogal  dans  laquelle  il  s'agit  de  pénétrer.  Nous  fouillons  et 
nous  enlevons  les  sables  qui  se  sont  amoncelés  après  la  re- 
cherche des  maçons ,  mais  sans  pouvoir  entrer ,  aucun  des 
interstices  ne  présentant  d'espace  suffisant.  Nous  nous  dé- 
cidons à  briser  la  pointe  d'une  des  pierres  formant  enta- 
blement, et  à  démolir  une  partie  de  l'enveloppe  en  pierres 
mélangées  d'argile  très-compacte  et  très-durcie,  qui  forme 
la  couche  la  plus  rapprochée  des  tables,  et  nous  entrons  par 
deux  points  différents.  Quelques  heures  de  travail  soutenu  , 
nous  permettent  de  dégager  le  monument  et  de  vider  com- 
plètement la  chambre  et  la  galerie  qui  en  forment  l'ensemble. 
Quatre  tables  ,  ou  dalles,  placées  sur  des  pierres  établies  de 
champ,  forment  le  monument;  et  quand  on  y  est  descendu , 
on  reconnaît  une  chambre  principale  dont  la  pierre  formant 
la  table  n'a  pas  moins  de  2  mètres  90  à  3  mètres  en  tous 
sens;  trois  à  quatre  pierres  debout,  formant  une  courbe 
irrégulière ,  dessinent  le  pourtour  de  cette  chambre ,  dont  le 
plafond  est  à  70  ou  80  c.  d'élévation.  La  petite  galerie  qui  y 
donne  accès,  ou  plutôt  qui  lui  sert  de  prolongement  vers 
l'est ,  compte  elle-même  trois  belles  pierres ,  de  1  mètre 
à  1  mètre  ZiO  ,  juxta-posées  et  formant  son  plafond.  Des 
pierres  placées  de  champ  et  leur  servant  de  support  com- 
posent cette  galerie,  qui  peut  avoir  environ  h  mètres  de  long, 
et  se  termine  par  trois  pierres  placées  debout  qui  en  ferment 
l'entrée  très-exactement  du  côté  de  l'est,  c'est-à-dire  de  son 
ouverture.  Cette  galerie  elle-même  n'a  pas  plus  de  80  à  90  c. 
de  large,  et  ne  permet  guère  d'en  sortir  qu'à  reculons,  quand 
on  y  est  entré. 


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OBJETS      TROUVES      DANS       LE      TU  MU  LU  S      DU    FINISTERE 


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— »         4-  ÀimcxXùx4,      <V      FtCcFtf 

Q>  = .  ScXexïi    cefhatuts  et    au^.iw\«'     demi:      urs     hotimenb 

Kxnwo     amcttnt       Ux,   ^t.it\Cj    ci  -   tentiOuitt. 

>"ii      Tes     àél-ii?    t-untwo    affectent      l«     formes    ci  -  xeivunKiifé*.". 


^ttHtmuBu    F    Ju  'Jlan  aénèiaE     56  "  X    Bout     mx     %5 

M\.    nccziii    coTwtxuit^  eu.   nuira    à    25  *~     Jux      o  - 

£»    c&tmgu»    ^ulfPée    rr 'au  ■  «f  .  A    ek     B,wt      ir«goî 

te    luoftmJem.  ,    le     ruei'a  ■  iliâiL"    totnù    June    cmicKc    .V    qfawe    (me 

et    llxttne  ,  un.  v««.  niftonie.    et     5o  «nfou  ont  elttûuKu  ,\t,.X  .ju-tl.  A . 

On  «cannait    fa.   hace    5e     I?  i  14  caamfitu  oui  but»  eu.  e'ie  cornÉÊes 

tV  Une  et    de  ■   nwncj   foxlemcul    W^eeo 

On.'  Uou^ecn.  C.C.  ï>eiuc  qa&xio  iWeewian.  auauJ;   cnacune-'  ûmictw 

une   ïo&lc  cat   dette-». 

Ouest-Nord 


r 


EXPLORATION    DES  TUMULUS   DU    FINISTÈRE.  329 

Quoique  j'aio  fait  fouiller  la  chambre  cl  la  galerie  de 
manière  à  enlever  une  partie  des  pierres  qui  en  formaient 
le  champ,  nous  n'avons  trouvé  que  quelques  fragments  d'os 
humains  et  un  ou  deux  os  de  cheval  ou  de  ruminant ,  mais 
que  quelques  carnassiers  peut-être  avaient  pu  entraîner  dans 
cet  antre,  que  les  gens  du  pays  disent  être  pendant  l'hiver 
toujours  rempli  d'eau.  Et  on  le  croit  facilement;  car,  dans 
l'état  actuel  des  lieux ,  par  suite  de  l'amoncellement  continu 
des  sables  que  portent  les  vents  de  la  mer,  les  sables  du 
gogal  se  trouvent  aujourd'hui  à  80  c.  ou  1  mètre  au-dessus 
du  niveau  du  sol  voisin  ,  tandis  que  partout  ailleurs  les  dalles 
ou  tables  de  ces  monuments  sont  constamment  élevées  de 
1  mètre  50  à  2  mètres  au-dessus  des  sols  voisins. 

Cela  dit ,  il  nous  reste  à  parler  des  objets  que  nous  avons 
trouvés  dans  les  gogals  que  nous  avons  ouverts,  et  notamment 
dans  celui  de  Rosmeur. 

Des  tessons  et  des  fragments ,  mais  aucun  vase  entier , 
comme  nous  l'avons  dit.  Des  cendres  et  quelques  charbons , 
toujours  de  petite  dimension  et  se  montrant ,  quand  la  com- 
bustion n'avait  pas  été  complète  ,  sous  la  forme  très-rc- 
connaissable  de  lande  ou  d'ajonc  sauvage  ;  un  ou  deux 
fragments  de  vases  dans  lesquels  on  a  trouvé  de  ces  cendres 
et  de  ces  charbons. 

Ainsi ,  pas  de  doute  possible  :  incinération  certaine  des 
corps  en  l'honneur  desquels  le  monument  a  été  élevé.  Mais 
tout  aussitôt,  plusieurs  questions  se  présentent  et  jettent  les 
doutes  les  plus  embarrassants  sur  l'origine  et  la  date  même 
du  monument.  Nous  y  avons  en  effet  trouvé  quatre  monnaies 
romaines,  dont  deux  de  Trajan  (IP.  siècle),  et  une  autre 
delà  plus  belle  conservation,  de  Conslantin-le- Jeune,  mort 
en  340;  puis  nous  avons  rencontré  des  fragments  de  poterie 
romaine  vernissée,  d'une  belle  pâle  et  d'un  dessin  parfaite- 
ment régulier  ;  voilà  pour  la  partie  déjà  avancée  d'une  ci- 


330  CONGKÈS    AnCnÉOLOGIOUE    DE    FRANCE. 

vilisation ,  que  les  monnaies  de  ïrajan  et  de  Constantin  in- 
diquent. Mais,  d'une  autre  part,  dans  son  ensemble,  la 
construction  est  purement  celtique  :  aucune  pierre  qui  ait 
été  touchée  du  marteau  ou  appareillée  pour  une  construction 
symétrique;  puis,  près  de  ces  fragments  de  poterie  romaine 
accompagnés  d'un  grand  nombre  de  fers  de  lances,  de  dards 
et  de  javelots ,  dont  les  formes  et  les  arêtes  épurées  dénotent 
des  arts  avancés  (1),  on  trouve  des  vases  grossiers,  en  terre, 
dont  la  pâte  graveleuse  et  fortement  micacée  démontre  qu'ils 
n'ont  subi  aucune  cuisson  et  n'ont  pu  appartenir  qu'à  des 
tribus  sauvages,  qui  ont  d'ailleurs  laissé  sur  les  lieux  quelques 
ceitœ  en  pierre  de  jade,  comme  on  en  a  souvent  trouvé 
dans  les  lumulus  du  Morbihan  et  du  Finistère. 

Deux  civilisations,  deux  époques  éloignées  seraient-elles 
ici  présentes ,  et  les  indigènes ,  comme  leurs  conquérants , 
auraient-ils  laissé ,  dans  le  sein  même  de  ce  gogal  ,  des 
souvenirs  de  leur  existence  et  de  leurs  luttes?  A  voir  le 
champ  entier  de  la  chambre  centrale  du  tumulus  rempli  de 
pierres  entassées  au  hasard  ;  à  voir  les  monnaies  et  les  armes 
romaines  trouvées  dans  la  partie  supérieure  de  ces  remblais; 
à  voir  les  fragments  de  vase  ,  tous  séparés  les  uns  des  autres 
et  brisés  eux-mêmes  au  milieu  des  pierres ,  nous  ne  pouvons 
nous  défendre  de  l'idée  d'une  perturbation  ,  d'un  acte  de 
violence  et  de  deux  ordres  d'existence  ou  de  civilisation  qui 
se  sont  attachés  à  ce  monument. 

Et  cependant  on  pourrait  aussi  penser,  si  ce  n'était  le 
trouble  qui  régnait  partout  dans  cette  sépulture,  que  ce  sont 
peut-être  des  Gallo-Romains ,  des  indigènes  habitués  aux 
belles  manières  de  leurs  vainqueurs  qui ,  sans  se  détacher  de 

(1)  Les  armatures  de  dards  et  de  javelots,  que  nous  avons  recueillies 
au  nombre  de  vingt-cinq  à  trente,  varient  entre  0m.  10  et  O™.  05  de 
longueur,  et  présentent  des  formes  assez  variées. 


EXPLORATION   DES  TUMULUS   DU   FINISTÈRE.  331 

leurs  usages  et  de  leurs  traditions  antiques,  ont  enseveli  avec 
lews  morts  les  signes  de  la   civilisation  sous  laquelle  ils 

avaient  passé Mais,  encore  une  fois,  tout  ce  que  le  lieu  a 

de  purement  celtique  répugne  à  cette  opinion  ;  et  quand  on 
regarde  au-dehors  et  qu'on  voit  tout  le  promontoire  sur 
lequel  est  placé  ce  vaste  gogal,  et  un  autre  tumulus  déshonoré 
par  une  fouille  plus  profonde  ,  tous  deux  cernés  par  un  vaste 
ouvrage  de  défense  ayant  trois  à  quatre  cents  mètres  de  dé- 
veloppement et  formant  un  puissant  parapet  en  pierres  brutes, 
de  1  mètre  et  plus  d'élévation  sur  une  base  de  3  mètres 
environ ,  à  la  manière  des  œuvres  cyclopéennes ,  on  ne  peut 
voir  dans  l'ensemble  de  ces  constructions  qu'une  œuvre 
purement  celtique  que  la  conquête  a  visitée,  mais  non  créée. 
Quant  au  gogal  de  Kerboulon,  il  ressemble  trop  com- 
plètement à  ce  que  nous  voyons  partout  pour  ne  pas  y 
reconnaître  un  tombeau  purement  celtique ,  auquel  les 
anciens  archéologues,  s'il  était  dépouillé  de  son  enveloppe , 
donneraient,  comme  ils  l'ont  toujours  fait,  le  nom  de  dolmen 
et  d'autel  druidique,  quand  il  n'est  de  fait  qu'une  chambre 
sépulcrale,  près  de  laquelle,  à  ZtOO  mètres  seulement,  se 
trouve  un  autre  tumulus,  sous  le  nom  de  Runaour  (montagne 
de  l'or),  exploité  depuis  15  à  20  ans,  toujours  par  les  maçons 
constructeurs  du  pays,  et  se  trouvant  réduit  à  ses  tables  en 
forme  de  galerie,  aujourd'hui  composée  de  huit  à  neuf 
pierres  en  entablement , .  dont  une  mesure  3  mètres  sur 
1  mètre  60  (1). 

(1)  D'après  le  récit  qui  m'a  été  fait  sur  les  lieux,  par  les  gens  qui 
ont  assisté,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  à  l'enlèvement  de  l'enveloppe 
de  ce  gogal ,  l'extrémité  ouest  de  la  galerie  était  terminée  par  un 
menhir  qui  a  disparu.  La  partie  est  était  close  par  plusieurs  pierres 
placées  de  champ,  et  l'on  voyait  à  l'extrémité  sud  de  l'ensemble  du 
tumulus,  plusieurs  pierres  debout,  formant  une  petite  galerie  ,  en 
s'appuyant  l'une  contre  l'autre ,  par  la  partie  supérieure  ,  genre  de 


332  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

Reste  le  gogal  de  Croix-ar-Gloannec  ,  d'une  forme  et 
d'un  caractère  tout  différents;  nous  ne  pouvons  le  considérer 
que  comme  l'un  des  plus  anciens  monuments  de  l'âge  cel- 
tique ;  car ,  avec  le  gogal  et  le  tumultis  rudimentaire ,  on  ne 
trouve  que  les  aspects  et  la  trace  d'une  œuvre  primitive  qui, 
par  la  pose  des  corps  enfouis  dans  la  sépulture  ,  rappellent 
les  usages  et  les  traditions  des  peuplades  les  plus  sauvages 
et  encore  à  l'état  de  tribu  ,  tandis  que  les  artisans  des  dol- 
mens, des  galeries  et  des  carneillous  qu'on  rencontre  partout 
ailleurs,  se  présentent  comme  des  hommes  vivant  en  société, 
ayant  leurs  monuments  et  leurs  traditions  déjà  systématisés. 

A  ces  divers  points  de  vue,  mon  cher  Directeur,  la  Société 
française  d'archéologie,  je  l'espère,  trouvera  que  nos  recher- 
ches n'ont  point  été  inutiles  ,  et ,  en  rencontrant  au  tumulus 
de  Rosmeur  et  à  celui  de  Croix-ar-Gloannec  des  faits  et  des 
souvenirs  d'ordres  très-opposés,  la  science  pourra,  peut-être, 
trouver  quelques  données  nouvelles  pour  la  solution  si  diffi- 
cile de  la  destination  et  de  l'histoire  des  monuments  celtiques. 

Mais  je  ne  me  suis  pas  arrêté  là ,  et  j'ai  à  vous  rendre 
compte  de  quelques  autres  fouilles. 

Un  tumulus  magnifique,  surmonté,  pendant  long-temps, 
d'un  calvaire ,  aujourd'hui  en  ruine,  avait  surtout  appelé 
mon  attention  et  la  méritait  à  tous  égards.  Placé  sur  les 
confins  de  l'est  de  la  paroisse  de  Penmarch,  et  près  du  village 
de  Poulguen  ,  dont  il  porte  le  nom,  notre  tumulus,  avec  son 
calvaire,  ne  s'élève  pas  à  moins  de  10  ou  11  mètres  au- 
dessus  de  la  plaine ,  et  on  le  remarque  facilement  de  tous  les 
points  de  l'horizon  et  même  de  la  pleine  mer,  où  il  sert 

monument  fort  rare ,  et  qui  est  d'autant  plus  à  regretter.  Deux  à  trois 
maisons  du  village  de  Uunaour  ont  été  construites  avec  les  débris  du 
tumulus  que  nous  signalons,  et  qui  leur  a  laissé  son  nom. 


EXPLORATION   DES   TCMULUS   DU    FINISTÈRE.  333 

souvent  de  point  de  repère  aux  barques  et  aux  navires  qui 
fréquentent  ces  redoutables  rivages. 

Ces  circonstances  et  le  désir  du  propriétaire ,  obligeant 
cultivateur,  qui  s'était  prêté  a  mes  recherches ,  me  faisaient 
un  devoir  de  ménager  l'aspect  général  des  lieux  :  ce  qui  m'a 
engagé,  au  lieu  d'ouvrir  ce  quatrième  gogal  par  son  point 
culminant ,  de  rechercher  à  l'est  la  galerie  d'accession  ,  que 
je  soupçonnais ,  et  de  m'avancer  ainsi  par  une  trouée  sou- 
terraine ,  jusque  sous  le  milieu  du  calvaire  qui,  placé  à  une 
hauteur  de  7  mètres  environ  de  sa  base  ,  se  trouvait  au 
centre  et  à  la  tête  d'un  rayon  de  \h  à  15  mètres. 

Ici,  la  composition  de  .l'enveloppe  tumulaire  ,  fort  heureu- 
sement ,  n'était  plus  la  même  que  celle  des  tombelles  déjà 
visitées  :  au  lieu  d'une  couche  de  terre  suivie  d'une  épaisse 
couche  de  pierres ,  pour  arriver  à  la  galerie  et  à  la  chambre 
sépulcrale  ,  je  ne  rencontrai  que  de  la  terre  fine  et  sans 
pierres ,  à  bien  dire  :  ce  qui  me  permit  d'arriver  prompte- 
ment  à  la  galerie  qui  devait  me  conduire  à  la  chambre. 

De  belles  et  grandes  pierres  formant  la  galerie  d'accession 
furent  d'abord  mises  à  découvert  :  elles  n'avaient  pas  moins 
de  2  mètres  d'élévation  sur  1  mètre  50,  et  plus  de  2  mètres 
de  large.  Les  premières  tables  ayant  formé  le  recouvrement 
avaient  été  enlevées  pour  servir  aux  constructions  du  village. 
Cette  galerie  avait ,  à  son  ouverture  ,  2m.  30. 

Nos  travailleurs  arrivèrent  assez  promplement  à  la  dégager 
dans  toute  sa  longueur,  et  au  bout  de  trois  jours  d'un  travail 
soutenu,  avec  dix  ouvriers,  nous  arrivions  au  centre  du 
tumulus,  sous  le  calvaire  qui  le  couronnait ,  ayant  parcouru 
une  dislance  de  15"\  20 ,  à  partir  de  la  première  pierre  de 
la  galerie ,  du  côté  du  soleil  levant. 

Nous  avons  trouvé  partout  la  galerie  et  la  chambre ,  dont 
nous  allons  parler ,  complètement  remplies  d'une  terre  très- 
fine  et  très-tassée,  mélangée  de  cendres  et  de  charbons  qui 


334      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

ne  pouvaient  évidemment  y  avoir  été  introduits  qu'après  la 
construction  générale  du  sépulcre  ,  puisque  ,  à  part  les  pre- 
miers six  mètres  de  la  galerie ,  dans  sa  partie  découverte , 
nous  avons  trouvé  le  reste  de  cette  galerie  et  la  chambre 
recouverts  de  larges  dalles  en  granit  juxta-posées ,  ayant 
jusqu'à  3  mètres  de  dimension,  et  présentant  ainsi  un  cloi- 
sonnement au  travers  duquel  les  terres  du  dessus  n'avaient 
pu  s'introduire.  Quatre  à  cinq  centimètres  de  tassement  se 
remarquaient,  d'ailleurs,  entre  les  terres  et  les  cendres  placées 
sous  le  plafond  de  la  grotte  comme  sous  celui  de  la  galerie. 

Quand  tout  fut  dégagé,  nous  reconnûmes  qu'il  y  avait 
6m,  GO  de  galerie  découverte  et  &m.  60  de  galerie  couverte, 
en  y  comprenant  la  chambre,  qui,  au  lieu  de  se  trouver 
complètement  dans  l'axe  de  la  galerie,  inclinait  assez  sensible- 
ment au  nord,  et  présentait  jusqu'à  2m.  90  de  développement 
du  nord  au  sud,  sur  2  mètres  de  largeur  et  lm.  10  de  hauteur. 

Ce  que  nous  y  avons  trouvé  de  plus  remarquable  est  une 
sorte  de  lit  en  pierres  brutes,  sur  lequel  restaient  plusieurs 
fragments  ou  madriers  de  bois  de  chêne ,  qui  m'ont  paru 
plutôt  fendus  que  sciés ,  et  dont  un  morceau ,  que  j'ai  pu 
recueillir  et  porter  chez  moi,  avait  50  à  GO  centimètres  de 
long  sur  15  à  20  centimètres  de  large,  avec  une  épaisseur 
variable  de  3  à  5  centimètres. 

De  la  cendre  et  des  fragments  de  charbons  étaient  placés 
sur  le  plein  de  cette  espèce  de  plancher  ,  ce  qui  prouve  une 
fois  de  plus  que  l'incinération  des  cadavres  ne  se  faisait  pas 
dans  le  sépulcre  même ,  et  que  sa  construction  devait  être 
complète  ,  au  moins  pour  la  partie  en  pierres  ,  avant  qu'on 
y  déposât  les  restes  du  mort. 

De  là,  deux  autres  conclusions  :  c'est  que  ces  monuments, 
malgré  leurs  dimensions  et  leur  importance ,  devaient  être 
faits  en  peu  de  temps,  parce  qu'il  n'est  pas  probable  qu'une 
fois   l'incinération  opérée  ,   les  cendres  du   mort  que  l'on 


EXPLORATION   DES  TUMULUS   DU   FINISTÈRE.  335 

voulait  honorer  restassent  exposées  au-dehors  et  à  découvert. 
Et  cependant,  pour  extraire  ces  immenses  blocs  de  pierres  , 
quoiqu'il  s'en  trouve  beaucoup  sur  les  lieux,  pour  les  rendre 
à  pied  d'oeuvre  et  construire  tout  le  monument,  dans  l'esprit 
de  la  tradition ,  un  temps  assez  considérable  nous  paraît  ri- 
goureusement nécessaire.  Aussi  l'empressement  et  la  préci- 
pitation des  travailleurs  se  remarquent-ils  facilement  dans 
l'ensemble  de  ces  œuvres  étranges  et  aujourd'hui  si  éloignées 
de  nos  mœurs  ;  mais  nous  y  reviendrons. 

Outre  les  objets  trouvés  dans  la  chambre  dont  l'entrée 
n'est  que  de  65  centimètres ,  quoique  la  largeur  de  la  galerie 
n'ait  jamais  descendu  au-dessous  de  1"'.  25  ,  nous  avons 
aussi  rencontré,  dans  la  première  partie  de  la  galerie  ,  à 
lm,  50  de  profondeur  environ  ,  tout  le  squelette  d'un  animal 
de  moyenne  dimension ,  et  quelque  douze  ou  quinze  frag- 
ments de  poterie  grossière  ,  d'une  pâte  noirâtre  et  Irès-mi- 
cacée ,  dont  les  moins  brisés  présentent  encore  des  fonds  de 
vases  d'une  petite  dimension ,  avec  des  traces  très-apparentes 
de  cendres.  Enfin  nous  y  avons  également  rencontré  un  petit 
objet  en  terre  cuite  et ,  par-dessus  cet  objet ,  jusqu'à  la  su- 
perficie ,  un  fragment  de  brique  romaine  à  rebord ,  un  mor- 
ceau de  stuc  et  quelques  fragments  de  béton  ,  comme  si 
partout  où  nous  trouvons  un  souvenir  celtique  nous  devions 
rencontrer  une  trace  de  l'occupation  romaine. 

En  quittant  ce  magnifique  lumulus  ,  après  avoir  pénétré 
jusqu'à  son  centre,  placé  à  15m.  20  de  l'ouverture  de  la 
galerie,  je  me  suis  cependant  demandé  si  j'avais  tout  vu  ,  et 
j'avais  un  regret  marqué  à  m'en  séparer  ;  mais  un  des  côtés 
de  la  chambre,  où  j'étais  parvenu,  s'était  effondré  dès  le 
principe,  à  ce  qu'il  paraît ,  sous  le  poids  énorme  de  la  croûte 
tumulaire  qui ,  sur  ce  point ,  n'a  pas  moins  de  5  à  6  mètres 
d'épaisseur,  sans  compter  le  calvaire,  qui  mesure  lui-même 
3  mètres  en  tous  sens. 


336  CONGKËa  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FilANCE. 

C'est  aussi  avec  ce  même  regret  que  les  archéologues  qui 
pénétraient ,  il  y  a  peu  d'années ,  dans  la  chambre  sépulcrale 
de  la  butte  de  Tumiac  ,  dans  le  Morbihan,  le  plus  grand 
tumulus  connu  de  notre  pays ,  s'en  éloignaient  malgré  eux  , 
après  avoir  aussi  rencontré  les  fragments  d'un  plancher,  sur 
lequel  se  trouvaient  des  cendres ,  des  celtes  et  des  grenats 
ayant  appartenu  à  des  colliers  (1). 

Avant  de  quitter  ce  quatrième  et  beau  tumulus,  nous  au- 
rions de  nouvelles  observations  à  consigner  ;  mais  nous  pen- 
sons qu'elles  seront  mieux  placées  à  la  fin  de  nos  explorations. 
Transportons-nous  sur  la  commune  de  Plobannalec,  au  moins 
aussi  riche  que  celle  de  Penmarch  en  monuments  celtiques. 

Ici,  comme  précédemment,  nous  n'avons  que  l'embarras 
du  choix,  et,  depuis  long-temps,  notre  pensée  s'était  arrêtée 
à  de  considérables  monuments  que  possèdent  encore  les  vil- 
lages de  Kéléarn,  de  ïrévignon  ,  et  surtout  la  montagne  de 
Lesconil.  La  saison  étant  avancée  et  n'ayant  plus  l'espoir  de 
trouver  un  temps  convenable  pour  des  recherches  prolon- 
gées ,  nous  prîmes  donc  la  résolution  ,  pour  le  moment ,  de 
nous  cantonner  dans  la  montagne  de  Lesconil. 

Figurez-vous  un  espace  de  3  à  k  hectares,  et,  sur  ce  seul 
point,  douze  ou  quinze  monticules,  tous  couverts  de  pierres 
druidiques  qui  montrent  leurs  têtes  et  des  tables  renversées 
avec  des  fragments  de  galeries  encore  couverts  et  intacts , 
des  chambres  et  des  lignes  de  pierres  affectant  un  ordre  symé- 
trique très-marqué ,  quoique  souvent  irrégulier  :  voilà  le 
champ  auquel  je  m'arrêtai. 

L'aspect  général  des  lieux  démontrait ,  au  premier  coup- 
d'œil,  que  tous  ces  monuments  avaient  été  troublés  et  fouillés 
probablement  par  les  pirates ,  qui  ne  durent  pas  manquer 

(1)  Voir  la  relation  qu'a  publiée  de  cette  découverte,  en  1853,  la 
ttociélé  polymalique  du  Morbihan. 


EXPLORATION   DESjjTUMULtS  DU    FINISTÈRE.  337 

d'aborder  fréquemment  ces  parages  contigus  à  la  mer  et 
pourvus  de  criques  de  refuge  ;  probablement  aussi  par  les 
troupes  romaines  au  moment  de  l'invasion ,  et ,  plus  près  de 
nous ,  par  les  habitants  des  villages  voisins  qui  n'ont  pas 
manqué  d'y  prendre,  comme  ils  le  font  encore  tous  les  jours, 
les  belles  pierres  pouvant  servir  à  des  manteaux  de  cheminée 
ou  à  la  simple  construction  des  murailles  de  leurs  maisons. 

Nous  étions  au  milieu  d'une  véritable  nécropole  celtique 
couvrant  la  montagne  de  Lesconil ,  propriété  restée  inculte , 
et  bordée  au  sud  et  à  l'est  par  deux  jolies  anses  où  les  eaux 
vertes  et  bleuâtres  de  chaque  marée  se  répandent  sur  des 
plages  d'un  sable  fin  où  les  barques  des  Aulochthones  ont  dû 
s'échouer  souvent ,  en  attendant  les  vents  favorables  qui  de- 
vaient les  porter  par-delà  les  rochers  et  les  nombreux  îlots, 
au  milieu  desquels  ils  étaient  sûrs  de  faire  pêche  et  de  trouver 
leur  nourriture. 

A  voir  tant  de  tombelles  réunies  en  un  si  petit  espace, 
cerné  partout  de  magnifiques  cultures,  au-dessus  desquelles 
se  montrent  de  nombreux  villages  et  quelques  têtes  élevées 
de  menhirs  encore  existants ,  on  est  porté ,  sans  effort ,  à 
penser  que  le  lieu  pourvu  ainsi  de  terres  fécondes  et  de  cri- 
ques nombreuses  pour  la  pêche  a  dû  être  long-temps  oc- 
cupé par  des  tribus  populeuses.  Ce  qui  confirme  celle 
pensée,  outre  le  nombre  des  tombelles  ainsi  réunies  sur  un 
seul  point ,  c'est  qu'on  en  voit  beaucoup  d'autres  dans  un 
rayon  très-rapproché,  et  que  chacune  de  ces  tombelles,  au 
lieu  d'être  composée ,  comme  cela  a  presque  toujours  lieu , 
d'une  seule  chambre  et  d'une  seule  galerie,  en  présentent 
toutes  plusieurs  et  quelques-unes  jusqu'à  huit  et  dix. 

(^uoiqu'ayant  donc  été  évidemment  troublées ,  ces  tom- 
belles, dont  les  pierres  sont  à  peine  sorties  de  terre,  mérite- 
raient ,  à  tous  égards ,  d'être  fouillées  et  scrupuleusement 
examinées. 

22 


338      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

On  reconnaît  d'abord  facilement  que  toutes  ont  été  en- 
fermées en  un  monticule  ou  tumulus  dont  la  proéminence 
sur  la  surface  plane  du  sol  peut  encore  se  mesurer. 

Un  revêtement  de  terre  et  de  pierres ,  comme  dans  les 
tumulus  de  Rosmeur,  de  Kerboulon  et  de  Croix-ar-Gloanncc, 
avait  dû  compléter  la  tombelle.  Avec  des  cultures  très-avan- 
cées et  l'usage,  encore  existant  chez  les  cultivateurs  voisins,  de 
prendre  partout  où  ils  en  trouvent  de  la  terre  pour  la  vendre 
ou  pour  amender  leurs  propres  champs,  toutes  les  enveloppes 
disponibles  de  ces  tumulus  ont  dû  être  enlevées  de  bonne 
heure ,  et  c'est  pour  cela  sans  doute  que  la  base  de  ces  tom- 
belles  a  seule  persisté. 

Impatient  de  savoir  ce  que  je  pourrais  rencontrer,  je 
portai  nos  travailleurs ,  divisés  en  deux  groupes ,  sur  les 
tombelles  A  et  B  du  plan  général  n°.  h ,  et  la  pioche  et  la 
pelle  eurent  promptemer.l  débarrassé  ,  dans  chacune  de  ces 
tombelles,  une  couple  de  chambres,  dont  une,  en  B,  s'était 
trouvée  encore  recouverte  de  ses  tables  ou  doles  formant  le 
plafond.  Mais ,  dans  toutes ,  nous  trouvâmes  quantité  de 
pierres  jetées  pêle-mêle ,  quelques  traces  de  charbons  et  de 
cendres,  et,  au  fond  de  ces  chambres,  au-dessous  des 
pierres  d'encombrement  et  à  une  profondeur  de  lm.  50  en- 
viron, une  surface  plane,  composée  d'argile  fine  et  battue  , 
qui  en  avait  formé  comme  le  parquet.  Cette  couche  d'argile 
avait  de  20  à  25  centimètres  d'épaisseur.  Les  plus  grandes 
quantités  de  charbons  et  de  cendres  se  trouvaient  dans  leur 
voisinage.  Quelques  fragments  de  poterie  commune  et  gros- 
sière furent  trouvés  en  A.  On  ne  rencontra  rien  en  B.  Dans 
l'un  et  dans  l'autre  point,  toutefois,  les  chambres  étaient  for- 
mées à  l'aide  de  magnifiques  pierres  plates  placées  de  champ 
et  mesurant  de  lm.  50  jusqu'à  3  mètres  et  3™.  40 ,  sur  une 
épaisseur  vamble  de  30  à  50  centimètres. 

Des  points  A  et  B,  je  transportai  mes  travailleurs  en  Det  F. 


EXPLORATION   DES  TDMULUS   DU   FINISTÈRE.  339 

Ici ,  comme  dans  les  deux  premières  tombelles ,  on  ne 
voyait,  hors  de  terre,  que  la  tête  des  pierres  formant  les 
parois  des  chambres ,  dont  les  dimensions  se  reconnaissaient 
facilement.  Les  fouilles  faites  en  D  fournirent  un  assez  grand 
nombre  de  tessons  de  poteries  anciennes  avec  d'autres  d'une 
origine  douteuse ,  et  un  objet  en  terre  cuite ,  formant  une 
espèce  de  cercle  ou  de  gâteau  de  8  centimètres  de  diamètre 
sur  3  centimètres  d'épaisseur ,  avec  un  trou  d'un  centimètre 
et  demi  au  milieu  ,  le  tout  fort  grossier.  Dans  cette  môme 
tombe  ou  dans  une  des  voisines  ,  le  maire  de  la  commune  , 
prenant  des  pierres  pour  macadamiser  les  routes,  avait 
trouvé  un  petit  rectangle  de  5  à  6  centimètres ,  percé  à  ses 
deux  extrémités  d'un  trou.  Dans  une  autre  tombelle,  dé- 
truite par  un  cultivateur ,  on  avait  trouvé  cinq  à  six  cettœ  en 
pierres  dures  et  polies. 

En  F ,  nous  ne  trouvions ,  comme  partout ,  que  des 
pierres  mélangées  de  terre  et  entassées  les  unes  sur  les  au- 
tres. Seulement,  dans  l'une  des  deux  chambres  A  et  B 
que  je  faisais  fouiller  avec  soin,  je  trouvai  un  vase  grossier 
brisé  et  portant  encore  la  trace  de  quelques  cendres  ;  mais 
ce  que  je  tenais  à  savoir  surtout,  c'était  comment  ces  cham- 
bres étaient  disposées  ,  et  si  elles  étaient  parfaitement  isolées 
ou  en  communication  les  unes  avec  les  autres,  ou  seulement 
avec  les  galeries  d'accession. 

Aucune  tombelle  ne  s'offrait  plus  complète  et  mieux  con- 
servée que  celle  en  F ,  pour  celte  étude. 

Nous  avions ,  en  effet ,  devant  nous  une  tombelle  de  36 
mètres  de  base ,  sur  25  mètres  de  large  ;  et  les  pierres  du 
monument  existantes  et  sorties  du  tertre ,  dans  lequel  elles 
s'enfoncent ,  ne  présentent  pas  une  longueur  de  moins  de 
25  mètres  sur  une  largeur  de  8  mètres  environ.  L'ensemble 
du  monument ,  moins  bien  orienté  que  de  coutume,  m'a 
paru  incliner ,  par  l'axe  de  sa  plus  grande  longueur ,  vers 


340      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

l'ouest ,  au  lieu  de  tendre  franchement  vers  le  nord-nord- 
ouest;  de  sorte  que  les  galeries  d'accession  se  dirigeraient 
vers  le  sud-est ,  au  lieu  de  courir  directement  à  l'est ,  ainsi 
que  cela  a  lieu  presque  toujours. 

Suivant  le  plan  que  nous  en  donnons ,  cette  tombelle 
offrirait  donc  douze  à  quatorze  chambres  plus  ou  moins  ap- 
parentes ,  et  au  moins  deux  galeries  d'accession ,  si  ce  n'est 
pas  trois. 

Quant  aux  deux  chambres  A  et  B ,  que  j'ai  fait  dégager  de 
la  terre  et  de  toutes  les  pierres  dont  elles  étaient  encombrées, 
elles  ont  offert  :  l'une  ,  2m.  hO  sur  1™.  90  de  large  ;  l'autre, 
2m.  20  sur  lm.  90. 

Les  autres  chambres ,  à  très-peu  de  chose  près ,  ont  les 
mêmes  dimensions  et  sont  toujours  séparées  entre  elles  par 
un  espace  de  0'".  30  à  0m.  40 ,  de  sorte  que  la  cloison  de 
l'une  ne  serve  pas  à  l'autre.  En  descendant  jusqu'au  lit  de 
glaise  formant  l'aire  de  ces  chambres,  on  trouve  qu'elles 
durent  avoir  de  0m.  70  à  1'".  de  hauteur  sous  les  pierres  de 
recouvrement.  Mais  le  fait  important  et  caractéristique , 
c'était  de  savoir  si  ces  chambres ,  une  fois  recouvertes , 
étaient  accessibles  par  une  ouverture  quelconque  sur  le  côté. 
Il  me  reste  peu  de  doute  à  cet  égard  ,  et  je  suis  porté  à 
penser  que  des  pierres  de  plus  petites  dimensions ,  que  j'ai 
remarquées  à  une  des  encoignures  de  chaque  chambre, n'ont 
probablement  été  posées  qu'après  coup  et  pour  fermer  la 
baie  par  laquelle  on  avait  dû  communiquer,  pendant  un  cer- 
tain temps,  et  à  l'aide  des  galeries  formant  accession.  Partout, 
à  Rosmeur ,  comme  à  Poulguen  et  à  Kerboulon  ,  nous  ne 
sommes  ,  en  effet ,  entrés  de  la  galerie  dans  les  chambres , 
qu'en  renversant  des  pierres  d'assez  fortes  dimensions ,  quoi- 
que beaucoup  moindres  que  celles  formant  les  parois. 

Ce  fait  (et  il  me  paraît  démontré)  achèverait  d'expliquer 
l'économie  générale  de  ces  sortes  de  tombeaux,  et  on  pour- 


EXPLORATION    DES   TUMULUS    DU    FINISTÈRE.  341 

rait  penser  que,  disposés  à  l'avance  ,  avec  des  galeries  d'ac- 
cession et  des  chambres  restant  ouvertes  jusqu'à  ce  qu'on  y 
ait  introduit  les  cendres  des  morts  que  l'on  voulait  honorer  , 
ils  avaient  été  préparés  dans  un  esprit  de  prévision  ,  comme 
les  tombeaux  et  les  galeries  de  toutes  les  nécropoles  connues, 
soit  de  l'Egypte,  de  la  Perse  ou  de  l'Asie-Mincure  :  de  ma- 
nière que  chaque  chambre  restât  ouverte  pour  les  morts 
qu'on  voulait  y  porter ,  et  ne  fût  fermée  qu'après  ce  dépôt 
fait ,  sauf  à  fermer  la  galerie  elle-même  quand  le  tombeau 
et  les  chambres,  s'il  y  en  avait  plusieurs,  avaient  été  rem- 
plis; car,  à  Rosmcur,  avec  une  seule  et  vaste  chambre  di- 
visée par  hémicycles,  à  Kerboulon,  avec  une  chambre  de 
moyenne  grandeur  ,  les  galeries  d'accession  sont  très-exacte- 
ment fermées  à  leur  ouverture  ,  du  côté  du  soleil  levant. 
D'autres  galeries,  comme  celles  de  Runaour,  près  Kerboulon, 
ont  été  trouvées  fermées  et  dans  les  mêmes  conditions. 

On  sent,  de  suite,  quelles  nouvelles  questions  ces  faits  sou- 
lèvent. 

Pour  une  seule  chambre  et  une  seule  galerie ,  tout  se  com- 
prend facilement. 

Si  c'est  un  seul  mort ,  un  seul  chef  qu'on  a  voulu  honorer, 
en  élevant  une  chambre  sépulcrale  et  un  tumulus  au-dessus 
de  ses  cendres,  après  la  construction  en  pierres  de  la  chambre 
et  de  la  galerie,  après  l'incinération  du  cadavre  et  le  transport 
des  cendres  dans  la  tombe  elle-même ,  comme  la  chose  reste 
prouvée  pour  Poulguen  ,  où  nous  avons  trouvé  un  plancher 
sur  lequel  gisaient  encore  des  charbons  nombreux  et  des 
cendres,  les  hommes  qui  avaient  fait  honneur  à  leur  chefs, 
fermaient  la  chambre  sépulcrale  ,  puis  la  galerie  elle-même  , 
et  cela  fait,  élevaient  sur  le  tout  un  tertre  en  terre  seule- 
ment ,  ou  composé  d'une  couche  de  pierres  et  d'une  couche 
de  terre  ,  pour  dernière  enveloppe. 

Mais  comment  les  choses  se  passaient-elles,  quand  ils'agis- 


342      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

sait  d'un  tumulus  de  12  à  \h  chambres ,  comme  celui  que 
nous  venons  de  décrire  (el  nous  en  connaissons  un  autre,  à 
Kéléarn ,  toujours  en  Plobannalec  ,  de  15  à  20  chambres, 
au  moins)  ?  Et  aussi  quelle  avait  été  la  destination  de  ces  tu- 
mulus h  grand  nombre  de  chambres? 

Si  ce  sont  des  sépultures  consacrées  à  la  mémoire  d'un 
certain  nombre  de  guerriers  ou  de  chefs ,  tombés  en  même 
temps  et  inhumés  dans  la  même  tombelle  ,  la  préparation  et 
l'édification  ,  elle-même  ,  de  ces  tombeaux  à  compartiments 
ont  du  se  faire  presque  instantanément ,  comme  nous  l'avons 
dit ,  à  l'occasion  du  tumulus  de  Poulguen  ,  et,  dès  lors  ,  huit, 
dix  chambres,  quinze  et  vingt,  comme  à  Kéléarn,  ne  peuvent 
être  qu'une  sorte  de  monument  national ,  la  consécration 
d'un  grand  fait  pour  la  tribu.  / 

Mais  ici ,  comme  à  Poulguen,  à  Rosmeur,  à  Kerboulon 
ou  a  Runaour,  ce  n'est  pas  seulement  un  tumulus  que  nous 
rencontrons ,  mais  bien  quinze  ,  au  moins  ,  el  nous  ne  pou- 
vons plus  y  voir  que  des  sépultures  de  familles.  Ce  qui  nous 
porte  à  incliner  fortement  vers  cette  opinion  ,  c'est  que  nous 
avons  remarqué  en  R  ,  S,  T  et  V  du  plan  général,  n°.  h,  des 
tumulus  ,  beaucoup  plus  petits  que  les  autres  ,  des  chambres 
qui  ne  mesurent  pas  plus  de  lm.  50  ,  et  dans  tous  plusieurs 
chambres  quelquefois  jusqu'à  10,  12  et  15.  Pour  que  ce 
fût  un  monument  consacrant  la  mémoire  d'un  grand  fait ,  si 
ces  sortes  de  sépultures  n'étaient  données  qu'aux  chefs ,  il 
fallait  qu'il  en  fût  tombé  beaucoup  le  même  jour. 

Mais ,  au  lieu  de  ces  suppositions ,  ne  peut-on  pas  ,  avec 
plus  de  raison ,  penser  que  ces  tombeaux  nombreux  et  ces 
tjumulus  si  rapprochés  ne  sont  autre  chose  qu'une  nécropole 
élevée  par  une  tribu  puissante  qui  occupa  long-temps  le 
pays?  Alors  ces  tombelles  ,  avec  leurs  chambres  plus  ou 
moins  nombreuses ,  ont  pu  appartenir  à  quelques  familles 
considérables  ,  rester  ouvertes  plus  ou  moins  long-temps ,  et 


EXPLORATION   DES  TUMULUS   DU    FINISTÈRE.  3'i3 

recevoir,  pendant  ce  temps,  un  certain  nombre  de  morts  i 
sur  lesquels  chaque  chambre  se  fermait  à  son  tour. 

Jusqu'à  plus  ample  informé,  je  ne  vois  pas  d'autre  expli- 
cation possible.  Des  fouilles  nouvelles  rendront  compte  de 
tout. 

Mais  passons  à  quelques  autres  faits ,  sur  la  construction 
et  le  tracé  général  de  ces  sortes  de  monuments. 

Nous  avons,  dans  le  pays,  un  nombre  considérable  de 
dolmens  et  de  galeries  couvertes  ,  long-temps  classés  comme 
grottes  aux  fées ,  quand  il  y  a  galerie  et  autels  druidiques  ; 
quand  il  n'y  a  qu'une  dole  recouvrant  une  chambre.  Nous 
ne  pouvons  voir  aujourd'hui ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
dans  tous  ces  monuments ,  constamment  situés  sur  une  es- 
pèce de  tertre  ou  de  proéminence,  reste  de  l'enveloppe  tu- 
mulaire  qui  les  recouvrait ,  nous  ne  pouvons,  clis-je  ,  voir 
dans  eux  tous,  que  des  sépulcres,  des  tombclles  et  des  lu- 
mulus,  dont  la  destruction  est  plus  ou  moins  ancienne,  plus 
ou  moins  avancée.  Consultez,  dans  le  pays ,  les  gens  de  la 
campagne  qui  en  ont  fouillé  pour  se  procurer  des  matériaux 
et  des  pierres  de  construction  :  ils  vous  diront  tous  qu'ils  ont 
toujours  trouvé  des  cendres,  des  charbons  et  des  débris  de 
vieilles  poteries  clans  tous  ces  monuments. 

J'estime  donc  que  ce  furent  tous  des  tombeaux,  et ,  aux 
archéologues  qui  ont  voulu  voir  ,  sur  quelques  tables  de  ces 
monuments,  des  cuvettes  ou  des  rigoles  où  les  sacrificateurs 
auraient  recueilli  le  sang  des  victimes,  je  réponds  que,  sur 
toute  la  côte  sud  du  Finistère,  toutes  les  roches  un  peu 
plates  qui  retiennent  les  eaux  pluviales  qui  se  combinent 
avec  l'esprit  salin  du  bruin  de  la  mer  offrent  un  marquetage 
complet  de  ce  genre,  en  rigoles,  cuvettes  et  excavations,  qui 
pourraient  servir ,  au  besoin  ,  de  baignoires  aux  hommes  les 
plus  forts  et  les  plus  grands. 

Dans  le  Morbihan ,  les  mêmes  faits  sont  dus  aux  mêmes 


'àhh  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE, 

causes  :  el  il  faut  renoncer  a  cette  grossière  illusion ,  que  le 
toucher  seul  des  roches  granitiques  micacées  aurait  dû  dis- 
siper beaucoup  plus  tôt  (1). 

Mais  revenons  à  des  faits  d'un  autre  ordre. 

A  l'exception  du  tumulus  de  Croix-ar-Gloannec ,  dans  le 
Palud  de  la  Torche ,  où  il  n'y  avait  ni  chambres  ni  galeries , 
mais  de  simples  tombes  en  pierres ,  à  peine  dégrossies ,  et 
des  squelettes  repliés  sur  eux-mêmes ,  et  qui  n'avaient  subi 
aucune  incinération ,  tous  les  autres  appartiennent  à  un 
même  régime,  non  à  une  même  époque,  sans  doute  ,  mais 
à  des  hommes  et  à  des  tribus  qui  ont  gardé  plus  ou  moins 
long-temps  les  mêmes  idées  et  les  mêmes  traditions  :  tumu- 
lus et  incinération  des  cadavres ,  avec  chambres  sépulcrales  et 
galeries  d'accession. 

A  présent ,  quel  espace  de  temps  a  pu  séparer  les  hommes 
inhumés  à  Lesconil,  où  nous  r/avons  trouvé  que  des  cendres 
et  des  poteries  grossières ,  et  ceux  qui  ont  occupé  la  grande 
chambre  sépulcrale  de  Rosmeur,  où  nous  avons  rencontré  des 
armes  et  des  monnaies  romaines  de  !a  fin  du  IVe.  siècle? 
C'est  ce  que  nous  ne  saurions  dire.  Mais ,  à  Lesconil ,  tout 
est  celtique  ;  à  Rosmeur ,  nous  sommes  en  pleine  époque 
gallo-romaine  ,  précédée  de  l'âge  celtique. 

D'une  autre  part ,  si  les  restes  trouvés  à  Croix-ar-Gloannec 
peuvent  être  justement  estimés  des  plus  anciens  ,  nous  avons 
aussi  la  certitude  que  la  charmante  tombelle  de  Poulguen 
remonte  à  un  temps  antérieur  à  l'occupation  romaine  :  ce 
qui  le  prouve,  ce  sont  les  objets  que  nous  y  avons  trouvés  ; 
*  les  sortes  de  mortiers  à   concasser  le  blé  que  nous  avons 

(i)  L'abbé  Mahé,  du  Morbihan,  l'un  des  propagateurs  les  plus  ar- 
dents de  ces  fausses  doctrines,  se  voyait  arracher  lui-même,  à  la  fin 
de  son  livre,  un  aveu  significatif:  «  Je  suis  convaincu,  dit-il,  que  sur 
«  500  pierres  où  l'on  remarque  des  cavités  et  des  rigoles,  il  s'en 
«  trouve  à  peine  une  qui  ait  été  creusée  de  main  d'homme.  » 


EXPLORATION   DES   TUMULUS  DU   FINISTÈRE.  365 

rencontres  clans  les  murelins  formant  les  interstices  des  larges 
pierres  des  cloisons  de  la  chambre  et  de  la  galerie  ;  et  aussi 
une  pierre  ovoïdale  ,  parfaitement  ramenée  à  la  forme  arron- 
die, qui  se  trouve  placée  à  UQm.  de  l'ouverture  de  la  galerie  de 
ce  tombeau  ,  et  qui ,  posant  par  une  de  ses  extrémités  sur 
une  roche  plate ,  a  dû  autrefois  être  facile  à  mettre  en  mou- 
vement ,  et  servir  évidemment  de  pierre  divinatoire,  comme 
on  dit  que  les  Celtes  en  avaient.  Soit  depuis  l'érection  d'un 
calvaire  sur  le  tumulus,  soit  antérieurement,  on  a  essayé  de 
la  briser,  et  à  l'aide  d'un  coup  de  mine,  on  l'a  fait  éclater 
en  deux.  Mais  ce  ne  dut  être  évidemment  que  le  résultat  de 
la  pensée  d'un  iconoclaste  quelconque ,  car  le  fragment  en- 
levé par  le  coup  de  mine  gît  encore  là  et  n'a  été  recherché 
pour  aucun  usage  (1). 

Un  archéologue  distingué,  M.  Le  Trône,  qui  m'a  constam- 
ment aidé  de  ses  lumières ,  n'a  pas  hésité  plus  que  moi  à 
regarder  ce  rocher  comme  une  pierre  divinatoire  des  plus 
anciens  temps. 

Cette  circonstance  et  le  calvaire  élevé  sur' le  tumulus  de 
Poulguen  nous  ont  donné  à  penser  que  ce  beau  monument 
avait  pu  toucher  de  très-près  au  culte  druidique,  et,  peut- 
être  ,  servir  de  sépulture  à  un  de  ses  prêtres.  Quant  à  la 
construction  même  de  ces  monuments ,  tout  ce  que  nous  en 
pouvons  dire  :  c'est  que,  partout  où  les  matériaux  s'y  prêtè- 
rent ,  ils  ont  été  construits  de  la  manière  la  plus  solide  et  à 
l'aide  de  belles  et  forl"s  tables  de  granit  de  lni.  50  à  3m.  de 
long,  et  plus.  Partout  nous  avons  aussi  remarqué  que  les 
pierres  formant  les  parois  des  chambres  sépulcrales  et  des  ga- 

(l)On  sait  que  les  grossières  superstitions  du  culte  des  pierres  et  des 
fontaines  ne  furent ,  à  peu  près  ,  déracinées  de  l'esprit  des  populations 
bretonnes  que  dans  ces  derniers  siècles,  et  que  Michel  Nob'etz  et  le 
P.  Maunoir  combattaient  encore  ces  erreurs  dans  les  XVIe.  et  XVIIe. 
siècles. 


346  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

lerics  présentaient,  à  l'intérieur,  leur  face  la  plus  lisse,  et  que 
ces  pierres  étaient  bien  moins  épaisses  et  bien  moins  brutes 
que  celles  placées  en  recouvrement,  qui  n'ont,  la  plupart  du 
temps,  reçu  aucune  préparation.  Comment,  toutefois,  celles 
de  ces  pierres  qui  ont  dû  être  taillées  ont-elles  été  prépa- 
rées? Ce  ne  fut  évidemment  avec  aucun  instrument  à  pointe. 
On  n'en  trouve  pas  une  seule  trace,  el  les  arêtes  des  pierres, 
portant  la  marque  de  quelque  travail,  nous  ont  toujours  paru 
avoir  été  simplement  abattues  à  l'aide  d'un  maillet  ou  d'une 
autre  pierre  en  faisant  l'office.  Sur  aucune,  d'ailleurs,  quelque 
lisse  qu'elle  soit ,  aucun  trait ,  aucun  caractère  tracé. 

Quant  à  la  confection  et  au  plan  de  l'œuvre,  tout  ce  qu'il  y 
a  de  plus  grossier  et  de  plus  primitif ,  et  les  matériaux  em- 
ployés par  grandes  dimensions,  subordonnant  toujours  l'en- 
semble de  l'édification  aux  détails  et  aux  défauts  que  peuvent 
présenter  les  matériaux,  il  est  arrivé  fort  souvent,  comme 
nous  l'avons  vu  dans  presque  tous  les  tumulus  qui  n'avaient 
point  été  visités,  que  lorsque  les  pierres  employées  pour  les 
parois  n'y  suffisaient  pas ,  d'autres  pierres  brutes  et  de 
moj enne  grandeur,  entassées  sans  art  et  sans  appareillage, 
servaient  à  compléter  la  clôture  des  galeries  :  ce  qui  explique 
aussi  comment  il  se  fait  que,  dans  les  tumulus  anciennement 
découverts ,  on  voit  tant  de  tables  ou  doles  à  demi-ren- 
versées ,  par  cela  seul  que  les  pierres  de  soutènement  ont  été 
enlevées.  Rosmeur,  Kerboulon  ,  Poulguen  offrent  des  es- 
paces ainsi  remplis.  Toutes  les  tables  de  la  galerie  du  grand 
tumulus  de  Tumiac,  dans  le  Morbihan,  fouillé  en  1853,  sont 
ainsi  soutenues  par  des  pierres  brutes  élevées  en  muretins. 

Dans  l'état ,  nous  pensons  donc  que  les  tumulus  que  nous 
avons  fouillés,  comme  ceux  de  Croix-ar-Gloannec ,  de  Ros- 
meur et  de  Poulguen,  sont  des  monuments  d'un  très-haut 
intérêt  à  conserver ,  et  que  la  nécropole  de  Lesconil ,  avec 
ses  douze  ou  quinze  tumulus  distincts ,  demanderait  à  être 


EXPLORATION    DES  TUMOLUS    DU    FINISTÈRE.  3/i7 

complètement  dégagée  de  toutes  les  pierres  qui  l'encombrent, 
pour  présenter,  dans  son  ensemble,  le  plus  complet  spécimen 
que  nous  ayons  d'une  grande  sépulture  celtique.  Seulement, 
je  ferai  observer  qu'ainsi  dégagées  ,  ces  belles  pierres  mo» 
numentales  seraient  beaucoup  plus  accessibles  à  l'avidité  gros- 
sière des  paysans,  à  la  garde  desquels  elles  seraient  en  quel- 
que sorte  confiées. 

Notre  description  des  monuments  celtiques  que  nous  avons 
fouillés  et  explorés  s'arrête  ici. 

Mais,  comme  nous  l'avons  dit,  presque  partout  où  nous 
avons  déchiré  le  sol  pour  ces  recherches,  nous  avons  ren- 
contré des  souvenirs  plus  ou  moins  manifestes  de  l'occupation 
romaine. 

La  grande  nécropole  de  Lesconil  n'a  pas  échappé  à  ce  rap- 
prochement, et  là  où  nous  trouvons  tant  de  tumulus,  tant  de 
sépulcres  anté-historiques ,  nous  avons  retrouvé  aussi  les 
restes  de  deux  ateliers  de  poteries  romaines. 

Nos  fouilles,  dirigées  sur  deux  points,  dont  l'un  à  peine 
à  15  ou  20m.  de  la  mer  ,  l'autre  baigné  par  les  eaux  des 
grandes  marées,  nous  ont  donné  des  quantités  innombrables 
de  briques  et  de  débris  de  poterie  commune.  Les  briques  de 
toutes  formes  étaient  appareillées  ,  par  couches  séparées  ,  par 
de  la  terre  en  épaisseurs  égales  aux  briques  elles-mêmes. 
D'une  autre  part ,  nous  avons  trouvé  de  grands  carreaux  de 
0m.  25  à  0m.  30  de  côté,  qui  avaient  dû  former  le  parquet 
des  ateliers;  puis  «nous  en  avons  trouvé  d'autres  de  forme 
triangulaire,  avec  une  épaisseur  de  0m.  07  à  0m.  08  d'un 
côté  ,  quand  elles  se  réduisaient  à  un  centimètre  de  l'autre  ; 
puis  d'autres  encore  de  0m.  15  à  0m.  20  de  long  ,  en  forme 
de  boudins,  avec  ou  sans  appendices  aux  extrémités  termi- 
nées carrément  ou  en  pointe  ,  avec  ou  sans  rainure  sur  l'un 
des  côtés  ,  légèrement  aplati. 

Mais  ce  n'était  pas  là ,  je  crois ,  l'objet  de  la  fabrication 


ZhS  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

elle-même  :  une  légère  spatule  ou  cuillère  ,  variant  entre  5  , 
10  et  12  centimètres,  que  nous  avons  trouvée  amoncelée  en 
débris  et  quantités  considérables,  dans  les  deux  endroits 
fouillés ,  nous  a  paru  révéler  la  destination  des  ateliers  en 
question. 

Qu'était  cet  objet?  qu'était  celte  spatule  ou  cuillère?  Elle 
est  formée  d'une  pâte  rouge  et  fine,  traitée  à  la  main,  et  n'a 
pas  plus  de  1  à  2  millimètres  d'épaisseur. 

Pour  que  deux  ateliers  aient  été  plus  ou  moins  de  temps 
affectés,  dans  ce  lieu,  à  une  fabrication  de  ce  genre,  il 
fallait  évidemment  que  l'objet  lui-même  fût  très-en  usage. 
Toutefois,  nous  n'oserions,  jusqu'à  plus  ample  informé,  lui 
assigner  aucun  nom,  ni  aucune  destination ,  et  si,  en  ce  mo- 
ment, nous  sommes  porté  à  croire  que  ce  ne  put  être  un  us- 
tensile d'un  usage  courant ,  nous  sommes  embarrassé  ,  d'un 
autre  côté  ,  de  dire  s'il  dut  être  affecté  au  culte,  aux  céré- 
monies religieuses  ou  aux  simples  besoins  de  la  vie  domestique. 

L'un  des  ateliers  en  question  ,  dont  nous  avons  pu  recon- 
naître parfaitement  les  dimensions  ,  devait  avoir  8m.  de  long , 
sur  U  ou  5m.  de  large.  La  construction  entière  avait  été 
élevée  sur  le  sol,  sans  fondement ,  à  l'aide  d'une  couche  de 
béton  de  0m.  08  à  0"\  10  d'épaisseur,  que  nous  avons  re- 
trouvée sur  plusieurs  points. 

Nous  ne  devons  pas  omettre  aussi  de  dire  qu'à  peu 
de  distance  de  ces  ateliers,  entre  100  et  150'".  ,  on  trouve 
taillées  dans  le  roc  ,  partout  où  cela  a  été  possible  ,  une  quin- 
zaine de  grandes  cuvettes  ou  piscines ,  parfaitement  circu- 
laires, creusées  à-0m.  25  et  0m.  35  sur  une  largeur  de  2m. 
à  2m.  10,  qui,  d'après  ce  que  nous  supposons  ,  durent  être 
des  annexes  des  ateliers  reconnus  et  destinées  probablement  à 
préparer  les  terres  qui  servaient  aux  potiers. 


RAPPORT 


DES    FOUILLES    ARCHÉOLOGIQUES 

FAITES  EX  18CÏ 

a  CASSEL  (Nord)  et  a  WISSANT  (Pas-de-Calais)  ; 

Par  SI.   L.  COUSIIV, 

Membre  de  l'iustitut  des  provinces  et  de  la  Société  française  d'archéologie. 


Messieurs  , 

Vous  avez  tenu  en  1860  ,  à  Dunkerque,  un  congres  pen- 
dant lequel  vous  avez  fait  de  généreuses  allocations,  soit  dans 
l'intérêt  des  monuments  historiques ,  soit  pour  faciliter  des 
recherches  archéologiques  ;  parmi  les  dernières,  deux  étaient 
pour  des  fouilles  à  Cassel  (département  du  Nord),  et  à 
Wissant  (département  du  Pas-de-Calais).  Ayant  été  chargé 
de  la  direction  de  ces  fouilles,  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous 
en  rendre  compte.  Je  commence  par  celles  de  Cassel. 

FOUILLES  DE  CASSEL. 

Vous  vous  rappelez,  Messieurs,  l'excursion  que  le  Congrès 
archéologique  de  France  a  faite ,  le  21  août  1860  ,  de  Dun- 
kerque à  Cassel,  l'ancien  Castellum  de  l'Itinéraire  d'Antonin, 
qui ,  sur  la  table  théodosienne  ,  porte  deux  tours ,  signe  des 
capitales  ,  ville  remarquable ,  en  outre ,  non-seulement  par 
toutes  les  voies  romaines  qui  en  partaient,  y  passaient  ou  s'y 
terminaient,  mais  encore  par  une  des  plus  belles  vues  du 


350      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

nord  de  l'Europe.  Vous  avez  examiné  alors  avec  un  vif  in- 
térêt les  restes  du  château  romain  et  plusieurs  pans  de  ses 
murs  formés  avec  le  véritable  ciment,  des  cordons  de  briques 
et  des  pierres  de  la  montagne.  Ces  vieilles  murailles,  dont  la 
première  assise  descendait  à  7  mètres  de  profondeur ,  avaient 
été  retrouvées,  pour  ainsi  dire,  dans  les  entrailles  de  la  terre, 
grâce  à  une  première  allocation  mise  à  ma  disposition  par 
notre  illustre  directeur  :  alors,  il  fallait  des  précautions  pour 
arriver  au  pied  des  murs;  mais,  depuis  cette  visite,  les  abords 
ont  été  arrangés  avec  intelligence  de  manière  à  rendre  l'accès 
facile.  Quoi  qu'il  en  soit ,  avant  de  commencer  les  nouvelles 
fouilles  pour  lesquelles  une  seconde  allocation  avait  été  ac- 
cordée ,  j'ai  pris  des  informations  auprès  des  habitants  les 
plus  éclairés  du  pays ,  pour  savoir  s'il  y  aurait  des  chances 
de  découvertes  sur  la  pente  de  la  montagne  :  on  l'examina 
avec  soin  et  la  réponse  fut  négative  ;  cette  pente  était  trop 
rapide  pour  donner  le  moindre  espoir ,  c'eût  été  dépenser 
l'argent  en  pure  perte  :  pour  l'employer  avec  fruit,  on  devait 
reprendre  les  fouilles  au  château  romain  ;  toutefois,  avant  d'y 
retourner ,  j'exprimai  le  désir  qu'on  descendît,  tant  dans 
l'aqueduc  qui  commence  près  de  ce  château  et  aboutit  à  une 
belle  fontaine  de  la  place  publique  (1) ,  que  dans  le  cloaque 
qui  reçoit  les  eaux  de  cette  place  et  de  nombreux  conduits 
souterrains  ;  cloaque  qu'on  me  disait  assez  grand  pour  qu'un 
ouvrier  pût  passer  dans  toute  sa  longueur.  On  y  est  descendu, 
mais  sans  y  remarquer  rien  de  particulier.  Selon  moi ,  ce 
n'est  pas  un  motif  suffisant  pour  décider  que  ces  constructions 
ne  remontent  pas  à  l'époque  romaine ,  et  la  question  ne  sera 

(1)  Cette  place  semble  former  un  carré  long,  comme  les  anciennes 
places  publiques  qui  remontent  à  l'époque  romaine;  d'après  Vitruve, 
elles  devaient  avoir  un  tiers  en  étendue  sur  un  sens,  de  plus  que  sur 
l'autre  (Vitruve,  CCV,  ch.  i). 


SUR   DES   FOUILLES   FAITES   A   CASSEL.  351 

pas  résolue  tant  qu'un  homme  compétent,  qui  connaisse  des 
aqueducs  ou  dos  cloaques  de  cette  époque,  n'aura  pas  comparé 
avec  eux  ceux  de  Casse],  après  les  avoir  examinés  avec  soin  :  son 
avis  exprimé  ainsi  en  grande  connaissance  de  cause,  pourrait 
alors  être  décisif:  cet  avis  me  paraît  d'autant  plus  désirable 
que  les  recherches  concernant  les  aqueducs  et  les  cloaques 
gallo-romains  ne  sont  pas  sans  intérêt,  à  en  juger  par  ce 
qu'on  lit  dans  un  excellent  ouvrage  qui  vient  d'être  pu- 
blié (1)  et  qu'on  ne  saurait  trop  propager.  En  attendant,  j'ai 
fait  recommencer  la  recherche  des  anciens  murs  romains  du 
château,  mais  cette  fois  d'un  autre  côté,  vfcrslecoin  sud,  près  le 
moulin,  et  j'ai  la  satisfaction  de  vous  annoncer  qu'on  en  a  re- 
trouvé plusieurs  dans  un  bon  état  :  ils  étaient  à  moins  de 
profondeur  que  ceux  vus  par  les  membres  du  Congres  : 
selon  toute  apparence ,  ils  servaient  à  former  une  tour  carrée 
qui  ressemble  d'une  manière  frappante  a  celle  du  château 
romain  (2)  de  Jublains  (département  de  la  Mayenne).  Du 
reste,  leur  dessin  a  été  ajouté  par  M.  Annoot,  conducteur 
des  ponts-et-chaussées  à  la  résidence  de  Cassel,  au  plan  qu'il 
avait  eu  déjà  l'obligeance  de  faire  pour  la  Société  française 
d'archéologie,  (le  plan  en  donne  une  idée  exacte  et  constate 
leur  emplacement ,  leur  profondeur  ,  leur  épaisseur,  leur  di- 
rection, etc.  Je  ne  puis  mieux  faire  que  d'y  renvoyer  pour 
les  détails.  En  retirant  les  terres,  on  a  trouvé,  de  ce  côté 
comme  de  l'autre ,  divers  objets  plus  ou  moins  intéressants 
qui  ont  été  remis  au  musée  de  Cassel  :  ils  consistent  en  cinq 
pièces  de  monnaie,  dont  une  est  romaine  et  les  autres  du 
moyen-âge,  une  petite  cuillère  recourbée,  deux  pointes  en 

(1)  V Abécédaire  d'archéologie  (ère  gallo-romaine),  par  M.  de  Cau- 
raoïit.  Voir  les  pages  li4  à  11x5,  pour  ce  qui  concerne  les  aqueducs  et 
les  cloaques  gallo-romains. 

(2)  Voir  les  plans  de  ce  château  (Abécédaire  d'archéologie  «le  M.  de 
Caumont,  architectures  civile  et  militaire,  p.  273  et  274). 


352  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

fer  qui,  selon  toute  apparence ,  ont  été  des  bouts  de  lance,  et 
un  ancien  bénitier ,  dont  M.  Wackernie  ,  conservateur 
du  musée  de  Cassel,  a  fait  un  dessin  très-exact;  ce  béni- 
tier a-t-il  appartenu  à  l'ancienne  église  de  St. -Pierre  , 
construite  vers  la  fin  du  XIe.  siècle  dans  l'enceinte  du  châ- 
teau par  Robert-le-Frison  ,  église  dont  il  ne  reste  plus  au- 
jourd'hui qu'un  grand  caveau  où  l'on  conserve  avec  soin  la 
pierre  tombale  de  ce  célèbre  comte  de  Flandre  ?  N'a-l-il  pas, 
au  contraire,  servi  à  la  chapelle  qui  vraisemblablement  exis- 
tait auparavant,  sur  le  même  emplacement?  Je  laisse  à 
d'autres  plus  compétents  que  moi  le  soin  de  répondre  à  ces 
questions  ;  mais  je  ne  terminerai  pas  ce  qui  concerne  les 
fouilles  de  Cassel,  sans  remercier  ici  M.  Annoot  du  nouveau 
concours  qu'il  m'a  donné  avec  un  entier  dévouement,  soit  en 
dirigeant  les  ouvriers  pendant  mon  absence,  soit  en  figurant 
sur  son  plan  les  murs  récemment  découverts;  il  a  justifié  ainsi, 
on  ne  peut  mieux,  la  récompense  honorifique  (1)  que  vous  lui 
avez  décernée  à  la  dernière  séance  de  votre  Congrès  de 
Dunkerque. 

FOUILLES  DE  WISSANT. 

C'était  ia  deuxième  fois  que  j'étais  appelé  à  faire  à  Wis- 
sant  des  fouilles  archéologiques.  Mon  compte-rendu  des 
premières  a  élé  publié  par  la  Société  dunkerquoise  (2),  en 
1856  :  il  constatait  qu'aucun  objet  de  l'époque  gallo-romaine 
n'avait  été  alors  découvert. 

Étant  retourné  à  Wissant,  où  je  vais  à  peu  près  tous  les  ans, 
j'appris  qu'on  avait  trouvé  quelques  vases  antiques  dans  une 
pièce  de  terre  où  l'on  faisait  ce  qu'on  appelle,  dans  le  pays  , 

(1)  Une  médaille  de  bronze. 

(2)  Tome  III,  p.  210  à  215  de  ses  Mémoires. 


SUR   DES  FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  353 

du  lit-avant;  je  m'empressai  de  les  examiner,  et  je  reconnus 
tout  de  suite  des  vases  funéraires  toul-à-fait  semblables  à  ceux 
qui  sont  figurés  dans  l' Archéologie  céramique  de  Mf.  l'abbé 
Cochet  (1),  comme  provenant  de  sépultures  romaines  des 
trois  premiers  siècles.  Une  monnaie  de  l'empereur  Posthume 
avait  été  découverte  en  même  temps.  Je  pensai  qu'en  por- 
tant les  fouilles  de  ce  côté  on  aurait  plus  de  chances  de 
succès  ;  mais ,  pour  les  entreprendre,  il  fallait  deux  choses  : 
une  allocation  et  l'assentiment  du  propriétaire.  En  ce  qui 
concerne  les  fonds  ,  la  Société  française  d'archéologie  ,  fidèle 
à  ses  belles  traditions ,  accorda  d'abord ,  à  Dunkerque , 
200  francs,  puis,  a  Reims,  100  francs.  Je  me  disposais,  en 
conséquence,  à  recommencer  à  Wissant  les  travaux  d'explo- 
ration ,  lorsque  la  Commission  de  la  topographie  des  Gaules, 
informée  de  mon  projet,  eut  la  gracieuse  pensée  d'ajouter 
spontanément  une  allocation  de  200  francs  aux  deux  précé- 
dentes: ce  qui  mita  ma  disposition  500  francs,  dont  j'ai  em- 
ployé environ  les  deux  tiers  aux  fouilles  de  1861  ;  elles  ont 
été  exécutées  sur  trois  points  différents  et  assez  éloignés  l'un 
de  l'autre.  Je  désirais  les  commencer  dans  la  pièce  de  terre 
à  labour  d'où  l'on  avait  retiré  les  vases  funéraires  dont  j'ai 
parlé;  mais  le  propriétaire  avait  conçu  l'espoir  que,  tôt  ou 
lard,  il  y  trouverait  un  trésor  :  il  tenait  sans  doute  à  se  le  ré- 
server tout  entier ,  car  il  a  refusé  son  consentement.  Du 
reste,  il  m'a  remis  avec  empressement  les  objets  qui  lui  res- 
taient de  ses  découvertes ,  objets  qu'on  peut  voir  au  musée 
de  Boulogne  auquel  ils  ont  été  envoyés,  et  il  m'a  indiqué 
les  trois  endroits  où  il  les  avait  trouvés  :  dans  deux ,  c'était 
à  la  profondeur  de  1  mètre  66  centimètres;  dans  l'autre, 
à  celle  de  1  mètre  33  cent.  ;  mais  là  il  y  avait  comme  un 
petit  toit,  formé  par  quatre  pierres  plates  protégeant  une 

(1)  Page  10. 

23 


35.'l      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

urne  cinéraire  et  une  soucoupe  ;  ailleurs ,  les  vases ,  a-t-il 
ajouté ,  étaient  sous  un  banc  d'argile ,  circonstance  qui  m'a 
paru  assez  remarquable  pour  m'en  enquérir  auprès  d'autres 
habitants  du  pays:  leurs  déclarations  ont  toutes  été  dans  le 
même  sens.  Quoi  qu'il  en  soit,  en  présence  d'un  refus  aussi 
fâcheux ,  j'ai  dû  m'abstenir  de  toutes  recherches  dans  le 
champ  des  découvertes,  et  j'ai  fait  faire  des  tranchées  dans  les 
terrains  contigus,  du  côté  de  l'ouest  et  du  nord ,  après  avoir 
obtenu  l'autorisation  des  propriétaires  et  fermiers  qui  me 
l'ont  accordée  bien  volontiers.  Rien  d'intéressant  n'a  été 
découvert:  peut-être  aurait-on  mieux  réussi  dans  les  parcelles 
à  l'est  ,  entre  ledit  champ  et  un  ancien  chemin.  Si  vous 
étiez,  Messieurs  ,  d'avis  de  l'affirmative,  je  demanderais  les 
consentements  nécessaires ,  et  s'ils  sont  donnés ,  j'y  com- 
mencerai les  recherches  après  la  récolle. 

FOUILLES  DANS  LES  DUNES  DE  WISSANT. 

J'ai  fait  faire  ensuite  des  fouilles  dans  les  dunes,  qui  com- 
prennent une  partie  notable  de  la  commune  de  Wissant. 
J'avais  reconnu,  en  1855,  qu'elles  n'y  étaient  pas  aussi 
faciles  que  dans  les  garennes  d'Étaples ,  sur  l'emplacement 
de  l'ancienne  ville  de  Quentowic  où  nous  avons  découvert, 
en  1841  et  depuis,  les  murs  de  fondation  de  plus  de  cent 
maisons,  ainsi  qu'un  nombre  considérable  d'objets  (1)  de 
l'époque  gallo-romaine  et  du  moyen-âge.  Il  est  vrai  que,  là  , 
de  vastes  plaines  avaient  été  formées  ,  en  rendant  les  sables 
mobiles,  à  l'aide  de  la  charrue  qu'on  y  avait  fait  passer 

(1)  Voir,  à  ce  sujet,  le  XXIVe.  volume  de  la  Snciëlé  française  d'ar- 
chéologie (p.  139  à  145)  et  mon  mémoire  sur  remplacement  de 
Quentowic  (t.  IX  des  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
la  Morinie,  p.  253  à  338  ). 


SUR    DES   FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  '555 

lorsque  le  vent  soufflait  dans  une  bonne  direction.  Il  n'en 
était  pas  de  même  à  Wissant,  où  les  monticules  sont  restés; 
ce  n'est  donc  que  dans  les  fonds  qu'on  peut  entreprendre 
des  recherches,  sans  trop  de  frais  :  encore  le  sable  y  re- 
couvre-t-il  le  plus  souvent  l'ancien  sol ,  de  2  h  3  mètres  ! 
Aussi,  pour  diminuer  autant  que  possible  la  dépense  ,  ai-je 
eu  recours,  au  préalable,  à  une  longue  sonde  en  fer  avec 
laquelle  on  a  fait  des  recherches  dans  plus  de  cent  endroits , 
et  notamment  soit  le  long  du  sentier  de  Wissant  à  St. -Polqui 
traverse  les  dunes  (sentier,  selon  toute  apparence,  le  reste 
d'un  ancien  chemin  de  voiture  ) ,  soit  dans  le  voisinage  et  à 
l'est  du  ruisseau  qui  fait  tourner  le  moulin  de  Wissant.  Il 
était  de  notoriété  publique  que  le  groupe  principal  des 
maisons  était  anciennement  de  ce  côté  et  qu'on  en  avait 
retiré,  depuis  plus  de  cent  ans ,  une  quantité  considérable 
de  pierres  ,  lesquelles  avaient  été  employées  aux  nouvelles 
bâtisses.  On  ne  trouva  rien  à  l'endroit,  nommé  le  Temple, 
où  il  y  eut  autrefois  une  maison  et  une  chapelle  de  l'ordre 
des  Templiers  (1).  Tout  avait  été  démoli  et  enlevé.  On  me 
montra  même  ,  sur  le  chemin  d'Hervelinghen ,  à  environ 
ftOO  mètres  de  l'église  de  Wissant  ,  une  maison  où  l'on 
avait  fait  entrer ,  lors  de  sa  construction  ,  les  deux  bénitiers 
de  cette  chapelle;  mais,  sur  d'autres  points,  on  rencontra 
d'anciens  murs  au  nombre  de  cinq  ou  six:  les  plus  rap- 
prochés du  ruisseau  du  moulin  furent  dégagés  des  sables 
qui  les  entouraient,  et  ce  ne  fut  pas  sans  peine,  ni  sans 
danger ,  qu'on  parvint  à  les  mettre  à  découvert  ;  car  des 
éboulements  survinrent  en  mon  absence  ,  et  plusieurs  de 


(1)  Alard  Tassait ,  archiviste  ck' St.-Bertin,  dont  la  bibliothèque  de 
St.-Omer  possi'de  4  vol.  in-/i0  (  manuscrits  ) ,  mentionne  ainsi  celle 
maison  (  Domus  militis  Templi  de  Wissant  ).  Cet  archiviste  est  mort 
en  1532. 


356      CONÇUES  ARCHÉOLOGIQUE  OE  FRANCE. 

nos  ouvriers  prétendirent  avoir  manqué  d'en  être  victimes. 
Il  fallut  chercher  un  homme  ayant  assez  de  capacité  et  d'ex- 
périence pour  les  bien  diriger ,  en  travaillant  avec  eux  :  heu- 
reusement je  pus  le  trouver  de  suite.  Il  prit  les  précautions 
convenables,  et  on  put  ainsi  compléter,  de  ce  côté,  sans 
aucun  accident  ,  les  recherches  commencées.  Je  suis  donc 
à  même  de  fournir  des  détails  à  leur  sujet ,  détails  con- 
signés ,  du  reste ,  en  grande  partie  sur  un  plan  que  je  dois 
à  l'obligeance  de  l'instituteur  communal:  je  parle,  d'abord, 
d'un  mur  remarquable  par  sa  longueur  qui  est  de  21  mètres: 
il  commençait  à  2  mètres  50  centimètres  de  profondeur;  sa 
hauteur  est  de  h  mètres  18  centimètres;  sa  largeur  de  75 
centimètres  ;  toutefois  ,  la  première  assise  des  fondations  est 
plus  large:  elle  est  de  95  centimètres.  Il  est  à  noter  qu'à  une 
profondeur  de  k  mètres,  à  partir  de  la  crête  du  mur,  on  a 
trouvé  une  aire  qui  continuait  sous  le  sable.  Deux  autres 
murs  se  reliaient  à  celui-ci  :  ils  sont  figurés  sur  le  plan. 
Lorsque  je  les  examinais ,  des  habitants  du  pays  me  certi- 
fièrent qu'ils  avaient  vu  ,  dans  leur  jeunesse  ,  d'autres  murs 
fort  longs ,  entre  ceux-là  et  la  mer  ,  distante  d'environ  100 
mètres,  et  qu'ils  étaient  parallèles  au  ruisseau  du  Moulin.  Ils 
ajoutèrent  qu'en  enlevant  les  pierres ,  on  en  avait  retiré  des 
anneaux  de  fer  faisant  face  à  ce  ruisseau  où  ,  d'après  la  tra- 
dition, était  l'ancien  port:  cette  tradition  se  trouve  donc 
ainsi  confirmée  !  elle  l'est  encore  par  une  autre  circonstance  : 
c'est  qu'on  rencontre  sur  ses  bords  des  pièces  de  bois  pro- 
fondément enfoncées,  qui  sont  considérées  comme  des  restes 
de  quai. 

Une  autre  construction,  qui  a  été  également  exhumée  pour 
ainsi  dire  des  sables,  était  plus  éloignée  de  la  mer  et  tout 
près  de  la  maison  du  sieur  Siarae  :  elle  a  été  trouvée  à  une 
profondeur  de  2  mètres  kO  centimètres.  Elle  consiste  dans» 
un  pavé  allant  de  l'est  à  l'ouest,   d'une  largeur  de  3  mètres 


SU!'.    DLS    FOUILLIS    FAITES    A   WISSANT.  357 

30  centimètres  :  il  a  été  aussi  formé  avec  des  pierres  bleuâtres, 
dont  deux  sont  beaucoup  plus  grandes  que  les  autres  ; 
l'une  est  placée  à  l'est,  à  plus  d'un  mètre  de  longueur;  sa 
largeur  est  de  30  centimètres  ;  l'autre,  qui  touche  à  celle-ci , 
est  ronde  et  son  diamètre  est  de  /io  centimètres.  On  présume 
que  ce  pavé  est  celui  d'une  ancienne  rue  de  la  ville  de  Wissanî. 
Du  reste  ,  sur  ce  point  comme  sur  l'autre  ,  il  n'y  a  pas 
la  moindre  trace  de  ciment  romain  ,  ni  de  briques  ;  les 
murs  ont  été  faits  avec  le  mortier  ordinaire  du  pays;  en  re- 
tirant les  sables ,  on  n'a  pas  trouvé  une  seule  monnaie,  un 
objet  quelconque  qui  rappelât  l'époque  romaine  :  on  n'a 
rencontré  que  quelques  jetons  qui  remontent  tout  au  plus 
au  XIVe.  siècle,  et  un  petit  poids  dit  angelot  :  la  liste  en  est 
annexée  à  mon  rapport. 

Ces  constructions  n'ont  aucune  analogie  avec  celles  qui 
ont  été  découvertes  dans  les  garennes  d'Étaples.  Le  principal 
mur  ressemble,  d'une  manière  frappante,  5  celui  d'une  an- 
cienne maison  située  près  de  l'église  de  AVissant.  Tels  sont 
les  faits,  et  il  me  semble  qu'on  peut  en  tirer  plusieurs  con- 
clusions: la  première,  c'est  que  l'ancien  port  de  Wissant 
était  incontestablement  dans  la  direction  du  ruisseau  et  des 
terrains  qui  l'avoisinent  ;  la  seconde  ,  c'est  qu'il  y  avait  sur 
ce  port  de  vastes  bâtiments ,  dépendant  des  longs  et  larges 
murs  dont  les  fo;;ille;;  ont  constaté  l'existence  ;  la  troisième, 
c'est  que  ces  murs ,  de  même  que  le  pavé  précité  ,  ne  sont 
pas  de  l'époque  romaine. 

Ayant  appris,  pendant  mon  dernier  séjour  à  Wissant,  qu'il 
y  avait  dans  les  dunes  un  endroit  nommé  la  Trésorerie  , 
parce  qu'on  y  trouvait  souvent  autrefois  des  pièces  de  mon- 
naie ,  je  m'empressai  d'y  conduire  les  ouvriers,  me  rappe- 
lant qu'à  Étaples  c'était  dans  In  jn'rcc  à  liards,  ou  dans  celle 
nommée  le  Ruisseau-  W Argent ,  que  nous  avions  fait  le  plus 
de  découvertes;  mais  malheureusement,  ici,  les  sables  s'étaient 


358  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCK. 

amoncelés  :  on  a  eu  beau  descendre,  soit  avec  la  sonde,  soit 
avec  le  louchet,  à  3  ou  k  mètres  de  profondeur  et  faire  en- 
suite le  même  travail  dans  d'autres  fonds  voisins  de  celui-là  , 
on  n'en  a  retiré  rien  d'intéressant,  sauf  une  monnaie  d'Edouard 
III ,  roi  d'Angleterre  ,  frappée  à  Londres. 

FOUILLES  AU  MONT  D'AVERLOT. 

Je  tenais  à  examiner  avec  tous  les  soins  possibles  le  mont 
d'Avcrlot,  où,  d'après  ce  qui  avait  été  dit  à  l'un  des  plus  savants 
membres  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres, 
il  y  aurait  eu  un  camp  qu'il  présumait  être  celui  de  Jules 
César,  lors  de  ses  expéditions  dans  la  Grande-Bretagne  (1), 
camp  dont  je  n'avais  jamais  entendu  parler  dans  aucun  de 
mes  précédents  voyages  à  Wissant.  Ayant  appris  que  l'ha- 
bitant du  pays  qui  lui  avait  donné  des  renseignements, 
se  nommait  Dufour,  que  c'était  un  cultivateur  intelligent,  et 
qu'il  demeurait  h  Haute-Sombre,  hameau  de  Wissant,  tout 
près  du  même  mont ,  je  crus  ne  pouvoir  mieux  faire  que 
de  m'adresser  à  lui  pour  les  travaux  d'exploration  dans  son 
voisinage.  Il  m'a  répété  qu  il  y  avait  eu  sur  ce  mont  un  camp, 
mais  en  ajoutant  que  c'était  son  opinion  personnelle,  fondée  sui- 
des pierres  de  mer  qu'il  y  avait  vues  et  les  nombreux  rideaux 
de  terre  dont  il  était  environné.  Je  sus  bientôt  qu'on  y  avait 
trouvé  récemment  des  pièces  de  monnaie.  En  m'y  rendant, 
je  me  rappelai  que,  du  temps  de  Jules  César,  la  forme  des 
camps  romains  était  carrée  ,  que  la  largeur  des  fossés  était 
au  moins  de  3  mètres ,  au  plus  de  5 ,  leur  profondeur  au 

(1)  V.  Les  Expéditions  de  César  en  Grande-Bretagne,  par  M.  le 
sénateur  de  Saulcy ,  président  de  la  Commission  de  la  topographie  des 
Gaules,  p.  33. 


SUIS    PKS   FOUILLES   FAITES   A   WISSAKT  359 

moins  do  2  mètres  33  centimètres  ,  au  plus  de  6  mètres  ,  et 
que  les  parapets  étaient  élevés  avec  la  terre  retirée  de  ces 
fossés  (1).  Parvenu  sur  le  plateau  du  mont,  dont  la  hauteur 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  est  de  81  mètres,  je  le  par- 
courus en  tous  sens  sans  apercevoir  aucun  espace  rectan- 
gulaire, ni  la  moindre  trace  de  fossés  de  fortification.  On 
voyait  effectivement  sur  la  pente  de  la  montagne  des  rideaux 
de  terre  ;  ils  sont  même  ,  sur  quelques  points  ,  comme  su- 
perposés, mais  l'espace  compris  entre  les  premiers  était  loin 
d'être  carré;  d'une  étendue  d'environ  12  hectares ,  il  est 
entièrement  en  culture.  Le  mont  d'Averlot  est  longé, .au 
sud ,  par  l'ancienne  roule  de  "Wissant  à  Calais.  Du  côté  de 
la  mer,  dont  il  est  fort  rapproché,  il  termine  comme  une 
chaîne  de  montagnes  qui  passe  à  Hcnelinghen  ,  et  il  est  à 
quelques  pas  du  territoire  d'Escales,  village  qui  faisait  partie 
du  territoire  occupé  par  les  Anglais  depuis  13fr7  jusqu'en 
1558;  il  était  donc,  à  cette  époque  ,  sur  la  frontière  des 
possessions  anglaises.  Quoi  qu'il  en  soit ,  la  vue  des  lieux  ne 
suffisant  pas  pour  résoudre  la  question  qui  m'y  avait  amené, 
je  fis  faire  des  tranchées  sur  le  plateau.  On  n'y  découvrit 
rien  d'intéressant  ,  pas  même  ces  débris  de  tuiles  ou  de 
pannes  qu'on  rencontre  si  souvent  sur  l'emplacement  des 
anciens  camps  ou  de  constructions  quelconques.  Tout  ce 
qu'on  put  me  montrer  consistait  en  deux  ou  trois  pierres  de 
la  côte,  qui  pouvaient  provenir  aussi  bien  d'anciennes  bornes 
que  xle  murs. 

Les  recherches  furent  ensuite  portées  à  l'endroit  d'où 
l'on  avait  retiré,  en  labourant,  quelques  pièces  de  monnaie; 
elles  furent  infructueuses,  mais  je  parvins  à  voir  l'une  de  ces 

(1)  Commentaires  de  J.  C,ô*ar,  lib.  II,  v  ;  — Nicupoort,  Coutumes 
des  Humains  ,  p.  252.  Paris,  1780  ;  —  Adam,  Antiquités  romaines, 
t.  II,  p.  159;  —  Abécédaire  iCarcliéo!o(jie{ïtrc  g;>ll J-romuinC),  p.  442-450. 


360  ^CONGRÈS    AKGHtOLOGIQUL    DIS   FHANGÉ. 

pièces  ,  et  l'ayant  achetée  ,  je  pus  bientôt  reconnaître  qu'elle 
était  du  XVIe.  siècle.  C'était  une  monnaie  de  Clèves.  Il 
restait  à  se  fixer  sur  les  rideaux  de  terre  que  j'avais  sous 
les  yeux.  Dans  presque  tous  les  villages  voisins,  on  remarque 
également  des  rideaux  de  terre,  et  surtout  à  Hervelinghen 
où  il  y  en  a  beaucoup.  Aucun  habitant  du  pays  ne  met  en 
doute  qu'ils  ont  été  formés  naturellement.  Cela  est  de  toute 
évidence.  Or ,  ceux  du  mont  d'Averlot  leur  ressemblant , 
on  doit  leur  attribuer  la  môme  origine;  s'il  y  en  a  là  plus 
qu'ailleurs,  cela  peut  venir  de  ce  que  la  mer  est  plus  proche; 
mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  croire  qu'ils  ont  été  faits 
dans  un  intérêt  militaire.  S'il  en  était  ainsi ,  s'ils  avaient  été 
formés  par  des  soldats  romains,  ces  rideaux  n'auraient-ils 
pas  été  bordés  de  fossés  dont  la  terre  aurait  servi  à  les  éta- 
blir ,  fossés  qui  auraient  augmenté  les  moyens  de  défense  ? 
Cette  pensée  me  détermina  à  faire  creuser  des  trous  a  en- 
viron 33  centimètres  de  distance  du  bas  des  rideaux.  Or , 
presque  partout,  on  rencontra  le  terrain  naturel  (la  craie) 
à  environ  17  centimètres  de  profondeur  :  sur  quelques  points, 
elle  était  à  50  et  60  centimètres.  Cela  suffisait  pour  constater 
qu'il  n'y  avait  jamais  eu  de  fossés  de  fortifications,  et  dès- 
lors  ce  motif  venait  se  joindre  aux  précédents  pour  démontrer 
que  le  camp  de  Jules  César ,  ni  d'aucun  autre  général  ro- 
main ,  n'avait  pas  été  établi  sur  le  mont  d'Averlot.  Il  est 
possible  qu'aux  XIVe.  ,  XVe.  et  XVIe.  siècles,  un  poste  mi- 
litaire y  ait  été  placé.  Cela  me  paraît  même  vraisemblable  , 
non -seulement  parce  que  c'était  un  point  élevé,  fort  rap- 
proché alors  de  la  limite  séparative  des  possessions  anglaises 
et  du  Boulonnais  dont  dépendait  Wissant ,  qui  appartenait 
à  la  France  ,  point  qui  ,  d'ailleurs  ,  dominait  deux  che- 
mins, mais  encore  parce  que,  sur  la  montagne  d'Herve- 
linghen,  parallèle  h  celle-ci,  il  y  avait,  à  la  même  époque, 
des  redoutes  du    côté    du  hameau    de  Rainsaut  où   était 


SUR   DES  FOUILLES   FAITES   A    WISSAIST.  301 

la  frontière  (l)  ,  redoutes  que  j'ai  découvertes  pendant  les 
fouilles  dont  je  rends  compte  et  dont  le  nombre  s'élevait 
à  huit  ;  mais,  à  cet  égard,  on  n'a  pour  le  mont  d'Averlot 
qu'une  prohabilité,  rien  ne  venant  dans  l'histoire  ou  sur  les 
lieux  en  donner  la  preuve,  tandis  qu'elle  est  bien  visible  en- 
core à  Flervclinghen ,  village  remarquable ,  en  outre ,  par  ses 
lumulus  de  l'époque  gauloise,  des  tombeaux  mérovingiens 
et  des  mottes  du  moyen-âge. 

Je  ne  finirai  pas  mon  rapport  sans  faire  remarquer  qu'on 
ignore  encore  si,  pour  les  antiquités  romaines  (découvertes 
jusqu'ici  en  si  petit  nombre  à  Wissant),  cette  ancienne  ville  a 
dit  son  dernier  mot.  Il  ne  m'a  pas  été  possible  d'y  terminer 
les  fouilles  en  1861.  Indépendamment  du  champ  dont  j'ai 
parlé,  j'en  connais  plusieurs  autres  qu'il  importe  d'explorer 
soigneusement.  Je  compte  le  faire  avec  le  reste  des  fonds  mis 
à  ma  disposition ,  immédiatement  après  l'enlèvement  de  la 
récolte.  Les  recherches  n'y  seraient  pas  autorisées  plus  tôt , 
les  terres  étant  en  culture.  Je  crois  aussi  qu'il  serait  à  propos 
d'exécuter ,  dans  les  plus  anciens  chemins  aboutissant  à 
Wissant,  des  sondages  pareils  à  ceux  que  mon  honorable 
collègue,  M.  Pigaull  de  Beaupré,  maintenant  ingénieur  des 
ponls-et-chaussées  à  Pau,  a  fait  faire  avec  tant  de  succès  (2) 
dans  les  voies  romaines  de  la  Flandre  maritime.  Si  le  reliquat 
de  mon  compte  ne  suffisait  pas  pour  cela,  j'espère  qu'un  sup- 
plément me  serait  accordé ,  ne  fût-ce  que  par  le  motif  qu'en 
complétant  les  fouilles  dont  il  s'agit  ici ,  on  peut  trouver 
d'un  moment  à  l'autre  des  objets  antiques  qui  récompensent 
de  longues  et  pénibles  recherches,  non-seulement  par  leur 
propre  valeur,  mais  encore  en  servant  à  résoudre  définitive- 
ment la  grande  qnestion  de  l'emplacement  du  Portus  Itius. 

(i)  Telle  étail,  du  moins,  la  prétention  des  Français:  les  Anglais 
disaient  qu'elle  était  au  chemin  sur  le  mont  de  Couple. 

(2)  Voir  t.  VI ,  p.  75  à  90  des  Mémoires  de  la  Société  dunker- 
quoise,  le  compte-rendu  de  ces  sondages. 


362  CONGRÈS   AKCMÉOI.OGlQUli    Dli   FRANCE. 


I^OTJUjLES    DE   ±SQ2. 


Le  21  juillet  dernier  ,  j'étais  à  Boulogne  ,  où  l'on  me  dit 
qu'un  officier  d'ordonnance  de  l'Empereur  s'était  rendu  à 
AVissant  tout  récemment  ;  qu'il  y  avait  visité  les  divers  points 
où  nos  fouilles  avaient  eu  lieu  et,  en  outre,  le  fort  César. 
J'ignore  si  on  lui  avait  fait  connaître  leur  résultat  au  mont 
d'Averlot,  mais  on  m'informa  qu'après  un  examen  attentif  il 
avait  exprimé  le  même  avis  que  moi  :  c'est  que  ce  mont  ne 
présentait  aucune  trace  d'un  camp  romain  ;  et ,  si  je  suis 
bien  informé ,  il  aurait  ajouté  une  considération  militaire  de 
nature  à  fortifier  encore  les  motifs  que  j'ai  fait  connaître. 

Quelques  jours  après,  deux  savants  membres  de  la  Com- 
mission de  la  topographie  des  Gaules,  M.  le  général  Crcully 
et  M.  Alexandre  Bertrand,  étant  arrivés  à  Boulogne ,  j'eus 
l'honneur  de  les  accompagner  dans  leur  excursion  sur  la  côte 
du  Boulonnais  ;  M.  Mariette  ,  l'érudit  président  de  l'Institut 
égyptien  ,  qui  est  devenu  célèbre  par  ses  grandes  découvertes 
archéologiques,  était  avec  nous.  C'était  le  25  juillet ,  jour 
dont  je  garderai  à  jamais  le  précieux  souvenir.  Après  avoir 
visité  Ambleteuse  ,  nous  allâmes  jusqu'à  Wissant,  où  je  leur 
montrai  tout  ce  qui  pouvait  les  intéresser  :  le  cours  d'eau 
entre  le  moulin  et  la  mer,  les  endroits  où  les  fouilles  avaient 
eu  lieu  en  1861  ,  puis  le  fort  César ,  la  motte  Carlin  et  l'an- 
cienne frontière  de  la  France  pendant  l'occupation  du  Ca- 
laisis  par  les  Anglais.  Tous  ont  pu  se  former  ainsi  ,  sur  les 
lieux  ,  une  opinion  qu'il  leur  appartient  de  manifester  lors- 
qu'ils le  jugeront  convenable. 


SLR  DliS  FOUILI.KS  FAITES  A  WISSANT.  363 

LE   CIMETIÈRE    DU    GAZE-VERT. 

Le  25  septembre  suivant,  j'étais  revenu  à  Wissant, 
croyant  la  récolte  terminée  ;  mais  elle  ne  l'était  pas  entière- 
ment ,  ce  qui  empêcha  le  cantonnier  que  j'avais  employé  en 
1861  de  se  mettre  a  ma  disposition.  Heureusement  je  pus  le 
remplacer  par  M.  Dufour  fils  (Jean-Pierre),  qui  me  procura 
les  meilleurs  ouvriers  du  pays,  et  dès  le  lendemain  malin,  il 
travaillait  avec  eux  dans  une  pièce  de  terre  à  labour  (1)  ap- 
partenant à  M.  Louis  Lefebvre,  qui  m'avait  accordé  avec  em- 
pressement son  autorisation.  Cette  pièce  de  terre  longe  la 
roule  de  St.-Inglevert,  au  nord  ;  elle  est  située  à  environ  2 
kilomètres  de  l'église  de  Wissant ,  à  un  endroit  nommé  ,  au 
cadastre,  les  Gages-Verts,  et  dans  les  anciens  titres,  Gazevclt, 
Gazevcld  et  Gaze-  Vert,  nom  sous  lequel  il  est  plus  générale- 
ment connu.  D'après  ces  titres,  il  y  avait  là  autrefois  une 
maladrerie  (hôpital)  avec  une  chapelle  qui  est  mentionnée 
comme  existant  en  1273  (2).  Depuis  long-temps  on  ne  voyait 
plus  aucune  trace  de  ces  édifices  ;  mais  leur  souvenir  était 
bien  conservé  dans  le  pays ,  et  je  savais  qu'en  élargissant  le 
chemin  de  "Wissant  à  Hervelinghen  ,  on  avait  rencontré  plu- 
sieurs tombeaux  et  retiré  de  l'un  d'eux  un  vase,  ainsi  que  de 
la  ferraille  :  c'était  pour  moi  une  raison  d'y  porter  les 
fouilles.  On  y  fit  d'abord  deux  tranchées,  à  partir  de  la  route 
et  vis-à-vis  le  point  où  les  inhumations  avaient  été  vues, 
puis  un  peu  plus  haut  et  successivement,  dix  autres.  On  y 
trouva,  à  environ  66  centimètres  de  profondeur,  quatorze 
squelettes  humains,  tous  bien  conservés  :  leur  figure  était 

(1)  Cette  pièce  (sect.  B,  n°.  207  du  cadastre)   contient  11  hectares 
S  9  ares. 

(2)  Registre  de  l'abbaye  de  St.-Vulmer  de  Boulogue,  commençant  en 
1272. 


3(>4  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

tournée  vers  l'orient ,  sauf  une  qui  l'était  au  midi  el  dont  le 
squelette ,  placé  à  environ  26  mètres  de  distance  des  autres  , 
était  accompagné  d'ossements  d'un  clûcn  et  d'un  porc. 

La  liste  des  objets  trouvés  dans  les  fouilles  comprend  ceux 
qui  ont  été  retirés  du  cimetière  du  Gaze-Vert.  On  y  remar- 
quera notamment  :  une  coquille  semblable  à  celles  du  pèle- 
rinage de  St.-Jacques-de-Compostelle,  d'où  l'on  a  inféré  que 
le  mort  avait  fait  ce  voyage;  le  bout  d'un  éperon  et  deux 
pièces  de  monnaie,  dont  l'une  porte  la  date  de  16^0  et 
l'autre  peut  remonter  au  XVIe.  siècle.  Les  squelettes  et  ce 
qui  a  été  trouvé  sur  eux  ou  auprès ,  ont  été  vus  par  des 
bonnnes  compétents  qui  ont  été  unanimes  pour  émettre 
l'avisqu'aucunedes  inhumations  n'était  fort  ancienne,  et  que 
la  plupart  étaient  probablement  des  XVe.,  XVIe.  ou  XVIIe. 
siècles. 

Les  recherches  n'ont  pas  été  bornées  au  terrain  de  31.  Lc- 
febvre:  elles  furent  étendues  a  un  autre  qui  est  en  face,  au 
sud  de  la  roule  ,  et  qui  est  occupé,  par  M.  Admond  ;  mais  on 
n'y  rencontra  ni  tombes,  ni  ossements;  on  y  signala  seule- 
ment quelques  indices  d'un  puits  et  de  la  chapelle  que  la 
tradition  place  de  ce  côté  ,  indices  trop  insignifiants  pour  y 
retenir  plus  long-temps  les  ouvriers. 

LE    FOUT    CÉSAR. 

Pendant  les  fouilles  du  Gaze-Vert,  j'avais  appris  qu'on  en 
commençait  au  fort  César  dont  je  comptais  m'occuper  en- 
suite: je  m'y  étais  rendu  le  jour  même.  Deux  cantonniers  y 
creusaient  effectivement  des  tranchées.  Je  ne  manquai  pas 
de  suivre  leur  travail ,  pensant  que,  s'il  était  bien  fait,  il  me 
dispenserait  du  mien.  Lorsqu'il  fut  terminé,  il  me  parut 
exécuté  on  ne  peut  mieux.  A  l'intérieur  du  fort,  les  tran- 
chées étaient  longues  et  profondes;  il  y  en  avait  aussi  dans 


SUR   DE$   FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  365 

les  fossés.  J'examinai  avec  attention  toutes  ces  tranchées  et 
ce  qui  en  avait  été  extrait.  On  n'y  remarquait  rien  de  ce 
qu'on  rencontre  ordinairement  dans  un  camp  de  l'époque 
romaine  ,  ni  restes  de  vases,  tuiles  ou  briques  ,  ni  pièces  de 
monnaie;  pas  un  seul  objet  intéressant  d'une  autre  époque 
n'y  avait  été  trouvé.  D'après  cela ,  le  résultat  (  complète- 
ment négatif)  vient  corroborer,  d'une  manière  décisive  ,  les 
raisons  de  penser  (pie  ce  fort  n'a  pas  été  construit  lors  des 
expéditions  de  Jules  César  dans  la  Grande-Bretagne;  raisons 
tirées  soit  de  sa  forme  qui  n'est  pas  carrée  ,  soit  du  peu 
d'étendue  de  son  enceinte  (1)  qui  comporterait  tout  au  plus 
500  hommes ,  soit  enfin  de  la  profondeur  comme  de  la  lar- 
geur (2)  de  ses  fossés.  Aussi ,  en  terminant  ce  qui  le  con- 
cerne ,  me  borneraî-je  5  faire  remarquer  qu'il  est  placé  entre 
l'ancien  port  de  Wissant  et  le  territoire  d'Hervelinghen,  dont 
il  est  voisin  ,  et  où  était  aussi  la  frontière  du  temps  de  l'oc- 
cupation anglaise  ;  que  ,  tout  en  couvrant  Wissant ,  ce  fort 
domine  plusieurs  chemins  par  lesquels  l'ennemi  pouvait  venir 
du  Calaisis  dans  le  Boulonnais ,  et  que  des  considérations 
aussi  graves  auraient  alors  commandé  la  construction  du 
fort,  s'il  n'avait  pas  existé  auparavant. 


(1)  Voici  l'extrait  du  cadastre,  relatif  à  ce  fort: 
Section  B:  n°.  74.  Camp  de  César.  50  ares  50  centiares. 

—  75.  Fossés.        —       60     »     20         » 

(2)  On  a  rappelé,  page  358,  que  les  fossés  des  camps  romains  étaient, 
du  temps  de  Jules  César,  larges  au  plus  de  5  mètres  et  profonds  de  G. 
Or,  ceux  du  fort  de  Wissant  ont  une  largeur  de  8  ù  10  mètres.  Quant 
à  leur  profondeur,  elle  était  plus  grande,  d'après  ce  qui  m'a  été  dit, 
avant  qu'on  y  eût  jeté  les  terres  du  parapet  :  on  ne  peut  donc  plus 
bien  l'apprécier  aujourd'hui. 


366  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE  FRANCF. 

LA    MOTTE-CARLIN    (1). 

Du   fort   César  on  aperçoit   un   monticule  en  forme   de 
boule ,  situé  à  environ  un  kilomètre  de  l'église  de  Wissant, 
sur  la  t  auche  de  la  roule   de   Marquise  ,  dont  il    est  fort 
rapproché,  ainsi  (pie  de  deux  autres  voies:   le  chemin  d'Au- 
dembert  et  le  chemin  Vert.  Ce  monticule ,  qui  est  appelé  la 
Motte-Carlin,  sans  qu'on  sache  d'où  lui  vient  ce  nom  ,  n'est 
entouré  d'aucuns  fossés  ;  son  contour  est  de  6'i  mètres  et  sa 
hauteur  de  k  environ.    Il  suffisait  de  voir  de  près  la  Motte- 
Carlin  pour  avoir  la  preuve  qu'elle  avait  été  déjà  explorée , 
car  elle  était  restée,  pour  ainsi  dire,  partagée  en  quatre  par 
d'anciennes   tranchées  plus  ou  moins  profondes.  Un  trou, 
large  de  1   mètre  50  centimètres,  était  au  centre,  et  au  mi- 
lieu de  celui-là  ,    un  autre  plus  petit.  Le  premier  descendait 
jusqu'à  1  mètre  UQ  centimètres;  le  second  ,  à  45  centimètres 
de  plus.   Du  reste,  il  était  de  notoriété  publique  qu'un  co- 
lonel anglais  y  avait  fait  faire  des  fouilles  en  1815  ou  1816, 
et  il  est  vraisemblable   que  cette  exploration   archéologique 
n'était  pas  la  première.  Malgré  cela ,   ne   connaissant  pas  le 
résultat  de  ces  fouilles,  la  Motte-Carlin  étant  considérée  par 
les  uns  comme  un  tumulus,  par  d'autres  comme  un  ouvrage 
défensif ,  et  étant,  d'ailleurs,  sur  Wissant,  je  crus  que  je  ne 
pouvais  me  dispenser  d'y  envoyer  quelques  ouvriers:  ce  que 
je   fis  ,   en  leur   recommandant  d'approfondir   le  plus  grand 
trou  jusqu'au-dessous  du  niveau  du  sol  voisin. 

Lorsque  je  retournai  sur  les  lieux ,  j'y  trouvai  mon 
ancien  ami,  M.  Lorgnier  ,  ainsi  que  son  fils  ,  et  en  leur  pré- 

(1)  Section  C,  n°.  9.  —  Butte  Carlin,  h  ares. 

On  lit  dans  l'ancien  terrier  du  domaine  de  Wissant,  art.  8  des 
Censives  : 

«  2  acres  de  terre ,  sises  au  dîmage  de  Wissant  ,  moitié  de  A  me- 
sures, nommées  la  Motte-Carlin,  etc.  t  Ce  domaine  avait  été  engagé  à 
M,  le  marquis  d'iîtampes,  !e  7  décembre  4  595. 


SUR    DÈS   FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  307 

sencc,  on  nous  dit  que  les  terres  étaient  rapportées  jusque 
vers  Ce  niveau  ;  qu'on  avait  alors  rencontré  des  fragments 
d'une  pierre  plate  sous  laquelle  il  y  avait  des  cendres  dont  la 
quantité  était  évaluée  à  deux  pelletées,  et  qu'on  n'avait  pas 
trouvé  autre  chose  méritant  d'être  mentionnée  ,  bien  qu'on 
eût  creusé  ensuite  jusqu'à  environ  33  centimètres  dans  le 
terrain  naturel.  Il  n'y  avait  donc  ni  vases,  ni  fragments  de 
poterie,  ni  pièces  de  monnaie;  du  reste,  leur  absence  pou- 
vait s'expliquer  par  les  fouilles  antérieures  lors  desquelles  les 
objets  antiques  auraient  été  enlevés.  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
fait  de  la  découverte  des  cendres  et  d'une  pierre  plate  qui 
les  recouvrait  ayant  été  vérifié  et  étant  devenu  constant  pour 
nous,  on  peut  en  conclure  que  la  Motte-Carlin ,  qui  a  été 
formée  tout  entière  avec  des  terres  rapportées,  est  un  vé- 
ritable tumulus. 

A-t-il  été  utilisé  pour  communiquer  la  nouvelle  de  l'ap- 
proche de  l'ennemi  pendant  l'occupation  du  Calaisis  par  les 
Anglais,  nouvelle  qu'on  donnait  alors  au  moyen  de  feux 
allumés  rapidement  de  distance  en  dislance  ,  sur  des  points 
élevés  qui  correspondaient  entr'eux  ?  Il  est  permis  de  le  penser, 
à  cause  du  grand  trou  existant  au  milieu  du  tumulus,  car 
il  semble  fait  pour  recevoir  des  matières  combustibles.  Cela 
devient  même  d'autant  plus  probable  que  ,  d'une  part ,  il  est 
à  proximité  de  trois  chemins ,  en  face  de  celui  de  "Wissant  à 
Marquise,  et  que,  d'autre  part,  il  est  aperçu  de  très-loin,  des 
montagnes  voisines  de  Boulogue. 

LA    MOTTE- DU-VENT    ET    LA    MOTTE-DU-KOUKG. 

De  la  Motte-Carlin  ,  j'aurais  conduit  mes  ouvriers  à  la 
Motte-du-Vent,  qui  est  également  sur  Wissant ,  si  je  n'y 
avais  déjà  fait,  en  1855,  quelques  recherches.  Ayant  depuis 
lors  examiné  les  lieux  à  diverses  reprises ,  j'avais  reconnu 
qu'ils  n'offraient  l'apparence  d'une  motte  que  d'un  seul  côté, 


368      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

celui  du  village  de  Tardinghen,  et  que  celte  apparence  devait 
venir,  soit  d'un  ruisseau  qui  passe  au  bas  et  dont  le  cours  fait 
baisser  de  plus  en  plus  le  terrain,  soit  de  travaux  exécutés 
dans  l'intérêt  de  l'agriculture.  Nulle  part  on  n'aperçoit  ni 
retranchements ,  ni  fossés  ;  au  reste,  j'appris  que  cet  endroit 
était  généralement  connu  dans  le  pays  sous  le  nom  de  Mont- 
du-Vent,  qui  lui  convient  beaucoup  mieux  que  l'autre  qu'on 
peut  dès  lors  croire  moderne.  Quoi  qu'il-en  soit,  il  est  in- 
concevable que  M.  Henry  (1)  ait  signalé  un  ouvrage  définitif 
fait  du  temps  des  Romains,  là  où  il  n'y  a  pas  la  moindre 
trace  de  fortifications  quelconques. 

On  voit ,  dans  le  voisinage,  la  Motte-du-Bourg  qui  est  sur 
le  chemin  de  "Wissant  à  Audinghen,  motte  où  il  y  a  un  véri- 
table fort  :  comme  il  se  trouve  sur  le  territoire  du  village  de 
Tardinghen ,  je  me  serais  abstenu  d'en  parler  si  on  ne 
m'avait  donné  à  son  égard  des  renseignements  précis,  d'où  il 
résulte  que  ce  fort  pouvait  contenir  au  plus  trois  cents 
hommes  et  que ,  d'après  sa  forme  et  les  objets  d'artillerie 
qu'on  en  a  retirés,  il  a  été  établi  durant  l'occupation  de  Ca- 
lais par  les  Anglais  ,  temps  où  l'on  avait  un  intérêt  majeur  à 
augmenter  les  moyens  de  défense. 

LE   CIMETIÈKE    DU   LIEU   DIT   LES   CROQUETS. 

En  entendant  prononcer  ce  dernier  mot ,  je  me  rappelai 
un  monticule  situé  àÉtaples,  nommé  les  Cronquelets,  où 
l'on  avait  trouvé  ,  vers  \  848 ,  des  débris  de  poteries  gallo- 
romaines,  ainsi  que  du  charbon  de  bois.  Depuis  lors,  j'avais 
lu  une  intéressante  notice  (2)  relative  à  ce  tumulus,  dont  la 
hauteur  moyenne  est  d'environ  k  mètres,  comme  à  la  motte 

(1)  P.  46  de  son  Essai  historique ,  imprimé  à  Boulogne  en  1810. 

(2)  Cette  notice  a  été  publiée  par  la  Société  des  Antiquaires  da  la 
Morinie,  dans  son  Bulletin  historique,  p.  112-116, 


SUR   DES  FOUILLLS   FAITES   A  WISSANT.  369 

Carlin  :  or,  à  Wissant,  la  pièce  de  terre  où  l'on  avait  décou- 
vert des  vases  funéraires,  et  où  je  n'avais  pu  faire  la  moindre 
recherche,  était  au  lieu  dit  les  Croquets,  mot  qui  semble  un 
diminutif  de  celui  de  Cronquelets.  Voici  ce  que  porte  un  titre 
de  1506  :  Terres  de  ÏOspùal  de  Wissant  que  l'on  dit  les 
Croquets  (1)  ;  d'où  il  suit  que  ces  terres  appartenaient  alors 
à  l'hospice  de  Wissant.  Il  était  donc  bien  désirable  que  le 
champ  des  découvertes  de  vases  funéraires  fût  exploré  avec 
soin  ;  c'est  pourquoi,  ne  désespérant  pas  d'obtenir,  en  1862, 
l'autorisation  qui  m'avait  été  refusée  l'année  précédente,  je 
fis  une  nouvelle  visite  au  propriétaire;  mais  j'eus  beau  pré- 
senter les  meilleures  raisons  :  sa  réponse  fut  la  même,  et, 
forcé  de  m'abstenir  de  toutes  fouilles  dans  son  terrain,  je  ne 
retournai  pas  moins  sur  les  lieux.  Je  remarquai  alors  que  ce 
terrain  était  sur  la  pente  d'une  colline  ;  qu'il  était  contigu  à 
la  pâture  de  la  commune ,  non-seulement  au  nord  ,  où  d'in- 
fructueuses recherches  avaient  eu  lieu  en  1861,  mais  encore 
à  l'est ,  où  la  pente  continuait  ;  et ,  me  rappelant  d'ailleurs 
qu'on  m'avait  remis  une  fibule  ramassée  dans  la  même  di- 
rection (2) ,  je  me  décidai  à  une  dernière  tentative  de  ce 
côté.  Je  fis  faire,  en  conséquence,  à  partir  du  fossé  sêparatif 
du  champ  et  de  la  pâture,  deux  tranchées  sur  une  longueur 
de  15  mètres  et  une  largeur  de  80  centimètres  :  vainement 
on  les  descendit  jusqu'à  environ  2  mètres  de  profondeur;  on 
ne  rencontra  que  du  sable,  puis  un  terrain  argileux.  Je  ne 
me  décourageai  pas  pour  cela  et  je  marquai,  sur  le  terrain, 
d'autres  endroits  où  l'on  devait  faire  de  nouvelles  tranchées. 
Cette  fois  ce  ne  fut  pas  inutilement,  car  le  lendemain  ,  30 

(1)  Terrier  de  l'abbaye  de  St.-Vulmer,  de  1506.  —  Cet  hospice  est 
mentionné  dans  un  acle  de  1299  qui  concerne  Jean  de  Bailleul ,  roi 
d'Ecosse,  alors  à  Wissant. 

(2)  J'ai  fait  faire  des  fouilles  dans  le  jardin  où  elle  avait  été  trouvée, 
mais  sans  aucun  succès. 

2h 


370  CONGKÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FINANCE. 

septembre ,  on  découvrit  dans  la  troisième  deux  pots  et  deux 
soucoupes. 

Le  1er.  octobre  ,  M.  le  Sous-Préfet  de  l'arrondissement 
était  arrivé  à  Wissant  avec  M.  le  Conservateur  des  arcbives 
de  Boulogne,  et,  en  leur  présence,  on  retira  d'une  fosse 
d'autres  pots  et  soucoupes.  L'une  d'elles  était  sur  l'un  de 
ces  pots  et  elle  paraissait  entière  lorsqu'on  l'aperçut  en 
terre;  mais  elle  ne  put  être  recueillie  que  par  fragments. 
J'augmentai  le  nombre  des  ouvriers,  afin  de  terminer  plus 
vite  la  fouille  du  large  carré  de  terre  compris  entre  la  troi- 
sième et  la  cinquième  tranchée  :  ce  travail  procura  encore 
un  pot.  A  la  distance  de  1  mètre  50  centimètres,  on  ren- 
contra des  morceaux  de  cuivre  rongés  par  la  rouille,  des  os- 
sements calcinés  et  une  pièce  de  monnaie. 

J'ai  joint  à  mon  rapport,  non-seulement  un  plan  des  lieux 
où  les  tranchées  ont  été  faites,  mais  encore  un  relevé  des 
trouvailles  dont  je  vais  dire  un  mot  :  le  pot  le  plus  haut  a 
15  centimètres  sur  une  largeur  de  11  ;  le  plus  petit  n'a  que 
8  centimètres  et  demi  de  hauteur  :  celui-là  est  d'une  couleur 
noirâtre,  tandis  que  les  autres  sont  gris.  Du  reste,  tous  sont 
en  terre  commune,  sans  aucuns  ornements,  ni  lettres,  ni 
marques  de  fabrique.  Rien  de  plus  simple.  Il  en  est  de 
même  des  soucoupes ,  dont  la  couleur  est  rouge.  Ces  objets 
étaient  à  environ  1  mètre  80  centimètres  de  profondeur. 
D'après  leur  forme  ,  leur  contenu  et  ce  qui  les  entourait ,  on 
ne  saurait  y  voir  autre  chose  que  des  vases  funéraires  ;  ils 
ressemblent  également  à  plusieurs  de  ceux  figurés  dans  les 
ouvrages  de  M.  l'abbé  Cochet  (1)  comme  étant  des  trois  pre- 
miers siècles  de  l'ère  chrétienne  :  on  doit  donc  considérer 

(1)  V.  1°.  La  Normandie  souterraine ,  planche  I,  n°.  5;  2°.  Sépul- 
tures gauloises,  romaines,  etc.,  p.  43,  2e.  vase;  p.  92,  2e.  vase; 
3°,  Archéologie  céramique,  p.  10  el  U,  28.  vase. 


SUR   DES   FOUILLES   FAITES   A    WISSANT.  371 

ces  vases  funéraires  comme  étant  de  l'un  de  ces  siècles ,  sans 
pouvoir  dire  duquel.  J'espérais  que  la  pièce  de  monnaie 
nouvellement  découverte,  venant  se  joindre  à  la  médaille  de 
Posthume  retirée,  en  1860,  du  champ  voisin,  contribuerait 
avec  elle  à  nous  fixer  d'une  manière  plus  précise  ;  mais  cette 
pièce,  qui  est  un  moyen-bronze  de  l'époque  romaine,  n'offre 
malheureusement  que  la  trace  d'une  figure  dont  le  profil  est 
à  droite;  elle  est  tellement  fruste  que  jusqu'ici  aucun  numis- 
mate n'a  pu  en  faire  l'attribution  ;  en  sorte  que  l'incertitude 
continue  sous  ce  rapport.  Un  seul  point  paraît  bien  constant, 
c'est  que  les  vases  sont  de  l'époque  romaine  et  des  trois  pre- 
miers siècles  de  l'ère  chrétienne. 

EiWPLACEMENT    DE    LANCIEN    POUT    DE    WîSSANT. 

En  rendant  compte  des  fouilles  de  1861,  j'ai  fait  connaître 
des  raisons  de  penser  que  ce  port  était  a  l'endroit  où  coule  le 
ruisseau  d'Herlen  entre  le  moulin  et  la  mer.  J'ai  parlé  de 
pièces  de  bois,  restes  d'estacades  ou  de  quai ,  et  j'ai  profité 
de  mon  séjour  à  "Wissant  pour  vérifier,  autant  que  possible, 
où  elles  avaient  été  trouvées.  A  cet  effet,  j'ai  chargé  l'un  de  mes 
meilleurs  ouvriers,  qui  les  avait  vues ,  d'indiquer  leur  place 
d'une  manière  bien  apparente  ,  soit  d'après  ses  propres  sou- 
venirs, soit  d'après  ceux  des  habitants  qui  les  avaient  em- 
portées. Son  travail  terminé  ,  je  retournai  sur  les  lieux  et  je 
reconnus  que  les  pièces  de  bois  étaient  à  l'ouest  du  ruisseau, 
dans  une  direction  parallèle  au  long  mur  qui  se  reliait  à  celui 
de  21  mètres  de  long  ,  dégagé  des  sables.  J'appris,  de  plus, 
qu'on  avait  vu  un  vieux  mur  allant  de  l'ouest  à  l'est,  et  qu'il 
y  a  environ  trente  ans,  on  avait  découvert,  entre  les  pieux  et 
le  premier  mur  à  l'est ,  la  quille  d'un  navire  annonçant  une 
dimension  de  50  à  60  tonneaux.  Tout  concourrait  donc  à  dé- 
montrer que  l'ancien  port  de   Wissant  était   effectivement 


372      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

entre  le  moulin  et  la  mer.  Du  reste,  rien  dans  les  fouilles  de 
1855,  ni  dans  celles  de  1861  et  1862,  n'est  venu  confirmer 
l'opinion  (1)  que  le  port  de  Wissant  comprenait  ancienne- 
ment le  vaste  espace  entre  la  mer ,  le  mont  du  Vent  et  la 
motte  du  Bourg,  à  partir  du  ruisseau  d'Herlen  jusqu'à  celui 
de  Guiptun  (2),  espace  dont  la  longueur  est  de  3,900  mètres. 
Cette  opinion  ,  d'après  laquelle  ce  port  aurait  été  autant  sur 
Tardinghen  que  sur  Wissant ,  ayant  été  émise  par  Ducange  , 
et  après  lui  par  plusieurs  auteurs  plus  ou  moins  érudits,  on 
comprend  qu'elle  ait  été  acceptée  avec  empressement  par 
quelques  habitants  du  pays;  mais  ceux  qui  considèrent  uni- 
quement l'ancienne  tradition  ne  placent  l'ancien  port  qu'entre 
le  moulin  et  la  mer,  rejetant  ainsi  implicitement,  non-seule- 
ment l'idée  qui  lui  donne  la  vaste  étendue  dont  je  viens  de 
parler,  mais  même  celle  qui  la  borne  au  ruisseau  du  phare, 
en  réduisant  sa  longueur  de  2,100  mètres  pour  lui  en  donner 
encore  1,800  :  c'est,  du  moins,  dans  ce  sens  que  m'ont  géné- 
ralement parlé  les  marins  de  Wissant  que  j'ai  questionnés  à 
ce  sujet.  A  Tardinghen ,  la  réponse  a  été  la  même. 

L'honorable  M.  Routtier,  ancien  maire  de  celte  commune, 
qui  demeurait  depuis  très-long-temps  au  Châtelet  où  passe 
Je  ruisseau  de  Guiptun,  m'a  écrit,  le  18  janvier  1855, 
qu'il  ne  voyait  depuis  le  cap  Gris-Nez  jusqu'à  Wissant 
aucun  vestige  de  port  ;  il  m'a  donné  ensuite  ,  de  vive  voix  , 
des  renseignements  dont  mon  premier  rapport  (3)  fait  men- 
tion.  J'y  ai  dit  quelques  mots  des  arbres  qu'on  remarquait 

(1)  Cette  opinion  a  été  émise  par  Ducange,  dans  sa  dissertation  sur 
le  Portus  Itius  (Voir  les  dernières  pages). 

(2)  Il  y  avait  là  anciennement  un  fief  nommé  Guiptun ,  puis  le 
Châtelet. 

(3)  V.  p.  213  et  214  du  3e.  volume  des  Mémoires  de  la  Société 
dunkerquo:se.  M.  Routtier  est  mort  depuis  l'impression  de  mon  rap- 
port, dans  un  âge  avancé. 


SUR    DES   FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  373 

sur  la  plage  de  Wissant,  du  côté  d'Estrouanne  :  c'était  d'après 
les  renseignements  recueillis  ;  niais ,  pour  mieux  me  fixer  à 
leur  sujet,  j'ai  tenu  à  les  voir  de  près.  Il  fallait  pour  cela 
attendre  que  la  mer  fût  basse  ,  un  jour  de  grande  marée 
après  laquelle  elle  se  retire  toujours  plus  loin.  Je  me  rendis 
alors  sur  les  lieux  avec  le  chef  de  mes  ouvriers  ,  M.  Dufour 
fils.  Les  arbres  ensevelis  dans  la  grève  n'apparaissaient  qu'à 
leur  sommet ,  qui  dépassait  le  niveau  de  la  plage,  et  ils  y 
auraient  formé  un  écueil  s'ils  n'avaient  été  aussi  rapprochés 
du  pied  des  dunes ,  dont  la  distance  n'est  que  d'environ  20 
mètres  ;  ils  s'étendent  sur  un  espace  dont  la  longueur  a  été 
évaluée  à  50  mètres  et  sont  au  nord  de  ces  dunes,  entre  les 
..garennes  d'Estrouanne  et  le  ruisseau  du  Nain. 

Ce  que  je  viens  de  dire  n'est  applicable  qu'aux  arbres 
dont  la  tète  est  visible.  On  doit  penser  qu'il  y  en  a  un 
grand  nombre  d'autres ,  entièrement  cachés  dans  les  sables. 
Au  surplus ,  31.  Dufour  m'assura  qu'on  avait  retiré  de  là 
beaucoup  de  bois  pour  en  faire  du  feu  ;  qu'aucun  morceau 
n'était  travaillé,  que  cela  était  de  notoriété  publique,  que 
des  arbres  avaient  été  enlevés  avec  leurs  racines ,  et  qu'on 
en  trouvait  de  semblables ,  à  partir  de  l'endroit  où  nous 
étions  ,  jusqu'à  environ  deux  kilomètres  ,  du  côté  de  Haute- 
Sombre.  J'ai  interrogé  plus  tard,  sur  le  môme  sujet,  d'autres 
habitants  de  Wissant  ,  également  dignes  de  confiance  :  leurs 
réponses  furent  toutes  dans  le  même  sens.  Le  garde-cham- 
pêtre me  dit  même  qu'en  creusant ,  il  y  a  environ  dix  ans , 
à  côté  de  l'un  des  arbres  de  la  plage ,  on  avait  trouvé  des 
ossements  d'animaux  dont  l'un  n'avait  pas  moins  de  1  mètre 
33  centimètres  de  longueur,  sur  20  à  22  centimètres  de 
grosseur.  Tous  ces  renseignements  me  parurent  établir  suffi- 
samment que  les  arbres  dont  il  s'agit  ici ,  n'étaient  pas  des 
restes  de  quai  ou  d'estacades,  et  que,  loin  de  là,  ils  révé- 
laient   une    forêt  sous-marine   dont  on   n'aperçoit  qu'une 


374  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

partie.  Je  renonçai  en  conséquence  à  mon  projet  de  faire, 
avec  mes  ouvriers,  une  vérification  plus  complète,  me  rap- 
pelant, d'ailleurs,  qu'on  m'avait  remis,  en  1855,  deux  mor- 
ceaux de  bois  qui  provenaient  de  là  ,  et  que  l'un  d'eux  avait 
été  envoyé  au  musée  de  Boulogne,  où  on  peut  le  voir.  Mon 
premier  rapport  signale  deux  autres  endroits  (1)  où  l'on  a 
eu  aussi  la  preuve  d'une  forêt  sous-marine  ou  souterraine  : 
l'un  est  le  marais  de  Tardinghen ,  l'autre  la  plage  vis-à-vis- , 
qui,  comme  celle  dont  je  viens  de  parler,  est  située  entre 
les  caps  Gris-Nez  et  Blanc-Nez.  Or ,  il  est  à  remarquer  que 
celle-ci  est  sur  la  gauche  de  l'embouchure  du  ruisseau 
d'Herlen  et  l'autre  sur  la  droite.  Cela  me  semble  mériter 
l'attention ,  s'il  est  vrai  qu'on  puisse  tirer  de  l'existence  de 
pareils  arbres  une  conclusion  contraire  à  l'emplacement  d'un 
ancien  port  dans  l'endroit  où  ils  se  trouvent  ;  car  ,  dans  ce 
cas,  ils  fourniraient  un  argument  de  plus  pour  concentrer 
celui  de  Wissant  entre  le  moulin  et  la  mer. 

LES   VIELX    CHEMINS   DE    WISSANT 

Considérés  par  plusieurs  auteurs  comme  des  voies  romaines. 

J'avais  appris  qu'on  avait  fait,  il  y  a  environ  deux  ans,  des 
sondages  dans  les  anciennes  routes  des  arrondissements  de 
Boulogne  et  de  St. -Orner,  qui  étaient  réputées  des  voies 
romaines,  notamment  celle  de  Leulingue,  qui  se  termine  à 
Sangatte.  Je  ne  comprenais  pas  pourquoi  ils  n'avaient  pas 
été  étendus  aux  deux  chemins  de  Wissant,  dont  plusieurs 
savants  ont  fait  remonter  la  construction  à  la  même  époque. 
Sans  doute ,  leur  assertion  à  cet  égard  n'est  appuyée  sur 
aucune  base  solide,  ni  sur  la  Carte  de  Peulinger,  ni  sur 

(1)  Page  214. 


SUK    1>:  S   FOUJLLtS   FAITES  A   WI5SAXT-  3f5 

l'Itinéraire  d'Antonin  ,  qui,  pour  le  littoral  de  la  Gaule  on 
face  de  la  Grande-Bretagne ,  mcnlionnenl  un  seul  port , 
celui  de  Gessoriac  (Boulogne),  comme  le  point  de  départ 
ou  le  terme  des  voies  romaines  (1) ,  et  on  pouvait  en  con- 
clure que  s'il  y  en  avait  eu  réellement  à  Wissnnt,  elles 
auraient  été  ou  d'un  ordre  fort  inférieur,  ou  établies  depuis 
que  les  deux  ouvrages  ci -dessus  avaient  été  écrits;  mais  il 
me  semblait  que  c'était  un  motif  de  plus  pour  réparer  une 
regrettable  omission ,  en  faisant  faire  des  tranebées  d'où 
pouvait  jaillir,  comme  en  Flandre,  la  lumière;  et  pensant 
que  pour  cela  je  ne  pouvais  mieux  m'adresserqu'à  31.  Leroy, 
agent-voyer  du  canton  ,  l'un  des  plus  capables  que  je  con- 
naisse ,  j'eus  recours  à  son  obligeance  ;  il  se  chargea  ,  de 
la  manière  la  plus  gracieuse,  des  sondages  dont  il  m'a  envoyé 
le  résultat  que  je  vais  faire  connaître  après  lui  avoir  ex- 
primé ma  reconnaissance,  et  avoir  dit  un  mot .  des  voies 
où  ils  ont  eu  lieu. 

LE   CHEMIN    DE    WISSANT   A   LANDRETLN     (2.) 

Ce  chemin  passe  à  Herlen,  puis  au  Mont-de-Coupe,  d'où, 
après  avoir  traversé  la  route  impériale  de  Boulogne  à  Calais, 
il  arrive  à  LandreUm-le-Nord.  Il  est  appelé  au  cadastre  le 
Chemin-Poissonnier ,    nom   qui   lui  vient  du  poisson  péché 

(1)  Voir  ma  notice  sur  trois  voies  romaines  du  Boulonnais,  t.  VI 
des  Mémoires  de  la  Société  dunkerquoise.  p.  400-/i2/i. 

(2)  Plusieurs  auteurs,  notamment  mes  honorables  et  savants  col- 
lègues M.  Harbaville,  ancien  conseiller  de  préfecture  du  Pas-de- 
Calais,  et  M.  Courtois,  secrélaire-archivis'e  delà  Société  des  antiquaires 
de  la  Morinie,  ont  fait  de  ce  chemin  la  voie  romaine  de  Wissant  à 
Thérouanne,  l'ancienne  capitale  de  la  Morinie  (V.  le  Mémorial  his- 
torique du  Pas-de-Calais,  t.  II,  p  60  et  75  ;  et  les  Recherches  histo- 
riques sur  la  Lculènr,  t.  IX,  p.  59-133  des  Mémoires  de  celte  Société. 


376      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

par  les  marins  de  Wissant ,  et  que  les  mareyeurs  transpor- 
taient par  là  pour  gagner  la  grande  route  ,  avant  l'élargisse- 
ment et  la  mise  en  bon  état  du  chemin  de  St.-Inglevert  par 
Ilervelinghen.  Il  était  ainsi  appelé  de  temps  immémorial  , 
car  voici  un  extrait  d'un  acte  authentique ,  du  21  octobre 
1738  ,  portant  vente  de  9  mesures  de  terre  ,  sises  au  Mont- 
de-Coupe,  «  tenantes  d'un  bout  au  Chemin-Piclwnnier  (1) 
qui  conduit  de  Landretun  à  Wissant.   » 

En  suivant  ce  chemin  jusqu'à  la  route  impériale ,  dont  la 
distance  est  de  5,500  mètres,  on  peut  faire  plusieurs  re- 
marques : 

1°.  On  ne  rencontre  qu'un  seul  endroit  habité ,  Herlen, 
hameau  de  Wissant,  autrefois  Erlehem  ,  fief  ayant  haute, 
moyenne  et  basse-justice ,  dont  le  château  seigneurial  était 
dans  une  pâture  où  l'on  voit  encore  aujourd'hui  de  larges 
fossés  ;  2°.  après  Herlen ,  le  chemin  fait  successivement  des 
coudes,  d'où  il  suit  qu'il  est  loin  d'être  en  ligne  directe; 
3°.  sa  largeur  et  son  aspect  n'annoncent  qu'un  petit  chemin 
rural;  U°.  au  haut  du  Mont-de-Coupe,  on  aperçoit  quatre 
mottes,  dont  trois  sont  sur  le  territoire  d'Audembert ,  une 
sur  celui  d'Hervelinghen  ;  il  y  en  a  deux  sur  la  droite  et  au- 
tant sur  la  gauche.  J'étais  bien  tenté  de  faire  fouiller  ces 
mottes,  afin  de  me  fixer  complètement  à  leur  sujet;  mais  j'en 
ai  été  empêché  par  deux  motifs  qui  m'ont  fait  ajourner  l'exé- 
cution de  mon  projet;  du  reste,  il  me  paraît  suffisamment 
établi ,  dès  à  présent ,  que  plusieurs  d'entr'elles  sont  des  lu- 
mulus,  car  on  lit  ce  qui  suit  dans  le  manuscrit  de  Lutto,  an- 
cien curé  de  St.-Inglevert  (2)   :    «  On  a  découvert ,  il  y  a 

(1)  En  patois ,  on  dit  pichon  pour  poisson  ;  de  là  le  mot  pichonnier, 
qui  est  synonyme  de  poissonnier. 

(2)  Philippe  Lutto,  historien  boulonnais,  est  mort  curé  de  St.-Ingle- 
vert le  21  août  17/16.  Son  manuscrit  est  à  la  bibliothèque  de  Boulogne. 


SUR   DES   FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  377 

«  quelques  années  ,  en  labourant  la  terre  au  pied  ou  sur  la 
«  pente  d'une  de  ces  mottes,  au-dessus  d'Audembert,  un 
a  squelette  entier  à  côte  duquel  était  une  sorte  de  sabre, 
«  une  vieille  armure ,  une  hache  en  façon  de  pique  et  qucl- 
«  ques  autres  pièces  de  fer  gâtées  de  rouille.  » 

Or,  sur  les  trois  mottes  d'Audembert,  il  n'y  en  a  qu'une 
qui  soit  cultivée ,  au  moins  en  grande  partie ,  sinon  en  tota- 
lité ;  c'est  la  première  à  gauche  du  chemin  en  venant  de 
"Wissant.  D'un  autre  côté ,  ayant  entendu  dire  qu'un  maçon 
de  Marquise  avait  trouvé  plusieurs  pièces  de  monnaie  ,  en 
creusant ,  l'année  dernière  ,  dans  la  principale  motte  (sur  la 
droite  ),  pour  les  fondations  d'une  baraque  qui  devait  servir 
à  des  observations  géologiques  ou  astronomiques  ,  je  me  suis 
rendu  à  Marquise  chez  ce  maçon  :  il  était  absent;  mais  sa 
femme  ne  m'a  pas  moins  montré  ,  comme  provenant  du 
Mont-de-Coupe,  trois  médailles,  dont  deux  sont  de  l'empe- 
reur Néron  ;  l'autre  était  tellement  fruste  que  je  n'ai  pu  en 
faire  l'attribution.  Ce  n'est  pas  tout ,  car  M.  le  Maire  d'Her- 
velinghen  m'a  remis,  au  mois  de  juillet  dernier,  une  fibule 
qu'il  m'a  dit  avoir  été  retirée  d'un  vase  contenant  des  osse- 
ments humains,  en  me  certifiant,  en  outre,  que  ce  vase  avait 
été  trouvé,  il  y  a  environ  vingt  ans,  auprès  de  la  motte  du 
Mont-de-Coupe ,  qui  est  sur  le  territoire  de  sa  commune. 
Tels  sont  les  renseignements  que  j'avais  recueillis  ou  les  ob- 
servations que  j'avais  faites  au  sujet  du  Chemin-Poissonnier 
avant  les  sondages  dont  voici  le  comple-rendu  : 

Premier   sondage. 

A  50  mètres  du  premier  buisson,  au-delà  d'IIertcn,  du  côté  du 
Mont-de-Cuupc. 

La  largeur  actuelle  du  chemin  y  est  de  3  mètres  50  centi- 
mètres; encaissement,  du  côté  supérieur,  5  mètres;  encais- 


378      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

sèment,  du  côté  inférieur,  2  mèlrcs  50.  On  n'y  a  trouvé  au- 
cune trace  d'empierrement. 

La  largeur  ne  paraît  pas  pouvoir  avoir  été  plus  grande 
autrefois  :  sa  position  à  mi-côte  le  met  à  l'abri  des  antici- 
pations des  riverains. 

Deuxième    sondage. 

A  1  mètre  du  chemin  rf' Audcmbert  à  Herlen. 

Largeur  actuelle ,  2  mètres  50.  Pas  de  trace  d'empier- 
rement. 

Troisième  sondage. 

Sur  le  Mont-dc^  Coupe ,  à  104  mètres  de  la  baraque  du  Génie  et  à 
225  mètres  de  la  motte  d'IIcrvclinghcn. 

Même  largeur  (2  mètres  50)  et  même  résultat  négatif 
pour  l'empierrement. 

Quatrième  sondage. 

A  lt  mètres  du  chemin  d' Audcmbert  à  St.-Inglcvert, 

Largeur  du  chemin,  2  mètres  50.  A  hQ  centimètres  de 
profondeur,  on  a  trouvé  une  couche  de  terre  argileuse  d'une 
épaisseur  de  30  centimètres  sur  toute  la  largeur  fouillée; 
cette  couche  est  à  l'état  naturel ,  elle  existe  également  dans 
les  terrains  adjacents  au  chemin. 

Cinquième  sondage. 

A  60  mètres  avant  la  route  impériale. 

Même  largeur  (  2  mètres  50)  et  même  terre  argileuse  à  la 
même  profondeur. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  le  Chemin-Poissonnier  a 


SUR   DliS   FOUILLES   FAITES   A   WISSAIST.  379 

presque  partout  une  largeur  de  2  mètres  50  centimètres, 
mais  que,  sur  un  point  où  elle  n'a  pu  être  augmentée  ni  di- 
minuée, elle  est  de  3  mètres  50  ;  or,  cette  dernière  largeur, 
qui  est  la  plus  grande ,  est  encore  inférieure  de  16  centimè- 
tres à  celle  des  chemins  de  village ,  qui ,  d'après  l'ancienne 
coutume  du  pays  (1)  ,  devait  être  de  11  pieds  (  3  mètres  66 
centimètres);  d'où  il  suit  que  la  voie  dont  il  s'agit  n'était 
qu'un  simple  chemin  de  village  à  village ,  le  chemin  de  "Wis- 
sant  à  Landretun  ,  comme  le  porte  le  titre  de  1730.  Malgré 
cela ,  il  n'est  pas  moins  fort  ancien  :  il  est  même  probable 
qu'il  remonte  à  l'époque  gauloise,  et  ce  qui  le  fait  penser,  ce 
sont  les  tumulus  de  son  voisinage.  La  découverte  des  mon- 
naies romaines  dont  j'ai  parlé  ne  me  paraît  pas  suffire  pour 
lui  assigner  une  date  postérieure  à  cette  époque;  car  les  tu- 
mulus ont  quelquefois  reçu  des  inhumations  successives,  et, 
dès-lors ,  ceux  formés  avant  la  conquête  de  la  Gaule  ont  pu 
s'ouvrir  de  nouveau  sous  la  période  romaine.  D'ailleurs,  qui 
sait  ce  qu'on  y  trouverait  s'ils  étaient  fouillés  avec  soin  ? 

LE    CHEMIN   VERT. 

Je  ne  connais  à  Wissant  qu'un  chemin  auquel  le  cadastre 
donne  le  nom  de  Chemin- Vert  :  il  commence  près  d'Ausques, 
hameau  de  Tardinghen,  à  l'ancienne  route  de  Boulogne, 
traverse  la  chausséç  de  "Wissant  à  Marquise;  et,  laissant 
à  gauche  la  Motte-Carlin ,  il  se  dirige   sur  Basse-Sombre  , 

(1)  Voici  quelle  était ,  d'après  cette  coutume,  la  largeur  des  chemins 
du  Boulonnais  :  celle  du  chemin  royal  ou  grand  chemin  ( art.  157), 
60  pieds  (20  mètres);  du  chemin  vicomtier  (art.  1G0  ) ,  30  pieds  (10 
mètres)  ;  du  chemin  châtelain  (art.  161),  20  pieds  (6  mètres  66)  ;  du 
chemin  forain  (art.  162),  15  pieds  (5  mètres)  ;  du  chemin  de  village 
(art.  163),  11  pieds  (3  mètres  66). 


380      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

où  était  encore  en  1790  l'église  paroissiale  de  Wissant. 
Cette  église,  qui  ne  subsiste  plus  (1),  était  fort  ancienne, 
car  on  lit  dans  une  charte  de  Pharamus  de  ïiugry  (2),  de 
l'année  1173,  «  decimam  parochiœ  in  Sumbris.  »  S'il  faut 
en  croire  Jean  d'Ypres,  abbé  de  St.-Bertin  (3) ,  il  y  aurait  eu 
à  Sombre  une  abbaye  fondée  au  VIIe.  siècle  par  sainte  Fare , 
sœur  de  saint  Faron  ,  évêque  de  Meaux  ;  abbaye  qui  aurait 
été  détruite  par  les  Normands  en  881. 

Après  Basse-Sombre,  le  Chemin- Vert  passe  devant  le  fort 
César  et  se  termine  maintenant  à  la  route  de  St.-Inglevert , 
par  Hervelinghen  ;  mais,  il  y  a  quelques  années,  il  continuait 
jusqu'à  l'ancien  chemin  de  Wissant  à  Calais  (^i),  qui ,  après 
avoir  traversé  Hàule-Sombre ,  longe  le  bas  du  mont  d'Aver- 
lot ,  en  se  dirigeant  sur  Escalles.  L'un  des  sondages  a  été 
fait  près  de  ce  mont;  les  trois  autres  dans  le  Chemin-Vert. 
Le  moment  est  venu  d'en  indiquer  le  résultat. 

(1)  Son  cimetière  est  resté  celui  de  Wissant.  L'église  paroissiale  ac- 
tuelle est  l'ancienne  chapelle  de  St. -Nicolas,  qui  est  au  centre  de 
l'agglomération  principale  des  maisons  du  village. 

(2)  Cette  charte  a  été  imprimée  à  la  suite  de  ma  notice  sur  le 
château  de  Tingry,  t.  III,  2°.  partie,  p.  20  et  21,  des  Mémoires  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie, 

(3)  V.  Chronicon  Ypcrii,  dont  l'auteur,  Jean  d'Ypres,  abbé  de 
St.-Bertin,  est  mort  en  1383.  Voici  son  passage:  Hœc  in  Smnbris , 
propc  Wisantum  monasterium  cdificaverat.  D'après  Lambert  d' Arques, 
ce  serait  à  Eslrouanne  que  cette  abbaye  aurait  été  bâtie;  mais  Lequien, 
Histoire  des  comtes  de  Boulogne,  dit  que  de  son  temps  on  en  voyait 
encore  à  Sombre  les  ruines;  et  on  lit,  dans  le  pouillé  de  l'ancien 
diocèse  de  Boulogne,  que  l'église  de  Sombre  était  un  reste  de  l'ancien 
monastère. 

(li)  Le  chemin  de  Wissant  à  Calais  est  mentionné  dans  un  aveu  et 
dénombrement  de  fiefs  de  1402. 


SUR   DES   FOUILLES   FAITES   A    VV1SSANT.  381 

Premier  sondage. 

A  100  mètres  du  chemin  de  Wissant  à  Marquise  (  lettre  A  du  calque). 

La  largeur  actuelle  du  chemin  est  de  3  mètres.  La  tran- 
chée ,  ouverte  sur  une  longueur  de  8  mètres ,  une  largeur 
de  0m.  40  ,  une  profondeur  de  0'".  70  ,  n'a  rien  montré  qui 
fût  de  nature  à  faire  supposer  l'existence  d'une  chaussée  ou 
de  fossés. 

Deuxième  sondage. 

A  150  mètres   du   chemin  de  Basse-Sombre  à    Flervelinghcn ,    et  270 
mètres  du  cimetière  où  était  l'église  de  Sombre  (lettre  B  du  calque). 

La  largeur  du  chemin  est  de  7  mètres  ;  celle  de  la  chaus- 
sée à  la  surface,  de  3  mètres  ;  son  épaisseur  est  de  0m.  15  ; 
la  tranchée  a  été  faite  à  une  profondeur  de  0m.  70.  Les  ma- 
tériaux sont  des  pierres  de  mer  d'un  diamètre  très-varié. 
Dans  le  fond  de  cette  chaussée,  qui  est  entretenue  par  les 
riverains,  il  y  a  de  grosses  pierres  brutes  propres  à  la  con- 
struction. Du  reste,  rien  n'indique  que  le  chemin  ait  eu 
une  plus  grande  largeur.  En  arrachant  et  replantant  les  haies 
qui  le  bordent ,  on  a  trouvé  des  pierres  élégies  pour  des 
habitations. 

Troisième  sondage. 

Au  point  C,  à  ta  hauteur  du  fort  César. 

Le  chemin  est  couvert  de  gazon  et  de  niveau  avec  les 
terres  voisines.  La  tranchée  ,  ouverte  sur  une  largeur  de 
U  mètres  et  une  profondeur  de  0m.  35,  n'a  rien  révélé  de 
nature  à  faire  supposer  un  ancien  cailloutis  ou  autre  chose 
de  main  d'homme. 


382  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

Quatrième  sondage. 

Au-dessus  du  Mont-cC  Averlot ,  à  150  mètres  de  ta  limite  du  terri- 
toire d'Escalles  ,dans  l'ancien  chemin  de  Wissant  à  Calais,  qui  fait 
suite  au  chemin  Vert. 

La  largeur  actuelle  est  de  2"'.  50.  La  tranchée,  ouverte  à 
la  profondeur  de  0"'.  60  ,  n'a  donné  que  de  la  marne  à  l'état 
naturel. 

D'après  ces  détails ,  le  chemin  Vert,  dont  la  largeur  est 
généralement  de  3  mètres,  en  a  7  au  deuxième  sondage  :  on 
pourrait  en  arguer  pour  soutenir  qu'anciennement  il  avait 
partout  cette  dernière  largeur.  iMais  il  est  à  remarquer: 
1°.  qu'au  môme  endroit  il  y  avait  autrefois  des  maisons  des 
deux  côtés  du  chemin ,  ce  qui  est  établi  par  les  pierres  élé- 
gies dont  on  a  parlé  ;  2°.  que  l'église  paroissiale  était  fort 
près.  C'était  donc  là  ,  selon  toute  apparence,  que  se  trouvait 
la  principale  rue  de  Sombre  ;  ce  qui  expliquerait  comment  le 
chemin  y  est  empierré  et  moins  étroit  qu'ailleurs.  Du  reste, 
la  largeur  de  7  mètres  est ,  à  33  centimètres  près ,  celle  des 
chemins  châtelains  du  Boulonnais  (1)  ,  et  il  y  a  loin  de  là  à 
la  largeur  des  voies  romaines  qui  aboutissaient  à  Boulogne  (2). 

(1)  La  différence  vient  probablement  du  terrain  laissé  pour  le 
rejet  des  haies. 

(2)  Je  ne  connais  pas  le  résultat  des  soudages  qui  ont  été  faits  dans 
les  voies  romaines  du  département  du  Pas-de-Calais  ;  mais  je  sais  , 
pour  l'avoir  vérifié  moi-même,  que  celles  d'Amiens  et  de  Thérouannc 
à  Boulogne  ont  encore,  sur  plusieurs  points,  1.3  mètres  33  centimètres 
(  V.    ma  notice ,  Trois  voies  romaines  du  Boulonnais  ,  p.  409  ). 

En  Flandre,  on  a  trouvé  une  largeur  bien  plus  grande  : 
19  mètres  à  la  voie  romaine  de  Cassel  à  Thérouanue. 
18àl9  —  —  à  Estaires. 

—  —  à  Mardick. 

16  —  —  à  Watten. 

15  —  —  à  Thiennes. 


légende 


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SUR   DES    FOUILLES   FAITES   A   WISSANT.  383 

D'ailleurs,  ici ,  l'empierrement  paraît  ressembler  a  celui  de 
la  rue  trouvée,  en  1861  ,  dans  les  dunes.  Il  est  donc  pos- 
sible qu'il  ait  été  établi,  comme  elle  ,  au  moyen-âge;  ce 
qui  n'empêcherait  pas  de  considérer  le  chemin  Vert  comme 
étant  aussi  très-probablement  de  l'époque  gauloise,  puisqu'on 
voit  un  tumulus  (  la  Motte-Carlin)  dans  son  voisinage.  Il  faut 
noter ,  en  outre  ,  que  le  chemin  Vert  passe  à  environ  1  ki- 
lomètre au-dessus  de  l'agglomération  principale  des  maisons 
de  "Wissant ,  où  est  le  moulin  que  fait  tourner  le  ruisseau 
d'Herlen ,  et  qu'il  est  en  ligne  droite  sur  Basse-Sombre  et  sur 
Haute-Sombre,  comme  sur  la  vieille  route  de  Boulogne, 
tandis  que  cette  route,  faisant  un  coude  pour  aller  à  Wissant, 
semble  ainsi  s'en  détacher.  Ne  pourrait-on  pas  induire  de  là 
que,  lors  de  l'établissement  de  ce  chemin,  Sombre  avait  plus 
d'importance  que  Wissant,  devenu  ensuite  l'une  des  villes  de 
loi  du  Boulonnais ,  et  dont  le  port  fut ,  sans  contredit ,  aux 
XII"».,  XIIIe.  et  XIVK.  siècles,  celui  de  France  le  plus  fré- 
quenté pour  le  passage  du  détroit?  Quoi  qu'il  en  soit,  les 
sondages  ayant  été  bornés  aux  chemins  dont  je  viens  de 
parler ,  je  n'ai  pas,  dans  mon  rapport,  à  m'occuper  des 
autres  roules  de  Wissant.  Toutefois,  avant  de  terminer,  je 
demande  la  permission  d'ajouter  : 

1°.  Que  j'ai  recueilli  des  renseignements  sur  plusieurs 
d'entr'elles,  notamment  sur  celle  de  Guines  par  Hervelinghen 
et  St.-Ing!evert  (1),  renseignements  que  je  tâcherai  de  com- 
pléter afin  d'en  faire  connaître  plus  tard  le  résultat  définitif. 
En  attendant ,  je  crois  à  propos  de  dire  ici  que  cette  der- 
nière route  a  aussi  dans  son  voisinage,  quatre  mottes,  dont 
l'une,  au  moins,  est  bien  certainement  un  tumulus;  car  on  y 
a  trouvé  des  squelettes  humains  avec  des  restes  d'armures 
parmi  lesquels  il  y  avait  un  bout  de  lance  en  cuivre  ; 

(1)  C'est  maintenant  le  chemin  de  grande  communication  de  Wis- 
sant à  Guines  (  n°.  52  ). 


384      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

2°.  Que  j'ai  découvert  à  Hervelinghen  ,  sur  le  chemin  de 
Ramsaut,  huit  redoutes  dont  l'établissement  ne  peut  être  que 
du  temps  de  l'occupation  du  Calaisis  par  les  Anglais  ;  car  la 
place  des  canons  y  est  encore  bien  visible,  et  on  était,  à 
Ramsaut,  à  quelques  pas  de  la  frontière,  l'hôpital  de  St.- 
Inglevert  et  les  terres  qui  en  dépendaient  étant  restés  à  la 
France  ; 

3".  Qu'on  trouve  à  Wissant  fort  peu  de  monnaies  ro- 
maines ;  que ,  malgré  toutes  mes  recherches ,  toutes  mes  in- 
vestigations depuis  plus  de  vingt  ans ,  jamais  je  n'eu  ai  ren- 
contré et  jamais  je  n'ai  entendu  dire  qu'on  en  avait  vu  qui 
fussent  antérieures  au  règne  d'Auguste.  La  plus  ancienne 
qui,  à  ma  connaissance,  y  ait  été  découverte,  date  de  ce 
règne  :  elle  a  été  trouvée ,  cette  année,  à  Haule-Sombre  où  , 
en  1861  ,  on  avait  ramassé  une  petite  monnaie  d'argent  de 
Louis-le-Débonnaire,  qui  est  au  musée  de  Boulogne. 


LISTE 

DES  OBJETS  PROVENANT  DES  FOUILLES  ARCHÉOLOGIQUES 
Faites  à  Wissant , 

Oo  qui  ont  été  tronvés,  soit  dans  ce  village,  soit  à  Audenibert ,  soit  à  Hervelinghen. 

EN  1861. 
DUNES    DE    WISSANT. 

Une  pièce  de  monnaie  d'Edouard  III,  roi  d'Angleterre; 
Un  petit  poids  ,  dit  angelot  ; 

Trois  jetons,  dont  deux  montrent  d'un  côté  trois  fleurs 
de  lis  ;  autour,  on  lit  :  ave  maria  gratia  plena  ; 
Un  méreau  en  cuivre  (prélat  avec  la  mitre  et  la  croix)  ; 
Liard  de  France  ; 


SUR    DES    FOUILLES    FAITES   A   WISSANT.  385 

AD   LIEU   DIT   LES   CROQUETS. 

j£.  Plusieurs  vases  (  pots  ou  soucoupes  )  semblables  à  ceux  fi- 
gurés dans  Y  Archéologie  céramique  de  l'abbé  Cochet  comme 
étant  des  trois  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne; 

Une  monnaie  de  Posthume  ; 

Nota. —  Une  fibule  romaine  a  élé  trouvée  auprès  du  même  lieu. 

E1ST  1863. 
AU   GAZE-VERT. 

Deux  pièces  de  monnaie,  dont  une  portant  la  date  de  1640  ; 
un  liard  du  XVIe.  siècle  ; 
Une  coquille  de  pèlerinage  ; 
Un  bout  d'éperon  ; 
Un  bouton  en  cuivre  ; 
Un  petit  marteau  en  fer; 
Un  morceau  de  verre. 

AU    LIEU    DIT    LES   CROQUETS. 

Un  pot  en  terre  grise,  contenant  des  restes  de  charbon  de 
bois  et  des  cendres.  Hauteur,  15  c.  ; 

Une  soucoupe  en  terre  rouge.  Largeur,  19  c.   avec  les 
bords;  hauteur,  18  c,  sans  les  bords  ; 

Un  pot  en  terre  grise.  Largeur,  avec  les  bords,  12  c.  60  m.  ; 
sans  les  bords,  8  c.  49  ; 

Une  soucoupe  en  terre  rouge  ; 

Un  pot  en  terre  grise.  Hauteur  ,  15c;  largeur  ,  avec  les 
bords,  11  c;  sans  les  bords,  9  c; 

Un  pot  en  terre  grise.  Hauteur  ,13  c.  ;  largeur  ,  avec  les 
bords,  9  c.  ;  sans  les  bords,  6  c.  ; 

On  a  ramassé  à  côté  :  un  clou; 

Soucoupe  en  terre  rouge  ; 

Pot  en  terre  noire,  un  peu  ébréché.  Hauteur,  8  c.  1/2; 

25 


386  CONGKÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Morceaux  de  cuivre  rouge ,  ramassés  à  côlé  d'ossements 
calcinés  ; 

Pièce  de  monnaie  romaine  trop  fruste  pour  qu'on  puisse 
en  faire  l'attribution. 

BASSE-SOMBRE   OC   AUPRÈS. 

Deux  pièces  romaines,  dont  une  est  de  l'empereur  Adrien, 
l'autre  fruste  ; 
Une  baronniale. 

HAUTE-SOMBRE   OU    AUPRÈS. 

Deux  pièces  romaines  : 
Moyen- bronze  :    A.  Tète  laurée  d'Auguste,    profil  à 
gauche.  Légende  :  Divvs  avgvstys  s.c.  R.  L'empe- 
reur assis.  Légende  :  consensv  sénat,  et  eq.  ; 
Petit-bronze  :  A.  Tète  diadéméc.  constantivs  p.f.avg. 
R.  Guerrier  avec  la  haste  et  le  bouclier.  —  Au  milieu 
d'eux,  une  enseigne  militaire  sur  laquelle  on  voit  un  M  ; 
Pièce  de  monnaie  en  argent  avec  une  croix  pattée  ; 
Pièce  de  monnaie  française  du  XVIe.  siècle. 

MOTTB   DC    MONT-DE-COUPE, 
où  est  la  baraque  du  Génie,  commune  d'Audembert. 

Trois  monnaies  romaines  : 

1  ".  A.  Tête  laurée  de  Néron.  Légende  :  imp.  nero  caesar 

avg.  R.  pontif  max  irt  imper  P  p. — Néron  jouant 

de  la  lyre  ; 
2°.  A.  Tôle  laurée  de  Néron  :  imperator  caesar  avg. 

R.  maximvs.  tr.  p. p. p.; 
3°.  Celle-ci  était  trop  fruste  pour  en  faire  l'attribution. 

MOTTE   DU    MONT-DE-COUPE   SUR    HERVELINGHEN. 

Fibule  trouvée  dans  le  voisinage. 


OBJETS  TROUVES  DANS  LE  TUMULUS  DE  PONCÉ. 


M.  de  La  ïourette  ayant  remis  au  Congrès  les  esquisses 
des  principaux  objets  trouvés  dans  le  tumulus  décrit  par  lui 
(Voir  la  page  154  du  Compte-rendu),  la  Société  française  a 
fait  graver  ces  objets  et  les  présente  ici. 


OBJETS    TROUVÉS    DANS    LE    TUMULUS   DE    PONCÉ,    PISES    LOt'DUN, 


388      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


IHJOî.X  DU  TBM'JLUS    DE  PONCÉ,   TKLS  QC'lLS  0\T   ÉTÉ  TROUVÉS  RÉUNIS  PAT.  L;N   iNNEAC. 


OBJETS  TROUVÉS  DAPsS  LE  Tl'MDLt'S  DE  PONCÉ.        389 


x/v£v 


BUOIX    DU    TliMliaS    DE    PONCÉ. 


390  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 


BIJOUX    TROUVÉS    DANS    LE    TUMILUS    DE    PONCE. 


CONGRÈS  AKCHÉOLOGIQUE 

DE  FRANCE. 
XXIXe.  SESSION. 


f«3SS^P«*-3- 


SECONDE  PARTIE  TENUE  A 'LYON, 

LIS  18  SEPTEMBRE   I86«  ET  JOURS  SUIVANTS. 

1".  Séance  dn  is  septembre 

PROMENADE   DANS   LYON. 

Le  18  septembre ,  à  huit  heures  du  matin  ,  les  membres 
du  Congrès,  après  s'être  réunis  au  Palais-St. -Pierre,  se  sont 
diriges  par  le  passage  Gay  vers  la  colline  de  Fourvières  (Voir 
la  page  suivante).  En  traversant  les  jardins,  il  a  été  remarqué 
divers  objets  antiques,  marbres,  fragments  de  mosaïques, 
ayant  peu  servi ,  à  en  juger  par  l'état  des  petits  cubes  de 
marbre  qui  en  forment  la  contexture.  Ils  ont  h  centimètres 
de  longueur  sur  1  centimètre  de  base. 

Près  du  sommet  du  coteau,  on  est  entré  par  une  brèche 
dans  un  canal  d'aqueduc  antique,  souterrain  d'une  déclivité 
très- prononcée  dans  la  direction  du  centre  de  la  ville.  Il  est 
dallé  en  briques,  voûté  en  pierres  et  revêtu  ,  jusqu'à  la  hau- 
teur de  1  mètre  environ,  d'une  couche  de  ciment  rouge  épaisse 
de  2  centimètres. 

Après  s'être  reposé  quelques  instants  pour  contempler 


;92 


CONGRÈS   ARCHÉOr.OGfOUE    DE    FRANOF. 


XXIX'.    SESS[0N  ,    A    LYON.  393 

l'admirable  vue  dont  on  jouit  de  ce  point  ,  on  a  suivi  à  la 
chapelle  de  Fourvières  M.  l'abbé  Le  Petit,  secrétaire-général 
de  la  Société  française  d'archéologie,  qui  y  a  célébré  la  messo 
en  présence  du  Congrès. 

L'inspection  s'est  continuée  parles  piliers, encore  existants, 
des  grands  aqueducs  qui  réunissaient  sur  le  coteau  les  eaux 
amenées  du  Monl-Pilat  et  de  divers  autres  points  du  plateau 
Occidental.  On  a  examiné  avec  intérêt  la  dimension  de  ses 
arches  ,  l'appareil  réticulé  du  parement  divisé  en  zones  par 
des  lits  de  briques.  La  rue  qui  descend  en  cet  endroit  est 
bordée  de  murs,  dans  lesquels  sont  enchâssés  un  très-grand 
nombre  de  blocs  de  granit  poli  ayant  servi  de  pavage.  On 
est  porté  à  en  conclure  que  cette  rue  est  antique  et  a  peu 
changé  de  direction  depuis  l'ère  romaine. 

L'hospice  de  l'Antiquaille  a  reçu  les  visiteurs;  mais  ils  ont 
été  contrariés  de  ne  plus  y  retrouver  les  constructions  an- 
tiques que  plusieurs  auteurs  ont  décrites  et  que  l'on  voyait 
encore  il  y  a  peu  d'années.  Des  travaux  divers ,  des  con- 
structions municipales  et  autres  ont  caché  ou  détruit  ces 
précieux  restes. 

Le  même  désappointement  les  attendait  dans  la  crypte  de 
St.-Irénée  qu'on  restaure  ,  qu'on  badigeonne ,  et  dont  on 
remplace  les  piliers  par  des  colonnes  de  marbre  poli. 

L'église  cathédrale  de  St. -Jean  n'a  pu  fournir  d'observa- 
tions utiles  à  l'intérieur,  car  elle  était  tapissée  des  tentures  que 
nécessitaient  les  obsèques  du  maréchal  comte  de  Castellane. 

L'ancienne  façade  de  la  Monécanterie  a  paru  être  d'une 
époque  plus  reculée  ,  peut-être  ,  que  celle  qu'on  lui  assigne 
généralement.  Les  bases  droites  des  colonnes,  l'épaisseur  des 
tailloirs,  le  long  biseau  des  consoles  confirment  cette  opinion. 
Si  la  Monécanterie  date  du  XIIe.  siècle ,  rien  ne  s'oppose  à 
ce  que  plusieurs  pierres,  les  colonnes  entr'aulres,  soient  an- 
térieures à  cette  date. 


39/j  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

Les  regards  se  sont  ensuite  désagréablement  arrêtés  sur 
la  nouvelle  toiture  de  la  cathédrale,  à  laquelle  le  Congrès  n'a 
pas  donné  son  approbation. 

L'église  St.-Martin-d'Ainay  a  été  ensuite  visitée  ,  malheu- 
reusement en  l'absence  de  son  savant  curé.  M.  Roué,  qui 
n'a  pu  nous  expliquer  ses  plans  et  ses  restaurations ,  qui 
sont  dirigées  par  M.  Questel.  On  a  admiré  encore  une  fois 
l'autel  doré  et  les  peintures  murales  de  Flandrin,  tout  en 
regrettant  que  des  vitraux  trop  sombres  empêchent  d'en 
apprécier  tout  l'effet. 

L'Assemblée  s'est  séparée  en  se  donnant  rendez-vous,  pour 
le  soir,  au  palais  St. -Pierre 

Le  Secrétaire, 

P.  Canat  de  Chizy. 

2e.  Séance  du  18  septembre 

Présidence  de  M. de  Surigny. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Cawnont,  Challe,  d'Auxerre  ; 
Bouillet,  de  Clermont-Fe;  rand  ;  l'abbé  Le  Petit,  secrétaire- 
général  de  la  Société  ;  Gaugain ,  trésorier  de  la  Société. 
M.  P.  Canat  de  Chizy  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 
M.  le  Trésorier  fait  connaître  la  liste  des  membres  inscrits, 
dont  un  grand  nombre  sont  présents.  Celte  liste  comprend 
85  noms,  savoir  : 
MM.  Palustre  de  Montifault,  des  Deux-Sèvres. 

Le  Dr.  Pailhoux  ,  de  la  Côte-d'Or. 

Mmc.  Pailhoux  ,  id. 

Bulliot  ,  d'Autun. 

de  Charmasse  ,  id. 

L'abbé  Pichot  ,  curé  de  Sermerieu  (Isère). 

Lacroix  ,  de  Mâcon. 

Joseph  Seguin,  d'Annonay  (  Ardèche). 


XXIXe.    SESSION  ,    A   LYON.  395 

François  Le  Normand  ,  de  Paris. 
de  Saint-Andéol,  de  Moirans  (Isère). 
Marquis  de  Sieyès,  de  Valence. 
Valcntin  Smith  ,  de  Lyon. 
Le  comte  de  Soultrait  ,  id. 
Baruffi  ,  de  Turin. 
3Iorin-Pons  ,  de  Lyon. 
Gustave  Vallier,  de  Grenoble. 
Desjardins  ,  de  Lyon. 
Dupasquier  ,  id. 
F.  du  Bourg  ,  id. 

Bernard  de  Varax  ,  de  Saône-et-Loire. 
Edouard  Blanc  ,  de  Lyon. 
L'abbé  Boue  ,  curé  d'Ainay  (Rhône). 
Le  Dr.  de  Brye,  à   Vienne  (  Izère). 
Dergny  ,  de  Grancourt  (Seine-Inférieure). 
GeorgesDEROMBOURG.de  Lyon. 
Dubois-Mammès  ,  ancien  juge  au    Tribunal  de  com- 
merce de  Lyon. 
Dareste  de  La  Chavanne,  de  Lyon. 
Charles-Antoine  Fraisse,  membre  de  l'Académie,  id. 
Henri  Fazy,  conservateur  du  musée  ,  à  Genève. 
Guillard,  chef  d'institution,  à  Lyon. 
Emile  Guimet,  id. 
Humrert  fils  ,  architecte. 
L'abbé  Jolirois  ,  curé  de  Trévoux. 
De  Lagrevol,  de  Lyon. 
Laforest,  notaire,  id. 
Lefervre  ,  receveur  général ,  id. 
Lerlanc  ,  professeur  au  collège  de  Vienne  (Isère  ). 
Millocheau  ,  de  Saumur. 

Martin-Daussigny  ,  conservateur  des  musées  de  Lyon. 
L'abbé  Martin  ,  curé  de  Foissia. 


396  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

Mottard,  à  Lyon. 

Peladan  ,  directeur  de  la  France  littéraire,  id. 

Honoré  Pallias  ,  id. 

Léonard  Périer  ,  sculpteur  ,  id. 

Dr.  Richard,  id. 

Savy  ,  architecte,  id. 

Paul  de  Saint-Olive  ,  de  Lyon. 

Gabriel  de  Saint-Olive,  id. 

Charles  de  Saint-Victor  ,  id. 

d'LJxeloup  de  Rosemont  ,  id. 

ViNGTRiNiER,  imprimeur,  directeur  de  la  Revue  du 
Lyonnais. 

Vaganay  ,  de  Lyon. 

L'abbé  Bugniot,  aumônier  de  l'Institution  ecclésias- 
tique, à  Chalon-sur-Saône. 

Le  Dr.  Cattois  ,  de  Paris. 

Alphonse  Coste  ,  négociant,  à  Roanne  (  Loire). 

L'abbé  Dard,  curé  de  Bénissons- Dieu  (id.  ). 

Léon  Dehon  ,  avocat ,  à  Paris. 

Henri  Gonnard  ,  employé  à  la  Recelte  générale ,  à 
St. -Etienne. 

Le  vicomte  de  Meaux  ,  au  château  d'Ecelay  (Loire). 

Pierre  Martin  ,  architecte ,  à  Lyon. 

Joseph  Palluart  de  Besset  ,  à  St. -Etienne  (Loire). 

Mme.  de  Quêrangal,  à  Vienne  (  Isère). 

Robichon  ,  à  St. -Etienne. 

Charles  de  Souvigny,  de  Poitiers. 

Testenoire-Lafayette  ,  notaire  honoraire,  à  St.- 
Étienne, 

Le  comte  André  de  Varax,  au  château  de  Montcoy 
(Saône-et-Loire). 

Louis  Vier  ,  adjoint  au  maire  de  St.-Étiennc. 

Noelat,  docteur-médecin,  à  St.  -Haon-le-Châtel  (Loire). 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  397 

M.  de  Caumont  donne  lecture  du  programme  des  ques- 
tions ;  le  secrétaire  inscrit  les  membres  qui  doivent  les 
traiter  oralement  ou  par  écrit. 

M.  de  Surigny  demande  qu'il  soit  fait  des  communications 
orales ,  de  préférence  à  des  lectures. 

M.  de  Caumont  explique  que  le  compte-rendu  des  séances 
devant  être  publié  dans  le  volume  des  comptes-rendus  an- 
nuels, à  la  suite  de  ceux  de  Saumur  ,  il  est  bon  que  les 
auteurs  puissent  déposer  leurs  manuscrits  ,  sauf  à  faire,  s'ils 
le  veulent ,  un  exposé  verbal  toujours  plus  intéressant 
qu'une  lecture. 

M.  de  Saint-Andéol  présentera  un  exposé  de  l'architecture 
religieuse  en  France  depuis  le  Ier.  siècle  jusqu'au  XIIe. 

M.  de  Caumont  demande  s'il  y  a  quelques  documents 
préparés  au  sujet  des  Assemblées  nationales  qui  avaient  lieu 
à  Lyon,  au  mois  d'août,  sous  les  Romains. 

M.  Martin-Daussigny  répond  qu'il  n'a  rien  de  bien  complet, 
mais  qu'il  pourra  sortir  quelque  lumière  de  la  discussion 
qui  aura  lieu  sur  les  monuments  du  musée  lapidaire. 

M.  de  Caumont  demande  à  quel  point  est  le  mouvement 
artistique  dans  la  province  lyonnaise. 

M.  Vays  répond  que  le  développement  en  est  remar- 
quable et  qu'il  en  sera  parlé. 

M.  Vingtrinier  donne  lecture  d'un  travail  relatif  à  l'occu- 
pation du  pays  lyonnais'par  les  Sarrazins. 

SUR  L'INVASION  DES  SARRAZINS 

DANS  LE  LYONNAIS, 

Par  M.  Vingtrinier. 

Un  des  événements  les  plus  graves  de  l'histoire  de  France, 
dont  les  conséquences  ont  failli  changer  non-seulement  la  face 


398  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE. 

de  notre  pays ,  mais  de  la  chrétienté  tout  entière ,  l'enva- 
hissement du  pays  des  Visigoths  et  des  Francs  par  les  conqué- 
rants arabes ,  a  été  si  peu  ou  si  mal  décrit  qu'on  ne  sait  au- 
jourd'hui où  conquérir  des  détails  de  celte  épopée,  et  que 
tout  manque  à  l'investigation  du  savant. 

Un  samedi  delà  fin  d'octobre  732,  dit  Henri  Martin ,  le  3 
octobre  732,  disent  quelques  autres  écrivains,  Abdérame  fut 
vaincu  ,  dans  les  plaines  de  Poitiers  ,  par  le  célèbre  chef  aus- 
trasien  Charles-Martel;  la  déroute  des  Arabes  fut  affreuse; 
leur  camp,  rempli  de  richesses,  fut  pillé,  et  eux-mêmes 
eurent  une  peine  infinie  à  regagner  Narbonne  ou  à  traverser 
les  Pyrénées  ;  pour  ce  premier  fait ,  c'est  à  peu  près  tout  : 
Arabes  et  chrétiens  gardent  sur  cette  défaite  un  prudent  si- 
lence. Et  cependant  la  France  était  sauvée ,  le  christianisme 
restait  possesseur  du  continent  européen ,  et  la  fortune  du 
Prophète  avait  reçu  un  échec  dont  la  honte  ne  devait  jamais 
s'effacer. 

On  sait  encore  vaguement  que  Lyon,  Màcon,  Autun  furent 
pris  et  ravagés;  que  la  ville d'Auxerre  eut  le  même  sort,  que 
sa  citadelle  résista  ;  enfin  que  l'archevêque  de  Sens  repoussa 
et  mit  en  fuite  les  envahisseurs  ;  mais  là  aussi  les  dates  précises 
et  les  détails  nous  fout  défaut.  D'ailleurs,  le  vaillant  prélat 
n'eut-il  affaire  qu'à  une  troupe  de  fourrageurs  traversant  la 
France  par  l'Aquitaine  et  l'Orléanais  avant  le  désastre  de 
Poitiers,  et  venue,  par  hasard,  se  heurter  aux  murs  de  sa 
petite  cité,  comme  l'avance  M.  Henri  Martin  (1);  ou  eut-il  à 
repousser  cette  armée  formidable  d'Alhim  et  d'Amorrhée  (2), 
venue  ,  quatre  ans  plus  tard ,  par  la  vallée  du  Rhône  ,  pour 


(1)  Hist.de  France,  t.  II. 

(2)  o  L'émir  Othman,  YAdiima  des  chroniqueurs....  l'émir  Omar , 
VAmor  de  nos  chroniqueurs.  »  (Henri  Martin  .  Hist.  de  France ,  t.  II  ; 
Rejnaud,  Invasions  des  Sarrazins.) 


XXIXe.   SESSION  ,  A    LYON.  399 

attaquer  les  Francs  au  centre  de  leur  puissance ,  comme  le 
soutiennent  nos  vieux  chroniqueurs  bourguignons  ?  Les 
Arabes,  qui  devaient  atteindre  bientôt  à  une  si  haute  civili- 
sation ,  vinrent-ils  en  conquérants  ou  en  ravageurs  ?  vou- 
laient-ils piller  ou  coloniser?  Détruisirent-ils,  dès  leur  pre- 
mier choc,  toutes  les  cités  qu'ils  trouvèrent  sur  leur  passage 
ou  ne  s'attaquèrent-ils  qu'aux  biens  du  clergé  ?  Les  avis 
sont  partagés,  ou  plutôt  l'histoire  moderne  n'a  pas  d'avis.  Nul 
écrivain  ne  paraît  attacher  quelque  importance  à  ces  détails. 
Moins  dédaigneux  ,  nous  allons  essayer  de  nous  prononcer  , 
et  dès  l'abord  nous  ne  cacherons  point  nos  sympathies  pour 
nos  vieux  chroniqueurs ,  et  cela  uniquement  parce  qu'ils 
habitaient  le  pays  où  ces  terribles  événements  se  sont  passés. 
L'histoire  écrite  au  fond  d'une  bibliothèque  ,  avec  l'aide 
de  copistes  et  de  collectionneurs  qui  cherchent  des  dates  et 
vous  préparent  vos  matériaux  ,  pourra  bien  briller  par  un 
plan  vaste  ,  une  philosophie  sévère ,  un  style  magique  et  des 
qualités  d'ensemble  qui  assurent  la  vogue  à  votre  ouvrage  et 
l'immortalité  à  votre  nom  ;  mais  si  les  grands  faits  sont 
rapportés  d'une  manière  satisfaisante ,  combien  de  détails 
vous  échappent  !  combien  d'erreurs  vous  répétez  avec  vos 
devanciers  (1)  !  Aujourd'hui,  la  science  commence  à  vouloir 
visiter  elle-même  les  lieux  qu'elle  décrit.  Elle  suit  pas  à  pas 
la  marche  des  armées,  cherche  le  gué  des  rivières,  tourne 
le  flanc  des  montagnes  et  voit  pourquoi  telle  invasion  s'est 
arrêtée.  Des  hommes  spéciaux  font  l'histoire  d'une  cité  ou 

(1)  «  Le  P.  Berthaud  et  le  P.  Perry  placent  l'irruption  des  Sarrazins 
en  Bourgogne  en  719  et  720.  Ces  dates  sont  certainement  inexactes.  » 
(  Fouque,  Hist.  de  Chalon-sur-Saône.  ) 

C'est,  à  son  tour,  victime  d'une  profonde  erreur  que  Victor  Fouque, 
dans  son  Histoire  de  Chalon-sur-Saône  ,  prétend  que  la  Bourgogne 
fut  envahie  de  toutes  parts  par  les  Sarrazins ,  commandés  par  leur  roi 
Abdérame. 


ÙOO      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

d'une  province  et,  en  face  d'un  champ  de  bataille,  com- 
prennent le  choc  des  bataillons  ,  voient  fuir  les  vaincus , 
campent  ou  marchent  avec  les  vainqueurs.  La  chronique  du 
château  explique  celle  de  la  contrée ,  la  tradition  vient  en 
aide  aux  documents  écrits  ;  l'histoire  provinciale  se  forme , 
et ,  sous  le  contrôle  de  l'homme  du  pays  qui  a  vu ,  l'histoire 
générale  se  complète  ou  se  rectifie ,  l'obscurité  se  dissipe,  et 
le  savoir  patient  trouve  enfin  la  vérité. 

Pour  connaître  ce  qu'a  été  le  séjour  des  Sarrazins  dans 
nos  contrées  ,  il  faut ,  non  pas  consulter  les  érudits  ,  surtout 
ceux  qui  ont  écrit  loin  de  nous ,  mais  aller  de  chaumière  en 
chaumière ,  des  marécages  de  la  Dombes  aux  flancs  escarpés 
du  Jura.  Là,  tout  vous  rappellera  le  passage,  les  triomphes 
ou  les  défaites  de  ces  guerriers  que  le  fanatisme  amena  du 
fond  des  déserts  de  l'Asie,  et  dont  la  grande  histoire  a  si 
bien  perdu  les  traces  qu'elle  ne  sait  plus  où  les  trouver.  Une 
lettre  de  Leidrade  à  Charlemagne  nous  apprend  qu'il  relève 
les  monastères  détruits  par  les  Sarrazins  ;  la  Chronique  de 
l'abbaye  d'Ambronay  atteste  que  le  monastère ,  fondé  par 
saint  Maur,  l'église  consacrée  à  la  Sainte-Vierge  et  la  statue, 
objet  de  la  vénération  des  fidèles ,  ont  été  renversés  par  les 
païens.  Ces  païens  n'étaient  pas  les  Hongrois  venus  deux 
siècles  plus  tard ,  puisque  saint  Barnard  avait  déjà ,  en  803  , 
reconstruit  la  chapelle  et  le  couvent.  L'histoire  de  Lyon  nous 
apprend  que  les  recluseries  de  la  Platière  et  de  St. -Clair,  les 
églises  de  St. -Georges  et  de  St. -Paul,  les  abbayes  déjà  cé- 
lèbres de  St. -Pierre  et  de  l'Ile-Barbe  étaient  tombées  sous  les 
coups  des  sectateurs  du  Coran  ;  mais  ni  M.  Henri  Martin  ni 
nos  autres  historiens  ne  nous  disent  quel  fut  le  sort  des 
armées  musulmanes  après  les  derniers  triomphes  de  Charles- 
Martel  ;  M.  Reinaud  ne  croit  pas  que  des  tribus  sarrazines 
aient  pu  rester  parmi  nous ,  et  M.  Pilot  met  au  nombre  des 
fables  la  prise  de  Grenoble  par  les  Maures  et  la  présence  de 
bandes  sarrazines  dans  les  montagnes  du  Dauphiné. 


XXIX'.    SESSION  ,    A    LYON.  ftOl 

Quant  à  nous  qui,  au  fond  de  nos  vallées,  avons  vu  ces 
familles  au  teinl  brun,  aux  coutumes  bizarres,  au  nom  sans 
contredit  oriental ,  et  qui  se  disent  elles-mêmes  d'origine 
arabe,  nous  croyons  qu'on  pourrait  compléter  ce  que  l'histoire 
ne  dit  pas,  ou  rectifier  ce  qu'elle  avance  d'erroné.  Les  tribus 
arabes  n'ont  pas  regagné  l'Espagne  ,  et  cependant  elles  n'ont 
pas  été  anéanties  par  les  Francs.  Poursuivies  par  un  ennemi 
supérieur,  elles  ont  traversé  la  Saône  et  se  sont  réfugiées 
dans  les  marécages  de  la  Dombes  ,  les  forêts  de  la  Bresse  ou 
les  gorges  escarpées  du  Jura  et  du  Dauphiné;  la  preuve,  c'est 
qu'elles  y  sont  encore.  Si  l'homme  qui  écrit  l'histoire  d'un 
peuple  ne  peut  approfondir  tous  les  faits,  si  l'écrivain  systé- 
matique nie  ,  de  parti  pris ,  ce  qui  lui  paraît  singulier  ou 
bizarre ,  c'est  aux  esprits  moins  vastes  ou  moins  entiers  à 
descendre  dans  ces  infiniment-petits  qui  auront  peut-être 
aussi  un  jour  leur  utilité  et  leur  importance. 

Battus  à  Poitiers,  qu'ils  traversaient  en  allant  s'emparer  du 
trésor  de  saint  Martin ,  et  bien  avant  d'avoir  atteint  cette 
Neustrie  qu'on  leur  avait  dite  si  opulente  et  si  bonne  à  ra- 
vager (1),  les  Arabes  et  les  Berbers ,   âpres  à  la  conquête, 

(1)  «  L'Espagne  fut  donnée  pour  la  seconde  fois  a  Abdoulraliman- 
Ben-Abdoullah-el-Gafiki ,  l'année  de  l'hégire  113,  et  la  neuvième  du 
califat  d'Accham  (13V...  Dès  que  celte  révolte  fut  dissipée,  Abdoul- 
rahman  résolut  de  porter  la  guerre  au  dehors  et  d'occuper  les  Arabes... 
Il  se  jette  dans  l'Aquitaine,  passe  la  Garonne  et  s'empare  de  Bordeaux... 
Il  traverse  le  Périgord,  la  Saintonge,  le  Poitou...  Il  pénètre  jusqu'à 
Tours...  Eudes  implore  le  secours  de  Charles-Martel.  Ce  prince,  juste- 
ment alarmé  du  danger  commun,  marche  contre  les  Arabes  avec  toutes 
les  forces  de  la  Germanie,  de  l'Auslrasie,  de  la  Bourgogne  et  de  la 
Neustrie.  »  (Cardonne,  Hist.  de  l'Afr.  et  de  CEsp.  sous  la  domination 
des  Arabes  ). 

«  Les  Barbares  essayèrent  même  de  se  venger,  sur  les  provinces  de 
Charles-Martel ,  de  la  défaite  que  ce  grand  capitaine  leur  avait  fait 
essuyer  quelques  années  auparavant.  Leurs  détachements,  occupant  de 

20 


402  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

avides  de  pillage  et  ardents  à  se  venger,  après  avoir,  pendant 
quatre  ans,  réparé  les  désastres  de  leur  défaite,  attaquèrent 
le  pays  des  Francs  par  la  partie  orientale ,  plus  facile  à  en- 
vahir. D'immenses  renforts,  accourus  de  l'Afrique  et  de  l'Asie, 
avaient  couvert  l'Espagne ,  franchi  les  Pyrénées  et  s'étaient 
répandus  dans  cette  Septimanie  où  déjà  plus  d'une  fois  les 
Yisigoths  leur  avaient  tendu  la  main  (1).  Organisés  en  vue  de 
toutes  les  prévisions;  accompagnés  de  leurs  femmes  et  de  leurs 
troupeaux  comme  pour  coloniser  (2),  mais  surtout  fiers  d'une 
cavalerie  nombreuse  et  sans  égale  ,  les  Arabes  remontèrent  le 
cours  du  Rhône  sans  presque  livrer  de  combats  (3).  La  Bour- 

nouveau  Lyon,  envahirent  la  Bourgogne.»   (Rbinaud,   Invasion  des 
Sarrazins.  ) 

On  voit  que  l'envahissement  de  la  Bourgogne  suivit  la  bataille  de 
Poitiers  et  ne  la  précéda  pas. 

(1)  Entreprenans  la  guerre  d'un  grand  cœur  (les  Visigoths)  appe- 
lèrent en  leur  ayile  les  Sarrazins,  encores  ennemys  des  François,  pour 
raison  de  la  perte  qu'ils  avoient  receu  devant  Tours.  Ainsi  tous  ensemble 
viennent  passer  le  Rhône...  et  tirant  outre  prindrent  quasi  toute  la 
Bourgongne.  »   (Guillaume  Paradin,  Annales  de  Bourgogne.) 

«  Alhatan...  leur  avoit  commandé...  de  venger  Abdérame  et  de  se 
souvenir  incessamment  de  la  bataille  de  Tours.  Les  chefs  qu'il  leur 
donna  furent  Athin  et  Amorrhée,  qu'il  jugea  capables  d'un  si  grand 
employ...  Nulle  esglise  ne  fut  espargnée.  Lyon,  Mascon,  Auxerre  et 
toutes  les  villes  de  la  Bourgongne,  jusqu'à  Sens,  furent  saccagées.  » 
(Chômer,  Hist.  du  Dauphiné.  ) 

(2)  «  Le  témoignage  des  plus  anciennes  chroniques  nous  assure  que 
les  Arabes,  en  franchissant  les  Pyrénées,  entraînaient  après  eux  leurs 
femmes  et  leurs  enfants,  comme  s'ils  eussent  eu  le  dessein  formé  de 
s'établir  sur  ce  sol  nouveau  pour  eux.  »  (Noël  Desvergers,  L'Arabie, 

p.  342.) 

«  Sarraceni  cum  uxoribus  et  parvulis  venientes...»  (Warnefrid,  HisU 
Longobard.) 

(3;  «  Au  moment  de  ce  vaste  choc ,  les  Arabes ,  encore  dans  la  pre- 
mière ferveur  de  l'Islam,  avaient  plus  d'humanité,  de  moralité,  de 
lumières  que  les  Franks.  »  (Henri  Martin,  Hist,  de  France,  t.  IL) 


XXIX".   SESSION,    A  LYON.  603 

gogne ,  écrasée  par  le  despotisme  et  l'avidité  des  Francs,  ou- 
vrit ses  portes  aux  musulmans  qu'elle  reçut  comme  des  libé- 
rateurs (1).  Le  clergé  seul  protesta  contre  les  propagateurs 
d'une  religion  nouvelle  ,  et  le  clergé  seul  eut  à  subir  les  lois 
de  la  guerre  avec  une  impitoyable  rigueur.  Les  Juifs  surtout 
firent  cause  commune  avec  les  musulmans,  et  leur  influence 
puissante  dans  toutes  les  cités  ne  contribua  pas  peu  à  faci- 
liter l'envahissement  du  pays  (2).  A  Loudun,  comme  ils  ap- 

(1)  «  La  Bourgogne  paya  chèrement  sa  résistance  aux  prétentions  de 
Charles  :  ce  royaume  fut  partagé  entre  ses  partisans  les  plus  dévoués. 
Les  Bourguignons  furent  exclus  de  toutes  les  magistratures  et  subirent 
les  conséquences  d'une  invasion  étrangère.  »  (Fouqie,  Hist.  de  Chalon- 
sur-Saône.) 

o  Les  bandes  teutoniques  commirent  sans  doute,  dans  celte  expé- 
dition, de  bien  grandes  violences,  et  les  leudes  franks  ou  germains , 
qui  avaient  dépossédé  les  comtes  romains  ou  burgondes,  exercèrent 
une  bien  brutale  tyrannie;  car  il  s'alluma  contre  le  règne  des  Franks 
des  haines  qui  ne  tardèrent  pas  à  éclater  de  la  manière  la  plus  étrange.  » 
(H.  Martin,  Hist.  de  France,  t.  IL) 

«  737.  —  Comme  Martel  estoit  usurpateur,  chaque  gouverneur 
croyoit  avoir  droit  de  lui  désobéir  et  Iranchoit  du  souverain.  Mauronte, 
gouverneur  de  Marseille,  afin  d'establir  son  indépendance,  appela  le 
secours  des  Sarrazins  et  leur  livra  la  ville  d'Avignon,  d'où  ils  s'espan- 
dirent  dans  le  Dauphiné,  le  Lyonnois  et,  s'il  est  croyable,  même  jusqu'à 
Sens.  »  (Mézeray,  Hist.  de  France,  t.  I,  p.  131.) 

«  Les  chefs  des  Bourguignons  se  flattèrent  de  recouvrer  leur  indé- 
pendance en  favorisant  l'invasion  des  Sarrazins.  »  (Lateysonmkre, 
Recherches  hist.  sur  le  département  de  l'Ain). 

(2)  o  Les  Juifs  étaient  très-nombreux,  très-riches  et  très-forts  dans 
les  villes  septimaniennes ,  et  ils  secondaient  partout  la  conquête  arabe 
de  leurs  intrigues  en  représailles  des  lois  tyranniques  portées  contre 
eux.  »  (Henri  Martin,  Hist.  de  France,  t.  II.) 

«  L'évêque  Agobard  écrivait  à  l'archevêque  de  Narbonne,  Nibridius  : 
«Dieu  mercy,  il  n'y  a  plus  de  païens  en  ce  pays,  mais  il  y  a  quantité  de 
Juifs  qui  demeurent  en  cette  ville  et  sont  répandus  dans  tous  les  lieux 
circonvoisins.  »  (Menestrier,  Hist.  cons.,  p.  216.) 


ftO'l  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

pelaient  Lyon ,  les  musulmans  s'emparèrent  des  biens  de 
l'Église,  renversèrent  les  couvents  (1) ,  mais  respectèrent  la 
population  ;  le  culte  extérieur  seul  fut  défendu,  les  mœurs  et 
les  lois  furent  conservées  (2).  Suivant  leur  tactique,  et  pour 

(1)  «  Les  Sarrazins,  dans  leurs  invasions,  avaient  dévasté  la  plupart 
des  églises  et  des  couvents  et  avaient  aliéné  les  biens  affectés  à  ces 
établissements.  »  (Reinaud,  Invasions  des  Sarrazins.) 

«  Van  732?  Les  Sarrazins  entrent  en  Bourgogne,  ruinent  Autun 
jusque  dans  ses  fondements.  L'église  de  St.-Nazaire  fut  brûlée  avec 
tous  les  titres  et  papiers.  Le  monastère  de  St.-Martin ,  fondé  par  la 
reine  Brunehaut  et  où  elle  reçut  la  sépulture,  fut  pillé  et  détruit  ;  celui 
de  St.-Jean-le-Grand  eut  le  même  sort.  »  (Edme  Thomas,  Hist. 
d'Aiitun.) 

(2)  «  Les  villes  qui  avaient  capitulé  conservèrent  leurs  comtes,  golhs 
ou  romains,  leurs  lois  nationales  et  l'exercice  de  leur  culte  dans  l'in- 
térieur des  églises,  mais  à  condition  de  recevoir  des  garnisons  musul- 
manes, de  payer  le  kharad  ,  tribut  annuel  qui  variait  du  dixième  an 
cinquième  des  revenus  fonciers,  et  peut-être  de  livrer  leurs  chevaux 
et  leurs  armes,  ainsi  que  les  trésors  de  l'Église.  Les  domaines  de  la 
couronne  et  des  citoyens  morts  en  combattant  les  musulmans  furent 
confisqués,  probablement  avec  la  majeure  partie  des  biens  de  l'Église.  » 
(Henri  Martin,  Hist.  de  France.) 

«  L'exercice  libre  de  la  religion  chrétienne  était  garanti  dans  l'inté- 
rieur des  églises.  Toute  église  existante  devait  être  conservée;  mais  il 
n'en  pouvait  point  être  bàli  de  nouvelles  sans  l'autorisation  du  chef 
musulman.  —  Les  lois  anciennes  du  pays  étaient  maintenues.  •  (Hugo, 
France  monument. ,  p.  232.) 

a  Les  conditions  imposées  par  les  généraux  musulmans  aux  villes 
conquises  n'étaient  ni  trop  onéreuses,  ni  trop  humiliantes,  comparées  au 
sort  qui,  à  cette  époque  de  barbarie,  pesait  sur  les  habitants  des  villes 
tombées  au  pouvoir  d'ennemis  chrétiens  comme  eux.  »  (Hugo  ,  France 
monument.,  p.  232.) 

«  Dans  les  cérémonies  publiques,  à  Messine,  on  déployait  deux  éten- 
dards. Le  premier,  qui  appartenait  aux  Sarrazins,  représentait  une 
tour  de  couleur  noire  sur  un  champ  vert;  le  second,  qui  servait  aux 
chrétiens,  portait  une  croix  d'or  brodée  sur  un  champ  rouge.  »  (Ebn- 
Kmaldoi.n,  Hist,  de  l'Afrique...) 


XXIXe.    SESSION  ,    A   LYOX.  /j05 

ne  pas  affaiblir  leur  année,  les  Arabes  confièrent  la  garde  de 
la  cilé  aux  Juifs  et  à  quelques  seigneurs  bourguignons,  et, 
comme  force  morale,  laissèrent  un  poste  de  cavaliers  autour 
du  drapeau  musulman.  Ici,  particulièrement ,  l'histoire  est 
muette,  mais  la  tradition  parle,  et  grâce  à  elle  on  peut  encore 
suivre  le  fil  des  événements. 

Lyon  était  déjà  une  ville  puissante  qui,  en  se  soulevant, 
aurait  pu  écraser  même  une  forte  garnison.  Il  n'eût  pas  été 
prudent  de  confier  à  son  incertaine  amitié  la  vie  ou  la  liberté 
des  soldats  laissés  à  la  garde  du  drapeau  ;  mais  Lyon  est 
arrosé  par  deux  larges  fleuves;  des  collines  l'entourent  :  sur 
quel  point  dut  s'établir  le  poste  arabe  qui  devait  maintenir 
la  paix  de  la  cité ,  assez  près  pour  savoir  les  nouvelles ,  assez 
loin  pour  ne  pas  être  envahi  par  la  révolte  ?  Les  livres  ne  le 
disent  pas,  mais  les  gens  de  la  campagne  le  savent,  et  c'est 
d'eux  que  nous  l'avons  appris. 

Plus  haut  que  la  vieille  ville  gauloise ,  assise  entre  le 
premier  confluent  de  ses  deux  fleuves  ;  plus  haut  que  le 
faubourg  moderne  de  la  Croix-Rousse  ,  qui  n'existait  pas 
alors,  la  montagne  allongée  que  le  Rhône  et  la  Saône 
entourent  perd  de  sa  largeur  ;  on  dirait  que  les  deux  fleuves 
amoureux,  impatients  de  s'embrasser,  ont  fait  un  effort  pour 
s'unir  avant  d'avoir  à  baigner  les  murs  de  la  ville  ;  en  cet 
endroit  fut  jadis  une  villa  romaine;  aujourd'hui,  un  riche 
et  gracieux  village  y  répand  ses  maisons.  Un  double  chemin 
descend  d'un  côté  au  Rhône,  de  l'autre  à  la  Saône;  le  Mont- 
ci  Abdouliih,  conformément  à  la  loi  mahométane,  et  pour  éviter  l'effu- 
sion du  sang,  offrit  la  paix  à  Grégoire  en  lui  donnant  à  choisir  d'em- 
brasser l'islamisme  ou  de  se  rendre  tributaire  du  calife,  o  (  Caudonne  , 
Hist.  de  l'Afrique  et  de  l'Espagne  sous  la  domination  des  Arabes.) 

u  On  sait  que  de  tout  temps  l'islamisme  offrait  aux  vaincus  deux  partis  : 
embrasser  la  foi  musulmane  ou  payer  tribut  aux  vainqueurs.  »  (Ee.n- 
Kbaldoun.) 


606  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

d'Or  s'étend  vis-à-vis ,  comme  un  rideau.   On  a  nommé 
Caluire ,  c'est  là  que  s'élevait  le  drapeau  du  Croissant. 

Le  camp  arabe,  gourbis  ou  tentes,  était  là ,  en  effet,  dans 
une  admirable  position  ,  non  loin  des  rivières ,  à  l'abri  de 
toute  insulte,  dominant  l'espace,  et  prêt  à  s'envoler  au  rapide 
galop  de  ses  coursiers  si  un  danger  sérieux  l'eût  menacé.  Un 
conquérant,  voulant  garder  Lyon  avec  une  poignée  de  soldats, 
ne  pourrait  choisir  un  meilleur  emplacement  ;  et ,  en  effet , 
aujourd'hui  même,  c'est  non  loin  de  Caluire  que  le  gouver- 
nement français  a  établi  le  camp  qui  lui  répond  de  la  cité  , 
sur  l'emplacement  où  jadis  Albin  avait  campé  ses  légions. 
Romains ,  Français ,  Arabes ,  peuples  au  génie  militaire  , 
ont  compris  que  Caluire  est  la  clef  de  la  ville;  la  topographie 
n'a  pas  changé ,  le  secret  est  resté  le  même  ;  c'est  toujours 
de  là  qu'on  dominera  Lyon. 

Nous  n'avons  pas  de  preuves  écrites  de  ce  que  nous 
avançons,  mais  le  mamelon  escarpé  qui  domine  la  campagne 
des  Brosses ,  au  levant  de  Caluire  ,  s'appelle  la  butte  des 
Sarrazins  ;  le  chemin  qui  descend  au  Rhône  à  travers  les 
Brosses  s'appelle  la  voie  des  Sarrazins  ;  à  une  faible  distance 
de  là,  au  nord-est,  se  trouve  la  ferme  des  Sarrazins. 

Les  Arabes  et  les  Berbers  envahirent  la  Burgondie  ,  et , 
avides  de  conquêtes ,  fidèles  à  leur  mission  de  convertir  le 
monde  ,  ils  se  dirigèrent  vers  le  nord  à  la  recherche  des 
soldats  de  Charles- Martel.  L'armée  des  Francs  vaincue, 
l'Europe  appartenait  au  Croissant  :  c'en  était  fait  de  la  chré- 
tienté ,  et  le  rêve  des  musulmans  de  rentrer  dans  leur  patrie 
par  Constantinople  s'accomplissait;  mais  avant  de  rencontrer 
les  fiers  soldats  de  l'Austrasie ,  les  Arabes  trouvèrent  un 
ennemi  bien  plus  puissant  que  les  Francs ,  plus  terrible  que 
ces  géants  couverts  de  fer  qui  les  avaient  vaincus  à  Poitiers  ; 
ennemi  dont  les  historiens  n'ont  jamais  parlé,  qui  arrêta  leur 
élan ,  brisa  leur  vigueur ,  dompta  leur  courage  et  méritait 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  407 

cependant  d'être  signalé  pour  avoir,  mieux  que  la  massue  de 
Martel,  protégé  le  sol  gaulois  contre  la  nuée  de  ses  envahis- 
seurs. 

Lorsque  le  peuple  de  Dieu  prévariquait ,  lorsqu'il  épousait 
des  femmes  infidèles  et  encensait  les  idoles,  l'esprit  divin 
se  retirait  de  lui,  ses  chefs  étaient  frappés  d'aveuglement ,  et 
il  était  livré  sans  pitié  à  la  fureur  des  Amalécitcs  et  des  Phi- 
listins. Lorsque  les  enfants  du  Prophète  eurent  prévariqué  à 
leur  tour,  lorsque  la  loi  la  plus  formelle  du  livre  sacré  eut  été 
violée  dans  les  caves  profondes  de  la  Bourgogne  ;  que  le  vin 
eut  coulé  dans  leurs  festins ,  que  les  tables  n'eurent  plus 
horreur  de  se  charger  des  viandes  impures  et  maudites  de  la 
Séquanie,  que  les  lèvres  des  vrais  croyants  eurent  savouré  la 
chair  immonde  des  porcs  du  pays  des  Éduens  ,  c'en  fut  fait 
du  fanatisme  guerrier  des  conquérants  :  la  gloire  du  Croissant 
s'éclipsa,  l'amour  du  prosélytisme  s'éteignit.  Ne  cherchez  pas 
ailleurs  la  cause  de  la  défaite  des  Arabes  :  la  foi  n'y  était  plus  ; 
leur  élan  incertain  ne  put  emporter  la  citadelle  d'Auxerre , 
et  il  vint  mourir  contre  les  faibles  remparts  de  la  ville  de 
Sens. 

Alors,  des  bruits  sinistres  circulèrent  au  milieu  des  tribus. 
La  jalousie,  qui  avait  toujours  régné  entre  les  Asiatiques  et  les 
Africains,  se  réveilla  plus  active  et  plus  ardente  que  jamais. 
Les  Berbers',  les  premiers,  déclarèrent  qu'ils  se  contentaient 
des  biens  de  la  terre ,  et  que  d'autres  pouvaient  porter  la 
semence  de  la  parole  jusque  dans  les  neiges  d'Upsal  ,  dans 
ces  lieux  reculés  et  inconnus  où  Odin  était  encore  adoré 
comme  un  dieu  (1).  Alors  l'archevêque  Ebbon  n'eut  qu'à  se 

(1)  «  Il  s'éleva  des  disputes  entre  les  Arabes  de  Damas  et  ceux  de 
l'Arabie-Heureuse  ,  entre  les  Berbers  et  les  Modavites,  et  ils  se  firent 
une  guerre  cruelle,  s   (Hidjazi,  Mesheb.) 

«  La  vérité  est  que  les  Berbers  sont  un  peuple  bien  différent  des 


408  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

montrer  à  la  tête  de  ses  guerriers  :  l'effroi  des  grandes  forêts 
-de  la  Gaule  du  nord  ,  le  souvenir  des  frais  coteaux  de  Dijon 
et  de  Nuits  firent  tourner  la  tête  en  arrière  aux  cavaliers  qui 
avaient  bravé  le  simoun  ,  traversé  l'Afrique  brûlante  ,  et  qui 
devaient  au  départ  conquérir  le  monde  (1).  Leurs  escadrons 
légers  se  répandirent  sur  les  bords  de  la  Saône ,  et  ,  quand 
Childebrand  vint  à  marches  forcées,  par  le  centre  de  la  France, 
couper  les  renforts  qui  remontaient  le  Rhône,  il  y  avait  long- 
temps que  l'armée  d'Athin  et  d'Amorrhée  n'était  plus  un 
danger  pour  les  chrétiens. 

Mais  que  faire  de  ces  hordes  souillées  ,  de  ces  tribus  qui 
n'avaient  plus  de  musulman  que  le  nom  ?  Les  ramener  en 
Espagne  ,  en  Afrique ,  en  Arabie ,  peut-être  !  Montrer  aux 
croyants  de  Médine  et  de  Damas  l'épouvantable  spectacle 
de  musulmans  ivres  de  vin  ou  gorgés  des  graisses  impures 
des  troupeaux  de  la  Séquanie  !  Un  sacrifice  était  nécessaire , 
il  fut  ordonné.  L'influence  occulte,  mais  toute-puissante  des 
marabout  et  des  imans ,  profita  des  divisions  qui  régnaient 
entre  les  Arabes  et  les  Berbers;  l'armée  fut  condamnée  à 
périr,  et  chaque  scheik,  chaque  émir  dispersa  ses  cavaliers 
dans  les  forêts  de  la  Haute-Bourgogne,  les  marécages  de  la 
Dombes,  les  rochers  du  Bugey  et  du  Dauphiné  (2),  au  milieu 

Arabes,  excepté  peut-être  les  tribus  de  Sanbadjab  et  des  Ketemah, 
qui,  selon  moi,  doivent  être  regardées  comme  parentes  et  alliées  des 
Arabes.  Mais  Dieu  le  sait.  »  (Histoire  de  l'Afrique  sous  la  dynastie  des 
Aghtabites,  par  Ebn-Khaldocn.) 

(1)  <•  Se  sentans  estre  entrés  trop  avant  en  France  et  craignans 
d'estre  enclos,  retournèrent  en  mesme  hastiveté  qu'ils  estoient  venus 
et  retournant  en  arrière  aschevoyent  de  brusler  et  détruire  ce  qui 
estoit  demouré  entier,  à  ce  que  Charles-Martel  ne  trouvas!  rien  d'entier 
après  eux...  Ainsi  fut  toute  la  Bourgongne  mise  en  ruines  par  les  Visi- 
golhs  et  par  les  Sarrazins.  »   (G.  Paradin,  Annales  de  Bourgogne.} 

(2)  m  Ravagée  par  les  Huns,  les  Ostrogoths,  les  Bourguignons,  les 
Lombards  et  les  Sarrazins...  la  Maurienneest  peut-être,  de  toutes  nos 


XXIX".    SESSION  ,    \    LYON.  M9 

desquels  ,  trois  cents  ans  plus  tard ,  les  exilés  vivaient  encore 
à  l'état  de  nation  à  part ,  de  peuple  séparé  et  maudit,  avec 
ses  lois,  sa  religion,  ses  mœurs,  et  où,  aujourd'hui  même,  on 
les  retrouve  avec  étonnement  soit  organisés  en  villages,  soit , 
plus  souvent,  comme  familles  maintenues  intactes,  sans  mé- 
lange avec  leurs  voisins ,  et  ayant  conservé  sinon  le  culte , 
du  moins  le  type  physique  et  moral  de  la  race  à  laquelle 
appartenaient  leurs  pères. 

Lorsque  Childebrand  eut  accompli  sa  mission  et  campé 
avec  l'avant-garde  des  Francs  sur  les  bords  du  Rhône ,  que 
l'approche  de  Charles-Martel  eut  été  signalée  par  toutes  les 
voix  de  la  renommée,  la  fureur  des  musulmans  se  réveilla,  et 
ils  brûlèrent  toutes  les  cités  au  milieu  desquelles  ils  purent 
promener  leur  vengeance.  Alors  eurent  lieu  ces  atrocités  qui 
remplirent  d'effroi  les  populations  ;  alors  on  vit  ces  dévasta- 
tions dont  les  siècles  ont  eu  de  la  peine  h  guérir  les  blessures, 
mais  dont  ils  n'ont  pu  effacer  le  souvenir. 

Parmi  les  lieux  où  on  peut  retrouver  des  traces  de  la  fuite 
des  musulmans ,  lorsqu'ils  traversèrent  ls  Saône  ,  nous  cite- 
rons particulièrement  Châlon  (1),  Tournus,  Boz,  Uchizy,  Ser- 

provinces,  celle  dont  l'histoire  présente  le  plus  de  péripétie».  »  (  Tra- 
vaux de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  la  province  de 
Maurienne,  1er.  BulleUn  p.  3.) 

«  Ce  ne  fut  qu'au  Xe.  siècle  que  les  Sarrazins  coupèrent  le  rocher  sur 
lequel  s'élève  la  chapelle  de  Stc.-Thècle  et  desséchèrent  la  plaine.  » 
(L'abbé  Truchet,  Notice  historique  sur  la  commune  de  Valloires.) 

u  Les  Sarrazins  avaient  poussé  leurs  incursions  jusque  dans  nos  mon- 
tagnes (942).  Hugues  de  Provence,  roi  d'Italie,  les  chargea  de  garder 
les  principaux  passages  des  Alpes  du  nord  contre  son  compétiteur 
Bérenger.  »  (Ducis,  Foies  romaines,  Revue  Savoisienne,  15  avril  1861.) 

«  Nous  citerons  ensuite  ces  colons,  d'origine  évidemment  étrangère, 
qui  vivent  depuis  des  siècles  isolés  dans  les  marais  desséchés  de  la 
Bresse.  »  (Roget  de  Bellogcet,  [Ethnogénie  gauloise.) 

(1)  Vers  645 ,  le  siège  épiscopal  de  Chàlou-sur-Saône  était  occupé 


MO      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

moyer,  Flenrvillc,  Ozan,  Arbigny ,  Màcon ,  Lyon.  Plusieurs 
tribus  s'arrêtèrent  dès  qu'elles  eurent  mis  la  rivière  entre 
elles  et  leurs  ennemis;  à  Pont-cle-Veyle ,  à  Louhans,  en 
d'autres  lieux  encore  ,  on  montre  la  chaussée  ou  la  digue  des 
Sarrazins,  dénomination  qui,  si  elle  ne  prouve  pas  que  ces 
ouvrages  leur  appartiennent ,  indique  du  moins  combien  leur 
nom  est  encore  vivant  dans  le  pays.  Dans  le  Bugey ,  trois 
villes  importantes  furent  détruites ,  et  deux  d'entre  elles  si 
complètement ,  qu'on  ne  sait  où  trouver  le  lieu  où  elles 
existaient.  Isernore,  à  la  douce  appellation ,  a  conservé  les 
ruines  d'un  temple  célèbre;  Orindinse  a  dû  s'élever  au 
confluent  de  l'Ange  et  de  l'Oignin  ;  la  ville  des  Tattes  devait 
être  sur  les  bords  de  la  Valserine  ,  non  loin  de  Châtillon-dc- 
Michaille.  La  Chronique  de  Saint- Amand,  un  des  plus 
anciens  documents  de  l'histoire  du  Bugey  ,  ne  donne  que  des 
détails  incomplets  à  cet  égard. 

Les  monastères  de  Nantua,  d'Ambronay  et  de  St.-Ram- 
bert-de-Joux  ,  dans  la  gorge  de  l'Albarine ,  furent  renversés. 
La  Franche-Comté,  la  Savoie,  le  Dauphiné  se  couvrirent 
de  ruines.  Les  histoires  de  ces  provinces  donnent  de  doulou- 
reux détails  sur  les  ravages  que  commirent  les  Orientaux. 

Les  tribus  qui  occupaient  Lyon  n'épargnèrent  pas  notre 
cité.  Les  troupes  en  marche,  et  qui  avaient  dépassé  Valence1, 
vinrent  se  réfugier  dans  nos  murs.  Quand  elles  virent  que  la 
fortune  devenait  contraire  et  que  la  cause  de  l'Islam  ne  se 
relèverait  pas,  le  pillage,  l'incendie  et  la  dévastation  assou- 
virent le  besoin  de  vengeance  de  ces  cœurs  ulcérés:  Romains, 
Gaulois,  Francs,  Visigoths ,  tous  devinrent  égaux  devant  les 


par  un  homme  de  bien,  nommé  Gratius,  qui  habitait  le  faubourg St.- 
Laurent:  déjà,  à  cette  époque,  le  faubourg  communiquait  avec  la  ville 
par  un  pont.  Comme  à  Tournus  et  à  Mâcon,  le  pont  de  Chalon  servit  de 
passage  aux  Sarrazins  et  fut  détruit  derrière  eux, 


XXIX*.  SESSION  ,  A   LYON.  M 1 

terribles  musulmans,  qui  n'étaient  plus  des  convertisseurs 
zélés,  mais  de  farouches  ennemis.  Ce  fut  un  massacre  général, 
une  ruine  universel ,  et  dès  lors  le  peuple  de  la  cité  ne  pra- 
nonça  plus  qu'avec  une  superstitieuse  terreur  le  nom  de  cette 
race  maudite  de  Dieu. 

La  ville  détruite,  les  hordes  musulmanes  se  retirèrent  vers 
les  montagnes  à  l'orient  de  Lyon  (1)  ;  où  elles  rejoignirent  les 
autres  tribus  fugitives  ;  mais  désormais  indépendantes ,  elles 
ne  réunirent  leurs  drapeaux  que  pour  lutter  contre  les  dif- 
ficultés du  moment  et  pour  se  frayer  un  passage  à  travers 
les  populations  belliqueuses  de  ces  contrées.  La  plaine 
d'Ambérieu  conserve  encore  plusieurs  castramétations  qu'on 
leur  attribue  (2)  ;  les  montagnes  sont  pleines  de  leurs  noms  ; 
les  flots  de  l'Albarine,  comme  ceux  du  haut  Rhône,  baignent 
la  grotte  des  Sarrazins ,  la  balme  des  Sarrazins,  la  chambre , 
les  crèches ,  les  forts,  la  maison  des  Sarrazins ,  et  même  cette 
grotte  de  Roland  où  fut  trouvé ,  il  y  a  cinq  siècles,  un  cor 
arabe  de  la  plus  magnifique  beauté;  Seillonas,  Ordonnas, 
Benonce  reçurent  les  colonies  africaines;  la  vallée  d'Amby  , 
de  l'autre  côté  du  Rhône,  vit  se  dresser  un  camp  formidable 
que  les  voyageurs  vont  encore  visiter.  La  tradition  raconte 
de  longs  et  sanglants  combats  livrés  entre  les  Séquanes ,  les 


(1)  «  Les  Sarrazins ,  qui  ne  purent  opérer  leur  retraite  en  Provence 
ou  en  Septimanie,  se  réfugièrent  dans  les  montagnes  (du  Jura  et  du 
Dauphiné)  et  s'y  retranchèrent  dans  des  positions  inexpugnables. 
Notre  province  (Bresse  et  Bugey)  est  au  nombre  de  celles  qui  furent 
envahies  ;  elle  leur  servit  de  refuge  en  leur  présentant  des  positions 
naturellement  fortifiées.  »  (Paul  Guillemot,  Monog.  hist.  du  Bugcy.) 

(2)  «  Parcourons,  dans  le  Bugey,  les  diverses  contrées  qui  les  recè- 
lent, à  commencer  celte  investigation  dans  la  plaine  qui  s'étend  des 
rivages  du  Bhône  et  de  l'Ain  jusqu'à  la  chaîne  non  interrompue  des 
premières  montagnes.  C'est  là  que  les  Sarrazins  sont  arrivés  après  avoir 
saccagé  Lyon.  »  (Paul  Guillemot,  Monog.  hist,  du  Bugey.) 


hll  CONÇUES   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

Ambai'res  ,  les  xUlobroges  et  les  légers  cavaliers  de  l'Arabie. 
Ces  derniers  furent  probablement  vainqueurs,  puisque  partout 
ils  parvinrent  à  se  maintenir  dans  les  vallées  qu'ils  avaient 
choisies  et  où  sont  encore  leurs  descendants. 

Si  le  paysan  qui  passe  sur  la  montagne  est  brun,  maigre, 
avec  le  regard  ardent ,  un  nez  aquilin ,  l'œil  enfoncé  sous 
l'orbite;  si  ses  cheveux,  d'un  noir  de  corbeau,  ont  des  reflets 
bleus  au  soleil;  s'il  répond  au  nom  de  Babolah ,  Kaffon, 
Tabardet,  Ciza-Carlet,  Ciza-Buiron,  Alamercery,  ou  Galaffre 
comme  un  héros  de  l'Arioste  ,  demandez-lui  s'il  n'appartient 
pas  à  une  famille  sarrazine ,  et ,  l'œil  attaché  sur  vous  pour 
approfondir  votre  pensée ,  soyez  certain  qu'il  vous  répondra 
affirmativement. 

MM.  Monnier ,  Riboud  ,  Guillemot ,  Lapierre  ,  Fauché- 
Prunelle,  ont  réuni  de  curieux  et  précieux  documents  sur  le 
séjour  des  Arabes  dans  la  Franche-Comté ,  la  Bresse ,  le 
Bugey ,  la  Savoie  et  le  Dauphiné  ;  mais  ces  savants  modestes 
ont  fait  des  chapitres,  des  monographies ,  non  un  livre  ;  les 
historiens  de  longue  haleine  n'ont  pas  encore  utilisé  leurs 
travaux  ,  et,  malgré  l'ouvrage  de  M.  Reinaud,  l'histoire  de 
l'invasion  des  Sarrazins  est  encore  à  faire,  surtout  au  point 
de  vue  de  nos  pays. 

L'influence  de  cette  invasion  fut  grande  sur  la  civilisation 
de  nos  contrées.  Outre  les  connaissances  pratiques  dont  la 
médecine,  l'agriculture  (1)  et  l'industrie  profitèrent;  outre  la 
bougie,  le  papier,  l'ouate,  la  bourrache,  le  tambour  qu'ils 
firent  connaître  à  la  Gaule,  les  Arabes  dotèrent  la  Bresse  de 
cette  race  admirable  de  chevaux  que  les  mauvais  soins  n'ont 


(1)  L'agriculture,  en  Sicile,  dut  aux  Arabes  ses  plus  grands  progrès  : 
Je  coton,  apporté  par  eux  des  champs  syriens,  la  canne  à  sucre,  le  frêne 
qui  produit  la  manne,  le  pistachier,  etc. ,  etc.  »  (Ebn-Kiialdoln,  His- 
toire de  l'Afrique.) 


XXIXe.    SLSSION,    A    LYON.  l\  1  '■> 

pu  faire  dégénérer;  de  ces  volailles  que  les  gourmets  ont  ren- 
dues célèbres  (1)  ;  de  ce  blé  noir,  fortune  du  pauvre,  que  le 
Dombisle  mange ,  en  pâle  légère  délayée  dans  de  l'eau  ou  du 
lait  et  cuite  légèrement  entre  deux  plaques  brillantes,  comme 
Je  voyageur  du  désert  ;  le  commerce  s'est  enriebi  de  ces 
chiffres  simples  et  commodes  qui  ont  fait  presque  oublier  la  nu- 
mération embarrassée  des  Romains  ;  la  langue  s'est  emparée 
d'une  foule  de  mots  dont  elle  ne  pourrait  plus  se  passer,  de- 
puis alambic  jusqu'à  taffetas  (2)  ;  mais ,  surtout ,  il  est  un 
nom  qui  mérite  l'attention  de  l'historien  et  qui  serait  une 
révélation ,  si  l'histoire  ne  devait  accepter  qu'avec  réserve  ce 
qui  lui  est  appris  par  les  poètes.  Voilà  ce  que  dit  M.  de  La- 
martine ,  dans  celte  prose  magique  dont  lui  seul  a  l'usage  et 
qui  est  une  poésie  comme  tout  ce  qui  jaillit  de  sa  puissante 
imagination  : 

«  Quand  on  chemine  à- pied  de  IMâcon  à  St.-Claude,  on 
trouve  d'abord  la  Bresse ,  bocagère  et  plane  comme  la  grasse 
Atlique  ,  ruisselante  d'huile  ,  entre  le  Pyrée  et  Athènes. 

*  L'olivier  de  la  Bresse ,  c'est  le  pâle  saule  qui  ne  verse 
que  l'ombre  légère  aux  vaches  blanches  des  prairies  et  qui , 
tondu  tous  les  trois  ans  par  la  serpette  de  l'émondeur,  penche 
son  tronc  chauve  sur  les  mares  ou  sur  les  étangs.  On  croit 
lire  une  églogue  de  Virgile  :  «  0  minam!  et  plût  aux  dieux 
«  que  je  n'eusse  été  qu'un  pauvre  émondeur  de  saules  sur 
«  les  rives  du  lac  ou  du  Mincio,  dans  cette  laiteuse  Lombar- 
«  die ,  Bresse  de  l'Italie  !   » 

«  A  l'extrémité  de  celte  plaine  virgilienne  de  la  Bresse  , 
on  rencontre  tout  à  coup,  au  lieu  de  l'eau  stagnante  et  fié- 
vreuse des  prairies  de  la  Uombes ,  une  rivière  bleue  comme 


(1)  Courrier  de  fAin ,  la  Presse. 

(2)  Nous  pouvons  citer  :  alcali,  alchimie,  alcool,  algarade,  algèbre, 
almanncli,  ambre,  amiral,  mesquin. 


Ulk  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

le  Grmament  de  la  Suisse  italienne ,  joueuse  comme  des  en- 
fants sur  des  cailloux,  écumante  comme  l'eau  de  savon  battue 
par  le  battoir  de  la  lessiveuse ,  gazouillante  comme  une  volée 
de  tourterelles  bleues  et  blanches  abattues  sur  un  champ  de 
lin  en  fleur,  jetant  ses  petits  flocons  d'écume  ça  et  là,  sur 
son  cours  comme  des  oiseaux  éparpillant  leurs  plumes  en  se 
peignant  du  bec  sur  les  touffes  de  lin  ;  on  s'arrête  tout 
étonné,  sur  la  grève,  des  cailloux  arrondis  par  le  roulis  éternel 
de  cette  rivière  de  montagnes,  débouchant,  tout  étonnée 
elle-même ,  dans  la  plaine.  On  demande  son  nom  au  premier 
batelier  qui  passe  et  qui  rattache  son  petit  bateau  de  pêche  à 
un  tronc  de  saule  pour  verser  son  filet,  frétillant  de  truites  , 
sur  le  sable.  — C'est  la  rivière  d'Ain  ,  vous  dit-il  avec  un  air 
de  fierté  locale  ,  la  rivière  qui  descend  du  Jura  et  qui  donne 
son  nom  à  toutes  ces  plaines. 

«  Si ,  comme  moi ,  vous  avez  chevauché  dans  les  déserts 
et  dans  les  vallées  des  deux  Arabies  ,  vous  reconnaîtrez  bien 
vite  que  les  hommes ,  descendus  de  Tartarie  en  Arabie , 
d'Arabie  en  Scythie  ,  de  Scythie  en  Hongrie  ,  de  Hongrie  en 
Franche-Comté  et  en  Bresse  ,  ont  passé  par  là  ,  ont  colonisé 
ces  contrées ,  et  ont  imposé  au  plus  beau  fleuve  du  pays  ce 
nom  arabe  et  générique  d'Ain  (  l'eau  par  excellence  )  dont , 
en  perdant  l'accent  Ain  ,  nos  pères ,  moins  euphoniques  que 
les  Arabes,  ont  fait  Ain,  nom  rendu  guttural  et  trivial  comme 
le  balbutiement  à  bouche  ouverte  d'un  enfant  hébété.  C'est 
le  progrès  selon  la  doctrine  des  progressistes  indéfinis ,  ces 
adorateurs  obstinés  du  temps,  qui  les  dément  dans  les  langues 
comme  dans  les  choses;  ces  adorateurs  du  présent,  qui  les 
dévore  eux-mêmes ,  et  qui  anéantit  tout  autant  de  choses 
humaines  qu'il  en  crée. 

«  Mais  pardon  de  cette  digression  déplacée  à  propos  de  la 
rivière  d'Ain,  à  laquelle  les  Arabes  avaient  donné  un  nom  so- 
nore comme  l'écho  des  rochers  d'où  il  tombe  en  cascades  de 


XXIXe.    SESSION,   A    LYON.  M  5 

saphir,  et  que  les  Gaulois  ont  rendu  muet  comme  leur  langue 
de  corne  et  de  caoutchouc. 

«  Après  s'être  rafraîchie  et  enivrée  comme  l'Arabe  lui- 
même  au  vent,  cette  rivière,  femelle  du  Rhône,  se  précipite 
vers  lui  en  face  des  plaines  du  Dauphiné.   » 

Ainsi  donc,  croyance  poétique  et  gracieuse  ,  ce  serait  aux 
musulmans  que  ce  torrent  bleu,  que  nos  paysans  appellent  la 
grand'rivière  ,  doit  son  nom  !  Ce  mot  est,  dans  le  désert,  le 
nom  de  l'eau  par  excellence  ?  c'est  aussi  le  cristal  de  l'œil, 
limpide  et  pur  comme  l'eau  des  fontaines  ;  c'est  l'onde  ,  pour 
nos  populations  qui  n'ont  jamais  à  souffrir  de  sa  privation  ; 
Aïn  pour  la  caravane  altérée  qui  voit  devant  elle  la  délivrance 
et  la  vie.  D'après  M.  de  Lamartine ,  les  tribus  poursuivies 
par  l'épée  de  Charles-Martel  ont  salué  ces  flots  d'un  cri  de 
joie  ;  ce  cristal  si  pur,  ce  miroir  étincelant,  c'était  la  barrière 
infranchissable  pour  leurs  ennemis;  c'était  la  fin  de  leurs 
angoisses  et  de  leur  tereur  ;  c'était ,  comme  au  désert ,  la 
délivrance ,  Aïn ,  la  rivière  !  Pardonnons  la  distraction  du 
poète ,  qui  a  fait  venir  nos  parrains  par  la  Hongrie  et  l'Alle- 
magne; acceptons  ce  baptême  dont  se  porte  garant  un  homme 
de  génie,  et  voyons-y  une  preuve  de  plus  du  rôle  immense 
que  les  guerriers  de  l'Yémen  et  du  Nedjd  ont  joué  dans  nos 
pays. 

Mais  ,  diront  à  leur  tour  les  hommes  graves,  oubliez-vous 
le  vieux  nom  ,  l'antique  nom  de  notre  poétique  rivière  ,  le 
Dauus  des  chartes  et  des  cartulaires,  le  Dain  de  notre  ancien 
langage,  dont  la  racine  paraît  être  la  même  que  celle  du 
Danube,  nom  autochthone,  imposé,  avant  les  Arabes,  par 
nos  pères  les  Gaulois  (1)  ?  Et  puis ,  ajouteront  les  personnes 

(1)  «  Mots  qui  se  rapportent  également  au  kymrique  et  au  gaélique  : 
dan,  audacieux,  violent.»  (Roget,  baron  de  Bellogiet,  Ethnogén» 
gaut.) 

«  Si  le  nom  originaire  est  Ain,  c'est  un  vieux  mot  celtique  qui  signifie 


M  6  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

délicates,  est-il  convenable  de  s'enorgueillir  d'une  appellation 
qui  rappellerait  un  peuple  mécréant,  souillé  de  sang,  ennemi 
de  noire  culte,  destructeur  de  nos  Lieux  saints,  enrichi  des 
dépouilles  de  notre  patrie,  chargé  de  la  malédiction  de  nos 
pères?  La  première  observation  seule  a  du  poids,  la  seconde 
nous  paraît  futile. 

On  n'a  point  horreur  du  souvenir  des  Romains;  leurs  mo- 
numents ont  couvert  notre  sol ,  et  cependant  qu'étaient  les 
compagnons  de  Romulus?  d'infâmes  bandits.  Qu'étaient  les 
guerriers  de  César  ?  d'avides  et  rapaces  conquérants.  Qu'étaient 
nos  gouverneurs?  des  proconsuls,  dont  le  nom  est  resté 
comme  une  tache  et  une  injure.  Si,  au  lieu  de  maudire 
chaque  trace  de  leurs  pas  sur  le  sol  sacré  de  la  Gaule ,  on  se 
pare  et  on  se  vante  des  stigmates  que  nous  ont  laissés  ces 
cruels  dominateurs,  toute  vérité  historique  mise  à  part,  toute 
étymologie  réservée,  que  notre  rivière  s'appelle  Ain  ou  Dain, 
nous  ne  voyons  pas  qu'on  ait  à  rougir  de  ce  qui  peut  rappeler 
dans  nos  contrées  les  compatriotes  de  Job ,  d'Avicennes  et 
d'Antar  (i) 

M.  de  Surigny  félicite  M.  Vingtrinier  et  vient  à  l'appui  de 
son  opinion.  Les  traditions  sont  encore  vivantes  dans  la 
Bresse  màconnaise.  On  y  trouve  de  grands  travaux  d'endi- 
guemenl  attribués  aux  Sarrazins ,  des  usages  bizarres ,  des 
costumes  particuliers ,  des  types  de  physionomie.  Quelques- 
unes  de  ces  colonies  arabes  de  la  rive  gauche  de  la  Saâne 
se  sont  étendues  sur  la  rive  droite  et  ont  continué  à  leurs 

source ,  fontaine,  et  qui  même  a  cette  signification  dans  les  langues 
orientales.  »  (  Bacon-Tacon,  Recherches  sur  les  origines  celtiques ,  t.  I , 
p.  162.) 

(1)  Voyez  Paradin ,  Chorier,  J.-CI.  Martin,  Jean  Brunet,  Lapierre, 
Thomas  Biboult ,  Lateysonnière ,  MM.  Paul  Guillemot,  Chaix,  Bore! 
d'Hauterive,  Fauché-Prunelle,  I).  Monnier,  etc. 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  M7 

descendants  des  droits  d'usage ,  de  pâturage  et  autres ,  sur 
la  rive  gauche,  droits  qu'ils  exercent  encore  aujourd'hui. 
M.  Vingtrinier  ajoute  que,  dans  le  Bas-Bugey  ,  quand  la 
sage-femme  rapporte  à  sa  mère  un  petit  enfant  qu'on  vient 
de  baptiser,  elle  lui  dit  :  «  Vous  m'avez  confié  un  Sarrazin  , 
je  vous  rends  un  chrétien.  » 

Avant  de  se  séparer,  M.  de  Caumont  rappelle  qu'on  doit 
aller  samedi  matin  à  Vienne ,  et  qu'on  partira  par  le  train 
le  plus  rapproché  de  huit  heures. 

Demain,  la  première  séance  aura  lieu  à  neuf  heures,  la 
seconde  à  une  heure,  la  troisième  à  huit  heures  du  soir. 

M.  de  Caumont  offre  au  Congrès  les  volumes  du  compte- 
rendu  des  sessions  archéologiques  de  1836  et  de  1860,  et 
deux  volumes  de  la  Table  analytique  du  Bulletin  monumental, 
du  1er.  au  20e.  volume ,  par  31.  l'abbé  Auber  ,  de  Poitiers. 

Le  Secrétaire  , 

Paul  Canat  de  Chizy. 


lre.  Séance  du  a»  septembre. 

Présidence  de  M.  de  Caumont. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  Froisse,  secrétaire  de  l'Académie; 
Boue,  curé  d'Ainay  ;  Martin- Daussigny,  C halle ,  Bouillet , 
l'abbé  Le  Petit  et  Gaugain. 

M.  Canal  de  Chizy  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

M.  de  Caumont  ouvre  la  séance  en  montrant  l'importance 
de  la  réunion  qui  s'est  faite  à  Lyon ,  et  qui  forme  la  seconde 
partie  du  Congrès  archéologique  de  France,  dont  la  première 
a  eu  lieu  à  Saumur. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 

27 


418  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

M.  le  Président  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrages  suivants, 
offerts  au  Congrès  : 

1°.  Une  photographie  de  tombes  antiques  de  Saverne  , 
offerte  par  M.  le  colonel  de  Morlet,  de  Strasbourg; 

2°.  Coitjj-d'œil  sur  les  chemins  de  fer  maritimes  de  la 
France,  par  M.  du  Peyrat; 

3".  Un  dessin  d'un  bas-relief  antique  trouvé  à  Lillebonne, 
sur  lequel  M.  Martin-Daussigny  est  invité  à  donner  son  avis  ; 

U°.  Un  exemplaire  du  XXVIIIe.  volume  du  Bulletin  mo- 
numental de  M.  de  Caumont  ; 

5°.  Iconographie  chrétienne  ,  par  M.  l'abbé  Crosnier ,  de 
Nevers. 

M.  Debombourga  la  parole.  Il  présente,  en  quelques  mots, 
au  Congrès  le  résultat  de  ses  études  sur  la  division  géogra- 
phique du  département  actuel  du  Rhône  ,  depuis  les  temps 
anciens.  Il  offre  au  Congrès  de  belles  cartes  établissant  ces 
divisions  sous  le  rapport  administratif ,  judiciaire  ,  ecclésias- 
tique. C'est  le  résumé  d'un  travail  considérable  actuellement 
sous  presse ,  dont  les  frais  ont  été  en  partie  couverts  par  une 
souscription,  par  le  Conseil  général  et  parle  Conseil  municipal. 

M.  le  Président  recommande  aux  savants  d'imiter,  chacun 
dans  leur  région  ,  ce  remarquable  travail. 

M.  Martin-Daussigny  expose  l'état  des  découvertes  archéo- 
logiques à  Lyon  et  lit  le  mémoire  suivant. 

NOTICE  SUR  L'AMPHITHÉÂTRE  ET  L'AUTEL  D'AUGUSTE 
A  LUGDUNUM  , 

PAR   M.    MARTIN-DAUSSIGNY. 

Messieurs, 
En  prenant  la  parole  devant  une  assemblée  aussi  honorable, 
mon  premier  devoir  est  de  lui  exprimer  la  reconnaissance  que 


XXIX'.    SI.SSION  ,    A    I.YON.  fi  1 1> 

m'inspire  la  bienveillance  avec  laquelle  elle  daigne  m'ac- 
corder  quelques  instants  d'attention. 

En  essayant  de  faire  connaître  au  Congrès  l'étal  et  l'im- 
portance d'un  des  principaux  monuments  romains  de  Lugilu- 
num,  je  n'ai  point  l'intention  d'entrer  dans  tous  les  détails 
d'une  description  minutieuse  ,  dans  la  crainte  de  faire  perdre 
à  des  savants  aussi  distingués  un  temps  précieux,  et  de  re- 
tarder le  moment  où  ils  auront  à  entendre  d'autres  orateurs 
bien  plus  capables  que  moi  de  captiver  leur  attention  ;  je 
n'exposerai  qu'un  simple  résumé  de  mes  éludes  sur  notre 
amphithéâtre  antique,  en  m'appuyant  sur  celles  d'Artaud,  fon- 
dateur de  nos  musées  ,  et  je  terminerai  par  quelques  consi- 
dérations relatives  à  l'époque  à  laquelle  ont  été  détruits  les 
monuments  romains  de  Litgdunum. 

La  lecture  de  ces  quelques  pages  rentrera  donc  dans  le 
6e.  article  du  programme  de  vos  séances  à  Lyon. 

Les  premières  recherches  sur  ce  monument  ayant  été  faites 
par  Artaud  en  1820,  nous  commencerons  par  vous  en  donner 
un  résumé  avant  d'y  joindre  le  récit  des  fouilles  opérées  sous 
nos  yeux  trente-sept  ans  plus  lard. 

Gabriel  Siméoni ,  en  1561,  esl  le  premier  qui  ail  parlé 
de  cet  amphithéâtre  dont  il  restait  encore  quelques  traces  de 
son  temps.  Spou ,  dans  ses  Recherches  sur  les  antiquités  de 
Lyon,  le  cite  d'après  le  même  auteur,  et  SMIfîn  dit  que  l'on  voit 
encore,  dans  le  jardin  de  M.  Dusoleil  (1),  l'emplacement  qui  a 
servi  de  naumachie  et  d'amphithéâtre  :  le  terrain  est  cieusé  , 
on  y  découvre  plusieurs  vestiges  de  l'ancienne  entrée  princi- 
pale et  quelques  restes  des  voûtes  d'un  des  dégorgeoirs. 

(1)  Le  jardin  de  M.  Dusoleil  est  le  terrain  qui  appartenait  autre- 
fois aux  religieuses  de  l'abbaye  royale  de  !a  Déserte,  devenu  pépi- 
nière départementale  depuis  la  Révolution  ;  il  avait  été  transformé  on 
jardin  des  plantes  sous  le  premier  Empire  et  est  resté  ainsi  jusqu'en 
1858,  époque  où  des  travaux  de  nivellement  y  ont  été  exécutés  pour 
l'établissement  des  nouvelles  rues  qu'on  y  a  tracées. 


620      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Artaud ,  directeur  du  musée ,  et  Gay ,  architecte  de  la 
ville  ,  remarquèrent  au  commencement  de  ce  siècle  ,  sur  cet 
emplacement ,  les  restes  de  plusieurs  piliers  en  pierre  de 
choix  de  Fay  ,  que  nous  avons  vus  nous-même,  existant  en- 
core en  1820.  Artaud  nous  en  a  conservé  les  dimensions: 
ils  avaient ,  dit-il ,  6  pieds  6  pouces  en  carré ,  et  le  massif 
qui  existait  entre  eux  était  de  5  pieds  sur  toutes  ses  faces.  Ce 
savant  dit  aussi  que,  dans  son  jeune  âge ,  avant  le  siège  de 
Lyon ,  il  voyait  du  côté  de  l'ouest  quelques  arcades  de  cet 
édifice  construites  en  petites  pierres.  Elles  furent  démolies 
pendant  la  Terreur  ,  comme  étant  un  signe  de  féodalité  (1). 

Artaud  est  le  premier  qui ,  dans  un  discours  prononcé  en 
1808  et  imprimé  par  la  Société  des  amis  des  arts,  ait  signalé 
l'utilité  de  faire  quelques  fouilles  pour  retrouver  les  restes  de 
ce  monument. 

Ce  désir  fut  exaucé  sous  l'administration  préfectorale  de 
M.  deLesay  Marnésia.  M.  Rambaud,  maire  de  Lyon,  chargea 
Flachéron ,  architecte  de  la  ville,  et  Artaud,  directeur  du 
musée  ,  de  diriger  les  fouilles  projetées. 

Elles  commencèrent  du  côté  du  midi,  où  l'on  découvrit 
d'abord  un  mur  intérieur  qui  parut  à  Artaud  avoir  appartenu 
au  bassin  naumachique.  On  rencontra  ensuite,  du  côté  opposé, 
une  des  pierres  de  l'accoudoir  du  podium. 

Désirant  mettre  bien  à  profit  la  légère  somme  accordée 
pour  ses  recherches,,  Artaud  voulut  d'abord  s'assurer  des  di- 
mensions du  bassin.  Une  excavation  faite  jusqu'à  vingt  pieds 
de  profondeur,  du  côté  de  l'ouest,  fit  découvrir  un  canal  ré- 
gnant tout  autour  du  podium  (2).  et,  à  côté,  plusieurs  pierres 
qui,  travaillées  avec  soin ,  en  formaient  l'accoudoir  et  por- 

(1)  Nous  n'avons  jamais  eu  la  preuve  qu'il  y  ait  eu,  sur  cet  emplace- 
ment, des  constructions  féodales  du  moyen-âge  auxquelles  ces  piliers 
aient  pu  appartenir. 

(2)  Probablement  pour  l'écoulement  des  eaux  pluviales. 


XXIXe.    SLSSION  ,    A    LYON.  h'l\ 

laient  toutes  des  trous  carrés  placés  régulièrement  de  distance 
en  dislance  ,  indiquant  que  le  podium  était  garni  d'une  bar- 
rière en  bois,  ou  en  fer,  pour  éviter  les  dangers  auxquels  étaient 
parfois  exposés  les  spectateurs  placés  au  premier  rang  des 
amphithéâtres. 

On  découvrit  en  même  temps  une  série  de  pierres,  encore 
en  place,  dont  l'angle  intérieur  était  taillé  en  biseau  et  dont  la 
surface  horizontale  devait  recevoir  les  assises  du  podium.  Celle 
série  de  pierres  formait  exactement  la  courbe  de  l'ellipse. 

A  quelques  pas  du  canal  et  en  dehors  de  la  courbe,  on  re- 
trouva des  débris  de  murailles  qui  devaient  avoir  eu  pour  but 
de  soutenir  les  gradins,  dont  la  pente  était  indiquée  par  le 
mouvement  du  terrain  formant  alors  une  espèce  de  talus. 

Des  motifs  d'économie  ne  permettant  pas  d'étendre  plus 
loin  ces  fouilles  intéressantes,  Artaud  fut  obligé  de  se  borner 
à  ces  recherches  ;  mais,  avant  de  les  discontinuer  tout-à-fail , 
il  ne  put  résister  au  désir  de  connaître  la  largeur  de  l'arène 
dont  il  croyait  avoir  la  longueur,  espérant ,  par  là,  pouvoir 
déterminer  l'importance  de  ce  monument. 

Il  fit  alors  creuser  de  l'autre  côté,  au  nord,  et  eut  le  bonheur 
de  rencontrer  le  même  canal  qu'il  avait  trouvé  du  côté  du 
midi.  Convaincu  que  ce  canal  régnait  tout  autour  de  l'arène, 
il  calcula  la  dimension  de  l'amphithéâtre  sur  ces  données ,  et 
pensa  que  l'emplacement  total  de  ce  monument,  en  y  com- 
prenant les  gradins  et  les  portiques  ,  était  de  38i  pieds  de 
longueur  extérieure,  sur  188  pieds  de  largeur  intérieure. 
Ces  dimensions  sont  loin  d'être  considérables,  cependant 
Artaud  pensa  que  ce  bassin  pouvait  contenir  aisément  seize 
galères  pontées,  de  1h  à  30  pieds  de  long  sur  8  à  10  pieds  de 
large.  Ainsi ,  suivant  cet  antiquaire  en  admettant  que  les  ga- 
lères ennemies  ne  combattaient  successivement  que  deux  contre 
deux  ou  quatre  contre  quatre,  la  dimension  du  bassin  aurait 
été  assez  vaste  pour  donner  un  spectacle  plus  nautique. 


h.  2  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FPANCE. 

Quant  au  nombre  de  spectateurs  que  ce  savant  pense  avoir 
pu  se  réunir  dans  l'enceinte  de  l'amphithéâtre  ,  il  le  porte  à 
20,000,  par  le  calcul  suivant  : 

En  cherchant  le  côté  opposé  du  canal  naumachique ,  Ar- 
taud découvrit,  à  20  pieds  de  profondeur,  une  pierre  sur  la- 
quelle étaient  gravées  les  lettres  A  R  V ,  puis  les  lettres 
BIT.  C  ,  répétées  trois  fois  de  suite  et  séparées  chaque  fois 
par  une  ligne  verticale.  La  distance  entre  ces  différentes  lignes 
était  exactement  la  même  sur  tous  les  points.  Artaud  ,  dans 
le  premier  moment,  regarda  cette  découverte  comme  insi- 
gnifiante ;  mais,  en  l'étudiant  avec  soin,  il  ne  tarda  pas  à  en 
sentir  toute  l'importance. 

Il  comprit  que  les  trois  lettres  A  R  V  étaient  l'abréviation 
du  mot  Arvemi ,  et  que  les  quatre  lettres  BIT.  C  étaient 
également  l'abréviation  des  mots  Bituriges  Cubi.  Les  lignes 
verticales  tracées  entre  chaque  abréviation  de  ces  mots  ne 
pouvaient  donc  être  que  des  désignations  de  places  réservées 
aux  représentants  de  ces  divers  peuples 

L'inscription  qu'Artaud  expliquait  ainsi  avec  raison  devait 
naturellement  faire  partie  d'une  série  d'autres  pierres  sur  les- 
quelles les  noms  des  soixante  peuples  de  la  Gaule  étaient 
inscrits  et  disposés  de  la  même  manière. 

Mesurant  avec  soin  l'espace  réservé  entre  chaque  ligne  ver- 
ticale ,  il  trouva  qu'il  était  exactement  de  1  pied  2  pouces 
6  lignes,  c'est-à-dire  dans  la  dimension  d'un  siège  ordinaire. 
La  pierre  découverte,  portant  trois  fois  répétés  les  mots  abré- 
gés de  Bituriges  Cubi,  lui  fit  penser  qu'il  y  avait  trois  places 
réservées  pour  les  représentants  de  chacun  des  soixante 
peuples.  Or  ,  en  répétant  soixante  fois  trois  places  de  la  di- 
mension de  celles  qu'il  avait  sous  les  yeux,  il  arriva  à  un  total 
de  228  pieds,  c'est-à-dire  précisément  la  moitié  de  la  cir- 
conférence de  l'arène. 

Il   pensa  que  l'autre   moitié ,  contenant  aussi  le  même 


XXIX?.    SESSION,    A    LYON.  ^23 

nombre  de  places,  devait  cire  nécessairement  destinée  aux  au- 
torités civiles  et  militaires  de  la  ville  de  Lugdunum ,  au  pré- 
teur ,  aux  pontifes,  sénateurs,  chevaliers,  sévirs  augustaux , 
décurions ,  aux  chefs  des  principales  corporations  du  com- 
merce et  aux  étrangers  de  distinction  qui  pouvaient  être  in- 
vités h  ce  spectacle.  Les  personnages  les  plus  éminents  devaient 
avoir  une  loge  particulière  et  séparée. 

L'inscription  dont  nous  venons  de  parler,  se  trouvant  rem- 
plir la  face  extérieure  d'une  pierre  sur  laquelle  reposaient  les 
pieds  des  spectateurs  qui  occupaient  ces  places  réservées  ,  et 
chacune  de  ces  places  ayant  en  profondeur  3  pieds  5  pouces , 
cette  dimension  se  trouve  être  précisément  celle  qui  convient 
à  un  homme  assis  sans  qu'il  ait  les  jambes  gênées.  Eu  réser- 
vant le  même  espace  sur  tous  les  gradins  de  l'amphithéâtre  et 
pour  chaque  individu,  Artaud  fut  convaincu  qu'il  devait  y 
avoir  sur  le  podium  et  les  gradins,  au  nombre  de  trente-deux 
rangs  divisés  par  quatre  précinctions,  plus  de  16,000  per- 
sonnes assises.  Avec  cela,  si  on  suppose  qu'il  y  avait  pour  le 
peuple  une  plate-forme  de  même  grandeur  régnant  tout  au- 
tour de  l'atlique  ,  et  que  l'on  veuille  bien  considérer  que  les 
gradins  supérieurs  vont  toujours  en  s'élargissant ,  les  places 
du  public  devant  être  bien  sûrement  moins  larges  que  celles 
des  premières  lignes,  on  pourra  conclure  d'une  manière  cer- 
taine que  le  calcul  du  savant  antiquaire  approchait  beaucoup 
delà  réalité,  et  que  le  nombre  des  spectateurs  atteignait  très- 
probablement  le  chiffre  de  20,000  :  ce  qui,  suivant  son  opi- 
nion, rendait  l'amphithéâtre  de  Lugdunum  inférieure  celui  de 
Nîmes,  qui  a  35  rangs  de  gradins  et  contenait  23,360  per- 
sonnes. 

Une  autre  découverte  vint  confirmer  Artaud  dans  l'opinion 
que  les  places  des  gradins  supérieurs,  destinés  à  la  foule, 
n'étaient  pas  aussi  larges  que  celles  des  premiers  rangs  ré- 
servés :  c'est  qu'on  trouva  du  côté  de  l'ouest ,  au  milieu  du 


(i'2k  COiNGKEb   AULHÉOLOG1QUE    DE   FRANCE. 

petit  axe  de  l'arène  ,  une  inscription  en  caractères  des  plus 
irréguliers,  donnant  aussi  des  dimensions  de  places.  On  y 
voit  trois  lignes  verticales  qui,  avec  les  deux  extrémités  de  la 
pierre ,  forment  quatre  espaces  parfaitement  égaux.  Sur  le 
premier  est  gravée  la  lettre  N  et  le  chiffre  I  (numerus  unus  ); 
sur  le  second ,  les  lettres  D  E  S  qui  sont  l'abréviation  du 
mot  designata.  Le  troisième  renferme  le  mot  LOGA.  Enfin , 
le  quatrième  offre  la  lettre  N  accompagnée  du  chiffre  XX 
(numerus  vigenti).  Chacun  de  ces  espaces  égaux  étant  la 
représentation  ou  la  mesure  d'une  place,  qui  se  trouve  être  d'un 
pouce  six  lignes  plus  étroite  que  celles  des  premiers  rangs  dont 
il  a  été  parlé,  il  est  évident  que  les  places  étaient  plus  étroites 
dans  les  rangs  élevés  que  dans  les  premiers. 

Artaud  découvrit  aussi  quelques  (fragments  de  très-beaux 
placages  de  marbre,  de  10  à  12  centimètres  d'épaisseur  ,  sur 
lesquels  étaient  gravées  des  parties  de  grandes  lettres  capi- 
tales appartenant  à  une  inscription  qui  lui  semble  relative 
aux  sèvirs  augustaux,  La  dimension  de  ces  lettres  donne  à  ce 
monument  épigraphique  une  étendue  considérable ,  et  il  se 
pourrait  qu'il  ait  indiqué  les  places  réservées  à  ces  fonction- 
naires. Des  inscriptions  de  ce  genre  existaient  au  podium  du 
théâtre  de  Syracuse  ;  elles  étaient  relatives  aux  places  qu'y 
occupaient  les  personnages  les  plus  importants.  Cependant , 
nous  ferons  observer  que  les  fragments  trouvés  par  Artaud  , 
et  dont  l'un  a  89  centimètres  de  large,  forment,  soit  en  dé- 
tail, soit  dans  leur  ensemble,  une  ligne  exactement  droite  , 
tandis  que  toutes  les  autres  inscriptions  de  l'amphithéâtre 
offrent  une  ligne  légèrement  courbe  se  rattachant  à  la  forme 
elliptique  du  monument.  Peut-être  la  loge  réservée  à  ces 
dignitaires  était-elle  une  exception. 

Je  pourrais,  Messieurs,  me  borner  à  ce  simple  résumé  des 
principales  découvertes  d'Artaud  sur  l'amphithéâtre  de  Lug- 
dunum  ;    cependant,  il  est  une  question  importante  sur  ces 


XXIX'.    SESSION,    A   LYOK.  U25 

monuments  qu'Artaud  a  traitée  avec  soin  et  dont  je  crois 
devoir  reproduire  ici  quelques  considérations. 

Cet  amphithéâtre,  placé  à  mi-coteau,  a-t-il  pu  être  inondé, 
et  pourquoi  pendant  bien  des  siècles  lui  a-t-on  donné  le  nom 
de  maumachie  ? 

Suivant  Artaud ,  il  ne  faut  pas  confondre  l'aqueduc  que 
l'on  voyait  encore  il  y  a  peu  d'années,  presque  au  niveau  du 
Rhône ,  avec  celui  qui  était  à  mi-coteau  dans  la  môme  direc- 
tion. Si  l'antiquaire  Delorme  avait  su  distinguer  ces  deux 
lignes  de  constructions  l'une  au-dessus  de  l'autre,  et  s'il  avait 
eu  connaissance  des  restes  d'un  amphithéâtre  dans  le  jardin 
de  la  Déserte,  il  eût  réfléchi  à  la  hauteur  de  l'aqueduc  supé- 
rieur pris  à  son  origine  et  arrivé  à  son  terme.  Il  aurait  été 
convaincu  que  celui-ci  n'a  pu  être  fait  que  dans  le  temps 
du  Haut-Empire  et  très-probablement  pour  l'amphithéâtre 
même.  Il  aurait  compris ,  ainsi  que  son  ami  Boulard,  que 
l'aqueduc  inférieur,  d'une  maçonnerie  différente ,  dont  on 
aperçoit  des  restes  à  quelques  pieds  au-dessus  du  Rhône,  a 
été  entrepris  dans  des  temps  postérieurs,  pour  prendre  les 
eaux  du  fleuve  et  les  porter  dans  la  partie  basse  de  Lyon. 
On  commence  à  le  voir  interrompu  et  brisé,  formant  deux 
canaux  joints  ensemble  au-dessous  du  village  de  Neyron  ;  à 
quarante  pieds  plus  bas  ,  on  le  retrouve  ensuite  vers  le  châ- 
teau de  la  Pape,  et  enfin  au-dessous  de  la  maison  Vêpres  , 
dans  celle  de  la  Loterie  ,  près  du  quai  St. -Clair,  se  dirigeant 
dans  ce  sens  jusqu'à  la  maison  Guérin  ,  pour  aller  se  perdre 
vraisemblablement  dans  le  canal  des  Terreaux. 

L'aqueduc  supérieur,  ajoute  le  savant  fondateur  de  nos 
musées,  h  partir  de  Cordieu  et  passant  à  la  Lombardière  , 
prenait  les  eaux  salubres  et  abondantes  de  Sle. -Croix  ,  qui 
ne  diminuent  jamais  et  sont  aussi  élevées  au-dessus  du  Rhône 
que  la  colline  de  la  Croix-Rousse  l'est  au-dessus  de  Lyon. 
Après  avoir  parcouru  Grillet,   Railly  ,  St. -Barthélémy ,  St.- 


626      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Alban,.  etc.,  il  pouvait  prendre  encore  la  source  abondante 
de  Neyron  ,  le  long  des  vignes  ,  près  du  pont  de  Barry,  pour 
se  diriger  vers  iMontessuy,  côtoyer  la  gorge  dite  des  Sarra- 
zins ,  la  Boucle,  et  parvenir  à  la  rue  des  Fantasques,  tra- 
verser le  clos  Villermoz,  celui  de  l'ancien  séminaire  ,  arriver 
au  Jardin-des-Plantes  et  se  rendre  à  l'amphithéâtre. 

Ce  qui  donne  encore  plus  de  poids  à  cette  assertion,  ajoute 
le  savant  Lyonnais ,  c'est  la  remarque  que  fait  Colonia  d'un 
aqueduc  et  d'un  grand  chemin  qu'on  voyait  encore  de  son 
temps  sur  les  bords  du  Rhône,  au-dessus  de  St. -Clair, 
Ménestrier  en  parle  également  :  «  On  voit ,  dit-il ,  le  long 
«  du  Rhône,  quelques  débris  d'un  grand  chemin  qui  condui- 
«  soit  vers  le  Rhin  par  la  Bresse,  le  Bugey  et  les  Suisses; 
«  il  y  avoil  au  même  endroit  un  aqueduc  qui  venoit  aboutir 
«  vers  le  milieu  de  la  côte  que  nous  nommons  de  St.- 
«  André.  Dans  le  jardin  des  Pères  de  l'Oratoire,  du  côté  de 
«.  St. -Sébastien  ,  il  reste  une  pièce  de  cet  ancien  aqueduc 
«  dans  laquelle  ces  Pères  retirent  leurs  orangers  et  autres 
«  plantes  pendant  l'hiver.   » 

M.  Mongez-Laroche,  membre  de  l'Institut,  avait  remarqué 
dans  son  enfance  une  suite  de  cet  aqueduc;  elle  était  à  mi- 
coteau  et  arrivait  jusqu'à  la  porte  St. -Clair  ,  à  peu  près  à  la 
hauteur  du  second  étage  de  la  maison  Joannot.  Avant  que  le 
chemin  actuel  eût  été  pratiqué,  il  n'y  avait  qu'un  petit  sen- 
tier pour  aller  à  celte  conduite  d'eau,  qui  était  à  50  ou  60 
pieds  environ  au-dessus  des  basses  eaux  du  Rhône. 

Uh  nommé  Lambert,  homme  probe,  a  assuré  à  Artaud 
avoir  vu  démolir,  vers  1765  environ,  cet  aqueduc  qui  for- 
mait un  coude  vers  la  chapelle  de  St. -Clair,  c'est-à-dire  à  la 
hauteur  du  deuxième  étage  de  la  maison  Vêpres  ,  pour  se  di- 
riger vers  la  rue  des  Fantasques  et  de  là  se  jeter  dans  le  clos 
des  Bernardines  et  celui  de  l'Oratoire,  où  Artaud  en  a  re- 
trouvé lui-même  une  partie,  ainsi  que  nous  l'avons  dit.  Ce 


XXIXe.   SESSION  ,  A    LYON.  627 

dernier  lorrain  appartenait  autrefois  aux  maisonsdes  Capponi 
el  desSpini.  Là,  ce  canal-nqueduc  était  très-apparent  du  temps 
d'Artaud,  qui  put  le  suivie  depuis  la  maison  des  demoiselles 
Crcuzet ,  où  il  a  été  coupé ,  jusqu'à  l'extrémité  du  clos 
Gasati.  Accompagné  de  Flachéron  ,  architecte  de  la  ville  , 
Artaud  l'a  parcouru  à  l'intérieur  l'espace  d'environ  cent  pas; 
et  serait  allé  plus  loin  si  des  éboulements  de  terre  n'eussent 
mis  un  obstacle  à  sa  curiosité.  Ce  canal  élait  à  plein-cintre  ; 
il  avait  cinq  pieds  de  haut  et  quatre  et  demi  de  large.  On 
distinguait,  dans  les  angles  de  sa  base,  des  bourrelets  qui  re- 
posent sur  un  sol  bétonné.  Sa  direction  était  parallèle  à  la 
rue  Vieille-Monnaie,  allant  de  l'est  à  l'ouest.  Sa  construction 
était  en  moellons  de  roche;  ses  clefs  et  contre-clefs  étaient 
fermées  intérieurement  avec  des  briques  romaines.  Il  est 
étonnant  que  Delorme ,  dans  son  Traité  des  aqueducs  de 
Lyon ,  n'ait  pas  fait  mentiou  de  cette  portion  considérable  de 
canal  dont  il  n'a  sans  doute  pas  connu  l'existence. 

Plus  tard,  Artaud  ayant  recours  à  l'obligeance  de  notre 
honorable  confrère  de  l'Académie ,  M.  Chenavard ,  visita  de 
nouveau  avec  lui  ce  canal -aqueduc ,  et  ces  deux  antiquaires 
habiles  s'assurèrent  par  le  moyen  d'un  niveau  que  la  pente  de 
ce  conduit  était  de  1  pouce  sur  30  pieds  d'étendue,  et  qu'il 
se  dirigeait  sur  le  Jardin-des-Plantes,  c'est-à-dire  de  l'est  à 
l'ouest. 

En  prolongeant  la  ligne  de  cet  aqueduc,  elle  aboutit  pré- 
cisément à  l'extrémité  est  de  l'amphithéâtre,  à  30  pieds  au- 
dessus  du  sol,  tandis  que  le  véritable  dégorgeoir ,  placé  du 
côté  du  midi,  au  fond  du  même  bassin,  s'échappait  par  un 
canal  qu'Artaud  a  vu  démolir  par  les  entrepreneurs  qui  ont 
travaillé  à  la  réparation  de  l'aile  gauche  de  la  façade  du 
Jardin-des-Plantes,  lois  de  l'établissement  de  son  entrée  par 
la  place  Sathonay.  (le  conduit ,  traversant  l'emplacement  où 
est  aujourd'hui  la  maison  Girodon  ,  prenait  sa  direction  vers 


U2S  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

la  rue  des  Auges  pour  aller  sans  doute  se  jeter  dans  le  canal 
des  Terreaux,  du  côté  de  la  rue  du  Baissard. 

La  fouille  qui  fut  faite  au  mois  de  mars  1820  fit  connaître 
à  Artaud  la  profondeur  du  bassin  naumachique ,  qui  est , 
dit-il ,  de  18  à  20  pieds.  Il  put  constater  que  son  sol  a  été 
carrelé  avec  un  double  rang  de  briques  cimentées  par-dessus. 

Cette  observation  vient  à  l'appui  de  toutes  les  autres  re- 
marques de  ce  savant  au  sujet  de  l'aqueduc  qui  y  amenait 
les  eaux  ;  et,  de  tout  ce  que  nous  dit  l'éminent  archéologue, 
nous  pouvons  conclure  que  l'amphithéâtre  de  Lugdunum  avait, 
ainsi  que  beaucoup  d'autres  monuments  de  ce  genre ,  la  faculté 
d'être  inondé,  et  que  des  fêles  nautiques  ont  dû  y  avoir  lieu. 

Les  recherches  d'Artaud  ont  un  grand  intérêt  :  elles  nous 
ont  donné  à  peu  près  la  dimension  totale  de  l'édifice  et  de 
l'arène  ;  elles  ont  servi  à  indiquer ,  au  moins  approximati- 
vement ,  la  quantité  de  spectateurs  qu'il  pouvait  contenir. 
Nous  avons  su,  par  celte  étude ,  que  les  députés  et  repré- 
sentants des  soixante  nations  des  Gaules  y  avaient  des  places 
réservées ,  et  les  observations  persévérantes  de  ce  savant 
pendant  bien  des  années  ont  résolu  affirmativement  une 
question  importante,  qui  était  de  savoir  si  l'amphithéâtre  de 
Lugdunum  pouvait,  dans  certaines  occasions,  être  trans- 
formé eu  naumachie. 

Lorsque,  bien  des  années  après  Artaud,  nous  avons  voulu, 
à  notre  tour,  profiter  des  travaux  faits  sur  ce  même  empla- 
cement ,  nous  avions  à  lutter  contre  des  difficultés  bien  plus 
nombreuses  et  plus  grandes  que  celles  qu'il  avait  rencontrées. 
Les  terrains -qui  avoisinent  le  Jardin-des-Plantes  avaient  été 
transformés;  de  nouveaux  quartiers  y  avaient  été  bâtis.  Le 
jardin  de  l'Oratoire  ,  celui  des  Bernardines ,  les  clos  Vil- 
lermoz  ,  Casati ,  Bodin,  n'existaient  plus  que  dans  les  sou- 
venirs. Nous  avions  assisté  dans  notre  jeunesse  aux  fouilles 
d'Artaud,  et  en  comparant  l'état  actuel  des  environs  avec 


XXIXe.    SESSION  ,    A    LYON.  U29 

ce  qu'il  était  de  son  temps ,  nous  avons  senti  qu'aucune  re- 
cherche n'était  possible  en  dehors  du  Jardin-des-  Plantes  pour 
retrouver  les  canaux-aqueducs  dont  il  nous  a  laissé  la  de- 
scription. 

C'est  donc  du  monument  lui-môme  que  nous  avons  dû 
seulement  nous  occuper.  Mais ,  pour  en  tirer  quelques  ren- 
seignements à  ajouter  à  ceux  du  savant  antiquaire,  il  nous  a 
fallu  épier  à  chaque  instant  la  moindre  excavation  faite  sur 
ce  point.  Aucune  fouille  n'a  eu  lieu  dans  un  but  archéolo- 
gique, et  lorsque  l'établissement  de  la  nouvelle  rue  du  Com- 
merce avait  occasionné  quelque  tranchée  et  que  nous  avions 
pu  prendre  une  note,  la  cessation  des  travaux  nous  empêchait 
de  poursuivre  notre  travail  ;  tantôt  nous  aurions  désiré  voir 
creuser  à  une  plus  grande  profondeur,  tantôt  dans  une  autre 
direction  que  celle  que  suivait  la  voirie ,  afin  d'avoir  la  so- 
lution d'une  question  importante.  Souvent  les  travaux  in- 
terrompus reprenaient  au  cœur  de  l'hiver,  dans  le  moment 
le  plus  défavorable  pour  étudier,  et  plus  d'une  fois  nous 
avons  dû  remettre  à  un  temps  indéfini  pour  connaître  certains 
détails  de  direction  qu'il  nous  importait  de  savoir  de  suite. 

Les  notes  que  nous  avons  prises,  les  mesures  que  nous 
avons  relevées  et  dans  lesquelles  notre  honorable  confrère  , 
M.  Chenavard ,  nous  a  si  savamment  aidé,  sont  le  résultat 
de  cinq  ans  de  persévérants  efforts. 

Les  travaux  d'abaissement  du  sol  du  Jardin-des-Plantes 
commencèrent  en  décembre  1857,  et  au  mois  de  janvier 
1858  ,  onze  piliers  des  fondations  de  l'amphithéâtre  parurent 
à  découvert.  Ces  piliers ,  disposés  en  ellipse ,  étaient  du  côté 
du  midi,  à  l'extrémité  est  du  monument.  Ils  étaient  formés  de 
moellons  de  roche  et  avaient  tous  de  1  mètre  à  1  mètre  60  de 
largeur  en  carré.  Quelques-uns  reposaient  sur  un  socle  en 
maçonnerie  du  même  genre.  Cette  découverte  précieuse  nous 


^l30  CONGRÈS   ARCIlÊOLOCiOLK    DE    FRANCE. 

donna  la  courbe  de  l'ellipse.  Le  plan  en  fut  relevé  par  nous  très- 
exactement,  et  c'est  ici  que  le  haut  talent  de  notre  confrère , 
Rt.  Chenavard,  nous  fut  bien  utile.  A  2  mètres  50  en  arrière 
et  du  côté  du  midi ,  on  mit  à  découvert  une  muraille  de 
2  mètres  50  d'épaisseur,  suivant  parallèlement  la  courbe 
de  l'ellipse  donnée  par  les  piliers.  En  arrière  de  cette  mu- 
raille ,  toujours  au  midi ,  une  seconde  fut  découverte  à  la 
distance  de  2  mètres  75;  celle  seconde  muraille,  de  3  mèlres 
d'épaisseur  et  suivant  toujours  la  forme  de  l'ellipse,  était 
reliée  à  la  première  par  des  murs  formant  avec  elle  un  angle 
droit.  Chaque  mur  de  liaison  avait  75  centimètres  d'épaisseur 
et  élait  distant  de  l'antre  de  3  mètres  ;  ce  qui  formait 
autant  d'espaces  vides  ou  cellules.  Le  sol  des  chambrettes, 
n'ayant  entr'elîes  aucune  communication  ,  était  en  partie 
formé  d'un  massif  de  maçonnerie  établi  après  coup  et 
qui ,  ayant  1  mètre  de  hauteur  et  1  mètre  hO  d'épaisseur, 
venait  appuyer  la  base  de  la  première  muraille.  Ce  travail 
énorme,  dont  l'ensemble  avait  une  épaisseur  de  8  mètres  25, 
avait  été  fait  pour  retenir  la  masse  des  gradins  élevés  sur  un 
sol  d'une  pente  rapide. 

Plus  bas ,  toujours  au  midi ,  nous  retrouvâmes  des  restes 
de  murailles  considérables  démolies  autrefois  et  qui  avaient 
dû  soutenir  une  immense  terrasse,  sur  laquelle  débouchaient 
les  vomitoires  de  l'amphithéâtre.  De  celte  tenasse,  la  vue 
s'étendait  non-seulement  sur  la  ville  basse  et  les  îles  du 
confluent  de  la  plaine  du  Rhône,  mais  encore  embrassait 
dans  son  ensemble  le  cours  de  nos  deux  fleuves,  ainsi  que  la 
ville  romaine  couvrant  tout  le  versant  oriental  de  la  colline 
de  Founières. 

Ce  magnifique  coup-d'œil  existait  encore  il  y  a  quelques 
années,  avant  l'abaissement  du  sol  du  Jardin-des-Plantes, 
et  la  construction  des  maisons  qui  se  sont  élevées  tout  autour 
sur  la  pente  de  ce  coteau. 


XXIXe.    SESSION,   A   LYON.  631 

Artaud  avait  eu  l'immense  avantage  de  diriger  à  son  gré 
les  fouilles  de  1820;  mais,  ne  pouvant  les  prolonger  suivant 
son  désir ,  il  n'avait  pu  les  étendre  de  ce  côté  qui  avait 
par  conséquent  entièrement  échappé  à  ses  investigations. 

Les  travaux,  interrompus  au  mois  d'avril  1858,  ayant  été 
repris  au  mois  de  septembre  de  la  même  année,  la  con- 
tinuation des  murs  de  soutènement  de  la  terrasse  fut 
retrouvée  plus  à  l'ouest  et  parallèlement  aux  grands  murs 
d'enceinte  de  l'amphithéâtre.  Nous  pûmes  alors,  de  ce  point, 
mesurer  la  masse  des  travaux  exécutés  pour  le  soutien  dos 
terres  en  dehors  du  monument.  Nous  trouvâmes  qu'ils 
avaient,  à  eux  seuls,  un  ensemble  de  22  mètres.  Il  est  plus 
que  probable  que  d'autres  murailles,  en  arrière  de  cette 
dernière,  avaient  dû  exister  en  bas  du  talus. 

Ces  dimensions  extraordinaires  de  murailles  en  dehors 
de  l'amphithéâtre  ont  été  exposées  aux  yeux  de  toute  la  ville  : 
nous  n'avons  donc  pas  h  craindre  d'être  taxé  d'exagération. 
Non-seulement  nous  les  avons  mesurées  nous -même,  mais 
notre  collègue,  M.  Chenavard  ,  assisté  de  MM.  Roux  et 
Christot,  ses  habiles  élèves,  l'a  fait  conjointement  avec  nous. 

Artaud,  ainsi  que  nous  l'avons  dit ,  n'ayant  pu  poursuivre 
ses  investigations  comme  il  le  désirait ,  ne  s'était  rendu 
compte  qu'imparfaitement  de  l'étendue  de  l'édifice.  Il  n'avait 
pas  eu  sous  les  yeux  en  même  temps  la  limite  de  l'enceinte 
extérieure  et  celle  de  l'arène  intérieure.  La  tranchée,  ou- 
verte pour  l'établissement  du  chemin  de  fer  de  la  Croix- 
Rousse,  nous  a  révélé  cette  dernière  sur  deux  points,  en  nous 
faisant  découvrir  une  ligne  de  pierres  de  la  base  du  podium 
encore  sur  leur  lit  de  pose,  et  plus  loin  la  continuation  de  la 
même  ligne.  La  figure  elliptique  que  ces  deux  points  de  re- 
père nous  présentaient  étant  la  même,  et  parfaitement  paral- 
lèle à  celle  donnée  par  les  murs  de  soutènement  des  arcades 
dont  nous  avons  parlé  en  commençant ,  nous  pûmes  alors 


432      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

être  sûr  d'avoir  la  distance  du  mur  d'enceinte  a  l'arène  et 
déterminer,  d'une  manière  précise,  les  dimensions  de  l'édifice. 

Ces  dimensions  diffèrent  de  celles  d'Artaud  sur  quelques 
points.  L'arène,  suivant  nos  mesures,  devait  avoir  64  mètres 
de  long  sur  41  de  large,  et  l'ensemble  du  monument  devait 
couvrir  un  espace  de  140  mètres  en  longueur  ,  et  de  117m. 
en  largeur. 

Ainsi,  si  nos  mesures  sont  exactes ,  cet  édifice  l'emportait 
par  sa  grandeur  sur  l'amphithéâtre  de  Nîmes ,  qui  a  dans 
sou  ensemble  133  mètres  38  centimètres  de  long  sur  101 
mètres  40  centimètres  de  large. 

Le  Colysée  de  Rome,  le  plus  grand  de  tous ,  a  extérieure- 
ment 188  mètres  50  centimètres  de  long  sur  155  mètres 
50  centimètres  de  large.  Son  arène  est  longue  de  86  mètres 
40  centimètres  sur  une  largeur  de  53  mètres  50  centi- 
mètres (1). 

Il  est  à  remarquer  que  les  mesures  prises  par  Artaud  va- 
rient et  que,  sur  les  quatre  manuscrits  laissés  par  ce  savant  , 
il  y  en  a  trois  dans  lesquels  l'arène  est  donnée  avec  des  di- 
mensions différentes.  Déplus,  le  plan  annexé  à  ses  manuscrits 
est  dans  des  proportions  toul-à-fait  étrangères  aux  mesures 
établies  dans  son  écrit. 

Les  travaux,  interrompus  pendant  l'hiver,  furent  repris  au 
mois  d'avril  1 859  pour  le  chemin  de  fer  de  la  Croix-Rousse  , 
et  mirent  à  découvert  des  substructions  au  midi  et  en  dehors 
de  l'enceinte  de  l'amphithéâtre.  Elles  furent  démolies  aussitôt. 
Nous  pûmes  cependant  prendre  des  notes,  en  lever  le  plan  et 
constater  que,  bâties  en  moellons  de  roche,  elles  avaient  des 
liaisons  de  deux  rangs  de  grandes  briques  superposées. 

(1)  Ces  différentes  mesures  de  l'amphithéâtre  de  Nîmes  et  du  Colysée 
de  Rome  sont  données  ainsi  par  L.  Bâtissier  ,  Histoire  de  l'art  monu- 
mental clans  l' antiquité  et  au  moyen-âge. 


XXIXe.    SESSION    A    TAON.  633 

Les  magnifiques  travaux  exécutés  en  dehors  de  l'amphi- 
théâtre pour  appuyer  les  terrains  n'existaient  point  tout  au- 
tour de  cet  édifice  ,  dont  la  partie  nord  était  formée  par  la 
montagne  elle- même.  On  a  plusieurs  exemples  d'amphithéâtres 
et  même  de  théâtres  construits  ainsi.  A  mesure  que  les  ma- 
çonneries venaient  se  relier  au  talus  de  la  montagne  ,  les  ter- 
rains en  pente  étaient  solidifiés  par  toute  sorte  de  moyens 
ingénieux  :  tantôt  une  masse  d'amphores  serrées  les  unes 
contre  les  autres  avaient  consolidé  cette  terre  sablonneuse  ; 
tantôt  un  faisceau  de  pilotis  avait  été  un  obstacle  suffisant 
pour  empêcher  les  éboulements.  Parmi  la  masse  d'amphores, 
huit  ou  dix  seulement  ont  été  retirées  entières  et  apportées 
au  musée. 

Sur  d'autres  points,  où  il  fallait  se  défendre  de  l'humidité 
causée  par  des  infiltrations  d'eaux  de  source  qui  descendent 
du  coteau  de  la  Croix-Rousse,  nous  avons  trouvé  des  masses 
de  maçonnerie  reposant  sur  une  rangée  de  moellons  de  roche, 
espacés  les  uns  des  autres  de  quelques  centimètres  et  posés 
de  champ  sur  un  rudus  novum  d'un  mètre  d'épaisseur,  sou- 
tenu par  une  masse  de  pilotis  dont  la  place  était  restée  vide, 
et  qui  avaient  été  enlevés  plus  tard  lors  de  la  destruction  de 
cet  édifice. 

Ces  différentes  murailles  de  soutènement  des  gradins  étaient 
formées,  comme  les  autres,  de  moellons  de  roche  granitique 
avec  des  liaisons  de  grosses  briques  sur  deux  rangs ,  formant 
ainsi  de  longues  lignes  de  couleur  espacées  de  50  centimètres 
environ.  Il  est  à  remarquer  que  les  murailles  d'enceinte  n'ont 
pas  de  liaisons  de  briques.  Sous  une  de  ces  murailles  était 
une  voûte  de  support,  formée  de  moellons  et  comblée  de  ma- 
çonnerie; elle  avait  3  mètres  de  haut  sur  1  mètre  45  centimè- 
tres de  large.  La  muraille  était  paremenlée  du  côté  du  midi 
et  de  l'ouest,  c'est-à-dire  extérieurement  et  intérieurement. 

Au  17  mars  1860,  on  trouva  dans  la  partie  est  de  l'am- 

23 


ft3/l  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE, 

phithéâtrc  une  grande  quantité  de  pierres  de  taille  qui  avaient 
dû  faire  pactie  des  gradins ,  et  deux  murailles  de  fondation 
reposant  sur  le  roc  lui-même,  se  dirigeant  toutes  deux  paral- 
lèlement du  sud  au  nord-ouest,  c'est-à-dire  allant  du  mur 
d'enceinte  au  centre  du  monument.  Ces  murailles,  faites 
avec  les  mêmes  matériaux  ,  avaient  aussi  des  liaisons  de 
briques  disposées  de  la  même  manière  que  celles  dont 
nous  avons  parlé,  mais  éloignées  les  unes  des  autres  de 
80  centimètres.  Ainsi,  la  distance  existant  entre  les  liaisons 
de  briques  des  murailles  de  cet  édifice  variait  de  50  centi- 
mètres à  80,  et  lesdites  liaisons  étaient  quelquefois  de  quatre 
rangs  de  briques  au  lieu  de  deux. 

A  5  mètres  au-dessous  de  la  maison  Bouchardy ,  côté  est , 
nous  retrouvâmes  une  ligne  de  dalles  de  30  centimètres 
d'épaisseur,  indiquant  l'ancien  niveau  des  vomitoires  de  l'am- 
phithéâtre. C'était  là  une  des  entrées  principales. 

Au  26  avril  1860,  nous  découvrîmes,  dans  la  tranchée  du 
chemin  de  fer  de  la  Croix-Rousse,  un  escalier  de  sept 
marches  en  belles  pierres  de  choin  de  Fay  :  chaque  marche 
avait  Uh  centimètres  de  foulée  et  33  centimètres  de  hauteur. 
La  largeur  de  l'escalier  était  de  1  mètre  50 ,  fermé  de  chaque 
côté  par  un  mur  de  60  centimètres  d'épaisseur.  A  côté  de 
cet  escalier,  nous  trouvâmes  un  bloc  de  choin  de  Fay  brisé , 
sur  lequel  étaient  gravées  dans  de  grandes  dimensions  les 
lettres  M  A  et  au-dessous,  en  caractères  de  la  plus  grande  né 
gligence,  le  mot  Saturnali.  Tout  près  de  là,  nous  retrouvâmes 
une  pierre  qui  avait  dû  se  relier  avec  celle  découverte  par 
Artaud.  On  y  lit  les  mêmes  abréviations  des  mots  Biiuriges 
Cubi,  et  on  y  voit  les  mêmes  lignes  verticales  désignant  les 
places  réservées. 

Celte  découverte  importante  vient  déranger  en  partie  le 
calcul  d'Artaud,  qui  pensait  que  chacun  des  soixante  peuples 
de  la  Gaule  avait  trois  places  réservées  pour  ses  députés;  le 


XXJX'.    SESSION    A    LYON.  435 

nombre  trois  étant  un  nombre  consacré.  La  pierre  que  nous 
avions  sous  les  yeux  portant  trois  fois  le  nom  de  ce  peuple, 
ainsi  que  celle  découverte  par  Artaud  ,  atteste  qu'il  y  avait 
au  moins  six  places  pour  les  Bituriges  Cubi ,  et  probable- 
ment autant  pour  cbacune  des  soixante  nations  (1). 

Il  est  à  remarquer  que  les  deux  fragments  dont  nous 
venons  de  parler,  ainsi  que  les  six  dernières  marches  de 
l'escalier ,  étaient  enterrés  dans  un  sable  solidifié  par  les 
infiltrations  d'eaux  calcaires  et  devenu  ce  que  l'on  appelle 
de  la  molasse. 

A  16  mètres  plus  au  midi,  nous  retrouvâmes  un  escalier 
en  tous  points  pareil  au  premier.  Tous  deux  se  dirigeaient 
de  la  circonférence  au  centre  de  l'édifice. 

Ces  deux  escaliers  étaient  supportés  par  une  galerie  voûtée, 
ayant  la  forme  de  l'ellipse  et  que  nous  avons  pu  parcourir 
avec  M.  Chenavard,  accompagné  de  MM.  Roux  et  Christot, 
ses  élèves,  pendant  l'espace  de  25  mètres;  un  éboulement 
considérable,  formé  lors  de  la  construction  de  la  maison  Bou- 
chardy,  nous  a  empêchés  d'aller  plus  avant.  Il  est  évident 
que  cette  maison  est  établie  sur  une  partie  des  gradins  de 
l'amphithéâtre. 

INous  avons  remarqué  que,  sous  les  dalles  qui  formaient  le 
pave  des  vomitoires ,  il  existait  deux  canaux  allant  du  nord- 
ouest  au  sud-est.  Leur  hauteur  est  de  1  mètre  et  leur  lar- 
geur de  50  centimètres;  leur  niveau  diffère  d'un  demi-mètre, 
lis  se  trouvent  placés  entre  deux  murailles  solides,  dont  nous 
avons  parlé  et  qui  suivent  exactement  la  même  direction. 
Toutefois  ces  canaux  ne  sont  point  appuyés  auxdites  mu- 
railles, mais  en  sont  éloignés  de  plus  de  2  mètres;  celui  qui 

(1)  Les  Gaulois  regardaient  le  nombre  six  comme  le  plus  sacré. 
Pline,  lib.  XVI,  c.  xliv,  et  Religion  des  Gaulois,  I.  I,  p.  lit,  Le 
mois  consacré  à  Auguste  éluil  le  sixième  (scxlilis). 


Zl3G  CONÇUES   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

est  placé  plus  haut  que  l'autre  est  précisément  !e  même 
qu'a  découvert  Artaud.  Ils  ont  dû  servir  à  faire  écouler  une 
partie  des  eaux  ,  lorsqu'après  un  combat  naval ,  l'arène  de 
nouveau  desséchée  servait  à  un  spectacle  d'un  autre  genre.  Il 
est  à  remarquer  que  leur  direction  oblique  diminuait  de  beau- 
coup la  pente  trop  brusque  qu'ils  auraient  eue  ,  s'ils  fussent 
descendus  dans  une  autre  direction  perpendiculaire  à  celle 
du  canal-aqueduc  qui  amenait  les  eaux.  Il  nous  a  semblé 
que  cette  direction  oblique  les  conduisait  aux  thermes,  dont  on 
a  reconnu  l'existence  sur  le  côté  oriental  de  la  place  Sathonay. 
Quant  au  canal  descendant  directement  du  côté  des  Terreaux 
trouvé  par  Artaud,  et  dont  nous  avons  vu  nous-même  des  restes 
importants,  il  ne  servait  absolument  qu'à  faire  écouler  la  masse 
des  eaux  trop  considérable  pour  être  reçue  dans  les  thermes. 

Dans  la  tranchée  du  chemin  de  fer  de  la  Croix-Rousse , 
nous  avons  retrouvé  un  certain  nombre  de  fragments  prove- 
nant de  l'accoudoir  du  podium ,  tels  que  ceux  découverts  par 
Artaud  en  1820. 

Les  3  et  4  juin  1860,  une  découverte  des  plus  importantes 
a  eu  lieu  dans  cette  tranchée  du  chemin  de  fer  de  la  Croix- 
Rousse  :  une  ligne  de  pierres  de  la  base  du  podium  a  été 
retrouvée  encore  sur  son  lit  de  pose.  Nous  avons  pu  la  suivre 
sur  une  étendue  de  15  mètres:  elle  donnait  aussi  la  courbe 
de  l'ellipse ,  mais  dans  la  partie  la  moins  prononcée ,  c'est-à- 
dire  dans  le  milieu  de  l'ovale  pris  dans  son  plus  petit  axe. 
Elle  reposait  sur  un  sol  très-ferme ,  devenu  presque  de  la 
pierre  par  l'infiltration  des  eaux  calcaires  qui  viennent  de  la 
Croix-Rousse.  Cette  ligne  de  pierres  était  en  avant  et  à  3 
mètres  80  centimètres  en  contre-bas  de  la  partie  supérieure 
et  intérieure  de  la  galerie  voûtée,  qui  supportait  les  escaliers 
dont  nous  avons  parlé.  Son  angle  intérieur  était  taillé  en 
biseau,  ainsi  que  le  dit  Artaud  dans  son  mémoire.  Sa  hauteur 
était  de  58  centimètres  dans  sa  plus  grande  élévation  ?  et  du 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  637 

côté  du  biseau,  seulement  de  60  centimètres.  Sa  base  était 
de  68  centimètres ,  et  sa  surface  supérieure  horizontale 
de  37  centimètres.  Sur  cette  surface,  s'élevait  la  partie 
antérieure  du  mur  du  podium.  Sur  l'angle  de  cette  base  , 
taillée  en  biseau,  étaient  pratiqués  des  trous  carrés,  tous 
placés  régulièrement  à  la  distance  de  1  mètre. 

En  avant  de  cette  base ,  existait  encore  une  partie  du 
carrelage  de  l'arène ,  composé  de  deux  rangs  de  briques  bien 
liées  et  recouvertes  de  ciment,  ainsi  qu'Artaud  l'avait  vu  sur 
un  autre  point.  Aucune  fouille  n'ayant  été  faite  à  une 
profondeur  suffisante  sur  le  milieu  de  l'arène  ,  nous  n'avons 
pu  suivre  ce  carrelage  plus  loin.  La  confirmation  de  cette 
découverte  d'Artaud  ,  jointe  à  celle  de  l'aqueduc  amenant 
les  eaux  h  l'amphithéâtre,  ainsi  qu'à  celle  des  conduits  servant 
à  les  faire  écouler,  est  plus  que  suffisante  pour  que  nous 
puissions  affirmer  que  l'amphithéâtre  de  Lugdunum  servait 
de  naumachie  dans  certaines  occasions. 

Une  autre  trace  des  pierres  de  la  base  du  podium  ,  et  se 
reliant  parfaitement  avec  celles  trouvées  sur  leur  lit  de  pose  , 
ayant  été  rencontrée  à  6  mètres  50  centimètres  en  contre-bas 
de  la  maison  Bouchardy  ,  à  l'extrémité  du  grand  axe  de 
l'arène  où  la  courbe  est  le  plus  sentie,  est  venue  nous  donner 
heureusement  la  longueur  de  cette  dernière  que  nous 
cherchions  depuis  cinq  ans.  Ayant  d'une  manière  sûre 
l'extrémité  du  petit  axe  et  l'extrémité  du  grand ,  nous  avons 
obtenu  ainsi  le  quart  de  l'ovale  avec  la  plus  grande  exactitude. 
Le  reste  n'étant  plus  qu'une  opération  de  géométrie,  nous 
avons  pu  déterminer  que  la  longueur  du  grand  axe  de  l'arène 
était  de  64  mètres,  et  celle  du  petit  axe  de  61  mètres. 
En  ajoutant  à  ces  mesures  les  38  mètres  de  maçonnerie 
et  de  gradins  qui  régnaient  tout  autour,  nous  avons  eu  une 
longueur  totale  de  160  mètres  et  une  largeur  de  117  mètres, 
ainsi  que  le  marque  notre  plan.  Ne  doivent  pas  être  compris 


438      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE» 

dans  ces  mesures ,  les  22  mètres  de  maçonnerie  extérieure 
et  tous  les  travaux  ajoutés  au-dehors  pour  former  et  soutenir 
les  terrasses  établies  du  côté  du  midi  jusqu'au  pied  du  talus, 
que  nous  n'avons  pu  mesurer,  et  sur  lesquelles  débouchaient 
les  vomitoires  de  l'amphithéâtre. 

Ce  résumé  rapide  des  travaux  d'Artaud  et  des  nôtres, 
sur  l'amphithéâtre  de  Lugdunum  ,  nous  paraît  suffisant  pour 
donner  au  Congrès  une  idée  de  l'importance  de  ce  mo- 
nument, sur  lequel  nous  publierons  plus  tard  un  travail 
complet  et  par  conséquent  plus  considérable. 

Mais,  avant  de  terminer  cette  lecture  déjà  peut-être  trop 
longue,  veuillez,  Messieurs,  nous  permettre  de  vous  pré- 
senter quelques  considérations  qui  se  rattachent  à  l'époque 
de  la  construction  de  notre  amphithéâtre,  et  aux  édiGces 
existant  alors  dans  son  voisinage.  Nous  nous  efforcerons  d'être 
bref  et  de  ne  pas  abuser  trop  long-temps  de  la  bienveillance 
de  ceux  qui  nous  font  l'honneur  de  nous  écouler. 

Il  est  bien  regrettable  qu'Artaud  et  Comarmond ,  nos 
honorables  prédécesseurs,  lors  de  la  découverte  d'une  in- 
scription ou  d'un  autre  reste  antique,  aient  presque  toujours 
omis  de  noter  exactement  l'état  dans  lequel  était  l'objet  re- 
trouvé. Dans  leurs  catalogues,  très-rarement  ils  disent  si  ces 
monuments  étaient  couchés  ou  debout,  s'ils  étaient  employés 
parmi  les  matériaux  ,  s'ils  étaient  isolés  de  toute  maçonnerie , 
et  enfin  s'ils  étaient  sur  leur  lit  de  pose.  L'absence  presque 
totale  de  ces  documents,  de  la  plus  haute  importance,  nous  a 
empêché  jusqu'ici  de  fixer,  d'une  manière  certaine,  la  véri- 
table place  qu'occupaient  dans  l'antiquité  des  édifices  bien 
connus  dans  l'histoire. 

Cette  omission  malheureuse  a  laissé  les  archéologues  dans 
l'incertitude  sur  le  point  du  confluent  où  était  élevé  l'autel 
dédié  à  Rome  et  à  Auguste.  Jusqu'à  présent,  l'opinion  géné- 
rale l'avait  sans  hésiter  placé  à  Ainay ,  probablement  à  cause 


XXIX*.    SESSION    A    LYON.  639 

de  la  multitude  de  magnifiques  mosaïques  découvertes  dans 
ce  quartier,  ei  qui  annonçaient  que  des  édifices  somptueux  y 
avaient  été  élevés.  Les  deux  colonnes  antiques  coupées  pour 
former  les  quatre  piliers  soutenant  la  coupole  d'Ainay  sem- 
blaient aussi  avoir  été  celles  qui,  sur  nos  médailles,  flanquent 
le  grand-autel  d'Auguste. 

M.  Auguste  Bernard  fut  le  premier  qui ,  s'étonnant  de  ce 
que  tous  les  plus  gros  llocs  antiques,  sur  lesquels  sont  gra- 
vées des  inscriptions  honorifiques  en  l'honneur  des  prêtres 
de  Rome  et  d'Auguste,  eussent  été  découverts  près  de  la 
place  des  Terreaux  ,  pensa  que  le  temple  d'Auguste  avait  dû 
se  trouver  sur  l'emplacement  des  églises  St.-Pierre  et  St.- 
Nizier. 

Cette  idée,  émise  pour  la  première  fois  dans  un  mémoire 
qu'il  publia  il  y  a  quinze  ans,  rencontra  une  vive  oppo- 
sition de  la  part  des  archéologues  Lyonnais.  Nous  fûmes 
chargé  alors  de  combattre  la  pensée  de  l'honorable  savant,  et 
notre  travail  fut  mentionné  par  l'Institut  (1). 

Certainement ,  si  nos  prédécesseurs  avaient  eu  soin  de 
constater  l'état  dans  lequel  étaient  ces  blocs  lors  de  leur  dé- 
couverte, nous  saurions  s'ils  avaient  été  établis  sur  ce  pointa 
l'époque  romaine  ou  s'ils  y  avaient  été  apportés  plus  tard, 
comme  tant  d'autres,  pour  être  employés  à  des  constructions  : 
la  vérité  nous  serait  exactement  connue. 

Cependant,  une  découverte  que  nous  avons  faite  nous- 
même  en  1859  ,  tout-à-fait  à  côté  de  la  place  des  Terreaux, 
et  sous  l'hôtel  du  Parc ,  semble  devoir  éclairer  la  question. 
C'est  ainsi,  du  reste,  que  l'a  jugé  un  savant  archéologue,  dont 

(1)  Noire  mémoire  démontrait  surtout  que  les  îles  du  confluent, 
conti adictoirement  à  l'opinion  de  l'honorable  archéologue,  étaient  au 
contraire,  à  l'époque  romaine,  entièrement  couvertes  de  monuments  et 
de  riches  habitations,  à  l'exception  seulement  de  l'île  où  se  trouvent 
actuellement  les  églises  de  St.-Pierre  et  St. -Nizier. 


WO      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

le  nom  seul  est  une  autorité.  M,  Léon  Renier ,  s'appuyanl 
d'une  inscription  existant  au  XVIe.  siècle  dans  les  murailles 
de  l'église  St. -Pierre,  a  vu  dans  notre  découverte  des  restes 
d'un  hémicycle  sur  les  parois  duquel  est  gravée  une  inscrip- 
tion en  l'honneur  de  Julia  Salica,  épouse  d'Eppius  Bellicus, 
et  dédiée  par  les  trois  provinces  de  la  Gaule  ,  une  probabilité 
qu'Eppius  était  un  prêtre  de  Rome  et  d'Auguste.  Il  a  pensé 
aussi  que  l'autel  trouvé  à  quelques  pas,  plus  au  midi,  et  dé- 
dié nwninibus  Augustorum  par  Tiberius  Claudius  Genialis, 
devait  naturellement  se  trouver  dans  les  environs  du  lieu 
spécialement  consacré  à  ce  culte.  Or  ,  nous  avons  eu  soin  de 
constater  que  les  restes  de  l'hémicycle  et  la  base  dudit  autel 
étaient  encore  sur  leur  lit  de  pose. 

Nous  sommes  parfaitement  d'avis  que  l'opinion  de  l'émi- 
nent  épigraphiste  doit  être  adoptée ,  quoique  plusieurs  autels 
de  ce  genre  aient  été  découverts  sur  différents  points  de  la 
ville  de  Lyon,  parce  que  depuis  la  destruction  des  monuments 
romains,  leurs  matériaux  ont  été  enlevés  à  toutes  les  époques 
pour  être  employés  dans  la  construction  de  nos  édifices  civils 
et  religieux.  Aussi  ce  n'est  que  sur  la  découverte  de  monu- 
ments épigraphiques,  encore  sur  leur  lit  de  pose,  que  nous 
pouvons  établir  une  preuve  certaine  de  la  place  qu'ils  ont 
occupée  dans  l'antiquité. 

Mais  ce  qui  surtout  pourrait  être  invoqué  en  faveur  de 
l'opinion  que  le  temple  d'Auguste  n'était  pas  à  Ainay,  c'est  la 
découverte  de  l'amphithéâtre  dont  nous  avons  parlé. 

Il  paraîtrait,  en  effet,  que  ce  monument  a  dû  se  relier 
à  l'autel  des  Césars.  N'est-il  pas  naturel  de  croire  que  les 
fêtes  et  les  jeux  célébrés  en  l'honneur  du  culte  de  Rome 
et  d'Auguste  ont  dû  se  donner  dans  cet  amphithéâtre ,  où 
les  députés  des  soixante  nations  avaient  des  places  réservées 
au  premier  rang,  et  que  par  conséquent  il  devait  être  annexé 
au  temple  des  Césars,  plutôt  que  de  penser,  avec  M.  Auguste 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  4M 

Bernard,  que  cel  autel  célèbre  a  été  élevé  dans  une  île  du 
confluent ,  la  plus  petite  et  la  plus  basse  de  toutes ,  maré- 
cageuse, couverte  de  bois,  inondée  à  chaque  instant  par 
les  eaux  des  deux  fleuves ,  et,  à  cette  même  époque,  servant 
de  retraite  au  premier  évêque  de  Lugdunum  ?  Il  n'y  a  pas 
un  archéologue  Lyonnais  et  par  conséquent  connaissant  bien 
les  lieux  ,  qui  puisse  adopter  cette  opinion  et  ne  sente  que 
si,  malgré  l'importance  et  la  richesse  des  monuments  dont  la 
découverte  de  tant  de  belles  mosaïques  a  révélé  l'existence 
à  Ainay  ,  on  ne  doit  plus  penser  à  y  placer  le  temple  d'Au- 
guste ,  il  faut  encore  moins  croire  qu'il  ait  pu  exister  sur 
l'emplacement  des  églises  St. -Pierre  et  St.-Nizier. 

Une  autre  considération  qui  viendrait  h  l'appui  de  ce  que 
nous  venons  de  dire  ,  c'est  que  de  très-riches  fragments  de 
corniche  en  marbre  ont  été  trouvés  sur  le  penchant  de  la 
colline  St. -Sébastien,  dans  le  voisinage  de  l'amphithéâtre,  du 
côté  de  l'est.  Le  premier  fut  découvert  par  Chinard ,  habile 
statuaire  lyonnais,  et  donné  par  lui  au  musée;  le  second  fut 
trouvé  par  nous-mème  ,  en  1859,  au  bas  de  la  colline  de 
St.  -  Sébastien  ,  près  de  l'hémicycle  dont  nous  avons  parlé. 
Ces  deux  fragments  ,  que  l'on  voit  au  musée  de  Lyon  ,  sont 
identiques  pour  l'ornementation  et  les  proportions  :  donc,  ils 
sortent  du  même  entablement. 

Quel  était  donc  ce  monument  splendide  ? 

A  ces  remarques,  que  nous  prions  MM.  les  Membres  du 
Congrès  de  vouloir  bien  prendre  en  considération ,  nous  en 
ajouterons  une  autre  qui  nous  semble  avoir  une  grande  valeur. 

En  1529  ,  on  trouva,  sur  ce  même  point  de  la  colline  St.- 
Sébastien  ,  le  bronze  le  plus  précieux  peut-être  que  l'Europe 
possède  :  la  Table  de  Claude. 

Cette  magnifique  découverte,  si  près  de  notre  amphithéâtre, 
ne  semblerait-elle  pas  révéler  l'existence  d'un  édifice  sous  les 
ruines  duquel  le  bronze  a  été  brisé  et  enseveli? 


W2  CONGRES    ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

Ce  monument  de  la  sollicitude  de  l'Empereur  pour  la 
Gaule,  sa  patrie  ,  n'a  point  pu  être  isolé:  il  a  dû  nécessaire- 
ment être  placé  avec  les  plus  grands  honneurs  dans  un  édi- 
fice somptueux  pour  être  un  perpétuel  objet  de  vénération. 
La  reconnaissance  publique  pouvait-elle  trouver  une  place 
plus  convenable  que  le  temple  où  les  Césars  recevaient  les 
honneurs  divins  ?  Ce  temple  lui-même  n'était-il  pas  déjà  un 
monument  de  celle  reconnaissance  de  tous,  et  la  vue  de 
cette  magnifique  page  de  noire  histoire  ne  devait-elle  pas 
exciter  encore,  dans  ce  lieu,  le  respect  et  la  dévotion  envers 
un  prince  qui  avait  si  bien   mérité  de  la  patrie? 

Nous  devons  donc  penser  que  la  table  de  Claude  a  dû  être 
placée  par  les  Gaulois  dans  l'enceinte  du  temple  des  Césars, 
ou  au  moins  dans  un  monument  splendide  qui  y  était  annexé. 

Notre  opinion  ,  sur  la  certitude  de  l'existence  de  l'autel 
d'Auguste  dans  le  voisinage  de  noire  amphithéâtre,  peut 
s'appuyer  encore  sur  une  importante  découverte  que  nous 
avons  faite  nous-même. 

Au  mois  de  juin  1859,  on  trouva  dans  la  partie  basse  du 
jardin  des  plantes ,  au  midi  ,  et  bien  en  dehors  de  l'enceinte 
de  l'amphithéâtre  ,  un  filet  d'eau  sortant  de  dessous  les  ter- 
rains occupés  autrefois  par  ce  monument,  et  contenu  dans 
un  petit  canal  formé  de  débris  antiques.  Ayant  obtenu  l'au- 
torisation de  faire  une  fouille  sur  ce  point,  nous  y  avons  dé- 
couvert des  fragments  d'une  inscription  en  l'honneur  d'un 
personnage  dont  le  nom  manquait ,  mais  où  il  était  question 
d'un  Flavius  et  d'une  Maximilla  qui  auraient  donné  une  somme 
d'un  certain  nombre  de  sesterces  et  de  CCXL  nummi. 

Ce  petit  canal ,  dont  la  maçonnerie  était  très-négligée  et 
faite  à  la  hâte,  éiait  couvert  par  de  larges  fragments  de  ma- 
gnifiques dalles  de  marbre  blanc  antique  ornées  de  guirlandes 
de  chêne  de  grande  dimension,  relevées  par  des  haches  de 
licteur  et  rattachées  par  des  bandelettes.  Ces  dalles,  de  2 


XXIX'.    SESSION    A    LYON.  443 

mètres  15  centimètres  de  hauteur  sur  1  mètre  35  de  large, 
ont  12  à  15  centimètres  d'épaisseur. 

Le  nombre  de  ces  fragments  indique  que  les  guirlandes, 
plusieurs  fois  répétées,  n'étaient  pas  toutes  égales  :  quelques- 
unes  atteignaient  jusqu'à  5  mètres  de  développement. 

Déjà,  en  février  1858,  nous  avions  découvert  au  même 
point  un  magnifique  dessus  de  balustrade  en  marbre ,  orné  de 
moulures  des  deux  côtés  et  sculpté  à  feuilles  de  laurier. 

Ces  divers  fragments,  trouvés  en  dehors  de  l'amphithéâtre, 
appartenaient-ils  à  la  décoration  de  la  loge  du  préleur  et 
des  personnages  éminents  de  la  province  ?  Telle  fut  d'abord 
notre  pensée  ;  mais  la  réflexion  nous  fit  abandonner  cette 
idée ,  parce  que  tout  cet  ensemble  formait  une  ligne  exacte- 
ment droite ,  ce  qui  est  contraire  à  toutes  les  autres  pierres 
de  l'accoudoir  du  podium  qui  ont  été  retrouvées. 

On  remarquera  qu'un  de  ces  fragments  de  marbre,  qui  n'a 
aucune  trace  de  guirlandes,  se  distingue  par  deux  lettres  d'une 
grande  importance  et  d'une  dimension  tout-à-f;iit  extraordi- 
naire: un  R  entier,  et  un  O  dont  il  ne  reste  qu'une  partie. 
Nous  ferons  observer  qu'en  avant  de  l'R  se  trouve  un  espace 
vide  considérable  ,  démontrant  que  rien  ne  précédait ,  et  une 
moulure  au-dessus  prouve  qu'il  n'y  avait  pas  de  ligne  su- 
périeure. Ces  deux  lettres,  de  38  centimètres  de  haut,  taillées 
très-profondément  et  en  carré  pour  recevoir  les  lettres  de 
bronze  doré  dont  on  voit  encore  les  scellements,  ne  peuvent 
être  que  le  commencement  des  mots  ROMAE  ET  AVGVSTO. 

Si  cette  interprétation  que  nous  soumettons  aux  archéo- 
logues est  exacte,  nous  avons  eu  le  bonheur  de  retrouver  une 
partie  de  la  décoration  de  l'autel  d'Auguste. 

Les  médailles  au  revers  de  l'autel  de  Lyon  nous  donnent 
l'ornementation  de  la  face  principale  de  cet  autel.  On  y  voit 
les  trépieds,  les  couronnes  de  chêne,  etc..  Mais  nous  res- 
tons sans  renseignements  sur  la  décoration  des  faces  latérales 


hh'l  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    t)E   FRANCE. 

et  de  la  partie  postérieure.  Ne  pourrait-on  pas  supposer  avec 
raison  que  ce  monument  était  orné  de  guirlandes  sur  les  faces 
moins  importantes  que  les  médailles  ne  donnent  pas  ?  Nous 
ferons  même  remarquer  que  les  guirlandes  sont  précisément 
le  genre  de  décoration  particulière  aux  autels  païens  et  que 
les  feuilles  de  chêne  qui  composent  celles-ci  sont  tout-à-fait 
emblématiques,  de  môme  que  les  couronnes  représentées  sur 
la  face  principale  que  nous  donnent  les  médailles.  Elles  rap- 
pellent, par  leur  signification,  les  bienfaits  dont  Auguste  avait 
comblé  la  ville  de  Lugdunam  en  la  déclarant  capitale  des 
Gaules.  Cependant ,  il  est  à  considérer  que  les  guirlandes 
dont  nous  possédons  les  restes  se  détachent  sur  un  immense 
fond  uni ,  et  que  cette  décoration  eût  été  un  peu  simple 
comparativement  à  la  face  principale  de  l'autel.  Nous  nous 
arrêtons  donc  à  une  autre  opinion. 

Les  médailles  montrent  que  l'inscription  ROM  ET  AVG 
était  placée  non  point  sur  l'autel  ,  mais  au-dessous.  Or, 
l'autel  et  les  deux  colonnes  supportant  les  Renommées  tenant 
des  couronnes  s'élevaient  très-probablement  sur  une  immense 
base,  dont  l'ornementation  devait  être  précisément  ces  guir- 
landes colossales  relevées  par  les  haches  de  licteur  et  rat- 
tachées par  les  bandelettes. 

Quoique  servant  de  couverture  à  un  petit  canal  fait  au 
moyen-âge  lorsque  l'arène  de  l'amphithéâtre  fut  détruite  ou 
comblée  ,  il  est  probable  que  ces  magnifiques  débris  ont  été 
employés  sur  le  terrain  où  ils  gisaient  parmi  les  ruines.  La 
beauté  du  marbre  dont  ils  sont  formés  et  l'extrême  richesse 
de  leur  ornementation  ne  laissent  pas  supposer  qu'on  ait  été 
les  chercher  au  loin,  pour  les  employer  à  un  travail  aussi  vul- 
gaire: tout  concourt,  en  un  mot,  à  nous  faire  croire  qu'ils  ont 
été  utilisés  sur  place.  Nous  sommes  d'autant  plus  autorisé 
à  persister  dans  cette  opinion  que,  peu  après  cette  décou- 
verte ,  on  a  trouvé ,  tout  à  côté ,  un  massif  de  maçonnerie 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  W5 

ruiné  par  le  haut  et  les  deux  extrémités  :  ce  qui  nous  a 
empêché  d'en  constater  les  dimensions  exactes,  mais  dont 
la  partie  conservée  était  encore  de  h  mètres  50  centimètres. 
Ce  massif,  contrairement  à  toutes  les  courbes  de  l'amphi- 
théâtre, formait  une  ligne  exactement  droite,  et  pare- 
meniée  comme  pour  recevoir  un  revêtement. 

Nous  ne  serions  pas  éloigné  de  croire  que  ce  massif  a 
fait  partie  du  corps  de  l'autel  lui-même. 

Quoi  qu'il  en  soil,  la  découverte  de  ces  guirlandes  et  des 
massifs  de  maçonnerie  dont  nous  avons  exactement  marqué 
la  place,  avant  sa  destruction,  nous  paraît  une  des  plus  impor- 
tantes qui  aient  été  faites  à  Lyon.  Elle  a  enrichi  notre  musée 
lapidaire  de  fragments  aussi  précieux  pour  l'art  que  pour 
l'histoire,  et  peut  servir  à  fixer  définitivement  la  place  où 
s'élevait ,  dans  notre  ville ,  le  plus  célèbre  monument  de 
toute  la  Gaule. 

Une  autre  considération  se  présente  encore  à  l'appui  de 
ce  que  nous  venons  d'établir  au  sujet  de  l'emplacement 
de  l'autel  d'Auguste  :  c'est  que  la  lettre  des  chrétiens  de 
Lyon  à  ceux  de  l'Asie  parle  longuement  des  supplices  que 
les  martyrs  de  l'an  178  eurent  à  souffrir  dans  l'amphithéâtre 
pendant  les  fêtes  célébrées  à  l'occasion  du  grand  marché  an- 
nuel qui  attirait  tant  de  monde.  Les  détails  les  plus  précis 
qu'elle  donne  à  ce  sujet  ne  peuvent  laisser  l'ombre  d'un 
doute. 

Ce  document  est  de  la  plus  grande  autorité  :  d'abord , 
parce  qu'il  a  été  écrit  immédiatement  par  les  chrétiens  de 
Lyon  échappés  à  cette  persécution ,  et  témoins  oculaires  des 
tortures  de  leurs  coreligionnaires  ;  ensuite ,  parce  qu'il  dé- 
crit à  plusieurs  reprises  les  tourments  supportés  par  Maturus, 
Alexandre,  Attale  ,  Sanctus  ,  Épagathe,  Politique  et  la  jeune 
Blandine,  dans  l'amphithéâtre. 

Cette  lettre  est  d'autant  plus  précieuse  qu'elle  doit  servir 


UU6  CONGRES    ARCHÊOLOG1QIE   DE   FRANCE. 

à  rétablir  un  passage  de  Grégoire  de  Tours  évidemment 
altéré  par  les  copistes ,  et  qui  a  jusqu'ici  induit  en  erreur 
les  historiens  qui  l'ont  invoqué  pour  écrire  que  les  martyrs 
de  l'an  178  avaient  souffert  à  Ainay  : 

«  Et  sepelierunt  beata  pignora  sub  sancto  altari  ubi  se 
«  semper  virtutibus  manifestis  cum  Deo  habilare  declarave- 
«<  runt.  Locus  auteur  ille  quo  passi  sunt  Àthanaco  vocatur; 
u  ideoque  et  ipsi  martyres  à  quibusdam  vocantur  Athana- 
«  censés.  » 

Il  est  évident  que  le  mot  passi  a  été  substitué  par  erreur 
au  mot  sepulii  que  l'auteur  avait  sans  doute  écrit.  La  lettre 
des  chrétiens  témoins  des  supplices  de  leurs  frères  disant 
qu'ils  ont  souffert  dans  l'amphithéâtre  ,  et  l'amphithéâtre 
n'étant  pas  à  Ainay ,  les  martyrs  n'ont  donc  pas  souffert  à 
Ainay  ;  tandis  qu'il  est  parfaitement  exact  que  ,  plus  tard  , 
leurs  reliques  y  furent  réellement  déposées ,  et  qu'à  cause 
de  cela  ils  furent  souvent  nommés  martyrs  d'Ainay. 

D'ailleurs,  en  y  réfléchissant ,  on  comprend  que  Grégoire 
de  Tours,  vivant  à  une  époque  où  les  ruines  des  monuments 
chrétiens  étaient  encore  en  grande  partie  sur  place,  devait 
parfaitement  savoir  où  était  l'amphithéâtre  de  Lugdunum. 
Il  devait  aussi  connaître  certainement  la  fameuse  lettre  des 
chrétiens  de  Lyon  à  ceux  d'Asie,  et  par  conséquent  il  n'aurait 
pas  écrit  volontairement  le  contraire  de  ce  qui  était  contenu 
dans  ce  document  précieux. 

En  terminant ,  nous  rappellerons  que  les  dernières  dé- 
couvertes ne  permettent  plus  de  croire  que  l'emplacement 
du  temple  d'Auguste  ait  été  à  Ainay  ;  que  le  texte  de  Gré- 
goire de  Tours  a  subi  évidemment  une  altération ,  puisque , 
écrit  400  ans  après  la  lettre  des  chrétiens  de  Lyon ,  il  se 
trouve  en  contradiction  avec  elle.  Nous  rappellerons  que  cette 
même  lettre  établit  de  la  manière  la  plus  claire,  la  plus  pré- 
cise et  la  plus  authentique ,  que  les  martyrs  ont  souffert  à 


\UX°.    SESSION   A   LYON.  hhl 

l'amphithéâtre ,  et  que  cet  amphithéâtre  n'étant  pas  à  Ainay, 
les  martyrs  n'ont  pas  souffert  a  Ainay. 

Nous  répéterons  que  toutes  les  découvertes  de  mosaïques 
faites  à  Ainay  ne  peuvent  prouver  qu'une  chose ,  c'est  que 
cette  partie  des  îles  du  confluent  était  couverte  d'édifices 
somptueux  et  de  riches  habitations  ,  attendu  qu'il  n'a  jamais 
été  trouvé,  dans  cette  partie  de  la  ville,  un  seul  monument 
relatif  au  culte  d'Auguste,  tandis  que,  dans  tout  le  quartier 
environnant  le  point  que  nous  avons  cité ,  les  monuments 
du  culte  d'Auguste  abondent,  et  que  plusieurs  ont  été  tronvés 
surleur  lit  de  p  ose. 

Nous  établissons  aussi  que,  d'après  l'inscription  de  la  rue 
de  La  Vieille  (musée  de  Lyon  ,  U20  ) ,  le  lieu  appelé  Condat 
par  les  anciens  était  bien  celui  où  avait  lieu  le  premier  point 
de  rencontre  des  deux  rivières ,  et  désigné  sur  nos  monu- 
ments épigraphiques  par  les  mots  :  ad  conflueniem ,  ad  con- 
fluenies ,  inter  confluentes  ; 

Enfin ,  que  la  découverte  des  restes  de  l'autel  et  de  la 
maçonnerie,  qui  en  faisait  probablement  le  corps  principal , 
est  venue,  en  fournissant  une  preuve  matérielle,  irrécusable, 
faire  cesser  tous  les  doutes ,  et  résoudre  une  question  im- 
portante agitée  depuis  long-temps. 

Nous  craindrions,  Messieurs,  en  cherchant  a  établir  d'autres 
preuves  en  faveur  de  notre  opinion  ,  d'abuser  des  moments 
précieux  que  vous  voulez  bien  consacrer  a  nous  entendre. 
Nous  les  consignerons  dans  un  travail  spécial  plus  considé- 
rable,  et  nous  allons,  en  terminant,  essayer  de  préciser 
l'époque  où  les  monuments  romains  de  Lugdunum  furent 
renversés. 

Constanlin-le-Grand ,  par  sa  conversion  au  christianisme 
et  son  édit  en  faveur  des  chrétiens ,  porta  le  premier  coup 
aux  édifices  religieux  du  paganisme.  Néanmoins,  leur  de- 
struction ne  fut  point  immédiate. 


hkS  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Des  autels  s'élevèrent  en  l'honneur  du  Christ  ;  des  temples 
chrétiens  furent  construits  ;  mais ,  malgré  la  protection  du 
prince,  les  fidèles  ne  purent  de  suite  faire  disparaître  les  mo- 
numents du  culte  des  faux  dieux  :  ils  n'étaient  encore  ni 
assez  puissants,  ni  assez  nombreux.  D'ailleurs,  ils  durent 
être  divisés  dans  le  principe.  Chrétiens  et  païens  faisaient 
souvent  partie  de  la  même  famille.  Un  édit  peut  empêcher 
ou  ordonner  les  pratiques  extérieures,  mais  il  est  sans  force 
sur  les  consciences. 

Peu  de  monuments  religieux  ont  dû  être  renversés  alors , 
cependant  quelques-uns  ont  pu  être  détruits  dans  certaines 
localités  où  les  chrétiens  étaient  en  grand  nombre;  mais,  sur 
d'autres  points  ,  des  luttes  sanglantes  ont  dû  avoir  lieu.  Les 
chrétiens,  se  rappelant  ce  qu'ils  avaient  souffert,  et  les  païens, 
blessés  dans  leur  croyance  et  leurs  habitudes,  ont  dû  plus 
d'une  fois  en  venir  aux  mains.  D'ailleurs,  il  faut  tenir  compte 
des  conséquences  que  dut  avoir  l'apostasie  de  l'empereur  Ju- 
lien ,  qui ,  tout  en  permettant  aux  chrétiens  le  libre  exercice 
de  leur  religion  ,  se  montra  très-favorable  au  paganisme. 

A  cette  même  époque ,  les  premières  invasions  des  hordes 
de  la  Germanie,  ravageant  tout  sur  leur  passage, -durent 
amener  la  destruction  d'un  grand  nombre  de  monuments 
civils  que  l'ardeur  religieuse  des  chrétiens  avait  nécessaire- 
ment respectés. 

Le  religion  chrétienne ,  déclarée  religion  de  l'État  par 
Constantin  ,  favorisée  par  ses  successeurs  et  propagée  par  le 
zèle  des  prédicateurs  ,  fit  d'immenses  progrès.  Les  fidèles , 
dont  le  nombre  augmentait  sans  cesse ,  ne  toléraient  plus 
qu'avec  peine  l'existence  des  sectateurs  du  polythéisme  ,  de- 
venus de  jour  en  jour  moins  nombreux ,  lorsqu'enfin ,  en 
389 ,  sous  l'empereur  Théodose,  eut  lieu  le  renversement 
des  temples  et  des  idoles. 

Le  zèîe ,  et  nous  pourrions  dire  la  fureur  des  chrétiens,  ne 


XXIX".    SESSION,    A    LYON,  M9 

connut  plus  de  bornes.  Le  sang  des  martyrs  de  la  foi ,  qui 
avait  tant  coulé ,  allait  Cire  enfin  vengé  :  les  idoles  furent 
brisées,  foulées  aux  pieds,  et  leurs  débris  précipités  dans  nos 
fleuves;  les  autels  renversés,  les  temples  saccagés  et  détruits 
ne  furent  plus  qu'un  monceau  de  décombres.  Les  inscriptions 
honorifiques,  les  statues,  les  monuments  funèbres,  en  un  mot 
tout  ce  qui  pouvait  rappeler  le  souvenir  d'un  culte  abhorré 
fut  anéanti ,  et  les  sectateurs  de  cette  religion  ,  si  long-temps 
orgueilleuse  et  alors  proscrite  à  son  tour ,  durent  se  tenir 
à  l'écart  pour  se  soustraire  à  la  fureur  du  peuple. 

Néanmoins  nous  ne  pouvons  pas  attribuer  au  zèle  religieux 
des  chrétiens  le  saccage  ou  la  destruction  de  tous  les  monu- 
ments romains  de  Lugdunum. 

S'il  est  vrai  que  ceux  du  culte  des  faux  dieux  furent  im- 
pitoyablement renversés ,  nous  devons  croire  que  les  édilices 
civils  échappèrent  naturellement  à  cette  grande  dévastation. 
Le  forum  romain  existait  encore  au  IXe.  siècle,  lorsqu'en 
840,  il  s'écroula  de  lui-même.  D'autres  édifices  du  même 
genre ,  fréquentés  par  les  chrétiens  aussi  bien  que  par  les 
païens,  ont  dû  subsister  après  cette  dévastation  des  monu- 
ments religieux. 

Ici,  une  question  se  présente.  Cette  grande  et  terrible  réac- 
tion s'est- elle  étendue  dans  Lugdunum  sur  notre  amphi- 
théâtre ? 

Quelques-uns  pourraient  dire  que  le  goût  passionné  des 
spectacles  a  dû  préserver  cet  édifice  ,  destiné  aux  divertisse- 
ments que  le  peuple  croyait  si  nécessaires  à  son  existence , 
même  après  l'établissement  du  christianisme.  En  effet,  nous 
voyons  qu'après  le  renversement  des  monuments  du  paga- 
nisme ,  le  peuple  ,  quoique  chrétien  ,  était  si  passionné  pour 
les  jeux  et  les  .spectacles ,  que  la  ville  de  Thessalonique  se 
souleva  tout  entière  pour  obtenir  l'élargissement  d'un  cocher 
du  cirque  ,  emprisonné  par  ordre  du  commandant  militaire 

29 


&50  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

pour  une  faute  grave.  Cette  émeute  fut  si  forte,  que  plusieurs 
magistrats  y  perdirent  la  vie.  Tout  le  monde  connaît  la  ven- 
geance qu'en  tira  l'Empereur,  et  la  pénitence  que  lui  imposa 
saint  Ambroise. 

Mais ,  à  Lugdunum  ,  de  tristes  et  douloureux  souvenirs  se 
rattachaient  à  notre  amphithéâtre.  On  y  avait  célébré  les 
jeux  et  les  fêtes  relatifs  au  culte  des  Césars  ;  les  prêtres  au- 
gustaux ,  si  fiers,  si  puissants,  y  avaient  leurs  places  réser- 
vées. C'était  dans  cette  enceinte  qu'ils  avaient  fait  déchirer 
par  des  bêtes  féroces  de  malheureux  chrétiens,  et  s'étaient 
repus  de  ce  hideux  spectacle.  C'était  sur  ces  gradins  qu'une 
foule  cruelle  avait  assisté  aux  tortures  et  à  la  sublime  agonie 
de  Maturus,  d'Attale  et  du  diacre  Sanctus.  C'était  là  qu'en- 
chaînés sur  des  sièges  de  fer ,  ils  avaient  vu  les  flammes  dé- 
vorer leur  corps  lacéré  par  des  bourreaux.  C'était  dans  cette 
arène  qu'après  d'indicibles  tourments ,  la  jeune  Blandine , 
abandonnée  à  la  rage  d'un  taureau  furieux,  avait  héroï- 
quement supporté  les  blessures  de  ce  terrible  animal ,  sans 
qu'une  plainte  ou  un  moment  de  faiblesse  eût  pu  trahir  ses 
souffrances. 

Deux  siècles  s'étaient  écoulés  ,  mais  ces  souvenirs  étaient 
encore  vivants.  La  tradition  les  avait  transmis  :  l'Europe  chré- 
tienne les  connaissait,  et  les  fidèles  de  Lugdunum  ne  pouvaient 
les  avoir  oubliés. 

Cependant,  des  scènes  d'horreur  du  même  genre  s'étaient 
passées  dans  bien  d'autres  amphithéâtres  qui  ont  survécu.  A 
Rome,  par  exemple,  le  Colysée  avait  été  témoin  du  supplice 
d'un  grand  nombre  de  martyrs,  et  au  XI".  siècle,  il  existait 
encore  dans  son  entier.  Le  goût  effréné  de  la  population 
romaine  pour  les  spectacles  qui  y  furent  donnés  jusqu'au  VIe. 
siècle,  l'avait  sauvé  :  les  guerres  du  moyen-âge  le  détruisirent. 

Nous  ne  voyons  pas  que  le  goût  des  spectacles  ait  été  aussi 
vif  à  Lugdunum  que  dans  la  ville  des  Césars.  D'ailleurs,  l'his- 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  651 

toire  ne  nous  dit  point  que,  parmi  les  victimes  qui  ont  péri 
au  Colysée,  il  s'en  soit  trouvé  d'aussi  célèbres  que  celles 
dont  le  sang  a  rougi  l'arène  de  notre  amphithéâtre,  et  dont 
les  tortures  prolongées  aient  eu  autant  de  retentissement. 

Il  nous  paraît  donc  probable  qu'au  moment  où  l'autel  des 
Césars  s'écroulait,  sous  la  fureur  populaire,  l'amphithéâtre  qui 
semble  y  avoir  été  annexé,  et  où  s'étaient  accomplis  tant 
d'événements  douloureux,  a  dû  être  sacrifié  en  même  temps. 
Mais  cette  énorme  masse  n'a  pu,  ce  nous  semble  ,  être  ren- 
versée en  un  jour.  Les  insignes  qui  se  rattachaient  au  culte 
ont  pu  en  être  arrachés,  les  inscriptions  mutilées;  de  graves 
dévastations  y  être  commises  :  sa  destruction  totale  a  dû  être 
plus  lente  et  l'ouvrage  de  plusieurs  siècles. 

Il  en  a  été  de  même  des  autres  monuments.  Partout  où 
nous  avons  assisté  à  des  fouilles ,  nous  avons  pu  remarquer 
qu'd  est  rare  de  retrouver  des  pierres  antiques  ayant  une 
forme  régulière  et  propres  à  être  employées  dans  des  con- 
structions. Ceci  démontre  qu'une  autre  espèce  de  barbares, 
à  Lugdunum  comme  ailleurs ,  s'efforça  d'achever  lentement, 
mais  radicalement,  celte  seconde  destruction  peut-être  encore 
plus  déplorable  et  moins  excusable  que  la  première. 

Ce  qui  pourrait  faire  penser  que  la  transformation  totale 
de  l'emplacement  de  notre  amphithéâtre  a  eu  lieu  avant  le 
moyen-âge ,  c'est  que  le  terrain  de  remblai  qui  a  comblé 
son  arène,  et  s'élève  jusqu'à  la  moitié  de  la  hauteur  des  gra- 
dins, contient  beaucoup  de  tuileaux  antiques  et  qu'on  y  a 
trouvé  un  certain  nombre  de  petites  monnaies  de  billon ,  trop 
frustes  pour  pouvoir  être  précisées ,  mais  qui  évidemment 
appartiennent  à  la  dernière  époque  du  Bas-Empire.  Un  der- 
nier travail  de  nivellement  pourrait  aussi  avoir  été  exécuté 
sur  ce  point,  long-temps  après  la  destruction  de  l'édifice  et  la 
dispersion  de  ses  ruines  pour  l'établissement  de  l'abbaye 
royale  de  la  Déserte.  Ce  monastère,  de  l'ordre  de  Ste. -Claire, 


652  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

fut  fondé  en  1260  par  Blanche  de  Châlons,  femme  de  Gui- 
chard  de  Beaujeu  ,  connétable  de  France  (1). 

Nous  devons  donc  regarder  la  disparition  complète  de 
l'amphithéâtre  et  des  autres  monuments  romains  de  Lug- 
duuum,  comme  étant  l'œuvre  de  plusieurs  siècles ,  et  faire 
une  certaine  différence  entre  la  dévastation  d'un  édifice  et 
sa  destruction  totale.  La  première  fut  l'œuvre  des  chrétiens 
de  389  et  des  invasions  des  barbares;  la  seconde,  plus  lente, 
fut  opérée  par  l'ignorance  des  siècles  suivants.  Cette  dernière 
fut  plus  impitoyable  :  les  chrétiens  et  les  barbares  avaient 
laissé  sur  place  les  ruines  qu'il  avaient  faites  ;  le  moyen-âge 
lesdispersa.  Il  enrichit  les  édifices  nouveaux  de  ces  précieuses 
dépouilles ,  recueillies  aujourd'hui  à  mesure  que  les  œuvres 
de  cette  époque  disparaissent  à  leur  tour  ;  il  se  montra  plus 
barbare,  envers  nos  monuments  historiques  et  les  œuvres  d'art 
des  premiers  siècles,  que  les  hordes  qui  avaient  envahi  tant 
de  fois  le  sol  de  la  Gaule. 

Les  monuments  de  Rome  subirent  le  même  sort,  mais  la 
diminution  de  la  population  de  cette  ville  célèbre  n'exigeant 
pas  autant  de  constructions  nouvelles ,  bien  des  ruines  an- 
tiques restèrent  oubliées.  Il  en  a  été  de  même  de  toutes  les 
villes  déchues.  Mais,  dans  celles  où  la  population  croissante 
exigeait  d'augmenter  le  nombre  des  habitations ,  les  restes 
des  monuments  antiques  furent  enlevés ,  dénaturés  et  em- 
ployés à  des  édifices  nouveaux. 

Nous  finirons,  Messieurs ,  en  disant  que,  quoiqu'il  paraisse 
très-difficile  de  préciser  exactement  l'époque  de  la  destruc- 
tion totale  des  monuments  romains  de  Lugdunum  ,  nous 
croyons  que ,  commencée  probablement  à  l'étlit  de  Constantin 

(1)  Le  nouveau  bâtiment,  dont  il  reste  encore  aujourd'hui  deux  pa- 
pillons considérables,  fut  reconstruit  en  175/i  par  dame  Constance-Clau- 
dine de  Moyriat  de  Châtillon,  abbesse. 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  I5S 

en  faveur  du  christianisme  et  aux  premières  invasions  des 
barbares,  repoussces  par  l'empereur  Julien  au  IV".  siècle, 
la  dévastation  générale  des  monuments  religieux  dut  avoir 
lieu  sous  l'empereur  Théodose  en  389  ,  et  que  ,  plus  tard  , 
les  invasions  des  Francs  et  les  guerres  du  moyen-âge  ache- 
vèrent de  renverser  ceux  qui  pouvaient  avoir  survécu  ou  que 
le  temps  avait  épargnés  (1).  Mais  nous  ajouterons  que  leur 
disparition  totale  fut  surtout  l'œuvre  de  l'ignorance  qui ,  en 
dispersant  ces  restes  précieux  et  en  les  employant  comme  de 
simples  matériaux ,  a  ainsi  effacé  jusqu'à  la  moindre  trace 
de  ces  monuments. 

dette  dévastation  lente,  totale  et  cupide,  n'eut  pas  seule- 
ment lieu  à  Lugdunum  ,  mais  à  Rome  même:  des  portiques 
du  Colysée  furent  démolis  pour  construire  des  palais  à  de 
grands  seigneurs,  plus  barbares  en  cela  que  les  hordes  de  la 
Germanie. 

Le  peuple  romain  ,  à  juste  titre  si  lier  des  nobles  et  gi- 
gantesques ruines  qui  marquent  encore  la  place  des  moiiu» 
ments  célèbres  de  son  histoire ,  a  flétri  par  une  phrase  cé- 
lèbre ces  spoliations  coupables,  et  après  quatre  siècles,  il 
répète  encore  en  désignant  un  palais  bien  connu  : 

Quod  non  fecerunt  barbari 
Fecerc  Barberini. 

M.  de  Caumont  remercie  M.  Martin-Daussigny  et  lui 
offre,  au  nom  du  Congres,  les  plus  chaleureuses  félicitations. 

M.  l'abbé  Boue,  curé  de  St.-Martin-d'Ainay ,  ne  peut 
laisser  passer  sans  protester  l'opinion  émise  au  sujet  de  son 

(1)  Sous  le  roi  Childebert,  une  inondation  extraordinaire  avait  ravagé 
toute  !a  partie  basse  de  Lyon,  où  est  aujourd'hui  l'église  de  St.-Nizier, 
et  qui  était  encore  la  moins  élevée  au-dessus  des  eaux. 


UàU  CONGRÈS  ARCHÉOr.OGIQUE  DE  FRANCE. 

église.  Jl  croit  que,  jusqu'à  de  plus  amples  découvertes,  la 
tradition  appuyée  sur  Grégoire  de  Tours  persistera. 

M;  Peladan  fait  remarquer  que  le  forum  ne  s'écroula  qu'au 
VIIIe.   siècle. 

M.  François  Lenormant,  à  propos  des  places  marquées  el 
désignées  dans  les  précinctions  de  l'amphithéâtre,  rappelle 
que  cela  existe  à  Syracuse,  Dans  les  théâtres  d'Athènes  et 
de  Mycène,  les  trois  rangs  inférieurs,  au  lieu  d'être  de  sim- 
ples gradins  ,  sont  composés  de  fauteuils  de  marbre  blanc , 
portant  la  désignation  des  fonctionnaires  qui  devaient  les 
occuper  par  ordre  hiérarchique.  Au  milieu  ,  le  grand-prêtre, 
puis  l'Archonte  ,  l'Hiérophante,  et  tous  les  personnages  publics 
dont  quelques-uns  ont  des  fonctions  inconnues. 

M.  Lenormant  ajoute  qu'il  serait  dangereux  de  fixer  une 
époque  à  la  destruction  d'un  monument  ou  d'une  ville.  Si  cette 
destruction  est  parfois  lente,  elle  peut  être  subite.  Le  temple 
d'Eleusis,  qu'il  a  visité,  était  énorme:  il  contenait  30  mille 
■personnes;  ses  matériaux,  en  marbre,  étaient  d'une  dimension 
colossale.  Cependant ,  les  soldats  d'Alaric  le  détruisirent  en 
un  seul  jour,  et  cela  jusqu'à  la  base;  car,  sous  les  couches 
inférieures  des  débris,  on  a  retrouvé  les  corps  écrasés  de  deux 
guerriers  goths,  revêtus  de  toutes  leurs  armes  bien  caractérisées. 

Il  a  vu,  lui-même  ,  les  ruines  fumantes  encore  de  la  Syrie  ; 
la  grande  église  de Notre-Dame-des-Colliries,  le  grand  couvent 
des  Lazaristes  de  Damas,  ont  été  absolument  rasés  en  quel- 
ques heures. 

M.  Chipier  lit  un  mémoire  sur  les  anciens  aqueducs  de  la 
rive  droite  de  la  Saône. 

MÉMOIRE  DE  M.  CSiBPIEK. 

Il  est  établi,  par  l'histoire,  que  le  premier  aqueduc  construit 
à  Lyon  par  les  Romains  a  été  celui  du  Mont-d'Or.  II  embras- 


XXIX*.    SESSION,    A   LYON.  G55 

sait  les  parties  est ,  sud  et  ouest  de  la  ville  ;  il  recevait  les 
sources  qui  existaient  alors  depuis  Poleymieux  ,  St. -Romain, 
St. -Didier  et  Limouest  ;  il  était  formé  de  deux  branches,  dont 
l'une  suivait  la  colline  de  la  rive  droite  de  la  Saône  jusqu'à 
la  Duchère  ;  il  traversait  le  ravin  des  Gorges  ,  la  via  publica, 
qui  est  aujourd'hui  le  chemin  vicinal  des  Roches  à  la  tour  de 
Salvagny  ,  sur  la  partie  orientale  de  la  commune  d'Écully,  et 
arrivait  à  la  jonction  du  ruisseau  de  Chalin  par  celui  dit  des 
Planches,  anciennement  nommé  de  Leros,  où  était  un  pont 
dont  les  restes  ou  vestiges  existent  encore  ;  de  là  il  était  di- 
rigé sur  le  plateau  de  Champ-Vert.  Les  ruines  et  vestiges 
apparents  sur  les  diverses  parties  de  cette  ligne  constatent 
cette  direction. 

L'autre  branche  recevait  les  sources  méridionales  et  occi- 
dentales du  Mont-d'Or  ;  elle  parlait  de  Limouest  et  des  lieux 
adjacents  ;  sa  direction  au  midi  était  par  Écully,  les  vestiges  sont 
apparents  au  hameau  des  Bruyères ,  sur  la  frontière  orientale 
de  la  commune  de  Dacdilly  et  dans  l'intervalle  de  ce  hameau 
au  territoire  de  Tronchon  et  du  Tuer.  Il  y  dix  années,  une 
suite  de  fondements  des  piles  de  cet  aqueduc,  de  3  mètres  de 
largeur  sur  2  mètres  d'épaisseur ,  étaient  visibles  presque  à 
fleur  du  sol  ;  ils  ont  été  détruits  et  enlevés  dans  la  pro- 
priété Bruny.  De  ce  point,  l'aqueduc  traversait,  la  via  publica 
précitée,  qui  est  le  même  chemin  des  Roches  ;  puis  cette  ligne 
se  prolonge ,  les  vestiges  sont  apparents  dans  les  champs  et 
sur  la  longueur  de  près  d'un  kilomètre.  L'aqueduc  se  dis- 
tingue par  un  chemin  rural ,  qui  y  est  superposé  jusqu'au 
territoire  du  Raffort,  point  culminant  de  la  contrée  où  était 
construit  le  réservoir  de  chasse  ,  qui ,  de  ce  point ,  par  un 
canal  souterrain ,  déversait  les  eaux  sur  le  pont-aqueduc 
dont  les  piles  existent  au  travers  du  vallon  méridional  d'Écully 
où  coule  le  ruisseau  des  Planches ,  dit  de  Leros ,  près  du 


456      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

moulin  Berger  (1).  Là,  à  l'occident  de  ce  point ,  était  un 
réservoir  de  chasse.  Le  canal  traversait  le  vallon,  et,  par  une 
suite  d'arcs,  les  eaux  étaient  dirigées  par  le  plateau  de  Champ- 
Vert  sur  Lugdunum  ,  au  lieu  dit  Trium-Fontium.  (Trion  )  ; 
les  fondements  de  ces  arcs  sont  en  partie  visibles,  les  autres 
viennent  d'être  détruits  dans  la  propriété  Caquet. 

En  conséquence  de  cette  direction ,  oblique  à  l'est ,  il  est 
évident  que  cet  aqueduc  n'avait  aucun  rapport  de  correspon- 
dance avec  l'arc  rampant  actuel  qne  l'on  voit  aux  Massues , 
au-dessus  de  la  Demi-Lune.  Leurs  directions  rendent  ce  rap- 
port tout-à-fait  impossible. 

Le  rapprochement  de  ces  deux  ruines  a  sans  doute  induit 
les  historiens  en  erreur,  notamment  M.  Alexandre  Flachéron, 
qui  a  fait  contourner  les  sources  de  St. -Romain,  Collonges 
et  St. -Didier  par  Limouest  sur  Dardilly  et  Écully ,  contre 
toute  espèce  de  vraisemblance  :  vu  la  différence  de  leurs 
hauteurs  relatives,  la  contre-pente  par  trop  évidente  démontre 
que  cette  opinion  est  tout-à-fait  erronée. 

Il  paraît  presque  indubitable  que  le  camp  de  cavalerie  at- 
tribué à  Marc-Antoine  était  établi  tout  au  pied  et  au  bord  de 
ce  pont;  la  ligne  de  l'aqueduc  du  Raffort  lui  servait  de  valkim 
occidental ,  le  vallum  oriental  existe  encore  en  partie  (2). 
La  moitié  qui  touche  le  chemin  vicinal  d'Écully  à  la 
Demi-Lune ,  dit  de  la  Vernique ,  a  été  abattue  par  le  pro- 

(1)  Sept  piles  de  ce  pont  existaient  encore;  ies  trois  arches  qui  restaient 
sont  tombées  en  novembre  1826  ;  une  des  piles  et  les  arches  se  sont  ma- 
jestueusement couchées  au  pied  de  leurs  fondements. 

On  ne  connaît  qu'un  seul  dessin  véridique  de  ce  pont,  c'est  celui  fait 
en  1790  par  maître  Fructus,  peintre  distingué  de  Lyon  :  c'est  une  vue 
dont  l'aspect  est  liès-pittoresque;  elle  est  sans  doute  restée  dans  sa  famille. 

(2)  Feu  M.  le  peintre  Richard  en  a  fait  une  vue  qui  se  trouve  dans 
VHist.  de  Lyon  ,  par  Clerjon. 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  657 

priétairc ,  qui  l'a  remplacée  par  une  plantation  insignifiante. 
Ainsi-,  sous  l'empire  de  la  mode,  qui  est  le  tyran  du  goût , 
a  été  détruit  et  anéanti  un  de  ces  aspects  antiques  des  plus 
pittoresque ,  par  son  rapprochement  avec  le  pont-aqueduc 
précité ,  le  seul  qui  existait  dans  le  rayon  de  Lyon. 

Le  camp  ou  casirum  astivum  était  donc  situé  à  l'occident 
du  vallon  des  Flanches  ;  à  l'ouest  était  la  porte  Prétorienne  : 
elle  était  établie  sur  le  chemin  vicinal ,  devenu  depuis  route 
départementale  ;  l'autre  ,  correspondant  au  levant ,  était  la 
porte  Décumane  :  elle  descendait  jusqu'au  bas  du  vallon  ; 
près  du  pont-aqueduc  étaient  les  portes  dextre  et  senestre  ; 
le  vallum  contournait  la  partie  méridionale  ;  au  nord  ,  le  che- 
min formait  la  dernière  partie  du  vallum  ;  à  l'angle  méridional 
de  la  porte  Prétorienne,  au  XIIP.  siècle,  était  l'église  d'Écully  : 
elle  fut  brûlée  la  veille  de  St. -André,  30  novembre  1262,  par 
les  bourgeois  de  Lyon  ,  après  l'insuccès  de  leur  attaque  sur 
le  cloître  de  St.-Just. 

La  topographie  de  ce  camp  est  telle  que  l'expliquent  divers 
auteurs  :  orientation  et  légère  pente  au  sud- est. 

On  m'objectera  que  cette  opinion  est  au  moins  hasardée.  Je 
réponds,  d'abord  :  les  historiens  se  sont  accordés  sur  et  point, 
l'établissement  d'un  camp  de  cavalerie  à  Écully.  On  m'accor- 
dera ,  sans  doute  :  1°.  que  pour  un  camp  de  cavalerie  il  faut 
de  l'eau ,  et  que  les  bords  de  la  Saône  et  ce  qu'on  appelle  le 
plan  de  Vaize  et  Gorge-de-Loup  étaient  alors  un  marécage 
inabordable  ;  2°.  que  le  plateau  des  [Massues  était  trop  élevé 
et  privé  d'eau  ;  3n.  que,  le  camp  placé  où  je  l'indique,  l'aque- 
duc lui  donnait  les  eaux  potables  suffisantes,  et  le  vallon  ali- 
menté par  le  ruisseau  des  Planches  et  ses  affluents  était 
l'abreuvoir.  D'autre  part,  si  l'on  considère  qu'il  avait  été 
très-facile  de  construire  une  vanne  au  point  de  jonction  du 
ruisseau  de  Chalin  sur  celui  des  Planches ,  od  comprendra 
le  volume  considérable  formé  par  l'aglomération  de  ces  ruis- 


458      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

seaux  et  par  les  eaux  qui  y  auraient  été  déversées  par  les  deux 
lignes  d'aqueducs  qui  auraient  été  plus  que  suffisantes  pour 
l'établissement  d'un  camp  de  cavalerie.  Un  autre  motif,  c'est 
celui  de  quantité  de  tombes ,  des  débris  de  poterie  rencontrés 
dans  la  partie  haute  et  autres  qu'on  a  trouvés  dans  celte  lo- 
calité. Il  est  donc  probable  que  c'est  ce  camp  qui  a  donné  le 
nom  au  village  d'Écully  (Equestris ,  Equilis);  la  topographie 
de  son  assiette  démontre  par  ses  ruines  et  ses  vestiges ,  dont 
il  est  facile  de  suivre  la  trace,  qu'il  y  a  présomption  légale  de 
l'existence  de  ce  camp. 

Aqueduc  de  la  Brévenne  (1). 

Cet  aqueduc  recevait  les  eaux  des  montagnes  de  l'ouest,  il 
recueillait  les  principales  sources  au-dessus  de  Stc.-Foy, 
l'Argentière  et  leurs  affluents;  il  passait  souterrainement 
sous  les  territoires  de  Courzieux  ,  Chevïnay,  Sourcieux,  Len- 
tilly ,  par  les  hameaux  de  Rivoire  et  de  La  Chaux,  passait  par 
la  déclivité  de  la  colline  ,  au  midi  de  la  tour  de  Salvagny,  au 
hameau  de  La  Passetière ,  à  celui  de  La  Beffe ,  sur  la  com- 
mune de  Dardilly  ;  de  ce  point ,  il  traversait  la  route  impé- 
riale de  Lyon  à  Roanne  et  arrivait  à  un  réservoir  de  chasse 
situé  au  midi  du  village  de  Dardilly ,  point  culminant  qui 
formait  l'embranchement  de  deux  vallons  :  l'un  au  nord,  ve- 
nant d'un  lieu  dit  Traîne-Cul  ;  l'autre  à  l'orient,  venant  du 
lieu  dit  Rue-Profonde. 

Entre  ces  deux  points  ,  d'orient  et  d'occident ,  il  suivait  la 
via  pubtica,  depuis  nommée  chemin  des  Roches.  La  chaussée 
de  cette  voie,  composée  de  pavés  de  grès  de  forte  dimension , 

(1)  M.  Delorrae  explique  qu'il  fut  établi  pour  prendre  les  eaux  delà 
Loire  ;  il  se  conduit  par  la  vallée  de  la  Brévenne,  Vaugneray,  Trézieux, 
Tassins  et  St.-Irénée.  C'est  évidemment  une  erreur. 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  459 

avait  2  mètres  80  centimètres  de  largeur  ;  elle  a  été  détruite 
en  1856. 

A  partir  du  réservoir  sus-énoncé  ,  le  conduit  suivait  le 
versant  oriental  du  ruisseau  des  Planches  et  se  dirigeait  sur 
l'arc  rampant  des  Massues ,  où  était  un  réservoir  de  fuite  qui 
conduisait  les  eaux  à  Trium-Fontium  sur  Lugdunum.  De  la 
vérification  des  lieux,  les  conséquences  sont  en  faveur  de  cette 
direction. 

Aqueduc   du  Tourillon. 

Cette  ligne  existe  sur  les  confins  des  communes  de  Tassins 
et  de  Craponne.  M.  Delorme,  dans  ses  Recherches  lues  à 
l'Académie  de  Lyon,  le  5  juin  1759,  explique  que  cet  aqueduc 
prenait  les  eaux  de  la  Loire,  et  passait  par  Vaugneray  et 
Grézieux  ;  la  différence  des  niveaux  rend  la  première  asser- 
tion impossible.  Divers  historiens  veulent  que  ces  ruines 
soient  les  restes  d'un  camp  romain.  M.  iMontfalcon  l'indique 
comme  le  lieu  où  était  assis  le  camp  de  Marc-Antoine,  (les 
deux  piles,  en  ruine,  sont  les  restes  du  réservoir  de  chasse 
qui  recevait  les  eaux  de  l'Iseron  et  des  sources  du  versant 
oriental  de  ces  montagnes.  Les  fondements  des  arcs  rampants 
existent  encore  en  partie  :  la  direction  est  sur  Lugdunum,  par 
la  partie  méridionale  du  plateau  des  Massues.  Un  propriétaire, 
au  levant  de  ce  réservoir,  m'assurait  qu'il  y  a  soixante  ans, 
dans  sa  propriété  sise  à  la  suite ,  on  avait  trouvé  une  grande 
quantité  de  tuyaux  de  plomb,  et  que,  sur  les  lieux  mêmes  de 
cette  trouvaille ,  les  paysans  les  avaient  fondus  en  saumons. 
Celte  ligne  arrivait  également  vers  Trium-Foniium*  et  sur 
un  point  plus  élevé  que  les  précédentes;  il  est  de  la  plus 
grande  évidence  que  cette  ligne  n'a  jamais  pu  être  liée  avec 
l'aqueduc  de  la  Brévenne,  ni  avec  son  aboutissant  par  l'arc 
rampant  actuel  des  Massues. 

11  y  a  dix  ans ,  je  visitai  ce  lieu.  Des  paysans  fouillaient 


660      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

le  sol  pour  le  cultiver  :  ils  trouvèrent  une  médaille  petit- 
bronze  ,  que  je  m'empressai  de  leur  acheter  ;  elle  représente 
Géta,  deuxième  fils  de  Sévère  ;  elle  est  d'un  très-beau  relief, 
d'une  patine  et  d'un  galbe  admirables. 

Je  m'aperçus  alors  que  l'assertion  de  M.  Flachéron,  qui  a 
constaté  le  vandalisme  destructeur  des  propriétaires  riverains, 
était  fondée  :  le  sol  était  jonché  de  blocailles  et  de  débris  de 
mortier. 

La  ligne  du  Rhône,  la  ligne  de  la  rive  gauche  de  la  Saône, 
ainsi  que  la  rive  principale,  l'aqueduc  de  Claude,  qui  portait 
les  eaux  au  forum  de  Fourvières ,  et  partait  du  Mont-Pilat , 
ont  été  supérieurement  décrites  (1)  :  1°.  par  M.  Delorme, 
dans  ses  Recherches  ;  2°.  dans  les  Lettres  sur  l'histoire  an- 
cienne de  Lyon,  par  M.  de  Penhouet,  1817  ;  3°.  par  M.  Fla- 
chéron ,  en  18^0  :  son  mémoire  très-détaillé ,  accompagné 
de  plans,  est  d'une  grande  importance,  quoique  renfermant 
quelques  erreurs. 

Après  ces  historiens,  je  craindrais  avec  raison  de  rester 
au-dessous  de  la  démonstration  analytique  de  cette  grande 
synthèse  relative  à  ces  lignes  importantes,  ainsi  qu'à  la  dé- 
monstration de  la  possibilité  de  leur  rétablissement,  qui  ne  me 
paraît  pas  réalisable.  Mais  il  y  a  un  point  qui  domine  cet 
ensemble  de  ruines  :  c'est  celui  de  leur  conservation  qui 
est  généralement  réclamée. 

Dans  la  séance  de  la  Société  française  d'archéologie  tenue 
à  Lyon,  en  1866,  M.  le  peintre  Richard  insista  beaucoup 
pour  qu'on  s'occupât  de  la  restauration  du  pont  de  Baussan. 
Depuis  cette  époque,  ce  vœu  est  resté  à  l'état  de  lettre- 
morte;  cependant,  une  réparation  dans  les  fissures  est  des 
plus  nécessaire  pour  la  conservation  de  ces  beaux  restes  : 
elle  empêcherait  leur  ruine  totale. 

(1)  Colonia,  Lyon  1701. 


0 


ST 


a.  lourde 

I    o 


ZaJ, 


vdiilii\ 


Tfou/e 


i\ESTITYTION  *  DES  *  AQVEDVCS  *  AV*.  S?*0S^  DE  *  LYON* 


itau 


\      SUitMM    Bouc    Al    .:Tlvn,t     ô'©i 
AT  (JDeuccUw*   fiatu    Ou   JlJtonl    AC\ 

C      .1  iumc     âu      l'Vuti  L  UHt  . 
Il     HtflM      A-     'Aùt 
Itv'.tut      A:      f&owU 
D     «  Vuit     A:        V 

K    ^  vuL   t1  evuttn   a    t*i    touclu 
A*    UfoOMM    a     C  Un'n»      \<:vt 

F    lfotJ£>vwvt    ùi     £&aéù£     au     JxXaMffÀ 

'.Av^-n-vit     tV    liuK-     A     U \i-uliUi| 

CHASSELAY 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  661 

Je  viens  donc  corroborer  cette  description  par  nn  fait  de 
destruction  que  ,  par  respect  pour  ces  ruines  antiques ,  on 
aurait  dû  éviter.  Le  mardi  26  décembre  1866,  sur  l'em- 
placement de  la  porte  des  fortifications  actuelles,  dites  de 
Fourvièrcs ,  le  génie  militaire  procéda  ,  par  la  sape  ,  à  la 
destruction  de  la  pile  du  réservoir  de  faîte  du  pont-aque- 
duc de  St.  -Irénée  ,  sur  le  plateau  de  Fourvières.  Cette  pile 
s'est  coucbée  dans  le  fossé  de  la  Courtine  :  elle  s'est  divisée 
en  trois  sections,  séparées  par  des  rangées  de  six  carreaux 
de  60  centimètres  de  face,  et  entre  cbaque  épaisseur  de  reti- 
culatum  de  1  mètre  60  centimètres  restées  intactes.  On  se 
demande  si  ce  beau  reste  d'aqueduc  ne  valait  pas  la  peine 
que  l'on  transportât ,  de  quelques  mètres  à  droite,  celte  porte 
de  Fourvières. 

Il  est  de  fait  que  les  restes  des  aqueducs  sont  la  propriété 
de  l'État  :  je  viens  donc  aujourd'hui ,  devant  la  Société 
française  d'archéologie,  renouveler  le  vœu  de  1866  pour  que 
l'on  veuille  bien  s'occuper  de  leur  réparation;  et  attendu  que 
les  ruines  du  pont  d'Écully  sont  fermées  muralement  et  ne 
sont  point  abordables  pour  le  public ,  je  demande  que  l'au- 
torité ,  comme  elle  L'a  fait  pour  la  ligne  de  Pilât ,  veuille 
bien   prendre  cette  ligne  du  Mont-d'Or  sous  sa  protection. 

Le  Congrès,  consulté,  émet  ce  vœu  et  charge  M.  le  Secré- 
taire d'en  faire  parvenir  l'expression  à  M.  le  Ministre  d'État 
et  à  M.  le  Sénateur-Préfet  du  Rhône. 

M.  Carraut  ajoute  que  les  piliers  encore  debout  de 
l'aqueduc  de  Bonnant  auraient  pu ,  à  peu  de  frais ,  être  par- 
faitement maintenus,  et  qu'ils  courent  de  grands  dangers. 

M.  Martin-Daussigny ,  ayant  obtenu  la  parole,  présente 
une  indication  sommaire  de  l'importance  de  la  collection  épi- 
graphique  du  Musée  de  Lyon  et  de  son  intérêt  au  point  de 
vue  historique. 


^62  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 


NOTE  DE  M.   MARTIX-DAUSSIGNY. 

La  collection  épigraphique  du  Musée  de  Lyon  est  regardée 
généralement  comme  l'une  des  plus  belles  de  l'Europe,  non- 
seulement  par  le  nombre  de  ses  monuments,  mais  encore  par 
leur  importance  historique.  Les  savantes  dissertations  de 
MM.  Léon  Renier,  de  Boissieu  et  Artaud,  son  fondateur,  ont 
pu  faire  juger  du  parti  qu'on  en  pourrait  tirer  pour  l'histoire 
de  notre  ville  à  l'époque  gallo-romaine.  Les  différentes  ma- 
gistratures qui  y  sont  désignées,  les  usages  qu'elle  fait  con- 
naître, les  personnages  éminents  qui  y  sont  cités,  les  fonc- 
tions qu'ils  ont  remplies ,  les  honneurs  qui  leur  ont  été 
rendus,  y  étant  men lionnes,  doivent  nous  la  faire  considérer 
comme  devant  occuper  le  premier  rang  parmi  nos  richesses 
archéologiques. 

Nos  inscriptions  antiques  peuvent  être ,  aux  yeux  des 
archéologues ,  comme  les  pages  éparses  d'un  livre  écrit  par 
nos  ancêtres  pour  perpétuer  le  souvenir  de  leur  grandeur  , 
et  nous  initier  aux  détails  intéressants  de  leur  administration 
religieuse,  civile  et  militaire. 

Je  n'ai  point  l'intention  d'entrer  dans  des  dissertations 
épigraphiques  sur  telle  ou  telle  inscription ,  me  réservant  de 
traiter  ces  questions  difficiles  dans  la  visite  que  le  Congrès 
se  propose  de  faire  aujourd'hui  à  ces  monuments  précieux. 
Je  me  bornerai ,  pour  le  moment ,  à  mettre  sous  ses  yeux  le 
tableau  abrégé  des  magistratures,  dignités,  charges  et  fonc- 
tions inscrites  sur  une  grande  partie  de  ces  restes  d'une  ci- 
vilisation qui  a  laissé  des  souvenirs  impérissables. 

On  trouve  dans  notre  Musée  épigraphique  : 

Inscriptions  dédiées  à  des  divinités 26 

Prêtres  qui  y  sont  désignés '26 


XXIX".    SESSION,    A  LYON.  463 

Sévirs  augustaux 23 

Inscriptions  commémoratives  de  sacrifices ,  dont  cinq  tau- 

roboles 6 

Ex-voto 11 

Monuments  où  il  est  fait  mention  de  YOrdo  scmctissimus 

ou  amplissimus h 

Dignitaires  :  empereurs,  sénateurs,  chevaliers 9 

Magistratures  relatives  aux  impôts 6 

Judices  arcae  Galliarum 2 

Alleclores  Galliarum 2 

Inquisitores  Galliarum 3 

Centonaires à 

Magistrature  quinquennale 1 

Décurions 5 

Procurateurs 8 

Quindécemvir 1 

Légats  de  l'Empereur 2 

Duumviri U 

Questeurs 2 

Préfets 2 

Concierge  des  prisons 1 

Préposé  aux  études  de  l'Empereur 1 

Propréteur 1 

Proconsul 4 

Présidents 3 

Magistri  (un  d'eux  magister  pagi) 2 

Logista  thymelse  (contrôleur  des  spectacles) 1 

Militaires  de  différents  grades U3 

Corporations  et  métiers 33 

On  y  compte  quatre  tribus  différentes  : 

Galeria 4 

Quirina 6 

Palatina * 

Aniensis 1 

Famille  romaine 1 


464.  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

On  y  trouve  les  noms  de  : 

Corniculaires 4 

Graveurs  de  caractères  ou  lapicides 2 

Joueur  de  flûte  sacré  ;  trois  fois  répété). 1 

Patrons 5 

Affranchis 41 

Esclaves 3 

Gladiateur 1 

Inscriptions  mentionnant  des  dons 5 

Statues  décernées û 

Noms  des  différents  peuples  ou  villes  qui  y  sont  cités  : 

Trêves 5 

Cahors 1 

Segusiave 1 

Vennandois ,  i 

Bituriges  Cubi  (Bourges) 6 

Voconces 2 

Séquaniens 2 

Lugdunum (  7 

Colonie  Trajane 1 

Carthaginois 1 

Soissons 1 

Campanien ,  i 

Arvernes 3 

Batave. 1 

Beims 2 

Cologne. 2 

Naples 1 

Alexandrie 1 

Carnute 1 

Lucques 1 

Condat  (à  Lugdunum) I 

Tricastini. . . 2 


XXIX*.    SESSION  ,   A   LYON.  465 

Rome 

Véliocasse 

Germanie 

Circe 

Éduens ,      2 

Ionien 

Toscan 

Grecque 

Poitou 

Bituriges  Viviscorum  (Bordeaux) 

Triboci 

Mediomatrix 

Petrucorii  (celui-ci  est  présumé) 

Inscriptions  dédiées  par  les  trois  provinces  des  Gaules.  .     .     \lx 

Celles-ci  ont  une  très-grande  importance,  parce  qu'elles 
sont  honorifiques  et  pour  la  plupart  dédiées  à  des  prêtres  de 
Rome  et  Auguste,  ainsi  qu'à  des  députés  envoyés  à  Lug- 
dunum,  à  certaines  époques,  pour  traiter  des  questions  rela- 
tives au  culte  des  divinités  augustales. 

Je  ne  citerai  pas  au  nombre  des  monuments  épigraphiques 
la  Taule  de  Claude  :  ce  bronze  hors  ligne  est  tellement 
exceptionnel  et  si  connu  qu'il  n'est  pas  besoin  de  rappeler , 
ainsi  que  l'a  dit  M.  de  Boissieu ,  que  la  fameuse  harangue  de 
l'Empereur  n'est  point  en  faveur  des  Lyonnais,  déjà  en  pos- 
session de  l'honneur  réclamé  par  Claude  pour  la  Gaule- 
Chevelue,  mais  bien  pour  la  province  tout  entière. 

Parmi  les  inscriptions  les  plus  précieuses  de  notre  collec- 
tion ,  je  placerai  celle  dédiée  à  Sabinius  Aquila  ,  surnommé 
Timésithée,  beau-père  de  l'empereur  Gordien  III,  et  qui  , 
après  la  dédicace  de  cette  inscription  ,  fut  nommé  préfet  du 
Prétoire. 

Ce  monument  curieux,  découvert  en  1669,  dans  la  rue 
Mercière,  par  le  P.  Ménestrier,  nous  signale  l'impôt  du  ving- 

30 


ftfi6  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

tième  sur  les  héritages  et  sur  l'affranchissement  des  esclaves, 
ainsi  que  l'impôt  du  quarantième  sur  les  marchandises  im- 
portées ou  exportées. 

Il  y  est  aussi  fait  mention  de  l'expédition  sacrée  com- 
mandée par  l'Empereur  en  personne ,  et  de  la  rentrée  des 
impôts  d'approvisionnement  pour  cette  expédition  ,  qui  eut 
lieu  en  Syrie  et  en  Palestine. 

Cette  inscription  est  la  seule  de  notre  musée  où  il  soit 
question  de  la  charge  de  contrôleur  des  spectacles  à  Rome 
(logista  ihymelœ). 

Le  monument  élevé  à  Caius  Celsus  ,  faisant  mention  ,  ainsi 
que  celui  de  Sabinus  Aquila  ,  de  l'impôt  du  vingtième  sur 
les  héritages  à  Rome  et  dans  les  provinces  narbonnaise  et 
d'Aquitaine,  est  aussi  un  des  plus  remarquables  de  notre 
collection  épigraphique. 

Nous  devons  également  une  mention  particulière  à  l'in- 
scription dédiée  à  Diane  par  C.  Gentius  Olillus,  en  l'honneur 
du  Pagus  Condali,  c'est-à-dire  du  confluent.  Ce  monument 
est  celui  qui  a  inspiré  à  M.  de  Boissieu  des  réflexions  fort  ju- 
dicieuses ,  et  à  M.  Auguste  Bernard  l'idée  que  le  temple  ou 
l'autel  d'Auguste  n'était  pas  à  Ainay  :  le  nom  de  confluent 
devant  être  donné,  à  partir  du  pied  de  la  colline  St. -Sébas- 
tien ,  à  l'ensemble  de  tous  les  points  de  rencontre  de  nos  deux 
fleuves. 

L'inscription  de  Julia  Salica  et  l'autel  élevé  aux  divinités 
augustales  par  Tiberius  Claudius  Genialis  sont  aussi  des  mo- 
numents précieux  en  ce  que,  trouvés  sur  leur  lit  de  pose,  et 
le  premier  faisant  partie  d'un  hémicycle  considérable,  ils  ont 
été  les  indices  du  voisinage  de  l'autel  d'Auguste  avec  l'am- 
phithéâtre. 

Nous  pouvons  citer  aussi  comme  très-importante  la  pierre 
sur  laquelle  est  gravée  en  toutes  lettres  le  mot  Segusiavo  , 
qui  nous  a  donné  le  nom  véritable  du  peuple  gaulois  habitant 
notre  pays  lors  de  la  conquête  de  César 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  467 

1,08  inscriptions  n°\  120  et  807  sont  aussi  très-remar- 
quables  en  ce  qu'elles  offrent  des  accents  sur  quelques  syllabes. 
Les  réflexions  que  cette  particularité  pourrait  suggérer  seront 
mieux  exposées  et  débattues  plus  clairement  lorsque  nous 
serons  en  présence  des  monuments  :  elles  pourront  donner 
lieu  à  quelques  dissertations  intéressantes. 

Le  Musée  épigraphique  possède,  sous  les  n°\  516  et  973, 
deux  monuments  dont  l'importance  doit  être  fort  grande  , 
mais  ne  peut  être  appréciée  complètement  dans  l'état  de  mu- 
tilation où  ils  ont  été  trouvés.  Ce  sont  deux  listes  de  noms 
dont  nous  ne  pouvons  comprendre  la  valeur,  ne  sachant  s'ils 
ont  appartenu  à  des  magistrats  ou  à  des  membres  de  quel- 
que corporation.  Il  est  à  remarquer  que  toutes  deax  ont  été 
trouvées  sur  le  bord  de  la  rive  droite  de  la  Saône,  à  des  dis- 
tances très-éloignées  l'une  de  l'autre ,  et  qu'elles  n'appar- 
tiennent pas  à  la  même  pierre. 

Je  me  bornerai,  Messieurs,  à  ces  indications  sommaires: 
de  plus  nombreuses  et  plus  longues  citations  seraient  inu- 
tiles ici  ;  il  faudrait,  d'ailleurs,  les  répéter  devant  les  monu- 
ments dont  la  présence  est  nécessaire  pour  se  livrera  des  dis- 
sertations qui  exigent  un  certain  développement ,  et  traiter 
des  questions  importantes  qui  intéressent  à  un  haut  degré 
l'histoire  de  notre  ville. 

J'ai  l'honneur  d'inviter  Messieurs  les  Membres  du  Congrès 
à  vouloir  bien  se  réunir  sous  les  arcades  du  PaLiis-des-Arls, 
afin  de  visiter  notre  Musée  épigraphique. 

La  séance  est  le\ée  pour  être  reprise  à  une  heure. 

Le  Secrétaire, 

P.  C.  de  Chizy. 


468  CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE   DE  FRANCE. 

2e.  Séance  du  19  septembre- 
Présidence  de  M.  de  Caomont. 

Le  Congrès  se  réunit  sous  les  arcades  du  palais  St. -Pierre, 
et  M.  Martin-Daussigny  lui  fait  parcourir  la  magnifique  col- 
lection de  monuments  épigraphiques ,  qu'il  a  beaucoup  aug- 
mentée de  ses  propres  découvertes. 

Voici  quelques  explications  données  par  M.  Martin- 
Daussigny  aux  membres  du  Congrès ,  pendant  la  visite  du 
Musée. 

L'honorable  membre  s'est  exprimé  ainsi  : 

Messieurs, 

Plusieurs  ouvrages  remarquables  ayant  parlé  de  notre 
musée  épigraphique ,  la  plupart  de  ses  monuments  doivent 
être  connus  de  vous.  Je  ne  chercherai  donc  à  fixer  votre 
attention  que  sur  ceux  qui  en  paraîtront  le  plus  dignes 
et  dont  la  découverte  est  récente.  Par  ce  moyen ,  j'éviterai 
de  vous  faire  perdre  un  temps  précieux,  et  je  ne  profiterai 
de  la  bienveillante  attention  dont  vous  voulez  bien  m'ho- 
norer,  que  pour  porter  à  votre  connaissance  des  réflexions 
qui  n'ont  pas  encore  été  publiées. 

Je  commencerai  par  une  rectification  que  j'ai  faite  sur 
l'inscription  n°.  1. 

Ces  erreurs ,  provenant  d'une  coloration  rouge  inexacte , 
ont  échappé  à  tous  les  archéologues  qui  ont  écrit  sur  notre 
musée  lapidaire. 

Jusqu'à  ce  jour ,  le  commencement  de  celte  belle  in- 
scription avait  été  lu  ainsi  : 

Dits  Manibus  et  mémorise  tëternce  Secundi  Octavi  Treveri 
acerbissima  morte  defuncti,  qui,  cum  ex  incendio  seminudus 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  469 

effugisset,  posthabita  cura  salutis,  dum  aliquid  è  flammis 
eripcrc  conatur,  ruina  parielis  opprcssus  natura >  socialcm 
spiritum  corpusquc  origini  rcddidit,  etc. 

Les  épigraphistes  sérieux  ,  M.  de  Boissieu  entr'autres ,  se 
demandaient  comment  il  pouvait  se  faire  qu'on  eût  [dédié 
une  inscription  si  élogicuse  et  en  termes  si  pompeux  à  un 
homme  qui  avait  péri  d'une  manière  bien  malheureuse  sans 
doute,  mais  pour  un  motif  assez  vulgaire. 

Si  ces  savants  avaient  visité  avec  attention  le  texte  antique, 
ils  auraient  vu  que  la  lettre  D  du  mot  aliquid  n'avait  pas  la 
forme  de  ses  pareilles  sur  ce  monument  ;  ils  auraient  re- 
marqué qu'elle  était  trop  voisine  de  l'E  suivant ,  et  que, 
chaque  mot  étant  séparé  par  un  point ,  il  n'y  aurait  pas  eu 
la  place  de  l'indiquer  ici  ;  enfin ,  que  la  lettre  D  était  une 
trieur  de  celui  qui  avait  peint  ou  vermillonné  l'inscription. 
Ils  auraient  lu  alors,  très-distinctement  gravé,  le  mot  aliquii, 
le  D  n'étant  qu'en  peinture. 

Cette  différence  fait  comprendre  de  suite  ce  qui  a  motivé 
la  dédicace  de  ce  monument:  c'est  que  Secundus  Octavus, 
au  lieu  d'avoir  péri  en  voulant  arracher  quelque  chose  aux 
flammes,  avait  été  victime  de  son  dévouement  en  s'efforçant 
de  sauver  quelques  personnes. 

On  conçoit  alors  l'admiration  que  dut  exciter  un  homme 
qui ,  à  peine  échappé  à  une  mort  terrible ,  s'y  expose  de 
nouveau  par  un  mouvement  de  générosité  sublime,  et  périt 
en  s'efforçant  de  sauver  ses  semblables. 

Je  sais,  Messieurs,  que  le  mot  aliquii,  qui  est  incon- 
testablement gravé,  ainsi  que  vous  le  voyez,  et  même  suivi 
d'un  point,  est  une  faute,  et  qu'il  faudrait  ici  aliquos.  Mais 
cette  faute  n'empêche  pas  de  comprendre  la  véritable  in- 
tention de  ceux  qui  ont  élevé  ce  monument  ;  tandis  que  le 
mot  aliquid  enlevait  une  partie  de  l'intérêt  (pue  doit  inspirer 
la  belle  action  de  Secundus  Octavus. 


&70      CONGRÈS  ARGHÉOlQGlQUE  DE  FRANCE. 

Le  n°.  17,  que  voici,  est  très-remarquable  par  les  ex- 
pressions passionnées  qu'un  mari  emploie  à  l'égard  de  sa 
femme  que  la  mort  lui  a  enlevée  : 

Conjugi  keirissimee  et  pientissimee  castissimee,  conservatrici 
meee  pientissimee ,  fortunée  presenti,  quee  milii  nulleim  con- 
tumeliam  nec  anhni  letsioncm  fecit  ;  ejuee  mecum  vixit  in 
matrimonio  annîs  XVIII,  eli  bus  XX,  sine  nllei  leesitra  nec 
attirai  rneî  offensionc ,  guet ,  elum  ego  in  peregre  creim,  subita 
morte  die  tertio  mihi  erepta  est. 

Rien  n'est  plus  touchant;  on  se  sent  forcé  de  s'associer 
à  la  douleur  de  l'auteur  de  ce  langage. 

C'est  une  des  très-rares  inscriptions  sur  lesquelles  les 
circonstances  de  la  mort  soient  citées. 

En  passant  devant  le  n°.  987  ,  j'appellerai  sur  lui  l'atten- 
tion des  membres  du  Congrès.  Cette  meule  de  moulin,  à 
double  entonnoir,  rappelle  celle  que  l'on  voit  encore  en  place 
à  Pompéï.  Elle  devait  reposer  sur  une  autre  pierre  conique, 
la  remplissant  exactement  jusqu'à  la  partie  la  plus  étroite. 
L'entonnoir  supérieur  recevait  le  grain;  la  pierre,  tournant 
sur  elle-même,  était  mise  en  mouvement  par  le  moyen  de 
deux  pièces  de  bois  ajustées  dans  les  deux  cavités  ménagées 
à  cet  effet.  C'est  sans  doute  une  meule  de  ce  genre  (pie 
Samson  ,  aveugle ,  fut  obligé  de  tourner  chez  les  Philistins. 
Le  Musée  possède  d'autres  moulins  de  petite  dimension. 
Celui  ci  est  le  seul  à  entonnoir  qu'on  ait  jamais  trouvé  à 
Lyon. 

Le  torse  antique  en  marbre  qui  est  à  côté,  sous  le  n°.  875, 
est  d'une  très-belle  époque  :  c'est  celui  de  la  statue  d'un 
berger.  Il  a  été  trouvé  sur  la  colline  de  Fourrières ,  non  loin 
du  palais  des  Empereurs. 

Sous  le  n°.  26,  nous  voyons  le  plus  riche  sarcophage  que 
le  Musée  possède.  Il  a  été  trouvé  à  côté  de  l'église  de  Sl.- 


XXIW    SESSION,    A    LYON.  kl\ 

Irénéc  et  représente  le  triomphe  de  liacchus  à  son  retour  de 
la  conquête  de  l'Inde. 

Ce  bas-relief,  d'un  style  de  décadence,  est  fouillé  avec 
beaucoup  d'adresse  et  d'habileté  de  main.  Il  est  tellement 
maniéré  que  les  animaux  ont  une  forme  tout-à-fait  de  con- 
vention et  presque  héraldique. 

Au-dessus  de  ce  monument ,  nous  voyons  la  Table  de 
Claude,  trouvée  à  Lyon,  à  deux  cents  pas  des  ruines  de 
l'amphithéâtre.  Ce  monument  est  le  plus  précieux  du  Musée. 
Je  ne  rappellerai  pas  ce  qu'on  en  a  dit ,  mais  je  puis  an- 
noncer au  Congrès  que  j'ai  le  plus  grand  espoir  de  disposer 
bientôt  ce  monument  dans  une  place  plus  convenable. 

L'inscription  n°.  717,  dédiée  à  Caius  Julius  Celsus ,  li- 
bellis  et  censibus  procurator  ,  nous  fait ,  en  cela  ,  connaître 
une  charge  dont  elle  offre  le  seul  exemple  dans  notre  Musée. 
Le  mot  de  procurator  UbeUis  pourrait  être  traduit  par 
maître  des  requêtes.  Celsus  commença  par  être  curateur  de 
la  voie  Lignaria  et  Triomphale  ,  puis  il  fut  directeur  du  re- 
crutement militaire  chez  onze  peuples  de  l'Aquitaine  ,  ensuite 
intendant  du  vingtième  des  héritages  dans  les  provinces  nar- 
bounaise  et  de  l'Aquitaine,  intendant  de  la  Villeneuve  et  du 
mausolée  d'Alexandrie,  procurateur  du  vingtième  sur  les  hé- 
ritages à  Rome,  et  enfin  procurateur  des  provinces  Lyonnaise 
et  de  l'Aquitaine. 

Sur  un  des  angles  de  cette  pierre  est  une  autre  inscription 
de  quelques  lignes  et  qui  a  un  certain  intérêt.  Llle  est  dédiée 
à  Caius  Julius  Celsus  Maximianus,  fils  de  celui  dont  nous  ve- 
nons de  parler,  et  âgé  de  quatre  ans ,  élu  dans  l'ordre  le  plus 
élevé  (amplissimum  ordinem)  par  ordre  de  l'empereur 
Adrien. 

Ce  titre,  donné  à  un  enfant  en  bas -âge,  ne  pouvait  être 
qu'honorifique.  Vordo  ampLissimus  devait  être  le  sénat. 
Cependant   nous  voyons,  au    n°.   496,    ordo  sanctissimus 


472      CONÇUES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Lugdunensis.  Il  n'y  avait  pas  de  sénat  à  Lyon  ;  ce  dernier 
paraît  être  un  collège  de  prêtres  ,  et  probablement  celui  des 
prêtres  augustaux  (1). 

Ce  monument,  dédié  par  un  affranchi  de  l'Empereur  et 
contrôleur  des  mines  de  fer,  est  un  des  plus  précieux  du 
Musée. 

L'inscription  n°.  971  n'a  de  remarquable  que  le  mélange 
de  lettres  grecques  avec  les  lettres  latines ,  ce  que  l'on  voit 
par  le  mot  belvvivs. 

Le  n°.  853  est  dédié  genio  splendidissimi  corporis  fa- 
brorum  tignarumque  ariificum  et  tectorwn  ,  etc.,  par  Clau- 
dius  Myron.  Ce  morceau  curieux  n'est  qu'une  partie  de  l'en- 
tablement d'un  portique  devant  entourer  un  champ  de  repos. 
Le  verso  de  cette  pierre ,  n°.  854  ,  se  trouvant  sans  doute  en 
dedans,  porte  les  restes  d'une  inscription  qui  paraît  n'être 
autre  chose  qu'un  contrat  désignant  les  conditions  qu'il  fal- 
lait que  le  membre  de  la  corporation  eût  remplies  pour  y 
avoir  droit  de  sépulture. 

La  seconde  ligne  de  ce  fragment  se  fait  remarquer  par 
une  particularité  assez  étrange:  c'est  un  intervalle  de  10  à 
12  centimètres  qui  sépare  en  deux  le  mot  habitatio.  Cet  es- 
pace a  été  laissé  par  le  graveur  à  cause  d'une  cassure  très- 
profonde  que  présente  la  pierre.  Nous  trouverons  au  Musée 
plusieurs  exemples  de  ce  genre,  dont  l'un  a  donné  lieu  à  des 
dissertations  sans  fin  et  a  des  conjectures  qui  viennent  de 
s'évanouir  en  présence  du  monument. 

Tout  à  côté  cette  double  inscription  se  voit  une  petite 
pierre,  n°.  549  ,  dédiée  au  génie  de  Claudius  Myron. 

Le  n".  973  est  un  fragment  dont  nous  ne  pouvons  com- 
prendre l'importance  dans  l'étal  de  mutilation  où  il  nous  est 
parvenu.  Il  est  impossible  de  savoir  à  quelle  magistrature  ap- 

(1)  On  lit  aussi,  sur  l'inscription  n°.  120  :  Ordo  civitatis  swc. 


XXIX*.   SESSION,    A   LYON.  473 

partiennent  ces  noms  dont  il  nous  donne  la  liste.  Toutes  nos 
recherches  pour  le  compléter  sont  restées  sans  résultat. 

Sous  le  n°.  969,  nous  voyons  un  monument  épigraphiquc 
remarquable  par  la  beauté  et  la  richesse  des  caractères.  Il  a 
été  trouvé  sous  une  maison  démolie  nouvellement,  à  l'angle 
des  rues  Pizay  et  de  l'Impératrice. 

Cette  inscription  ,  dédiée  à  Pompeius  Sanctus  ,  de  la  tribu 
Quirina,  fils  de  Pompeius  Libo ,  prêtre  et  petit-fds  de  Pom- 
peius Sanctus,  nous  rappelle  celles  de  Périgueux,  mentionnées 
dans  les  Antiquités  de  Vésone.  L'une  d'elles  parle  d'un  Pom- 
peius Libo  sacerdos  arensis. 

Ce  mot  arensis  ne  nous  paraît  pas  avoir  été  interprété 
d'une  manière  complètement  satisfaisante. 

Un  très-savant  épigraphiste  a  cru  pouvoir  le  traduire  par 
ad  aram,  et  présumer  que  PompeiusjLibo  était  un  prêtre 
d'Auguste.  L'inscription  que  nous  avons  sous  les  yeux  serait 
alors  dédiée  au  fils  d'un  prêtre  d'Auguste;  quant  au  mot 
PUBLICE  écrit  au-dessous  en  lettres  colossales  ,  il  appartient 
à  une  dédicace  générale. 

La  grande  quantité  d'inscriptions  trouvées  à  Périgueux,  et 
portant  le  nom  de  Pompeius,  nous  ferait  penser  que  cette  fa- 
mille en  était  originaire ,  et  que  noire  Pompeius  Sanctus 
pourrait  bien  avoir  été  à  Lugdunum  un  des  représentants  des 
habitants  de  son  pays ,  et  envoyé  ,  lors  des  grandes  réunions 
tenues  dans  notre  ville  au  mois  d'août.  Si  cette  conjecture 
était  vraie  ,  nous  devrions  lire  au-dessous  : 

Petrucor'd  publiée. 

Une  inscription  qui  précède,  et  gravée  sur  la  même  pierre, 
a  été  dédiée  à  sa  fille. 

Les  fragments  de  marbre  portant  les  n0'.  865  ,  866  867  , 
868,  869,  870,  871,  874,  878,  879,  880,  881,  8  :',  883, 
proviennent  d'une  fouille  laite  sur  la  rive  gauche  du  Rhône  au 


hlk  COKGKÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANGE. 

lieu  dit  du  Moulin-à-Vent.  Parmi  ces  marbres,  le  n°.  865 
est  tellement  bizarre  que  ,  sans  la  mosaïque  et  le  n°.  87k, 
trouvés  en  même  temps,  on  serait  tenté  de  le  regarder  comme 
un  caprice  du  XYP.  siècle. 

L'inscription  n°.  66  doit  fixer  notre  attention  par  les  mots 
qui  la  terminent  :  sub  ascia  faciendum  cwaverunt;  ce  n'est 
plus  ici  la  formule  ordinaire  :  sub  ascia  dedicaverunt.  Le  mot 
faciendum  est  remarquable  ,  parce  qu'il  viendrait  à  l'appui 
de  l'explication  que  Reinezius  et  M.  de  Boissieu  ,  après  lui , 
ont  donnée  de  la  consécration  sub  ascia. 

Plusieurs  auteurs  ont  vu  dans  Y  ascia,  qui  figure  sur  presque 
tous  les  monuments  funèbres  de  Lugdunum  ,  un  instrument 
destiné  à  nettoyer  la  terre  d'une  tombe  et  à  en  arracher  les 
herbes  qui  y  croissent.  Muratori,  entr'autres,  ne  voit  dans 
Y  ascia  qu'une  doloire  ou  une  pioche  destinée  au  nettoiement 
des  sépultures  ,  et  sa  figuration  sur  nos  tombeaux  comme  un 
ordre ,  une  invitation  aux  parents ,  aux  amis ,  de  les  entre- 
tenir dans  un  état  de  propreté  convenable. 

Reinezius  considérait  Y  ascia  comme  un  instrument  de  tra- 
vail ,  et  ,  sachant  que  les  anciens  tenaient  beaucoup  à  avoir 
un  tombeau  neuf,  il  a  pensé  que  dedicare  sub  ascia  signifiait 
le  consacrera  la  personne  avant  qu'il  fût  terminé,  c'est-à- 
dire  pendant  qu'il  était  encore  sous  l'instrument  de  l'ouvrier. 

Dedicare  sub  ascia  ne  serait  doue  plus  une  formule  reli- 
gieuse ,  mais  une  glorification  d'avoir  un  tombeau  neuf. 

La  découverte  d'ascias  en  fer  semble,  venir  à  l'appui  de  ce 
système.  On  en  conserve  une  d'une  grande  dimension  à 
Lons-le-Saulnier  ,  et  M.  le  Conservateur  du  musée  de  cette 
ville  a  eu  la  bonté  de  m'en  envoyer  un  dessin  très-exact,  dans 
lequel  on  reconnaît  parfaitement  un  instrument  à  travailler 
la  pierre  et  surtout  à  mettre  la  dernière  main  à  cette  opération  ; 
enfin,  à  le  finir  et  perfectionner.  Ce  serait,  en  quelque  sorte, 
le  polissoir  du  tailleur  de  pierres. 


XXIXe.    SLSSION,   A   LYON.  ft75 

Depuis  quelques  jours ,  le  musée  de  Lyon  possède  une 
asria  de  petite  dimension  et  à  lame  très-courte.  Quoique 
moins  caractérisée  que  celle  de  Lons-le-Saulnier,  par  le  peu 
de  longueur  de  la  lame,  il  n'est  pas  possible  de  s'y  mé- 
prendre. 

Les  anciens  employaient  le  mot  d'ascia  pour  désigner 
plusieurs  instruments.  Ainsi ,  Vitruve  dit  que  la  chaux  est 
à  point  pour  l'employer  lorsque ,  en  la  pressant  avec  Vascia  , 
elle  offre  un  poli  complet.  Il  est  évident  qu'il  n'est  point 
question  ici  de  l'ascia  du  tailleur  de  pierres ,  mais"  de  celle 
du  maçon.  Ce  serait  alors  la  truelle  ordinaire,  ou  peut-être 
même  la  grande  truelle  recourbée,  nommée  encore  de  nos 
jours  ascie  et  avec  laquelle  les  manœuvres  mêlent  la  chaux 
et  la  sable  pour  le  mortier. 

Asciare ,  chez  les  anciens,  paraît  aussi  signifier  l'action 
de  commencer  un  travail.  Plaute  a  dit  :  Jam  opus  est  exas- 
ciatum , 

L'ascia  figuré  sur  nos  monuments  doit  être  un  des  in- 
struments du  tailleur  de  pierre.  Saint  Jérôme  ayant  dit,  eu 
parlant  de  Vascia  :  Genus  ferramenti  quo  lapides  dolaniur, 
il  ne  peut  plus  y  avoir  de  doute  (1). 

Le  monument  que  nous  avons  sous  les  yeux  semble  donc , 
ainsi  que  nous  l'avons  dit,  venir  à  l'appui  du  système  de  Rei- 
nezius ,  système  suivant  lequel  sub  ascia  faciendum  cara- 
verunt  signifierait  :  veillèrent  à  l'exécution  du  tombeau  et  le 
consacrèrent  pendant  qu'on  y  travaillait  encore. 

Les  fragments  de  marbre  que  nous  voyons  ici ,  sous  le 
n".  5hk,  ont  été  retirés  par  Artaud  des  ruines  de  l'am- 
phithéâtre, lors  des  fouilles  de  1820.  Les  restes  de  lettres 
de  grande  dimension  qu'on  y  remarque  sont  ceux  des  mots 
sévir  augustalis  ou  seviri  augnstales.  Cette  inscription  devait 

(1)  Voir  M.  de  Boissieu,  Inscri/Hions  nntiijiies,  p.  103  et  suiv. 


476      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

faire  partie  de  celles  qui ,  au  podium  de  l'amphithéâtre , 
désignaient  la  place  des  magistrats  de  ce  uom. 

Le  n°.  95,  dédié  à  Diane  et  à  Vulcain,  trouvé  dans  la  cave 
d'une  maison  située  en  face  de  l'église  de  St. -Pierre,  a  fait 
croire  à  Artaud  qu'il  devait  y  avoir  sur  ce  point  un  temple 
de  Vesta.  C'est  une  erreur  commune  à  bien  des  archéologues 
de  vouloir  tirer,  de  la  découverte  d'un  monument ,  la  con- 
séquence assurée  de  son  existence  au  même  lieu  à  l'époque 
romaine,  et  s'efforcer,  par  l'inspection  d'une  seule  pierre,  de 
vouloir  restaurer  tout  un  édifice.  Au  moyen-âge,  tous  les 
restes  antiques  ont  été  dispersés  et  employés  comme  maté- 
riaux dans  des  constructions.  A  moins  de  les  trouver  sur 
leur  lit  de  pose,  on  ne  peut  rien  affirmer. 

N°.  105.  Cette  inscription,  dédiée  à  Heraclidas  Maritimus 
Hermadion  par  Pudens  et  Maturus ,  ses  compagnons  d'es- 
clavage ,  est  la  seule  de  notre  inusée  qui  se  dislingue  par 
cette  particularité. 

Le  n°.  109  est  d'une  haute  importance.  Il  nous  donne 
le  véritable  nom  du  peuple  gaulois  qui  habitait  notre  pays 
à  l'époque  romaine.  Il  en  existe  un  autre  enclavé  dans  une 
maison  aux  environs  de  Lyon  ,  et  que  nous  espérons  pouvoir 
un  jour  réunir  à  celui-ci. 

L'inscription  que  nous  voyons  sous  le  n°.  120,  dédiée  à  Q. 
Julius  Severinus ,  inquisitor  Galliamm,  est  remarquable  par 
les  accents  placés  sur  certaines  syllabes,  et  en  ce  que  le  mot 
omnibus,  quoique  encore  très-visible,  a  été  cependant  effacé 
à  l'époque  romaine ,  sans  doute ,  parce  que  le  personnage 
n'avait  pas,  ainsi  que  le  dit  l'inscription,  passé  par  toutes  les 
différentes  charges. 

Q    .   IVLIO  SEVERINO 

SEQVANO    •  OMNIB 

HONORIBVS      •     IN 


XXIX*.   SESSION,  A   LYON.  477 

TER   •  SVOS   FVNCTO 
PATRONO    •  SPLENDI 
PISSIMI     .    CORPORIS 
N     •    RHODANICOR    •    ET 
ARAR    •  CVI   •  OR   •  INNOC 
MORVM   •  ORDO..CIVI 
TATIS   •  SVAE       BIS    •  STATVAS 
DECREVIT    •  INQVISITO 
RI    .  GALLIARVM    •  TRES 
PROVINCIJE   GALL 

Ces  accents ,  placés  en  général  sur  des  syllabes  longues , 
à  la  réserve  A'araricorum,  sembleraient  indiquer  que  dans 
la  prononciation  de  suce  et  provinciœ  l'a  et  Ve  se  prononce 
ensemble  comme  si  l'a  n'y  était  pas.  Nous  penchions  pour 
un  avis  différent  ;  mais  un  membre  du  Congrès  faisant 
remarquer  que  l'accent  est  sur  l'ensemble  des  deux  lettres, 
et  non  pas  sur  l'une  des  deux  ,  cela  prouve  qu'elles  doivent 
être  prononcées  ensemble  ;  nous  n'hésitons  pas  à  nous  ranger 
de  son  avis. 

Nous  voici  arrivés  à  l'arcade  XVI,  où  nous  avons  réuni 
toutes  les  inscriptions  chrétiennes  antiques  ;  elles  sont  au 
nombre  de  quarante. 

La  plus  importante  est ,  sans  contredit ,  le  n°.  908 ,  parce 
qu'il  nous  montre  que  le  titre  de  primicier,  primas  in  ta- 
bulis  cereis  scriptus ,  existait  déjà  dans  l'Église  de  Lyon  au 
Ve.  ou  VIe.  siècle.  Cette  inscription ,  découverte  et  publiée 
par  Spon ,  a  donné  lieu  à  des  dissertations  nombreuses. 
Perdue  de  nouveau  après  la  publication  du  savant  docteur, 
elle  a  été  retrouvée  par  nous,  il  y  a  peu  de  temps,  et  placée 
au  musée. 

Lorsque  Spon  copia  cette  inscription  ,  il  ne  se  rendit  pas 
compte  de  l'intervalle  qui  existe  entre  le  deuxième  E  et  l'N 


'l7S  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

du  mot  SERVIENS.  Apercevant  une  longue  cassure  sur  ce 
point,  il  crut  «i  des  lettres  mutilées  et  voulut  les  rétablir:  il 
écrivit  donc  SERVIET  .  IN  .  S  .  ECCLESIA.  D'autres 
archéologues  réfutèrent  cette  opinion  et  en  soutinrent  une 
autre  tout  aussi  erronée.  Enfin,  l'arrivée  au  Musée  du  mo- 
nument retrouvé  pour  la  seconde  fois  mil  fin  au  débat.  Il  fut 
démontré  que  l'intervalle  qu'on  s'était  efforcé  de  remplir 
devait  rester  vide  ,  ayant  été  laissé  ainsi  par  le  graveur  à 
cause  d'une  profonde  cassure  de  la  pierre.  On  comprit  que 
cette  cassure  n'est  pas  assez  large  pour  avoir  fait  disparaître 
les  lettres  qui  auraient  été  gravées  ,  et  qu'on  en  apercevrait 
parfaitement  les  restes. 

Ainsi,  sans  tenir  compte  de  l'espace  vide  laissé  par  le  lapicide 
à  cause  de  la  cassure ,  on  doit  lire  SERVIENS  ECCLESIAE. 
On  voit,  dans  notre  Musée  lapidaire,  deux  autres  exemples  de 
cette  particularité  :  ce  sont  les  n  s.  287  et  854,  déjà  cités. 

Le  n°.  145  est  la  pierre  tombale  de  Ponce  de  Vaux  ,  cus- 
tode de  l'église  de  Ste. -Croix  et  pénitencier  de  l'archevêque 
de  Lyon,  mort  en  1307. 

!  Une  contestation  s'étant  élevée,  en  1751,  entre  les  custodes 
de  Sle. -Croix  et  le  chapitre  de  St. -Jean,  qui  leur  contestait 
le  droit  de  juridiction  dans  leur  église ,  placée  à  côté  de  la 
cathédrale:  les  custodes  Paul-Timolhée  de  Laforest  et  S. -R. 
Desfrançois  ayant  découvert  cette  tombe  d'un  de  leurs  pré- 
décesseurs dans  l'église  de  St.-Irénée,  où  elle  allait  être 
brisée  ,  ainsi  que  venait  de  l'être  une  semblable ,  la  firent 
placer  dans  leur  église  comme  un  monument  de  la  légitimité 
de  leurs  prétentions.  L'acte  de  la  découverte  et  de  cette 
translation  lut  dressé  par  maître  Aubernon,  notaire  royal,  et 
gravé  sur  une  pierre  placée  au-dessus  et  que  nous  avons  fait 
rétablir. 

Ce  monument  curieux, sur  lequel  Ponce  de  Vaux  est  repré- 
senté donnant  la  discipline  à  un  ecclésiastique,  était  un  argu- 
ment sans  réplique  en  faveur  des  custodes. 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  679 

Le  nn.  868  est  un  sarcophage  taillé  dans  un  monument 
païen  dont  une  partie  était  déjà  brisée ,  et  de  manière 
que  l'inscription  fût  renversée.  Les  chrétiens  se  sont  souvent 
appropriés  des  tombes  païennes  pour  s'en  faire  des  sépultures. 

Le  n°.  160  est  un  des  plus  remarquables  de  notre  riche 
collection.  C'est  un  autel  taurobolique  ,  élevé  en  mémoire  du 
sacrifice  de  ce  genre  qui  fut  célébré  en  l'honneur  des  divinités 
augustales  et  de  la  colonie  copia  Claudia  Augusta  de  Lugdu- 
num  ,  sous  le  consulat  de  M.  L.  jElius  Aurelius  Commodus 
et  de  Marcus  Mura  Septimianus.  Après  la  mort  de  Commode, 
ses  statues  furent  brisées  et  son  nom  effacé  de  tous  les  mo- 
numents. Aussi  la  huitième  ligne  de  celte  inscription ,  rap- 
pelant sa  mémoire  ,  fut  détruite  avec  soin  ,  comme  nous  le 
voyons  ici. 

Le  joueur  de  flûte  Flavius  Reslitutus,  dont  il  est  ici  ques- 
tion ,  est  nommé  sur  deux  autres  monuments  du  même 
genre  :  les  n05.  227  et  320 

L'inscription  n°.  807  est,  ainsi  que  le  nn.  120  que  nous 
venons  de  voir  ,  très-remarquable  à  cause  des  accents  placés 
sur  quelques  syllabes  : 

D  M 

ET   •    QVIETI    .   AETERNAE 

1VLIAE    •    MAIIANAE    ■    FEMI 

NAE    .    SANCTISSIMAE    •   MANV 

MARITI    •     CRVDELISSIM    •    INTER 

FECT    •    QVAE    .    ANTE    •    OBIT    •    QVAM    •    FATVM 

DEDIT    •    CVM    .    QVO    •    VIX    •    ANN    •    XXVIII    -EX 

QVO    •    LIBER    .    PROGREAV    .    DVOS    •    PVERVM 

ANN    •    XIIII    •    PVELLAM    .    ANNOR    •    XVIII 

0    •    FIDES    •    O    •    PIETAS    •    IVL    •    MAIOR    •    FRA 

TER    •    SORORI    •    DVLCISS    •    ET    •    I...     ENVINIVS 

IANVARIVS    •    FIL    •    EIVS    .    P B.A.D 


480      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Ainsi  que  dans  le  n°.  120  ,  ces  accents  sonl  placés  sur  des 
syllabes  longues,  à  l'exception  du  mot  PROCREA  VIT,  dans 
lequel  la  syllabe  accentuée  est  brève.  Les  terminaisons  en 
AE  sont  marquées  d'un  accent  qui  doit  avoir  la  même  signi- 
fication dont  nous  avons  parlé  au  n°.  120  ,  c'est-à-dire  que 
les  deux  lettres  doivent  se  prononcer  en  même  temps. 

Le  n°.  181  ,  dédié  à  Minthatius  Vitalis,  marchand  de  vins, 
nous  apprend  que  ce  genre  de  commerce  était  établi  à  Lyon 
dans  le  quartier  nommé  Kanabis. 

La  découverte  de  cette  inscription,  trouvée  à  la  place  St.- 
Michel ,  a  fait  penser  à  quelques  archéologues  que  c'était  sur 
cette  partie  delà  ville  qu'existait  le  quartier  nommé  Kanabis. 

Nous  répéterons  à  ce  sujet  qu'il  ne  suffit  pas  de  trouver 
une  inscription  sur  un  point  pour  établir  que  c'est  là  qu'elle 
a  été  placée  par  les  anciens  :  il  faudrait  pour  cela  qu'elle  fût 
trouvée  sur  son  lit  de  pose.  Hors  cette  circonstance,  il  peut 
y  avoir  des  probabilités  sur  le  plus  ou  le  moins  d'éloignement, 
mais  jamais  de  certitude.  Les  monuments  antiques,  ainsi 
que  nous  l'avons  fait  observer ,  ont  été  tant  de  fois  trans- 
portés pour  servir  de  matériaux  qu'il  est  difficile  de  rien 
établir  à  cet  égard,  à  moins  de  preuves  matérielles  irré- 
cusables. 

Le  n°.  227  est  remarquable.  C'est  au  autel  taurobolique 
en  mémoire  de  l'empereur  Septime-Sévère  et  de  son  fils,  sur- 
nommé Caracalla.  Après  la  mort  de  ce  prince,  un  édit  or- 
donna d'effacer  son  nom  sur  tous  les  monuments.  Il  est  ex- 
traordinaire que  celui-ci  ait  échappé.  Il  est  probable  qu'on  se 
contenta  de  le  renverser ,  et  qu'étant  tombé  la  face  contre 
terre ,  cette  circonstance  a  préservé  l'inscription. 

N°.  188.  Cette  borne  militaire,  en  l'honneur  de  Lucius 
Verus,  est  le  seul  monument  de  ce  genre  que  possède  le 
musée;  avant  la  Révolution  de  1793  ,  elle  servait  de  poteau 
d'exposition  pour  les  malfaiteurs.  Les  républicains  de  cette 


XXIX'.    SESSION,    A    LYON.  481 

époque  la  renversèrent.  Plus  tard,  elle  fut  apportée  au  Musée. 
-Le  n°.  194  est  dédié  à  Servidia ,  épouse  de  Fabius  Petro- 
nius  jEmilianus.  Ce  personnage,  dont  il  est  plusieurs  fois 
fait  mention  dans  nos  inscriptions,  a  rempli  à  Lugdunum  de 
nombreuses  et  honorables  fonctions  qui  se  trouvent  énumé- 
rées  dans  une  inscription  que  nrus  avons  formée  de  trois 
fragments  trouvés  dispersés  dans  le  Musée  sous  des  numéros 
différents.  Malgré  ces  soins,  elle  est  encore  incomplète. 

199,  200.  Ces  deux  numéros  indiquent  deux  pierres  dé- 
couvertes par  Artaud ,  dans  les  ruines  de  l'amphithéâtre  ,  en 
1820.  Elles  désignent ,  comme  nous  le  voyons  ,  des  places 
réservées  aux  Arvernes  et  aux  Bituriges  Cubi.  Le  n°.  199 
désigne  des  places,  sur  la  partie  supérieure  de  l'amphithéâtre, 
plus  étroites  que  celles  du  premier  rang.  C'est  à  l'aide  de 
ces  deux  monuments  qu'Artaud  put  faire  son  calcul  approxi- 
matif sur  le  nombre  de  spectateurs  que  notre  amphithéâtre 
pouvait  contenir. 

Les  n°\  622  et  /i79  ont  été  réunis  par  nos  soins.  Ils  ne 
forment  qu'un  seul  monument,  élevé  à  Marcus  Anlonius 
Sacer,  à  son  épouse  et  à  ses  affranchis.  Ce  tombeau,  dont  la 
partie  la  plus  considérable  est  arrivée  dans  notre  Musée 
trente  ans  avant  l'autre ,  peut  nous  donner  une  idée  de  la 
dispersion  des  restes  antiques  à  Lyon.  Rompu  en  deux  mor- 
ceaux, le  fragment  le  plus  considérable,  n°.  622,  était  en- 
castré dans  le  mur  de  terrasse  des  Génovéfains,  à  St.- 
Irénée ,  et  l'autre  employé  dans  les  fondations  de  la  vieille 
église  de  Vaise. 

N°.  506.  Cette  pierre  a  été  trouvée,  sur  l'emplacement  de 
l'amphithéâtre,  par  Artaud,  lors  des  fouilles  qui  y  ont 
été  faites  en  1820.  C'étaient  des  indications  de  places  ré- 
servées pour  les  Tricassiens,  habitants  de  Troyes,  ou  les 
Tricastins,  habitants   de    St.-Paul-Trois-Chàleaux. 

Le  n°.  932  est  dans  le  même  genre ,  mais  destiné  à  mar- 

31 


682  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

quer  la  place  des  Biluriges  Cubi.  Cette  pierre,  réunie  à  celle 
trouvée  par  Artaud ,  donne  six  places  pour  les  représentants 
de  ce  peuple.  Probablement  il  y  en  avait  autant  pour  cha- 
cune des  soixante  nations. 

Nous  voyons,  par  les  n08.  719,  720,  721,  que  Marcus 
Herennius  Albanus  a  dédié  ces  inscriptions  à  Mercure 
Auguste  et  à  Maia  Augusta  d'après  un  vœu  ,  et  a  érigé  un 
temple  et  des  statues  avec  l'effigie  de  Tibère  Auguste. 

Ceci  nous  donne  la  date  de  l'inscription  ,  car  il  n'est  pas 
présumable  qu'après  la  mort  de  cet  empereur  personne  ait 
pu  penser  à  glorifier  sa  mémoire. 

Sous  le  n°.  230  ,  nous  voyons  la  tombe  d'un  prêtre  éduen 
à  l'autel  de  Rome  et  d'Auguste.  Malheureusement,  la  partie 
supérieure  du  monument  étant  brisée,  le  nom  du  personnage 
nous  échappe. 

Nous  voici  arrivés,  Messieurs,  à  de  riches  et  précieux 
fragments  qui  méritent  toute  votre  attention.  Trouvés  à 
quelques  pas,  du  côté  du  midi,  et  en  dehors  de  l'enceinte  de 
l'amphithéâtre,  ces  restes  précieux,  qui  avaient  été  employés, 
au  moyen-âge ,  a  la  construction  d'un  petit  canal  que  j'ai 
fait  démolir  pour  les  en  retirer,  sont-ils  une  partie  de  la  déco- 
ration du  podium  de  l'amphithéâtre ,  ou  n'appartiendraient- 
ils  pas  plutôt  à  la  décoration  du  grand-autel  d'Auguste? 

Dans  mon  travail  sur  l'amphithéâtre,  j'ai  cherché  à  dé- 
montrer que  l'autel  et  ce  monument  devaient  être  voisins 
l'un  de  l'autre. 

La  lettre  des  chrétiens  de  Lyon,  en  opposition  à  un  passage 
de  Grégoire  de  Tours ,  semble  nous  y  autoriser.  Je  ne  répé- 
terai pas  ici  ce  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  dire  aujour- 
d'hui, mais  je  rappellerai  seulement  que  les  guirlandes  sont 
la  décoration  habituelle  des  autels ,  et  que  le  chêne  est  la 
récompense  des  vertus  civiques. 

L'autel  d'Auguste  ,  dont  la  face  seule  est  représentée  sur 


XXIXe.    SfcSSJOïS,    A    LYON.  UUo 

nos  médailles  ,  est  décoré  de  couronnes  de  chêne  en  mé- 
moire des  bienfaits  dont  Lugdunum  était  redevable  à  cet 
empereur.  Jl  est  très-probable  que  ses  trois  autres  faces 
étaient  décorées  des  mêmes  emblèmes. 

Mais  ce  qui  surtout  viendrait  appuyer  mon  opinion,  c'est 
le  commencement  d'inscription  dont  nous  possédons  deux 
belles  lettres  colossales  que  vous  voyez  :  un  R  et  un  O. 
Avant  la  première  ,  un  espace  vide  considérable  prouve  que 
rien  ne  précédait,  et  une  moulure  placée  au-dessus  démontre 
qu'il  n'y  avait  pas  de  ligne  supérieure. 

Ce  fragment,  de  la  plus  haute  importance,  ne  serait-il  pas 
un  reste  de  la  base  de  l'autel,  avec  ces  mots  :  RO.V1AE  ET 
AUGUSTO? 

Veuillez  remarquer  que  ces  lettres  ,  de  38  centimètres  de 
haut,  ne  sont  point  taillées  intérieurement  eu  biseau  comme 
les  grandes  lettres  des  dédicaces  générales  Très  provincùe 
Gcdliœ  de  nos  monuments  épigraphiques,  mais  creusées  car- 
rément et  très-profondément  pour  y  placer  des  lettres  de 
bronze  doré  dont  on  voit  encore  les  scellements. 

Cette  particularité,  qui  n'existe  sur  aucun  des  monuments 
de  Lugdunum,  est  une  preuve  que  cette  magnifique  inscrip- 
tion ne  pouvait  être  que  celle  d'un  monument  exceptionnel. 
11  se  pourrait  que  cette  gigantesque  décoration  de  guirlandes, 
dont  nous  ignorons  le  nombre  et  dont  quelques-unes  attei- 
gnent la  dimension  de  5  mètres  de  développement,  fût 
celle  d'une  immense  et  magnifique  base  sur  laquelle  re- 
posaient l'autel  même,  ainsi  que  les  deux  colonnes  supportant 
les  Victoires,  gravées  sur  les  médailles  antiques. 
Cela  nous  paraît  encore  plus  vraisemblable. 

Remarquons  aussi  que  les  guirlandes  sont  rattachées  par 
des  bandelettes  et  retenues  par  des  haches  de  licteur.  Ob- 
servons aussi  que  celte  étendue  de  décoration  en  marbre 
ne  présente  pas  la  moindre  courbe  ;  ce  qui  aurait  lieu  si  elle 


U&tl  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

eût  appartenu  à  la  décoration  du  podium  d'un  amphithéâtre 
dont  l'ellipse  a  été  reconnue ,  tandis  que  des  pierres  de 
l'accoudoir  du  podium ,  ayant  seulement  1  mètre  de  long  , 
offrent  un  courbé  très -sensible.  Ces  placages,  en  marbre, 
ont  de  12  à  ïh  centimètres  d'épaisseur,  et  une  hauteur 
de  2  mètres  15  centimètres  sur  une  largeur  de  1  mètre 
hl  centimètres. 

Quant  au-dessus  de  la  balustrade  (n°.  856),  en  marbre 
blanc  et  taillé  à  feuilles  de  laurier,  il  diffère  trop  de  l'or- 
nementation de  ce  que  nous  croyons  devoir  appeler  le  frag- 
ment de  la  décoration  de  l'autel,  pour  que  nous  puissions 
croire  qu'il  leur  a  appartenu.  Son  ornementation  s'y  oppose: 
il  serait  taillé  aussi  a  feuilles  de  chêne. 

Le  laurier  est  précisément  la  récompense  du  guerrier  et 
du  poète.  Ce  marbre  précieux  ne  serait-il  pas  le  dessus  de  la 
balustrade  de  la  loge  ou  tribune  occupée  par  les  juges  des 
combats  littéraires  à  l'autel  d'Auguste? 
Il  Je  soumets  cette  dernière  opinion  à  votre  appréciation  , 
mais  je  ne  crois  pas  m'éloigner  de  la  vérité  eu  la  regardant 
comme  très-probable. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  ces  marbres  magnifiques  doivent  être 
considérés  au  nombre  des  choses  les  plus  intéressantes  que 
renferme  notre  Musée. 

Le  n°.  2^7  est  élevé  à  la  mémoire  de  C.  Calulinus  De- 
ciminus,  prêtre  de  Rome  et  d'Auguste. 

Cette  pierre  est  le  premier  monument  de  ce  genre  ap- 
porté sous  nos  arcades  ;  c'est  par  lui  qu'a  commencé  notre 
belle  collection  épigraphique. 

L'inscription  qui  était  annexée  à  ce  monument  et  qui 
était  dédiée  à  l'épouse  du  personnage  ,  se  voyait  autrefois 
placée  dans  la  base  du  clocher  de  l'église  de  St. -Pierre. 
Elle  a  disparu  aujourd'hui. 

On  voit,  par  les  deux  grandes  lettres  TR ,  que  ce  monu- 


XXIX".    SESSION,    A   LYON.  &85 

mentépigraphique  faisait  partie  d'un  grand  corps  d'inscription 
dédié  par  les  trois  provinces  des  Gaules. 

Le  n°.  862,  que  nous  voyons  ici ,  est  une  des  inscriptions 
les  plus  curieuses  de  notre  collection.  Un  illustre  savant ,  qui 
fait  autorité  en  pareille  matière,  la  considère  comme  la  plus 
précieuse  après  la  Table  de  Claude. 

C.  Sabinius  Aquila,  surnommé  Timésithée,  fut  beau-père 
de  l'empereur  Gordien  III.  La  longue  énumération  de  ses 
titres  et  des  charges  qu'il  a  remplies  est  une  source  de  do- 
cuments. 

Timésithée  fut  d'abord  préfet  de  la  première  cohorte  gau- 
loise en  Espagne  ,  commandement  d'une  grande  importance  ; 
procurateur  du  domaine  privé  dans  la  Belgique  et  les  deux 
Germanies;  vice-président  de  la  province  d'Arabie,  et  ensuite 
procurateur  de  ladite  province;  contrôleur  des  jeux  scé- 
niques  à  Rome,  puis  procurateur  dans  la  même  ville; 
exacteur  pour  la  rentrée  des  impôts  relatifs  aux  approvi- 
sionnements de  l'expéditiou  sacrée,  c'est-à-dire  commandée 
par  l'Empereur,  puis  procurateur  de  la  province  de  Syrie 
et  de  la  Palestine  ;  vice-président  de  la  province  de  la  Ger- 
manie-Inférieure, ensuite  vice-procurateur  du  patrimoine 
privé  de  l'Empereur  dans  la  Belgique  et  les  deux  Germanies; 
vice-procurateur  de  l'impôt  du  quarantième  dans  la  province 
de  Bythinie ,  de  Pont  et  de  Paphlagonie  ;  procurateur  du 
revenu  privé  de  l'Empereur  dans  lesdites  provinces  ;  vice- 
proconsul  dans  la  province  d'Asie  ;  vice-procurateur  de 
l'impôt  du  vingtième  et  du  quarantième,  et  procurateur 
de  cette  même  province  d'Asie  ;  enfin ,  procurateur  de  la 
province  Lyonnaise  et  d'Aquitaine. 

Après  la  dédicace  de  cette  inscription ,  qui  ne  put  avoir 
lieu  suivant  l'usage  que  trois  mois  après  le  départ  de  ce 
magistrat ,  il  fut  élu  préfet  du  Prétoire  ,  charge  considérable 
qui  cependant  ne  doit  pas  être  confondue  avec  celle  du  même 


486      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

nom,  instituée  sous  Constantin,  qui  divisa  l'Empire  en  quatre 
prétoires  :  ceux  des  Gaules,  d'Italie,  d'Illyrie  et  d'Orient. 

Ce  monument  précieux  a  été  publié  par  le  P.  Ménestricr, 
qui  le  découvrit  en  1669  dans  la  rue  Mercière,  lors  de  la 
construction  de  la  maison  de  Romain  Thomé,  ancien  échevin, 
qui  s'en  servit  pour  asseoir  un  des  angles  de  la  cour  de  sa 
maison.  Nous  l'en  avons  fait  retirer  en  février  1858,  avec  la 
permission  de  M.  Lempereur ,  propriétaire  actuel ,  qui  en  a 
fait  don  à  la  ville. 

Il  est  à  remarquer  que  Spon  et  Ménestrier  ont  donné  celle 
inscription  d'une  manière  inexacte ,  et  qu'elle  n'a  été  vrai- 
ment étudiée  que  depuis  que  nous  l'avons  retrouvée  le 
14  juillet  1857. 

Le  n°.  858  est  un  beau  spécimen  de  caractères  antiques. 
Celle  inscription  est  relative  à  un  légat  de  l'Empereur ,  titre 
assez  rare  dans  notre  Musée. 

Retiré  de  la  Saône  en  1858,  il  nous  a  laissé  ignorer 
jusqu'à  ce  jour  le  nom  du  personnage  à  qui  il  fut  dédié.  Les 
fouilles  nouvelles  ayanl  donné  le  commencement  de  cette 
inscription,  elle  est  aujourd'hui  à  peu  près  complète;  la 
partie  du  milieu ,  qui  manque  encore ,  ayant  été  restituée 
facilement  dès  les  premiers  jours,  on  doit  la  lire  ainsi  : 

L.  jEniilio..  fîlio  Quirinâ  front. ..  legato  Augusti  proprrc- 
torc  provinciœ  Lugdunensis  consu  i  Très  prooincue  Gallice. 

Sous  les  n".  90,  91  et  954 ,  nous  avons  réuni  tout  ce  que 
le  musée  possède  de  monuments  dédiés  aux  Mères  augustes. 
Le  n°.  954  surtout  est  fort  remarquable.  Ce  n'est  plus  seule- 
ment pour  la  prospérité  des  fruits  de  la  terre  qu'elles  sont  ici 
invoquées,  mais  aussi  pour  celle  de  l'espèce  humaine. 

Le  n°.  304  a  été  l'objet  de  longues  dissertations.  On  y  voit 
un  monument  d'actions  de  grâces  rendu  par  l'auteur  de  la 
dédicace  au  bon    esprit  et  à  la  fortune  du  retour.  Les  mots 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  487 

redhibita  et  susçepta  provincia  avaient  persuadé  à  quelques 
épigraphistes  que  ce  monument  devait  être  relatif  à  la  bataille 
entre  Sévère  et  Albin.  D'autres  ont  combattu  cette  opinion. 
Aujourd'hui,  il  reste  à  peu  près  établi  que  Philippianus  , 
homme  assez  inconnu  du  reste,  aura  voulu  ,  au  retour  d'une 
absence  et  en  mémoire  de  sa  rentrée  en  charge ,  profiler  de 
cette  occasion  pour  étaler  pompeusement  ses  titres  et  faire 
savoir  que  son  enfant,  très-illustre ,  avait  été  admis  au  rang 
des  familles  patriciennes. 

D'après  cela  ,  ce  ne  serait  plus  un  monument  historique 
important ,  mais  seulement  un  monument  de  l'amour-proprc 
et  de  la  vanité  d'un  fonctionnaire. 

L'inscription,  assez  fruste,  que  nous  voyons  sous  le  nn.  904 
est  celle  d'un  graveur  de  caractères,  autrement  dit,  d'un 
lapicide.  Le  musée  ne  possède  que  deux  inscriptions  où  il 
soit  fait  mention  de  cette  profession. 

Le  n°.  420  est  un  monument  de  la  plus  haute  importance. 
Il  constate  qu'à  l'époque  romaine,  la  partie  de  notre  ter- 
ritoire située  entre  nos  deux  fleuves  formait  un  pagus,  nommé 
Condate  ou  du  Confluent,  et  que  ce  pagus  était  gouverné  par 
un  magister  pagi. 

Nous  voyons ,  par  cette  inscription  ,  que  ce  pagus  Condati 
jouissait  d'une  certaine  indépendance  ;  car  il  y  est  dit  que 
l'emplacement  du  monument  fut  donné  par  un  décret  des 
habitants  de  Condate, 

l.ocas  datas  decrclo  pagi  Condati. 

Ce  n'est  plus  ici  locus  datus  deercto  decurionum.  Les 
limites  de  ce  pagus  sont  encore  inconnues.  Fermé  au  levant, 
au  sud  et  à  l'ouest  par  les  deux  rivières ,  il  ne  devait  pa  s 
s'étendre,  ce  nous  semble,  du  côté  du  nord,  au-delà  des 
limites  des  Ségusiaves. 

Sous  les  ir.  958,  959,  961 ,  962,  963,  964,  965,  966, 


^88  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

967  ,  nous  avons  réuni  plusieurs  signes  d'un  zodiaque  du 
VIIIe.  ou  du  IXe.  siècle ,  provenant  de  l'ancienne  église  de 
Ste.-Foy,  près  Lyon. 

Le  n°.  639  est  un  beau  fragment  de  corniche,  rencontré  par 
Chinard,  statuaire  lyonnais,  dans  le  voisinage  de  remplace- 
ment où  avait  été  trouvée  en  1529  la  Table  de  Claude.  Nous 
en  avons  découvert  une  semblable  près  de  l'hôtel  du  Parc. 

N°.  943.  Bel  autel  grec  donné  par  les  Frères  de  Saint-Jean- 
de-Dieu  et  trouvé  dans  leur  propriété,  au  Moulin-à-Vent , 
sur  la  route  de  Vienne,  Le  couronnement  n'appartient  pas 
à  la  partie  inférieure  du  monument. 

N°.  915.  Fragment  de  l'hémicycle  trouvé  sous  l'hôtel  du 
Tare  en  1859.  La  base  était  encore  sur  son  iit  de  pose.  Sur 
l'une  des  pierres  qui  la  composent ,  on  lit  : 

IAE   SALICAE 
PPI    •    1SELLICI 

ES   PROVINC 
GALLIjE 

Julia  Salica  était  sans  doute  l'épouse  d'Eppius  Bellicus, 
qu'un  savant  épigraphiste  pense  avoir  été  un  prêtre  d'Au- 
guste. Nous  avons  joint  h  cette  inscription  celles  des  nos.  134 
et  718 ,  qui  ont  évidemment  appartenu  à  cet  hémicycle  , 
leur  courbe  étant  absolument  dans  la  même  proportion.  Ces 
trois  inscriptions,  dédiées  par  les  trois  provinces  des  Gaules, 
et  l'ensemble  de  ce  monument  trouvé  sur  ses  fondations 
antiques  ,  ont  été  un  indice  que  le  temple  d'Auguste  ne 
devait  pas  être  éloigné. 

Il  en  est  de  même  de  l'autel  que  voici,  n°.  911  ,  et  dédié 
aux  divinités  augustales  par  Claudius  Tiberius  Genialis.  Ce 
monument  était  encore  sur  son  lit  de  pose. 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  689 

Nous  voyons,  sous  le  nn.  287,  le  bel  autel  taurobolique 
que  la  ville  de  Lyon  possède  depuis  long-temps,  et  destiné 
à  perpétuer  la  mémoire  du  sacrifice  qui  fut  célébré  pour  la 
conservation  de  l'empereur  Adrien. 

L'inscription  que  nous  voyons  sous  le  n".  U12  est  re- 
marquable par  la  dernière  ligne ,  dans  laquelle  l'épouse 
défunte  parlant  à  son  mari ,  qui  a  survécu,  lui  dit  :  Atnicc, 
Inde,  jocare,  vcni. 

Le  n".  Zi95  est  une  inscription  gravée  sur  le  piédestal  de  la 
statue  équestre  élevée  à  Tiberius  Antistius  par  les  trois 
provinces  de  la  Gaule,  et  placée  près  de  l'autel  des  Césars. 

Certainement,  si  ce  monument  avait  été  trouvé  sur  son 
lit  de  pose  ,  la  place  de  l'autel  d'Auguste  était  fixée  d'une 
manière  irrécusable  ;  mais  il  a  été  découvert  dans  une  cave 
de  la  rue  St. -Pierre  et  employé  parmi  d'autres  matériaux. 
Il  en  a  été  extrait  sous  la  mairie  de  M.  Fay  de  Sathonay 
et  offert  au  Musée  par  son  propriétaire. 

Le  n°.  496  portait  l'inscription  suivante  : 

D  M 

M  •  OPPI  PLACIDl 

HAR  •  PRIM  DE  LX 

CVI  LOCVM   SEPVLTVR 

ORD    •    SANCTISSIME    LVG 

DEDIT 

Nous  voyons  dans  Forcellini  quel'Ordo  ampiissimm  était 
le  sénat  ;  mais  ici ,  YOrdo  sanctissimns ,  étant  qualifié  de 
Lugdunensis ,  ne  peut  point  être  le  sénat.  C'était,  sans  doute, 
un  collège  de  prêtres  :  ce  que  semble  signifier  cette  expres- 
sion de  sanctissimus,  et  très-probablement  de  prêtres  augus- 
laux  ;  ainsi  paraît  le  prouver  le  nombre  de  soixante  que 
porte  l'inscription. 


490      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

La  liste  de  noms  de  personnages  éminenis  que  nous  voyons 
ici  sous  le  n".  516  est  très-importante,  et  le  serait  bien  da- 
vantage ,  ainsi  que  celle  que  nous  avons  remarquée  sous  le 
n°.  973  ,  si  on  avait  pu  savoir,  en  la  complétant,  à  quel 
ordre  de  fonctionnaires  appartiennent  les  noms  qui  y  sont 
inscrits. 

Trouvées  toutes  deux  sur  la  rive  droite  de  la  Saône,  mais 
à  une  distance  considérable  l'une  de  l'autre,  elles  semblent, 
par  cette  circonstance,  désigner  des  fonctionnaires  impériaux, 
à  moins  qu'on  ne  puisse  prouver  qu'elles  ne  contiennent  que 
des  noms  de  membres  de  corporations.  Le  nn.  973  est  le 
plus  remarquable  pour  l'exécution  des  caractères. 

La  pierre  phallique  n°.  913  ,  que  ,  par  des  motifs  faciles  à 
comprendre,  nous  tenons  à  l'écart,  était,  sans  doute,  un 
des  angles  d'un  grand  socle  sur  lequel  devait  s'élever  l'autel 
dédié  au  principe  générateur.  Son  ornementation  singulière 
est  traitée  dans  des  proportions  gigantesques. 

Nous  trouvons,  sous  le  n°.  1,006,  un  beau  fragment  d'in- 
scription que  nous  n'avons  pu  réussir  à  compléter  encore. 
Il  est  relatif  à  un  prêtre  de  l'autel  d'Auguste. 

Len°.  861  est  un  beau  buste  de  Lucius  Verus,  en  marbre, 
trouvé  à  Rome  en  1857.  L'autre  buste,  n°.  862,  paraît  être 
un  Adrien  jeune.  Ces  deux  beaux  portraits  seront  prochaine- 
ment installés  dans  une  place  plus  digne  d'eux. 

Le  n°.  988  a  été  dernièrement  découvert  dans  la  Saône, 
au  pont  de  Nemours.  Celte  inscription  est  dédiée  à  Gemini  us 
Arlillus,  vétéran  de  la  huitième  légion  augustale.  Il  est  dési- 
gné sous  la  qualification  de  corniculaire  du  président  de  la 
province  lyonnaise. 

Le  torse  antique  en  marbre  n°.  867  a  été  découvert  en 
Grèce  et  apporté  par  M.  le  capitaine  de  vaisseau  Duvivier,  à 
la  fin  du  siècle  dernier. 

Sous  cette  soixante-unième  arcade,  nous  avons  réuni  trois 


XXIV.    SESSION,    A    LYON.  691 

fragments  que  nous  avons  reconnus  faire  partie  de  la  même 
inscription  :  ce  sont  les  n°\  337  ,  668,  185.  Ce  monument, 
encore  incomplet  malgré  la  réunion  de  ces  trois  parties , 
est  dédié  : 

Flavio  Fulvio  Gavio  Niwrisio  Pctronio  Mmiliano  prœiori 

tutclario  candidate  Augustorum   curatori  rcipublicœ. 

Item  candidato  Augustorum  pontifici  promagistro  Sallio  Col- 
lino  prœfccto  feriarum  latinarmn  seviri  augustali 

patrono. 

La  plupart  de  ces  titres  ont  été  restitués  par  une  haute  au- 
torité en  épigraphie. 

Une  inscription  en  l'honneur  de  Servidia ,  épouse  de  ce 
personnage,  se  voit  au  Musée  sous  le  n°.  196. 

Le  sarcophage  n°.  711,  que  nous  voyons  au  milieu  de  la 
cour  du  Palais-des-Arts ,  est  un  des  plus  beaux  de  ce  genre. 
Ce  monument,  trouvé  à  Lyon,  quai  St'.-Marie-des-Chaînes, 
est  orné  sur  sa  face  principale  de  deux  figures  soulevant 
une  draperie.  Les  deux  côtés  so#t  décorés  de  boucliers 
placés  en  sautoir,  derrière  lesquels  se  voient  des  haches  de 
licteur. 

J'ai  fait  mes  efforts  pour  n'appeler  l'attention  du  Congres 
que  sur  les  principaux  monuments  de  notre  Musée  lapidaire. 
Malgré  cela  ,  Messieurs ,  je  crains  d'avoir  abusé  de  votre 
bienveillance  en  me  laissant  aller  à  des  dissertations  epigra- 
phiques  trop  long-temps  prolongées.  J'ai  passé  à  dessein  de- 
vant bien  des  monuments  qui  auraient  pu  être  l'objet  d'une 
mention  spéciale,  pour  ne  m'attacher  qu'à  ceux  dont  l'intérêt 
devait  surtout  mériter  votre  attention.  Je  serais  heureux  si 
j'avais  pu ,  dans  celte  visite  à  nos  richesses  épigraphiques , 
vous  en  faire  concevoir  une  idée  avantageuse ,  et  si  les  soins 
que  je  mets  chaque  jour  à  l'augmenter  vous  paraissaient 


692  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

avoir  atteint  le  but  que  je  me  suis  proposé  ,  qui  est  de 
réunir  le  plus  de  documents  possibles  sur  l'histoire  de  Lug- 
dunum. 


3*.  Séance  du  a»  septembre. 

Présidence  de  M.  Martin-Daussigny. 

A  3  heures ,  le  Congrès  rentre  en  séance.  M.  de  Caumout 
adresse  les  remercîments  du  Congrès  à  M.  Martin- Daussigny, 
pour  la  savante  communication  qu'il  vient  de  faire ,  et  le 
prie  de  vouloir  bien  présider  la  séance. 

MM.  F r aisse ,  C 'halle  ,  Douillet,  de  Surigny  siègent  au 
bureau. 

M.  de  Caumont  demande  à  M.  Martin-Daussigny  des 
explications  sur  les  assemblées  nationales  qui  avaient  lieu 
au  mois  d'août. 

Les  assemblées  générales  des  trois  provinces  des  Gaules , 
tenues  à  Lyon ,  au  mois  d'août,  pendant  toute  la  période 
gallo-romaine,  sont  regardées ,  avec  raison  ,  comme  les  évé- 
nements les  plus  importants  dont  fassent  mention  nos  monu- 
ments épigraphiques. 

Dans  la  première  ,  qui  eut  lieu  l'an  de  Rome  7/il  ,  les 
députés  gaulois  décrétèrent  la  consécration  d'un  autel  dédié 
à  Auguste ,  en  reconnaissance  des  bienfaits  dont  il  avait 
comblé  la  ville  de  Lugdunum,  en  la  déclarant  métropole  des 
Gaules.  Il  fut  décidé  que,  pour  conserver  à  cet  hommage  tout 
son  caractère  de  spontanéité,  ce  monument  serait  élevé  au 
confluent  des  deux  rivières,  sur  un  terrain  gaulois  et  indé- 
pendant de  l'administration  de  la  colonie  romaine,  située  sur 
la  rive  droite  de  la  Saône. 

Auguste  n'ayant  voulu  accepter  cel  honneur  qu'à  la  condi- 


XXIXe.    SESSION    A    LYON.  W3 

l i on  que  son  nom  serait  placé  après  celui  de  la  déesse  Rome, 
le  nouvel  autel  fut  dédié  Romye  et  Augtjsto. 

Dans  la  même  assemblée  ,  il  fut  décidé  que  les  frais  né- 
cessaires à  l'entretien  de  ce  culte  seraient  fournis  par  un 
impôt  particulier  prélevé  clans  les  trois  provinces  des  Gaules. 
Les  soixante  nations  formant  ces  trois  provinces  devaient 
avoir  chacune  un  représentant  à  cet  autel. 

Outre  cette  représentation  permanente,  les  trois  provinces 
des  Gaules  envoyaient  encore  chaque  année  des  députés  qui 
se  réunissaient  à  Lugdunum,  au  mois  d'août,  pour  traiter 
toutes  les  question-;  relatives  à  ce  culte. 

La  perception  de  l'impôt  destiné  à  fournir  la  dépense 
nécessaire  au  culte  de  Rome  et  d'Auguste  était  opérée  par 
un  certain  nombre  de  fonctionnaires  spéciaux,  nommés  dans 
l'assemblée  annuelle  des  députés  et  choisis  dans  son  sein. 

C'était  d'abord  Yinquisitor  Gatliarum,  magistrat  chargé  de 
régler  la  quotité  de  l'impôt  que  chacun  devait  payer  pour 
les  besoins  de  ce  culte.  Ses  fonctions  pourraient  être  com- 
parées à  celles  de  nos  contrôleurs  généraux. 

On  nommait  aussi  un  judex  arece  Gatliarum,  devant  qui 
se  portaient  toutes  les  contestations  ou  réclamations  auxquelles 
donnait  lieu  la  répartition  de  cet  impôt.  Enfin ,  l'assemblée 
nommait  un  allector  Gatliarum,  qui  faisait  les  fonctions  de 
receveur-général. 

A  l'occasion  de  ces  assemblées,  des  fêtes  et  des  jeux  étaient 
donnés  à  l'autel  d'Auguste,  dans  les  théâtres,  cirques  et 
amphithéâtres.  Ces  jeux  consistaient  en  luttes ,  chasses  et 
courses.  L'époque  de  ces  solennités  était  toujours  choisie 
pour  décerner  des  récompenses  nationales,  voler  ou  inaugu- 
rer des  inscriptions.  Il  est  même  très-probable  que  toutes 
celles  sur  lesquelles  nous  voyons  la  dédicace  Très  provincial 
Galliœ  ont  été  inaugurées  pendant  ces  solennités. 

Dans  notre  amphithéâtre,  où  se  donnaient  des  chasses  et 
des  jeux  à  l'occasion  des  fêles  augustales,  on  a  trouvé  des 


l\9U  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

pierres  portant  des  inscriptions  relatives  aux  places  réservées 
aux  députés  des  soixante  nations  de  la  Gaule ,  dont  les  re- 
présentants à  l'autel  de  Rome  et  Auguste  formaient  proba- 
blement dans  notre  ville  YOrdo  sanciissimus  (1). 

Caligula  ajouta  encore  à  ces  solennités,  par  1  institution  de 
combats  littéraires  dont  les  conditions  révélaient  le  caractère 
cruel  de  leur  fondateur. 

Ces  grandes  réunions  eurent  donc  dans  le  principe  un 
caractère  religieux  ,  puisqu'il  s'agissait  du  culte  de  Rome  et 
Auguste  ;  mais,  comme  ce  culte  paraît  plutôt  avoir  été  un 
acte  politique,  et  que  des  récompenses  nationales  étaient  dé- 
cernées pendant  ces  solennités,  on  peut  regarder  leur  carac- 
tère comme  religieux  et  politique  en  même  temps. 

Quoi  qu'il  en  soit,  elles  contribuèrent  grandement  à  la 
richesse  et  à  la  prospérité  de  notre  ville,  par  l'affluence  con- 
sidérable d'étrangers  de  tous  les  pays  que  les  fêtes  et  les 
jeux  multipliés  y  attiraient. 

Quant  à  l'institution  de  ces  grands  marchés  et  de  ces  foires 
célèbres  où  les  produits  de  l'industrie  non-seulement  des 
trois  provinces  des  Gaules,  mais  encore  de  la  Grèce  et  de 
l'Italie,  venaient  rivaliser  entre  eux  et  donner  chaque  année 
une  impulsion  nouvelle  aux  affaires  commerciales  de  notre 
ville,  nous  devons  leur  assigner  une  autre  date. 

Ces  assemblées ,  purement  commerciales,  ne  doivent  point 
être  confondues  avec  celles  du  mois  d'août.  Nous  en  avons  la 
preuve  certaine  par  la  célèbre  lettre  des  chrétiens  de  Lyon  et 
de  Vienne ,  dans  laquelle  il  est  dit  que  c'est  le  jour  de  l'ou- 
verture de  ce  célèbre  marché,  qui  attirait  à  Lyon  un  si  grand 
concours  de  toutes  les  nations  (2) ,  que  les  chrétiens  de 
Lyon  furent  amenés  devant  le  juge ,  et  que  Blandine,  qui 

(1)  VOrdo  amptissimus  était  le  Sénat. 

(2)  lueunte  igitur  solemni  apud  nos  Mercatu  qui  maxima  hominum 
frcquentia  celebratur,  utpote  ex  omnibus  populis  ae  provinciis  conve- 
nienle  virorum  multitudine,  elc 


XXIXe.    SESSION  ,    A    LYON.  Zl95 

périt  après  tous  les  autres,  fut  mise  à  mort  le  dernier  jour 
des  spectacles  (1). 

Or,  l'Église  célèbre  la  fête  de. saint  Pothin,  deBlandineet 
des  quarante-huit  martyrs  de  Lyon  le  2  juin,  qui  est  sans 
doute  celui  où  le  sacrilice  fut  consommé. 

Cette  remarque  ,  que  nous  n'avons  vue  nulle  part,  est  très- 
importante  ,  parce  qu'elle  semble  donner  la  date  précise  de 
ce  marché  célèbre  qui ,  chaque  année ,  aurait  été  tenu  à 
Lyon  à  la  fin  de  mai,  pour  se  terminer  au  commencement 
de  juin,  et  que  tous  les  historiens  semblent  avoir  confondu 
avec  les  fêles  augustales,  dont  le  caractère  pacifique  ne  pou- 
vait s'accorder  avec  les  horribles  cruautés  qui ,  à  cette 
époque  ,  ensanglantèrent  notre  amphithéâtre. 

M.  de  Caumont  pense  que  les  reunions  du  mois  d'août  avaient 
un  caractère  politique.  Un  marbre  trouvé  à  Vieux  (Calvados)  et 
connu  sous  le  nom  de  marbre  de  Thorigny.  parle  d'émeutes 
apaisées,  d'impôts  prélevés,  de  fonctionnaires  défendus  contre 
la  calomnie,  par  Titus  Sennius  Solemuis  ;  services  qui  avaient 
mérité  à  ce  prêtre  de  Diane  un  monument  élevé  dans  la  ville  de 
Vieux,  en  vertu  d'un  vote  de  l'Assemblée  des  trois  provinces. 

M.  Lenormant  fait  remarquer  la  ressemblance  des  fêtesd'août 
avec  les  jeux  de  la  Grèce  et  de  l'Asie-.Uineure  ,  pour  lesquels 
on  frappait  des  médailles  analogues  à  celles  de  Lyon ,  et  qui 
avaient  tous  un  caractère  politique.  On  y  débattait  les  affaires, 
on  y  délibérait  et  on  émettait  des  vœux  à  peu  près  comme 
dans  nos  Conseils  généraux. 

M.  Challe  ajoute  que  ces  assemblées  volaient  des  érections 
de  monuments,  des  levées  d'impôts.  Elles  avaient  donc  attri- 
bution administrative  et  financière. 

M.  Bulliot  pense  que  les  députés  envoyés  par  les  nations 
gauloises  pouvaient  bien  être  précisément  les  prêtres  des 

(1)  Post  hosomnes,  ultimo  tandem  spectaculorum  die,  Blandina 
rursus   itlata  tst,elc 


696      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

temples  d'Auguste  répandus  dans  l'Empire  gaulois.  Celle 
opinion  n'est  pas  combattue. 

M.  H.  Fazy  observe  qu'une  inscription  votive  trouvée  sur 
le  grand  St. -Bernard  porte  le  nom  Libo,  qu'on  retrouve  au 
musée  de  Lyon. 

Quant  aux  accents,  une  seule  inscription  de  Genève  en 
porte  ;  leur  situation  ne  peut  rien  faire  décider  sur  la  pro- 
nonciation des  syllabes.  "* 

M.  de  Surigny  pense  qu'ils  tenaient  pour  beaucoup  à 
l'idiome  du  sculpteur  lui-même. 

M.  de  Saint-Andéol  demande  la  parole  et  lit  un  fragment 
d'un  ouvrage  intitulé  :  Architecture  religieuse  dans  l'an- 
cienne province  romaine,  du  tr.  au  XIe.  siècle. 

L'auteur  annonce  que,  dans  la  contrée  comprise  de  Lyon 
à  la  mer,  entre  les  Alpes  et  les  Cévennes ,  il  a  reconnu  un 
certain  nombre  d'églises  appartenant  à  chacun  des  siècles 
écoulés  du  IIIe.  au  XIIe.  siècle;  quelques  temples  changés 
en  églises  au  Ve.  siècle  ;  la  création  au  VIIIe.  siècle  ,  par  les 
Golhs ,  d'une  architecture  avec  voûtes  en  berceau,'  pilastres 
et  contreforts ,  transportée  ,  modifiée  dans  le  Nord  au  XIe. 
siècle ,  par  le  déplacement  d'un  foyer  de  civilisation  et  par 
l'action  de  Cluny  ;  architecture  d'où  est  sorti  le  style  français 
ogival.  La  conclusion  de  ce  travail  est  que  le  midi  de  la 
France  possède  une  architecture  romaine  pure  jusqu'à  la  fin 
du  IVe.  siècle,  romaine  dégénérée  ou  romane  jusqu'au  VIIIe. , 
gothique  jusqu'à  la  fin  du  Xe. ,  gothique  francisée  ou  franco- 
gothique  jusqu'à  la  fin  du  XIIe. ,  et  française  ogivale  jusqu'au 
XVIe.  siècle. 

Le  système  de  M.  de  Saint-Andéol  établit  ainsi  un  rema- 
niement dans  les  classifications  archéologiques  établies.  Comme 
l'auteur  n'apporte  pas  de  preuves  ni  de  motifs  à  l'appui  de  ce 
système  et  qu'il  annonce  un  second  travail,  il  n'y  a  pas  lieu 
de  donner  suite  à  cette  communication. 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  ^97 

M.  Savy  lit  ses  Recherches  sur  l'unité  de  plan  et  le  carac- 
tère architectural  de  la  cathédrale  de  Lyon,  et  s'élève  contre 
certains  changements  qu'on  y  a  faits  dans  les  restaurations 
qui  ont  eu  lieu. 

M.  de  Soultrait  ne  peut  partager  les  idées  de  M.  Savy, 
relativement  à  l'unité  de  la  cathédrale  :  il  dit  que  l'abside, 
qui  est  romane ,  ne  peut  être  du  même  architecte  que 
le  reste  de  l'église. 

M.  de  Caumont  fait  aussi  des  réclamations  sur  diverses 
opinions  émises  dans  le  mémoire. 

M.  de  Surigny  s'associe  aux  conclusions  de  M.  Savy 
quant  aux  restaurations ,  et  déplore  les  modifications  inu- 
tiles que  l'on  fait  subir  aux  monuments.  Le  Congrès,  dans 
sa  visite  à  St. -Jean,  a  manifesté  son  opinion  en  ce  sens. 

M.  Saint-Olive  déclare  que  l'énorme  toit  dont  l'église  de 
St. -Jean  a  été  recouverte  a  causé,  dans  le  public,  un  vé- 
ritable regret. 

La  séance  est  levée  et  renvoyée  à  8  heures  du  soir. 

Le  Secrétaire , 

P.  Canat  de  Chizy. 


4e.  Séance  du  19  septembre. 

Présidence  de  M.  le  conseiller  Vulentin  Smith. 

La  séance  s'ouvre  à  8  heures  du  soir,  sous  la  présidence  de 
M.  V.  Smith ,  membre  de  l'Académie  et  conseiller  à  la  Cour 
impériale  de  Lyon.  Cinquante  membres  sont  présents. 

M.  de  Caumont  appelle  au  bureau  :  MM.  Fj'aisse,  Clialle 
et  Martin-Daussigny. 

M.  Canat  de  Chizy  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

32 


698     CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

M.  de  Caumont  remet  à  iM.  Martin,  architecte,  la  médaille 
qui  lui  été  décernée  par  la  Société  française  d'archéologie, 
pour  sa  publication  illustrée  des  monuments  du  Lyonnais. 

M.  Martin  ,  architecte ,  reçoit  celte  médaille  des  mains  de 
M.  le  Président  aux  applaudissements  de  l'Assemblée. 

M.  Baudot  n'étant  pas  à  Lyon ,  la  médaille  qui  lui  a  été 
votée  lui  sera  solennellement  remise  à  Paris,  au  mois  de 
mars  1&63. 

M.  Martin-Daussigny  a  la  parole  sur  la  question  suivante  : 
Tracer  la  topographie  antique  de  Lyon. 

TOPOGRAPHIE  DE  I.UGDUNCM  AU  IV*.   SIÈCLE, 

PAR    M.    MARTIN-DAUSSIGNY. 

Les  découvertes  archéologiques  faites  dans  nos  murs , 
depuis  un  certain  nombre  d'années ,  permettent  de  tracer 
d'une  manière  sûre  la  topographie  de  Lugdunum  au  IVe. 
siècle. 

A  cette  époque ,  la  partie  de  la  ville  située  sur  la  rive 
droite  de  la  Saône  était  renfermée  dans  des  limites  à  peu 
près  les  mêmes  que  celles  d'aujourd'hui ,  excepté  toutefois 
du  côté  de  Vaise ,  où  elle  a  pris  une  extension  considérable 
depuis  quarante  ou  cinquante  ans. 

Le  quartier  St.-Irénée  paraît  avoir  offert,  à  l'époque  ro- 
maine, une  configuration  presque  semblable  à  celle  qu'il 
présente  aujourd'hui. 

Une  voie  de  tombeaux  ,  qui  nous  a  rappelé  celle  de 
Pompéï  et  que  nous  avons  reconnue  nous-mème,  en  notant 
avec  soin  les  découvertes  successives  sur  ce  point ,  existait 
alors  sur  l'emplacement  de  la  rue  actuelle  de  la  Favorite , 
et  sa  jouction  avec  celle  de  Trion ,  dont  le  tracé  est  évi- 
demment ancien,  nous  indique  une  des  portes  de  la  ville 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  699 

romaine.  La  disposition  des  murailles,  reconstruites  au  XVIe. 
siècle  sur  les  restes  de  celles  de  la  ville  antique  ,  parce  que 
la  nature  des  lieux  le  voulait  ainsi ,  nous  donne  une  preuve 
que  la  ville  ne  s'étendait  pas  au-delà  du  côté  de  l'ouest. 
Du  reste,  en  dehors  de  celte  enceinte,  on  n'a  trouvé  que  des 
traces  de  constructions  isolées  n'offrant  aucun  ensemble  ,  et 
quelques  cippes  funéraires. 

Les  découvertes  du  côté  du  midi,  toujours  sur  la  rive 
droite,  démontrent  que  l'enceinte  de  Lugdunum  se  terminait 
au  lieu  où  est  aujourd'hui  la  rue  de  la  Quarantaine,  au  pied 
de  la  montée  de  Choulans.  Il  est  à  remarquer  que  toute  cette 
étendue,  depuis  la  rue  de  Trion  jusqu'à  Choulans,  renfermait 
les  cimetières  gallo-romains.  La  quantité  de  sépultures  dé- 
couvertes sur  cet  espace  est  considérable. 

L'ensemble  des  habitations  élevées  sur  la  rive  gauche  de  la 
Saône  ne  doit  point  être  confondu  avec  la  colonie  romaine , 
établie  sur  la  rive  droite.  Ce  terrain  ,  exclusivement  gaulois  , 
appartenait  aux  trois  provinces  des  Gaules ,  qui  y  tenaient 
leurs  assemblées  annuelles  au  mois  d'août ,  et  dépendait  d'un 
pagus  nommé  Condat ,  ou  du  confluent ,  gouverné  par  un 
magister  pagi ,  et  dont  l'administration  était  tout-à-fait  dis- 
tincte de  celle  de  la  ville  romaine.  Une  inscription  du  musée 
de  Lyon  (n°.  U2ù)  nous  montre  que  ce  pagus  avait  conservé 
certains  privilèges ,  et  que  la  possession  de  son  territoire  lui 
était  assurée,  puisque,  pour  l'érection  de  ce  monument 
consacré  à  Diane ,  il  fallut  que  le  terrain  sur  lequel  il  était 
placé  fût  donné  par  un  décret  du  pagus  lui-même. 
'  Cette  indépendance  d'un  territoire ,  resté  gaulois  sous 
la  domination  romaine  ,  fut  la  raison  qui  le  fit  choisir  pour  y 
élever  l'autel  dédié  à  Rome  et  à  Auguste,  hommage  rendu 
par  les  trois  provinces  de  la  Gaule. 

Les  limites  de  ce  pagus  sont  assez  difficiles  à  établir.  Ne 
pouvant  se  prolonger  au  midi  au-delà  du  confluent ,  dont  les 


500      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

îles  n'en  dépendaient  peut-être  pas;  borné  à  l'est  par  le 
Rhône,  à  l'ouest  par  la  Saône,  il  a  pu  s'étendre  très-pro- 
bablement sur  une  certaine  partie  du  territoire  des  Ségu- 
siaves. 

Nous  n'avons  pas  trouvé  de  traces  d'habitations  romaines 
sur  le  plateau  de  la  Croix-Rousse  ;  et  les  tombes ,  décou- 
vertes en  assez  grand  nombre  sur  l'emplacement  de  l'hôpital , 
qui  vient  d'être  bâti  dans  ce  quartier,  nous  font  croire  que 
notre  ville  antique  ne  s'étendait  pas  au-delà. 

Quant  à  la  partie  basse  de  Lugdunum ,  établie  sur  la  rive 
gauche  de  la  Saône,  dans  les  îles  du  confluent,  elle  était  loin 
d'avoir  l'importance  qu'elle  a  acquise  de  nos  jours. 

Les  quatre  îles ,  que  l'on  a  réunies  par  des  travaux  de 
terrassement  considérables,  se  divisaient  ainsi  : 

Le  premier  point  de  rencontre  des  deux  fleuves  avait  lieu 
au  pied  du  coteau  St.  -Sébastien ,  sur  l'emplacement  occupé 
aujourd'hui  par  le  grand  théâtre ,  l'hôtel-de-ville  et  la  place 
des  Terreaux. 

La  seconde  communication,  établie  naturellement  entre 
le  Rhône  et  la  Saône,  était  au  lieu  où  nous  voyons  au- 
jourd'hui la  rue  Dubois,  la  rue  de  la  Gerbe  et  la  place  des 
Cordeliers. 

Les  deux  rivières  se  rejoignaient  encore  sur  l'emplacement 
où  est  établie  la  caserne  de  la  gendarmerie,  entre  les  rues 
Sala  et  Ste. -Hélène. 

Une  partie  du  Rhône  venait  aussi  se  jeter  dans  la  Saône, 
de  suite  après  le  lieu  où  est  actuellement  l'église  de  St.- 
Martin-d'Ainay.  Puis,  enfin,  les  eaux  du  Rhône  et  de  la  Saône 
se  réunissaient  en  masse  à  l'extrémité  de  l'île  Moynat ,  au 
point  où  est  aujourd'hui  le  pont  de  la  Mulatière.  L'ensemble 
de  tous  ces  points  de  communication  formait  le  confluent. 

Il  est  à  remarquer  que  ces  différentes  îles  étaient  beau- 
coup moins  larges  dans  le  sens  du  Rhône  à  la  Saône  que  ne 


XXIX*.    SESSION,    A    LYON.  501 

l'est  aujourd'hui  le  terrain  de  la  presqu'île.  Les  découverles 
archéologiques  nous  ont  démontré  que  la  Saône  s'avançait 
jusque  sur  la  place  du  Plâtre,  et  le  Rhône  jusqu'à  la  rue  du 
Garet. 

Au  point  de  communication  entre  les  deux  fleuves,  dans  le 
quartier  des  Terreaux,  les  eaux  couvraient  un  espace  consi- 
dérable ;  car  sur  tous  les  points  où  l'on  creuse  on  retrouve  le 
gravier  du  Rhône.  Plus  tard,  ce  passage  du  fleuve  avait  été 
régularisé  par  deux  murailles  ou  digues ,  éloignées  l'une  de 
l'autre  de  60  pieds,  et  qui  avaient  ainsi  permis  de  remblayer 
derrière  elles  et  de  construire  sur  ces  terres  rapportées.  Ces 
ouvrages  ont  été  exécutés  bien  après  l'époque  romaine. 

Sur  la  rive  gauche  du  Rhône ,  le  terrain  n'avait  une 
certaine  élévation  que  vers  le  point  où  est  aujourd'hui  le 
quartier  de  la  Guillotière,  et  les  constructions  antiques  et 
isolées  dont  on  rencontre  quelquefois  les  traces  appartiennent 
à  des  villas ,  des  maisons  de  plaisance,  mais  étaient  toul-à- 
fait  en  dehors  de  Lugdunum. 

La  largeur  des  îles  du  confluent  a  été  déterminée  assez 
facilement  par  des  découvertes  archéologiques. 

M.  Dubois,  architecte ,  a  rencontré  ,  au  siècle  dernier  ,  les 
marches  d'un  port  situé  sous  la  place  du  Plâtre,  à  10  pieds 
de  profondeur  ;  et  M.  Brodier,  directeur  des  travaux  du  gaz, 
a  retrouvé,  sous  la  rue  Mercière  et  dans  toute  son  étendue  , 
le  quai  antique,  avec  ses  marches  et  son  pavé  bien  conservé. 

Quant  au  côté  du  Rhône  ,  le  passage  des  eaux  a  été  re- 
connu sous  la  rue  du  Garet  et  dans  celle  de  la  Barre. 
M.  Dubost,  architecte,  a  trouvé  les  constructions  du  pont 
de  la  Guillotière,  à  partir  de  la  place  Leviste. 

Ceci  fait  comprendre  pourquoi  aucune  découverte  de 
restes   antiques  n'a  jamais  eu  lieu  du  côté  du  Rhône. 

Quant  à  celles  qui  ont  servi  à  pouvoir  établir  la  topogra- 
phie de  notre  ville  au  IVe.  siècle,  il  serait  trop  long  de  les 


502      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

énumérer.  Cependant ,  on  peut  donner  une  idée  de  leur  en- 
semble en  disant  que  celles  du  coteau  de  Fourvières  ont 
prouvé  l'existence  de  monuments  d'une  grande  dimension, 
les  débris  trouvés  à  l'Antiquaille  surtout. 

Parmi  les  sépultures  découvertes  depuis  la  rue  de  Trion 
jusqu'à  Choulans,  une  d'elles,  retrouvée  intacte,  nous  a 
permis  de  nous  renseigner  sur  l'ensevelissement  de  cette 
époque.  Le  corps  avait  été  enveloppé  d'un  linceul ,  puis  une 
épaisse  couche  de  résine  noirâtre  y  avait  été  appliquée.  Le 
tout  était  recouvert  par  une  masse  d'une  espèce  de  ciment 
blanc,  de  2  ou  3  pouces  d'épaisseur,  et  que  l'humidité  avait 
fortement  amolli.  Le  sarcophage  était  formé  de  grandes  dalles, 
ajustées  et  parfaitement  polies  ;  il  était  sans  inscription  et  ne 
renfermait  ni  vases  ,  ni  médailles. 

Les  découvertes  sur  le  coteau  de  la  Croix-Rousse  n'ont 
donné  que  quelques  tombes  sans  importance  ;  mais  sur  la 
pente  du  coteau,  du  côté  de  Lyon,  les  plus  grandes  richesses 
archéologiques  ont  été  rencontrées  :  l'amphithéâtre,  les  restes 
de  l'autel  d'Auguste ,  car  la  chose  paraît  bien  certaine  au- 
jourd'hui; la  Table  de  Claude,  les  thermes,  les  mosaïques 
de  la  place  Sathonay,  les  fragments  de  statues  en  bronze  doré, 
le  siège  de  marbre ,  une  voie  avec  son  pavé  bien  conservé, 
un  édicule  renfermant  la  représentation  des  Déesses-Mères  ; 
une  colonnade ,  un  hémicycle,  un  autel  dédié  aux  divi- 
nités augustales ,  enfin  toutes  les  inscriptions  relatives  à  ce 
culte. 

Puis,  dans  la  presqu'île,  on  a  trouvé  le  quai  antique,  l'in- 
scription de  Timésithée,  des  amphores ,  des  fragments  de 
statues. 

En  approchant  du  quartier  de  Bellecour,  les  découvertes 
cessent  pour  reprendre  dans  celui  d'Ainay  ,  où  l'on  a  trouvé 
les  plus  belles  mosaïques ,  des  inscriptions  et  des  murailles 
encore  garnies  de  peintures.  Sur  la  rive  gauche  du  Rhône , 


XXIX'.    SLSSION  ,    A    LYON.  503 

on  a  retiré,  de  la  vase  du  fleuve,  la  statue  de  Jupiter  qu'on 
voit  au  musée  de  notre  ville. 

M.  Lcnormant  remarque  l'identité  de  la  sépulture  dont 
M.  Rlartin-Daussigny  a  donné  la  description  avec  celles  qu'on 
trouve  dans  les  Catacombes  de  Home.  Il  l'explique  par  une 
imitation  de  la  sépulture  du  Christ. 

A  propos  de  l'autel  d'Auguste,  RI.  Lcnormant  vient  de 
déterminer,  par  une  inspiration  soudaine,  la  signification  du 
mot  super  dans  une  inscription  du  musée;  ce  qui  fixerait 
d'autant  mieux  la  place  de  l'autel  dans  le  haut  de  la  ville  , 
super  confluent  es. 

RI.  Bulliot  fait  remarquer  qu'il  y  a  des  temples  d'Auguste 
dans  d'autres  villes,  à  Aulun,  par  exemple,  et  qu'il  serait 
bon  d'étudier  les  rapports  du  culte  rendu  à  César  dans  ces 
différents  lieux. 

M.  Valentin  Smith  lit  un  mémoire  touchant  la  bataille  de 
César  contre  les  Helvètes  ,  et  le  passage  de  la  Saône  par  les 
deux  armées; 

RI.  Saint-Olive  présente,  de  son  côté,  une  brochure  sur  la 
détermination  du  lieu  de  la  bataille  entre  Sévère  et  Albin  ; 

RI.  de  Logrevlo  lit  un  mémoire  sur  la  vie  de  saint 
Leonianus  ,  évêque  de  Vienne. 

RI.  le  Président  annonce  que  l'excursion  à  Vienne  aura 
lieu  demain  à  7  heures  1/2  ,  et  que  la  séance  de  clôture  se 
tiendra  à  Lyon  dimanche  ,  à  8  heures  du  matin. 

La  séance  est  levée. 

Le  Secrétaire , 
P.  Canat  de  Chizy. 


504       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

I".  Séance  dn  *ïo  septembre , 

A  VIENNE. 

Présidence  de  M.  de  Caumont. 

La  première  séance  s'est  tenue  à  9  heures  du  malin  ,  à  la 
descente  du  chemin  de  fer,  dans  l'église  St. -Pierre,  l'an- 
cienne basilique ,  qui  doit  être  prochainement  consacrée  à 
renfermer  le  musée  d'antiquités  de  Vienne. 

St.  -Pierre,  —r Arrivé  aux  portes  de  ce  curieux  monument, 
le  Congrès  a  été  rejoint  par  M.  V.  Teste ,  architecte  , 
inspecteur  de  la  Société  française  d'archéologie  pour  le  dé- 
partement de  l'Isère  ,  conservateur  de  la  bibliothèque  et  du 
musée  ;  par  M.  Quenin ,  architecte  ,  chargé  des  fouilles  et 
des  travaux  entrepris  dans  le  monument  ;  M.  V.  Berlhin  , 
membre  du  Conseil  général  ;  H.  le  docteur  de  Brye,  membre 
du  Conseil  municipal. 

M.  de  Caumont  a  prié  M.  Fazy,  de  Genève ,  de  remplir 
les  fonctions  de  secrétaire  ,  et  réclamé  l'obligeance  de  M.  de 
Surigny,  en  l'engageant  à  dessiner  quelques  parties  de  celte 
curieuse  basilique. 

Tout  d'abord,  le  Congrès  a  vu  que  la  lour  occidentale  est 
une  application  postérieure  qui  cache  la  façade  primitive, 
décorée  d'incrustations  en  ciment  coloré,  comme  on  en  voit 
encore  aux  sommets  des  murs  latéraux  et  dans  les  murs  for- 
mant saillie  du  côté  du  nord  (Voir  la  page  suivante);  murs  que 
quelques-uns  avaient  pris  pour  les  restes  d'un  transept ,  et 
qui  paraissent  à  M.  Teste  avoir  plus  probablement  fait  partie 
d'une  tour.  M.  de  Caumont  a  justifié,  par  quelques  exemples 
de  tours  très-anciennes,  cette  opinion  de  M.  Teste.  Il  a  en- 


XXIXe.    SESSION    A   LYON.  50a 

suite  présenté  le  dessin,  qu'il  releva  avec  M.  Bouet  il  y  a 


B|ETBltw 

PARTIE    FORMANT    SAILLIE,     DU    CÔTÉ    DU    NORD. 


quelques  années ,  de  l'ornementation  de  la  porte  d'entrée  de 
l'église,  sous  la  tour  (  Voir  page  506). 

En  entrant  dans  l'église,  le  Congrès  est  frappé  de  l'aspect 
antique  de  cette  basilique  :  les  arcades  sont  décorées  de  co- 
lonnes en  marbre,  pour  la  plupart ,  avec  chapiteaux  qui  rap- 
pellent les  chapiteaux  romains  et  ceux  que  l'on  rencontre 
encore  dans  quelques  églises  très-anciennes ,  comme  celle  de 
Jouarre  (  Voir  la  page  507). 

Ces  colonnes  étaient  encore,  il  y  a  quatre  ans ,  sous  un 
enduit  de  plâtre  qui  avait  dénaturé  le  style  de  l'église  et 
l'avait  caché  sous  une  décoration  moderne  ;  mais  on  voyait, 
par  quelques  déchirures  de  ce  manteau,  paraître  les  fûts  des 
colonnes. 

C'est  une  heureuse   idée  que  d'avoir  acquis  cette  autique 


506  CONGHÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 


XXIXe.  SESSION,  A    LYON.  507 

•     -  ^iflil  IUIIIHBHmik 

-~jc.' 


ORDONNANCE   DE   L'ÉGLISE   SAINT-PIERRE,    A    VIENNE. 


508  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE. 

basilique  pour  y  établir  le  musée  archéologique  :  il  ne  peut 
être  nulle  part  aussi  bien  placé. 

M.  de  Surigny  exprime  avec  énergie  un  sentiment  qui  est 
celui  du  Congrès  tout  entier,  c'est-à-dire  l'impression  qui  a 
saisi  tous  les  membres  en  voyant  l'exemple ,  unique  en 
France,  d'une  basilique  dans  son  antiquité,  beaucoup  plus 
probante  que  les  basiliques  de  Rome  qui  ont  été  successive- 
ment remaniées.  Ici ,  les  parties  les  moins  anciennes  sont  du 
XI*.  siècle;  le  reste  appartient  aux  VI'.  et  VII6.  siècles. 

Les  places  des  ambons  et  celle  du  pulpitum  sont  faciles  à 
reconnaître. 

M.  F.  Le  Norman t  a  fait  remarquer  judicieusement  que 
l'ambon  de  l'évangile  était  en  marbre  blanc  et  terminé  en 
forme  de  cintre,  ce  qui  le  distingue  de  celui  de  l'épîlre. 

Des  fouilles  considérables  ont  été  faites  dans  le  pavé ,  et 
l'on  y  a  trouvé  une  foule  de  sarcophages  en  pierre  de  toutes 
les  époques ,  qui  gisent  encore  sur  place  et  que  le  Congrès 
a  vus  avec  intérêt.  Il  a  recommandé  aux  membres  de  la 
Société  française  d'archéologie  résidants  à  Vienne  d'en  faire 
le  catalogue  et  la  description.  L'étude  de  ces  curieux  mo- 
numents doit  être  faite,  à  tête  reposée,  et  par  des  habitants 
du  pays. 

Parmi  les  débris  de  sculpture  entassés  dans  l'église  St.- 
Fierre,  M.  de  Surigny  a  fait  un  croquis  du  fragment  sui- 
vant ,  orné  d'entrelacs  (  Voir  la  page  suivante  ) ,  et  qui , 
vraisemblablement ,  faisait  partie  de  l'enceinte  du  pul- 
pitum. Ce  fragment  appartient  à  la  même  famille  que  ceux 
dont  M.  de  Caumont  a  entretenu  le  Congrès  à  Saumur 
(V.  ci-avant,  p.  117),  et  qui  seront  aussi  décrits  et 
figurés  dans  le  Bulletin  monumental  (  XXIXe.  volume , 
p.   73  et  suivantes). 

Le  Congrès  est  allé  dans  l'abside  pour  y  examiner  le  tom- 
beau de  saint  Mamert,  au  sujet  duquel  on  possède  un  mé- 


XXIX".    SLSSION,    A    LYOïN. 


509 


^ 


FRAGMENT    TROUVÉ   DANS   L1  ÉGLISE   SAIN T-PI ERRE. 


510      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

moire  nouvellement  publié  par  M.  de  Terrebasse ,  membre 
de  la  Société  française  d'archéologie. 

Cet  habile  épigraphiste  a  examiné  l'inscription  de  saint 
Mamert  trouvée  à  l'endroit  où  elle  avait  été  signalée  par 
Chorier ,  vers  le  milieu  du  XVIIe.  siècle. 

«  L'épitaphe  de  saint  Mamert ,  car  son  lombean  n'y  reste 
«  plus ,  »  dit  cet  historien ,  «  est  opposée  presque  en  droite 
«  ligne  au  tombeau  de  Léonien  ;  elle  est  sous  le  chœur  au 
«  costé  droit  de  l'autel ,  et  est  sans  doute  un  ouvrage  d'un 
«  siècle  moins  ancien  ,  et  par  conséquent  plus  corrompu  et 
«  plus  barbare  que  celuy  de  cet  illustre  prélat  »  (1). 

«  Nous  ne  pouvons,  dit  M,  de  Terrebasse,  que  partager  à 
cet  égard  le  sentiment  de  Chorier ,  et  loin ,  d'attribuer  an 
Ve.  siècle  l'épitaphe  de  saint  Mamert,  nous  estimons,  par  la 
comparaison  des  lettres  et  des  ligatures ,  qu'elle  appartient 
au  même  temps  que  celle  de  saint  Léonien  ,  c'est-à-dire  au 
Xe.  siècle.  La  voici  telle  qu'elle  se  lit  encore  sur  la  pierre  , 
en  complétant ,  d'après  Chorier  et  d'autres  plus  anciens 
historiens  de  Vienne ,  les  trois  derniers  mots  des  trois 
premières  lignes  dont  on  n'aperçoit  plus  aujourd'hui  que 
le  commencement  : 

MOLE  SVB  HAC  LAPIDVM  SANCTISSIMA 
MEMBRA  TEGVNTVR  :  HVIVS  PONTIFICIS 

VRBIS  SACRIQVE  MAMERTI  : 

HIC  TRIDVANVM  CVM  SOLLEMPNIBVS  LETANIIS 
1NDIXIT  IEIVNIVM  ANTE  DIEM  QVA  CELE 
BRAMVS  DOMINI  ASCENSVM  : 

«  L'église  de  St. -Pierre,  dont  la  fondation  remonte  à 

(1)  Voir  les  Recherches  de  Chorier  sur  les  antiquités  de  la  ville  de 
Vienne  ;  1658    p.  287. 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  511 

«  l'établissement  du  christianisme  dans  la  ville  de  Vienne , 

«  avait ,  dit  M.  de  Terrebasse ,  subi  les  mêmes  vicissitudes 

«  que  cette  antique  cité  ,  ravagée  tour  a  tour  par  les  Bour- 

«  guignons,  les  Sarrazins  et  les  Francs.  Il  ne  restait  que  de 

«  faibles  débris  de  la  basilique  primitive  ,  lorsqu'au  com- 

«  mencement  du  Xe.  siècle,  le  comte  Hugues,  qui  régnait 

«  à  Vienne  sous  le  nom  de  son  parent,  l'empereur  Louis- 

«  l'Aveugle,  entreprit  la  restauration  de  l'église  et  de  l'abbaye 

«  de  St. -Pierre.  On  se  servit  des  matériaux  que  l'on  avait 

«  sous  la  main,  des  briques,  des  pierres  comme  des  colonnes 

«  de  marbre,  que  fournissaient  en  abondance  les  anciens 

«  édifices  romains ,  et  la  basilique  chrétienne ,  enrichie  des 

«  dernières  dépouilles  du  paganisme ,  se  releva  plus  brillante 

«  que  jamais. 

«  Les  tombeaux  des  saints ,  qui  recommandaient  l'église  à 

«  la  piété  et  aux  offrandes  des  fidèles,  ne  furent  pas  oubliés, 

«  et  c'est  à  la  môme  époque  qu'il  faut  attribuer  la  restaura- 

«  lion  des  tombeaux  de  saint  M  amer  t  et  de  saint  Léonien. 

«  Les   tombeaux  des  deux  saints  furent  placés  dans  le 

«  chœur ,  à  droite  et  à  gauche  du  maître-autel ,  sous  une 

«  arcade  à  plein-cintre  ,  pratiquée  dans  le  renfoncement  de 

«  la  muraille.  Ils  y  occupaient  la  place  d'honneur,  que  dé- 

«  cernait  au  premier  l'éclat  de  son  épiscopat  et  au  second  sa 

«  qualité  de  fondateur  du  monastère.  » 

Les  prétendues  restaurations  ,  c'est-à-dire  les  décorations 
en  plâtre  subies  par  l'église  St. -Pierre  vers  le  milieu  du  siècle 
dernier,  avaient  fait  disparaître  l'épitaphe  de  saint  Maraert. 

«  Un  sondage  exécuté  dans  cette  partie  du  chœur ,  nous 
«  apprend  le  mémoire  de  M.  de  Terrebasse ,  n'ayant  pas 
«  tardé  à  la  remettre  au  jour ,  on  reconnut  que  le  même 
o  enduit  masquait  la  voussure  d'un  arc  à  plein-cintre ,  qui 
«  avait  été  bouché  et  rempli  de  maçonnerie.  Au  milieu  de 


512      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

«  cette  maçonnerie  se  trouvaient  encastrées,  à  côté  l'une  de 
«  l'autre,  la  pierre  qui  porte  l'épitaphe  et  une  espèce 
«  d'arche  en  pierre  délicatement  vidée,  qui  n'avait  été  sans 
«  doute  conservée  à  cette  place  que  parce  qu'elle  se  ratla- 
«  cbait  à  quelque  pieux  souvenir.  L'enlèvement  de  tous  ces 
«  matériaux  mit  à  découvert  un  sarcophage  en  pierre  fermé 
«  par  un  couvercle,  de  forme  prismatique,  long  de  2  mètres 
«  U5  centimètres  sur  63  centimètres  de  large ,  et  dont 
«  chaque  versant  est  encadré  par  une  double  moulure,  d'un 
«  travail  assez  simple.  En  continuant  de  dégager  la  partie  in- 
«  férieure  du  sarcophage ,  cachée  par  l'exhaussement  du  sol 
«  du  chœur ,  on  aperçut  sur  le  devant  de  l'auge  ,  à  peu  près 
«  vers  le  milieu,  mais  se  rapprochant  de  la  tête,  une  brèche, 
«  un  trou  pratiqué  à  coups  de  marteau  ,  et  qui  paraissait 
«  grossièrement  bouché  avec  des  pierres  et  du  mortier. 
«  Après  avoir  déchaussé  et  retiré  soigneusement  ces  pierres , 
«  iklevint  facile  de  reconnaître  que  la  tombe  avait  été  violée, 
«  et  qu'il  ne  restait  plus,  du  corps  qu'elle  avait  renfermé,  que 
«  le  petit  nombre  d'ossements  que  la  main  du  ravisseur ,  en 
«  passant  par  le  trou  ,  n'avait  pu  atteindre  et  ramasser. 

«  La  tradition  était  confirmée  :  le  corps  de  saint  Mamert 
«  n'a  point  été  l'objet  d'une  de  ces  translations  solennelles 
«  qui  s'opèrent  au  grand  jour:  il  a  été  dérobé  avec  effraç- 
«  tion ,  nuitamment  et  à  la  hâte  :  la  brèche  et  les  menus 
«  ossements  oubliés  dans  la  tombe  en  portent  témoignage. 

«  Du  rapprochement  de  tous  les  faits ,  de  toutes  les  cir- 
a  constances  qui  précèdent ,  il  résulte ,  ce  nous  semble  ,  que 
«  le  sarcophage  découvert  dans  le  chœur  de  l'église  de  St.- 
«  Pierre  ,  à  droite  de  l'autel ,  au-dessous  d'une  épitaphe  in- 
«  dicative,  ne  peut  être  que  celui  où  étaient  déposés,  au 
«  Xe.  siècle,  les  restes  de  saint  Mamert,  conservés  dans  cette 
«  église  depuis  le  jour  de  son  inhumation.  Il  n'y  a  pas  lieu 
a  de  soupçonner   qu'un   autre   mort  ou  même  un  autre 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  513 

«  êvêque  ait  usurpé  cette  place  que  toutes  les  traditions  lui 
«  attribuent.  Le  corps  saint  a  été,  dans  l'intervalle  du  XIe. 
«  au  XIIL.  siècle,  l'objet  d'un  de  ces  pieux  larcins  dont  l'his- 
((  toire  ecclésiastique  révèle  de  si  fréquents  exemples.  On  s'y 
«  serait  même  pris  à  deux  fois  avant  de  réunir  la  tète  et  le 
«  corps.  Enfin,  le  vol  était  si  bien  consommé  en  1251,  que 
«  les  religieux  de  St. -Pierre,  renonçant  à  toutes  prétentions 
«  sur  les  reliques  de  saint  Mamcrt,  n'eurent  plus  à  s'inquiéter 
((  d'un  tombeau  vide.  La  mémoire  s'en  était  effacée  à  un  tel 
«  point,  que  Chorier ,  en  1658,  le  cherchait  ailleurs  que  là 
«  où  il  était.  Les  menus  ossements  retrouvés  aux  deux  ex- 
«  trémités  du  sarcophage  sont ,  à  ne  pas  en  douter ,  les 
«  débris  du  corps  du  saint  échappés  depuis  des  siècles  à  la 
«  main  du  ravisseur.  Il  n'y  en  a  pas  assez  pour  que  l'on 
«  craigne  une  substitution  ;  il  y  en  a  juste  ce  qu'il  faut  pour 
«  témoigner  d'un  vol.  Ces  reliques  ,  oubliées  plutôt  que  res- 
«  peelées  du  temps  el  des  révolutions  ,  sont  aujourd'hui  tout 
«  ce  qui  reste  à  la  pauvre  église  de  Vienne  des  trésors  sacrés 
«  de  Vienne-la-Sainte.  C'est  à  l'autorité  ecclésiastique  qu'il 
c  appartient  d'en  décider  souverainement  ;  mais ,  pour  ce 
((  qui  nous  concerne  ,  nous  ne  saurions  ,  au  double  point  de 
«  vue  de  l'histoire  et  de  l'archéologie  ,  tirer  une  autre  con- 
«  séquence  de  ce  que  nous  avons  rapporté  et  de  ce  que  nous 
«  avons  vu.  » 

Il  y  aurait  eu  pour  la  journée  tout  entière  à  étudier  à 
St. -Pierre.  La  Compagnie  examine  rapidement  les  inscrip- 
tions et  les  fragments  de  sculpture  réunis  provisoirement 
dans  une  chapelle,  près  de  l'abside  ;  puis  M.  de  Caumont  met 
aux  voix  un  vœu  qui  fut  renouvelé  à  la  séance  suivante: 

«  Le  Congrès  désire  qu'aucune  restauration  ne  soit 
faite  aux  colonnes  antiques  de  l'église  St. -Pierre,  et  qu'elles 

33 


5U      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

restent  dans  leur  étal  actuel  :  elles  auront  ainsi  pour  le 
musée  un  tout  autre  intérêt  que  si  elles  étaient  restaurées.  » 
Après  l'émission  de  ce  vœu,  formulé  en  présence  des  ar- 
chitectes ,  le  Congrès  a  visité  la  collection  lapidaire  qui 
viendra  bientôt  prendre  place  dans  cette  église  ,  mais  qui  est 
encore  dans  une  construction  provisoire  en  bois  attenant  à 
l'église  et  accolée  au  mur. 

Là  se  trouvent  réunis  la  plupart  des  inscriptions  et  des 
fragments  de  sculptures  qui  étaient  précédemment  à  la 
maison  carrée.  Un  catalogue  avait  été  publié ,  il  y  a  plus  de 
vingt  ans,  par  M.  Delorme,  alors  conservateur  de  la  bi- 
bliothèque et  du  musée  ;  mais  depuis  lors  la  collection  s'est 
enrichie  ;  et  quand  tous  les  objets  seront  replacés  et  classés 
dans  la  basilique  de  St. -Pierre,  un  nouveau  catalogue  sera 
nécessaire  :  M.  V.  Teste  ,  conservateur,  pourra  s'en  occuper 
avec  son  dévouement  ordinaire. 

Le  Congrès  s'est  arrêté  long-temps  à  examiner  de  ma- 
gnifiques fresques  gallo-romaines,  qui  ont  pu  être  trans- 
portées là  de  l'endroit  où  elles  ont  été  trouvées,  au-dessous  et 
près  du  château  Pipet. 

Ces  fresques ,  qui  représentent  des  guirlandes  de  fruits 
admirablement  rendues  ,  peintes  sur  fond  noir ,  ont  con- 
servé leur  fraîcheur  après  quinze  ou  seize  siècles.  C'étaient 
des  panneaux ,  en  mortier  de  chaux ,  qui  avaient  reçu  ces 
belles  peintures.  Ces  enduits ,  tombés  par  grands  morceaux 
dans  la  maison  même  qu'ils  avaient  décorée  et  retrouvés 
dernièrement  dans  des  déblaiements ,  avaient  assez  de  con- 
sistance pour  qu'on  ait  pu  les  apporter  par  grandes  plaques 
et  les  rajuster  de  manière  à  recomposer  des  surfaces  considé- 
rables, ïl  n'y  a  rien  de  plus  beau  à  Pompéï,  et  aucun  musée 
de  France  ne  possède  de  fresques  gallo-romaines  de  cette 
importance. 

Le  Congrès  a  suspendu  ses  travaux  après  celte  visite  du 


XXIXe.    SESSION,    A   LYON.  515 

musée,  pour  se  rendre  à  midi  dans  un  des  hôtels  de  la  ville, 
où  un  déjeûner  avait  été  préparé  et  où  tous  les  membres  se 
sont  trouvés  réunis. 

Le  Secrétaire , 

Henri  Fazy  ,  de  Genève. 


2e.  Séance  dsi  20  septamhve. 

Présidence  de  M.  V.  Bertuin,  membre  de  la  Société  française 
d'archéologie  et  du  Conseil  général  de  l'Isère. 

Le  Congrès  entre  en  séance  à  1  heure  1/2,  dans  la  grande 
salle  de  l'Hôtel-de-ViUe,  décorée  de  peintures  représentant 
les  monuments  antiques  de  Vienne. 

M-  Vital  Berthin ,  membre  du  Conseil  général,  et  qui 
toujours  s'est  vivement  intéressé  à  la  conservation  des  mo- 
numents de  son  pays,  est  prié  de  présider  la  séance. 

MM.  de  Caumont  ;  V.  Teste,  inspecteur  de  la  Société 
française  pour  le  département  de  l'Isère;  l'abbé  Le  Petit, 
secrétaire  de  la  même  Société  ;  Chalie,  d'Auxerre  ;  Bouillct, 
de  Clermont,  siègent  au  bureau. 

M.  Fazy,  de  Genève,  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

On  remarque,  dans  la  salle,  i\lme.  de  Quérangal,  membre 
de  la  Société  française  d'archéologie ,  accompagnée  de 
quelques  dames. 

M.  Berthin  ,  président ,  déclare  la  séance  ouverte  et  pro- 
nonce un  discours  dans  lequel  il  jette  un  coup-d'œil  sur  ce 
qui  s'est  passé  d'intéressant  pour  l'archéologie  ,  à  Vienne , 
depuis  l'année  1841,  époque  à  laquelle  la  Société  française 
d'archéologie  vint,  avec  le  Congrès  scientifique  de  France, 
y  tenir  une  séance  générale.  M.  Berthin  énumère  toutes  les 
mesures  prises  pour  la  conservation  des  monuments ,  soit 
par  le  Conseil  général  de  l'Isère  ,  soit  par  le  Gouvernement  ; 


516       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

il  fait  connaîlre  les  chiffres  des  sommes  votées  à  diverses 
époques  pour  des  travaux  de  consolidation  ou  de  restauration, 
et  indique  ce  que  l'on  se  propose  de  faire  dans  l'avenir. 

Ce  discours,  qui  résume  avec  beaucoup  d'à-propos  tout 
ce  qui  peut  intéresser  le  Congrès ,  est  accueilli  par  les  ap- 
plaudissements de  l'Assemblée. 

M.  V.  Teste,  inspecteur  de  la  Société  française  d'ar- 
chéologie, présente  ensuite  un  coup-d'œil  rapide  sur  les 
monuments  antiques  de  Vienne.  Il  parle  de  substructions 
qui  ont  été  découvertes  près  de  la  Maison-Carrée  (  temple  de 
Livie) ,  constructions  d'un  immense  intérêt ,  que  le  Congrès 
va  visiter  après  la  séance. 

M.  l'Inspecteur  de  la  Société  parle  ensuite  des  nombreux 
vestiges  antiques  exhumés  en  faisant  des  constructions  nou- 
velles, de  mosaïques,  et  notamment  de  celle  qui  a  été  ré- 
cemment découverte  à  Ste.-Colombe,  représentant  l'enlèvement 
de  Ganymède ,  sujet  qui,  d'après  le  Cours  d'antiquités  de 
M.  de  Caumont ,  s'est  trouvé  reproduit  dans  des  mosaïques 
d'Angleterre ,  et  que  plusieurs  fois  on  a  rencontré  dans  les 
mosaïques  gallo-romaines  de  France. 

M.  Teste  passe  ensuite  au  monument  de  l'Aiguille,  que  le 
Congrès  a  vu,  h  distance,  en  descendant  du  chemin  de  fer. 
Tout  porte  à  croire  que  cette  pyramide  (Voir  la  page  suiv.) 
était  sur  la  spina  du  cirque  (1). 

Après  ces  intéressantes  communications  ,  MM.  de  Surigny 
et  de  Caumont  prennent  tous  deux  la  parole  pour  présenter 
quelques  considérations  sur  la  conservation  des  monuments , 
sur  la  méthode  à  employer  pour  les  consolider.  Ils  recom- 
mandent surtout  de  ne  pas  toucher  aux  monuments  antiques, 
sous  prétexte  de  les  restaurer.  On  n'a  que  trop  d'exemples 
déplorables  en  France  de  cet  aveuglement ,  avec  lequel  cer- 

(1)  Voir  V Abécédaire  d'archéologie  de  M.  de  Caumont,  ère  gallo- 
roiuuine,  p.  247. 


XMX".    SESSION,  A    LYON, 


517 


MONUMENT    ROMAIN    DE    L'AIGUILLE. 


518      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

tains  architectes  ont  gratté  ou  refait  à  neuf  des  parties 
anciennes  qui  avaient  un  grand  prix  avant  cette  opération  , 
et  qui  aujourd'hui  ne  valent  guère  plus  que  des  moellons 
ordinaires. 

Passant  à  l'église  St. -Pierre,  ces  Messieurs  recommandent 
le  vœu  formulé  le  matin  ,  et  le  font  renouveler  par  l'As- 
semblée devant  le  public  qui  assiste  à  la  séance. 

M.  Challe,  d'Auxerre ,  appuie  par  de  nouvelles  con- 
sidérations les  conseils  donnés  par  MM.  de  Caumont  et  de 
Surigny. 

M.  le  président  Berthin  propose  au  Congrès  de  visiter 
les  principaux  monuments  antiques  de  la  ville. 

Pour  faciliter  cet  examen ,  M.  Gérard ,  libraire  ,  offre 
plusieurs  exemplaires  d'un  plan  de  Vienne ,  qu'il  a  édité  , 
il  y  a  plusieurs  années ,  et  que  nous  reproduisons  dans  ce 
procès-verbal  (V.  la  planche). 

Ce  plan,  gravé  avec  soin,  comprend  : 

1  \  Remparts  romains ,  dont  on  peut  suivre  presque 
partout  les  traces. 

2°.  Partie  des  remparts  du  moyen -âge. 

3°.  Ruines  du  château  de  la  Bâtie. 

U".  Lieu  où  était  situé  le  Temple  des  cent  dieux ,  et  où 
l'on  voit  un  reste  de  l'église  de  St. -Sévère. 

5°.   Église  de  St. -Martin. 

6°.  Pont  de  St. -Martin. 

7°.  Grands  murs  romains,  construits  pour  soutenir  les 
terres,  et  former  terrasse  le  long  de  la  Gère. 

8".   Aqueducs  romains  le  long  de  la  Gère. 

9°.  Emplacement  de  l'ancien  temple  de  Mars  et  de  la 
Victoire. 

10°.  Abbaye  et  église  de  St.-André-le-Haut. 

11°.   Restes  de  Y  amphithéâtre  romain. 

12".  Restes  du  théâtre  romain. 


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XXIXe.    SESSION,    A    I.YON.  519 

13".  Restes  de  voie  romaine. 

\h°.  Collège. 

15".  Emplacement  du  palais  impérial  sous  les  Romains, 
et  ensuite  du  couvent  des  Capucins. 

16°.  Pont  de  Gère,  ou  de  St. -Sévère. 

17°.  Pont-Neuf,  à  l'embouchure  de  la  Gère. 

18°.   Église  et  abbaye  de  Si.-André-le-Bas. 

19°.  Palais-dc-justice,  où  était  le  palais  prciorial  sous  les 
Romains,  et  ensuite  le  palais  des  rois  de  Bourgogne. 

20".   Temple  d'Augîtstc  et  de  Livie, 

21".  Arcade  antique ,  ayant  fait  partie  des  portiques  qui 
entouraient  le  Forum,  et  grand  mur  romain,  en  pierre  de 
taille,  qui  soutenait,  d'un  côté,  l'escalier  conduisant  de  la 
ville  basse  à  la  ville  haute. 

22".  Hospices. 

23°.  Place-Neuve. 

1k\   Hôtel-de-Ville. 

25".   Halle-Neuve 

26°.  Église  de  St. -Maurice. 

27".  Église  et  abbaye  de  St. -Pierre. 

28°.   Caserne. 

29°.   Champ-de-Mars. 

30°.  Roule  de  Provence. 

31".  Point  où  passait  la  grande  voie,  ou  voie  Domicicunc, 
sous  les  Romains. 

32".  Roule  de  Lyon. 

33°.   Faubourg  de  la  Porte-de-Lyon. 

3.'i°.   Faubourg  de  Serpaize. 

35°.    Faubourg  de  Pont-Évèque. 

36°.   Pile  de  l'ancien  pont  du  Rhône. 

37°.  Pont  en  fil  de  fer. 

38".  Embouchure  du  ruisseau  de  St. -Marcel  ,  ou  de 
Fuissin. 


520      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

39°.  Embouchure  du  ruisseau  de  St.-Gervais  ,  ou  de 
Fuissinet. 

U0°.  Tour  bâtie  par  Philippe-de-Valois  quand  il  s'empara 
du  faubourg  de  Sle. -Colombe. 

61°.  Emplacement  de  la  tour  appelée  Tour-de-Pilate. 

W2°.  Maison  du  Temple,  ancien  hospice. 

&3°.  Maison  du  XVIe.  siècle  (dans  la  rue  des  Orfèvres). 

W.  Maison  gothique  dans  la  rue  de  l'Éperon. 

Le  Congrès  a  visité  rapidement  la  cathédrale  St.  -Maurice  , 
que  la  Société  française  avait  déjà  explorée  en  18M  (V.  le 
t.  VII  du  Bulletin  monumental ,  p.  606). 

Il  a  examiné  d'abord  les  deux  tombeaux  de  marbre  qui  se 
trouvent  près  de  la  porte  occidentale ,  et  dont  un  ,  apporté 
de  St. -Pierre  ,  est  le  tombeau  de  saint  Léonien  ,  décrit  par 
M.  de  Terrebasse.  Le  Congrès  a  examiné  ensuite  l'ordonnance 
de  l'église  et  a  entendu  les  observations  de  MM.  Berthin, 
Teste,  de  Surigny,  de  Caumont ,  de  Brye,  Quenin  et  autres 
membres  du  Congrès,  sur  diverses  particularités  de  celte  con- 
struction ,  sur  les  quelques  travaux  qu'on  y  a  faits  depuis 
vingt  ans  que  la  Société  française  l'a  visitée ,  etc. ,  etc. 

L'Assemblée  a  fait  le  tour  de  l'église  et  a  vu  les  inscrip- 
tions tumulaires  incrustées  dans  les  murs:  quelques-unes 
avaient  été  relevées  par  la  Société  française  en  1841  ;  elles 
seront  toutes  publiées  et  commentées  par  MM.  de  Terrebasse 
et  Aimer,  savants  auxquels  on  devra  bientôt  l'épigraphie 
des  bords  du  Rhône  et  du  midi  de  la  France. 

Poursuivant  sa  marche ,  le  Congrès  est  entré  dans  l'église 
St-André-le-Bas ,  remarquable  à  plus  d'un  titre.  Deux 
beaux  chapiteaux  antiques,  en  marbre,  couronnent  les  co- 
lonnes qui  portent  le  grand  cintre  du  sanctuaire  à  la  nais- 
sance de  l'abside.  La  richesse  des  pilastres  romans ,  ornés 
de  galons  et  de  bandelettes ,  montre  un  des  caractères    de 


XXIX'.    SESSION,    A    LYON.  521 

ce  roman  bourguignon  et  méridional  dont  M.  de  Caumonl 
a ,  depuis  long-temps,  tracé  l'étendue  sur  la  carte  annexée 
à  son  Abécédaire  d'archéologie  depuis  Marseille  jusqu'à 
Langres,  en  y  rattachant  la  Suisse  et  probablement  une 
partie  de  l'Italie  (1).  Près  de  la  chaire ,  le  Congrès  a  pu 
examiner  le  nom  de  l'architecte  Martin  avec  la  date  1152. 
Ce  fut  lui  qui  construisit  au  moins  une  partie  de  l'église , 
notamment  de  belles  fenêtres  romanes ,  qui  attirèrent 
l'attention  du  Congrès. 

MM.  Berthin  et  Teste  conduisent  ensuite  le  Congrès  près 
de  la  belle  inscription  romaine,  si  souvent  relevée  et  qui  parle 
de  tuiles  en  bronze  doré ,  données  par  une  Flamme  avec 
des  statues  et  divers  ornements. 

Cette  inscription  est  ainsi  conçue  : 

D  D   PLAMINIGA   VIENNAE 

TEGVLAS   AENEAS    AVRATAS 

CVM   CARPVSGVLIS   ET 

VESTITVr.IS   BAS1VM  ET  SIGNA 

CASTOlilS    ET   POLLVCIS   CVM    EQVIS 

ET   SIGNA   HERCVLIS   ET   MEUCVRl 

D.    S.    D. 

Le  Congrès  s'est  rendu  de  là  au  temple  de  Livie ,  en  voie 
de  restauration  depuis  bientôt  dix  ans,  et  dont  les  travaux 
ne  sont  pas  encore  achevés.  Ce  qui  attirait  surtout  l'attention 
du  Congrès ,  ce  sont  les  fouilles  qui  avaient  été  faites  et  qui 
avaient  mis  à  découvert  de  magnifiques  soubassements,  en 
pierre  de  grand  appareil,  s'étendant  à  droite  et  à  gauche  du 
péristyle  du  temple.  Ces  beaux  restes  indiquent  que  la 
Maison-Carrée  était  entourée  de  grandes  constructions. 

(d)  V.    les   détails  donnés  sur  la  géographie  du   style  roman  dans 
V Abécédaire  d'archéologie  ,  partie  religieuse,  p.  237  el  suivantes. 


522      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Des  vestiges  analogues  avaient  été  constatés  autour  de  la 
Maison -Carrée  de  Nîmes.  M.  Teste  a  été  prié  par  le  Congrès 
de  donner  un  plan  et  une  description  des  constructions  an- 
tiques nouvellement  exhumées  à  Vienne. 

M.  Berthin  a  dirigé  ensuite  le  Congrès  vers  le  faubourg 
Ste. -Colombe ,  pour  aller  y  voir  le  musée  de  Mn,e.  Michoud. 
M'"9.  Michoud  a  bien  voulu  faire  ouvrir  sa  collection  au 
Congrès ,  qui  a  pu  l'examiner  en  détail. 

Revenu  dans  la  ville ,  le  Congrès  a  vu  les  arcs  du  forum  , 
les  rampants  du  grand  escalier  antique  et  quelques  vieilles 
maisons;  puis  il  a  fait  l'ascension  du  château  Pipet,  et  a  vu, 
avec  le  plus  grand  intérêt  les  conduits  d'aqueducs ,  par- 
faitement reconnaissables ,  dans  le  coteau  de  la  vallée  de  la 
Gère. 

Parvenu  sur  le  plateau  du  château  Pipet ,  esplanade  en- 
tourée de  murs  de  soutènement  romains  d'une  assez  grande 
hauteur  encore,  le  Congrès  a  contemplé  le  ravissant  pa- 
norama qui  se  déroule  devant  les  yeux.  Il  est  monté  au  sommet 
d'un  monument  érigé  à  la  Sainte- Vierge. 

Le  Congrès  a  reconnu  l'emplacement  du  théâtre  au  pied 
du  château  Pipet  ;  ce  qui  a  donné  lieu  à  M.  de  Caumont 
de  faire  des  comparaisons  sur  la  position  analogue  de  certains 
théâtres  antiques. 

Le  Congrès  aurait  eu  bien  des  choses  à  visiter  encore  ; 
mais  le  soir  arrivait ,  et  il  fallait  se  rapprocher  de  la  gare 
pour  retourner  à  Lyon.  C'est  là  que  le  Congrès  a  pris  congé 
de  M.  Berthin,  de  M.  Teste  et  des  honorables  archéologues  de 
Vienne ,  sous  la  conduite  desquels  il  avait  passé  une  journée 
si  instructive  et  si  bien  remplie. 

Le  Secrétaire, 
Fazy,  de  Genève. 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  523 


RÉUNION  DU  CONGRÈS  A  1/H0TEL-DE-V1LLE  DE  LYON. 

VISITE   DES  RESTAURATIONS   DE  L'HOTEL-DE- VILLE, 

LE  'il  SEPTEMBRE. 

A  huit  heures  du  matin,  M.  Desjardins,  architecte  de  la 
ville,  conduit  le  Congrès  à  Pllôtel-dc-Ville  et  lui  fait  visiter 
les  appartements  qu'il  a  été  chargé  de  décorer.  Ils  occupent 
tout  le  premier  étage ,  et  se  composent  de  l'appartement  de 
l'Empereur  et  de  l'Impératrice,  de  ceux  du  Préfet  du  Rhône, 
des  salons  de  réception  et  de  fêtes ,  et  de  ceux  réservés  au 
Conseil  municipal. 

M.  Desjardins  s'est  inspiré  ,  pour  cette  splendide  restau- 
ration, des  plus  purs  modèles  de  Fontainebleau,  de  Versailles, 
et  d'autres  palais,  pour  les  différents  styles  de  François  Ier.  , 
Louis  XIII  et  Louis  XIV,  qu'il  a  adoptés.  Plusieurs  pièces 
conservent  encore  leur  décoration  du  temps  d'Henri  IV,  et 
n'ont  été  que  restaurées. 

Par  une  heureuse  disposition  ,  les  parois  de  l'une  des 
pièces  destinées  au  service  municipal  ont  été  couvertes  des 
écussons  aux  armes  des  échevins  de  Lyon.  Il  est  à  regretter 
que,  faute  de  place,  on  n'ait  pas  pu  les  y  faire  entrer  tous. 

Dans  une  autre  pièce ,  l'habile  architecte  a  fait  re- 
marquer que ,  sur  le  dallage  en  pierre,  était  gravé  un  im- 
mense plan  de  Lyon  ,  qui ,  sans  être  très-ancien  ,  offre 
beaucoup  d'intérêt.  Il  cherche  un  endroit  où  il  puisse  le 
rétablir  dans  une  position  verticale. 

M.  de  Caumont  adresse  à  M.  Desjardins  les  compliments 
du  Congrès  sur  cetle  œuvre  de  décoration  générale,  qui  fera 
de  l'Hôtel-de-Ville  un  véritable  palais. 


52h  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

Séance  de  clôture. 

Présidence  de  M.  l'abbé  Le  Petit. 

A  9  heures,  la  séance  est  reprise  dans  la  salle  de  l'Aca- 
démie, au  palais  St. -Pierre. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Cawnont,  Martin-Daussigny, 
Desjardins,  le  docteur  Cattois. 

M.  Canal  de  Chizy  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

M.  de  Caumont  dit  quelques  mots  sur  les  résultats  de 
l'excursion  archéologique  faite  à  Vienne. 

M.  de  Surigny  demande  quel  serait  le  meilleur  moyen 
pour  préserver  de  la  poussière ,  et  en  même  temps  pour 
pouvoir  étudier  les  fresques  antiques  que  l'on  a  vues  à  Vienne 
et  qui  ne  le  cèdent  en  rien  à  celles  de  Pompéi.  On  pense  qu'un 
vitrage ,  pouvant  s'ouvrir  au  moyen  de  charnières ,  rem- 
plirait ce  but.  M.  Villemsens  préférerait  un  simple  grillage. 

M.  Vallier  annonce  qu'il  travaille  à  un  ouvrage  intitulé  : 
Recueil  des  sceaux  et  des  monnaies,  anciennes  et  modernes , 
appartenant  au  Dauphinc.  Il  demande  appui,  conseil  et 
encouragement. 

M.  de  Caumont  le  félicite,  et  le  Congrès  s'associe  aux 
félicitations  de  son  Président. 

M.  Desjardins  demande  la  parole,  au  sujet  des  modifi- 
cations faites  à  plusieurs  églises  à  Lyon  et  dont  il  est  l'ar- 
chitecte. 

Il  explique  que  ,  pour  la  crypte  de  St.-Irénée ,  une  Com- 
mission est  chargée  de  la  direction  des  travaux.  Les 
colonnes  que  l'on  remplace  ne  sont  pas  les  colonnes  pri- 
mitives ;  celles-ci  avaient  déjà  été  détruites  dans  les  guerres 
de  religion. 

Il  aborde  la  grosse  question  de  la  cathédrale.  La  décision 
qui  a  transformé  le  toit  plat  en  toit  aigu  a  été  prise   par  le 


XXIXe.    SESSION,    A    LYON.  525 

Comité  des  inspecteurs-généraux.  M.  Desjardins  avait  pré- 
senté un  projet  d'ensemble ,  dont  une  partie  seulement  est 
exécutée.  Il  prie  le  Congrès  de  suspendre  son  jugement 
jusqu'à  l'achèvement  des  travaux.  Du  reste ,  son  projet  de 
combles  aigus,  qui  déplaît  à  Lyon,  quoiqu'il  soit  motivé 
par  les  pignons  de  la  façade,  a  toujours  été  approuvé  à  Paris. 
M.  Canat  de  Chizy  demande  si  la  coupe  des  tenons  et  des 
assemblages  des  bois  de  la  charpente  ne  pourrait  pas  faire 
connaître  l'inclinaison  primitive  du  toit.  —  On  n'a  rien  pu  en 
déduire. 

Enfin ,  la  discussion  se  clôt  après  que  M.  Savy  a  montré 
des  profils,  relevés  par  lui,  pour  prouver  que  des  restaurations 
de  détail  ont  altéré  les  formes  primitives  des  moulures  et  des 
ornements. 

M.  Canat  de  Chizy  raconte  sa  visite  au  musée  céramique 
nouvellement  fondé  au  village  d'Aoste  (  Isère) ,  que  conserve 
avec  zèle  M.  le  comte  de  Laforest.  Ce  village,  où  existent  des 
inscriptions  antiques  bien  connues,  est  d'origine  romaine, 
Il  était  le  centre  d'une  fabrication  considérable  de  poteries. 
On  y  a  trouvé  beaucoup  de  fours  de  potiers ,  et  les  noms  des 
fabricants  dont  les  estampilles  peuvent  encore  se  lire  dé- 
passent le  nombre  de  20.  Les  vases  y  affectent  toutes  les 
formes,  depuis  la  grande  amphore  jusqu'aux  petits  lacry- 
matoires ,  depuis  les  grands  plats  à  lait  de  Sabinus  et  67, 
Atinus  jusqu'aux  minces  soucoupes,  depuis  la  grossière  terre 
noire  micacée  jusqu'à  la  fine  terre  rouge,  brillante  et  or- 
nementée. 

Parmi  les  noms  qu'on  a  pu  déterminer,  les  uns  sont 
inscrits  en  rond;  ce  sont  ceux-ci  :  NOSTER  F  IVLIANVS, 

VALLO   F,    MARCVS   F,    SEXTIVS    F,    CASSIO  F 

CVRICVSIVLI  •  C  •  F,  LVCIOLVS  F,  DOMESTICICA  , 
SEVERINVS  F,  QVINTVS  F,  VALLO  FECIT. 

Les  autres  ont  des  estampilles  linéaires  :  MARTIVS  F, 


526      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

MAGRIN,  ATTIVS,  SABINVS  C  '.  ATISIVS.  Ce  dernier  a 
signé  tous  les  vases  plais  à  larges  rebords.  M.  Martin- 
Daussigny  a  signalé  sa  fabrique  à  Lyon,  vers  Ainay.  M.  Canat 
pense  qu'il  n'y  avait  là  qu'un  dépôt,  et  que  les  ateliers 
devaient  être  à  Aosie. 

Enfin,  les  poteries  en  terre  fine  rouge,  brillante,  portent 
des  estampilles  très-petites,  dont  le  nom,  commençant  presque 
toujours  par  o,  est  presque  indéchiffrable.  Cependant ,  l'une 
d'elles ,  montrant  distinctement  OF.  MARCVS ,  peut  être 
traduite  par  Officina  Marcus. 

On  a  trouvé  aussi  beaucoup  de  supports  en  forme  de 
trépied  et  de  couronne ,  en  terre  grossière  ;  des  moules 
en  creux ,  soit  d'ornements  à  appliques ,  soit  du  nom  de 
l'artisan ,  soit  même  de  vases  entiers  ;  des  lampes ,  deux 
statuettes  en  terre  cuite ,  conformes  à  celles  du  musée  de 
Moulins. 

Mais  le  grand  intérêt  de  cette  collection  est  la  quantité 
d'ustensiles  en  verre ,  soit  blanc,  soit  coloré  ,  soit  strié  ,  soit 
fileté  à  plusieurs  couleurs ,  comme  le  verre  de  Venise  ,  qui  y 
sont  réunis.  Quelques-uns  de  ces  vases  ont  &0  et  50  cen- 
timètres de  hauteur  et  de  largeur.  Un  fragment  de  col ,  avec 
son  anse ,  pourrait  appartenir  à  un  vase  de  la  taille  d'une 
amphore. 

Un  petit  vase  de  verre  jaune  contenait ,  avec  des  cendres , 
une  médaille  de  Néron. 

Dans  le  bourrelet  qui  borde  l'orifice  de  l'un  de  ces  us- 
tensiles ,  se  trouve  renfermée ,  chose  bizarre  !  une  petite 
quantité  d'eau  limpide. 

M.  Canat  de  Chizy  fait  connaître  le  procédé  expéditif  qu'il  a 
imaginé  pour  obtenir  un  profil  exact  de  ces  différents  objets, 
et  qui  pourra  être  utile  aux  archéologues  qui  n'auraient  pas 
le  talent  ou  le  temps  de  dessiner  les  choses  rares  qu'ils  ont 
découvertes. 


XXIX".    SESSION  ,    A   LYON.  527 

Il  a  fixé  son  papier,  avec  des  épingles,  sur  une  planche 
qu'il  a  placée  verticalement  sur  une  table.  En  avant,  et  tout 
près  du  papier,  il  a  dressé  les  objets  dont  il  voulait  avoir  le 
dessin  ;  il  a  fermé  tous  les  volets  et  allumé  une  lampe  à 
l'autre  extrémité  de  la  salle.  La  silhouette  s'est  produite  très- 
nettement  ,  et  en  quelques  instants  ,  il  l'a  tracée  avec  un 
crayon.  De  la  sorte ,  un  grand  nombre  de  vases  ,  de  poteries  , 
de  bronzes,  ont  été  dessinés  en  très-peu  de  temps. 

M.  le  docteur  Cattois  appelle  l'attention  du  Congrès  sur 
l'église  de  Grenoble ,  dont  les  réparations  font  disparaître 
une  disposition  intérieure  qu'il  appelle  allemande,  et  une 
chapelle  au-dessus  de  la  voûte  qui  est  à  l'entrée  de  l'église. 

RI.  de  Soullrait  fait  remarquer  que  celle  disposition  se 
trouve  dans  beaucoup  d'églises  anciennes ,  entr'autres  à 
Tournus.  C'est  l'église  supérieure,  dédiée  à  saint  Michel,  qui 
s'élève  au-dessus  du  narthex.  Elle  est  spécialement  destinée 
à  la  commémoration  des  morts. 

M.  de  Soullrait  signale  au  Congrès  la  Revue  du  Lyonnais, 
comme  une  publication  consciencieuse  et  utile  destinée  aux 
arts  et  aux  sciences  :  il  serait  heureux  de  voir  le  Congrès 
adresser  des  félicitations  à  son  propriétaire,  qui  en  est  aussi  le 
rédacteur,  M.  Vingtrinier ,  membre  du  Comité  archéologique 
de  Lyon. 

M.  de  Caumont  remercie  M.  Vingtrinier,  de  son  concours 
pour  l'extension  des  études  archéologiques. 

Il  rappelle  le  vœu  émis  précédemment  par  le  Congrès,  sur 
sa  proposition  ,  que  toutes  les  grandes  villes  aient  une  sorte 
de  Livre-d'Or  ,  où  seraient  inscrits  les  noms  de  tous  les 
hommes  qui  ont  rendu  des  services. 

RI.  de  Soullrait  explique  qu'il  y  a  déjà  à  Lyon  un  com- 
mencement d'exécution  :  qu'un  legs  a  été  fait  pour  l'érection 
de  bustes  en   marbre  ;  qu'il  y  a  déjà  quelques  portraits  de 


528      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

réunis.  La  collection  Coste ,  dont  M.  Vingtrinier  a  rédigé  le 
catalogue ,  fournit  des  documents.  Il  y  a  eu  encore  une 
publication,  intitulée:  Les  Lyonnais  dignes  de  mémoire, 
qui  devra  être  consultée. 

Ce  qu'il  faudrait,  ce  serait  des  tables  de  marbre,  où  les 
noms  seraient  inscrits. 

M.  de  Caumont  pense  que  ces  tables  seraient  placées 
convenablement  à  l'Hôtel-de-VilIe ,  dans  une  salle  du  rez-de- 
chaussée. 

Après  cette  discussion,  M.  de  Caumont,  directeur  de  la 
Société  française  d'archéologie  ,  adresse  des  remercîments 
aux  habitants  de  Lyon  qui  ont  pris  part  au  Congrès  ;  il  prie 
M.  Fraisse  d'offrir  les  remercîments  de  l'Assemblée  à  l'Aca- 
démie impériale  de  Lyon  ,  qui  a  bien  voulu  l'autoriser  a  se 
réunir  dans  la  salle  qui  lui  est  attribuée. 

La  séance  est  levée  et  la  seconde  partie  de  la  session  du 
Congrès  archéologique  de  1862  déclarée  close,  à  10  heures  1/2 
du  matin. 

Le  Secrétaire , 

Paul  Canat  de  Chizy. 


isroTii 


SDR 


LA   GÉOGRAPHIE   ROMAINE 

DU  PAYS  DES  OSISMIENS 

(Finistèie), 

PRÉSENTÉE   AU  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE 
Par  SI.  le  S»r.  E.  HALLÛGEEN ,  de  OiâleauSin. 


Les  difficultés,  les  incertitudes  de  notre  géographie  an- 
cienne tiennent  toutes,  de  près  ou  de  loin,  à  la  question  de 
savoir  si  Carhaix  est  bien  le  Vorganium,  par  abréviation 
Vorgium ,  devenu  plus  tard  Osismii  \,  résidence  du  préfet 
et  de  l'évêque  des  Osisiniens. 

Le  débat  est  désormais  entre  Brest  et  Carhaix.  Dans  un 
Essai  sur  les  origines  armorico-brclonnes ,  ou  les  évôchés 
gallo-romains  de  la  Basse- Armorique  ,  du  Ve.  au  IXe.  siècle, 
présenté  au  concours  des  Antiquités  de  la  France,  je  crois 
avoir  prouvé  que  Brest  a  été  Vorganium  Osismii;  que 
Carhaix  n'a  jamais  été  que  Castetlum  (  Osismiorum),  Caer, 
Ker,  Carez,  Caraez,  Keraes  en  breton,  latinisé  en  Caretum; 
mais  cela  ne  m'empêche  pas  de  demander  de  nouvelles  re- 
cherches ,  des  vérifications  :  elles  serviront  toujours  à  ma- 
nifester la  vérité  ,  ce  qui  est  l'essentiel. 

Or,  il  me  semble  que  la  question  pourrait  être  résolue 
par  des  fouilles  pratiquées  à  Carhaix  ;  car  si  c'était  là  Vor- 
ganium  Osismii ,  la  capitale  de  la  cité  Osismienne ,  elle  a 
été  entourée  de  remparts;  elle  a   eu  un   castrum   comme 

34 


530  CO.\GRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

Nantes,  Rennes,  Vannes,  Met ,  sinon  Çorseul.  Ces  remparts 
sont  détruits  au-dessus  du  sol ,  mais  ils  n'ont  certainement 
pas  été  arrachés  du  sol.  L'édifice  romain  important  de  la 
maison  Ponchera  et  les  autres  ruines  que  j'ai  mises  à  dé- 
couvert le  prouvent  assez. 

On  trouvera  bien  des  vestiges  des  fortifications  modernes 
qui  ont  dû  être  élevées  sur  les  fondements  romains.  Le 
château  dit  d'Ahès  doit  remonter  également  à  cette  époque  , 
au  moins  pour  ses  fondations. 

Dans  le  clos  St. -Etienne,  qui  paraît  avoir  été  un  cimetière 
romain ,  et  le  parc  Poullon  ,  ont  été  trouvés  quatre  chapi- 
teaux de  colonnes  doriques,  dont  trois,  ayant  33  centi- 
mètres de  module ,  ont  dû  surmonter  des  colonnes  de  U 
mètres  90  centimètres;  le  quatrième  a  25  centimètres  et 
couronnait  une  colonne  de  3  mètres  92  centimètres.  Ces 
établissements  importants  sont  situés  du  même  côté  de 
la  ville  que  le  château  d'Ahès.  En  partant  de  ces  points , 
on  ferait ,  selon  toutes  les  probabilités ,  des  découvertes  qui 
seraient  décisives.  Il  suffirait  pour  cela  d'une  allocation 
que  la  Société  française  d'archéologie  voudrait  bien  confier 
à  MM.  Du  Chatellier,  de  Blois ,  et  à  leur  dévoué  col- 
lègue. Nous  obtiendrions  le  concours  de  plusieurs  personnes 
intelligentes,  et  spécialement  celui  de  l'architecte  qui  a  dirigé 
nos  fouilles  de  1850.  Si  je  me  permets  d'adresser  cette  de- 
mande à  la  Société  française  d'archéologie  ,  je  dois  lui  dire  , 
comme  circonstance  atténuante  de  ma  hardiesse ,  que  toutes 
mes  fouilles  et  recherches  dans  le  département ,  depuis  le 
château  féodal  de  Châteaulin,  dont  j'ai  retrouvé  le  plan  en 
18ù9  et  publié  l'histoire  dans  Y  Écho  de  Châteaulin ,  qui 
n'avait  guère  d'écho  jusqu'à  Carhaix  et  ailleurs  encore  ,  que 
tout  cela  s'est  fait  sans  secours ,  sans  subvention  ,  sans  en- 
couragement d'aucune  sorte. 

Il  va  sans  dire,  à  la  Société  française  d'archéologie,  que 


GÉOGRAPHIE   DU    PAYS   DES  OSISMIENS.  531 

la  viabilité  romaine  que  je  décris  dans  la  Cornouaille  armo- 
ricaine est  celle  des  IVe.  et  Ve.  siècles,  de  la  fin  de  notre 
époque  romaine.  On  sait  assez  que  la  féodalité  et  le  moyen- 
âge  ,  en  Basse-Bretagne ,  plus  encore  que  dans  le  reste  de 
l'Armorique ,  n'ont  fait  que  dégrader  ou  laisser  se  dégrader 
les  routes.  Le  principe  de  la  guerre ,  qui  a  désolé  notre 
pays  plus  que  tout  autre  jusqu'à  sa  réunion  à  la  France, 
était  de  couper  et  de  détruire  les  routes. 

Le  soin  des  routes  anciennes  et  la  création  de  nouvelles 
voies  ne  peuvent  être  comptés  au  nombre  des  mérites  de  la 
féodalité  et  du  moyen-âge. 

NOTE  SUR  CARHAIX. 

Le  monument  romain  le  plus  apparent ,  le  seul  apparent 
même  de  Carhaix,  est  l'aqueduc  qui  viendrait,  selon  les  uns, 
des  étangs  de  Glomel ,  aujourd'hui  réservoir  du  canal  de 
Nantes  à  Brest;  selon  d'autres,  de  la  fontaine  de  St. -Antoine, 
ce  qui  est  plus  croyable  ;  car  Glomel  est  à  3  ou  h  lieues. 
Toujours  est-il  qu'on  ne  sait  pas  d'où  il  venait  ;  mais  on  ne 
sait  pas  davantage  où  il  allait,  car,  selon  les  habitants,  son 
château-d'eau  est  à  Leur-Venn.  Or,  cela  n'est  pas.  Le 
mur  quelconque  qui  y  existe  n'est  pas  un  bassin  ,  et  les 
abords  où  j'ai  recherché  les  conduits  ,  sur  une  longueur  de 
63  mètres  jusqu'au  roc,  n'ont  rien  présenté  de  semblable, 

Au  contraire,  loin  de  se  diriger  sur  Leur-  Venn  de  l'est  à 
l'ouest ,  il  se  porte  au  nord  vers  la  fontaine  Stanquélen  et  le 
petit  Carhaix ,  sur  la  route  de  Morlaix.  Peut-être  allait-il  à 
des  points  dont  l'un  a  fourni  une  belle  mosaïque.  Dans 
ce  terrain  la  tradition  place  un  palais.  L'aqueduc,  en  passant, 
pouvait  fournir  de  l'eau  aux  bains  du  champ  Dagorn. 

Mais  l'eau  n'est  pas  rare  à  Carhaix  :  il  n'y  manque  ni 
fontaines,  ni  puits. 


f>32  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANGE. 

La  direction  ,  vers  la  rivière  d'Hyères,  de  ce  conduit  en 
béton  que  j'ai  jalonné  avec  soin  permet  de  se  demander  si 
ce  n'était  pas  plutôt  un  grand  égout ,  un  égout  collecteur.  Il 
a  95  centimètres  de  hauteur  et  60  centimètres  de  largeur  5 
son  épaisseur  est  de  30  à  32  centimètres  :  c'est  un  béton 
mêlé  de  pierres ,  de  3  à  h  centimètres  ,  de  grès ,  de  schiste, 
de  quartz.  On  y  entre  facilement  :  on  a  pénétré  jusqu'à  &5 
ou  50  mètres  sans  être  gêné.  A  ce  point,  il  est  rempli  de 
terre  qui  est  probablement  celle  des  champs  dans  lesquels  il 
aura  été  détruit. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  destination  de  ce  beau  monument, 
il  y  avait  à  Carhaix  des  égouts  dont  un  a  été  découvert 
auprès  de  Plouguer ,  sur  la  route  de  Brest  ,  encore 
rempli  de  boue  calcinée.  C'est  un  conduit  carré ,  haut  de 
65  centimètres ,  large  de  55  centimètres ,  en  schiste  du 
pays,  posé  avec  le  ciment  romain.  La  base  est  une  couche 
de  béton  de  10  centimètres  d'épaisseur.  Il  est  couvert  avec 
de  larges  pierres  de  schiste,  se  doublant  et  unies  par  le 
même  ciment.  La  direction  de  cet  égout  allant  du  sud  au 
nord  vers  l'Hyères,  il  devait  se  décharger  dans  le  premier 
conduit.  Carhaix  est  sillonné  de  ces  canaux  qui  sont  ou- 
verts en  plusieurs  points;  on  en  a  trouvé  en  particulier 
dans  le  champ  de  bataille  et  aux  environs ,  et  toujours  on 
les  appelle  des  aqueducs ,  quelle  que  soit  l'eau  qu'ils  con- 
tiennent. 

Le  château  dit  d'Ahès  appelle  aussi  une  attention  particu- 
lière. Ce  qu'en  nomme  ainsi  n'a  extérieurement  rien  de 
romain.  Il  faudrait  fouiller  les  fondations  qui  peuvent,  qui 
doivent  être  romaines  pour  mériter  quelque  peu  ce  nom  an- 
tique. On  y  trouve  cependant,  ainsi  que  dans  quelques  murs 
voisins  ,  du  béton  employé  comme  moellon  de  construction  ; 
mais  il  reste  à  savoir  d'où  il  provient.  Les  murs  du  couvent 
des  Ursulines  en  présentent  surtout  de  beaux  fragments.  La 


GÉOGRAPHIE    DU    PAYS   DES  OSISMIENS.  533 

construction  romaiuo  de  la  maison  Punchera  était  placée 
entre  ces  deux  édifices  modernes. 

Sur  la  même  ligne  ont  clé  trouvés  les  chapiteaux  de  co- 
lonnes doriques,  qui  feraient  penser  qu'il  y  a  eu  là  un 
temple  qui  aura  été  démoli  ,  peut-être  pour  bâtir  des  rem- 
parts de  défense  contre  les  barbares  au  IIIe.  et  au  IVe.  siècle. 
C'est  ce  que  des  fouilles  bien  dirigées  devraient  nous  ap- 
prendre. Il  y  a  vraiment  assez  long-temps  qu'on  dispute 
sur  Carhaix  pour  que  tout  le  monde  s'emploie  sérieu- 
sement à  savoir  enfin  la  vérité. 

Pour  ma  petite  part ,  j'ajouterai  que  le  plus  ancien  nom 
de  Carhaix  conservé  dans  l'histoire  du  moyen-âge  est  Cas- 
lellum  ,  dans  l'acte  de  fondation  du  prieuré  de  St. -Nicolas  de 
Carhaix  faite  par  Tanguy  Ier.,  vicomte  de  Poher  (1).  Caretum 
est  le  nom  latin  de  Carhaix  ,  Carez.  C'est  le  seul  qu'on 
trouve  dans  les  dictionnaires  géographiques  et  historiques, 
dans  Baudrand  (1681-82)  ,  dans  JMoréri ,  dans  le  Diction- 
naire de  Trévoux,  dans  La  Martinière  (1768  ),  dans  Vosgien. 

Quant  à  Urbscsia ,  ou  Urbsatia ,  on  ne  trouve  ces  noms 
que  dans  le  P.  Grégoire  et  dans  Corret  de  La  Tour-d'Au- 
vergne. Le  premier  paraît  l'avoir  inventé  en  l'honneur  de 
la  princesse  imaginaire,  de  la  fée  Ahès  (ou  de  l'airain,  as)... 
et  La  Tour-d'Auvergne  l'aura  copié  pour  en  faire  un  ar- 
gument en  faveur  d'Aétius,  général  romain  ,  prétendu  fon- 
dateur de  la  ville  natale  du  premier  grenadier  de  France. 

De  la  belle  mosaïque  dont  j'ai  eu  l'honneur  d'offrir  un  des- 
sin ,  deux  fragments  ont  été  donnés  aux  musées  de  Nantes  et 
de  Quimper.  Ils  ne  comprennent  guère  que  l'encadrement. 
Le  Congrès  a  donc  par  ce  dessin  que  j'ai  présenté  une 
véritable  idée  de  la  mosaïque,  dont  la  rosace  avait  0  mètre 
60  centimètres  carrés ,  et  la  bordure  0'",1 5  centimètres  de 

(1)  V.  Dom  Morice,  Preuves,  t.  I,  col.  914-919. 


534      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

largeur.  Les  diverses  pierres  qui  forment  les  dessins  n'ont 
pas  plus  d'un  centimètre  carré.  Toutes  sont  employées  brutes 
et  reposent  sur  un  bain  de  ciment. 

Les  briques ,  ciment ,  fragments  de  peintures  murales  , 
coquillages ,  etc. ,  etc. ,  qui  ont  été  découverts  à  Carhaix 
et  ailleurs  ont  été  donnés  au  musée  naissant  de  Quimper. 
J'aime  à  croire  que  la  Société  française  d'archéologie,  sui- 
vant sa  noble  et  généreuse  habitude,  nous  autoriserait  à  placer 
dans  le  même  dépôt  les  objets  que  nous  pourrions  découvrir 
avec  l'allocation  qu'elle  voudra  bien  nous  accorder. 


RECHERCHES 

SUR 

LE  CARACTÈRE  ARCHITECTURAL 

DE  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON, 

PRÉSENTÉES    AU    CONGRÈS     ARCHÉOLOGIQUE 

Par   10.   SAVY, 

Membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes ,  à  Lyon. 


L'architecture  si  complexe  en  apparence  de  notre  église 
métropolitaine  ;  le  style  si  distinctif  de  chacune  de  ses  di- 
visions ;  la  différence  de  hauteur  entre  les  voûtes  de  l'abside 
et  celles  des  transepts  et  de  la  grande  uef ,  l'ont  fait  envisager 
comme  une  œuvre  toute  de  pièces  et  de  morceaux ,  comme 
une  agrégation  de  divers  plans  soudés  les  uns  aux  autres  à 
différentes  époques,  et  sans  unité  de  conception. 

Celte  appréciation  inexacte  de  notre  monument  a  été 
tellement  divulguée ,  et  préconisée  avec  tant  d'insistance  , 
qu'on  a  fini  par  l'admettre  comme  une  vérité  incontestable  ; 
et  les  traités  d'archéologie ,  en  voulant  renfermer  dans  une 
période  exacte  chaque  transformation  de  l'architecture  du 
moyen-âge ,  n'ont  pas  peu  contribué  à  donner  raison  ,  en 
quelque  sorte  ,  à  cette  manière  de  juger  la  vieille  basilique 
lyonnaise. 

Cependant,  les  savants,  tels  que  les  de  Caumont  et  autres , 
en  donnant  à  l'archéologie  monumentale  ses  formules  et  ses 


536      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

divisions,  n'ont  pensé  qu'à  établir  des  points  de  repère,  au 
moyen  desquels  ils  pussent  se  reconnaître  au  milieu  de  cette 
variété  de  styles  que  présentent  les  nombreux  édifices  ro- 
mans et  ceux  de  la  période  ogivale  ;  mais  ils  n'ont  jamais  eu 
en  vue  évidemment  de  faire,  d'une  simple  classification  ,  un 
principe  invariable  et  absolu.  Ils  n'ont  pu  vouloir  enseigner 
que  chaque  modification  de  style  ,  dans  l'art  de  bâtir  ,  com- 
mençait juste  à  une  époque  déterminée,  au  milieu  ou  à  la  fin 
d'un  siècle,  par  exemple,  et  faisait  place  méthodiquement, 
et  à  jour  fixe,  à  une  autre  entente  artistique. 

L'enthousiasme  avec  lequel  on  s'est  jeté  sur  les  premiers 
écrits  traitant  de  l'art  du  moyen-âge  a  empêché  de  discerner 
ce  qui  était  de  principe  fondamental,  d'avec  ce  que  l'on  ne 
devait  envisager  que  comme  une  simple  nomenclature  de 
convention  essentiellement  variable.  On  a  pris  celle-ci  à  la 
lettre,  contrairement  à  la  pensée  de  ceux  qui  l'avaient  établie 
en  premier  lieu  et  bien  souvent  on  en  a  fait  l'application 
irréfléchie  lorsqu'il  s'est  agi  de  déterminer  l'âge  et  le  style 
d'une  foule  de  monuments  historiques. 

Mais  aujourd'hui  que  la  science  a  marché  et  que ,  grâce 
à  des  investigations  patientes  et  sûres,  elle  est  arrivée  à  faire 
la  lumière  sur  les  origines  et  les  phases  diverses  des  con- 
structions gothiques,  il  est  permis  de  juger  l'architecture 
mixte  de  notre  cathédrale  d'une  toute  autre  façon  qu'elle  ne 
l'a  été  jusqu'à  présent.  On  a  été  long-temps  à  croire  que 
l'adoption  du  style  ogival ,  concurremment  avec  l'ornemen- 
tation romane,  ne  pouvait  être  le  fait  d'un  même  architecte, 
parce  que  l'on  voyait  là  deux  arts  particuliers  qui  indiquaient 
deux  époques  distinctes,  bien  éloignées  l'une  de  l'autre.  Cette 
opinion  ne  peut  plus  se  soutenir  maintenant. 

Parmi  les  monuments  qui  présentent  comme  le  nôtre  ,  et 
d'une  manière  encore  plus  inexplicable  et  plus  prononcée , 
l'alliance  du  plein-cintre  et  de  l'arc  brisé ,  nous  citerons , 


AF.CHIJEC1UI.E  I)L  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON.  537 

en  premier  lieu,  l'église  de  St. -Germer  (Oise) ,  que  l'on  fait 
remonter  à  1136.  Là,  le  plein-cintre  apparaît  dans  tout  le 
haut  du  monument,  tandis  que  l'ogive  règne  seule  dans  le 
plan  inférieur.  Et  en  second  lieu ,  la  cathédrale  de  Noyon  , 
élevée,  suivant  M.  Viollct-Leduc ,  de  1150  à  1190,  ce  re- 
marquable édifice,  qui  présente  avec  notre  primatiale  une 
grande  conformité  de  plan  dans  la  disposition  des  travées  et 
le  tracé  des  voûtes ,  a  toutes  les  arcades  du  rez-de-chaussée 
et  celles  de  la  galerie  du  premier  étage  ouvertes  en  ogive , 
pendant  que  l'arc  plein-cintre  se  montre  exclusivement  dans 
les  petites  arcaturcs  du  second  triforium  et  dans  les  grandes 
fenêtres  de  la  nef  centrale. 

II  fut  donc  une  époque  où  l'art  était  libre  et  ne  se  ré- 
sumait pas,  comme  au  X1IP.  siècle,  en  une  formule  ;  et 
celle  époque ,  long-temps  méconnue  et  mal  définie  au  poiut 
de  vue  artistique,  c'est  le  XIIe.  siècle.  Le  style  ogival 
se  trouve  parfaitement  constitué  au  XIIe.  siècle.  On 
comprend  dès-lors  que  les  architectes  gothiques  de  cette 
époque  ,  encore  sous  l'influence  romane ,  qui  avait  laissé  des 
œuvres  d'une  grande  importance  et  d'une  grande  valeur , 
n'aient  pas  cru  devoir  s'abstenir  d'un  style  qui ,  employé 
avec  discernement  et  intelligence,  ne  pouvait  que  donner  à 
leurs  édifices  de  l'imprévu  et  de  la  variété. 

On  sait  aujourd'hui  que  les  premiers  monuments-types  de 
l'architecture  gothique  se  sont  élevés  dans  l'Ile-de-France  et 
la  région  limitrophe ,  dans  tout  le  bassin  de  l'Oise  et  une 
partie  de  la  Champagne.  Far  conséquent,  la  cathédrale  de 
Noyon  et  l'église  de  St. -Germer  ,  que  nous  venons  de  citer, 
sont  deux  édifices  originaux  du  style  ogival  primitif. 

Toutefois,  ce  qui  reste  encore  à  déterminer,  c'est  le  mo- 
ment précis  où  le  style  gothique  se  montre  sur  tous  les 
points  du  sol  français  dès  qu'il  est  connu.  Assez  générale- 
ment ,  on  assigne  a  la  diffusion  de  cet  art  dans  quelques-unes 


538      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE. 

de  nos  provinces  ,  et  notamment  dans  le*  Lyonnais,  une  date 
beaucoup  plus  récente  que  celle  indiquée  par  l'âge  des  con- 
structions où  il  apparaît.  En  ce  qui  concerne  notre  cathé- 
drale en  particulier,  on  s'est  obstiné  à  attribuer  au  XIIIe. 
siècle  le  style  des  transepts  et  de  la  grande  nef,  tandis  qu'on 
renferme  exactement  dans  la  fin  du  XIIe.  siècle  le  sanctuaire 
et  les  deux  chapelles  absidalcs.  La  ligne  de  démarcation 
est,  comme  on  le  voit,  très-nettement  tracée.  Nous  allons 
essayer  de  restituer  à  chaque  division  de  notre  intéressant 
édifice  l'état  civil  que  lui  assigne  la  marche  rationnelle  des 
travaux. 

Commencée  de  1173  à  1176,  sous  l'archevêque  Guichard, 
la  basilique  lyonnaise  s'élève  à  une  époque  où  l'art  de  bâtir , 
comme  nous  l'avons  dit,  ne  s'astreint  pas  à  un  type  unique, 
mais  où  il  est  essentiellement  libre  et  prend  divers  aspects 
sous  une  même  main,  conservant  les  traditions  de  l'architec- 
ture romane  intimement  liées  au  style  ogival.  Toutes  les 
églises  de  notre  province  commencées  ou  achevées  à  peu 
près  au  même  temps  que  la  métropole ,  telles  que  celle  de 
St.-Paul,  à  Lyon,  qui  date  du  milieu  du  XIIe.  siècle,  et 
celle  de  Bclleville  (Rhône) ,  consacrée  par  l'archevêque  Gui- 
chard en  1179,  en  sont  une  preuve  évidente. 

Il  n'y  a  pas  eu  dans  le  Lyonnais ,  que  nous  sachions  du 
moins ,  d'école  provinciale  d'architecture ,  et  la  plupart  de 
nos  églises  anciennes  d'une  certaine  importance  ont  toutes 
une  origine  ou  clunisienne  ou  bourguignonne.  C'est  à  cette 
dernière  qu'appartient  notre  primatiale.  En  l'absence  de 
preuves  écrites  et  de  documents  authentiques  établissant  ce 
fait,  nous  n'avons  qu'à  ouvrir  le  Dictionnaire  d'architecture 
de  M.  Viollet-Leduc,  et  là  nous  trouverons  matière  à  nous 
éclairer  complètement  à  cet  égard.  Système  de  construction , 
caractère  de  la  flore  des  chapiteaux,  beauté  du  style:  tout 
cela  est  expliqué,  analysé,  démontré  dans  le  savant  ouvrage, 


ARCHITECTUr.E  DE  LA  CATHÉOBALE  DE  LYON.         539 

avec  une  précision  et  une  justesse  d'aperçus  qui  ne  laissent 
aucun  doute  dans  l'esprit ,  quand  on  compare  l'architecture 
bourguignonne  avec  celle  que  présente  la  cathédrale  de 
Lyon. 

Or,  en  Bourgogne,  en  raison  même  de  la  proximité  de 
cette  province  avec  la  Champagne ,  où  naît  en  même  temps 
que  dans  l'Ile-de-France  le  style  gothique,  cet  art  se  montre 
tout  complet  presque  aussitôt  après  sa  première  manifestation. 
L'architecte  bourguignon  ,  appelé  par  l'archevêque  Guichard 
pour  dresser  le  plan  de  sa  basilique ,  nous  apporte  le  style 
ogival  précisément  à  sa  plus  belle  époque  ;  car  ce  que  la 
science  vient  de  constater ,  c'est  que  cet  art  n'apparaît  dans 
toute  sa  perfection  et  dans  toute  sa  pureté  qu'au  moment 
même  de  sa  naissance. 

«  Comme  tous  les  grands  styles ,  dit  M.  Ernest  Renan , 
«  le  gothique  fut  parfait  en  naissant.  Trop  habitués  à  juger 
«  ce  style  par  les  ouvrages  de  sa  décadence ,  nous  oublions 
«  souvent  qu'il  y  eut  pour  le  style  ogival ,  avant  les  exagé- 
«  rations  des  derniers  temps,  un  moment  classique  où  il 
«  connut  la  mesure  et  la  sobriété.  Les  petits  édifices,  élevés 
«  en  quelques  années  et  d'une  parfaite  unité ,  nous  ren- 
«  seignent  bien  mieux  à  cet  égard  que  les  grandes  cathé- 
«  drales,  achevées  presque  toutes  au  XIV*.  siècle.  L'église 
«  de  St.-Leu  d'Esserans,  dont  M.  Vitet  a,  je  crois,  le  mérite 
«  d'avoir  le  premier  révélé  la  rare  élégance  ;  celle  d'Agneiz , 
«  près  de  Clermonl;  la  salle  d'Ourscamps  ;  la  belle  église 
h  cistercienne  de  Longpont ,  ou  même  celle  de  St.-Yved 
«  de  Braine  ,  sont  d'excellents  modèles  aussi  purs ,  aussi 
«  frappants  d'unité ,  que  le  plus  beau  temple  grec.  Les 
«  églises  élevées  par  les  Croisés  en  Palestine  brillent  aussi 
a  par  leur  sévérité.  On  ne  peut  placer  trop  haut  ces  con- 
«  structions  simples  et  grandioses  du  premier  style  ogival. 


5U0  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DK   FRANCE. 

«  Les  lignes  verticales  n'empêchent  pas  de  fortes  lignes  ho- 
a  rizontales  de  se  dessiner.  Les  chapiteaux  ,  tous  semblables 
«  entr'eux  dans  un  même  édifice  et  composés  de  feuilles 
«  élégantes ,  rappellent  encore  le  galbe  corinthien.  Les  bases 
((  sont  rondes  et  ornées  de  moulures  simples  ;  tout  l'aspect 
«  de  la  colonne  est  antique  et  d'une  juste  proportion.  L'ogive, 
«  dont  on  exagérera  plus  tard  l'acuité,  est  à  peine  sensible  ; 
«  à  St.-Leu,  l'abside,  à  distance,  paraît  toute  romane.  On 
«  ne  vise  qu'à  des  hauteurs  modérées  ;  le  bâtiment  paraît 
«  assez  large  ;  les  fenêtres  sont  de  taille  moyenne  ,  presque 
«  sans  divisions  intérieures.  Tout  l'édifice  respire  une  droi- 
«  turc  de  jugement,  un  sentiment  de  justesse  dont  on  ne 
«  tardera  pas  à  se  départir  (1).    » 

St. -Jean  de  Lyon  n'est  pas  un  édifice  de  transition,  mais 
une  église  complètement  ogivale ,  et  les  réminiscences  ro- 
manes qui  s'y  montrent  n'affectent  en  rien  le  système  général 
de  la  construction,  Du  reste  ,  nul  indice  de  tâtonnement , 
nulle  indécision  dans  l'exécution  de  cette  œuvre  importante  ; 
et  cela  n'est  pas  étonnant.  Ce  n'est  point  là  une  production 
naturelle  de  notre  sol,  un  art  qui  essaie  chez  nous  de  suivre 
le  mouvement  artistique  du  Nord  :  c'est  une  importation  des 
contrées  voisines  de  la  nôtre  ;  c'est  l'œuvre  d'un  homme  qui 
possède  tous  les  secrets  de  cette  nouvelle  manière  de  bâtir, 
qu'il  a  étudiée  jusqu'à  sa  source  ;  qui  sait  ce  qu'il  veut,  et 
comment  il  doit  procéder  pour  obtenir  tels  ou   tels  résulîals. 

C'est  le  principe  ogival  qui  a  tracé  dans  l'abside  les  arcades 
des  travées,  d'un  caractère  ferme  et  d'une  grande  simplicité 
de  profils;  qui  a  dessiné  les  longues  fenêtres  du  rond-point , 
d'un  aspect  noble  et  sévère  ;  qui  a  dressé  ces  robustes  piles 
d'angles  montées  en  grand  appareil  de  pierre  dure  ,  can- 
tonnées de  nombreuses  colonnes  destinées  à  recevoir  les  arcs 

(1)  Revue  des  Deux-Mondes,  1er.  juillet  1862. 


ARCHITECTURE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  LYON.  5M 

des  chapelles  absidalcs  et  des  transepts,  puis  les  nervures  des 
voûtes  ogivales  de  l'abside  et  de  la  grande  nef  ;  qui ,  enfin  , 
a  complété,  par  l'emploi  d'arcs-boutants  savamment  calculés, 
l'admirable  structure  du  monument. 

Les  disparates  de  style  et  d'ordonnance  intérieure  que 
l'on  remarque  entre  l'abside ,  les  transepts  et  les  premières 
travées  de  la  grande  nef,  ne  résultent  pas  de  modifications 
introduites  dans  le  plan  primordial  de  l'œuvre,  par  suite  de 
changements  successifs  dans  la  direction  des  travaux,  comme 
on  le  croit  encore  :  elles  ont  été  prévues  et  raisonnées 
d'avance ,  et  ne  sont  que  la  conséquence  du  programme 
imposé  à  l'architecte ,  en  raison  de  la  diversité  des  matériaux 
qu'il  avait  à  employer,  et  de  certaines  traditions  liturgiques 
religieusement  conservées  dans  notre  province.  Quatre  clo- 
chers devaient  régner  sur  le  monument ,  en  signe  de  la 
primatie  de  l'église  de  Lyon,  et  l'abside,  comme  presque 
toutes  celles  de  nos  vieilles  églises  du  Lyonnais ,  devait  être 
moins  élevée  que  la  nef  centrale. 

Nous  n'avons  pas  à  discuter  ici  les  raisons  de  cette  par- 
ticularité architecturale  :  nous  constatons  le  fait,  que  tout  le 
monde  peut  vérifier  tout  aussi  bien  que  nous.  On  retrouve 
cette  disposition  du  chevet  de  notre  cathédrale  dans  une 
foule  d'églises  qui  sont,  pour  ainsi  dire,  aux  portes  de  Lyon  , 
et  parmi  lesquelles  nous  pouvous  citer  celles  de  Villefranche , 
de  Salles,  de  Denicé,  de  Chessy,  de  Savigny,  d'Orliénas,  de 
Vemaison  ,  de  Grigny,  de  Ternay,  de  St.-André-le-Bas,  à 
Vienne,  etc.  ,  etc.  Notre  ancienne  primatiale,  sous  le  vo- 
cable de  St. -Etienne,  présentait  le  même  fait  de  construction. 
Quelques  rares  gravures  nous  ont  conservé  l'aspect  intérieur 
du  sanctuaire,  au-dessus  duquel  on  voit  trois  baies,  en  ogive 
simple,  s'ouvrant  dans  le  mur  d'intersection.  Mais  une  dis- 
position de  plan,  qui  est  commune  à  toutes  nos  anciennes 
églises ,  même  a  celles  où  l'abside  est  de  même  hauteur  que 


5U2  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE. 

la  grande  nef,  c'est  l'absence  de  déambulatoire  contournant 
le  chevet ,  ainsi  que  le  comporte  le  plan  de  la  basilique 
latine. 

Obligé  de  se  renfermer,  pour  l'étude  de  son  plan  d'en- 
semble ,  dans  les  données  que  nous  venons  d'indiquer ,  l'ar- 
chitecte de  notre  cathédrale  ne  pouvait  assurément  prendre 
de  parti  plus  sage  et  plus  rationnel  que  celui  auquel  il  s'est 
arrêté,  et  le  monument,  dans  sa  pensée,  ne  devait  pas  se 
présenter  sous  un  autre  aspect. 

Nous  ne  saurions  nous  rendre  à  cette  opinion,  par  exemple, 
qui  veut  absolument  que  la  grande  nef  ait  été  entendue , 
dans  le  principe,  avec  la  même  hauteur  que  l'abside,  et 
que  les  proportions  n'en  aient  été  modifiées  que  par  suite 
d'une  nouvelle  impulsion  dans  les  travaux  ;  ou  à  cet  autre 
sentiment  encore ,  que  le  sanctuaire  ,  au  moment  où  l'on 
entreprit  la  grande  nef,  était  trop  avancé  pour  qu'on  ait 
jugé  à  propos  de  ne  pas  lui  donner  plus  d'élévation , 
afin  de  le  raccorder  avec  cette  dernière  partie  de  l'édi- 
fice. 

En  voulant  renfermer  exclusivement ,  dans  les  dernières 
années  du  XIIe.  siècle,  la  construction  de  l'abside  et  des 
deux  chapelles  latérales  ,  on  a  cru  avoir  complètement  séparé 
de  celui  de  la  grande  nef  un  style  qui  généralement  paraît  lui 
être  de  beaucoup  antérieur  ;  mais  on  n'a  pas  assez  fait  at- 
tention que  ce  caractère  de  l'architecture  romane  se  trouvait 
ici  plus  étroitement  lié  à  l'architecture  ogivale  qu'on  ne  l'a 
supposé. 

Toutes  les  parties  basses  du  monument  nous  offrent  de 
nombreux  et  importants  spécimens  du  style  roman,  mais  non 
de  la  construction  romane.  Dans  les  transepts,  ce  sont  des 
espèces  de  niches  pratiquées  dans  le  mur,  ou  des  arcades 
simulées  abritant  des  fenêtres.  Dans  les  collatéraux ,  toutes 
les  piles  engagées  présentent  la  même  structure,  et  les  mêmes 


AllCHITECTURE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON.  5ko 

profils  de  hases  que  celles  faisant  retour  du  sanctuaire  sur  les 
chapelles  absidales  ;  quelques-unes  môme  des  piles  des  basses- 
nefs,  dans  les  premières  travées,  sont  couronnées  de  cha- 
piteaux romans.  C'est  entre  ces  piles ,  romanes  par  la  base 
et  par  la  tête ,  que  s'ouvre  le  petit  porche  qui  débouche 
sur  la  cour  de  l'archevêché.  Là ,  le  style  ogival  nous  ap- 
paraît entièrement  conforme ,  et  nous  montre  des  profils 
et  des  détails  de  chapiteaux  que  nous  avons  déjà  reconnus 
dans  l'abside,  dans  les  transepts  et  dans  la  grande  nef;  de 
plus,  ce  qui  est  pour  nous  l'indice  que  ce  travail  doit  être 
attribué  à  la  direction  particulière  de  l'architecte  fondateur, 
c'est  que  les  colonneltes ,  qui  reçoivent  les  retombées  de 
l'arc-doubleau  et  des  nervures  d'arête  de  cette  petite  con- 
struction ,  ne  sont  pas  en  pierre  ,  mais  en  marbre.  Or,  l'em- 
ploi du  marbre  dans  la  structure  de  notre  monument,  même 
lorsqu'il  s'agit  du  style  gothique,  nous  paraît  un  fait  qui  ne 
peut  que  remonter  à  l'origine  des  premiers  travaux. 

On  ne  peut  admettre,  en  effet,  que  ce  porche  soit  une 
substruction  ajoutée  postérieurement  à  la  mise  en  place  des 
piles  qui  l'a  voisinent,  et  que  les  murs  latéraux,  qui  relient 
ces  piles  entr'elles ,  n'aient  été  montés  que  long-temps  après 
que  celles-ci  furent  élevées.  L'analyse  de  la  construction  , 
sur  ce  point,  dément  une  telle  supposition. 

Mais  c'est  surtout  dans  l'ancien  porche ,  communiquant 
autrefois  avec  l'église  St. -Etienne  (collatéral  nord)  et  trans- 
formé aujourd'hui  en  sacristie  ,  que  nous  trouvons  un 
exemple  encore  plus  frappant  de  l'alliance  intime  de  deux 
styles ,  que  l'on  dirait  appartenir  à  deux  époques  bien  dis- 
tinctes. On  voit ,  en  effet ,  au-dessus  de  l'entrée  de  ce  porche, 
une  décoratiou  en  arcatures  simulées  où  l'on  reconnaît, 
sans  hésiter,  la  structure,  les  détails  et  tout  le  style  ,  enfin 
des  ouvertures  du  iriforium  de  la  grande  nef.  L'analogie  est 
complète  et  ne  laisse  rien  à  désirer. 


564      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

A  l'intérieur,  les  jambages  de  la  porte,  en  marbre  blanc, 
ainsi  que  le  linteau  qui  la  recouvre,  attestent  dans  l'or- 
nementation de  la  partie  supérieure ,  un  caractère  qui  tient 
encore  de  l'époque  romane;  tandis  que  les  colonnettes, 
également  en  marbre  blanc,  sur  lesquelles  reposent  les  ner- 
vures diagonales  de  la  voûte  ,  révèlent ,  par  les  détails  de 
leurs  chapiteaux  et  de  leurs  bases,  le  style  que  l'on  attribue 
invariablement  au  XIIIe.  siècle.  Il  ne  restera  aucun  doute 
dans  l'esprit  de  personne ,  sur  les  rapports  intimes  de  con- 
struction et  la  simultanéité  de  mise  en  œuvre  de  la  grande 
nef  et  des  collatéraux ,  quand  nous  aurons  fait  remarquer 
que,  sur  l'un  des  jambages  en  marbre  de  la  porte  presque 
romane  du  porche  en  question ,  nous  avons  découvert  un 
signe  graphique  (R),  qui  se  trouve  exactement  rappelé  sur 
deux  fûts  de  la  pile  engagée  à  gauche  de  l'entrée,  et  sur  l'un 
des  piliers  de  la  grande  nef,  placé  en  regard  de  cette  même 
pile. 

Des  observations  très-attentives  sur  ce  fait  nous  ont  amené 
à  reconnaître  que  tous  les  piliers  de  la  grande  nef  portent  les 
mêmes  contremarques  que  celles  empreintes  au  ciseau  sur 
les  assises  des  murs,  et  sur  les  fûts  des  piles  engagées  des 
nefs  latérales.  Ces  contremarques ,  que  l'on  retrouve  les 
mêmes,  aussi  bien  à  peu  de  distance  du  sol  que  dans  toutes  les 
parties  hautes  du  monument ,  dans  les  galeries  des  transepts  et 
de  l'abside,  et  sur  le  mur  d'intersection  qui  s'élève  au-dessus 
du  sanctuaire,  sont  des  lettres  majuscules  appartenant  à 
l'épigraphie  de  la  fin  du  XIIe.  siècle  et  du  commencement 
du  XIIIe.  ;  elles  sont  généralement  d'une  grande  pureté  de 
forme  et  d'une  rare  élégance. 

Sans  pouvoir  préciser  dans  quelles  limites  s'est  exercée 
l'impulsion  personnelle  du  premier  maître  de  l'œuvre ,  les 
documents  historiques  nous  faisant  complètement  défaut  a  ce 
sujet,  nous  trouvons  du  moins  dans  ces  contremarques  d'as- 


ARCHITECTURE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON.    565 

sises  disséminées  sur  divers  points  du  monument,  la  preuve 
évidente  de  la  mise  à  exécution  du  plan  général ,  comprenant 
à  la  fois  l'abside ,  les  transepts  et  les  six  premières  travées 
de  la  grande  nef.  En  effet,  nulle  trace  d'interruption  ne  se 
fait  remarquer  dans  ces  trois  parties  de  l'édifice  à  leurs  points 
de  jonction ,  nulle  soudure ,  nulle  reprise.  L'emploi  constant 
de  matériaux  de  premier  choix  ,  la  beauté  de  V appareil ,  les 
soins  apportés  à  la  taille  et  à  la  pose  :  tout  indique ,  au 
contraire ,  une  direction  énergique  et  puissante  faisant  exé- 
cuter rapidement  une  œuvre  d'ensemble.  La  pensée  tout 
entière  de  l'architecte  fondateur  se  révèle  à  nos  yeux  dans 
ces  divers  travaux.  C'est  l'art  du  XIIe.  siècle  exécuté, 
partie  à  cette  même  époque  et  partie  dans  les  premières 
années  du  XIIIe. 

Il  est  permis  de  croire,  en  effet,  que  dans  les  vingt-quatre 
ans  qui  séparent  la  date  de  l'entreprise  du  commencement 
du  XIIIe.  siècle  (de  1176  à  1200),  on  ne  s'est  pas  borné 
à  élever  seulement  les  chapelles  absidales  et  une  partie  du 
sanctuaire  jusqu'au  triforium,  par  exemple;  car,  au-delà, 
le  style  ogival  règne  en  maître  ;  et  sous  cette  influence  orien- 
tale, qui  se  manifeste  dans  la  décoration  intérieure  de  l'ab- 
side, on  a  dû  entreprendre  et  achever  tout  le  jalonnement  du 
plan  à  terre,  ainsi  que  les  deux  premières  travées  de  la 
grande  nef.  Nous  avons ,  pour  établir  cette  délimitation  ,  des 
raisons  toutes  particulières,  qu'il  serait  trop  long  de  dé- 
velopper ici.  Notre  supposition  ,  conforme  d'ailleurs  à  la 
marche  naturelle  de  la  construction ,  dont  on  a  pu  déjà  se 
rendre  compte  par  l'inspection  des  nefs  latérales,  n'a  rien 
d'exagéré ,  quand  on  songe  que  la  cathédrale  de  Reims  a  été 
bâtie  dans  l'espace  de  trente  ans,  sous  la  direction  du  même 
architecte ,  Robert  de  Coucy,  et  celle  de  Noyon ,  dans  qua- 
rante ans. 

Mais,  au  milieu  de  ce  désordre  apparent  de  plusieurs  styles 

35 


5^l6  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 

amalgamés  dans  la  conception  du  plan  de  la  basilique  lyon- 
naise ,  quel  ordre  et  quelle  harmonie  dans  chaque  partie  de 
l'œuvre  !  Avec  quelle  aisance  et  quelle  précision  chaque 
détail  vient  y  prendre  sa  place  marquée  d'avance  !  Est-ce  le 
hasard  d'un  raccord  qui  a  fait  trouver ,  entre  le  point  de 
départ  des  arcades  majeures  du  triforium  de  la  grande  nef 
et  le  niveau  du  cordon  en  saillie  qui  règne  au-dessus,  l'es- 
pace nécessaire  pour  qu'elles  pussent  se  développer  dans  de 
si  admirables  proportions?  Non,  sans  doute:  le  hasard  n'est 
pas  mathématicien  à  ce  point-là.  Cet  espace  a  été  prévu  et 
calculé  dès  le  principe,  dans  la  hauteur  donnée  aux  deux 
étages  de  galeries  qui  régnent  dans  le  sanctuaire  et  se  relient 
d'une  manière  si  logique  avec  celles  des  transepts  et  de  la 
grande  nef.  L'architecte  avait  jugé  que  ,  si  de  simples  baies 
en  plein-cintre  ou  en  ogive  obtuse  étaient  suffisantes  dans  les 
parties  du  monument  où  les  fenêtres  sont  de  dimensions 
restreintes,  il  ne  pouvait  en  être  de  même  pour  la  grande 
nef  où  ,  en  raison  de  l'élancement  considérable  de  la  voûte , 
il  était  indispensable  de  donner  au  triforium  plus  d'im- 
portance et  plus  de  valeur. 

On  reconnaît  ici  un  art  sagement  étudié,  intelligemment 
contenu  ;  c'est  un  coursier  généreux  ,  plein  de  feu  et  de 
noblesse  ,  mais  docile  à  la  main  ferme  et  sûre  qui  le  conduit. 
Aussi  nulle  exagération,  nul  mouvement  désordonné  dans 
l'architecture  calme  et  sereine  de  notre  majestueux  édifice. 
Chaque  division  en  a  été  conçue  avec  un  sentiment  exquis  , 
avec  une  haute  raison  de  l'effet  qu'elle  devait  produire,  et  du 
rôle  qui  lui  était  assigné  dans  l'ensemble  de  la  construction. 

L'abside,  élevée  presque  en  entier  avec  des  matériaux  ro- 
mains ,  revêt  un  caractère  antique  on  ne  peut  mieux  ap- 
proprié à  l'origine  et  à  la  nature  de  ces  belles  assises  de 
teinte  sombre ,  sur  lesquelles  a  reflété  long-temps  l'art  d'un 
grand  peuple;  de  plus,  sa  disposition  particulière,  qui  la  fait 


ARCHITECTURE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON.  5U1 

ressembler  à  une  immense  niche  pratiquée  sous  le  mur 
d'intersection ,  lui  donne  cet  aspect  mystérieux  que  com- 
porte véritablement  le  sanctuaire,  dont  l'entrée,  interdite 
à  la  foule ,  ne  doit  être  accessible  qu'au  clergé  officiant. 

Les  transepts ,  destinés  à  porter  des  clochers ,  sont  plus 
étroits  que  le  vaisseau  principal ,  et  présentent ,  sous  un 
style  sobre  et  ferme,  une  structure  robuste,  trapue  et  serrée, 
dans  l'agencement  de  leurs  divers  étages. 

La  grande  nef,  enfin,  où  tout  est  largement  dilaté, 
apparaît  dans  les  proportions  grandioses  qu'implique  na- 
turellement sa  dénomination.  L'art  prend  ici  un  aspect 
différent  de  celui  de  l'abside  et  des  transepts,  mais  toujours 
en  rapport  avec  sa  destination  ;  il  est  souple,  élancé,  flexible, 
viril  en  même  temps  et  plein  de  vigueur  ;  il  se  développe 
sous  la  même  main  avec  une  facilité  inouïe ,  comme  pour 
servir  à  souhait  les  inspirations  de  l'homme  de  génie  qui 
sait  en  tirer  un  si  admirable  parti ,  et  le  transformer  en  une 
mine  inépuisable. 

Le  XIIIe.  siècle ,  selon  nous ,  n'a  pas  eu  la  moindre 
influence  artistique  sur  les  travaux  que  nous  venons  de  dé- 
signer ;  cette  époque  a  donc ,  dans  la  construction  de  notre 
cathédrale ,  un  rôle  purement  passif ,  en  ce  qui  touche  les 
six  premières  travées  de  la  grande  nef,  achevée  vers  1240 
environ  ,  où  le  pape  Innocent  IV  consacra  solennellement  le 
maître-autel. 

C'est  là  que  vient  expirer  la  pensée  de  l'architecte  fonda- 
teur. Mais  l'édifice  était  constitué  :  il  restait  peu  à  faire  en 
comparaison  des  travaux  accomplis.  D'ailleurs  ,  toutes  les 
indications  étaient  données  pour  l'achèvement  du  vaisseau  ; 
elle  se  résumaient  par  un  commencement  d'exécution  de  la 
dernière  pile  libre  de  la  nef  principale,  de  celles  adossées  au 
mur  de  façade  ,  et  des  soubassements  des  trois  portails  ,  où 
l'on  trouve  des  assises  de  marbre  cipolin  provenant  des  ruines 
du  forum  vêtus. 


548      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

Les  six  contreforts  ,  avec  leurs  arcs-boutnnts ,  étaient 
entièrement  terminés  et  se  dressaient  aux  flancs  de  la  ca- 
thédrale, avec  leurs  amortissements  pittoresques  et  la  ma- 
gistrale statuaire  qui  décore  les  piles  butantes  ,  du  côlé 
méridional. 

Le  clocher  du  transept  nord  avait  atteint  sa  hauteur  nor- 
male ,  et  sur  le  haut  des  murs  de  la  grande  nef  s'étendait 
en  gracieux  festons  l'élégante  balustrade  que  l'on  connaît , 
et  qui  s'arrêtait  juste  au-dessus  du  dernier  contrefort  cor- 
respondant au  point  où  les  travaux  à  l'intérieur  avaient  cessé, 
c'est-à-dire  à  la  septième  pile  inclusivement. 

A  partir  de  ce  moment ,  l'art  du  XIIIe.  siècle  apparaît , 
avec  le  caractère  qui  lui  est  propre ,  dans  l'ornementation  de 
quelques  chapiteaux,  dans  la  structure  des  deux  dernières 
fenêtres  des  nefs  latérales  et  dans  la  première  partie  de  la 
façade.  On  a  presque  toujours  attribué  ce  travail  exclusive- 
ment au  XIVe.  siècle.  Nous  croyons  que  c'est  une  erreur  ; 
car,  en  observant  l'ordre  chronologique  de  la  construction  , 
on  est  amené  à  penser  comme  nous  ;  de  plus ,  les  marques 
et  les  caractères  gravés  sur  les  assises  ne  permettent  aucun 
doute  a  cet  égard.  M.  Prosper  Mérimée ,  qui  a  parlé  de  cette 
magnifique  page  de  l'ordonnance  de  notre  cathédrale,  n'hé- 
site pas  à  en  faire  honneur  au  XIIIe.  siècle,  par  la  raison 
que  les  personnages  guerriers,  représentés  dans  les  petits 
cartouches  des  ébrasements  des  portails,  sont  tous  revêtus  de 
la  cotte  de  mailles ,  armure  particulièrement  usitée  à  cette 
époque  du  moyen-âge. 

Cependant ,  pour  être  plus  exact ,  nous  devons  ajouter , 
qu'indépendamment  des  personnages  guerriers  couverts  de  la 
cotte  de  mailles ,  on  en  trouve  d'autres,  revêtus  d'armures 
forgées  et  la  tête  couverte  du  heaume  pointu  :  ce  qui  indique 
la  fin  du  XIIIe.  siècle  (1260  à  1280,  environ). 

Au  reste ,  on  voit  que  d^jà  se  fait  sentir  l'influence  ar- 


ARCHI'J  KCTUUE  DE  LA  GAI  I1ÊDRALE  DE  LYON.    649 

listiquc  du  XIVe.  siècle  dans  quelques  motifs  de  l'orne- 
mentation :  déjà  les  gables  qui  surmontent  les  trois  portes 
sont  garnis  de  choux  rampants,  détails  qui  se  montrent  dans 
les  grandes  archivoltes  du  triforium  des  deux  dernières 
travées,  construites  évidemment  à  la  même  époque. 

Les  trois  portails  achevés,  et  les  collatéraux  montés  jusqu'à 
la  hauteur  des  premières  tribunes ,  il  restait  à  achever  les 
deux  dernières  travées  de  la  grande  nef  et  toute  la  partie 
supérieure  de  la  façade.  Ici  se  place  une  longue  interruption 
dans  les  travaux.  Près  d'un  siècle  s'écoule  avant  qu'ils 
soient  repris.  Ce  n'est  qu'en  1330  que  le  premier  signal 
de  la  continuation  de  l'œuvre  est  donné.  Le  pape  Clément 
vient  stimuler  le  zèle  et  la  générosité  des  fidèles  en  accor- 
dant «  à  tous  ceux  qui ,  avec  douleur  et  confession  re- 
■(  quise  de  leurs  péchés,  visiteront  l'église  de  St. -Jean  , 
«  depuis  le  midi  de  la  St. -Jean-Baptiste  jusqu'au  lendemain, 
«  et  contribueront  par  leurs  aumônes  à  la  fabrique  de  ladite 
«  église ,  les  mêmes  indulgences  ci-devant  accordées  à  ceux 
«  qui  visitent  à  Rome  les  églises  de  St.  -Jean-de-Latran  et  de 
«  St. -Pierre.  » 

Donné  à  Avignon,  le  13  avant  les  calendes  de  février, 
l'an  15  du  pontificat  de  Clément  (Nouv.  arch.  du  Rhône, 
t.  I,  p.  158). 

C'est  à  peu  près  vers  ce  temps  que,  vraisemblablement,  fut 
élevée  la  seconde  partie  de  la  façade  où  se  trouve  enchâssée 
la  grande  rose  ;  car  on  retrouve  dans  la  maigre  décoration 
de  ce  mur,  c'est-à-dire  dans  les  pinacles  qui  surmontent  les 
niches  plaquées  de  chaque  côté ,  absolument  les  mêmes 
détails  que  l'on  remarque  sur  les  trumeaux ,  entre  les  trois 
portiques. 

Dans  tous  les  cas ,  on  ne  se  remit  sérieusement  à  l'œuvre 
qu'en  1392,  sous  l'archiépiscopat  de  Philippe  de  Thurey. 
C'est  à  l'aide  des  libéralités  de  ce  prélat,  autant  que  de  celles 


550  COINGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRA;\CE. 

du  cardinal  de  Talaru  et  du  cardinal  de  Saluces,  que  l'on 
acheva  le  clocher  du  transept  méridional ,  puis  la  voûte  et  les 
deux  dernières  travées  de  la  grande  nef.  Le  couronnement 
de  la  façade  et  les  deux  tours  qui  la  surmontent  ne  furent 
terminés  que  vers  1^80  ,  sous  le  règne  de  Louis  XI  et  le 
pontificat  de  Sixte  IV.  Les  écussons  où  étaient  sculptées  les 
armes  de  ces  deux  souverains  sont  placés  contre  la  galerie 
d'arcatures  qui  règne  au-dessus  des  trois  portails.  Ces  di- 
verses constructions  rappellent  exactement  le  caractère  de 
l'époque  où  elles  furent  entreprises,  c'est-à-dire  la  fin  du 
XIVe.  siècle  et  la  seconde  moitié  du  XVe. 

Bien  que  ce  fût  alors  le  moment  de  la  décadence  de 
l'architecture  gothique  ,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
reconnaître  encore,  dans  ce  travail  d'achèvement  de  notre 
église  primatiale,  quelques  grandes  qualités.  La  rose  de  la 
façade  est  d'une  légèreté ,  d'une  élégance  et  d'une  puissance 
d'effet  surprenantes  ;  la  structure  en  est  parfaite ,  et  les 
nervures  des  divisions  d'une  ténuité  extrême  et  d'un  profil 
délicieux.  Les  fenêtres  des  deux  tours  occidentales  et  celle 
qui  ajoure  le  pignon  sont  dans  de  belles  proportions ,  et  la 
courbure  presque  ronde  de  leur  ogive  est  d'un  galbe  parfait. 
Il  semble  que  le  sentiment  de  la  pureté  des  formes ,  si  vi- 
siblement empreint  sur  chaque  détail  de  la  construction 
primitive,  soit  resté  le  génie  familier  de  l'œuvre  ,  durant  la 
longue  période  des  travaux,  pour  inspirer  jusqu'à  la  fin  ceux 
qui  devaient  en  poser  la  dernière  pierre. 

Mais  au  milieu  des  fluctuations  diverses  que  l'art  subit 
à  travers  des  siècles ,  et  malgré  les  intermittences  prolongées 
et  les  changements  de  direction  dans  la  conduite  de  celte 
vaste  entreprise,  il  est  une  pensée  fondamentale,  un  caractère 
dominant  que  rien  n'a  pu  obhtérer,  et  qui  se  reproduit  avec 
une  persistance  vraiment  extraordinaire  sur  tous  les  points 
du  monument.  C'est  ce  type  énergique,  calme  et  majestueux 


ABGHWECTURK  DE  LA  CATUÊDttALE  DE  I.ÏON.         551 

de  la  ligne  horizontale ,  si  franchement  accusé  dans  la  dis- 
position de  l'abside  terminée  eu  terrasse,  dans  les  deux 
massives  tours  des  transepts  et  dans  l'ordonnance  de  notre 
mâle  façade.  Celle-ci  mérite  quelque  attention. 

Quoiqu'édifiéc  partiellement,  et  à  différentes  époques  bien 
distantes  les  unes  des  autres ,  on  peut  remarquer  ce  fait 
particulier,  de  l'absence  complète  de  toute  ligne  saillante, 
dans  le  sens  vertical  :  on  dirait  que  les  constructeurs  se  sont 
concertés  d'avance,  pour  ne  vouloir  partout  que  des  effets 
de  surface.  Dans  la  première  partie,  œuvre  du  XNT.  siècle, 
qui  est  si  remarquable  ,  toute  la  décoration  murale  est  dis- 
posée et  se  lit  dans  le  sens  de  lignes  parallèles  horizontales  ; 
les  trumeaux,  entre  les  portails,  sont  d'un  faible  relief  et 
indiquent  seulement,  mais  ne  dessinent,  pas  la  ligne  ascen- 
sionnelle. 

Dans  le  milieu  de  la  façade,  on  a  suivi,  en  l'exagérant,  le 
même  parti ,  toutefois  avec  beaucoup  moins  de  distinction  , 
et  le  XVe.  siècle  s'y  est  conformé  jusqu'à  la  fin  ,  en  ne 
donnant  que  peu  d'élévation  aux  deux  tours  jumelles,  afin 
de  les  raccorder  avec  celles  des  transepts. 

Il  résulte  de  cette  entente  un  ensemble  simple,  austère, 
un  peu  froid  peut-être ,  qui  pourtant  n'est  point  sans 
grandeur.  En  compensation  du  maigre  agencement  des  dé- 
tails d'ornementation  de  la  partie  intermédiaire,  de  belles 
lignes  découpent  monumentalement  la  masse  de  cette  façade 
et  iui  donnent  un  air  imposant  parfaitement  en  rapport  avec 
le  caractère  magistral  du  vaisseau. 

Si  nous  examinons  maintenant  l'état  d'achèvement  des 
clochers  des  transepts  et  la  manière  dont  ils  sont  établis, 
nous  verrons  que  la  ligne  horizontale  ne  devait  pas  régner 
seulement  sur  la  façade.  Tout  indique  que  ces  clochers  ont 
atteint  leur  dernier  degré  d'élévation  prévu  et  calculé  par 
l'architecte,  qui  en  a,  daas  le  principe,  déterminé  les  points 


552  COiSGRËS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FKANCE. 

d'appui.  Celui  du  transept  nord  ,  qui  remonte  a  la  con- 
struction primitive,  a  tous  ses  contreforts  d'angles  surmontés 
de  leur  couronnement  terminal.  Celui  du  transept  méri- 
dional, achevé  à  la  fin  du  XIVe.  ou  dans  les  premières  années 
du  XVe.  siècle,  est  entouré  d'une  balustrade  ajourée  et, 
de  plus,  flanqué  d'une  petite  tourelle  d'escalier,  débouchant 
précisément  au  niveau  de  la  plate-forme  qui  devait  couvrir 
ce  clocher.  Au  reste,  de  part  et  d'autre,  nulle  trace  de 
trompes ,  dans  les  angles  de  ces  deux  tours ,  qui  puisse 
indiquer  l'intention,  de  la  part  des  constructeurs,  d'y  établir 
des  flèches.  Sur  ce  point,  au  surplus,  toute  fantaisie  ar- 
chitecturale était  interdite  ;  car  ces  clochers  ne  reposent  pas 
sur  des  murs  pleins ,  mais  sur  tout  un  système  d'arcs  de 
décharge  ingénieusement  conçu  et  rigoureusement  combiné , 
sans  doute  ,  pour  ne  supporter  que  le  poids  des  maçonneries 
qu'on  y  a  élevées.  Seules ,  les  tours  de  la  façade  présentent 
un  commencement  d'exécution  de  flèches,  dont  les  souches 
apparentes,  sous  une  petite  toiture,  sont  montées  à  0  mètre 
30  centimètres  au-dessus  de  la  plate-forme.  Mais  c'est  là, 
chez  nous,  une  importation  du  XVe.  siècle.  En  effet,  le 
peu  de  monuments  antérieurs  à  cette  époque ,  qui  nous 
restent  à  Lyon,  ne  présentent  aucun  indice  de  ces  sortes  de 
couronnements  sur  leurs  clochers,  à  moins  que  l'on  ne 
prenne  pour  une  flèche  la  pyramide  obtuse  de  St. -Martin 
d'Ainay. 

Notre  église  de  St. -Paul,  qui  est  du  XIIe.  siècle,  ne  vit 
son  clocher  de  façade  surmonté  d'une  flèche  qu'au  XVe. 
siècle,  alors  qu'il  fut  reconstruit.  La  flèche  ancienne  de  St.- 
INizier  est  à  peu  près  de  la  même  époque  ;  puis ,  c'est  tout. 
Donc,  dans  notre  pensée,  si  l'architecte  qui  a  conçu  le  plan 
de  notre  cathédrale  avait  pu,  comme  celui  de  Notre-Dame 
de  Reims ,  voir  son  œuvre  s'achever  sous  sa  direction  ,  il 
est  certain  que ,  suivant  le  type  originel  des  édifices  du 


Ar.CHITEGTURE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON.  553 

Lyonnais,  les  tours  de  la  façade  se  seraient  terminées,  ainsi 
que  doivent  l'être  celles  des  transepts,  simplement  en  plate- 
forme avec  balustrade  évidée  à  jour. 

Mais,  si  quelques-uns  de  nos  monuments  religieux  com- 
portent des  flèches  sur  leur  façade,  nous  n'en  voyons  aucun 
construit  en  vue  d'une  toiture  à  grand  comble.  En  général,  le  peu 
d'élévation  de  nos  clochers  ne  dominant  le  corps  de  l'édilicc 
que  de  la  hauteur  d'un  étage,  c'est-à-dire  de  6  à  7  mètres 
au  plus,  s'oppose  formellement  a  ce  genre  de  couverture, 
même  lorsque  la  présence  d'un  pignon  central  semblerait 
l'indiquer. 

Celui  de  St. -Jean,  par  exemple,  construit  en  même  temps 
que  les  tours  occidentales  qui  portent ,  comme  nous  l'avons 
déjà  fait  remarquer,  des  indices  certains  de  leur  couronne- 
ment définitif,  n'aurait  jamais  dû  être  considéré  comme 
l'indication  d'un  comble  de  même  valeur,  puisqu'il  dépasse 
de  beaucoup  la  hauteur  des  tours.  Il  n'est  pas  possible  d'ad- 
mettre que  les  constructeurs,  au  XV.  siècle,  aient  jamais 
eu  en  vue  une  toiture  pareille,  qui  aurait  masqué  et  annulé, 
ainsi  que  l'on  peut  en  juger  aujourd'hui ,  leurs  clochers 
arrivés  à  leur  dernier  arrasement.  Toute  la  question  est  là, 
et  le  simple  bon  sens  se  refuse  à  accepter  toute  autre  suppo- 
sition. Donc,  dans  la  pensée  de  ceux  qui  l'ont  élevé,  ce  pi- 
gnon n'a  dû  être  qu'un  simple  motif  de  décoration  destiné , 
sans  doute  ,  à  donner  un  peu  de  mouvement  à  la  partie  su- 
périeure de  la  façade ,  et  à  meubler,  d'une  manière  quel- 
conque, l'espace  libre  entre  les  deux  tours;  mais  nous 
constatons  que  c'est  là  une  faute,  car  ce  détail  d'architecture 
est  en  opposition  avec  l'ordonnance  véritable  de  l'édifice,  re- 
présentée par  la  disposition  de  l'abside  et  la  terminaison  ration- 
nelle et  normale  des  clochers  des  transepts. 

La  même  erreur  vient  d'être  commise  dans  la  réfection  de 
la  façade  de  St.  -INizier  ,  car  le  pignon  ,  récemment  construit, 


554      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 

cl  dans  le  but  certainement  d'y  adapter ,  tôt  ou  tard  ,  une 
toiture  à  grande  pente ,  est  plus  élevé  que  la  plate-forme  des 
tours  entre  lesquelles  il  se  trouve  placé.  Seules,  les  toitures 
basses  sont  compatibles  avec  l'architecture  type  de  nos  églises 
du  Lyonnais;  et  c'est  en  vain  que  l'on  chercherait  dans  nos 
localités  un  seul  exemple  de  couverture  ancienne  conçue  dans 
l'esprit  de  celles  que  l'on  vient  de  dresser  sur  notre  vieille 
église  conventuelle  des  Cordeliers ,  et  sur  la  Primaliale.  Ce 
n'est  pas  impunément  que  l'on  porte  la  main  sur  l'architec- 
ture d'un  pays  et  qu'on  essaie  de  la  transformer. 

Pour  inaugurer  cette  fâcheuse  innovation  sur  la  première 
de  ces  deux  églises,  il  a  fallu  en  modifier  la  façade  au  point 
de  la  rendre  tout-à-fait  méconnaissable,  et  en  ce  qui  con- 
cerne la  seconde ,  le  problème  se  présente  d'une  manière  in- 
quiétante pour  son  ordonnance  tout  entière,  (/est  pour  l'ar- 
chéologie un  grave  sujet  de  réflexion. 

L'église  des  Cordeliers  en  sera  quitte  pour  voir  relever 
son  unique  clocher,  qui,  sans  cela,  disparaîtrait  derrière  ce 
comble  gigantesque  dont  on  a  sous  les  yeux  un  échantillon- 
Mais,  à  la  Primatiale ,  ce  n'est  pas  un  seul  clocher ,  mais 
quatre  dont  la  construction  (en  supposant  que  ce  soit  exécu- 
table )  devra  être  exhaussée  de  8  à  10  mètres  au  moins,  soit 
qu'on  se  décide  à  les  terminer  en  plate-forme ,  soit  que  l'on 
entreprenne  de  les  surmonter  de  flèches.  Et  l'abside  !  qu'en 
fera-l-on  ?  Ne  faudra-t-ii  pas  aussi  ia  remonter  jusqu'au 
niveau  de  ia  grande  nef  pour  donner  quelque  apparence  de 
raison  d'être  à  cette  immense  toiture  qui  s'arrête  brusque- 
ment en  croupe  tronquée  sur  un  mur  horizontal ,  au  lieu  de 
venir  se  terminer  naturellement  sur  le  rond-point? 

De  quelque  manière  que  l'on  envisage  la  question  ,  l'alter- 
native est  déplorable:  ou  le  monument  sera  défiguré  à  jamais 
en  restant  dans  l'état  actuel ,  ou  il  devra  subir  un  remanie- 
ment considérable  qui  équivaudra  à  une  reconstruction  presque 


ARCHITECTURE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  LYON.    553 

totale.  Où  veut-on  en  venir ,  nous  le  demandons?  Auquel  de 
ces  deux  partis  croira-t-on  devoir  s'arrêter  ?  Sur  ce  point  im- 
portant, nous  appelons  publiquement,  au  besoin,  l'attention 
de  M.  le  Ministre  d'État.  Un  monument  de  la  valeur  et  de 
l'intérêt  de  la  cathédrale  de  Lyon  ne  doit  pas  être  sacrifié 
à  une  erreur  manifeste  ,  évidente  ,  quels  qu'en  soient  les  au- 
teurs. 

S'il  devait  en  être  autrement ,  on  établirait  un  précédent 
fâcheux  en  faveur  de  toutes  les  bévues  et  méprises  en  ce 
genre  qui  ont  pu  déjà  être  commises,  et  on  croirait,  en  même 
temps,  un  laissez-passer  regrettable  pour  toutes  celles  à 
venir  en  leur  assurant  d'avance  une  complète  impunité. 

Il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler,  d'ailleurs ,  les  restaurations 
monumentales,  aujourd'hui,  ne  restent  plus  dans  les  sages 
limites  que  les  maîtres  de  la  science  leur  avaient  tracées  au 
début  des  études  archéologiques  :  elles  ne  se  bornent  plus  à 
de  simples  réfections  ou  seulement  à  des  travaux  de  consoli- 
dation ,  elles  s'émancipent  au  point  de  dénaturer  complète- 
ment les  œuvres  originales  sur  lesquelles  elles  s'exercent. 
Cette  tendance  funeste  est  générale  :  elle  gagne  peu  à  peu 
tous  les  esprits ,  et  il  semble  que  les  hommes  éminents , 
chargés  de  veiller  à  la  conservation  de  nos  monuments  histo- 
riques, soient  impuissants  à  la  maîtriser.  Les  deux  exemples 
que  nous  venons  de  citer  sont  des  faits  inouïs  dans  les  annales 
des  travaux  de  ce  genre. 

Pour  justifier ,  à  Lyon,  l'adoption  des  toitures  du  Nord 
sur  celles  de  nos  anciennes  églises  où  l'on  vient  d'en  faire 
l'expérience,  on  n'a  rien  trouvé  de  mieux  que  de  tenir  ce 
raisonnement,  et  on  a  écrit  dans  les  journaux  de  notre  ville  : 
«  Le  grand  principe  de  l'architecture  gothique ,  c'est  la  ligne 
«  verticale  ;  donc ,  sur  tous  les  monuments  de  ce  caractère  il 
«  faut  substituer  aux  toitures  basses,  qui  sont  contraires  à  ce 
«  principe,  les  combles  à  grande  pente  gui  couronnent  tous 


556  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE. 

«  les  édifices  construits  dans  la  période  du  XIIIe.  au  XIVe. 
«  siècle ,  inclusivement ,  avec  lesquels  ils  sont  en  parfaite 
«  harmonie  »  (1). 

Mais  cette  manière  d'argumenter  n'est  pas  sérieuse,  car 
si  l'art  ogival ,  dans  les  contrées  où  il  a  pris  naissance,  con- 
serve généralement  une  tendance  marquée  vers  la  ligne  as- 
cendante ,  il  est  pourtant  des  exceptions  contraires  et  assez 
notables  qu'il  est  bon  de  signaler. 

La  façade  de  Notre-Dame  de  Paris,  dont  toute  l'ordon- 
nance est  disposée  en  zones ,  indique  dans  son  ensemble  le 
parti  de  la  ligne  horizontale  nettement  accentué ,  et  nulle- 
ment celui  de  la  ligne  verticale,  si  caractérisé  dans  les  façades 
de  Notre-Dame  de  Chartres  et  de  la  cathédrale  de  Coutances. 
Amiens  et  Reims  sont  dans  un  parti  mixte  ,  mais  qui  se  rap- 
proche plus  de  celui  de  Notre-Dame  de  Paris  que  de  celui 
observé  à  Chartres  et  à  Coutances. 

D'ailleurs  ,  l'architecture  ogivale  n'est  pas  restée  purement 
l'architecture  du  Nord  :  elle  s'est  répandue  dans  toute  l'Eu- 
rope ,  et  s'est  modifiée  suivant  le  goût  artistique  des  peuples 
qui  se  la  sont  appropriée  et  les  conditions  climatériques  des 
pays  où  elle  s'est  implantée. 

Moins  subtiles  (pie  nous  dans  l'art  des  distinctions,  mais 
plus  habitués  à  juger  de  toutes  choses  avec  les  lumières  du 
simple  bon  sens  ,  les  derniers  constructeurs  de  la  cathédrale 
de  Lyon  l'avaient  sagement  recouverte  d'une  toiture  basse  , 
sans  s'inquiéter  si  elle  était  contraire  au  «  grand  principe  » 
de  l'architecture  ogivale  ,  du  moment  qu'elle  se  trouvait  en 
harmonie  avec  l'ordonnance  générale  de  l'édifice ,  et  qu'elle 
laissait  valoir  les  quatre  clochers  qui  en  dominaient  la  masse 
d'une  manière  imposante.  N'ayant  jamais  pensé  qu'ils  dussent 
être  conséquents  avec  l'erreur  qu'ils  avaient  commise ,  ces 

(1)  Courrier  de  Lyon  du  27  et  Salât  public  du  28  novembre  1861. 


ARCHITECTURE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  LYON.    557 

constructeurs  ont  ou  ,  au  moins ,  le  bon  esprit  de  laisser  le 
pignon  en  l'état,  c'est-à-dire,  privé  du  complément  que  par 
une  erreur  incroyable  de  nos  jours  on  vient  de  lui  donner; 
et,  en  cela ,  ils  se  sont  montrés  tout  aussi  logiques  que  ceux 
qui  ont  élevé  la  façade  de  Notre-Dame  de  Paris,  et  l'ont  cou- 
ronnée d'une  galerie  horizontale  derrière  laquelle  vient 
s'abriter  un  comble  aigu. 

En  résumé,  il  est  imprudent ,  on  le  voit ,  d'ériger  en  doc- 
trine certaines  théories  purement  spéculatives,  et  de  les  faire 
passer  sans  mûr  examen  du  domaine  de  l'idéal  dans  celui  de 
la  pratique.  L'interprétation  de  l'architecture  gothique,  dans 
le  sens  exclusif  et  absolu  de  la  Ligne  verticale,  nous  condui- 
rait infailliblement  aux  plus  désastreuses  conséquences  :  nous 
détruirions,  peu  à  peu  et  à  mesure  de  restaurations  suc- 
cessives ,  le  caractère  originel  des  nombreuses  églises  de  nos 
diverses  provinces  qui,  fort  heureusement  pour  l'archéologie, 
ont  conservé  à  travers  les  siècles  leur  physionomie  indivi- 
duelle ;  nous  en  arriverions  à  ne  plus  posséder  que  des  mo- 
numents travestis  et  défigurés,  paraissant  ramenés  de  vive 
force  à  un  type  commun,  contrairement  aux  prescriptions  de 
la  science  et  aux  idées  de  la  plus  simple  raison. 


PROCÈS-VERBAL 


DE   LA 


SEANCE  TENUE  AU  MANS, 

Le  flO  février  18G2, 

PAR  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE. 


Présidence  de  M.  le  comte  de  Maillt  ,  inspecteur 
divisionnaire. 

Le  10  février  1862  ,  à  deux  heures  de  relevée,  la  Société 
française  d'archéologie  a  tenu  au  Mans  ,  dans  la  grande  salle 
de  la  Mairie ,  une  séance  administrative  à  laquelle  M.  de 
Caumont  avait  bien  voulu  se  rendre  ,  accompagné  de 
M.  Bouet. 

On  remarquait  au  bureau  :  MM.  de  Caumont,  directeur 
général;  le  comte  de  MaiLty ,  ancien  pair  de  France,  in- 
specteur divisionnaire  de  la  Société  ;  Eugène  Hucher , 
inspecteur  pour  le  département  de  la  Sarthe  ;  d'Espaulart 
et  David,  membres  du  Conseil,  et  Bouet,  inspecteur  des 
monuments  à  Caen  et  membre  du  Conseil. 

Parmi  les  membres  présents  étaient  :  MM.  le  docteur  Lepel- 
letier,  de  la  Sarthe;  l'abbé  Deslais,  curé  de  La  Couture;  l'abbé 
Livet ,  curé  du  Pré  ;  Charles,  de  La  Ferté-Bcrnard  ;  l'abbé 
Bource ,  curé  de  Neuvy  ;  l'abbé  Tessier,  vicaire  de  La  Cou- 
ture; de  Vaulogé  ;  Vallée,  ancien  élève  de  l'École  des  chartes  ; 
l'abbé  Voisin,  et  Verdier,  ancien  professeur  de  mathématiques. 

M.  le  comte  de  Mailly  est  invité  à  présider  la  séance. 

M.  de  Caumont  ouvre  la  séance  en  annonçant  le  Congrès 
de  Saumur  pour  le  1er.   juin,  et  déposant  sur  le  bureau 


SÉANCE   TENUE  AU  MANS,    LE   10    FEVRIER    1802.       559 

plusieurs  affiches  qui  devront  être  apposées  au  Mans  pour 
annoncer  cette  solennité.  Puis  il  fait  une  analyse  succincte 
d'un  travail  intéressant,  de  M.  l'abbé  Noget,  sur  les  ambons, 
travail  destiné  au  Bulletin, 

La  parole  est  donnée  ensuite  à  M.  Huchcr,  pour  rendre 
compte  de  l'emploi  des  fonds  volés  et  appliqués  aux  fouilles 
pratiquées  sur  la  place  du  Château  du  Mans,  dans  le  but  de 
retrouver  les  fondations  de  cet  ouvrage,  bâti,  on  le  sait, 
par  Guillaume-le-Conquérant  en  1063  ,  et  démoli  en  1617. 

La  Commission,  composée  de  MM.  d'Espaulart,  David  et 
Huchcr,  a  eu  à  sa  disposition  une  somme  de  GhO  fr. ,  savoir  : 
300  fr.  de  la  Société  française  d'archéologie,  en  deux  votes 
successifs,  l'un  de  100  fr. ,  l'autre  de  200  fr.  ,  et  340  fr. 
de  M.  le  Préfet  de  la  Sarthe  ,  en  deux  allocations ,  l'une 
de  100  fr.  ,  l'autre  de  2/iO  fr.  Ces  derniers  fonds  ont  été 
imputés  sur  le  crédit  des  monuments  historiques,  voté  chaque 
année  par  le  Conseil  général. 

Le  \h  janvier  1860,  le  travail  a  commencé  ;  deux  hommes 
et  quelquefois  trois  ont  été  occupés  pendant  cette  saison 
rigoureuse;  après  le  mois  d'avril,  et  jusqu'au  30  juin,  un 
seul  a  fonctionné. 

Au  30  juin ,  la  dépense  en  journées  faites  s'est  élevée 
à 599  fr.  U5  c. 

Le  3  septembre  suivant,  il  a  été  payé  à 
M.  Auvray,  géomètre,  pour  confection  d'un 
plan  des  lieux ,  à  l'aide  d'instruments  de 
précision 10       » 

Enfin,  le  15  janvier  1861 ,  sur  la  demande 
expresse  de  l'entrepreneur  de  l'éclairage  pu- 
blic, il  a  été  payé  pour  l'alimentation  d'une 
lanterne  de  nuit  ,   du    \k  janvier  1860   au 

30  juin  suivant 3^       ^o 

Total  payé.     .     .     ÔHs        85 


560  SÉANCE  TENUE  AU  MANS 

Les  résultats  de  ce  grand  travail,  qui  a  nécessité  des 
excavations  de  plus  de  6  mètres,  ont  été  aussi  fructueux  qu'il 
était  possible  de  le  désirer.  M.  Hucher,  qui  avait  été  désigné 
par  M.  le  Préfet  pour  rendre  compte  de  l'emploi  des  fonds, 
a  adressé  à  ce  magistrat  un  rapport  qui  sera  publié  dans  le 
Bulletin  monumental,  et  auquel  sont  annexées  dix  planches  de 
dessins  donnant  des  vues  cavalières  de  l'ensemble  des  fouilles  et 
des  reproductions  partielles  des  murailles  et  débris  mis  au  jour. 
Disons,  de  suite,  que  le  périmètre  de  la  Grosse-Tour  du  Mans, 
dite  Turris  regia  ,  Tour  royale,  Tour  Orbrendelle  ,  Grosse 
tour,  Château  du  Mans,  a  été  retrouvé  sur  trois  points  assez 
éloignés  les  uns  des  autres  pour  qu'on  puisse  le  restituer  avec 
certitude.  Comme  la  démolition  du  château  avait  été  donnée 
a  l'adjudication,  en  1617,  il  a  fallu  descendre  excessivement 
bas  pour  retrouver  les  derniers  vestiges  des  fondations  ;  c'est 
à  6  mètres  sous  le  sol  de  la  place  qu'elles  existent  ;  tandis  que 
le  mur  romain,  auquel  la  rotondité  de  la  tour  se  soudait,  a 
dû  être  respecté  par  l'adjudicataire  de  la  démolition  ;  aussi  le 
trouve-t-on  à  quelques  centimètres  du  sol  de  la  place.  Le  plan, 
dressé  par  M.  le  géomètre  Auvray,  conservera  à  tout  jamais 
les  résultats  acquis  par  le  travail  de  la  Commission ,  et 
permettra  de  retrouver  toujours,  avec  une  certitude  absolue, 
les  fondations  de  la  Grosse-Tour. 

La  Société  peut  donc  se  féliciter  d'avoir  contribué  à  l'exé- 
cution de  ces  fouilles,  dues  à  l'heureuse  initiative  de  notre 
confrère  ,  M.  d'Espaulart ,  qui ,  le  premier ,  en  a  fait  la  de- 
mande. 

Une  somme  de  300  francs  avait  encore  été  votée  pour 
subvenir  aux  importants  travaux  exécutés,  dans  l'église  du 
Pré,  par  son  intelligent  curé,  M.  l'abbé  Livet.  Uncoup-d'œil 
jeté  dans  ce  vénérable  vaisseau  suffit  pour  faire  apprécier  le 
bon  emploi  des  fonds  de  la  Société  ;  on  peut  dire  que,  sous  la 
main  de  M.  l'abbé  Livet,  l'église  du  Pré  s'est  transformée, 


LE   10   FÉVRIER   1862.  561 

c'est  comme  une  nouvelle  basilique  qui  a  été  révélée.  Cette 
architecture  du  XIe.  siècle,  si  souvent  mutilée  par  la  main  du 
temps  et  aussi ,  disons-le,  par  celle  des  hommes,  avait  besoin 
d'une  révision  générale,  émanée  d'un  esprit  correct  et  décidé  ; 
M.  l'abbé  Livet  a  trouvé  l'homme  qui  convenait  dans  M.  Darcy, 
notre  regretté  architecte  du  Mans,  l'artiste  éminent  que  le 
premier  architecte  de  Fiance  pour  les  monuments  du  moyen- 
âge,  M.  Viollet-Leduc,  vient  d'attacher  à  son  cabinet. 

La  Société  est  heureuse  de  donner  son  plein  assentiment  à 
l'ingénieuse  restauration  de  ;M.  Darcy,  et  d'approuver  l'emploi 
des  fonds  votés. 

M.  d'Espanlart  lit  ensuite  un  spirituel  mémoire  intitulé  :  De 
L'art  religieux,  considéré  sous  quelques-unes  de  ses  formes. 

Ce  mémoire,  qui  renferme  beaucoup  d'appréciations  justes 
et  quelques  autres  susceptibles  de  controverse.,  a  été  publié 
in  extenso  dans  le  n°.  U  du  XXVIIIe.  vol.  de  la  collection 
du  Bulletin  monumental,  p.  312,  où  toutes  les  personnes 
qui  s'intéressent  aux  progrès  de  l'art  dans  la  province  pour- 
ront le  consulter. 

A  la  suite  de  cette  lecture,  M.  le  comte  de  Mailly  dit  qu'il 
ne  partage  pas  toutes  les  opinions  de  l'honorable  M.  d'Es- 
paulart  ;  de  son  côté,  M.  Hucher  demande  la  parole,  et,  tout 
en  rendant  pleine  justice  aux  qualités  brillantes  du  mémoire 
dont  il  vient  d'être  donné  lecture ,  il  rappelle  quelle  a  été,  de 
tout  temps,  la  direction  imprimée  par  la  Société  française  d'ar- 
chéologie aux  restaurations  de  monuments. 

Aujourd'hui  on  ne  fait  plus  d'esthétique ,  on  se  contente 
de  recueillir  les  débris  du  passé  qui  sont  tous  précieux  pour 
les  amis  de  l'archéologie  ;  ainsi,  pour  ne  parler  que  de  l'objet 
en  litige,  les  peintures  murales  de  l'église  de  La  Coulure, 
voici  ce  qui  s'est  produit  : 

M.  le  curé  Deslais ,  en  débadigeonnant  la  voûte  de  son 
église,  trouve  les  formerets,  les  arcs- ogives  et  les  arcs-dou- 

36 


562  SÉANCE  TLNUE    AU   MANS 

bleaux  tout  constellés  de  fleurs  de  lis ,  de  tours  de  Castille , 
d'animaux  fantastiques  empruntés  aux  Bestiaires  du  temps , 
de  fleurons  caractéristiques  du  XIIIe.  siècle;  bref,  d'un  vaste 
système  d'ornementation,  se  profdant  depuis  les  chapiteaux 
jusqu'à  l'arête  de  la  voûte.  Fallait-il,  comme  on  l'eût  fait  en 
1825,  rebadigeonner  cette  voûte  d'un  ton  monochrome,  sons 
prétexte  que  toute  cette  ornementation,  un  peu  gauloise  d'as- 
pect, mais  profondément  nationale,  et  où  brillent  les  plus 
chers  souvenirs ,  l'influence  de  saint  Louis  et  de  la  noble 
Blanche  de  Castille  ,  sous  prétexte  ,  disons-nous ,  que  cette 
ornementation  un  peu  rude,  un  peu  austère,  ne  vaut  pas 
les  brillantes  arabesques  de  la  Renaissance  ? 

M.  le  Curé  ne  l'a  pas  pensé  :  il  a  sauvé  à  l'art  national 
ce  rare  et  curieux  débris  de  la  décoration  des  voûtes  de  nos 
grandes  basiliques  du  XIIIe.  siècle;  il  a  bien  fait,  et  il  a 
mérité  en  cela  toute  l'approbation  de  la  Société  française  , 
d'autant  que  la  restauration  de  cette  partie  de  l'église  est 
aussi  bien  traitée  que  possible.  On  a  critiqué  le  travail  qua- 
drillé du  fond  :  ceci  est  un  accessoire  qu'on  pourra  faire 
disparaître  plus  tard,  si  l'on  a  quelque  chose  de  mieux  à 
proposer  ;  mais  toujours  est-il  que  le  principal  est  sauvé. 

Maintenant,  ajoute  M.  Hucher,  est-ce  à  dire  que  nous 
approuvons  tout  le  travail  de  peintures  murales,  même  celui 
qui  commence  aux  chapiteaux,  et  se  termine  au  pavé  de 
l'église,  notamment  le  bariolage,  un  peu  trop  criard,  des 
colonnes  ?  Non  :  nous  sommes  sur  ce  point  de  l'avis  de 
M.  d'Espaulart.  Il  y  a  là  une  exubérance  de  motifs,  une 
rudesse  d'exécution  ,  une  crudité  de  tons  tout-à-fait  inad- 
missibles ;  il  y  a,  sur  ces  murs  ,  assez  de  motifs  pour  orne- 
meuter  un  espace  trois  fois  plus  étendu.  Nous  blâmons 
surtout,  dit  M.  Hucher,  la  crudité  des  tous  ;  on  ne  voit  pas 
trop  pourquoi  l'ingénieux  peintre  (rendons  cette  justice  à 
M.  Bourdon),  quia  si  bien  nuancé  en  tons  neutres,  gris,  bleus 


LE   10    FÉVRIER   1862.  563 

ou  violacés ,  la  charmante  voûte  restaurée  sous  sa  direction  , 
a  changé  subitement  de  système  et  n'a  employé  sur  les  murs 
latéraux ,  tout  près  des  yeux  des  spectateurs ,  que  des  tons 
durs,  heurtés  et  francs,  tout  ce  que  la  palette  donne  de  plus 
violent  et  de  plus  audacieux.  Il  faudra  y  revenir  évidemment, 
en  profitant  de  l'expérience  ,  sans  laquelle  ,  hélas  !  en  fait 
d'art,  toutes  les  théories  sont  impuissantes. 

M.  d'Espaulart  demande  la  parole,  et  ne  nie  pas  que 
l'ornementation  retrouvée  ne  soit  pleine  d'intérêt  ;  il  critique 
surtout  les  nouvelles  peintures  et  est  heureux  de  se  trouver 
ainsi  en  communauté  d'idées  avec  M.  Hacher  sur  ce 
point. 

M." l'abbé  Deslais,  curé  de  La  Couture,  prend  la  parole, 
à  son  tour,  et  donne  d'intéressantes  explications  sur  les  dé- 
buts de  l'opération  ,  les  incertitudes  d'une  direction  con- 
venable en  l'absence  de  documents ,  notamment  pour  ce  qui 
concerne  le  fond  quadrillé,  auquel  m.  Darcy  ne  s'est  rallié 
qu'en  l'absence  de  tout  autre  parti  meilleur,  il  convient 
que  l'essai  de  peinture  latérale  n'est  pas  heureux,  et  il  promet 
d'y  porter  remède. 

M.  de  Caumont  ne  se  prononce  pas  sur  la  peinture  murale 
des  églises,  en  tant  que  peinture  moderne  en  dehors  de  toute 
pensée  restauratrice  :  il  faut  évidemment  étudier  encore 
long-temps ,  d'après  les  vestiges  du  passé ,  avant  de  tenter 
de  grandes  entreprises  dans  cet  ordre  d'idées,  où  il  manquera 
toujours  la  naïveté  et  l'originalité  qui  nous  charment  dans 
la  peinture  du  XIIIe.  siècle. 

M.  David  a  ensuite  la  parole  pour  lire  un  travail  sur 
quelques  anciens  autels  récemment  découverts  dans  le  Maine. 
Il  cite  notamment  le  curieux  rétable,  du  XIVe.  siècle,  cL 
l'église  de  Villaines-sous-Lucé  ,  restauré  dernièrement  aux 
frais  de  la  Compagnie,  et  le  rnaître-autel  de  la  même  église  , 
dont  l'architecture  est  accusée  par  deux  colonnes  latérales 


56'l  SÉANCi-:   TEfifUt    AU   majvs 

fort  originales  ;  deux  autres  autels  anciens  découverts  aussi 
sous  des  boiseries  dans  l'église  de  Neuvy  ;  enfin  ,  deux  types 
très-curieux  de  petits  autels ,  voilés  de  même  sous  des 
panneaux  vermoulus,  dans  les  églises  de  Saône  et  Panon. 

Ce  sont  des  autels  du  même  genre  que  celui  de  Norrcy 
(Calvados),  et  représentés  dans  Y  Abécédaire  d'archéologie  de 
M.  de  Caumont  (p.  270  de  l'éd.  de  1850). 

M.  Le  Pelletier,  de  la  Sarthe,  à  qui  la  parole  est  ensuite 
donnée,  improvise,  avec  l'habileté  qu'on  lui  connaît,  une 
curieuse  dissertation  sur  l'important  problème  de  l'époque 
de  l'introduction  du  christianisme  dans  les  Gaules.  M.  le 
docteur  Le  Pelletier,  qui  a  publié  sur  la  matière  un  très- 
beau  travail,  démontre  par  des  arguments  empruntés  à  la  plus 
saine  raison  que  saint  Julien,  l'apôtre  du  Maine,  vint  dans  la 
ville  du  Mans  vers  le  dernier  tiers  du  I".  siècle,  et  qu'il  y  jeta, 
à  celte  époque,  les  premières  semences  de  la  parole  divine; 
semences  qui  purent  bien  plus  lard  ne  pas  porter  tous  leurs 
fruits  dans  un  sol  peu  favorable,  à  l'époque  des  grandes  per- 
sécutions, mais  qu'on  ne  peut  se  refuser  à  admettre  à  cette 
époque,  la  seule  qui  convienne  à  un  prosélytisme  pratiqué 
ouvertement  et  admis  sans  opposition. 

Après  cet  éloquent  plaidoyer,  M.  Hucher  déploie,  sous 
les  yeux  de  la  Compagnie  ,  le  calque  in  extenso  de  l'inté- 
ressante peinture  murale  du  XVn.  siècle,  qui  se  voit  au  fond 
de  l'arcature  du  tombeau  de  Marie  de  Bueil ,  dame  de 
Crenon  ,  dans  l'église  de  Chfiteaux-l'Hermitage.  M.  Hucher 
a  découvert ,  déchiffré  et  calqué  cette  peinture ,  dont  les 
vestiges  existent  à  peine  et  sont  si  peu  apparents ,  que  son 
calque  en  est  comme  la  résurrection.  M.  de  Caumont  ac- 
cueille favorablement  la  demande  d'un  secours  de  200  fr. 
destiné  a  la  restauration  de  celte  peinture,  à  la  condition  que 
ce  calque  curieux  sera  envoyé  à  Paris  et  exposé  rue  Bo- 
ïïàpailc ,  hU  ,  dans  la  salle  on  siégeront,  le  22  avril,  les 


LE    10    FÊVBIER    IN62.  505 

délégués  des  Sociétés  savantes  de  France.  Cette  condition  est 
aujourd'hui  remplie. 

Maricde  Bucil,  on  le  sait,  est  la  sœur  du  vaillant  chevalier 
Jehan  de  Bucil ,  amiral  de  France ,  surnommé  le  Fléau  des 
singlais. 

Après  le  vote  des  200  fr.  alloués  pour  cette  restauration, 
M.  Hucher  entretient  la  Compagnie  de  singulières  in- 
scriptions qui  ont  été  découvertes  auprès  de  Neuvy-sur- 
Baranjon  (Cher),  et  qui  sont  devenues  la  possession  de 
M.  Chazereau  ;  ces  inscriptions,  tracées  sur  des  briques  en 
caractères  bizarres  mélangés  de  lettres  grecques  et  romaines, 
ont  été  produites  comme  dos  monuments  de  l'autonomie 
gauloise.  Elles  offrent  les  amorces  les  plus  séduisantes  poul- 
ies investigateurs  de  curiosités  celtiques:  on  lit  sur  quelques- 
unes  :  DRVIDIBVS,  suivi  de  mots  et  de  signes  inconnus , 
—  TRIORANVSI...  BELEiNYSIlI—  ISIS.  ESVSV....  DVIS. 
VOLCI.  TARVOS.  H....  TIIEVT;— le  mot,  trop  significatif, 
VERCOBRETA,  et  puis,  presquedu  latin  :ROMINICEZARlS 
BELLVN.  Les  zélés  antiquaires  qui,  les  premiers ,  se  sont 
occupés  de  ces  briques  (1)  n'ont  pas  élevé  de  doutes  sur  leur 
authenticité.  En  présence  de  leurs  affirmations,  si  positives, 
nous  ne  voudrions  pas  dire  que  tout  cet  arsenal  nous  paraît 
former  un  ensemble  suspect  où  quelques  morceaux  au- 
thentiques se  trouvent  mêlés  à  beaucoup  de  choses  fausses  ; 
mais  ce  qui  nous  paraît  certain ,  comme  à  M.  de  Chastcigner 
qui,  au  Congrès  de  Bordeaux,  s'est  prononcé  contre  l'origine 
gauloise  de  ces  monuments  et  a  demandé  qu'ils  nous  fussent 
renvoyés  pour  être  examinés  et  avoir  notre  avis,  c'est  que 
ces  inscriptions,  dont  M.  Boyer  vient  de  nous  transmettre 
un  fragment  inédit ,  n°.  25  ,  ne  sont  pas  gauloises ,  mais 
plutôt  gallo-romaines,  à  supposer  qu'elles  soient  authentiques, 

(1)   Nu viodumnn  Riturigum  et  $er,  Grnfjili ,  par  M.  Hippolyte  Boyer. 


560  SÉANGfc   TLNUE    AU   MANS 

ce  qui  n'est  pas  probable,  et  n'ont  rien  à  démêler  avec  l'au- 
tonomie gauloise  ;  Dom  Martin  lui-même  ,  en  citant  une 
inscription  latine  dos  Catacombes ,  tracée  en  caractères 
grecs,  reconnaît  qu'on  s'est  servi  dans  les  Gaules  de  ces 
caractères  jusqu'aux  Ve.  et  VIe.  siècles;  et,  en  effet,  le  /\ 
des  monnaies  de  Dagobert  nous  donne  une  preuve  irré- 
cusable de  la  persistance  du  grec  écrit  chez  nos  ancêtres. 

M.  l'abbé  Voisin  a  ensuite  la  parole  pour  présenter  quelques 
observations  sur  les  monuments  de  la  Sartlie  qui  n'ont  point, 
suivant  lui ,  été  appréciés  jusqu'à  ce  jour  comme  ils  méritent 
de  l'être  : 

Ainsi,  l'église  des  Visitandines  du  Mans,  du  XVIIIe.  siècle, 
rappelle  «  ce  qu'on  admire  le  plus  dans  les  églises  de  Rome,  i 
]1  cite  encore  celle  de  St.-Calais,  du  XVIIe.  siècle,  «  qui  est 
digne  de  meilleures  restaurations;  »  enfin,  le  charmant 
vaisseau  de  La  Ferté-Bernard  ,  «  que  l'on  restaure  heureu- 
sement. » 

«  Dans  le  XVe.  et  le  XIVe.  siècle,  dit-il,  les  préoccupa- 
tions se  dirigent  surtout  vers  la  guerre;  dans  le  XIIIe.,  notre 
pays  prend  largement  part  au  mouvement  architectural  dès 
l'année  1230.  L'abbaye  de  l'Epau  montre  un  style  ogival 
très-avancé ,  sans  parler  du  chœur  de  notre  cathédrale ,  mis 
au-dessus  de  celui  de  Bourges  et  de  celui  de  Chartres  par 
M.  Viollet-Leduc.   » 

«  Pendant  le  XIIe.  et  le  XIe.  siècle,  la  dynastie  des  Plan- 
tagenets  favorise  les  plus  belles  constructions  religieuses.  Notre 
Hôtel-Dieu,  dit  deCoeffort,  mérite  d'attirer  l'attention  comme 
la  nef  de  St. -Julien.  » 

«  Le  Xe.  siècle  n'a  guère  laissé  que  le  chœur  de  La  Cou- 
ture. » 

M.  l'abbé  Voisin  signale  encore  l'église  de  St.-Pavin 
«  comme  une  œuvre  de  l'année  838  ;  celle  de  La  Couture 
(sans    doute    les    chapelles  absidales),    de    l'année    600; 


LE  10  févkiku  18b"2.  507 

enfin  celle  de  St.-Pavin,  tiB  l'année  575^,  et  celle  de  Si. - 
Viclrice  comme  plus  ancienne  encore.  »  D'après  M.  Voisin, 
celle-ci  «  reposerait  sur  un  hypocauste  et  des  subslructions 
de  l'époque  gallo-romaine.  » 

Celle  lecture  terminée,  M.  Hucher  parle  d'une  brochure 
cjuc  M.  le  comte  de  Widranges  vient  de  publier  sous  le  litre  : 
Des  anneaux  et  des  rouelles ,  antique  monnaie  des  Gaulois, 
in-80.,  de  16  pages  et  6  pi.  ;  Bar-lc-Ouc,  1861,  dont  il  est 
conduit  a  contester  la  conclusion. 

Après  avoir  rendu  hommage  à  la  beauté  des  planches  de 
celle  brochure,  véritable  chef-d'œuvre  de  reproduction  d'ob- 
jets d'archéologie,  M.  Hucher  exhibe  en  nature  les  rouelles 
et  anneaux  que  M.  de  AVÏdranges  voudrait  faire  considérer 
comme  les  monnaies  les  plus  anciennes  de  nos  ancêtres  ; 
M.  Hucher  démontre  que  ces  petits  monuments  singuliers 
n'ont  jamais  pu  avoir  cette  destination  ;  en  effet,  l'un,  de 
15  millimètres  de  diamètre,  est  en  or,  et  du  travail  fïii- 
grauique  le  plus  fin ,  tandis  que  d'autres  sont  en  bronze  et 
atteignent  la  dimension  de  12  centimètres,  avec  une  épais- 
seur d'environ  6  centimètres;  or,  imagine-t-on  des  éléments 
aussi  disparates  destinés  à  se  frotter,  comme  des  monnaies,  les 
uns  contre  les  autres?  Disons  de  suite  que  ces  rouelles  sont 
des  amulettes,  des  analhema,  des  signa  boni  eventi,  comme 
le  prouvent  les  monuments  gaulois  eux-mêmes,  certaines 
oboles  marseillaises  où  la  rouelle  figure  eu  guise  de  cocarde 
au  casque  d'Apollon  ,  et  quelques  rares  statères  armoricaines 
sur  lesquelles  la  Victoire  fait  flotter  cette  même  rouelle 
en  guise  de  tableau  de  victoire  devant  la  tête  de  l'andro- 
céphale. 

M.  Hucher  produit  ensuite  les  véritables  pltis  anciennes 
monnaies  gauloises,  notamment  celles  qui  avaient  cours  dans 
le  Maine  ;  ce  sont  de  belles  pièces  d'or  ,  dans  lesquelles  la 
dégénérescence  ,  celle  loi  féconde,  découverte  par  l'immortel 


568  SÉAINCL   TENUE   AL    MAKS 

Lelevvel ,  se  laisse  lire  en  caractères  énergiques  et  permet 

d'apporter  un  classement  presque  certain. 

Après  cette  communication  ,  M.  Hucher  présente  à  la 
Compagnie  deux  nouvelles  planches  iuédiies  de  son  ouvrage 
intitulé  :  Calques  des  vitraux  peints  de  la  cathédrale  du 
Mans.  Ce  sont:  ln.  un  vitrail  du  XIIIe.  siècle,  offrant  une 
légende  toute  locale:  la  légende  d'Évron,  dans  lequel  on 
trouve  la  chaude  coloration  et  L'arrangement  habile  et  symé- 
trique des  vitraux  de  ce  temps  ;  2°.  trois  des  donateurs  de  la 
grande  rose  du  XVe.  siècle.  Parmi  eux,  M.  Hucher  signale 
le  cardinal  Fillastre,  ce  généreux  donateur  à  qui  ses  lar- 
gesses vraiment  royales  valurent  l'honneur  de  figurer 
dans  la  galerie  iconographique  de  ce  vitrail ,  côte  à  côte  avec 
les  ducs  d'Anjou  ,  comtes  du  Maine,  et  de  voir  son  blason 
sculpté  à  la  clef  d'une  des  voûtes  du  transept  septentrional, 
à  côté  de  celui  de  Charles  VII.  On  sait ,  du  reste  ,  que  le 
cardinal  Fillastre,  du  titre  de  St.-Marc,  a  exercé  une  cer- 
taine influence  sur  le  mouvement  littéraire  et  scientifique  de 
son  temps. 

M.  de  Caumont  prend  enfin  la  parole,  et  clôt  la  séance 
en  invitant  M.  Hucher  à  envoyer  à  Paris,  au  Congrès  des 
délégués  des  Sociétés  savantes  ,  avec  son  calque  de  la  pein- 
ture murale  de  Chàteaux-l'Hermitage  ,  quelques-unes  des 
belles  planches  de  son  grand  ouvrage  des  Vitraux  du  Mans  ; 
l'année  dernière  ,  l'exposition  du  Congrès  avait  déjà  été 
très-remarquable.  Il  invite  encore  MM.  les  membres  présents 
à  assistera  cette  solennité  ,  dans  laquelle  on  traitera  beaucoup 
de  questions  relatives  à  l'avenir  littéraire  de  la  province.  Le 
Congrès  archéologique  aura  lieu,  pour  la  première  partie, 
à  Saumur,  le  lor.  juin;  la  deuxième  partie  se  tiendra  à  Lyon 
en  septembre.  On  y  traitera  surtout  d'épigraphie  romaine;  il 
y  sera  question  de  ce  fameux  autel  de  Lyon,  qui  n'était  peut- 
être  pas  où  on  le  croyait,  et  que  M.  Martin-Daussigny  paraît 


LL    10   F&VKIEB    1802.  569 

porté  à  chercher  près  la  place  des  Terreaux.  Enfin ,  il  n'est 
pas  douteux  que  celle  réunion,  au  centre  d'un  pays  si  lichc 
en  monumenls  antiques,  ne  présente  un  grand  intérêt. 

Une  somme  de  100  fr.  est  ensuite  volée,  sur  l'instanie 
demande  de  M.  le  Curé  de  Neuvy,  pour  être  employée  en 
réparations  à  son  église. 

Rien  n'étant  plus  5  l'ordre  du  jour ,  la  séance  est  levée 
à  six  heures  et  demie. 

L'Inspecteur,  faisant  fonctions  de  secrétaire , 
Eugène  IIucheu. 


SBA.NOE 

TÉNUE 

PAR   LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE    D'ARCHÉOLOGIE 

A  ELBEUF, 

LE    JEUDI     IO    JUILLET     186«. 


Présidence  de  M.  de  Glanville,  inspecteur  de  la  Seine-Inférieure. 

La  séance  est  ouverte  à  7  heures  1/2  du  soir. 

Le  bureau  est  composé  de  MM.  de  Caumont,  l'abbé  Cochet, 
Buée,  maire  d'Elbeuf;  Aubert ,  du  Conseil  de  l'Association 
normande  ;  Thcobald  Chevereaux  et  G.-  V.  Grandin. 

M.  Raymond  Bordeaux  remplit  les  fonctions  de  secré- 
taire. 

M.  de  Caumont  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  A. 
Pannier  sur  l'église  collégiale  de  la  Saussaye,  près  Elbcuf. 

LETTKE  DE  M,  PANNIEK. 

Permettez-moi  de  vous  signaler  ,  à  l'occasion  du  concours 
qui  doit  s'ouvrir  le  10  de  ce  mois  à  Elbeuf,  quelques  églises 
rurales  intéressantes  que  j'ai  visitées  dernièrement  aux  envi- 
rons de  cette  ville. 

Toutes  ces  églises  appartiennent  au  département  de  l'Eure, 
qui  forme,  comme  vous  le  savez,  un  vaste  plateau  coupé  pat- 
plusieurs  vallées  profondes,  lequel  se  termine  brusquement 
Vers  l'orient  et  domine  le  riche  bassin  de  la  Seine. 


SÉAINCL  ;iMh  A  LLDEIF  LL  10  JL1LLET  1862.         571 

La  plus  remarquable  de  ces  églises  est ,  sans  contredit , 
l'ancienne  collégiale  de  la  Saussayc,  située  à  5  kilomètres 
environ  d'Elbeuf,  sur  la  gauche  et  à  une  faible  distance  de  la 
route  du  Neubourg.  Cet  édifice,  dont  la  construction  re- 
monte au  XIVe.  siècle,  est  converti  aujourd'hui  en  église  pa- 
roissiale. En  1550,  un  incendie  considérable  détruisit  l'an- 
cienne voûte  en  charpente,  ainsi  que  la  belle  flèche  centrale 
qui  dominait  le  faîle  et  attirait  les  regards  du  voyageur  par 
ses  proportious  gracieuses.  La  collégiale  fut  pillée  par  les  pro- 
lestants en  1562. 

La  nef  présente  la  forme  d'un  vaste  parallélogramme  , 
éclairé  à  l'orient  par  une  magnifique  fenêtre  ogivale  rayon- 
nante, à  cinq  baies  garnies  d'anciens  vitraux  qui  produisent 
de  loin  un  effet  saisissant.  Le  compartiment  du  milieu ,  plus 
large  que  les  autres  panneaux ,   représente  le  Crucifiement. 

Les  bras  du  Sauveur,  étendus  horizontalement,  semblent 
embrasser  le  genre  humain  tout  entier.  Des  anges  reçoivent 
dans  des  calices  le  sang  qui  coule  de  ses  plaies  douloureuses. 
Les  deux  derniers  panneaux  offrent  les  patrons  du  donateur 
cl  de  la  donatrice,  représentés  à  genoux  au  bas  de  la  verrière. 
Ce  vitrail,  remarquable  par  l'éclat  du  coloris  et  la  douce  har- 
monie des  teintes ,  ainsi  que  par  la  richesse  des  costumes , 
attire  les  regards  des  connaisseurs. 

L'édifice  est  éclairé  latéralement  par  de  hautes  et  gracieuses 
fenêtres  ogivales,  à  deux  baies  trilobées,  qui  ont  conservé  leur 
forme  primitive  et  une  partie  de  leurs  anciennes  moulures. 
L'archivolte,  formée  d'un  tore ,  repose  sur  de  légères  colon- 
nettes  dont  les  chapiteaux  sont  garnis  d'un  double  rang  de 
feuillages.  Le  meneau  prismatique  qui  divise  les  fenêtres  a 
été  refait,  ainsi  que  la  tracerie  flamboyante  qui  dessine  le 
tympan. 

La  voûte  en  merrain ,  qui  remplace  l'ancienne  voûte  dé- 
truite par  l'incendie  dont  nous  avons  parlé ,  est  fort  belle  et 


572  SÉANCE  TENIE  A  ELGtUF 

d'un  effet  gracieux.  Elle  offre  de  nombreux  entrails  terminés 
par  des  rageurs  et  est  soutenue  par  des  poinçons  formés  de 
colonnes  dans  le  style  de  la  Renaissance.  Les  sablières  sur 
lesquelles  portent  les  entrai  ts  offrent  aussi  de  jolies  moulures. 
Deux  belles  et  vastes  chapelles,  dont  les  voûtes  sont  égale- 
ment apparentes,  s'élèvent  au  nord  et  au  midi  et  impriment 
à  l'édifice  la  forme  d'une  croix  latine.  Ces  chapelles  commu- 
niquent avec  la  nef  par  une  arcade  ogivale,  entourée  de  deux 
moulures  en  scotie  et  d'un  gros  tore. 

La  chapelle  méridionale ,  éclairée  de  chaque  côté  par  deux 
fenêtres  ogivales  entourées  de  moulures  en  gorge  et  divisées 
par  un  meneau  prismatique,  et  au  midi  par  une  belle  fenêtre 
à  quatre  baies,  se  fait  remarquer  par  ses  belles  proportions  et 
ses  vitraux  de  la  Renaissance,  qui  ont  conservé  toute  leur 
fraîcheur  et  tout  leur  éclat.  Sur  l'une  des  fenêtres  latérales, 
on  voit  le  portrait  en  pied  de  saint  Louis,  auquel  était  dédiée 
cette  collégiale.  Le  manteau  royal,  terminé  en  pointe  par  de- 
vant, comme  les  chasubles  du  moyen-âge ,  est  du  plus  bel 
azur  et  semé  de  fleurs  de  lis  d'or.  Le  saint  roi  tient  dans 
l'une  de  ses  mains  un  sceptre,  emblème  de  la  puissance,  et 
dans  l'autre  la  main  de  justice,  cette  autre  prérogative 
de  ia  royauté.  Une  riche  bordure,  formée  de  gracieux  rin- 
ceaux, encadrait  autrefois  les  baies  garnies  de  personnages 
religieux.  La  fenêtre  du  fond  a  conservé  tous  ses  vitraux,  qui 
se  recommandent  à  la  fois  par  la  finesse  et  la  pureté  du  dessin 
et  par  la  richesse  du  coloris. 

La  chapelle  septentrionale ,  qui  servait  de  salle  capitulaire, 
date  du  même  temps  que  la  nef.  Quelques-unes  des  fenêtres, 
offrant  aussi  des  fragments  de  vitraux ,  ont  conservé  leurs 
moulures  et  leur  décoration  primitive. 

Au  milieu  du  faîte  s'élevait,  ainsi  que  nous  l'avons  dit , 
un  élégant  clocher  en  bois,  recouvert  en  plomb,  quia  été 
consumé  par  les  flammes;  ce  clocher,  dont  la  flèche  ouvragée 


le  10  JUILLET  1862.  573 

et  découpée  a  jour  comme  une  véritable  dentelle,  semblait 
porter  vers  le  ciel  les  prières  et  les  vœux  ardents  du  Chapitre, 
renfermait  quatre  petites  cloches  au  timbre  éclatant  et  pur, 
qui  servaient  à  annoncer  les  différents  offices  auxquels  les 
chanoines  étaient  tenus  d'assister.  D'après  la  charte  de  fon- 
dation, l'office  de  nuit  était  obligatoire  comme  l'office  de  jour. 
On  disait  Matines  à  minuit,  Laudes  h  6  heures  du  matin,  la 
grand' messe  à  10  heures  et  les  vêpres  a  3  heures. 

Il  y  avait  trois  messes  à  notes:  l'une  au  point  du  jour, 
une  autre  après  Prime;  la  troisième,  a  diacre  et  sous-diacre, 
après  Tierce. 

Les  messes  chantées  étaient  annoncées  par  le  son  d'une  ou 
plusieurs  grosses  cloches ,  selon  la  solennité  du  jour.  Ces 
cloches,  au  nombre  de  quatre,  étaient  renfermées  dans  la 
belle  tour  occidentale  qui  s'élève  à  gauche  du  portail.  La  plus 
grosse,  appelée  Guillaume,  pesait,  dit-on,  8,000  livres.  La 
seconde  se  nommait  le  Gros-Pierre  ;  la  troisième,  la  Grosse- 
Marie  ;  enfin ,  la  quatrième  était  désignée  sous  le  nom  de 
Petite-Marie.  Ces  cloches  remplaçaient  probablement  deux 
plus  anciennes,  fondues  en  1567,  dont  l'une  se  nommait  An- 
toinette et  l'autre  Louise.  Ces  dernières  eurent  pour  mar- 
raines Antoinette  de  Bourbon  et  Louise  de  Lorraine,  bien- 
faitrices de  la  collégiale ,  l'une  baronne  et  l'autre  marquise 
d'Elbeuf.  Les  trois  cloches  que  l'on  voit  actuellement  sont 
modernes.  Elles  ont  été  fondues  il  y  a  environ  25  ans.  La  plus 
grosse  pèse,  dit-on,  2,500  livres.  La  tour  quadrangulaire qui 
les  renferme,  construite  en  pierres  de  grand  appareil,  est  sur- 
montée d'un  toit  en  ardoise.  L'étage  supérieur  est  percé  sur 
chaque  face  de  deux  longues  baies  ogivales  très-simples,  or- 
nées de  quelques  moulures  en  scolie  et  surmontées  d'une 
arcade  cintrée  qui  occupe  toute  la  largeur  de  la  tour.  Les 
contreforts  qui  soutiennent  le  clocher  s'élevaient  jusqu'à  la 
base  de  la  pyramide  qui  était  en  pierre,  si  toutefois  ce  clocher 
a  jamais  été  terminé. 


51U  SÉANCE   TENUE   A    ELBEIIF 

Les  murs  de  l'église  soin  construits  en  grand  appareil 
avec  chaînages  en  silex.  Un  cordon  en  pierre  relie  tous  les 
contreforts. 

Les  stalles  du  chœur,  au  nombre  de  quarante-quatre,  sont 
très-remarquables.  Elles  sont  dans  le  style  de  la  Renaissance 
(2e.  moitié  du  XVI".  siècle)  et  sculptées  de  main  de  maître. 
Les  accoudoirs  sont  surmontés  de  statuettes  de  moines  re- 
présentés dans  l'attitude  de  la  prière,  la  tète  recouverte  d'un 
capuchon.  Les  miséricordes  sont  très-variées  et  méritent  un 
examen  particulier. 

Le  tabernacle  du  maître-autel ,  qui  provient ,  dit-on  ,  de 
l'ancienne  abbaye  de  Bonport ,  offre  un  gracieux  groupe  re- 
présentant la  Foi,  l'Espérance  et  la  Charité.  La  Foi  tient  d'une 
main  une  hostie  et  dans  l'autre  le  livre  de  la  nouvelle  loi. 
L'Espérance  a  une  main  posée  sur  une  ancre,  La  Charité  lient 
une  bourse  et  fait  l'aumône  à  un  enfant  à  moitié  nu. 

A  l'entrée  de  la  nef  s'élève  une  tribune  en  bois,  décorée  de 
cartouches  ;  cette  tribune  est  éclairée  par  deux  fenêtres  ogi- 
vales, à  deux  baies  trilobées,  entourées  de  moulures  prisma- 
tiques qui  ont  conservé  leur  forme  primitive. 

La  nouvelle  chaire ,  dans  le  style  gothique ,  que  l'on  vient 
de  placer  dans  la  nef  a  été  com|>osée  et  exécutée  par  les  frères 
Laumonnier,  sculpteurs  à  Conches.  Cette  chaire,  dont  le  dos- 
sier est  beaucoup  trop  étroit ,  manque  d'ampleur.  La  pyra- 
mide élancée  qui  forme  l'abat-voix  paraît  excessivement 
maigre  et  grêle.  La  tribune,  dont  les  panneaux  sont  couverts 
de  bas-reliefs  offrant  des  sujets  parfaitement  choisis,  est  à 
pans  coupés. 

Devant  le  portail  s'étend  une  vaste  place  qui  formait  l'an- 
cienne cour  du  cloître.  Toutes  les  maisons  situées  au  midi 
étaient  habitées  par  les  chanoines. 

Le  cloître  était  divisé  en  douze  portions  appelées  pré- 
bendes. Chaque  chanoine  avait  sa  maison  et  son  verger  qui 
contenait  environ  une  acre. 


LE   10   JIM.LET   1862.  575 

L'entrée  principale  du  cloître  était  placée  à  l'orient.  Deux 
portes  à  plein-cintre  et  à  deux  rangs  de  claveaux  extradossés, 
l'une  beaucoup  plus  grande  que  l'autre,  donnaient  accès  dans 
la  vaste  cour,  aujourd'hui  convertie  en  place,  qui  s'étend  à 
l'ouest  et  au  midi  de  l'église.  La  porte  la  plus  petite  était  des- 
tinée aux  piétons.  Ces  deux  portes ,  placées  l'une  a  côté  de 
l'autre,  s'ouvrent  sur  une  lande  autrefois  couverte  de  bois. 
La  belle  avenue  qui  s'étend  à  gauche  conduit  au  château,  dont 
nous  parlerons  tout  à  l'heure. 

Une  autre  porte  à  plein-cintre  en  pierre,  plus  petite  que 
la  précédente,  mais  d'un  effet  très-pittoresque,  s'élève  au 
nord-ouest,  près  du  chemin  communal. 

Un  puits  très-profond ,  surmonté  d'un  toit  en  ardoise  que 
supportent  des  piliers  carrés  en  briques  plates,  se  voit  sur 
l'un  des  côtés  de  la  place  qui  précède  l'église. 

En-deçà  du  portail  s'élève,  au  fond  d'un  jardin ,  une  cu- 
rieuse maison  en  bois  du  XVIe.  siècle,  composée  d'un  rez- 
de-chaussée  et  d'un  étage  en  encorbellement.  La  porte  qui 
donne  entrée  dans  le  manoir  est  surmontée  d'une  ogive  en 
accolade  et  décorée  d'un  écusson  entièrement  fruste.  Contre 
un  des  potelets  qui  supportent  la  poutre  principale ,  est  ap- 
puyée une  statuette  de  la  Sainte-Vierge  tenant  dans  ses  bras 
l'Enfant-Jésus.  Sa  tète  est  surmontée  d'une  couronne. 

La  collégiale  de  la  Saussaye  dépendait  du  duché  d'Elbeuf. 
Elle  fut  fondée,  en  1313  ,  par  Guillaume  d'IIarcourt. 

Elle  comptait,  clans  l'origine,  treize  chanoines,  y  compris 
le  doyen.  (Le  nombre  fut  plus  tard  réduit  à  douze.) 

Philippe  IV,  en  1311,  avait  amorti  500  livres  tournois 
pour  celte  fondation. 

Philippe  V  ,  par  une  charte  ,  avait  exempté  de  toute  juri- 
diction et  justice  temporelle  l'église,  le  cimetière,  ainsi  que 
les  maisons  et  jardins  de  cette  collégiale. 

Parmi  les  bienfaitrices  de  la  collégiale,  nous  citerons  Marie 


576  SÉANCE  TENUE  A  ELBEUF 

d'Harcourt.  En  reconnaissance  de  ses  nombreux  dons ,  les 
chanoines  fondèrent  un  obil  qui  a  été  acquitté  jusqu'à  la 
Révolution. 

Le  château  de  la  Saussaye ,  situé  au  midi  de  l'église,  était 
dans  l'origine  un  pavillon  de  chasse.  Il  se  compose  d'un  rez- 
de-chaussée  et  d'un  étage  très-bas. 

Devant  ce  château ,  qui  appartient  à  M.  de  Bostenney , 
maire  de  la  Saussaye ,  s'étend  un  joli  parc  dessiné  par  Le 
Nôtre. 

La  collégiale  de  la  Saussaye,  qui  attire  un  grand  concours 
de  pèlerins,  est  le  but  d'une  des  plus  charmantes  excursions 
que  l'on  puisse  faire  aux  environs  d'Elbeuf.  On  peut  se  rendre 
au  village  de  la  Saussaye  par  la  roule  d'Elbeuf  au  Neubourg, 
et  revenir  par  le  charmant  vallon,  couronné  de  bois,  que 
domine  d'une  manière  si  pittoresque  l'église  que  nous  venons 
de  décrire. 

A  1  kilomètre  environ,  à  l'ouest  de  la  collégiale ,  s'élève 
l'antique  église  de  St.-iMartin-la-Corneille  dont  les  murs  ro- 
mans ,  construits  en  grossier  blocage,  affectent  dans  certaines 
parties  l'appareil  en  feuilles  de  fougère.  On  remarque  à  l'in- 
térieur de  cetle  église  ,  qui  du  reste  présente  peu  d'intérêt, 
l'inscription  obituaire  suivante  en  caractères  gothiques: 

iTan  be  grâce  mil  cinq  cens  et  bonze  le  premier  bimence  après  l'îtscenstoa 
nostrr  Seigric  fust  bebge  reste  présente  pgl'tse  bes  beniers  be  beffuncts  Seljan 
tt  (ôuilltme  b'tct9  Uljjbster  orfeores  natifs  be  reste   paraisse  lesquels   tres- 

pasaerent  à  Rouen    l'au  mil  cinq   cens  et  unzt  If jour  b'octobre. 

JJrirz  Dieu    pour  l'nme  b'icculî.  31e. 

La  plupart  des  fenêtres  sont  sans  caractère.  Une  seule , 
étroite  et  élancée ,  paraît  dater  du  XIIe.  siècle.  Deux  autres 
ouvertures,  l'une  carrée,  l'autre  à  plein-cintre,  ont  été  pra- 
tiquées au  XVIe,  siècle.  La  nef  ne  présente  aucun  contrefort. 


le  10  juillet  1862.  577 

Un  joli  clocher  en  charpente  ,  du  XVIe.  siècle ,  surmonté 
d'une  pyramide  octogone  recouverte  en  essente,  s'élève  à 
l'extrémité  orientale  de  la  nef. 

L'ancienne  paroisse  de  St.-Martin-la-Corncille  est  réunie 
aujourd'hui ,  pour  le  civil  et  pour  le  spirituel,  à  la  Saussayc. 
L'église  St.-Pierre-des-Cercueils ,  ainsi  nommée  parce 
qu'on  a  découvert  en  la  construisant  un  grand  nombre  de 
cercueils  en  pierre ,  se  trouve  à  peu  de  dislance  de  l'église 
précédente,  sur  la  droite  de  la  roule  d'Elbeuf  au  Neubourg. 
Nous  n'avons  pas  visilé  l'intérieur  de  cette  église  qui  ,  à 
l'extérieur  ,  ne  présente  aucun  intérêt. 

Il  est  facile  d'étudier,  sans  perte  de  temps,  ces  trois 
églises  qui  sont  situées  dans  le  même  rayon. 

La  commune  de  Thuit-Signol ,  l'une  des  plus  populeuses 
des  environs  d'Elbeuf,  possède  une  belle  église  qui  a  été 
reconstruite  en  grande  partie.  Cette  église ,  située  à  5  ou 
6  kilomètres  d'Elbeuf,  à  l'ouest,  se  termine  à  l'orient  par 
un  mur  droit  percé  de  deux  belles  fenêtres,  du  XIVe.  siècle, 
d'une  élévation  prodigieuse.  L'archivolte,  formée  d'un  tore, 
repose  sur  de  gracieuses  colonnettes  à  chapiteaux  feuillages. 
Trois  contreforts  soutiennent  le  chevet.  Une  très-belle  tour 
en  pierre,  du  XVIe.  siècle,  soutenue  par  d'élégants  con- 
treforts décorés  de  culs-de-lampe  sculptés  qui  supportaient 
des  statues ,  s'élève  à  l'angle  sud-est  du  portail ,  dont  le 
fronton  en  briques  plates  porte  la  date  de  1753.  Une  gra- 
cieuse tourelle  garnie  de  pilastres  décorés  de  têtes  d'anges 
renferme  l'escalier  qui  conduit  au  clocher  ,  lequel  contient, 
dit-on  ,  trois  anciennes  cloches. 

Les  deux  chapelles  qui  s'élèvent  entre  chœur  et  nef  don- 
nent à  l'édifice  la  forme  d'une  croix  latine. 

Les  fenêtres  qui  éclairent  la  nef  et  le  chœur  sont  mo- 
dernes et  sans  caractère. 

Les  magnifiques  fonts  baptismaux  placés  au  bas  de  la  nef, 

37 


578  SÉANCE   TENUE   A    ELREUF 

du  côté  septentrional ,  selon  les  prescriptions  liturgiques , 
sont  dans  le  style  gothique  flamboyant  et  de  forme  octo- 
gone. Ces  fonts,  qui  mériteraient  un  dessin,  datent  de  la 
tin  du  XV1-'.  siècle  ou  des  premières  années  du  XVIe. 

L'ancien  tableau  de  la  Charité  du  Thuit-Signol ,  qui  porte 
la  date  de  1680,  a  été  transporté  à  Totirville-la-Campagne 
pendant  la  Révolution.  Ce  tableau  ,  excessivement  curieux 
sous  le  rapport  des  costumes  peints  sur  bois,  est  aujourd'hui 
placé  dans  l'église  de  cette  paroisse  ,  en  face  la  magnifique 
cuve  baptismale  romane.  Nous  avons  copié  l'inscription  et 
fait  un  dessin  de  l'écusson  qui  appartient ,  dit-on  ,  a  l.a 
famille  Delalondc  ,  d'Elbenf. 

La  commune  de  Thuit-Signol  compte  un  grand  nombre 
de  villages  habités  par  de  nombreux  tisserands. 

Entre  le  Thuit-Signol  et  Elbeuf  s'élève  l'église  du  Thuit- 
Augcr  qui  possède  ,  dit-on ,  un   beau  clocher. 

M",e.  Philippe-Lemaître  fait  une  communication  verbale 
au  sujet  d'une  abondante  récolle  d'objets  antiques  découverts 
à  Ecaquelon,  près  de  Montfort-sur-llisle.  Ces  fragments  sont 
conservés  chez  SI.  Pernuit,  maire  d'Ecaquelon.  On  remarque 
parmi  ces  objets  diverses  hachettes  en  silex,  une  sorte  de  flûte 
ou  tibia  en  os;  des  figurines  de  Vénus  Anadyomède,  dont  une 
en  terre  cuite  blanche  ;  une  sorte  de  lampe  en  terre  cuite  rou- 
gcàtre  ,  des  médailles  du  Bas-Empire  ,  en  bronze  ,  un  épais 
fragment  d'ardoise  ou  de  marbre  gravé  sur  ses  deux  faces , 
sorte  de  moule  du  XIVe.  ou  XV".  siècle  dont  probablement 
on  lirait  des  empreintes  en  plomb  ou  en  cire.  Ce  fragment 
représente  d'un  côté  divers  personnages  dans  un  cadre  en 
forme  d'écusson ,  et  de  l'autre  côté  une  sor le  de  cartouche 
armorié. 

M.  l'abbé  Cochet  remarque  que  la  plupart  des  trouvailles 
faites  de  ces  sortes  de  statuettes ,  désignées  d'ordinaire  sous 


LE  10  JUILLET  1862.  579 

le  nom  de  Vénus  Anaclyornède  ,  l'ont  été  dans  des  fontaines 
ou  des  mares ,  et  que  c'était  des  ex-voto  offerts  par  les  ma- 
lades aux  divinités  de  ces  fontaines. 

M.  Grandin  ,  président  de  la  Société  archéologique  d'El- 
beuf, rend  compte  des  diverses  découvertes  d'antiquités  ro- 
maines faites  dans  le  lieu  appelé  la  fosse  aux  moules ,  à 
Caudebec-lès-Elbeuf  (  l'ancienne  Uggatle  ). 

Ces  découvertes  ont  donné  naissance  à  la  Société  archéolo- 
gique récemment  constituée  à  Elbeuf ,  et  on  pourra  former 
un  musée  local  des  objets  déjà  recueillis  par  M.  Grandin  et 
par  ceux  que  l'on  pourra  encore  trouver.  M.  Grandin  prie 
M.  l'abbé  Cochet  de  vivifier  par  sa  coopération  les  travaux 
de  la  naissante  Société  d'Elbeuf. 

M.  l'abbé  Cochet  rend  compte  de  la  découverte  récente 
de  sépultures  faite  à  Tourville-la-Rivière  ,  canton  d'Elbeuf , 
sur  un  terrain  appartenant  à  M.  de  Girancourt  ;  ces  sépul- 
tures constituaient  un  cimetière  gallo-romain  de  la  transition, 
c'est-à-dire  du  IVe.  ou  du  Ve.  siècle.  M.  Cochet  a  résumé  les 
principaux  faits  de  ces  fouilles  dans  une  note  communiquée 
au  Nouvelliste  de  Rouen.  Ce  cimetière  est  situé  sur  le  versant 
d'une  colline  qui  regarde  l'orient  entre  Tourville  et  Sotteville- 
sous-le-Val,  à  l'endroit  où  le  chemin  de  fer  de  Rouen  à  Paris 
débouche  du  tunnel  du  côté  de  Ponl-de-1'Arche.  Les  travaux 
du  chemin  de  fer  joints  à  l'exploitation  d'une  sablière  ont 
montré  que  ce  champ  funéraire  avait  600  pieds  de  long  sur 
3  à  û00  pieds  de  large.  M.  Cochet  n'a  rencontré  qu'une 
urne  à  incinération  ,  urne  en  terre  grise  ,  de  forme  pot-  au- 
feu;  mais  il  y  avait  un  grand  nombre  de  vestiges  de  cercueils 
en  bois  très-épais ,  si  l'on  en  juge  par  la  longueur  des  clous. 
On  a  aussi  trouvé  trois  cercueils  en  plomb ,  dont  l'un  pesait 
jusqu'à  200  livres.  Ce  lourd  cercueil  portait  à  la  tète  du 
couvercle  une  espèce  de  croix  de  saint  André  tracée  avec  un 
instrument  pointu  :  figure  également  observée  à  Rouan  en 


580  SÉANCE  TENUE   A   ELBEUF 

1843  sur  les  cercueils  de  Quatremares  et  en  1853  sur  ceux 
du  couvent  d'Ernemont.  À  Angers,  où  de  pareils  cercueils 
ont  été  trouvés  en  1853  ,  on  considère  ces  espèces  de  croix 
comme  des  signes  de  christianisme.  M.  Cochet  n'ose  se  pro- 
noncer. 

Les  corps  renfermés  dans  les  cercueils  de  bois  étaient  en- 
tourés de  vases  en  terre  et  en  verre.  Ces  vases  de  terre  avaient 
la  forme  de  bols,  de  pots  et  de  cruchons  de  couleurs  blanche, 
rouge ,  noire  ou  grise.  On  a  trouvé  au  moins  cinquante 
coupes  de  verre  ou  lagènes,  la  plupart  en  fragments.  Ces 
verres  à  boire  étaient  saturés  d'un  tartre  rougeâtre ,  comme 
de  la  lie  de  vin  desséchée.  Une  coupe  de  verre  contenait  une 
vingtaine  de  quinaires  de  Posthumus  et  de  Tetricus. 

M.  de  Caumont  prie  M.  l'abbé  Cochet  de  faire  savoir  à 
l'Assemblée  quel  était,  à  ses  yeux,  le  symbolisme  des  verres  à 
boire  si  souvent  représentés  dans  la  main  des  bustes  sculptés 
sur  les  stèles  ou  tombeaux  extérieurs. 

iM.  Cochet  pense  que  les  objets  sculptés  sur  les  stèles  de- 
vaient être  les  objets  les  plus  vivement  affectionnés  par  le 
défunt ,  les  plus  précieux  à  ses  yeux.  Sans  doute  ces  verres , 
sur  le  bord  desquels  sont  gravés  les  mois  :  felix  bibas,  etc. , 
étaient  des  objets  d'un  grand  prix. 

M.  Taurin  ,  rédacteur  du  Journal  de  Rouen ,  rend  compte 
de  l'extrême  accroissement  pris  par  son  abondante  collection 
de  fragments  de  vases  et  de  poteries  découverts  à  l'occasion 
des  démolitions  de  Rouen,  et  du  creusement  des  égouts  dans 
les  nouvelles  rues.  M.  Taurin  signale ,  sur  le  territoire  de 
Rouen  actuel,  un  cimetière  gaulois,  un  autre  gallo-romain, 
un  autre  mérovingien,  un  autre  normand. 

M.  l'abbé  Cochet  rend  témoignage  de  l'intérêt  que  pré- 
sente l'importante  collection  rouennaise  de  M.  Taurin,  qui 
est  pour  Rouen  ce  qu'est  pour  Londres  la  collection  de 
M.  Roach-Smith. 


Lli    1U    JUILLET    lbG2.  581 

La  discussion  est  ramenée  aux  découvertes  d'antiquités 
faites  a  Elheuf. 

M.  Bordeaux  demande  que  la  Société  archéologique  d'El- 
beuf  fasse  préparer  le  plus  tôt  possible  un  vaste  plan  des 
terrains  où  l'on  découvre  des  antiquités ,  afin  de  constater  au 
fur  et  à  mesure  des  trouvailles  leur  emplacement  exact,  et 
d'y  porter  dès  à  présent,  tandis  que  le  souvenir  s'en  con- 
serve encore,  l'indication  des  découvertes  faites  jusqu'ici. 
Sans  cela  ces  découvertes  seront  perdues  pour  l'histoire 
d'Elbeuf.  Un  plan  pareil  est  facile  à  dresser  à  une  grande 
échelle,  il  suffit  de  calquer  le  cadastre.  Pour  les  découvertes 
faites  avant  la  formation  de  la  Société  archéologique  d'El- 
beuf, deux  personnes  pourraient  fournir  de  précieux  ren- 
seignements :  ce  sont  MM.  Lalun ,  architecte  à  Louviers,  et 
Miard  père  ,  géomètre  à  Caudebec-lès-Elbeuf.  M.  Lalun  a 
formé  à  Louviers  tout  un  musée  des  objets  antiques  déterrés 
à  Caudebec  (l'ancienne  Uggatte) ,  en  creusant  des  puits  et 
des  fondations ,  et  M.  Miard  a  dressé  des  plans  des  terrains 
qui  recelaient  des  sépultures  ou  des  ruines.  Ces  Messieurs 
ont  communiqué  à  M.  l'abbé  Cochet  beaucoup  d'indications 
qui  ont  été  mises  à  profit  par  ce  savant  archéologue. 

M.  Taurin  rappelle  que,  pour  sa  part,  il  dresse  au  fur  et  a 
mesure  un  plan  archéologique  de  Rouen. 

M.  Bordeaux  voudrait  aussi  que  la  Société  archéologique 
d'Elbeuf  joignît  au  plan  en  question ,  et  dont  le  plan  de 
M.  Taurin  pourrait  être  le  modèle ,  un  registre  ou  livre 
journal  où  l'on  porterait  à  leur  date  toutes  les  découvertes 
d'objets  ou  de  substructions  antiques  que  le  hasard  procure 
chaque  jour  dans  une  localité  comme  Elbeuf  où  l'on  fait 
tant  de  constructions.  Si,  dans  chacune  de  nos  villes,  les  per- 
sonnes qui  s'occupent  d'antiquités  avaient  tenu  depuis  deux 
siècles  de  pareils  livres  journaux  combien  de  renseignements 
qui  ont  été  perdus  pour  la  science,  auraient  été  au  contraire 


582  SÉANCE  TENUE  A  ELBEUF 

conservés;  combien  d'objets  de  peu  de  valeur  scientifique  , 
parce  que  l'on  ignore  où  et  quand  ils  ont  été  découverts , 
offriraient  un  vif  intérêt  !  Malheureusement  des  carnets  de 
cette  nature  ne  se  trouvent  ni  dans  nos  bibliothèques  ni  dans 
nos  archives  ,  et  les  archéologues  qui  nous  ont  préeédés 
n'ont  pour  la  plupart  laissé  que  des  papiers  sans  valeur ,  des 
notes  informes,  ou  des  collections  d'objets  antiques  et  de 
médailles  ,  collections  auxquelles  les  indications  de  prove- 
nance font  trop  souvent  défaut. 

M.  Bordeaux  profite  de  la  réunion  pour  signaler  les  dé- 
couvertes d'antiquités  que  les  travaux  du  chemin  de  fer  de 
Serquigny  a  Rouen  ont  fait  faire.  Ainsi,  on  a  trouvé  beau- 
coup de  vases  et  d'autres  débris  romains  sur  l'emplacement 
où  l'on  va  construire  la  gare  de  Brionne ,  à  quelques  pas 
de  l'ancienne  église  St. -Denis.  On  a  trouvé  aussi  des  sé- 
pultures ,  des  meules  romaines  et  des  poteries  rouges  avec 
marques  de  potiers  entre  la  Chapelle-St.-Eloi  et  la  Rivière- 
Thibouville.  M.  Loisel  a  recueilli  plusieurs  de  ces  objets 
dans  le  riche  musée  qu'il  a  formé  à  la  Rivière-ïhibouvillc. 
M.  Bordeaux  a  visité  l'emplacement  où  ces  trouvailles  ont  été 
faites.  Deux  squelettes  ont  été  déterrés  avec  des  débris  de 
poteries  et  des  meules  en  poudingue  dans  une  excavation 
faite  à  l'endroit  où  31.  Charles  Lenormant  avait  cru  trouver 
ce  cimetière  mérovingien  qui  fit  tant  de  bruit  dans  le  temps.  - 
Au  reste ,  on  trouve  des  vestiges  antiques  au  pied  des  col- 
lines,  tout  le  long  de  cette  partie  de  la  vallée  de  la  Rislc. 
M.  Bordeaux  a  visité,  avec  M.  Charles  Vasseur  ,  un  aqueduc 
romain  dont  M.  l'abbé  Boulanger,  curé  de  Serquigny,  lui  a 
indiqué  l'emplacement.  Cet  aqueduc  consiste  en  un  tuyau 
de  terre  cuite  engagé  dans  un  lit  de  ciment. 

M.  de  Caumont  rend  compte  d'une  visite  qu'il  a  faite  aux 
ruines  antiques  de  Pitres.  En  quittant  Pitres  pour  venir  à 
Elbeuf,  il  s'est  arrêté  pour  voir  l'église  d'Alisay.  il  a  retrouvé 


LE    10    JUILLET    1862.  583 

dans  le  cimetière  la  célèbre  statue  tumulaircdc  Mme.  de  Hou- 
villc,  que  le  curé,  l'abbé  Dclahaye,  a  fait  enlever  de  l'inté- 
rieur de  l'église.  Cet  enlèvement  avait  déjà  été  signalé  à  la 
Société  française  d'archéologie,  qui  s'en  est  occupée  aux 
séances  de  Louviers  et  de  Rouen.  M.  l'abbé  Cochet,  éga- 
lement fâché  d'un  acte  aussi  regrettable  ,  a  voulu  à  diverses 
reprises  employer  la  persuasion  pour  obtenir  du  desservant 
d'Alisay  la  réintégration  de  cette  statue  à  la  place  qu'elle 
n'aurait  jamais  dû  quitter.  Ses  efforts  ont  été  infructueux.  Il 
a  écrit  à  ce  sujet  à  Mgr.  l'Évêque  d'Evreux  et  à  M.  le  Préfet 
de  l'Eure  :  les  habitants  d'Alisay,  de  leur  côté,  se  sont 
montrés  très-mécontents  de  l'enlèvement  d'une  statue  à  la 
conservation  de  laquelle  ils  s'intéressent.  Le  curé  s'obstine  et 
tout  ce  qu'on  a  pu  obtenir ,  c'est  (l'abriter  la  statue  sous  un 
auvent  en  planches,  que  M.  de  Cauuiont  compare  à  un 
parapluie,  niais  qui  dans  peu  d'années  laissera  filtrer  l'eau, 
en  sorte  que  cette  sculpture  sera  dégradée  et  détruite. 

M",e.  Philippe-Lcmaître  signale  un  autre  fait.  Là  table 
consacrée  du  maure-autel  de  l'église  d'Jllcville  a  été  enle- 
ver .  et  malgré  les  marques  de  consécration  qu'elle  porte 
encore,  a  été  livrée  aux   usages  les   plus  profanes. 

La  séance  est  levée  h  9  heures  et  demie. 

Le  Secrétaire, 
Raymond  Bordeaux. 


SEANCE 
ACADÉMIQUE  INTERNATIONALE 


A  DIVES, 


X.E     17     AOUT     18  6  2. 


Nous  avons  rendu  compte  ,  l'année  dernière  ,  de  la  séance 
d'inauguration  d'un  monument  a  Dives ,  en  mémoire  du  dé- 
part de  Guil!aume-le-Bàtard  pour  la  conquête  de  l'Angleterre 
en  1066.  En  terminant  son  discours  sur  le  promontoire  de 
Dives,  où  est  érigé  le  monolithe  commémoratif  de  cette  glo- 
rieuse époque,  M.  de  Caumont  avait  donné  rendez-vous  aux 
archéologues  français  et  anglais  pour  inaugurer,  en  1862, 
dans  l'église  de  Dives,  la  liste  des  guerriers  connus  qui  prirent 
part  à  cette  expédition,  l'une  des  plus  importantes  de  notre 
histoire.  Le  dessus  de  la  porte  d'entrée  de  l'église  de  Dives 
avait  paru  tout-à-fait  propre  à  recevoir  la  liste  examinée , 
scrutée,  vérifiée  par  M.  Léopold  Delisle,  de  Valognes,  mem- 
bre de  l'Académie  des  inscriptions,  l'homme  qui  passe  à  bon 
droit  pour  le  plus  savant  de  nos  antiquaires. 

C'est  là  dans  cette  place ,  sous  la  protection  de  l'Église  , 
que  la  liste  a  été  gravée  et  inaugurée. 

Le  17  août  1862  ,  dès  huit  heures  et  demie,  un  grand 
nombre  de  voitures,  ornées  des  écussons  aux  armes  des  che- 
valiers normands  ,  attendaient  à  Caen  ,  sur  la  place  Royale  , 


SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE.  585 

les  délégués  des  diverses  Sociétés  savantes  ,  ainsi  que  les  in- 
vités de  la  fête.  A  neuf  heures,  le  cortège  s'est  rais  en  marche, 
et,  à  onze  heures  un  quart,  la  longue  file  de  voitures  s'arrê- 
tait à  Cabourg,  à  l'entrée  du  pont  qui  le  sépare  de  la  commune 
de  Uives.  Le  canon  grondait  sur  la  colline  où  ,  l'année  der- 
nière, a  été  érigée  la  colonne.  Le  cortège  se  forma  et  précédé 
de  M.  de  Gaumont,  il  fut  reçu  sur  le  pont  par  M.  le  Maire  et 
le  Conseil  municipal  de  Dives.  M.  le  Maire  a  commencé  la 
série  des  discours  qui  devaient  occuper  une  partie  de  la 
journée.  Ce  magistrat  s'est  exprimé  ainsi  : 

«  Messieurs, 

«  Dives  est  heureux  et   fier  de  l'honneur  que  vous  lui 
faites,  en  venant  inaugurer  le  souvenir  du  départ  de   Guil 
laume  et  de  sa  flotte  pour  l'Angleterre  en  1066. 

«  Le  pont  de  Cabourg,  où  nous  sommes  venus  vous  rece- 
voir ,  est  le  point  probable  du  mouillage  de  ses  navires  ;  car 
la  mer  s'est  retirée,  laissant  à  nu  ses  sables  et  cette  portion 
de  notre  territoire  qui  a  été  conquise  sur  les  eaux. 

«  Messieurs,  la  municipalité  de  Dives  conservera  toujours 
un  souvenir  reconnaissant  des  généreux  efforts,  individuels 
ou  collectifs,  qui  ont  été  faits  en  cette  circonstance  pour 
donner  à  cette  solennité  un  éclat  inaccoutumé.  —  Vive  l'Em- 


pereur 


M.  de  Caumont  a  répondu  brièvement  à  cette  harangue , 
et  les  invités  ont  marché  entre  deux  haies  de  pompiers ,  de 
douaniers  et  de  gendarmes ,  aux  sons  belliqueux  de  l'excel- 
lente musique  du  33e.  de  ligne  ,  vers  le  lieu  de  la  réunion  , 
c'est-à-dire  vers  la  halle  (  monument  tout  en  bois ,  du  XVe. 
siècle)  parée  avec  goût  par  M.  Blaclié  ,  avec  le  concours  de 


586  SÉANCE    ACADÉMIQUE    INTERNATIONALE. 

M.  Bouct,  et  dans  laquelle  on  voyait  un  fragment  agrandi  de 
la  célèbre  Tapisserie  de  Baveux,  la  scène  de  rembarquement, 
par  M.  Bruneau ,  décorateur ,  à  Caen. 

Malgré  une  pluie  battante ,  qui  ne  cessa  guère  de  toute  la 
journée,  un  grand  nombre  de  délégués  des  Sociétés  savantes 
de  la  Normandie  et  d'autres  provinces  étaient  arrivés  à  Dives 
avant  le  grand  cortège  venu  de  Caen  avec  M.  de  Caumont. 
A  midi ,  une  foule  de  personnages  se  pressait  dans  la  halle  ; 
beaucoup  de  dames  prirent  place  devant  le  bureau ,  présidé 
par  M.  de  Caumont.  Ce  dernier  avait  à  sa  droite  :  M.  le  gé- 
néral Courson  de  Villeneuve  ,  dont  un  aïeul  prit  part  à  la 
conquête;  M.  Théry,  recteur  de  l'Académie;  M.  Abel  Vau- 
tier,  député  au  Corps  législatif;  M.  Léopold  Delisle,  membre 
de  l'Institut;  M.  le  duc  d'Harcourt;  M.  Hippeau  et  M.  Charma, 
professeurs  à  la  Faculté  des, lettres.  A  la  gauche  de  M.  de 
Caumont  se  trouvaient  :  M.  le  chevalier  de  Rossi,  conserva- 
teur de  la  bibliothèque  du  Vatican  ,  à  Rome  ;  M.  le  comte 
Foucher  de  Careil ,  conseiller-général  ;  M.  Bertrand  ,  doyen 
de  la  Faculté  des  lettres  ,  maire  de  Caen  ;  M.  Boulatignier  , 
conseiller  d'État  ;  M.  Challe,  sous-directeur  de  l'Institut  des 
provinces,  à  Auxerre;  M.  Travers,  secrétaire  de  l'Académie 
de  Caen ,  professeur  honoraire  de  la  Faculté  des  lettres  ; 
M.  Demiau  de  Crouzilhac ,  président  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  Normandie.  Dans  l'assemblée,  on  remorquait  plu- 
sieurs personnages  dont  chaque  nom  rappelle  une  page 
de  notre  histoire  ;  puis  un  grand  nombre  de  notabilités 
dans  les  sciences,  les  arts,  les  lettres,  et  beaucoup  de  fonc- 
tionnaires publics.  Bientôt  la  vaste  salle  fut  complètement 
remplie. 

M.  de  Caumont  avait  prié  M.  Julien  Travers,  secrétaire 
de  l'Académie  impériale  des  sciences,  arts  et  belles  -lettres  , 
de  tenir  la  plume  comme  secrétaire  dans  celle  solennité 
internationale. 


17  AOUT  186:2.  587 

A  midi  un  quart,  la  séance  fut  ouverte  par  M.  de  Caumont, 
qui  prononça  le  discours  suivant  : 

«  Messieurs  , 

<-  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  Société  française 
d'archéologie  provoque  une  réunion  internationale.  La  vaste 
circonscription  qu'elle  a  choisie,  en  prenant  pour  horizon  tout 
l'Empire,  lui  a  permis  de  donner  plusieurs  fois  déjà  la  main 
aux  Sociétés  savantes  de  la  France  et  de  l'étranger. 

«  C'est  ainsi  qu'à  Lille,  en  1865,  elle  appelait  à  une  de  ses 
réunions  générales  la  Belgique,  la  Hollande,  l'Angleterre,  et 
que  les  plus  hautes  notabilités  se  rendaient  avec  empresse- 
ment à  son  appel. 

«  Quelques  jours  après,  l'hospitalité  que  la  France  archéo- 
logique avait  donnée  à  Lille  était  rendue  avec  usure,  à  Tour- 
nay  par  l'élite  de  la  Belgique ,  et  une  heureuse  fusion  intel- 
lectuelle se  faisait  entre  les  deux  pays. 

«  L'année  suivante  (1846),  la  Société  française  d'archéo- 
logie tenait  son  congrès  à  Metz  d'abord,  puis  à  Trêves,  une 
des  métropoles  de  l'Empire  romain  ,  toujours  imposante  au 
milieu  des  ruines  qui  attestent  sa  puissance  et  son  ancienne 
splendeur.  Cette  grande  réunion  internationale,  acclamée  à 
Trêves  par  une  population  allemande  de  plus  de  30,000  âmes, 
a  laissé  des  souvenirs  durables  dans  ce  beau  pays:  elle  posait, 
en  effet,  un  trait-d'union  ,  qui  n'existait  pas  encore  entre  la 
France  et  l'Allemagne  archéologique;  elle  rétablissait  entre 
deux  villes  de  premier  ordre,  cpii  avaient  long-temps  vécu 
d'une  même  vie,  des  rapports  littéraires  et  artistiques  plus 
intimes. 

«  D'autres  réunions  internationales  ont  été  convoquées , 
avec  un  égal  succès,  par  la  Société  française  d'archéologie,  à 
Paris,  à  Strasbourg  et  à  Marseille. 


588  SÉANCE    ACADÉMIQUE    INTERNATIONALE. 

«  La  séance  que  j'ai  l'honneur  de  présider  aujourd'hui , 
comme  directeur  de  la  Société,  est  encore  une  réunion  inter- 
nationale :  il  s'agit  de  consacrer  un  monument  au  souvenir 
des  hommes  qui  ont  accompli  le  plus  grand  événement  des 
annales  normandes  et  anglaises  ;  il  s'agit  d'un  monument  qui 
intéresse ,  à  un  titre  égal ,  deux  grands  pays  soumis  pendant 
plus  d'un  siècle  aux  mêmes  lois  et  aux  mêmes  souverains  ; 
ce  monument  redira  les  noms  des  compaguons  du  duc 
Guillanme  à  la  conquête  de  l'Angleterre,  guerriers  devenus 
plus  tard  la  souche  des  familles  les  plus  illustres  de  la  Grande- 
Bretagne. 

«  La  liste  que  nous  allons  inaugurer  a  long- temps  existé 
outre  Manche,  à  l'abbaye  de  la  Bataille ,  ainsi  appelée 
parce  qu'elle  s'élevait  sur  le  lieu  même  où  s'était  livrée 
la  bataille  d'Hastings.  Des  vicissitudes  auxquelles  aucun 
monument  ne  peut  échapper  l'ont  fait  disparaître;  nous 
allons  réparer  celle  lacune  et  rétablir  le  tableau ,  non 
plus  au  point  d'arrivée,  mais  au  point  de  départ  de  l'armée 
normande. 

«  Normands  et  Anglais ,  nous  allons  mettre  le  monument 
nouveau  sous  la  sauve-garde  d'une  religion  de  paix,  dans  la 
vénérable  église  de  Dives. 

«  Vous  tous ,  Messieurs  ,  qui  êtes  accourus  de  différents 
points  de  la  Normandie  et  de  l'Angleterre  pour  prendre  part 
à  cette  fêle  historique  internationale,  soyez  les  bienvenus.  La 
Société  française  d'archéologie  vous  remercie  d'avoir  répondu 
à  son  appel.  Elle  se  réjouit  du  concours  de  tant  d'hommes 
distingués.  Le  17  août  1882  va  devenir  un  des  grands  jours 
de  nos  annales  normandes. 

«  Nous  regrettons  pourtant  de  ne  pas  voir  ici  un  homme 
dont  la  voix  a  tant  de  charme  et  d'autorité,  un  homme  qu'on 
peut  appeler  une  illustration  internationale  ;  car  ses  ou- 
vrages, lus  et  médités  partout,  appartiennent  à  tous  les  pays  : 


17  août  1862.  f)89 

l'absence  de  M.  Guizot  laisse  un  grand  vide  dans  notre  belle 
réunion. 

«  Mous  aurions  aussi  désiré  que  le  monument  élevé  à  la 
mémoire  des  compagnons  de  Guillaume  eût  été  bénit  par  le 
savant  et  vénérable  prélat  dont  le  siège  épiscopal  a  été  occupé, 
il  y  a  800  ans  par  Odon  de  Conteville,  le  frère  de  Guillaume 
et  son  bras  droit,  si  je  puis  parler  ainsi,  dans  la  grande  entre- 
prise de  la  Conquête.  Mgr.  Didiot  n'a  pu  se  rendre  à  nos 
vœux;  mais  Sa  Grandeur,  dans  une  lettre  des  plus  flatteuses, 
nous  témoigne  tous  ses  regrets  et  nous  assure  du  haut  prix 
qu'elle  attache  à  la  religion  des  souvenirs. 

«  Monseigneur  l'a  dit,  Messieurs,  les  souvenirs,  c'est  une 
religjon,  c'est  la  religion  des  âmes  fortes  et  des  cœurs  qu'un 
égoïsme  impur  n'a  pas  encore  endurcis  ;  c'est  notre  religion  à 
tous,  car  nous  ne  sommes  pas  de  ceux  qui  renient  le  passé 
pour  ne  penser  qu'au  présent.  Ce  serait  un  acte  d'immoralité 
dont  aucun  de  nous  ne  veut  se  rendre  coupable;  nous  sommes 
de  notre  siècle ,  mais  nous  respectons  le  passé. 

«  Le  passé,  c'est  l'échelle  que  les  générations  ont  parcourue 
pour  arriver  où  nous  sommes ,  et  l'on  ne  sait  pas  assez  com- 
bien il  a  fallu  d'efforts  pour  obtenir  les  progrès  dont  nous 
jouissons  aujourd'hui  ! 

«  Si  toutes  les  croyances  s'affaiblissent ,  si  la  religion  des 
souvenirs  se  perd  comme  les  autres,  si  l'indifférence  et  le 
scepticisme  envahissent  le  monde  nouveau,  nous  réunirons  nos 
efforts,  Messieurs,  pour  résister  à  ce  mouvement  destructeur 
de  la  justice,  de  l'esprit  public  et  de  la  société. 

«  Nous  burinerons  sur  la  pierre,  comme  nous  le  faisons 
aujourd'hui,  l'histoire  du  monde  ancien;  nous  ne  nous  las- 
serons pas  de  protester  ainsi  contre  l'égoïsme,  l'indifférence  et 
l'oubli.  >» 

Ce   discours  fut  couvert  d'applaudissements,   et  M.    de 


590  SÉANCE   ACADÉMIQUE    INTERNATIONALE. 

Cauinont ,  reprit  aussitôt  la  parole  pour  faire  la  communi- 
cation suivante  : 

«  La  Société  française  d'archéologie  et  l'Association  nor- 
mande pour  les  progrès  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  des 
arts,  désireuses  de  rendre  hommage  aux  hommes  d'initiative 
de  toutes  les  époques,  à  ceux  qui,  dans  les  diverses  condi- 
tions sociales,  ont  su  imprimer  un  nouvel  essor  à  l'industrie, 
aux  sciences,  aux  lettres  et  aux  arts  ;  à  ceux  qui  ont  travaillé 
résolument  au  progrès  de  la  société,  ont  pris  de  concert 
l'arrêté  suivant: 

«  Une  médaille  de  500  francs  sera  décernée,  en  juillet 
1863,  à  l'auteur  de  la  meilleure  liste  de  tous  les  Normands 
qui  ont  bien  mérité  de  la  société  par  leurs  connaissances, 
leurs  travaux,  leur  initiative,  depuis  le  Ve.  siècle  jusqu'à  nos 
jours. 

«  Cette  liste,  après  avoir  été  jugée  ,  contrôlée  et  rectifiée 
par  une  Commission  prise  dans  le  sein  des  diverses  Sociétés 
savantes  de  la  province,  sera  burinée  à  Rouen  (1),  sur  les 
murs  d'un  monument  public. 

«  L'Association  normande  et  la  Société  française  d'archéo- 
logie sont  heureuses  de  pouvoir  promulguer  cet  arrêté  au 
milieu  de  l'imposante  assemblée  que  nous  saluons  de  nos 
acclamations:  nous  vous  prions,  Messieurs,  de  prendre 
cette  pensée  sous  votre  patronage  et  de  lui  donner^  votre 
sanction. 

«  Avec  elle,  nous  verrons  bientôt,  je  l'espère,  notre  projet 
réalisé ,   et  nous  pourrons  faire   un  nouvel  appel  à  votre 

(1)  La  Société  française  d'archéologie  sur  le  rapport  de  M.  de 
Caumont,  a  désigné  la  salle  des  Pas- Perdus  du  Palais-de-Justice 
de  Fiouen  comme  le  monument  qui  devra  contenir  cette  grande 
inscription. 


17  Aot;r  1862.  591 

patriotisme,  en  vous  priant  d'inaugurer  avec  nous  ce  monu- 
ment consacré  au  souvenir  de  toutes  les  gloires  du  pays.  » 

L'accueil  le  plus  favorable  fut  fait  à  cette  coinunication,  et 
la  parole  fut  donnée  h  M.  Hippeau  ,  qui  lut  le  mémoire  que 
nous  insérons  ici  : 

«  Messieurs, 

«  Il  n'est  personne  qui  puisse  se  méprendre  ici  sur  le 
véritable  sens  d'une  fête  consacrée  au  souvenir  d'un  des  plus 
grands  événements  de  notre  histoire.  Ce  n'est  ni  pour  exalter 
le  pays  d'où  partit  la  belliqueuse  colonie  de  1066,  ni  pour 
humilier  la  nation  qui  doit  à  la  conquête  de  Guillaume  ses 
brillantes  destinées,  que  vous  avez  voulu  graver  solennellement 
sur  la  pierre  des  noms  qui  font  aussi  bien  partie  des  gloires 
de  l'Angleterre  que  de  celles  de  la  France,  des  noms  que 
revendiquent  avec  un  même  orgueil  les  plus  illustres  familles 
des  deux  royaumes,  et  qui  ne  brillent  pas  d'un  moindre 
éclat  dans  le  peerage  anglais  que  dans  les  livres  d'or  des 
Chérin  et  des  d'Hozier.  En  se  donnant  rendez-vous  pour 
célébrer  en  commun  ce  glorieux  anniversaire,  les  délégués 
de  la  province  de  Normandie  peuvent  donc  fraterniser  dans 
un  même  sentiment  de  joie  et  de  patriotisme  avec  les  délégués 
de  l'Angleterre. 

«  L'établissement  des  Normands  dans  la  Grande-Bretagne 
a  contribué  beaucoup  plus  qu'on  ne  pourrait  le  croire  à  la 
prospérité  toujours  croissante  des  deux  peuples.  Si  l'un  d'eux 
pouvait  s'en  plaindre ,  ce  ne  serait  certainement  pas  l'An- 
gleterre. N'aïons-nous  pas  entendu  plus  d'une  fois  nos 
compatriotes  demander  ce  qu'a  gagné  la  France  à  une  con- 
quête qui  fit  surgir  tout  près  d'elle  un  royaume  si  puissamment 
organisé  à  l'intérieur  et  occupant  une  si  grande  place,  au 
dehors,  par  son  vaste  développement  commercial  et  maritime? 


592  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

A  ceux  qui  seraient  tentés  de  regarder  l'expédition  de 
Guillaume  et  de  ses  héroïques  compagnons,  comme  ayant  été 
fatale  à  la  France,  l'histoire  aurait  plus  d'une  réponse  à  faire. 
Ce  serait  même  un  magnifique  sujet  à  traiter  que  celui  qui 
exposerait  ce  que  chacune  des  nations  doit  à  sa  rivale,  et 
combien  la  grandeur  de  chacune  a  été  nécessaire  à  la 
grandeur  de  l'autre.  Mais  il  m'aurait  fallu ,  pour  donner  à 
cette  thèse  toute  l'étendue  qu'elle  comporte  ,  plus  de  loisirs 
que  ne  m'en  laisse  l'accomplissement  d'impérieux  devoirs, 
et  j'aurais  besoin  d'ailleurs  pour  l'exposer  de  plus  de  temps 
que  vous  ne  pouvez  m'en  accorder.  Je  n'ai  pu  toutefois 
refuser  un  témoignage  d'affectueuse  sympathie  au  promoteur 
de  cette  réunion  imposante,  appelant,  comme  dans  toutes 
celles  qu'ii organise  depuis  trente  ans,  le  concours  fraternel 
des  travailleurs  de  tous  les  pays.  Quelques  mots  jetés  à  la 
hâte  sur  le  papier  et  n'ayant  d'autre  valeur  que  le  sentiment 
qui  les  a  dictés ,  seront ,  je  l'espère ,  accueillis  sans  trop  de 
défaveur  par  une  assemblée  naturellement  disposée  à  l'in- 
dulgence. 

«  Oui,  Messieurs,  le  grand  événement  dont  nous  con- 
sacrons aujourd'hui  solennellement  la  mémoire ,  la  conquête 
de  l'Angleterre  par  les  Normands  ,  qui  a  donné  à  la  France 
une  illustre  et  puissante  rivale,  a  été  un  événement  heureux 
pour  les  deux  nations  ! 

«On  s'est  plu,  dans  tous  les  temps,  à  signaler  les  contrastes 
qui  sembleraient  devoir  mettre  entre  le  peuple  anglais  et  le 
peuple  français  une  barrière  éternelle.  Leurs  institutions,  leurs 
mœurs,  leur  caractère  n'ont,  dit-on,  rien  de  commun.  L'un 
froid,  taciturne,  calculateur;  l'autre  ardent,  expausif,  pro- 
digue; l'un  prudent  jusqu'à  la  défiance,  l'autre  confiant  jusqu'à 
la  témérité;  le  premier  ayant  partout  en  vue  l'accroissement 
de  sa  prospérité ,  sachant,  tirer  parti  de  toutes  les  circonstances 
et  faisant  tourner  tous  les  événements  à  son  propre  avantage; 


17  août  1802.  593 

le  second  entraîné  par  un  amour  démesuré  de  la  gloire , 
«'occupant  des  autres  au  moins  autant  que  de  lui-même, 
jetant  son  épée  ou  son  or  dans  la  balance  où  se  pèsent  les 
destinées  des  nations  les  plus  reculées  et  se  vouant  au 
redressement  de  toutes  les  injustices ,  à  la  défense  de  tous 
les  opprimés  ;  l'Angleterre  enfin ,  ayant  su  trouver  depuis 
plusieurs  siècles  des  institutions  politiques  qui  assurent  à  la 
liberté  une  organisation  forte  et  durable,  tandis  que  la 
France ,  se  passionnant  surtout  pour  les  réformes  sociales , 
a  presque  toujours  sacrifié  les  intérêts  de  la  liberté  à  son 
amour  de  l'égalité  et  à  sa  haine  pour  les  privilèges. 

«  N'exagérons  pas  ces  différences  ;  il  nous  serait  tout 
aussi  facile  d'énumérer  les  rapports  de  convenance  et  les 
traits  de  conformité  qui  existent  entre  deux  nations,  en 
apparence  si  opposées.  Et  d'abord  deux  mots  sur  cette 
prétendue  infériorité ,  qu'il  est  si  ordinaire  d'assigner  à  la 
France,  au  point  de  vue  des  institutions  politiques.  Certes  , 
je  m'associe  à  tous  les  éloges  que  méritent  les  hommes  ayant 
su  mettre  les  premiers  en  pratique  ces  formes  conservatrices, 
qui  garantissent  ce  qu'il  y  a  de  plus  difficile  à  fonder  sur  la 
terre ,  la  liberté  sous  un  gouvernement  stable  et  régulier. 
La  Providence  semble  avoir  tout  disposé  pour  que  l'An- 
gleterre possédât  de  bonne  heure  un  pareil  avantage.  Le 
grand  événement,  dont  le  souvenir  nous  réunit  dans  cette 
enceinte,  devait  même  tout  naturellement  amener  ce  ré- 
sultat. La  conquête,  en  effet,  établit  entre  Guillaume  de 
Normandie  et  ses  soldats  devenus  barons,  du  droit  qui  l'avait 
fait  roi  lui-même,  des  rapports  essentiellement  favorables  à  la 
liberté.  En  présence  d'un  corps  assez  puissamment  constitué 
pour  résister  aux  empiétements  du  pouvoir,  la  royauté  se 
trouva  désarmée.  Elle  put  bien  être  assez  forte  pour  em- 
pêcher les  fiers  barons  de  la  conquête  de  devenir  des  sou- 
verains féodaux  au  même  titre  que  les  barons  de  la  France  ; 

38 


594  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATION ALF. 

mais ,  pour  triompher  d'une  aristocratie  née  en  même  temps 
qu'elle ,  il  lui  aurait  fallu ,  comme  à  notre  dynastie  capé- 
tienne ,  des  communes  affranchies ,  une  bourgeoisie  intel- 
ligente, ce  Tiers-État  enfin  appelé  à  prendre  une  si  grande 
place  dans  nos  assemblées  générales.  Elle  ne  pouvait  trouver 
un  pareil  appui  dans  les  Saxons  vaincus ,  que  les  seigneurs 
normands  surent  d'ailleurs  attacher  à  leur  cause ,  et  qu'ils 
initièrent  peu  à  peu  à  la  liberté,  tout  en  les  tenant  à  distance. 
C'est  ainsi  que  se  fondèrent  ces  garanties  imposées  au  pouvoir 
royal ,  et  qui ,  résistant  à  toutes  les  révolutions  ,  sont  passées 
dans  les  mœurs,  après  avoir  été  solennellement  inscrites  dans 
les  chartes.  11  ne  faut  pas  reprocher  à  la  France  de  n'avoir 
pas  suivi  la  même  voie  ;  il  ne  faut  pas  lui  reprocher,  comme 
le  fait,  avec  plus  d'esprit  que  de  raison  ,  lord  Chesterfiekl , 
de  n'avoir  su  construire  que  des  barricades  sans  pouvoir 
élever  des  barrières. 

«  Le  fait  est  que ,  tandis  que  l'Angleterre  accomplissait 
ce  qu'on  peut  appeler  son  évolution  politique,  la  France  se 
livrait  à  un  labeur  tout  aussi  glorieux  et  plus  difficile  encore. 
C'est  un  spectacle  bien  imposant  aussi  que  celui  de  notre 
monarchie  française  ,  composant  pièce  à  pièce  une  nation , 
et  faisant  un  royaume  avec  une  petite  province.  C'est  une 
belle  chose  aussi  que  la  création  de  cette  majestueuse  unité , 
reliant  toutes  les  parties  de  notre  vaste  territoire ,  sans 
qu'aucune  barrière ,  aucun  privilège ,  aucune  exclusion  sé- 
pare les  communautés  ou  les  individus.  Nous  sommes  une 
nation.  Les  conquêtes  de  Louis  XIV  ,  a  dit  très-bien 
M.  Amédée  Thierry  ,  sont  plus  françaises  que  ne  sont 
anglaises  l'Ecosse,  le  pays  de  Galles  et  l'Irlande.  Si  donc 
nous  avons  eu  la  liberté  plus  tard ,  nous  avons  eu  plus  tôt 
cette  égalité  et  celte  unité ,  qui  manquent  à  l'aristocratique 
Angleterre.  Elle  aura  commencé  par  où  nous  finissons  :  ne 
lui  faudra-t-il  pas  finir  par  où  nous  avons  commencé?  Ainsi 


17  août  1862.  595 

chacune  des  naiions  a  fait  son  œuvre  et  suivi  sa  destinée. 
Je  suis  trop  courtois  pour  dire  ici  quelle  est  celle  des  deux 
qui  a  le  plus  de  droit  d'être  fière  de  son  partage.  Les  re- 
lations de  l'Angleterre  et  de  la  France  ne  datent  pas  seulement 
de  la  bataille  d'Hastings.  On  oublie  trop  souvent  que  la  Gaule 
et  la  Grande-Bretagne,  habitées  par  des  peuples  de  môme 
race,  parlant  des  idiomes  de  même  origine,  régies  par  des 
institutions  analogues  ,  professant  le  même  culte,  n'ont  eu 
long-temps  entr'elles  que  les  différences  qui  existent  entre 
les  insulaires  et  les  habitants  d'un  territoire  continental. 
L'une  et  l'autre,  bien  que  dans  des  proportions  inégales, 
ont  subi  l'ineffaçable  empreinte  de  la  civilisation  romaine. 
La  première ,  avec  sa  flexibilité  merveilleuse ,  s'appropriant 
l'idiome  du  peuple-roi,  destiné  à  être  pendant  bien  des 
siècles  la  langue  de  la  religion  ,  devint  l'institutrice  de  la 
seconde  : 

Galtia  Causidicos  docid  facunda  Brilannos. 

«  Plus  tard ,  les  mêmes  apôtres  répandirent  chez  les 
deux  peuples  les  germes  de  cet  enseignement  chrétien  ,  qui 
a  resserré  leurs  liens  en  les  éclairant  de  la  même  lumière , 
et  en  pénétrant  leurs  cœurs  des  plus  purs  sentiments  de  la 
morale  évangélique.  La  INeustrie,  comme  la  Grande-Bretagne, 
fut  occupée  par  les  Saxons ,  avant  d'avoir  pour  maîtres  les 
guerriers  Scandinaves.  C'est  sur  le  même  fonds  celtique  que 
vint  se  superposer  celte  forte  race  des  hommes  du  Nord,  qui 
porta  en  Angleterre  les  institutions  politiques  et  civiles  déjà 
puissamment  implantées  sur  le  sol  neuslrien.  Les  lois  françaises, 
données  par  Guillaume-Ie-Conquérant ,  ont  servi  de  base  à 
toute  la  législation  anglaise  ,  comme  elies  furent  le  point  de 
départ  des  coutumes  normandes. 

«  Jusque-là ,  les  deux  nations  ont  suivi  une  marche 
parallèle.  Lorsque  l'auteur  du  Doomsdaij-Book  eut  organisé 


596      SÉANCE  ACADÉMIQUE  INTERNATIONAI.K. 

sa  conquête  et  réuni  sous  un  même  sceptre  la  province  d'où 
il  était  parti  comme  duc,  et  le  pays  où  il  avait  ceint  la 
couronne  royale ,  les  deux  peuples  semblèrent  avoir  associé 
leurs  cœurs  aussi  bien  que  leurs  noms.  Un  courant  in- 
tellectuel mit  en  communication  les  deux  côtés  du  détroit , 
librement  traversé  par  les  hommes  et  par  les  idées.  C'est 
d'abord  l'Église  qui ,  soumettant  indistinctement  tous  les 
membres  de  la  milice  chrétienne  aux  lois  de  sa  puissante 
hiérarchie,  choisit  dans  les  deux  pays  les  hommes  éminents 
qu'elle  appelle  aux  plus  hautes  fonctions  du  sacerdoce ,  ou 
qu'elle  place  à  la  tête  de  ses  magnifiques  monastères.  Les 
abbayes  du  Bec,  de  St.-Ouen,  de  St. -Etienne,  envoient  leurs 
religieux  à  l'Angleterre,  qui  donne  à  son  tour  à  la  Normandie 
les  pieux  et  savants  disciples  de  saint  Benoît  ,  tirés  des 
monastères  de  Cantorbéry,  de  Rochester,  de  Londres ,  ou  de 
cette  fameuse  abbaye  de  St.-Marlin-la-Bataille,  construite  sur 
le  lieu  même  où  Guillaume  triompha  de  l'armée  saxonne,  et 
gardienne  fidèle  des  noms  de  ses  vaillants  chevaliers.  Dans 
ces  grandes  maisons  ,  dont  la  construction  est  due  à  la  pieuse 
munificence  des  barons,  nos  religieux  anglo-normands,  livrés 
à  des  études  communes,  n'échangent  pas  seulement  des  idées 
théologiques.  En  même  temps  qu'ils  arrachent  à  la  de- 
struction les  œuvres  littéraires  de  l'antiquité,  au  moyen  de 
ces  admirables  manuscrits  qu'ils  considèrent  comme  une  de 
leurs  œuvres  les  plus  méritoires,  ils  tracent  les  plans  de  ces 
immenses  basiliques  dont  l'Angleterre  et  la  Normandie 
possèdent  les  types  les  plus  merveilleux ,  soit  qu'ils  se  dé- 
veloppent avec  l'ample  majesté  du  plein-cintre  ,  soit  qu'ils 
s'élancent  vers  le  ciel  avec  toutes  les  hardiesse  de  l'ogive. 

«  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  mêmes  architectes  qui 
élèvent  dans  les  deux  pays  ces  édifices  offrant  aux  antiquaires 
de  nos  jours  un  sujet  d'admiration  et  d'étude  :  ils  sont 
construits  avec  des  matériaux  tirés  des  mêmes  carrières. 


17  août  1862.  597 

C'est  avec  la  pierre  de  Cacn  que  Guillaume  construit  la  Tour 
de  Londres,  et  que  s'éleva  plus  tard  l'église  de  Westminster. 
Dans  ces  siècles  où  fleurit  l'élude  du  triviuin  et  du  qua- 
drivium ,  les  abbayes  anglo-normandes  ont  réalisé  sur  une 
vaste  échelle ,  comme  on  le  voit ,  l'idée  de  ces  collèges 
internationaux ,  soumise  en  ce  moment  même  à  l'examen 
d'une  commission  spéciale  par  un  ministre  empressé  d'ac- 
cueillir tout  projet  offrant  un  caractère  d'utilité  ou  de 
grandeur.  Les  rapports  incessants  qui  liaient  la  Normandie 
à  l'Angleterre  furent  rendus  plus  intimes  par  l'usage  de  la 
langue  française,  qui  avait  aussi  franchi  le  détroit  avec  les 
guerriers  normands.  Les  trouvères  anglo-normands  brillent 
à  la  cour  des  rois  et  dans  les  manoirs  féodaux ,  soit  qu'ils 
célèbrent  les  douze  pairs  de  Charlemagne,  et  en  particulier 
ce  fameux  Roland,  dont  le  jongleur  Taillefer  invoquait  le 
souvenir  à  la  journée  de  Hastings,  soit  qu'ils  racontent  les 
hauts  faits  des  chevaliers  de  la  Table-Ronde ,  aux  exploits 
desquels  ils  donnent  pour  théâtre,  tantôt  la  Cornouaillc 
anglaise,  tantôt  la  Bretagne  armoricaine. 

«  Ce  n'est  pas  seulement  dans  le  domaine  religieux ,  ar- 
tistique ou  littéraire  ,  que  se  manifestent  les  rapports  établis 
au  XIIe.  et  au  XIIIe.  siècle  entre  les  deux  nations.  L'histoire 
de  leurs  relations  commerciales  attesterait  la  même  récipro- 
cité d'échanges.  Le  savant  auteur  de  Y  Histoire  des  classes 
agricoles  en  Normandie ,  que  nous  sommes  heureux  de 
trouver  à  nos  côtés ,  n'a  pas  manqué  de  signaler  les  traités 
spéciaux  composés  à  la  même  époque  en  langue  française 
à  l'usage  des  cultivateurs  de  l'Angleterre,  dont  les  maisons 
pouvaient  déjà  être  considérées  comme  des  fermes  modèles. 

«  Au  temps  où  la  Normandie ,  qui  avait  été  pendant  un 
siècle  et  demi  le  plus  beau  fleuron  de  la  couronne  d'An- 
gleterre,  fut  devenue  le  plus  riche  et  le  plus  brillant  joyau 
de  la  couronne  de  France ,  les  deux  royaumes  étaient  par- 


598  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

venus  à  un  degré  de  puissance  et  de  prospérité  ,  qui  devait 
les  placer  vis-à-vis  l'un  de  l'autre  dans  un  état  permanent 
de  rivalité  et  de  guerre.  Chacun  d'eux  crut  avoir  le  droit  de 
prendre  le  pas  sur  l'autre  ;  chacun  d'eux,  regardant  d'un  œil 
jaloux  les  accroissements  de  son  rival ,  ne  pouvait  manquer 
de  chercher  à  établir  par  la  force  des  armes  la  prééminence 
à  laquelle  il  prétendait. 

«  Elles  furent  terribles  et  sanglantes,  sans  doute,  les  luttes 
qui  s'engagèrent  entr'eux  ;  mais  on  peut  soutenir  hardiment 
que  ce  furent  ces  luttes  mêmes  qui  les  forcèrent  à  déployer 
toutes  les  ressources  [de  leur  génie.  11  y  eut  pour  la  France 
un  jour  solennel,  le  plus  douloureux,  mais  aussi  le  plus  beau 
moment  de  son  histoire  :  ce  fut  celui  où  ,  abandonnée  par  la 
royauté ,  frappée  de  démence  et  livrée  à  l'étranger  par 
l'inconcevable  impudeur  d'une  mère  dénaturée,  elle  sentit 
qu'elle  allait  succomber  sans  retour ,  si  elle  ne  faisait  un 
suprême  effort.  Le  doux  nom  de  France  ,  sorti  de  la  bouche 
d'une  jeune  fille  des  champs,  reçut  alors  une  signification 
nouvelle.  Les  provinces,  tenues  dans  l'isolement  par  le  mor- 
cellement féodal,  se  rapprochèrent  pour  repousser  un  danger 
commun  à  toutes.  Le  sentiment  de  la  patrie  fit  tressaillir  tous 
les  cœurs,  et  cette  unité,  à  laquelle  la  monarchie  des  Ca- 
pétiens travaillait  avec  une  patience  si  persévérante  depuis 
quatre  siècles,  se  trouva  définitivement  constituée. 

«  La  philosophie  allemande ,  dont  le  plus  illustre  repré- 
sentant a  trouvé  chez  l'un  des  plus  zélés  organisateurs  de 
cette  fête  internationale,  un  éditeur  aussi  savant  qu'ingénieux, 
voulant  expliquer  comment  la  personnalité  humaine  prend 
conscience  d'elle-même  et  affirme  son  existence  ,  établit  que 
c'est  en  rencontrant  l'obstacle  opposé  à  son  libre  déve- 
loppement par  le  monde  extérieur,  que  le  moi  s'affirme  et 
se  pose.  C'est  ainsi  que  la  France  et  l'Angleterre  se  sont 
posées  et  affirmées,  le  jour  où  elles  se  sont  trouvées  face 


17  AOUT  1862.  599 

à  face,  en  présence  d'un  adversaire  faisant  obstacle  à  leur 
expansion  individuelle.  C'est  là  le  genre  de  service  que  se 
rendent  deux  nations  qui,  rencontrant  dans  chacune  d'elles 
un  obstacle,  se  placent  résolument  sur  l'échiquier  du  monde, 
bien  décidées  à  y  conserver  leur  place.  Aux  époques  où  les 
vertus  guerrières  sont  l'objet  d'un  culte  exclusif,  c'est  sur 
les  champs  de  bataille  que  se  tranchent  toutes  ces  questions 
de  prééminence  que  les  progrès  de  la  raison  ont  heureuse- 
ment placées  depuis  dans  une  sphère  plus  élevée.  La  rivalité 
engendra  donc  la  guerre  ,  la  guerre  avec  toutes  ses  horreurs. 

*  Occupé  de  recueillir  ici  les  souvenirs  qui  nous  doivent 
rapprocher  de  nos  voisins ,  je  détourne  les  yeux  de  cette 
longue  et  désastreuse  période.  Alors  la  France  et  l'Angleterre, 
gênées  dans  ce  besoin  d'expansion  et  dans  cette  fièvre  de 
progrès  qui  les  sollicitaient ,  se  sont  imaginé  qu'elles  ne 
pourraient  remplir  les  destinées  glorieuses  auxquelles  elles 
prétendaient  que  si  elles  parvenaient  à  amoindrir,  a  subjuguer, 
à  supprimer  la  puissance  rivale.  J'insiste  sur  le  résultat  final 
de  leurs  luttes  gigantesques;  c'est  qu'elles  ont  donné  l'essor 
aux  forces  productrices  des  deux  pays  ;  elles  les  ont  forcés 
à  se  créer  des  ressources  puissantes,  à  s'élever  de  plus  en 
plus  par  le  développement  du  génie  qui  leur  est  propre  dans 
le  domaine  de  la  science,  des  lettres,  des  arts,  de  l'industrie  : 
alors  il  leur  a  bien  fallu  comprendre  que  la  véritable  gloire 
consistait  non  pas  à  s'entre-détruire  ,  mais  bien  plutôt  à 
s'unir  pour  travailler  en  commun  au  bonheur  de  l'humanité, 
initiée  par  elles  aux  bienfaits  de  cette  civilisation  ,  dont  elles 
sont  justement  fières. 

'«  Au  reste,  Messieurs,  n'oublions  pas  que,  même 'dans 
les  périodes  les  plus  déplorables  de  ces  luttes  acharnées , 
dont  le  retour  n'est  plus  possible,  nos  deux  pays  n'ont  cessé 
d'être  l'un  pour  l'autre  an  objet  d'étude  et  de  curieuse 
sympathie.    Les  Anglais  se  promènent  dans  tout  l'univers , 


600  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

mais  ne  se  fixent  qu'en  France.  Les  Français,  qui  voyagent 
beaucoup  moins,  parce  qu'ils -ne  se  trouvent  nulle  part  aussi 
bien  que  chez  eux  ,  sans  doute  ,  ont  cependant  toujours  fait 
exception  à  l'égard  de  l'Angleterre.  C'est  entre  les  familles 
de  ces  deux  contrées  que  se  contractent  le  plus  grand  nombre 
d'alliances.  On  pourrait  enfin  comparer  nos  deux  pays  à 
ces  ennemis  intimes  que  l'on  rencontre  parfois  dans  le 
inonde ,  qui  ne  peuvent  se  sentir  et  qui  cependant  ne 
peuvent  se  quitter. 

«  C'est  aux  lettres,  c'est  aux  sciences,  c'est  au  commerce 
surtout ,  à  ce  grand  civilisateur  qui  a  besoin  de  paix  et 
d'entente  cordiale,  qu'il  est  juste  de  rapporter  tout  l'honneur 
de  ces  rapprochements  ,  dont  l'influence  effacera  de  plus  en 
plus  le  triste  souvenir  des  luttes  du  passé. 

«  Mais,  pour  être  transportées  sur  un  autre  terrain,  les 
luttes  ne  seront  ni  moins  vives  ,  ni  moins  animées.  Entre 
deux  nations  également  fières  de  leur  supériorité  ,  également 
jalouses  de  conserver  leur  part  d'influence  sur  les  affaires  du 
monde,  il  y  aura  toujours  assaut  d'habileté  ou  d'énergie  :  et 
vraiment ,  il  faudrait  regretter  qu'il  n'en  fût  pas  ainsi  !  J'ai 
essayé  d'indiquer  quelques-uns  des  résultats  produits  par  ce 
principe  d'émulation  qui ,  chez  les  nations  comme  chez  les 
individus,  stimule  les  efforts  et  développe  le  génie.  La  ci- 
vilisation moderne  offre  à  l'exercice  de  cette  rivalité  féconde 
de  nobles  champs  de  bataille,  soit  dans  le  vaste  domaine  de 
la  science  où  le  génie  découvre ,  en  étudiant  la  nature,  ou  de 
nouvelles  lois  ou  de  nouvelles  forces  dont  l'emploi  doit 
augmenter  la  puissance  ou  le  bien-être  de  l'homme;  soit  dans 
ces  vastes  palais  qui  portent,  écrite  au  front,  cette  inscription 
magnifique  :  Exposition  universelle  !  soit  dans  ces  réunions 
diplomatiques  où  se  règlent  pacifiquement  les  destinées  des 
États  ;  soit  dans  ces  expéditions  maritimes  qui  portent  les 
bienfaits    de  la  civilisation ,   des  arts  et  de  l'industrie  de 


17  AOUT  1862.  GUI 

l'Europe,  chez  des  peuples  plongés  encore  dans  l'ignorance 
ou  la  barbarie  ;  soit  enfin,  et  surtout,  dans  ces  missions  d'un 
ordre  plus  élevé ,  et  qui  ont  pour  objet  la  diffusion  de  la 
lumière  évangélique. 

«  Puissent  les  deux  nations  ,  dont  nous  marions  au- 
jourd'hui les  drapeaux  dans  une  fête  qui  leur  est  commune  , 
travailler  ainsi,  séparément  ou  de  concert,  à  développer  leur 
puissance  et  à  étendre  leur  influence  civilisatrice  !  Puissent- 
elles  surtout  cesser  de  croire  que  la  défiance  est  une  forme 
du  patriotisme  !  Alors  indépendantes ,  quoique  amies ,  et 
libres  de  tout  engagement  exclusif,  elles  marcheront  chacune 
dans  la  direction  que  leur  assignent  leurs  dispositions  na- 
turelles ou  les  tendances  de  leur  génie  modifié  par  des 
institutions  politiques  et  sociales ,  différentes  sans  doute  et  de 
caractère  et  d'origine,  mais  également  admirables  et  éga- 
lement dignes  de  servir  de  modèles  à  celles  des  autres 
nations  !  » 

Après  cette  lecture,  vivement  applaudie,  vient  une  im- 
provisation extrêmement  intéressante  de  M.  le  chevalier  de 
Rossi  :  élégant  résumé  de  ses  immenses  travaux  sur  onze 
mille  inscriptions  chrétiennes  des  premiers  siècles  de  notre 
ère. 

Un  volume  in-f°.  de  ces  inscriptions  que  commence  à 
publier  M.  de  Rossi ,  et  qu'il  avait  déposé  sur  le  bureau,  lit 
juger  de  l'importance  de  cet  ouvrage,  et  l'orateur  fit  com- 
prendre avec,  une  clarté  remarquable  à  combien  d'aperçus 
nouveaux  sa  publication  peut  donner  lieu  au  point  de  vue 
de  l'histoire. 

M.  Challe ,  d'Auxerre,  sous-directeur  de  l'Institut  des 
provinces,  était  inscrit  pour  une  lecture,  et  il  prononça 
le  discours  suivant  : 


602  séance  académique  internationale. 

«  Messieurs, 

«  J'étais  loin  de  m'attendre  à  l'honneur  qui  m'est  accordé 
do  prendre  la  parole  dans  cette  imposante  réunion.  Venu  de 
la  Bourgogne  pour  respirer  l'air  vivifiant  et  jouir  des  doux 
loisirs  de  ces  belles  côtes,  je  comptais  n'assister  qu'en  curieux 
à  cette  brillante  solennité  qui  n'intéresse  pas  seulement  la 
Normandie,  mais  aussi  tous  les  hommes  dont  le  cœur  s'émeut 
au  souvenir  des  grands  événements  de  l'histoire  nationale. 
Ayant  vu,  toutefois,  sur  la  liste  des  compagnons  de  Guillaume- 
le-Conquérant  j lusieurs  noms  qui  appartiennent  à  ma  pro- 
vince, j'ai  été  invité  à  expliquer  leur  présence  dans  la  grande 
expédition  de  l'an  1066,  et  à  dire  quelque  chose  des  rapports 
qui  pouvaient  relier  alors  la  Bourgogne  avec  la  Normandie  et 
l'Angleterre.  Malgré  la  distance  qui  sépare  ces  contrées,  ces 
rapports  étaient  assez  étroits  et  ils  remontaient  aux  temps  les 
plus  reculés.  Au  IIe.  siècle,  Strabon  constatait  que  le  com- 
merce de  la  Gaule  pratiquait  depuis  long-temps  déjà  la  ligne 
fluviale  qui,  de  la  Méditerranée,  remonte  le  Rhône  et  la  Saône, 
et,  après  une  lacune  d'une  trentaine  de  lieues,  de  Châlon  à 
Auxerre,  descend  à  l'Océan  par  l'Yonne  et  la  Seine.  La  partie 
septentrionale  de  celte  ligne  de  navigation  avait  Auxerre  pour 
port  d'embarquement  et,  pour  étapes,  Sens,  Paris  et  Rouen. 
C'est  par  cette  voie  que  s'échangeaient  les  productions  du 
Midi  avec  celles  du  Nord.  C'est  par  là  qu'arrivaient  d'Angle- 
terre les  produits  des  mines  de  cuivre  et  d'étain  que  l'industrie 
gauloise  mettait  en  œuvre  et  que  la  navigation  phocéenne  ex- 
portait plus  loin.  Ces  relations  directes  de  commerce  entre 
Auxerre  et  Rouen  se  sont  prolongées  pendant  bien  des  siècles. 
Les  recherches  récemment  faites  par  M.  de  La  Fons  de  Méli- 
cocq,  dans  les  archives  du  Nord  de  la  France  ,  ont  surabon- 
damment constaté  qu'elles  étaient  encore  très-aclives  au  XVIe. 
siècle  et  que  Rouen  était  pour  toute  cette  région  ,  comme  il 


17  août  1862.  603 

était  pour  toute  l'Angleterre,  l'entrepôt  des  productions  du 
Centre  et  du  Midi,  en  môme  temps  qu'Auxerre  en  était  le  port 
d'expédition.  Dès  les  premiers  temps,  ces  relations  commer- 
ciales en  avaient  amené  d'une  autre  nature.  Au  Ve.  siècle, 
lorsque  les  contrées  situées  entre  la  Seine  et  la  Loire  s'unirent , 
sous  le  nom  de  Confédération  armorique,  pour  résister  à  la  fois 
et  aux  invasions  des  peuplades  d'outre  Rhin  et  aux  exactions  du 
pouvoir  impérial  qui  ne  savait  que  les  épuiser  sans  les  défen- 
dre ,  les  deux  missions  en  Angleterre  des  grands  évêques 
saint  Loup  de  Troyes  et  saint  Germain  d'Auxerre ,  où  les 
légendes  des  moines  ne  voient  qu'un  objet  purement  théolo- 
gique, celui  de  combattre  les  progrès  de  l'hérésie  de  Pelage  , 
avaient  sans  doute  un  but  politique,  celui  d'une  alliance 
offensive  et  défensive  ;  et  l'on  voit  en  effet,  dans  les  récits  de 
Bède ,  saint  Germain  ,  se  rappelant  que  dans  sa  jeunesse  il 
avait  commandé  les  armées ,  mettre  son  expérience  militaire 
au  service  des  Anglo-Saxons  pour  repousser  l'invasion  des 
clans  du  Nord  (Pictœ  et  Scoti).  La  jeunesse  des  Iles-Britanni- 
ques venait  chercher  alors  au  centre  de  la  Gaule  une  éduca- 
tion libérale  et  savante  que  sa  patrie  ne  pouvait  encore  lui 
donner,  C'est  à  Auxerre  et  sous  les  yeux  de  saint  Germain 
que  fut  élevé  saint  Patrick ,  l'apôtre  de  l'Irlande.  Ces  tradi- 
tions durèrent  long-temps.  Sous  Louis -le-Débonnaire,  les 
écoles  du  monastère  de  Sl.-Germain  d'Auxerre  ,  illustrées 
par  Héric ,  Remy  et  d'autres  savants  dont  le  renom  s'éten- 
dit dans  toute  l'Europe  ,  contenaient  jusqu'à  cinq  mille  éco- 
liers, dont  beaucoup  étaient  venus  d'outre-mer.  Plus  tard 
encore  Thomas  Bccket ,  après  avoir  étudié  à  l'Université  de 
Bologne,  venait,  étant  déj5  chanoine  de  St.-Paul  de  Lon- 
dres, compléter  5  Auxerre  ses  études  en  droit  :  ce  qui  ex- 
plique comment,  dans  son  exil,  c'est  à  notre  contrée  qu'il  vint 
demander  un  asile ,  et  comment ,  un  demi-siècle  après  , 
Edmond ,  archevêque  de  Cantorbéry,  que  nous  connaissons 


G04  SÉANCE   ACADÉMIQUE  INTERNATIONALE. 

sous  le  nom  de  saint  Edme,  vint  chercher  dans  notre  célèbre 
abbaye  de  Pontigny  un  calme  refuge  contre  les  turbulentes 
agitations  de  son  pays.  Le  diocèse  d'Auxerre  était  la  route  que 
suivaient  constamment,  pour  se  rendre  en  Italie,  les  Anglais, 
grands  touristes  dès  cette  époque,  et  nos  chroniques  ont  noté 
qu'au  VIIIe.  siècle  un  de  nos  évêques,  appelé  Quintilien,  fit 
élever  dans  ses  domaines ,  au  point  le  plus  désert  et  le  moins 
sûr  de  cette  route,  un  grand  établissement  jcomme  on  n'en 
voit  plus  que  dans  les  Alpes,  un  hospice,  xenodochium , 
exclusivement  consacré  aux  pèlerins  de  la  Grande-Bretagne 
qui,  se  rendant  à  Rome,  avaient  à  traverser  nos  vastes  forêts 
de  la  Puisaie  et  du  Morvan.  Les  moines  du  temps  ne  voient 
là  qu'une  fondation  pieuse.  Une  habile  politique  et  l'intérêt 
du  commerce  pouvaient  bien  n"y  être  pas  étrangers.  L'Angle- 
terre était  un  précieux  débouché  pour  les  vins  de  la  Bourgo- 
gne, déjà  renommés  à  cette  époque,  au  dire  de  nos  chroniques. 
Les  facilités  offertes  aux  voyageurs  venus  de  ce  pays  tendaient 
à  populariser  chez  eux  la  réputation  de  nos  produits  viticoles 
qu'ils  pouvaient ,  dans  leur  station ,  savourer  à  loisir.  Les 
longues  invasions  des  pirates  Scandinaves  ,  qui  dominèrent  si 
long-temps  le  cours  de  la  Seine  et  de  l'Yonne  et  dévastèrent 
tant  de  villes  et  de  monastères  sur  leurs  rives,  apportèrent  à 
la  navigation  intérieure  et  au  commerce  de  longues  perturba- 
tions, qui  ne  cessèrent  pas  pour  long-temps  après  l'installation 
définitive  de  cette  nation  dans  la  province  de  Ncustrie.  De 
graves  événements  qui  survinrent  au  commencement  du  XIe. 
siècle ,  et  dans  lesquels  la  race  normande  prit  une  grande 
part,  ruinèrent  encore  pour  une  longue  période  la  prospérité 
commerciale  de  la  Bourgogne.  Le  duché  de  France  avec  la 
royauté  et  le  duché  de  Bourgogne  étaient  entre  les  mains  de 
deux  petits-fils  de  Roberl-le-Fort.Le  duc  de  Bourgogne,  oncle 
du  roi  Robert ,  mourut  sans  enfants  en  léguant  ses  États  au 
fils  de  sa  femme,  le  duc  Othon-Guillaume.  Son  testament  fut 


M  août  1862.  605 

repoussé  par  le  roi  Robert;  et,  pour  soutenir  ses  prétentions, 
il  invoqua  l'aide  de  son  beau-frère,  le  duc  de  Normandie,  qui 
lui  amena  une  nombreuse  armée  (trente  mille  combattants  ) , 
selon  Raoul  Glabcr,  avec  laquelle  il  envabit  la  Bourgogne. 
Les  barons  et  les  évêques  de  cette  province  étaient  loin  d'être 
d'accord.  Les  uns  se  rangèrent  du  côté  du  roi.  Les  autres,  en 
plus  grand  nombre,  se  déclarèrent  pour  Olhon -Guillaume 
et  voulurent  défendre  ,  contre  les  Français  et  les  Normands, 
l'autonomie  de  la  province.  L'évêque  d'Àuxerre,  fils  du 
comte  de  Châlon  ,  homme  de  guerre  et  d'église  à  la  fois , 
combattait  pour  le  roi  contre  ses  propres  vassaux  attachés  à 
l'autre  parti;  l'évêque  de  Langres,  parent  d'Olhon-Guillaume 
et  politique  consommé ,  apportait  à  la  cause  de  ce  prince 
l'appui  de  ses  conseils  et  de  sa  puissante  influence.  Il  s'ensui- 
vit une  guerre  acharnée  et  dévastatrice  qui  se  prolongea 
pendant  douze  ans  entiers,  et  ne  finit  que  par  un  compromis 
qui  partageait  entre  les  deux  prétendants  les  États  du  dernier 
duc  en  prenant  la  Saône  pour  limite,  et  en  laissant  au  gendre 
d'Olhon-Guillaume  le  Nivernais  et  l'Auxerrois.  Ce  fut  bien  pis 
encore  quelques  temps  après,  quand  le  fils  aîné  du  roi  leva  la 
bannière  contre  lui  dans  cette  contrée  dont  il  réclamait  l'apa- 
nage; et  aussi,  après  la  mort  du  roi ,  quand  ses  deux  fils  se 
disputèrent  pendant  plusieurs  années  cette  province.  Et , 
quand  enfin  ils  s'accordèrent  pour  la  laisser  au  plus  jeune,  la 
guerre  subsista  entre  les  partisans  de  chacun  d'eux;  guerre 
privée,  de  baron  à  baron,  de  donjon  à  donjon,  qui,  se  répan- 
dant de  proche  en  proche ,  dépeupla  le  pays ,  le  couvrit  de  ' 
ruines  et  amena  ces  horribles  famines  dont  Raoul  Glaber  a 
tracé  un  si  effrayant  tableau.  On  trouve  en  grand  nombre , 
clans  nos  forêts ,  des  débris  de  châteaux-forts  entourés  d'en- 
ceintes de  fossés.  La  tradition  et  les  documents  écrits  sont 
muets  le  plus  souvent  sur  la  date  de  l'écroulement  de  ces  for- 
teresses et  de  la  naissance  des  forets  qui  les  recouvrent  et  les 


tit)6  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

cachent.  Sans  doute,  les  invasions  des  XIVe.  et  XV.  siècles  y 
sont  pour  quelque  chose  ;  mais  il  est  vraisemblable  que  le  XIe. 
peut  en  revendiquer  une  grande  part.  La  Trêve  de  Dieu  sortit 
enfin  de  ces  effroyables  dévastations.  C'est  chez  nous  qu'elle  a 
pris  naissance,  et  il  faut  lire  dans  le  chroniqueur  que  je  viens 
de  citer  à  quel  point  ce  remède,  que  l'heureuse  influence  du 
clergé  ne  comprit  qu'après  bien  des  années  de  résistance, 
était  nécessaire  pour  conserver  au  pays  le  peu  de  vie  qui  lui 
restait. 

«  Quand  elle  fut  définitivement  adoptée  parles  grands  feu- 
dalaires,  et  que  ceux-ci  furent  parvenus  à  l'imposer  aux  petits 
barons  et  à  tous  les  châtelains,  ce  qui  eut  lieu  vers  l'an  1050, 
ceux  pour  qui  la  guerre  et  ses  dépendances  étaient  devenues 
une  habitude  invétérée  et  un  besoin  absolu ,  voyant  qu'il 
fallait  se  croiser  les  bras  trois  jours  la  semaine,  non  compris 
les  dimanches  et  fêtes,  durent  chercher  un  autre  aliment  à 
leur  orageuse  activité.   C'est  précisément  alors  que  survint 
l'appel  que  faisait,  à  tous  les  hommes  au  bras  fort  et  au  cou- 
rage aventureux ,  l'héroïque  bâtard  qui  avait  pris  possession 
du  duché  de  Normandie  et  qui  avait  résolu  d'y  ajouter  la  cou- 
ronne d'Angleterre.  Sa  voix  fut  entendue  avec  enthousiasme 
par  les  vassaux  de  sa  race,  douée  plus  que  tout  autre  peuple 
de  cet  esprit  d'expansion  dont  elle  a  donné  tant  de  preuves, 
et  qu'elle  devait  infuser  plus  tard  dans  le  sang  de  la  nation 
anglaise.  Elle  dut  exciter  aussi,  même  dans  les  contrées  loin- 
taines ,  l'ardeur  de  désœuvrés  de  la  Trêve  de  Dieu,  et  surtout 
en  Bourgogne,  où ,  malgré  les  troubles  publics ,  la  navigation 
fluviale  entretenait  de  faciles  et  régulières  communications 
avec  la  Normandie ,  et  où  le  sort  de  la  guerre  venait  de 
donner  des  possessions  et  des  établissements  à  beaucoup  de 
chevaliers  normands ,  chez  qui  restaient  chers  les  souvenirs 
de  la  terre  natale ,  et  dont  les  fils  devaient  s'exalter  à  l'espoir 
de  rencontrer  en  Angleterre  ce  que  leurs  pères  avaient  trouvé 


17  AOUT  1862.  607 

dans  leur  nouvelle  patrie.  C'est  ainsi  qu'on  peut  expliquer 
comment,  parmi  les  chefs  de  guerre  qui  mirent  au  service  de 
Guillaume  leur  valeur,  leur  expérience  des  combats  et  les 
bandes  qu'ils  avaient  formées  au  métier  des  armes ,  nous 
trouvons  Gauthier-le-Bourguignon  ,  Guillaume  de  Noyers  et 
plusieurs  autres  noms  qui  appartiennent  à  la  Bourgogne. 

<(  Ces  mœurs  comme  ces  temps  sont  loin  de  nous.  Si  nous 
aspirons  à  des  conquêtes,  elles  sont,  grâce  à  Dieu,  plus  pa- 
cifiques. La  Bourgogne  songe  à  une  invasion ,  c'est  l'invasion 
des  vins  bourguignons,  dont  l'Angleterre  a  délaissé  l'usage 
depuis  plus  d'un  siècle  et  demi,  à  la  suite  des  taxes  doua- 
nières créés  comme  instrument  de  guerre  contre  Louis  XIV, 
et  du  traité  de  commerce  avec  le  Portugal.  Elle  ne  l'a  pas 
fait  impunément.  Son  caractère  national  en  a  été  fâcheuse- 
ment modifié  Nous  tenons  de  M.  Cobden  que,  quand  on 
voulut  dernièrement  faire  à  Londres  un  recueil  de  chansons 
joyeuses,  on  fut  tout  étonné  de  voir  qu'il  n'en  avait  plus  été 
composé  depuis  1720,  époque  où  les  vins  de  Bourgogne 
avaient  fait  place  sur  les  tables  anglaises  aux  vins  stupéfiants 
de  Portugal.  Nous  venons,  en  conséquence  de  faire  une  grande 
démonstration  d'ensemble  à  l'Exposition  universelle.  Son  suc- 
cès nous  fait  espérer  de  reconquérir  bientôt  l'estime  et  l'amour 
des  gourmets  de  la  vieille  Angleterre.  Et ,  pour  répondre 
à  d'autres  contrées,  nos  rivales,  qui  disent:  Prenez  nos  vins, 
parce  qu'ils  sont  froids  à  l'estomac  ,  nous  disons  :  Prenez  les 
nôtres ,  parce  qu'ils  sont  chauds  au  cœur  et  vifs  à  l'esprit  : 
qu'ils  animent  le  courage  et  réveillent  la  verve  et  la  gaîté. 
Leur  ivresse  est  légère,  décente  même  et  de  bonne  société, 
si  l'on  en  croit  ce  proverbe  militaire  du  temps  passé ,  que 
chantaient  encore  les  mousquetaires  au  siècle  dernier  : 

Avec  Beau  ne,  Nuits  et  Auxerre, 
Chablis ,  Monli  achet  et  Tonnerre, 
On  ne  court  jamais  le  dangicr 
De  passer  le  gris  d'officier. 


fi08  SÉANCE    ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

o  Voilà  nos  projets  de  conquête  !  Et  il  est  douteux  que  les 
bataillons  de  volontaires,  les  bâtiments  cuirassés,  voire  même 
les  nouveaux  forts  de  Porlsmouth  arrêtent  notre  invasion , 
l'invasion  de  Racchus  bourguignon. 

«  Quant  aux  descendants  de  nos  cbevaliers  du  XIe.  siècle  , 
s'il  en  existe  encore,  ils  admirent,  ils  envient  peut-être  cette 
magnifique  harmonie  de  l'Empire  britannique  que  leurs  an- 
cêtres ont  contribué  à  établir  sur  des  bases  inébranlables;  cet 
heureux  accord  entre  le  peuple  et  l'aristocratie,  entre  l'ordre 
et  la  liberté,  entre  le  gouvernement  du  pays  par  lui-même  et 
le  respect  et  l'amour  du  pouvoir  royal.  Ils  étudient  avec  un 
vif  intérêt  les  causes  et  le  mécanisme  d'une  si  salutaire  et  si 
puissante  union.  En  s'éclairant  des  exemples  de  cette  grande 
et  intelligente  aristocratie  anglaise ,  ils  se  rapprochent  du 
peuple  pour  l'aider  et  le  servir;  ils  encouragent  de  leurs 
conseils  et  de  leur  coopération  les  progrès  de  l'agriculture  et 
de  l'industrie;  et,  comprenant  les  bienfaits  de  l'association  pa- 
cifique de  tous  les  hommes  de  cœur  pour  le  développement 
de  la  richesse  et  de  la  moralité  publique  par  l'étude  et  le  tra- 
vail, ils  concourent  à  la  fondation  des  comices,  des  sociétés 
agricoles ,  des  académies  scientifiques.  Chez  nous ,  en  Bour- 
gogne, on  commence  à  les  trouver  à  la  tête  de  toutes  les  in- 
stitutions de  libre  initiative  qui  tendent  à  l'émancipation  in- 
tellectuelle et  à  l'amélioration  matérielle  et  morale  de  la 
contrée.  L'exemple  que  vous  donnez,  Messieurs,  depuis  trente 
ans ,  a  porté  ses  fruits  jusque  chez  nous  ;  et  cette  belle  et 
féconde  Association  normande ,  à  qui  toutes  les  grandes  et 
généreuses  idées  sont  familières,  qui  a  tant  fait  pour  impri- 
mer un  essor  plus  élevé  à  l'existence  agricole,  industrielle  , 
artistique  et  littéraire  de  cette  riche  province  ,  et  qui  donne  , 
dans  la  noble  solennité  qui  nous  réunit  ici,  un  nouveau  et  si 
éclatant  témoignage  de  ses  incessants  efforts  pour  populariser 
la  connaissance  et  le  respect  des  grands  souvenirs  historiques, 


17  AOUT  1862.  609 

cette  bienfaisante  Association  nous  sert  de  modèle  pour  asseoir 
sur  des  bases  solides  et  durables  les  créations  que  nous 
fondons,  afin  de  rapprocher,  éclairer  et  moraliser  toutes  les 
classes  de  la  société.  Et ,  si  je  ne  craignais  de  blesser  la  mo- 
destie de  votre  illustre  directeur,  je  dirais  à  quel  point  est 
cher  et  vénéré  chez  nous  son  nom  en  qui  se  personnifient  à 
nos  yeux  l'amour  du  bien  public,  l'ardeur  incessante  du  pro- 
grès, la  science,  l'esprit  ingénieux  et  expansif,  enfin  tout 
le  génie  de  la  Normandie.  » 

La  parole  fut  donnée  ensuite  à  M.  Julien  Travers,  qui  lut 
l'esquisse  suivante  sur  le  mouvement  intellectuel  et  artistique 
de  la  Normandie  au  XIe.  siècle  : 

«  L'invasion  des  Barbares  éteignit  presque  entièrement  en 
Europe  le  flambeau  des  sciences ,  des  lettres  et  des  arts  ;  le 
Xe.  siècle  fut  une  nuit  profonde  pour  l'esprit  humain  ;  le  XIe. 
fut  une  aurore. 

<i  D'où  vinrent  les  premières  lueurs  de  ce  jour  qui  n'a  cessé 
de  grandir?  De  plus  d'un  côté,  sans  doute,  et  ce  n'est  pas  ici 
le  lieu  de  scruter  tous  les  points  de  l'horizon  d'où  se  déga- 
gèrent peu  à  peu  quelques  clartés.  Nous  voulons  seulement 
indiquer  la  part  qu'eut  dans  ce  grand  mouvement  la  province 
de  Normandie. 

«  On  sait  quelles  furent  les  incursions  danoises  sur  nos  côtes, 
et  comment,  en  montant ,  ces  marées  d'hommes  couvrirent 
notre  contrée  et  n'eurent  pas  de  reflux.  Le  pays  était  beau,  le 
climat  assez  doux ,  le  sol  riche  et  fécond  ;  il  tenta  les  pirates 
qui  s'y  établirent. 

«  Mais  cette  race  du  Nord  n'était  pas  seulement  active,  auda- 
cieuse et  guerrière:  elle  avait  de  l'intelligence;  elle  se  mon- 
trait sensible  aux  éloges  des  poètes;  elle  aimait  les  contro- 
verses des  théologiens,   les  subtilités  des  philosophes,  les 

39 


610  SÉANCE   ACADÉMIQUE  INTERNATIONALE. 

récits  grossiers  encore  et  légendaires  des  historiens ,  les 
conceptions  grandioses  d'architectes  pleins  de  génie. 

«  La  seconde  moitié  du  XIe.  siècle  ouvrit  aux  instincts  de  la 
race  normande  et  à  ses  aptitudes  une  large  carrière  dans  la- 
quelle elle  s'engagea  d'un  pas  ferme  et  hardi,  au  grand  éton- 
nement  du  monde  illettré.  La  bataille  de  Hastings  prouvait 
une  fois  de  plus  la  bravoure  de  nos  aïeux  ;  mais  cette  victoire 
n'est  un  événement  mémorable  que  par  ses  conséquences , 
que  par  l'organisation  politique  et  civile  de  l'Angleterre,  que 
par  l'impulsion  donnée  à  l'esprit  humain  dans,  toutes  les 
directions. 

n  Guillaume-le-Conquérantnefut  pas  l'auteur  d'une  légis- 
lation complètement  nouvelle  :  la  féodalité  tressait,  depuis 
Louis-le-Débonnaire,  le  filet  immense  où  elle  devait  enserrer 
l'Europe.  Guillaume  ajouta  des  mailles,  en  resserra  le  tissu  , 
et  se  montra,  soit  par  défiance,  soit  par  sentiment  des  be- 
soins du  temps,  un  habile  et  puissant  organisateur.  Il  fit  droit 
en  apparence  aux  réclamations  des  provinces ,  il  ne  demanda 
pas  mieux  que  de  reconnaître  leurs  coutumes,  il  leur  laissa 
volontiers  les  lois  de  leur  roi  Edward;  mais  il  soumit  au  joug 
de  sa  volonté  les  divergences  de  ces  lois  et  de  ces  coutumes , 
et  chercha  à  donner  un  intérêt  central  à  tous  les  intérêts 
privés. 

«  De  1080  à  1086,  «  Guillaume,  dit  Augustin  Thierry,  fit 
faire  une  grande  enquête  territoriale  ,  et  dresser  un  registre 
universel  de  toutes  les  mutations  de  propriété  opérées  en  An- 
gleterre par  la  conquête;  il  voulut  savoir  en  quelles  mains, 
dans  toute  l'étendue  du  pays ,  avaient  passé  les  domaines  des 
Saxons ,  et  combien  d'entre  eux  gardaient  encore  leurs  héri- 
tages, par  suite  de  traités  particuliers  conclus  avec  lui-même 
ou  avec  ses  chefs;  combien  dans  chaque  domaine  rural,  il  y 
avait  d'arpents  de  terre  ;  quel  nombre  d'arpents  pouvait  suffire 
à  l'entretien  d'un  homme  d'armes,  et  quel  était  le  nombre  de 


17  août  1862.  614 

ces  derniers  dans  chaque  province  ou  comté  d'Angleterre  ;  à 
quelle  somme  montait  en  gros  le  produit  des  cités,  des  villes, 
des  bourgades,  des  hameaux;  quelle  était  exactement  la  pro- 
priété de  chaque  comte,  baron  ,  chevalier ,  sergent  d'armes  ; 
combien  chacun  avait  de  terres ,  de  gens  ayant  fiefs  sur  ses 
terres,  de  Saxons,  d'animaux,  de  charrues. 

u  Ce  chef-d'œuvre  d'investigation  administrative,  consigné 
très-aulheiuiquement  dans  un  registre  célèbre ,  s'appela  le 
Grand-Rôle,  le  Rôle  royal,  le  Rôle  de  Winchester,  parce  qu'on 
le  conservait  dans  la  cathédrale  de  cette  cité;  le  Grand-Terrier \ 
vrai  modèle  de  cadastre  uniforme  ;  enfin  le  Livre  du  dernier 
Jugement,  le  Doomsdaxj-Book ,  comme  le  nommèrent  les 
Saxons,  «parce  qu'il  contenait,  dit  l'historien,  leur  sentence 
d'expropriation.   » 

«On  sait  les  tendances  d'Augustin  Thierry ,  et  sa  partialité 
pour  les  vaincus.  Il  ne  voit,  dans  la  forte  organisation  du 
royaume  par  le  vainqueur,  qu'un  simple  résultat  d'une  posi- 
tion spéciale  que,  «  la  nécessité  d'établir  un  ordre  quelconque 
dans  le  chaos  de  la  conquête.  »  11  nous  semble,  à  nous  comme 
à  bien  d'autres ,  que  le  génie  administratif  se  montre  au  plus 
haut  degré  dans  le  réseau  de  cet  établissement  vaste  et  com- 
pliqué, admiré  par  des  écrivains  aussi  graves  et  moins  pré- 
venus qu'Augustin  Thierry.  Cet  historien  si  recommandable 
avait-il  oublié  que  l'ordre  est  le  premier  besoin  des  États  ? 

«  En  même  temps  que  tout  s'unifiait  par  les  lois,  tout  se 
régénérait  par  la  culture  des  lettres ,  des  sciences  et  des  arts. 
Un  de  ces  derniers  surtout,  l'architecture,  bâtissait  de  somp- 
tueux palais  et  de  splendides  basiliques.  Or,  l'architecture 
n'est  pas  un  art  isolé:  elle  suppose  des  connaissances  assez 
étendues  en  mathématiques;  elle  demande  des  artistes  de 
genres  différents  pour  l'embellissement  et  la  décoration  des 
églises.  Orderic  Vital  parle  d'Odon ,  habile  orfèvre  normand, 
qui  fut  chargé  par.Guillaume-le-Roux  d'orner  le  mausolée  du 


612  SÉANCE    ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

roi  son  père ,  et  Odon  sans  doute  fit  école.  —  Les  vignettes 
de  certains  manuscrits  du  XIe.  siècle  n'ont  pas  le  fini  de  celles 
du  XIIIe.  et  du  XIVe.;  mais  elles  ont  des  rapports  évidents 
avec  le  dessin  des  colonnes ,  avec  les  bas-reliefs ,  avec  une 
foule  de  détails  dus  au  génie  des  architectes.  La  perfection 
d'un  art  a  fait  faire  à  d'autres  des  efforts  féconds  en  résultats, 
et  la  musique  elle-même ,  facilitée  par  les  clefs  qu'avait  ré- 
cemment découvertes  Gui  d'Arrezzo  ,  prit  un  essor  que  se- 
conda l'introduction  des  orgues  dans  les  basiliques  des  grands 
monastères. 

«  La  musique, naturel  accompagnement  de  paroles  mesurées, 
ne  se  cultive  guère  sans  demander  des  chants  à  la  poésie ,  et 
notre  poésie  au  berceau,  bégayant  à  peine  une  langue  informe, 
implorait  avec  raison  le  secours  des  instruments  pour  adoucir 
ses  aspérités  et  se  rapprocher  d'un  semblant  d'harmonie. 
Jusque-là  elle  avait  eu  plus  d'audace  que  de  génie  ;  elle  s'était 
essayée  dans  /le  longs  poèmes ,  dans  les  chansons  de  geste , 
comme  dans  les  compositions  courtes  et  variées  des  jon- 
gleurs, des  troubadours  et  des  trouvères.  Généralement 
elle  avait  été  rude  et  sans  grâce  ;  souvent  même ,  infidèle 
à  la  prosodie ,  elle  n'avait  suivi  que  le  caprice  d'une  oreille 
peu  sensible  ou  mal  exercée.  Les  appels  en  vers  pour  les 
tournois,  les  aventures  auxquelles  ces  tournois  donnèrent 
lieu  et  que  rimèrent  les  versificateurs;  le  désir  de  charmer  les 
dames  qui  distribuaient  les  récompenses  ;  d'autres  causes 
encore,  comme  l'honneur  acquis  dans  ce  genre  de  succès, 
honneur  obtenu  par  les  chantres  nomades  et  qu'enviaient,  que 
disputaient  les  grands  seigneurs  et  les  gens  d'Église,  tels  que 
Thibaut  de  Vernon ,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Rouen  ; 
d'autres  causes  encore,  comme  l'amour  du  merveilleux,  plus 
vif,  plus  impérieux  aux  âges  ignorants  et  crédules,  multi- 
plièrent les  poètes  et  par  leurs  œuvres ,  qu'inspirait  plus  ou 
moins  le  désir  de  plaire,  adoucirent  et  polirent  la  langue  fran- 
çaise ,  et  préparèrent  de  loin  ses  prodigieuses  destinées. 


17  août  1862.  613 

«Du  reste,  l'avenir  de  cette  langue  pouvait  être  présagé  dès 
ces  temps  reculés.  Adoptée  a  la  cour  de  Guillaume,  elle  fut 
seule ,  à  l'exclusion  du  latin ,  employée  dans  ses  lois ,  seule 
parlée  dans  les  tribunaux  ,  seule  usitée  dans  la  rédaction  des 
jugements  et  des  actes  publics.  Plus  tard,  les  Normands  la  por- 
tèrent en  Sicile,  en  Grèce,  en  Asie;  leurs  habitudes  passèrent 
dans  les  usages  des  Croisés,  et  c'est  en  français  du  temps  que 
furent  rédigées  les  Assises  de  Jérusalem. 

«  La  poésie  est  voisine  de  l'éloquence  ;  mais  l'éloquence  , 
comme  la  poésie,  a  besoin  d'une  langue  faite  et  portée  à  un 
certain  degré  de  perfection  pour  charmer  par  la  finesse,  sub- 
juguer par  l'énergie,  toucher  par  le  pathétique  et  les  nuances 
du  sentiment.  Ce  qui  prouve  qu'on  tenait  à  l'art  de  la  parole, 
c'est  qu'il  y  avait  des  maîtres  de  rhétorique,  maîtres  peu 
sûrs,  il  est  vrai,  et  qui  avaient  perdu  la  tradition  des  principes 
et  le  goût  des  modèles. 

«  Quelque  faible  direction  que  pussent  donner  des  professeurs 
aussi  médiocres,  le  besoin  d'agir  sur  les  esprits  et  sur  les 
cœurs  était  inhérent  à  l'enseignement  de  la  religion,  aux  fonc- 
tions attachées  à  l'épiscopat,  et  des  prélats  portant  leurs  idées 
et  leurs  vues  au  sein  des  conciles  ou  d'autres  assemblées,  et 
les  prédicateurs ,  prêtres  ou  moines ,  sentaient  l'utilité  de 
l'exercice  de  la  parole  ,  et  la  plupart  se  préparaient  sérieuse- 
ment à  l'éloquence  de  la  chaire.  On  vit,  dans  notre  province, 
briller,  entr'autres,  Hugues,  archidiacre  de  l'églisede  Rouen; 
Gerold,  clerc  d'Avranches,  qui  suivit  Guillaume  en  Angleterre 
et  s'y  distingua  par  ses  sermons;  Gilbert,  évêque  d'Évreux  , 
qui  fit,  aux  applaudissements  de  l'auditoire,  l'oraison  funèbre 
du  Conquérant. 

«  Le  XIe.  siècle,  à  la  rigueur,  ne  fut  donc  point  dépourvu 
d'éloquence,  et  cela  se  comprend  :  le  sentiment,  qui  est  l'âme 
de  cet  art  souverain ,  est  toujours  avide  d'émotions  ;  la  pas- 
sion, dans  notre  cœur,  a  ses  cordes  toujours  prêtes  à  répondre 
à  la  main  qui  sait  les  toucher. 


614  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

«  Mais  il  n'en  est  pas  de  l'histoire  comme  de  l'éloquence  : 
l'éloquence  peut  être  belle,  même  dans  ses  écarts;  l'histoire 
a  besoin  de  calme,  de  grandes  lumières  et  du  sens  critique. 
«  Il  faut  bien  le  reconnaître  :  le  sens  critique  et  les  grandes 
lumières  manquaient  au  moyen-âge.  On  aimait  l'extraordi- 
naire, le  fabuleux,  le  surnaturel;  on  n'apportait  point  le  dis- 
cernement nécessaire  à  l'examen  des  faits;  on  tombait,  par 
ignorance ,  dans  de  singulières  bévues ,  et  l'on  faisait  sans  art 
des  récits  sans  vérité.  Aussi  les  écrivains  de  cette  époque 
réussirent-ils  mieux  dans  la  légende. 

*«  Ce  qui  nous  paraît  surtout  capital  dans  cette  seconde  moitié 
du  XIe.  siècle,  ce  qui  nous  semble  digne  de  tous  les  éloges , 
c'est  la  fondation  des  grandes  écoles,  où  l'enseignement,  élar- 
gissant le  trivium  et  le  quadrivium  trop  étroits,  fut  en  quelque 
sorte  encyclopédique.  L'honneur  en  revient  principalement  à 
deux  Italiens  qui  jouèrent  un  des  premiers  rôles  politiques 
sous  Guillaume-le-Conquérant,  à  Lanfranc  et  à  saint  Anselme, 
tous  deux  fameux  par  leur  enseignement,  morts  tous  deux 
archevêques  de  Cantorbéry.  Qu'il  nous  suffise,  en  terminant 
ce  court  aperçu,  de  rappeler  leurs  fondations  et  leurs  leçons 
célèbres  à  l'abbaye  du  Bec,  à  Avranches,  à  St. -Etienne  de 
Caen  ;  les  voies  nouvelles  qu'ils  ouvrirent  à  la  théologie  et  à  !a 
philosophie  ;  leurs  nombreux  et  illustres  disciples ,  parmi  les- 
quels on  compte  des  abbés  éminents,  des  évoques,  des  arche- 
vêques, des  cardinaux;  l'influence  heureuse  qu'ils  exercèrent 
sur  la  rénovation  des  études  en  Europe  ;  l'exemple  qu'ils  don- 
nèrent par  leurs  controverses,  par  leurs  ouvrages,  par  la  sain- 
teté de  leur  vie  ,  comme  par  l'élévation  de  leur  esprit  et  par 
l'énergie  de  leur  caractère. 

«  A  ces  hommes  d'élite  doit  s'arrêter  cette  improvisation  de 
plume,  qui  a  le  tort  de  ne  rien  apprendre  à  l'auditoire  éclairé 
qu'a  réuni  M.  de  Caumont  dans  ce  bourg  célèbre  depuis  près 
de  800  ans.  Cette  humble  esquisse  n'a  qu'un  but:  rappeler 


17  AOUT  1862.  615 

un  passé  mémorable,  reporter  un  moment  les  esprits  au  mou- 
vement intellectuel  qui  se  continue  encore  de  nos  jours  , 
attacher  de  plus  en  plus  les  Normands  à  ces  glorieux,  à  ces 
impérissables  souvenirs.  • 

Une  dernière  lecture  fut  faite  par  M.  de  Vigan  de  Cernières, 
membre  de  l'Association  normande ,  sur  la  bataille  de  Crois- 
sanville ,  fait  important  de  nos  annales  normandes  et  qui  se 
passa  sur  les  bords  de  la  Dive. 

Inauguration  et  bénédiction  de  la  Liste. 

A  deux  heures,  la  séance  fut  levée;  le  programme  était 
rempli,  et  l'ordre  du  jour  appelait  l'Assemblée  à  l'inau- 
guration de  la  liste  de  la  conquête,  inauguration  qui  était  la 
cérémonie  principale ,  le  grand  but  de  cette  mémorable 
journée. 

L'Assemblée  s'est  dirigée  vers  l'église  de  Dives  ,  où  l'inau- 
guration du  monument  allait  avoir  lieu.  En  un  instant  toutes 
les  places  ont  été  envahies  par  la  foule ,  et  c'est  à  peine  si  le 
cortège  a  pu  pénétrer  dans  l'enceinte, 

De  chaque  côté  de  la  porte  d'entrée  étaient  placées  deux 
grandes  oriflammes,  portant  les  armes  de  la  Normandie  et 
de  l'Angleterre. 

L'église,  comme  la  salle  que  nous  venions  de  quitter,  était 
décorée  de  ces  noms  historiques  dont  se  glorifie  la  France. 
Là,  nous  voyons  les  armes  des  d'Harcourt,  des  Carbonnel, 
des  Clinchamps.des  deVarenne,  des  Robert  de  Courson,  des 
Toustain,  des  Richard  de  Courci,  des  d'Argouges,  des  d'An- 
gerville  ,  des  de  Héricy  ,  des  de  Mathan  ,  des  Raoul  Basset , 
des  Geuffroy  de  Treilli;  partout,  enfin,  des  écussons  qui  rap- 
pellent nos  grandes  gloires  normandes.  Au-dessus  de  la 
porte  d'entrée,  à  l'intérieur  de  la  nef,  est  gravée  la  liste  des 


616  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE, 


17  AOUT  1862.  617 

compagnons  de  Guillaume  :  elle  comporte  475  noms  et  oc- 
cupe plus  de  1k  mètres  carrés. 

Nous  donnons  ici  cette  liste  des  personnages  qui  ont  pris 
part  au  grand  fait  d'armes  de  1066,  ou  qui  se  sont  fixés  en 
Angleterre  à  la  suite  de  Guillaume-le-Conquérant  ;  elle  a  clé 
dressée  par  M.  Léopold  Delisle  : 


Achard. 

—  d'Ivri. 
Aioul. 

Ailard  de  Vaux. 
Alain  Le  Roux. 
Amauiï  de    Dreux. 
Anquetil  deCberbourg. 
Anquelil  de  Grai. 

—  de  Ros. 
Anscoul  de  Picquigni. 
Ansfroi  de  Cormeilles. 

—  de  Vaiibadon. 
Ansger  de  Monlaigu. 

—  de  Sénarpont. 
Ansgot. 

—  de  Ros. 
Arnoul  d'Ardre. 

—  de  Perci. 

—  de  Hesdiu. 
Aubert  Greslet. 
Aubri  de  Couci. 

—  de  Ver. 

Au  vrai  Le  Breton. 

—  d'Espagne. 
Auvrai  de  Merleberge. 

—  de  Tanie. 
Azor. 

Baudoin  de  Colombières. 

—  le  Flamand, 
de  Meules. 

Bérenger  Giffard. 

—  de  Toeni. 
Bernard  d'Alcnçon. 

—  du  Neufmarché. 

—  Pancevolt. 

—  de  Saint  Ouen. 
Bertran  de  Verdun. 
Beuselin  de  Dive. 
Bigot  de  Loges. 
Carbonnel. 


David  d'Argentan. 
Dreu  de  La  Beuvrière. 

—     de  Montaigu. 
Durand  Malet. 
Écouland. 

Engenouf  de  L'Aigle. 
Enguerrand  de  Raimbeaucourt. 
Erneis  de  Buron. 
Etienne  de  Fontenai. 
Eude  ,  comte  de  Champagne. 

—  évoque  de  Bayeux. 

—  Cul  de  Loup. 

—  Le  Flamand. 

—  de  Fourneaux. 
Eude  Le  Sénéchal. 
Eustache,  comte  de  Boulogne. 
Foucher  de  Paris. 

Fouque  de  Lisors. 

—  d'Appeville. 

—  Le  Bourguignon, 
de  Caen. 

—  de  Claville. 

—  de  Douai. 

—  Giffard. 
Gautier  de  Grancourt. 

—  Hachet. 

—  Heusé. 

—  d'Incourt. 

—  de  Laci. 

—  de  Mucedent. 

—  d'OmonUille. 

—  de  Risbou. 

—  de  Saint-Valeri. 

—  Tire!. 

—  de  Vernon. 
Geoffroi  Alselin. 

—  Bainard. 

—  du  Bec. 

—  de  Cambrai. 

—  de  La  Guierche. 


618 


SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 


Geoffroi  Le  Maréchal. 

—  de  Mandèville. 

—  Martel. 

—  Manrouard. 

—  de  Monterai. 

—  comte  du  Perche. 

—  de  Pierrepont. 

—  de  Ros. 

—  de  Runeville. 

—  Talbot. 

—  de  Tournai. 

—  de  Trelli. 
Gerboud  Le  Flamand. 
Gilbert  Le  Rlond. 

deRlosseville. 

—  de  Rretteville. 

—  de  Rudi. 

■ —      de  Colleville. 

—  de  Gand. 

—  Gibard. 

—  Malet. 

—  Maminot. 

—  Tison. 

—  de  Venables. 

—  de  Wissant. 
Girard. 

Gonfroi  de  Cioches. 
Gonfroi  Mauduit. 
Goscelin  de  Cormeilles. 

—  de  Douai. 

—  de  La  Rivière. 
Goubert  d'Aufai. 

—  de  Beau  vais. 
Gucrnon  de  Pois. 
Gui  de  Craon. 

—  de  Raimbeaucourt. 

—  de  Rainecourt. 
Guillaume  Alis. 

—  d'AnslevilIe. 

—  L'Archer. 

—  d'Arqués. 

—  d'Aurtrieu. 

—  de  L'Aune. 

—  Basset. 

—  Belet. 

—  de  Reaufou. 

—  Rertran. 

—  de  Bi ville. 

—  Le  Blond. 

—  Bonvaiet. 

—  du  Bosc. 

—  du  Bosc  Roard. 

—  de  Bourneville. 


Gui!laurae.de  Brai. 

—  de  Briouse. 

—  de  Bursigni. 

—  de  Cahaignes. 

—  de  Cailli. 

—  de  Cairon. 

—  Cardon. 

—  de  Carnet, 

—  de  Castillon. 

—  de  Coaucé. 

—  La  Chèvre. 

—  de  Colleville. 

—  Corbon. 

—  de  Daumerai. 

—  Le  Despensier. 

—  de  Durville. 

—  d'Écouis. 

—  Espec. 

—  d'Eu. 

—  comte  d'Évreux. 

—  de  Falaise. 

—  de  Fécamp. 

—  Folet. 

—  de  La  Forêt. 

—  de  Fougères. 

—  Froissait. 

—  Goulaflïe. 

—  de  Lêtre. 

—  de  Loucelles. 

—  Louvet. 

—  Malet. 

—  de  Malleville. 

—  de  La  Mare. 

—  Maubenc. 

—  Mauduit. 

—  de  Moion. 

—  de  Monceaux. 

—  de  Noyers. 

—  fils  d'Osberne. 

—  Pantoul. 

—  de  Parthenai. 

—  Péché. 

—  de  Pcici. 

—  Pevrel. 

—  de  Picquigni. 

—  Poignant. 

—  de  Poillei. 

—  Le  Poitevin. 

—  de  Pont-de-i'Archc. 

—  Quesnel. 

—  de  Reviens. 

—  de  Sept  Meules. 

—  Taillebois. 


17  AOUT  1862. 


619 


Guillaume  deTocni. 

—  de  ValieviJJe. 

—  de  Vauville. 

—  de  Ver. 

—  de  Vesli. 

—  du  Warennc. 
Guimond  de  Blangi. 

—  de  Tessel. 
Guineboiid  de  Balon. 
Guinemar  Le  Flamand. 
Hamelin  de  Balon, 

Ha  mon  Le  Sénéchal. 
Hardouin  d'Écalles. 
Hascouf  Musard. 
Henri  de  Beau  m  on  t. 

—  de  Ferrières. 
Herman  de  Dreux. 
Hervé  Le  Berruier. 

—  d'Espagne. 

—  d'Hélion. 
Honfroi  d'Ansleville. 

—  de  Biville. 

—  de  Bobon. 

—  de  Carlerel. 

—  de  Culai. 

—  de  lTle. 

—  du  Tilleul. 

—  Vis-de-Loup. 
Huard  de  Venion. 
Hubert  de  Mont  Canisi. 

—  de  Port. 
Hugue  L'Ane. 

—  d'Avranches. 

—  de  Beauchamp. 

—  de  Berniùres. 

—  de  Bois  Hébert. 

—  de  Bolbec. 
— ■     Bourdet. 

—  de  Brébeuf. 

—  de  Corbon. 

—  de  Dol. 

—  Le  Flamand. 

—  de  Gonrnai. 

—  de  Grenlemesnil. 

—  de  Hodenc. 

—  de  Hotot. 

—  d'Ivri. 

—  deLaci. 

—  de  Maci. 

—  Maminot. 

—  de  iWanneville. 
— ■    de  La  Mare. 

—  Maulravers. 


Hugue  de  Mobcc. 

—  de  Montfort. 

—  de  Montgomeri. 

—  Musard. 

—  de  Port. 

—  de  Rennes. 

—  de  Saint  Quentin. 

—  Silvestre. 

—  de  Vesli. 

—  de  Vi ville. 
Ibert  de  Laci. 

—  de  Toeni. 
Ive  Taillebois. 
—  de  Vesci. 
Josce  Le  Flamand. 
Juhel  de  Toeni. 
Laudri. 
Lanfranc. 

Mathieu  de  Morlagne. 
Manger  de  Carteret. 
Maurin  de  Caen. 
Mile  Crespin. 
Murdac. 
Néel    d'Anbigny. 

—  de  Berville. 

—  Fossard. 

—  de  Gournai. 
Néel  de  Muneville. 
Normand  d'Adreci. 
Osberne  d'Arqués. 

—  du  Breuil. 

—  d'En. 

—  Giffard. 

—  Pastforeire. 

—  du  Quesnay. 

—  du  Saussai. 

—  de  Wanci. 
Osmond. 

Osmond  de  Vaubadon. 
Ours  d'Abbelot. 

—  de  Berchères. 
Picot. 

Pierre  de  Valognes. 
Rallier  d'Avre. 
Raoul  d'Aunou. 

—  Baignard. 

—  de  Bans. 

—  de  Bapaumes. 

—  Basscl. 

—  de  Beaufou. 

—  de  Bernai. 

—  Blouet. 

—  Botin. 


620 


SÉANCE   ACADÉMIQUE  INTERNATIONALE. 


Raoul  de  La  Bruière. 

—  de  Chartres. 

—  de  Colombières. 

—  de  Conteville. 

—  de  Courbépine. 

—  L'Estournii. 

—  de  Fougères. 

—  Framan. 
■ —    de  Gael. 

—  de  Hauville. 

—  du  l'Ile. 

—  de  Languetot. 

—  de  Limesi. 
— »     de  Marci. 

—  de  Mortemer. 

—  de  Noron. 

—  d'Ouilli. 

—  Painel. 

—  Pinel. 

—  Pipin. 

—  de  La  Pommeraie. 

—  du  Quesnai. 

—  de  Saint  Sanson. 

—  du  Saussai. 

—  de  Savigni. 

—  Taillebois. 

—  du  Theil. 

—  de  Toeni. 

—  deTourlaville. 

—  de  Tourneville. 

—  Trancliard. 

—  fils  d'il nspac. 

—  Vis-de-Loup. 
Ravenot. 

Renaud  de  Bailleul. 

—  Croc. 

—  de  Pierrepont. 

—  de  Sainte  Hélène. 

—  de  Torteval. 
Renier  de  Brimou. 
Renouf  de  Colombelies. 

—  Flambard. 

—  Pevrel. 

—  de  Saint  Waleri. 

—  de  Vaubadon. 
Richard    Basset. 

—  de  Beau  mais. 

—  de  Bien  faite. 

—  de  Bondeville. 

—  de  Courci. 

—  d'Engagne. 

—  L'Estourrui. 

—  Fresle, 


Richard   de  Meri. 

—  de  Neuville. 

—  Poignant. 

—  de  Reviers. 

—  de  Sacquenville. 

—  de  Saint  Clair. 

—  de  Sourdeval. 

—  Talbot. 

—  de  Vatteville. 

—  de  Vernon. 
Richer  d'Antleli. 
Robert  d'Armentières. 

—  d'Auberville. 

—  d'Aumale. 

—  de  Barbes. 

—  Le  Bastard. 

—  de  Beaumont. 

—  Le  Blond. 

—  Blouet. 

—  Bourdet. 

—  de  Brix. 

—  de  Buci. 

—  de  Chandos. 

—  Corbet. 

—  de  Courçon. 

—  "  Cruel. 

—  Le  Despensier. 

—  comte  d'Eu. 

—  Fromentin. 

—  fils  de  Geroud. 

—  de  Glanville. 

—  Guernon. 

—  de  Harcourt. 

—  de  Lorz. 

—  Malet. 

—  comte  de  Meulan. 

—  de  Montbrai. 

—  de  Montfort. 

—  comte  de  Mortain. 

—  des  Moutiers. 

—  Murdac. 
_  d'Ouilli. 

—  de  Pierrepont. 

—  de  Pontchardon, 

—  de  Rhuddlan. 

—  de  Romenel. 

—  de  Saint  Léger. 

—  de  Thaon. 

—  de  Toeni. 

—  de  Vatteville. 

—  des  Vaux. 

—  de  Veci. 

—  de  Vesli. 


17  AOUT  1862. 


621 


Robert  de  Villon. 

—  de  Vitot. 
Roger  d'Abernon. 

—  Arundel. 

—  d'Auberville. 

—  de  Beaumont. 

—  Bigot. 

—  Boissel. 

—  de  Bosc  Normand. 

—  de  Bosc  Roard. 

—  de  Breteuil. 

—  de  Bulli. 

—  de  Carteret. 

—  de  Chandos. 

—  Corbet. 

—  de  Courcelles. 

—  d'Évreux. 

—  d'ivry. 

—  de  Laci. 

—  de  Lisieux. 

—  de  Meules. 

—  de  Montgommeri. 

—  de  Moyaux. 

—  de  Mussegros. 

—  de  Oistrehara. 

—  d'Orbec. 

—  Picot. 

—  de  Pistres. 

—  Le  Poitevin. 

—  de  Rames. 

—  de  Saint  Germain. 

—  de  Sommeri. 
Ruaud  l'Adoubé. 
Sanson. 

Seri  d'Auberville. 
Serlon  de  Burci. 

—  de  Ros. 
Sigar  de  Ciocbes. 
Simon  de  Senlis. 
Thierri  Pointel. 


Tihel  de  Hérion. 
Toustain. 

—  de  Guéron. 

—  de  Sainte  Hélène. 

—  fils  de  Rou. 

—  Manlel. 

—  Tinel. 
Turold. 

—  de  Grenteville. 

—  de  Papelion. 
Vauquelin  de  Rosai. 
Vital. 

Wadard. 

D'Auvrecher  d'Angerville. 

De  Bailleul. 

De  Briqueville. 

Daniel. 

Bavent. 

De  Clinchamps. 

De  Courcy. 

Le  Vicomte. 

De  Tournebut. 

De  ïilly. 

Danneville. 

D'Argouges. 

D'Auvay. 

De  Canouville. 

De  Cussy. 

De  Fribois. 

D'Héricy. 

D'Houdelot. 

De  Mathan. 

De  Montfiquet. 

D'Orglande. 

Du  Merle. 

De  Saint  Germain. 

De  Sainte  Marie  d'Aignaux. 

De  Touchet. 

De  Venois. 


Aussitôt  après  l'arrivée  du  cortège ,  M.  l'abbé  Rivière , 
vicaire-général ,  est  monté  en  chaire  et  a  exprimé ,  au  nom 
de  Mgr.  l'Évêque ,  tous  les  regrets  du  vénérable  prélat  de 
n'avoir  pu  se  rendre  à  cette  imposante  cérémonie.  Il  a  dit 
combien  il  s'associait  à  la  gloire  qui  entoure  les  compagnons 
de  Guillaume-le-Conquérant.  Prenant  pour  texte  ces  mots: 
Gaîtdeie,  quia  nomina  vestra  scripta  sunt  in  cœlo,  M.  l'abbé 


622  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

Rivière  a  expliqué  le  motif  pour  lequel  l'Église  venait  con- 
sacrer cette  cérémonie  ,  dont  il  a  fait  ressortir  le  touchant 
caractère.  Il  a  terminé  en  faisant  appel  à  la  générosité  de 
l'Assemblée  pour  permettre  de  faire  des  réparations  au  mo- 
nument religieux ,  dépositaire  de  celui  destiné  à  perpétuer  le 
souvenir  d'une  grande  époque. 

Après  le  discours  de  M.  l'abbé  Rivière  ,  M.  l'abbé  Le 
Petit,  secrétaire-général  de  la  Société  française  d'archéologie, 
entouré  d'un  nombreux  clergé,  s'est  rendu  près  de  la  porte 
principale ,  et  a  procédé  aux  cérémonies  d'usage.  Une  dépu- 
tation  composée  de  M.  de  Caumont,  de  M.  le  général  de 
Courson,  de  M.  le  comte  d'Angerville,  de  M.  de  la  Chouquais, 
de  M.  Boulatignier,  de  M.  Théry,  et  de  M.  Léopold  Delisle , 
suivait  le  clergé.  Cette  partie  de  la  cérémonie  terminée ,  un 
Domine  salvum  solennel  a  été  chanté  par  les  Sociétés  chorales 
de  Dozulé,  de  Bayeux,  et  les  Céciliens  de  Caen,  sous  la  direc- 
tion de  M.  A.  Cariez;  puis,  les  Orphéons  ont  chanté  d'une 
manière  fort  remarquable  une  cantate,  composée  pour  la  cir- 
constance, dont  les  paroles  sont  dues  à  M.  Charles  Malo  ,  et 
la  composition  musicale  à  M.  Jules  Cariez.  Pendant  toute  la 
cérémonie,  la  bonne  musique  du  33e.  a  fait  entendre  de 
graves  morceaux ,  parmi  lesquels  on  a  surtout  remarqué  le 
Trovaiore. 

A  cinq  heures,  la  fouis  reprit  la  direction  de  Dives, 
et  les  invités  allèrent  s'asseoir  autour  d'une  immense  table 
splendidement  servie  dans  l'intérieur  de  la  halle.  Près  de  200 
convives  étaient  présents ,  parmi  lesquels  nous  citerons  : 
M.  Challe,  d'Auxerre  ;  M.  le  duc  d'Harcourt,  ministre  pléni- 
potentiaire; M.  de  Brébisson,  M.  Choisy,  délégués  de  Falaise; 
M.  Leguay  ,  maire  de  Falaise ,  membre  du  Conseil  général  ; 
M.  le  baron  de  Surval,  de  Quesnay;  M.  Saint-Jean,  de  Bret- 
teville,  maire,  membre  du  Conseil  général;  M.  ïoutain , 
maire  de  Sr.-Pierre-sur-Dive;  M.  le  général  Creully,  délégué 


17  AOUT  1862.  623 

de  la  Société  impériale  des  Antiquaires  de  France;  M.  Le- 
court,  de  Pont-1'Évêque  ;  M.  le  comte  de  Saint-Paterne, 
d'Alençon;  M.  de  Liesville,  de  Pierrefitte  ;  M.  Le  Ilarivel- 
Durocher,  sculpteur;  M.  Achard  de  Vacognes,  de  Bayeux; 
M.  Lambert,  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Bayeux; 
M.  Georges  Villers,  adjoint  au  maire  de  cette  ville;  M.  le 
vicomte  de  Toustain  ,  maire  de  Vaux-sur-Aure  ;  M.  le  mar- 
quis Arthur  de  Fournès ,  de  l'Institut  des  provinces  ;  M.  le 
comte  du  Manoir,  maire  de  Juaye  ;  M.  Daufresne,  membre 
du  Conseil  général  ;  M.  de  Chênedollé,  de  Vire;  M.  Isidore 
Cantrel,  secrétaire  de  la  Société  de  Vire;  M.  Danne,  rece- 
veur des  Contributions  directes;  M.  le  marquis  d'Aigneaux, 
de  File-Marie  ;  M.  Luard  ,  maire  de  Honfleur ,  membre  du 
Conseil  général  ;  M.  le  prince  valaque  de  Handjéry  ,  de  Li- 
sieux  ;  M.  Prétavoine  ,  maire  de  Louviers  ,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces;  M.  Renault,  avocat ,  premier  adjoint  de 
Louviers  ;  M.  Paris  d'Illins,  maire  de  Villers-sur-Mer  ;  31.  de 
Witt,  membre  du  Conseil  général,  gendre  de  M.  Guizot  ; 
1YL  le  comte  d'Angerville,  conseiller  à  la  Cour  ;  M.  L.  Heltier, 
membre  du  Conseil  général  ;  M.  Dansin ,  professeur  d'his- 
toire; M.  Le  Danois,  de  Paris;  M.  de  Croisilles,  président  de 
la  Société  Philharmonique  du  Calvados  ;  M.  de  Banville , 
membre  du  Conseil  général  de  l'Orne;  M.  le  comte  de  Landal, 
d'Ille-et- Vilaine;  M.  le  marquis  de  Carbounel,  d'Avranches, 
avec  ses  deux  fds  ;  M.  de  Courson  ,  receveur  des  finances  ,  à 
Domfront  ;  M.  d'Herval,  maire  de  Vasouy  ;  M.  de  Formigny  de 
La  Londe,  M.  Duférage,  de  Caen  ;  M.  Lamotte,  architecte,  à 
Caen;  RI.  Manoury  d'Hectot,de  l'Orne  ;  M.  de  Franqueville, 
ancien  conseiller  municipal,  à  Caen;  M.  Bin-Dupart,  membre 
de  la  Société  Linnéenne  de  Normandie  ;  M.  Postel,  secrétaire  de 
la  Société  de  médecine  de  Caen  ;  tous  ceux  que  nous  avons  cités 
comme  assistant  à  la  séance  académique  internationale,  etc., 
etc.  La  presse  parisienne  était  représentée  par  plusieurs  de 


624  SÉANCE  ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

ses  membres ,  parmi  lesquels  nous  citerons  MM.  Pitre-Che- 
valier et  Heuzé. 

Par  une  attention  délicate ,  les  organisateurs  du  banquet 
avaient  placé  devant  chaque  invité  le  menu  des  mets  qui 
allaient  lui  être  servis  ;  au  dos  de  cette  carte  se  trouvait  l'ex- 
plication de  la  partie  de  la  Tapisserie  de  Bayeux  qui  ornait  la 
salle.  Voici  cette  explication,  qu'on  ne  lira  pas  sans  intérêt  : 

e<  Au  centre  du  tableau  se  trouve  le  duc  Guillaume  de 
«  Normandie  ,  assis  sur  son  trône,  ayant  à  sa  gauche  Odon  , 
a  évêque  de  Bayeux.  Ils  apprennent  l'un  et  l'autre,  avec  in- 
«  dignation,  que  Harold  s'est  fait  proclamer  roi  des  Anglais; 
(i  ils  tiennent  conseil  et  décident  qu'une  descente  aura  lieu 
«  en  Angleterre. 

«  A  gauche  d'Odon,  se  lient  debout  l'ingénieur  en  chef 
«  des  constructions  navales,  que  le  duc  et  son  frère  avaient 
ci  fait  appeler  et  qui  reçoit  l'ordre  de  construire  immédiate- 
ce  ment  des  navires.  La  figure  de  cet  ingénieur  exprime 
«  l'élonnetnent  et  la  préoccupation  que  lui  inspire  la  mission 
«  dont  il  est  chargé.  Il  porte  une  hache  de  la  main  droite. 

«  D'un  côté  du  groupe  que  nous  venons  de  décrire ,  se 
«  trouvent  des  charpentiers  :  les  uns  abattent  des  arbres  ;  les 
«  autres  rabotent  des  planches;  d'autres,  enfin,  assemblent 
«  les  pièces  des  navires  ,  puis  les  traînent  à  la  mer.  A  droite 
ci  du  duc,  d'autres  personnages  embarquent  des  armes  et  des 
«  provisions  ;  un  d'eux  porte  sur  son  épaule  un  des  petits 
ce  barils  encore  en  usage  dans  le  Pays-d'Auge  pour  contenir 
ci  le  cidre;  plus  loin,  les  navires  mettent  à  la  voile.  Cette  der- 
ci  nière  partie  du  tableau  paraît  tout-à-fait  se  rapporter  au 
«  départ  du  port  de  Dives.  » 

Au  dessert ,  des  toasts  ont  été  portés  dans  l'ordre  où  nous 
allons  les  reproduire  : 


17  août  1861  625 

Toast  à  l*K«îBS!>«*rc»iir,  à  l'âuniteVatrlcc  et  à  la  ISeine  d'An- 
gleterre, par  M.   le  Maire  de  Boives. 

«  A  S.  M.  l'Empereur  des  Français  !  A  S.  M.  l'Impé- 
ratrice !  Au  Prince  Impérial  ! 

«  Puisse  cette  famille,  si  chère  à  la  France,  jouir  de  tout 
le  bonheur  dont  elle  est  digne,  et  qui  est  nécessaire  au  salut 
du  pays  ! 

«  A  S.  M.  la  Reine  Victoria  î 

((  Vive  l'Empereur  !  » 

Toast  à  B5.  le  eSacvaliei9  de  Kossi,   pa;'  lï.    de  Caumont. 

«  Messieurs  , 

«  Nous  commençons  à  nous  faire  vieux,  mes  amis  et  moi  ; 
vieux  laboureurs,  il  nous  faudra  bientôt  cédera  d'autres  les 
manchons  de  la  charrue  ,  et  nous  léguerons  avec  confiance  à 
ceux  qui  doivent  nous  succéder  la  mission  de  travailler 
à  l'œuvre  que  nous  avons  commencée.  Cette  œuvre  n'a 
jamais  eu,  je  crois,  pius  d'utilité  que  par  le  temps  qui  court. 
Le  monde  qui  vient  fera  bon  marché  des  souvenirs;  ce 
monde ,  qui  se  présente  dans  le  lointain  sous  une  forme 
un  peu  abstraite,  fera  table  rase  de  bien  des  choses  que 
nous  aimons  et  que  nous  respectons.  Je  crains  même  ,  et 
Dieu  veuille  que  ces  prévisions  n'aient  rien  de  fondé  !  je 
crains  qu'il  ne  fasse  subir  à  la  civilisation  moderne  une  com- 
plète transformation. 

«  Mais,  après  la  tempête,  vient  le  calme  :  c'est  une  loi 
du  monde  physique;  c'est  aussi  une  loi  du  monde  moral.  Use 
trouvera  toujours  des  hommes  qui  recueilleront  les  épaves 
dont  le  rivage  sera  couvert  après  la  tempête ,  et  les  travaux 
historiques  ne  seront  jamais  complètement  perdus. 


G2(i  SÉANCE  ACADÉMIQUE  INTERNATIONALE. 

«  Vous  tous  qui  devez  nous  succéder,  je  vous  conjure 
donc  de  travailler  avec  courage,  persévérance  et  dévoue- 
ment; de  ne  vous  laisser  intimider  ni  par  les  obstacles,  ni 
par  les  dangers ,  s'ils  peuvent  se  rencontrer  sur  vos  pas  :  les 
dangers  ,  d'ailleurs  ,  même  dans  les  temps  les  plus  difficiles, 
n'existent  que  pour  les  paresseux  et  pour  les  lâches. 

«  Je  viens,  Messieurs,  porter  un  toast  à  l'un  des  hommes 
les  plus  éminents  de  celte  école  qui  doit  nous  succéder  , 
à  M.  le  chevalier  de  Rossi ,  conservateur  de  la  bibliothèque 
du  Vatican  ;  à  M.  de  Rossi ,  dont  les  profondes  connaissances 
ont  devancé  les  années,  et  dont  l'Europe  admire  les  savantes 
recherches. 

«  Continuez  vos  travaux,  Monsieur  de  Rossi;  que  la  vapeur 
vous  vienne  en  aide:  qu'elle  vous  transporte,  d'un  bout  à 
l'autre  de  l'Europe  ,  dans  toutes  ces  grandes  bibliothèques 
dont  vous  savez  si  bien  exhumer  les  richesses!  Que  la  va- 
peur vous  vienne  en  aide  :  elle  est  venue  à  point  pour  vous  ; 
elle  est  venue  un  peu  tard  pour  nous.  Continuez  ce  grand 
ouvrage  dont  vous  nous  avez  présenté  ce  malin  le  premier 
volume,  et  qui  sera  un  des  monuments  littéraires  les  plus 
importants  du  XIX'.  siècle  ! 

«  Conservez-nous  surtout  ces  trésors  épigraphiques  et 
paléographiques  que  Sa  Sainteté  Pie  IX  a  confiés  à  votre 
garde  ;  conservez-nous  ces  trésors  de  Rome ,  de  celte  Rome 
que  les  barbares  de  toutes  les  époques  ont  convoitée ,  et  que 
notre  généreuse  France  protège  encore ,  à  l'heure  qu'il  est , 
contre  leurs  atteintes. 

«  A  vous ,  Monsieur  de  Rossi ,  dont  l'Italie  savante  est 
fière,  et  que  nous  sommes  fiers  ,  nous,  de  voir  aujourd'hui 
prendre  part  à  ce  banquet  fraternel  et  international  !  » 

(Applaudissements  prolongés.  ) 


17  août  1862.  027 


Kcponse  de  SI.  le  chevalier  tic  Etossi. 

«  Je  remercie  M.  le  vicomte  de  Caumont  des  paroles  irop 
honorables  pour  moi  qu'il  a  bien  voulu  m'adresser.  Je  suis 
fier  de  représenter,  dans  cette  réunion  d'élite,  ma  patrie  qui 
est  la  patrie  de  tous  ceux  qui  aiment  les  sciences,  les  arts  , 
la  vraie  civilisation.  La  ville  éternelle  est,  à  uu  titre  encore 
plus  spécial,  la  patrie  de  ceux  qui  cultivent  les  études  de 
l'antiquité,  dont  elle  est  la  plus  majestueuse  dépositaire.  Elle 
est  surtout  la  patrie  des  Français,  qui,  continuant  les  grandes 
traditions  du  grand  héros  de  la  chrétienté,  Charlemagne,  la 
sauvegardent  et  la  protègent  contre  toute  attaque ,  contre 
tout  danger. 

«  Au  nom  donc  de  Rome,  honneur  à  la  France,  fille  aînée 
de  l'Église  !  honneur  à  la  France  savante  !  honneur  à  cette 
illustre  Société  ,  qui ,  animée  par  le  zèle  et  l'activité  inces- 
sante, depuis  trente  ans,  de  son  renommé  fondateur,  main- 
tient et  vivifie  dans  toute  l'étendue  de  votre  beau  pays,  et 
bien  au-delà  de  ses  limites ,  le  goût  des  monuments ,  le  soin 
de  leur  conservation  ,  l'étude  de  leur  importance  historique 
et  artistique  !  » 

Toast  à  XI.  Léopold  Delisle ,  par  M.  de  Catimouf. 

«  Nous  fêlons  aujourd'hui  le  souvenir  de  ceux  qui ,  au 
XIe.  sièc!e ,  ont  exécuté  une  grande  entreprise  ,  entreprise 
dont  le  succès  a  contribué  ,  plus  qu'on  ne  le  croit  peut-être  , 
au  progrès  de  la  société  des  XIe.  et  XIIe.  siècles.  Cette  pensée, 
qui  nous  réunit  sous  un  édifice  noirci  par  le  temps,  m'autorise 
à  vous  demander  un  souvenir  pour  d'autres  Normands,  pour 


628  SÉANŒ   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

tous  ceux  qui  ,  durant  la  longue  période  du  moyen-âge  et 
à  notre  époque,  ont  travaillé  avec  courage  aux  progrès  de  la 
civilisation,  des  arts,  des  lettres,  de  la  richesse  et  de  la 
prospérité  publiques.  \ous  avez  déjà,  ce  matin,  accueilli  les 
propositions  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  soumettre  à  ce 

sujet. 

«  La  liste  en  sera  longue,  et  un  jour,  je  l'espère,  nous 
trouverons  une  place  pour  ce  livre  d'or  sur  un  monument 
public  de  la  ville  de  Rouen. 

<(  En  attendant  que  le  tableau  soit  complet ,  je  prends 
le  dernier  anneau  de  la  chaîne  qui  unit  le  présent  au  passé , 
et  je  porte  un  toast  à  notre  jeune  et  savant  compatriote, 
M.  Léopold  Delislc,  que  son  talent,  son  travail  opiniâtre,  sa 
judicieuse  critique  et  sa  science  profonde  ont  placé  à  la  tête 
de  l'école  historique  de  France  ;  à  M.  Léopold  Delisle , 
l'auteur  de  V Histoire  de  ïagriadture  en  Normandie  durant 
Le  moyen-âge,  le  courageux  explorateur  de  nos  cartulaires , 
celui  que  51.  Guérard  qualifiait  de  a  Catalogue  vivant  des 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale  ! 

«  A  M.  Léopold  Delislc ,  l'allié  des  Eurnouf,  qui  auront 
leur  place  aussi  dans  le  livre  d'or  de  la  Normandie;  car 
cette  famille  appartient  au  département  de  la  Manche,  qui 
la  revendique  comme  une  de  ses  gloires  ! 

«  A  M.  Léopold  Delisle  ,  l'auteur  de  la  Liste  des  com- 
pagnons de  Guillaume  que  nous  venons  d'inaugurer! 

«  Il  était  au  milieu  de  nous  il  y  a  quelques  moments; 
forcé  de  partir  avant  la  fin  de  cette  journée  ,  il  n'est  pas 
moins  présent  par  le  cœur  et  par  la  pensée  à  ce  banquet 
international. 

h  A  M.  Léopold  Delisle  ,  membre  de  l'Institut  !  » 

(  Applaudissements.) 


17  août  1862.  029 


Toast  de  SI.  le  tïuc  «rilarcour*. 

«  Messieurs, 

«  Pcrmellez-moi  de  prendre  ma  part  de  ce  brillant  sou- 
venir de  notre  Normandie,  qu'on  peut  appeler  ici  une  réunion 
de  famille.  Je  réclame  à  cet  effet  votre  indulgence  dont  j'ai 
besoin  :  à  mon  âge,  on  n'est  plus  bon  à  grand'chose!  L'ima- 
gination ,  la  mémoire  nous  font  défaut.  Heureusement  le 
cœur  reste,  et  le  mien  est  toujours  aussi  chaud  que  par  le 
passé  quand  il  s'agit  de  notre  patrie  de  France,  et  surtout  de 
notre  patrie  plus  intime  de  Normandie  ;  car  ,  vous  le  savez  , 
les  lieux  qui  nous  ont  vus  naître  ont  toujours  un  charme 
indéfinissable  ,  et  je  suis  persuadé  qu'un  véritable  Normand 
voit  avec  plus  de  plaisir  les  pommiers  de -son  pays  que  les 
plus   beaux  arbres  de  l'univers  ! 

a  Mais,  Messieurs,  ce  n'est  pas  seulement  le  sol  de  la 
Normandie  qui  a  droit  à  notre  amour  :  il  est  encore  rempli 
de  glorieux  souvenirs!  Je  ne  sache  pas  de  nation  qui  ,  avec 
une  population  aussi  restreinte  ,  ait  accompli  des  faits  aussi 
extraordinaires.  S'ils  n'étaient  pas  attestés  par  des  témoi- 
gnages historiques  qu'on  ne  saurait  révoquer  en  doute ,  on 
serait  tenté  de  croire  qu'ils  ont  pris  naissance  dans  les  lé- 
gendes. 

'<  Les  premiers  Normands ,  avec  leurs  barques  de  peaux  , 
ont  remonté  presque  toutes  nos  grandes  rivières  de  France, 
et  il  a  tenu  à  bien  peu  de  chose  qu'ils  ne  s'emparassent 
de  Paris ,  ce  qui  aurait  eu  lieu  probablement  sans  la  bra- 
voure de  son  évêque. 

«  C'est  un  normand  nommé  Rarick  qui  a  donné  des 
lois  à  la  Russie,  et  y  a  fondé  une  dynastie  qui  a  duré  près 
d'un  siècle  ! 


630      SÉANCE  ACADÉMIQUE  INTERNATIONALE. 

«  Les  Normands  ont  régné  à  Naples  el  en  Sicile  ;  ils  se 
sont  emparés  une  fois  de  Rome. 

«  Tout  le  monde  connaît  les  exploits  de  Tancrède  de 
Hautcville  et  de  ses  douze  frères. 

«  Nos  ancêtres  ont  fait  souvent  trembler  la  France  et, 
enfin,  ils  ont  accompli  cette  fameuse  conquête  de  l'Angle- 
terre qui,  au  contraire  de  tant  d'autres,  a  survécu  aux 
conquérants  et  a  été  le  berceau  d'une  des  plus  grandes 
nations  des  temps  modernes  ! 

«  Certes,  ce  sont  là  de  glori  ux  souvenirs  ! 

«  Mais,  depuis  lors,  cette  situation  a  subi  bien  des  mé- 
tamorpboses!  Autres  temps,  autres  mœurs! 

«  Et ,  en  vérité ,  nous  n'avons  pas  trop  le  droit  de  nous 
en  plaindre,  car  il  faut  le  reconnaître:  à  cette  époque,  les 
droits  de  l'humanité  étaient  méconnus  !  La  guerre  était  tout, 
et  le  règne  de  la  force  était  le  seul  ! 

«  Aussi,  quand  l'instruction  ,  les  lumières,  les  progrès  de 
la  civilisation  eurent  percé  ce  chaos  du  moyen-âge  où 
régnaient  tant  de  désordres  à  côté  des  vertus  les  plus  hé- 
roïques, on  commença  à  reconnaître  que  si  la  guerre  avait 
des  agréments  pour  ceux  qui  la  faisaient,  elle  en  avait  fort 
peu  pour  ceux  qui  étaient  obligés  de  la  subir.  On  vit  bientôt 
qu'elle  était  la  ruine  d'un  pays,  et  qu'en  définitive  elle  finis- 
sait par  tourner  au  préjudice  des  vainqueurs  aussi  bien  que 
des  vaincus!  On  mit  la  guerre  au  second  rang,  et  toutes  les 
préoccupations  se  tournèrent  du  côté  des  arts  de  la  paix,  de 
l'industrie  et  surtout  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  de 
l'agriculture,  que  Sully  a  appelées  depuis,  avec  tant  de 
raison,  les  mamelles  de  l'État. 

«  Les  progrès  dans  ce  genre  furent  d'abord  lents,  comme 
il  arrive  dans  toutes  les  transformations ,  et  ce  n'est  guère 
qu'à  l'époque  de  1789  que  Cagrictdture  commenta  à  prendre 
son  essor. 


17   AOUT   1862.  (VSl 

«  Quand  on  lit  le  voyage  si  justement  célèbre  d'Arthur 
Young  sur  l'agriculture  en  France  à  celte  époque ,  il  est 
impossible  de  n'être  pas  frappé  des  progrès  qu'elle  a  faits 
depuis  ! 

«  Tous  les  reproches  que  le  célèbre  voyageur  nous  fai- 
sait à  cette  époque  ont  presque  entièrement  disparu, 
surtout- cet  absentéisme  des  propriétaires  à  qui  il  adressait 
des  paroles  si  a  mères. 

«  Aujourd'hui ,  les  grands  propriétaires  tiennent  tous  à 
honneur  d'être  cultivateurs;  ils  vont  chercher  partout  dos 
instruments  agricoles  plus  perfectionnés  ,  des  races  d'ani- 
maux supérieures;  encore  un  pas,  et  nous  arriverons  à  la 
perfection  !  Nous  pouvons  braver  presque  partout  la  concur- 
rence ;  l'Angleterre  elle-même  vient  chercher  chez  nous  ses 
denrées  alimentaires  ! 

«  L'Angleterre,  Messieurs,  est  une  grande  nation!  mais 
elle  a  les  défauts  de  ses  qualités  :  elle  est  jalouse  et  veut  do- 
miner partout  !  On  a  beau  faire,  nous  n'embrasserons  jamais 
Les  Anglais  qu'à  moitié  ,  et  ils  seront  toujours  nos  adver- 
saires. Ce  qu'il  faut  aujourd'hui ,  c'est  de  faire  tourner  cet 
antagonisme  au  profit  de  tout  le  monde. 

«  Annibal  prétendait  qu'on  ne  pouvait  vaincre  les  Romains 
qu'à  Rome.  Il  faut  aussi  faire  la  guerre  aux  Anglais  chez 
eux,  non  pas  sur  les  champs  de  bataille,  mais  sur  les  mar- 
chés ;  non  pas  avec  des  canons,  mais  avec  des  produits  de 
l'industrie!  Ce  sont  là  de  ces  guerres  qui  enrichissent  tout 
le  monde  et  stimulent  au   plus  haut  point  l'intelligence! 

«  Nous  avons,  à  la  vérité,  beaucoup  à  faire!  N'est-ce 
pas  un  triste  spectacle  que  de  voir  les  nations  européennes  se 
déchirer  entr'elles ,  au  lieu  d'employer  leur  supériorité  à 
civiliser  le  monde  entier ,  comme  il  leur  serait  si  facile  de 
le  faire  si  elles  marchaient  de  concert  vers  ce  but? 

«  Mais,  hélas!  au  lieu  de  faire  Un  si  noble  emploi  de 


632  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

leur  intelligence,  elles  emploient  tout  leur  savoir-faire  à  dé- 
trôner le  plus  doux  des  hommes  ,  le  chef  de  la  chrétienté,  et 
à  maintenir  l'intégrité  de  l'empire  ottoman,  qui  nous  a  tou- 
jours considérés  comme  des  chiens ,  et  nous  traiterait  encore 
de  même  s'il  en  avait  la  force.  C'est  là  ,  il  faut  l'avouer, 
une  singulière  manifestation  du  christianisme,  ce  qui  ne 
ressemble  gnère  à  celle  de  nos  ancêtres  normands  à  l'époque 
des  Croisades  ! 

«  Espérons  que  ces  aberrations,  qui  ne  font  pas  beaucoup 
d'honneur  aux  grandes  puissances  de  l'Europe ,  auront  un 
terme  ! 

«  Je  termine  en  proposant  un  toast  en  l'honneur  de  notre 
digne  président,  qui,  depuis  long-temps,  emploie  son  temps, 
sa  fortune  et  son  grand  savoir  à  introduire  chez  nous  les  arts 
utiles,  et  à  faire  faire  des  progrès  à  la  science.  Je  souhaite, 
de  tout  mon  co'ur,  qu'il  puisse  remplir  long-temps  une  aussi 
honorable  mission  !  » 

(  Bravos  prolongés.) 

Toast  giorlû  pat*  33.  Be  comte  Fouelier  de  Careîl. 

«  Messieurs, 

«  J'applaudis  de  tout  mon  cœur  aux  nobles  paroles  de 
M.  le  duc  d'Harcourt  :  il  vient  de  prouver  qu'on  peut  être 
tout  à  la  fois  un  descendant  de  la  conquête  et  un  conserva- 
teur libéral,  éclairé  par  l'expérience  de  son  temps. 

«  Comme  lui,  Messieurs,  je  respecte  le  passé  :  je  suis  d'un 
œil  curieux,  dans  le  récit  de  vos  chroniqueurs  et  sur  cette 
toile  (1),  la  trace  du  vaisseau  de  Guillaume  abordant  à  travers 

(1)  La  salle  était  ornée  d'une  copie  de  la  célèbre  Tapisserie  de 
fiayeux,  représentant  l'embarquement  de  Guillaume  à  Dives. 


17  AOUT  18G2.  633 

mille  obstacles  sur  la  rive  anglaise  ;  j'honore  surtout  ce  grand 
souvenir  de  l'aristocratie  normande  que  la  Société  française 
d'archéologie  a  voulu  rendre  plus  impérissable  encore  en  gra- 
vant sur  la  pierre  les  noms  des  conquérants. 

«  Mais,  Messieurs,  si  grand  que  soit  le  passé,  il  y  a  quelque 
chose  de  plus  grand  encore  :  c'est  ce  mystérieux  inconnu 
qu'on  appelle  l'avenir,  et  ce  passé  que  nous  célébrons  en  ce 
jour  n'a  de  prix  à  mes  yeux  que  parce  qu'il  est  l'école  du 
présent  et  la  préparation  de  l'avenir. 

«  Je  vous  propose  donc  un  toast  à  l'avenir  agricole ,  in- 
dustriel et  maritime  de  la  Normandie;  et  ce  toast  sera  bien 
accueilli,  je  l'espère,  parce  qu'il  résume  les  principaux  élé- 
ments de  votre  grandeur. 

«  Messieurs,  après  l'incroyable  oppression  du  monde  par 
l'Empire  romain .  tout  d'un  coup  on  vil  s'élever  sous  le  nom 
de  Barbares  le  flot  tumultueux  de  l'invasion  ,  et  l'homme  du 
Nord-  apparut  dans  son  indépendance  et  sa  liberté  un  peu 
sauvage  que  n'avait  pas  encore  adoucie  le  christianisme.  Ces 
audacieux  fils  de  Rollon  se  jouaient  sur  les  flots  dans  leurs 
barques  légères;  ils  se  riaient  de  la  tempête,  remontaient  les 
fleuves,  démontaient  leurs  navires  quand  ils  rencontraient  un 
obstacle  et  les  portaient  à  dos  d'homme  ou  de  cheval.  C'est 
ainsi  qu'ils  remontèrent  jusqu'à  Rouen  et  s'établirent  au 
cœur  de  ce  beau  pays  qui ,  de  leur  nom  ,  fut  appelé  Nor- 
mandie. «  S'appeler  Normand,  dit  Augustin  Thierry,  l'Ho- 
mère de  votre  grande  épopée,  fut  d'abord  un  titre  de 
noblesse  :  c'était  le  signe  de  la  liberté  et  de  la  puissance.   » 

«  Messieurs  ,  je  ne  m'étonne  pas  que  de  tels  hommes , 
soumis  à  la  rude  discipline  des  mœurs  chrétiennes,  déjà 
pénétrés  par  l'esprit  de  la  civilisation  latine  ,  et  rencontrant 
enfin  dans  le  bâtard  de  Uoberi-le-Diable  un  politique  habile, 
un  chef  expérimente ,  aient  été  fonder  un  royaume  en  An- 


634  SÉANCE   ACADÉMIQUE    INTERNATIONALE. 

gleterre.  Ils  étaient  poussés  par  ce  flot  des  invasions  qui 
étaient  comme  le  reflux  de  l'humanité  opprimée  et  captive. 
L'homme,  déplacé  de  son  centre ,  oscillait ,  comme  le  pen- 
dule ,  du  midi  jusqu'au  nord ,  ou  de  l'est  à  l'ouest ,  et  cher- 
chait une  patrie  :  novam  terram  ,  nova  sidéra  quœrens.  Les 
Normands,  agités  par  ce  souffle  puissant,  en  proie  à  ce  mou- 
vement des  migrations ,  allèrent  fonder  des  empires  au  nord 
et  au  midi:  Guillaume  en  Angleterre,  Robert  Guiscard  en 
Sicile.  Ils  furent  un  moment  la  terreur  du  monde ,  l'effroi 
et  la  préoccupation  de  Charlemagne  mourant  ;  puis,  comme 
un  fleuve  débordé  rentre  dans  son  lit,  apaise  ses  eaux  et  se 
met  à  couler  tranquille  le  long  de  ses  rives  qu'il  féconde  ,  le 
grand  fleuve  normand  rentre  dans  son  lit,  et  ce  fut  au  tour 
des  Anglais  de  chercher  à  envahir  la  France,  qu'ils  fatiguèrent 
de  leurs  incursions  sans  jamais  la  réduire. 

«  Le  retour  de  cet  âge  héroïque  de  la  race  normande  est- 
il  probable,  est-il  désirable?  Messieurs,  quelques  esprits 
inquiets  paraissent  le  craindre,  et,  ce  qui  m'étonne,  ces 
frayeurs  se  sont  produites  de  l'un  et  de  l'autre  côtédudétroit  ; 
mais  croient-ils  sérieusement  à  ce  retour?  Je  ne  le  pense  pas. 
Le  flot  des  invasions  a  depuis  trop  long-temps  passé  sur  4c 
monde  désormais  assis  sur  des  bases  plus  stables  qu'au  temps 
de  Guillaume.  Et  ceux  qui,  simulant  une  nécessité  qui  n'est 
plus  dans  l'histoire  ,  poussent  les  peuples  les  uns  sur  les 
autres  aujourd'hui ,  succombent  par  la  force  même  des 
choses  qui  les  repousse.  Voyez  les  plus  grands  capitaines  : 
ils  passent  avec  leur  armée  sur  le  monde,  et  7  pieds  de  terre 
les  attendent  au  bout  de  leur  Iliade  impossible.  Dieu  lui-même 
semble  écrire  sur  leur  tombe  :  «  Il  n'est  plus  temps.   » 

«  Messieurs  ,  on  s  étonne  du  succès  de  Guillaume.  Mais 
l'invasion  normande  ne  fut  pas  le  caprice  d'un  homme  armé, 
ou  la  vaine  promenade  d'un  conquérant  sur  le  sol  d'Albion  : 
ce  fut  l'accomplissement  des  destinées  promises  à  la  race  nor- 


17  AOUT   186-2.  635 

mande,  la  fin  dos  invasions,  le  dénouement  de  celte  grande 
migration  qui  avait  fait  trembler  le  monde;  ce  fut,  de  plus , 
une  véritable  appropriation  du  sol  et  presque  l'absorption  totale 
de  la  propriété  au  profit  du  vainqueur.  Ce  fut  donc  bien 
moins  une  conquête  qu'un  établissement.  Le  peuple  nomade 
et  voyageur  par  excellence ,  l'enfant  de  l'Aquilon  et  de  la 
Tempête  se  fixait  enfin  ;  l'Angleterre  devenait  son  domaine 
et  sa  ebose  :  voilà  le  sens  et  la  portée  de  l'expédition  de 
Guillaume. 

o  Essayer  de  la  refaire ,  aujourd'hui  que  ces  grandes 
migrations  des  peuples  ont  cessé  pour  faire  place  à  l'écou- 
lement périodique  et  régulier  du  trop  plein  de  notre  population 
vers  des  contrées  lointaines ,  ce  serait  témérité  ou  folie.  Si 
les  invasions,  pour  être  sérieuses  et  réelles,  doivent  dépendre 
du  surcroît  de  la  population  qui  cherche  forcément  une 
issue,  comme  de  nouveaux  essaims,  quelle  apparence,  quel 
symptômes  d'invasion  peut-il  y  avoir  aujourd'hui  dans  le 
monde?  L'économie  politique  nous  démontre  que  des  lois 
fixes  régissent  ce  mouvement  annuel,  qu'il  est  paisible  et 
réglé  dans  son  cours ,  qu'on  peut  le  préciser  presque  avec 
une  ligueur  mathématique. 

«  Ce  mouvement  est  toujours,  en  effet,  dans  le  rapport  de 
la  terre  ou  des  subsistances  qu'elle  produit  avec  la  population 
qui  l'habite  et  qui  les  consomme.  Or ,  notre  accroissement 
fie  population  en  France  est  si  faible,  qu'il  est  à  celui  de 
l'Angleterre  ,  dans  le  rapport  de  1  à  5  ,  c'est-à-dire  cinq 
fois  moindre  que  celui  de  la  race  anglaise  :  d'où  il  suit  que  , 
d'après  les  plus  simples  lois  de  l'économie  politique,  il  y 
aurait  cinq  fois  plus  de  chances  pour  que  nous  fussions 
envahis  par  l'Angleterre ,  qu'il  n'y  en  a  pour  que  nous  l'en- 
vahissions. Je  livre  cet  argument  à  M.  Cobden  :  il  pourra 
lui  servir  à  calmer  les  terreurs  de  lord  Palmerston. 

«  Ce  qui  doit   nous  rassurer,    c'est  que  l'Angleterre, 


636  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE, 

toujours  avisée  et  prudente  quand  il  s'agit  de  ses  intérêts , 
trouvera  sans  doute  plus  commode  de  nous  inonder  de  ses 
produits,  que  de  nous  envoyer  ses  volontaires  et  ses  rifletnen 
et  autres  denrées  d'un  difficile  placement  en  France. 

«  Messieurs,  je  ne  veux  pas  m'arrêter  plus  long-temps 
à  discuter  le  rêve  et  la  chimère.  Il  y  a  des  terreurs  feintes , 
il  y  en  a  de  paniques.  J'ignore  de  quel  genre  est  celle  qu'en 
exploite  en  ce  moment  de  l'autre  côté  du  détroit,  mais  il 
faut  avouer  qu'elle  est  singulière. 

«  Pour  nous,  Messieurs,  sachons  honorer  un  passé  glorieux , 
sans  prétendre  en  refaire  jamais  l'expérience  à  nos  dépens. 
Honorons ,  dans  le  passé ,  la  Normandie  guerrière ,  aris- 
tocratique et  conquérante;  mais  aimons  et  saluons  dans  le 
présent  cette  Normandie  agricole,  industrielle  et  maritime 
que  j'évoquais  tout-à-1'heure. 

«  Tenez,  Messieurs,  quelle  que  soit  mon  admiration  pour 
les  compagnons  de  Guillaume,  je  gage  que  Front-de-Brcuf 
et  Robert  Flambard  cultivaient  fort  mal  les  terres  qu'ils 
tenaient  de  la  munificence  du  Conquérant.  Un  troupeau  de 
serfs,  courbés  sur  la  glèbe,  y  faisaient  croître  un  pain  trempé 
de  larmes.  Aujourd'hui,  Messieurs,  je  vois,  assis  à  cette 
table,  des  descendants  de  la  conquête:  un  Harcourt,  un 
Toustain,  un  Angerville,  qui  cultivent  fort  bien  des  terres 
qu'ils  ne  doivent  qu'à  eux-mêmes;  je  vois  d'aimables  et 
intelligentes  châtelaines  qui  répandent  leurs  bienfaits  autour 
d'elles  et  font  aimer  le  nom  des  descendants  de  Guillaume  , 
non-seulement  dans  le  passé,  mais  surtout  dans  le  présent. 

:<  La  Normandie  agricole,  Messieurs,  est  la  reine  de  nos 
concours  et  de  nos  comices.  Son  char,  attelé  de  bœufs ,  se 
promène  chaque  année  dans  notre  capitale  pendant  les  fêtes 
du  moderne  Apis  ;  puis  on  le  voit ,  attelé  de  coursiers  ra- 
pides ,  parcourir  nos  hippodromes  normands.  Eh  bien  ! 
Messieurs,  croyez-vous  que  le  cheval  normand  du  XIe.  siècle, 


17  AOUT  1862.  637 

celui  même  qui  portait  Guillaume  à  Haslings,  pensez-vous 
que  ce  lourd  et  désagréable  animal  que  vous  avez  là  sous  les 
yeux,  sur  l'image  de  la  Tapisserie  de  Bayeux,  eût  disputé 
avec  avantage  le  prix  de  la  course  au  galop  ou  au  trot 
contre  les  chevaux  de  nos  éleveurs,  les  Aumont,  les  Basly  , 
les  Montforl,  les  Laplacc,  les  Douesnel ,  les  Castillon , 
les  Brion ,  les  Forcinal  et  tant  d'autres?  Aussi  bien,  Mes- 
sieurs, sous  la  forte  impulsion  qu'elle  a  reçue  du  général 
Fleury,  la  Normandie  agricole  peut  et  doit  devenir  en  peu 
d'années  le  premier  marché  du  monde  pour  les  chevaux  , 
sans  en  excepter  l'Angleterre;  et  c'est  là,  croyez-le  bien,  la 
seule,  la  vraie  conquête  de  l'Angleterre  par  les  Normands 
au  XIXe.  siècle. 

a  Je  me  trompe,  il  y  en  a  une  autre  :  l'industrie,  qui  n'était 
pas  née  au  temps  de  Guillaume,  et  qui  est  aujourd'hui  si 
puissante  à  Rouen  ,  si  florissante  à  Lisieux  ;  l'industrie,  qui 
peut  décupler  les  richesses  de  votre  sol  par  l'intelligente 
application  des  forces  que  la  nature  vous  a  prodiguées, 
vous  ménage  d'autres  luîtes,  mais  suivies,  je  l'espère,  de 
nouveaux  triomphes.  Et  c'est  la  seule  guerre  qu'il  faille  faire 
à  l'Angleterre. 

«  Enfin,  Messieurs,  en  face  de  cette  mer  aujourd'hui  cour- 
roucée, mais  d'ordinaire  si  belle,  comment  oublier  votre 
principale  gloire,  cette  Normandie  maritime  qui  a  laissé 
dans  l'histoire  une  trace  éclatante  ?  La  Normandie  maritime 
offre  à  nos  yeux  les  nouveaux  bassins  de  Cherbourg,  le  canal 
de  Caen  à  la  mer,  Honfleur  ressuscité,  et  cette  population 
de  marins  nourrie  aux  fatigues  du  vent  et  des  flots,  si  digne 
de  notre  sollicitude. 

«  Mais  ,  Messieurs ,  pourquoi  faut-il  qu'il  y  ait  une  ombre 
à  ce  tableau  ?  Ce  port  de  Dives ,  qui  a  contenu  les  400  vais- 
seaux de  Guillaume,  est  aujourd'hui  délaissé  presque  à  la 
merci  de  la  mer  qui,  d'un  jour  à  l'autre,  peut  achever 


638  SÉANCE    ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE. 

l'œuvre  de  destruction  déjà  commencée.  Espérons  que  l'ad- 
ministration éclairée  qui  préside  aux  destinées  de  ce  pays, 
et  qui  a  déjà  beaucoup  fait ,  fera  plus  encore  et  saura  pré- 
venir ou  même  arrêter  le  mal  ;  que  Dives  reprendra  son 
rang  parmi  les  ports ,  sinon  les  plus  favorisés ,  du  moins  les 
plus  utiles  de  la  côte  normande. 

«  Messieurs  , 

«  A  la  Normandie  agricole,  industrielle  et  maritime  !  » 

Toast  portië  i.ssv  S3.  le  conseiller  licnault. 

«  Messieurs  , 

«  Les  anciens  monuments ,  élevés  par  la  main  de  nos 
pères,  révèlent  souvent  aux  villes  des  titres  de  gloire  qu'elles 
peuvent  montrer  avec  un  juste  et  légitime  orgueil.  Sem- 
blables à  de  glorieuses  annales,  ils  retracent  à  la  mémoire 
des  populations  des  faits  et  des  souvenirs  qui  leur  inspirent 
des  idées  de  force,  de  grandeur  et  de  puissance,  et  qui 
réveillent  et  entretiennent  dans  les  esprits  des  sentiments 
d'un  pur  et  noble  patriotisme.  Aussi  voyons-nous  partout  les 
amis  de  nos  antiquités  nationales ,  qui  sont  aussi  les  amis 
de  la  gloire  et  de  l'honneur  de  leur  pays,  veiller  avec  un 
soin  religieux  à  la  conservation  de  nos  monuments  his- 
toriques ,  provoquer  en  leur  faveur  la  haute  bienveillance 
et  les  sympathies  de  l'autorité ,  et  lutter  avec  force  contre 
le  mauvais  génie  de  ces  hommes  qui  s'enrichissent  de  leur 
vandalisme  et  trafiquent  même  des  monuments  pleins  de 
souvenirs  que  le  temps  a  respectés. 

«  Permettez ,  Messieurs ,  à  un  enfant  de  Falaise ,  élevé 
près  du  berceau  de  Guillaume-le-Conquérant,  et  fidèle  in- 
terprète des  sentiments  de  ses  concitoyens  et  de  tous  les 


M  août  1.862.  639 

Normands  assis  à  ce  banquet  international,  de  porter  un 
toast  à  la  conservation  des  ruines  encore  si  imposantes 
de  la  vieille  forteresse  falaisienne  ,  si  riche  aussi  de  sou- 
venirs historiques  dont  plusieurs  se  rattachent  a  la  grande 
manifestation  de  ce  jour. 

«  Falaise  était  depuis  long-temps  déjà  une  cité  florissante, 
et  occupait  en  Normandie  un  rang  distingué  parmi  moult 
d'autres  bonnes  villes  et  châteaux ,  lorsqu'un  jour,  il  y  a 
huit  cents  ans  et  plus  ,  elle  vit  entrer  par  la  grande  porte 
de  son  château,  dans  l'enceinte  de  sa  citadelle  escarpée,  nous 
dit  la  Chronique  dans  son  naïf  langage ,  une  fort  belle  et 
gracieuse  pucelle,  nommée  Ariette  ,  laquelle  fut  si  bien  à  la 
grâce  du  duc  Robert,  qu'il  la  voidut  avoir  pour  amoureuse, 
et  par  ce  il  la  requist  affectueusement  à  son  père.  De  leurs 
amours  naquit  Guillaume  ,  que  le  duc  Robert  fit  honora- 
blement nourrir  à  Falaise. 

<(  Ce  fut  au  milieu  des  gens  de  guerre,  en  parcourant 
chaque  jour  ces  rochers  escarpés ,  d'une  nature  si  abrupte 
et  si  sauvage  ,  qui  environnaient  son  berceau ,  que  grandit 
Guillaume,  qu'il  apprit  à  braver  les  dangers,  et  acquit  ce 
caractère  audacieux  et  entreprenant  qui  fit  sa  gloire ,  le 
rendit  le  premier  homme  de  son  siècle  et  immortalisa  son 
nom. 

<•  Ce  fut  sous  les  murs  de  sa  ville  natale  que  Guillaume 
fit  ses  premières  armes  en  reprenant  le  château,  que  le  traître 
Toustain,  qui  y  commandait  pour  lui,  tentait  de  livrer  au 
roi  de  France. 

«  Ce  fut  de  son  château  de  Falaise  »  où  il  s'était  réfugié 
pour  échapper  aux  seigneurs  du  Dessin  et  du  Cotentin,  ré- 
voltés contre  lui ,  qu'il  partit  pour  aller  leur  livrer  cette 
fameuse  bataille  du  Val-ès- Dunes,  où  les  principaux  d'entre 
eux  furent  les  uns  tués  et  les  autres  faits  prisonniers. 

i  Ce  fut  dans  son  château  de  Falaise  qu'il  se  prépara  à 


6M  SÉANCE   ACADÉMIQUE   INTERNATIONALE, 

combattre  et  à  vaincre ,  à  Varaville ,  cette  ligue  formidable 
qu'avaient  formée  contre  lui  le  roi  de  France  et  plusieurs 
princes  souverains  des  provinces  voisines. 

«  Ce  fut  de  son  château  de  Falaise  qu'il  donna  rendez- 
vous ,  à  Dives ,  à  ces  capitaines,  à  ces  barons  normands, 
dont  nous  venons  de  placer  les  noms,  inscrits  en  lettres  d'or, 
sous  la  garde  et  la  protection  de  l'Église,  comme  pour  rap- 
peler les  sentiments  religieux  dont  firent  preuve,  la  veille 
de  la  bataille  d'Hastings,  ceux  dont  ils  retracent  le  glorieux- 
souvenir. 

«  Plus  tard,  cette  forteresse  ne  vit-elie  pas  sous  ses  murs 
Geoffroi  d'Anjou,  Philippe-Auguste,  Henri  V  d'Angleterre, 
Charles  VII  et  Henri  IV,  si  heureux  de  la  prise  de  la  ville  et 
du  château,  qu'il  s'empressa,  par  une  lettre  datée  de  Falaise, 
d'informer  de  cette  victoire  la  dame  de  ses  pensées ,  celle 
qu'il  nommait  sa  charmante  Gabricile  ? 

«  Que  de  souvenirs  historiques  se  rattachent  à  celte  vieille 
forteresse ,  depuis  le  jour  où  elle  vit  naître  ce  héros  qui , 
dans  les  champs  d'Hastings ,  échangea  si  glorieusement  son 
surnom  de  Bâtard  contre  celui  de  Conquérant,  et  son  manteau 
ducal  contre  la  couronne  des  rois  ! 

«  Il  ne  nous  suffit  pas  de  rappeler  avec  orgueil  le  passé 
de  cette  forteresse,  l'un  des  plus  beaux  fleurons  de  la  cou- 
ronne des  ducs  de  Normandie  ;  songeons  aussi  à  son  avenir, 
songeons  à  sa  conservation.  Qu'une  glorieuse  confraternité 
unisse  désormais  Dives  et  Falaise;  et  si  l'église  de  Dives  redit 
aux  siècles  à  venir  les  noms  des  barons  normands  qui 
allèrent  à  la  conquête ,  que  le  vieux  château  de  Falaise  re- 
dise le  nom  du  capitaine  qui  les  conduisit  à  la  victoire. 

«  Buvons  donc,  Messieurs,  à  la  conservation  du  berceau 
de  Guillaume -le-Conquérant  !  » 


17   AOUT   1862.  fl',1 

Toast  porté  |iai>  II.  Julien  Travert. 

Un  toast  à  nos  aïeux,  aux  nobles,  aux  vilains, 
Surtout  ù  ces  derniers  dont  jamais  parchemins, 
De  duché,  de  comté,  vicomte,  baronnage, 
D'aucun  titre,  en  un  mot,  n'ont  payé  le  courage. 

C'étaient  de  braves  gens,  il  en  faut  convenir; 
Car  quel  temps  fut  plus  dur  ?...  et  nul,  nul  avenir 
Pour  ces  colons  du  sol,  supputés  tant  par  tête  ! 
A  ces  inféodés  qu'importait  la  conquête  ? 
Qu'importait,  je  vous  prie,  aux  rustres  du  Bessin  , 
Ou  le  (ils  de  Robert,  ou  le  fils  de  Godwin  ? 
Qui,  du  saxon  Harold,ou  du  normand  Guillaume, 
Saurait  mieux  par  le  fer  s'emparer  d'un  royaume? 
Nos  braves  restaient  serfs,  quel  que  fût  le  vainqueur. 
El  pourtant  (et  c'est  là  leur  éternel  honneur) , 
Sans  crainte,  sans  espoir,  ils  quittaient  leur  chaumière  ; 
De  leur  chef,  sans  murmure,  ils  suivaient  la  bannière, 
A  ses  côtés  marchaient,  combattaient  et  mouraient. 
Eux  aussi,  c'était  bien  un  sang  pur  qu'ils  versaient, 
Et  la  guerre  égalait  le  soldat  à  son  maître. 

En  vain  l'orgueil  plus  tard  voulut  le  méconnaître, 
Tous  firent  leur  devoir,  tous  !  Aux  champs  de  Hastings, 
On  ne  distinguait  pas  les  nobles  des  vilains. 
Honneur  ù  ces  guerriers  !  honneur  à  tous  ces  braves! 

Eh  !  parmi  leurs  aïeux  ,  les  rois  ont  des  esclaves  ; 
'  Les  esclaves,  des  rois  (1)  :  la  grande  extraction 

(1)  Plato  ait  neminem  regem  non  ex  servis  esse  oriundum  ,  neminem 
non  servu m  ex  regibus.  Omuia  ista  longa  varietas  mistuit ,  et  sursum  deorsum 
tortuua  versavit...  A  primo  mundi  ortu  usque  in  hoc  tempus  perduxit  nos  ex 
splendidis  sordidisque  alternala  séries...  Nemo  in  nostram  gloriam  vixit ,  nec 
quod  ante  nos  fuit  noslrum  est. 

M 


6/j2  SÉANCE  ACADEMIQUE   INTERNATIONALE. 

Nous  vient  d'Adam  et  d'Eve  ;  en  toute  nation 
Voyez  l'arbre  fameux,  la  généalogie  , 
Pousser  avec  vigueur,  mourir  sans  énergie. 
Pour  son  tronc  vénérable  ayons  un  saint  respect 
Sans  superstition  ;  jamais  à  son  aspect 
Nous  ne  devons  sentir  les  terreurs  d'un  autre  àgo. 
De  l'histoire  le  temps  a  retourné  la  page, 
Et  la  mâle  roture  a,  par  de  nobles  faits, 
Couronné  fièrement  l'éclat  du  nom  français. 
Célébrons  du  passé  les  splendides  victoires, 
Guillaume  et  ses  guerriers  ;  mais  nos  récentes  gloires , 
Mais  nos  vieux  généraux  partis  jeunes  soldats, 
Dans  ce  banquet  d'amis ,  ne  les  oublions  pas. 
Buvons ,  buvons  à  tous  sans  souci  de  la  race. 
Robert  était  un  duc  ;  revenant  de  la  chasse, 
Il  vit  Ariette,  Ariette  était  de  sang  bourgeois  , 
Et  leur  fils,  un  bâtard,  s'assit  au  rang  des  rois. 

Honte  à  qui  dégénère  I  honneur  à  qui  fait  tige  ! 
Chaque  siècle  a  ses  goûts  :  aujourd'hui  le  prestige 
S'attache  aux  parvenus,  et  ne  l'est  pas  qui  veut  ! 
Buvons  aux  aspirants,  à  qui  fait  ce  qu'il  peut  ; 
A  qui,  laissant  Paris  ou  les  bords  de  la  Dive, 
Marche  vers  un  grand  but  !...  souhaitons  qu'il  arrive. 

Buvons  à  nos  héros  de  tous  les  temps  ;  buvons 
Au  génie  accourant  de  tous  les  horizons; 
Buvons  (eu  rejetant  nos  discords  politiques) 
A  la  terre,  au  commerce,  aux  luîtes  pacifiques. 
N'allons  plus,  pour  tenir  à  des  droits  incertains, 
Porter  un  fer  impie  au  cœur  de  nos  voisins. 
Dans  tout  homme,  en  tout  lieu,  reconnaissons  un  frère: 
Buvons  à  lui,  buvons  à  la  paix  :  plus  de  guerre  ! 
Buvons  (en  abjurant  de  barbares  conflits) 
A  l'union  des  grands,  au  bonheur  des  petits. 


17  AOUT  1862.  tiVi 


Toast  de  11.  le  comte  de  l'onlenay. 


I. 


Enfants  delà  vieille  Neustrie , 
Venez ,  accourez  a  ma  voix  ; 
C'est  la  voix  de  cette  patrie 
Qui  nous  nillia  tant  de  fois. 
En  ce  jour  célébrons  Guillaume 
Et  tous  ses  hardis  compagnons  ; 
Jadis,  il  conquit  un  royaume, 
Soyons  ses  dignes  rejetons. 


II. 


Dans  ces  temps  de  nol  1j  mémoire 
Où  florissaient  nos  fiers  aïeux  , 
Tout  comme  eux,  songeons  à  la  gloire, 
Mais  soyons  moins  aventureux. 
Avec  nos  voisins  d'Angleterre 
Que  tout  vieux  levain  soit  banni, 
Et  puisse  enfin  toute  la  terre 
Ne  former  qu'un  Royaume- Uni! 

III. 

Aujourd'hui,  si  dans  tout  l'Empire 
On  voit  surgir  autant  d'efforts  ; 
Si  de  nos  poètes  la  lyre 
Retentit  des  plus  doux  accords, 
(/est  qu'au  pouvoir  le  Chef  qui  brille, 
De  l'Etat  puissant  directeur, 
Est  un  noble  fils  de  famille 
Dont  son  oncle  est  le  cixa'eur 


fi'l'l  SCANCK    AC.ADÉY1IOU.    I VI  l.li.N  AïiON AI.F. 

Toasf  des  délégués  de  l'Angleterre. 

Plusieurs  personnages  considérables  de  l'Angleterre  avaient 
annoncé  leur  arrivée  :  le  mauvais  temps  les  a  arrêtés  ;  mais 
l'un  d'eux  avait  envoyé  le  toast  suivant  : 

«  L'événement  que  vous  vous  proposez  de  célébrer  est  un 
de  ceux  qui  doivent  être  regardés  par  les  Anglais  avec  le 
plus  profond  intérêt  ;  car  ses  conséquences  ont  exercé  une 
influence  décisive  sur  leur  caractère  national.  Us  lui  doivent 
plusieurs  de  leurs  qualités  distinctives,  et  celles  même  dont 
notre  nation  est  le  plus  fière. 

n  Permettez-moi  donc  de  vous  parler  de  cet  événement  et 
de  ses  conséquences  à  un  point  de  vue  anglais. 

u  La  race  normande  était,  à  ce  qu'il  semble  ,  particulière- 
ment propre,  par  ses  origines,  à  exercer  une  influence  utile 
sur  la  nation  saxonne.  Leur  histoire  à  toutes  deux  prouve 
qu'elles  étaient  d'une  égale  vigueur,  mais  avec  cette  diffé- 
rence que  les  Saxons  avaient  gardé  dans  leur  séjour  insulaire 
les  mœurs  et  la  langue  des  Germains ,  tandis  que  les  Nor- 
mands avaient  fini,  dans  leur  séjour  en  France,  par  se  laisser 
pénétrer  d'une  autre  influence  et  par  recevoir  avec  une 
langue  de  souche  latine  quelque  chose  de  la  civilisation  ro- 
mane. Ils  transportèrent  ces  éléments  sur  le  sol  anglais  et  le 
modifièrent  profondément  par  cette  nouvelle  culture. 

«  Les  rapports  intimes  de  l'Angleterre  et  des  Anglais, 
non-seulement  avec  le  nord,  mais  avec  le  midi  de  la  France, 
dus  aux  alliances  et  aux  héritages  de  nos  rois  normands, 
ouvrirent  comme  autant  de  canaux  à  l'introduction  de  la 
civilisation  latine  et  surtout  aux  principes  des  lois  civiles  des 
Romains.  Vous  savez  que  l'anglais  n'est  qu'une  fusion  de  la 
langue  latine  avec  un  dialecte  germain. 


17   AULl'   1862.  6V"> 

«  Ce  ne  fut  que  beaucoup  plus  lard  que  les  principes  de 
la  liberté  saxonne  reprirent  la  suprématie  dans  les  institutions 
politiques  de  l'Angleterre. 

«  Permettez-moi  donc,  à  l'occasion  de  celle  fête  interna- 
tionale ,  de  réclamer  pour  l'Angleterre  et  de  rattacher  à  ce 
grand  événement  dont  vous  célébrez  le  souvenir  ,  le  mérite 
et  la  gloire  qui  nous  est  échue  de  former  la  transition  en 
Europe  entre  les  races  germaine  et  latine ,  d'avoir  réussi  à 
combiner  les  principes  de  la  liberté  germanique  dans  les 
institutions  politiques  avec  l'esprit  d'ordre  et  d'équité  de  la 
loi  romaine  dans  les  rapports  civils,  et  de  posséder  dans 
notre  langue  anglaise  un  instrument  de  pensée  et  de  discours 
qui  unit  la  précision  du  latin  à  l'abondance  plastique  et  à  la 
force  des  langues  germaniques. 

«  Je  ne  doute  pas  et  je  souhaite  que  la  cérémonie  du  17 
aoûl  obtienne  tout  le  succès  que  mérite  une  aussi  heureuse 
idée,  et  je  m'associe  cordialement ,  comme  Anglais,  à  cette 
fête  internationale.   » 

Cette  remarquable  appréciai  ion  des  faits  et  des  choses  clôt 
dignement  les  loasts  successivement  portés  au  banquet 
international  de  Dires. 

Des  remercîments  mérités  furent  adressés  à  MM.  les  com- 
missaires qui  avaient  organisé  les  transports  et  présidé  à  tous 
les  préparatifs  du  banquet,  à  MM.  de  Formignyde  La  Lotuic, 
Du  Férage ,  et  Le  Blanc,  qui,  dans  d'autres  circonstances, 
ont  donné  déjà  tant  de  preuves  de  leur  dévouement  et  de 
leur  habileté. 

Vers  9  heures  et  demie,  les  voitures  commencèrent  à  re- 
prendre la  direction  de  Caen,  et  déjà  on  était  loin  de  Dives 
et  de  sa  joyeuse  population  ,  lorsque  tout  à  coup  l'horizon  , 
venant  à  s'éclaircir,  fit  apparaître  une  pluie  lumineuse. 
C'était  un  feu  d'artifice  tiré  du  promontoire  dominant  le 
^  port  de  Dives,  où,  à  côté  du  monument  érigé  en   1861  par 


C46  SÉANCES  GÉNÉRALES    TENUES  A  APT. 

M.  de  Caumont ,  se  trouve  une  charmante  habitation  de 
M.  Foueher  de  Careil ,  et  d'où  les  gerbes  étinccîaales  appre- 
naient a  tous  les  environs ,  jusqu'au  Havre  même ,  que  la 
belle  fête  donnée  à  propos  de  l'inauguration  de  la  liste  des 
compagnons  de  Guillaume-!e-Conquérant  était  terminée. 

Le  Secrétaire  de  la  séance  académique  internationale, 
J.  Tkavers. 


SEANCES  GÉNÉRALES 

Teisces    a    APT    l  Y  AU  GLU  SE,). 


En  septembre  1862  ,  d'importantes  séances  générales  ont 
été  tenues  à  Apt  par  la  Société. 

Elles  avaient  été  préparées  par  MM.  Houx  ,  Berlue  de 
Pérussis ,  inspecteur  divisionnaire  ,  et  par  M.  Valèrc  Martin, 
inspecteur  du  département. 

Le  résumé  de  ces  réunions  va  être  publié  à  Marseille  par 
la  Société  de  statistique  des  Btiuchcs-du-Rhùnc. 


TABLE  DES  MATIERES, 


Liste  générale  des  Membres v 

Compte  de  M.  le  Trésorier mi 

CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

XXIX'".    SESSION 

(  à  saumur  1862). 

Séance  d'ouverture.  Présidence  de  M.  Louvet,  maire  de  Saumur.         1 
Liste  générale  des  membres  qui  ont  pris  part  au  Congrès.   .    .    Id. 

Composition  du  Bureau U 

Allocution  de  M.  Louvet  à  l'ouverture  de  la  séance  ....         5 

Réponse  de  M.  de  Caumonl 6 

Ouvrages  offerts  au  Congrès 8 

Analyse   de    plusieurs  communications  parvenues   à   M.   de 

Caumont 9 

Rapport  de  M.  Godard-Faultrier  en  réponse  aux  deux  ques- 
tions suivantes  : 
Présenter   le  tableau  des  [voies  romaines  de  l'Anjou  et  des 

contrées  voisines. 
Indiquer,  sur  une  carte,  la  position  de  toutes  les  localités 
de  la  même  région  dans  lesquelles  des  substructîons  ont 
été  observées. 
Arrondissements  d'Angers,  —  de  Baugé,  —  de  Cholel ,  — 
de  Saumur,  de  Scgré.  —  Stations  Robrica ,  —  Comba- 
ristum,  —  Segora.  —  Voies  de  Juliomagus  à  C;esaro- 
dunum,  — de  Juliomago  à  Condate,  à  Portu-Nannetu,  à 
Lemuno  et  à  Subdinum,  — d'Angers  à  Jublains.  —  Voies 
d'Angers  à  Tours,  à  Rennes,  à  Nantes,  à  Poitiers,  au 
Mans,  à  Jublains.  —  Voies  partielles  sur  les  arrondisse- 
ments de  Cholet ,  de  Baugé ,  de  Segré.  —  Discussion  de 
la  position  des  trois  stations    Segora,   Combaristum   et 

Robrica 10 

Autres  observations  sur  le  même  sujet. 2i 


O/iS  TABLE. 

1".  Séance  du  2  juin.  —  Présidence  de  M.  le  vicomte  de  Ge- 

nouilhac 26 

Communications  diverses Jd, 

Rapport  de  M.  Godard-Faultrier  en  réponse  à  la  question 
ainsi  conçue  : 

Quels  sont  les  vestiges  des  constructions  gallo-romaines  les 
plus  importantes?  En  présenter  des  plans  mesurés. 
Amphithéâtre.  — Capitole. —  Enceinte  gallo-romaine  d'An- 
gers.—  Bains.  —  Statuette  antique.  —  Camp  de  César  en 
Frémur,  près  d'Angers.  —  Camp  de  la  Segourie,  arron- 
dissement de  Cholet,  commune  de  Fief-Sauvin.  —  Camp 
de  Chenehutte,  arrondissement  de  Saumur 27 

Mémoire  de  M.  Godard-Faultrier  en  réponse  à  cette 
question  : 

En  quoi  consistent  les  monuments  épigraphiques  de  l'époque 

romaine  dans  le  pays? 58 

NTote  de  M.  Dupuis  sur  les   inscriptions  gallo-romaines  du 

musée  d'Orléans 71 

Anciens  ponts  sur  la  Loire  vers  le  milieu  de  son  cours.   ...       73 

Note  de  M.  l'abbé  Lacurie  sur  les  nouvelles  acquisitions  du 

Musée  lapidaire  de  Saintes 7i 

Renseignements  donnés  par  M.  le  commandant  Prévost  sur  le 

château  de  Saumur 76 

Note  de   M.   Prévost   sur    l'origine    et   la    nature  des   murs 

vitrifiés 77 

2'.   Séance  du  2  juin. —  Présidence  de  M.  de  La  Prairie.    ...       84 

Rapport  de  M.  Aubertin.  sur  les  antiquités  de  l'?rrondissement 

de  Beaune 85 

Rapport  de  M.  Godard-Faultrier  en  réponse  à  la  question  rela- 
tive aux  tombeaux  gallo-romains  trouvés  dans  la  contrée. 
Deux  classes  :  !••  celle  des  urnes;  2*.  celle  des  cercueils 
en  plomb.  —  Lampes  sépulcrales.  —  Buste  et  statuettes.       89 

Communications  sur  le  même  sujet 106 

Réponse  à  cette  question  : 

A-t-on  trouvé,  dans  la  région,  des  églises  autres  que  celles 
signalées  depuis  long-temps  par  M.  de  Cautnont ,  qui 
puissent  remonter  à  l'époque  mérovingienne  ou  cailo- 
vingienne? 109 


TABLE.  649 

Communications  diverses  sur  les  caractères  de  l'architec- 
ture et  de  la  sculpture  mérovingiennes 111 

Communication    de    M.  de   Caumont   sur    les     recherches 
qu'il    poursuit    relativement    à    l'histoire    de    l'art    à 
l'époque  mérovingienne 116 

Quelques  mots  sur  une  tète   d'ange  en  plâtre  provenant  de 

la  chapelle  StvCroix,  à  Leiches 119 

3  juin.  —  Visite    à   Chenehutte ,  St.-Macè,    Trêves,    Gennes , 

Cunautt  et  St.-Florent  —  Présidence  de  M.  de  Caumont.  121 

Carte  des  environs  de   Saumur 122 

Les  Tufleaux 123 

Exploration  du  Camp  de  Chenehutte 125 

Gennes.  —  Appareils  du  théâtre.  —  Bains.  —  Église   St.- 

Vétérin 128 

Église  de  St.-Eusèbe 138 

Cunault 139 

Trêves.  —  St.-Macé ,  141 

St.-Florent-lès-Saumur 145 

lre.  Séance  du  h  juin.  —  Présidence  de  M.  Ramé.  ......     148 

Communication  de  M.  Ramé  sur  les  églises  de  Cravant,  de 

St.-Mesme  de  Chinon   et  de  Rivière 149 

Observations  de  M.  de  Caumont  sur  l'église  de  Tourtenay.    .     152 

Réponse  à  la  question  suivante  : 

Y  a-t-il  dans  la  région  d'autres  églises  à  coupoles  que  celle 
de  Fontevrault?  Peut-on  en  signaler,  dans  les  dépar- 
tements voisins ,  qui  n'aient  pas  été  citées  par  M.  de 
Verneilh  dans  son  bel  ouvrage  sur  l'architecture  byzan- 
tine?   153 

Note  de  M.  de  La  Tourette  sur  le  dolmen  de  Poncé,   près 

Loudun  (Vienne) 154 

2«.  Séance  du  4  juin.  —  Présidence  de  M.  de  Verneilh 157 

Mémoire  de  M.  le  comte  de  Galembert  sur  cette  question  : 
Quelles  églises  de  la  région  possèdent  des  vitraux  peints,  des 
pierres  tombales,  des  pavés  émaillés,  des  peintures  mu- 
rales, des  inscriptions,  des  boiseries  sculptées,  des 
tableaux  intéressants,  des  tapisseries,  des  statues  an- 
6ennes? 158 


650  TABLE. 

Peinture 162 

Sculpture 167 

Localités  citées  par  M.   Godard-Faultrier  comme   possédant 

des  peintures  murales 179 

Résumé  d'un  mémoire  de  M.  Godard-Faultrier  sur  les  ta- 
pisseries possédées  par  la  cathédrale  d' Angers,  les  églises 
de  St. -Pierre  de  Saumur  et  de  Nantilly 4  83 

Quelques  mots  du  même    sur   plusieurs  boiseries   sculptées 

existant  à  la  Trinité  d'Angers  et  ailleurs 186 

Réponse  à   la  question  suivante  : 

Signaler   les   autels   et  les   fonls  baptismaux    anciens,   les 
cloches  à  inscriptions  gothiques,  les  objets  d'orfèvrerie  et 
les    autres   meubles  et    ornements  du   moyen-àge   que 
renferment  encore  les  églises  de  la  région 187 

5  juin. — Excursion  à   Fontevrault ,   Candcs  et    Chinoa. —  Pré- 
sidence de  M.  Louvet 188 

Fontevrault ld. 

Candes.  — St. -Germain 1S9 

Chinon  :  Églises  de  St. -Maurice  et  de  St. -Etienne.  —  An- 
cienne collégiale  de  St.-Mesme.— Château.—  St. -Georges 

de  la  Rivière 214 

1".  Séance  du  6  juin. —  Présidence  de  M.  Prévost,  capitaine  du 

génie 218 

Communications  diverses 219 

Coup-d'œil   sur  les    documents   relatifs   a  l'histoire  du   pays 

donnés  par  M.    l'abbé  Biïffaut,  de   Saumur 220 

Divers  objets   offerts  par  M.  Godard-Faultrier  au  musée  de 

Saumur 221 

Mémoire  de  M.  Parrot  sur  le  trésor  de  l'ancienne  abbaye 
des  Bénédictins  de  Sl.-Florent-lès-Saumur  en  réponse 
à  la  question  suivante  : 

Signaler  les  autels  et  les  fonts  baptismaux  anciens  ;  les  cloches 
à  inscriptions  gothiques ,  les  objets  d'orfèvrerie  et  les 
autres  meubles  et  ornements  du  moyen-âge  que  ren- 
ferment encore  les  églises  de  la  région 222 

Autres  communications  sur  la  même  question 234 

Observations  sur  la  proposition  suivante  :  Faire  connaître  les 

anciennes  croix  de  cimetière 1<I. 


TABLB.  051 

Discussion  sur  la  question  ainsi  conçue  : 

Quels  sont  les  monuments  et  les  objets  d'art  ou  d'antiquité 
dont  la  conservation  est  menacée?  Quels  sont  ceux  qui 
ont  été  récemment  détruils,  perdus  ou  aliénés?  Quel 
souvenir  en   a-t-on  gardé  ? 235 

Visite  du  Musée 239 

2e.  Séance  fin  (i  juin.  —  Présidence  de  M.  Godard-Faultrier.    .     244 
Craintes  exprimées  au  sujet  du  magnifique  hôpital  d'Angers.     245 
rtemercîmenls  adressés  à  plusieurs  personnes  pour  des  con- 
servations et  des  restaurations  intelligentes II. 

Fragments  d'un  mémoire  de  M.   Raimbault  sur  les  châteaux 

de  Monsoreau  et  de  la  Bouchardière  en  réponse  à  cette 

question  : 

Indiquer  les  châteaux  et  les  manoirs  les  plus  eu  lieux  par 

leur  antiquité,  les  particularités  de  leur  architecture  ou 

leurs  souvenirs  historiques 247 

Quelques  mois  sur  les  tapisseries  de  Nantilly 248 

Halles  de  Saumur .     249 

Note  sur  la  question  de  savoir  s'il  existe,   dans   la  région, 

d'anciens  étalons  pour  mesurer  les  grains.  Jil. 

Réponse  de  M.  Raimbault  aux  deux  questions  suivantes  : 
A  quelle  époque  remontent  l'industrie  et  le   commerce    des 
chapelets  à  Saumur,    et  celle  des   objets  en   verre  et  en 

émail  de  cette  ville? 250 

Possède-t-on,  à  Saumur,  la  charte  de  fondation  de  la  mairie  ?     253 

1  isite  au  monument  celtique  de  Bagneux  et  à  la  villa  Desmarais. 

—  Présidence  de  M.  de  Caumont 254 

1  isite  des   anciennes  maisons  de   la  ville  de  Saumur.  —  Prési- 
dence de  M.  Jolv 255 

1  isite  de  la  pyramide  du  cimetière  de  St.-Xicolas 259 

3e.    Séance.  —  Séance    publique   de    clôture.  —  Présidence   de 

M.  Louvet 261 

Résumé  du  compte-rendu   de  l'étude   faite  à  l'église  deSl.- 

Jean,  par  M.   de  Verneilh Id. 

Distribution  des  récompenses 263 

Allocations 264 


652  TABLE. 

7  foin. —  Excursion  à  Distré,  à   Montreuil- Bellay  ei  à  Puy- 

Nolre-Damc.  —  Présidence  de  M.  Louvet 266 


CONFERENCES  ARCHEOLOGIQUES,  A  SAUMl'R,  PENDANT  Lh   SESSION 
DO  CONGRÈS. 

Considérations  générales 273 

1".  Conférence.  L'architecture  militaire  de  la  Loire,  par 
M.  de  Caumont  :  Tableau  de  la  Gaule  sous  la  domi- 
nation romaine.  —  Murs  d'enceinte  construits  avec  les 
débris  de  monuments  publics  sacrifiés  et  démolis  pour 
se  mettre  à  l'abri  des  invasions  des  Barbares.  —  Archi- 
tecture militaire  mérovingienne  et  carlovingienue.  — 
Châteaux  au  IVe.  siècle.  —  Châteaux  aux  Xe.  et  XIe. 
siècles.  —  Donjons  aux  XIe.  et  XIIe.  siècles.  —  Impor- 
tantes innovations  dans  l'architecture  militaire  aux  XIIe. 
et  XIIIe.  siècles.  —  Châteaux  du  XIVe.  siècle 274 

2*.  Conférence.  Résumé  d'une  conférence  sur  l'architecture 
des  châteaux  en  Touraine  et  en  Anjou  aux  XVe.  et 
XVIe.  siècles,  par  M.  Victor  Pktit  :  Aperçu  rapide  de 
l'aspect  des  constructions  seigneuriales  de  la  vallée  de 
la  Loire.  —  Développement  subit  en  Anjou  et  en  Tou- 
raine de  ce  style  architectural  militaire  si  élégant  et  si 
monumental  qui  brille  avec  tant  d'éclat  dans  les  châteaux 
de  Langeais,  d'Ussé,  du  Coudra} -Montpensier,  de  Mont- 
soreau,  etc. — Époque  de  la  construction  de  ces  châteaux. 
—  Transformation  architecturale  au  commencement  du 
XVIe.  siècle  par  l'apparition  du  style  italien 292 

3e.  Conférence.  —  Influences  byzantines  en  Anjou  aux  XIIe. 
et  XIIIe.  siècles,  par  M.  F.  de  Verneilh  :  Caractère 
de  l'architecture  byzantine.  —  Rotondes  romaines.  — 
Coupoles  proprement  dites.  —  Parallèle  de  StVSophie  de 
Constantinople  et  de  St.-Pierre  de  Rome.  —  Introduction 
et  naturalisation  en  France  de  l'architecture  byzantine 
par  la  construction  de  St. -Front  de  Périgueux.  —  Autres 
importations  de  l'architecture  orientale  entre  la  Loire  et 
la  Garonne. —  Église  à  coupoles  de  Fontevrault,  copie 
de  la  cathédrale  d'Angoulcme.  — Autres  imitations  dans 


TAiii.i:.  ().*>:'> 

l'Anjou.  —  Fusion  entre  le  système  byzantin  et  le  sys- 
tème ogival. — Formation  en  Anjou  du  style  ogival  dit 
style  Plantagenet 308 

MEMOIRES    PRÉSBNTÉS    AU    CONGRES. 

Exploration  des  tumulus  du  département  du  Finistère,  par 
M.  Duchatellier  :  Considérations  générales  sur  l'utilité , 
au  point  de  vue  de  l'histoire  surtout,  de  l'étude  de  tous 
les  monuments  celtiques  existants.  —  Remarques  géné- 
rales sur  les  monuments  explorés.  —  Menhirs,  dolmens 
et  tumulus  du  canton  de  Pont-PAbbé  :  Tumulus  du 
Palud,  de  Rosmeur,  de  Kerboulon  et  de  Croix-ar- 
Gloannec  dans  la  commune  de  Penmarch.  —  Tumulus 
de  Poulguen.  —  Tumulus  de  Kéléarn,  de  Trévignon  ,  et 
nécropole  de  Lesconil  dans  la  commune  de  Plobannalec. 
—  Remarques  générales  sur  le  tracé,  la  construction  et 
l'âge  de  ces  sortes  de  monuments.  —  Conclusion.    ...     318 

Rapport  sur  les  fouilles  archéologiques  faites  à  Cassel  (Nord) 
et  à  Wissant  (Pas-de-Calais),  par  M.  L.  Cousin  : 
Fouilles  de  1861  :  à  Cassel,  — à  Wissant,  —  dans  les 
dunes  de  Wissant ,  —  au  mont  d'Averlot.  —  Fouilles  de 
1862:  cimetière  du  Gaze- Vert ,  — Fort-César ,  —  Motte- 
Carlin,  —  Motte-du-Vent  et  Motte-du-Bourg,  —  cimetière 
du  lieu  dit  les  Croquets,  —  emplacement  de  l'ancien 
port  de  Wissant, — vieux  chemins  de  Wissant,  — chemin 
de  Wissant  à  Landretun,  —  chemin  Vert.  — Liste  des 
objets  provenant  des  fouilles  archéologiques  faites  à 
Wissant,  à  Audembert  et  à  Hervelinghen 349 


CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

XXIXe.    SESSION. 

SECONDE    PARTIE    TENUE     A    LYON    LE    18    SEPTEMBRE    ET    JOURS 
SUIVANTS. 

lr».  Séance  du  18  septembre. — Promenade  dans  Lyon 391 

2e.   Séance  du  18  septembre.  —  Présidence  de  M.  de  Surigny.    .     39/j 


654  'FABLE. 

Liste  des  membres  inscrils  ponr  cette  session 394 

Mémoire  sur  l'invasion  des  Sarrazins  dans  le  Lyonnais,   par 

M.  Vingtrinier 397 

Autres  observations  sur  le  même  sujet 416 

lre.  Séance  du  19  septembre.  —  Présidence  de  M.  de  Caumont.     il  7 

Ouvrages  offerts  au  Congrès 41;$ 

Quelques  mots  sur  un  travail  de  M.  Debombourg  relatif  à  la 
division  géographique  du  département  du  Rhône ,  depuis 

les  temps  anciens /,/. 

Notice  sur  l'amphithéâtre  et  l'autel  d'Auguste  a  Lugdunum, 

par  M.  Martin-Daussigny /,', 

Observations  sur  plusieurs  opinions  émises  par  M.  Martin- 
Daussigny  453 

Mémoire  de  M.  Chipier  sur  les  anciens  aqueducs  de  la  rive 

droite  de  la  Saône.' 454 

Indication  sommaire  de  l'importance  de  la  collection  épigra- 
phique  du  musée  de  Lyon  et  de  son  intérêt  au  point  de 
vue  historique,  par  M.  Martin-Daussigny 462 

2e.  Séance  du  19  septembre.  —  Présidence  de  M.  de  Caumont.     468 
Explications  données  par  M.  Marlin-Daussigny  aux  membres 

du  Congrès  dans  les  galeries  du  musée  lapidaire.   .   .      ld, 

'ù*.  Séance  du  19  septembre.  —  Présidence  de  M.  Martin-Daus- 
signy • 492 

Explications  données  par  M.  le  Président  sur  les  assemblées 

nationales  qui  avaient  lieu  au  mois  d'août  a  Lyon.   .      là. 

Observations  diverses   sur  le  même  sujet 495 

Résumé  d'un  fragment  d'un  ouvrage  de  M.  de  Saint-Andéol, 
ayant  pour  titre  :  Architecture  religieuse  dans  l'ancienne 
■province  romaine,   du  1er.  au  XIQ.  siècle 496 

Mémoire  de  M.  Savy  sur  l'unité  de  la  cathédrale  de  Lyon. 

Observations  au  sujet  de  ce  mémoire 497 

4e.  Séance  du  19  septembre. —  Présidence   de   M.   le  conseiller 

Valentin  Smith ht. 

Mémoire   de    M.    Martin-Daussigny   sur    la  topographie    de 

Lugdunum  au  IVe.  siècle 498 

Autres  communications ,     503 


TABLK.  655 


SEANCES   TENUES    A    VIENNE. 

lr«.  Séance  du  20  septembre.  —  Présidence  de  M.  de  Caumont.  504 

Examen  de  la  basilique  St.-Pierre Id. 

Fragment  d'un  mémoire  de  M.  de  TerrebaSse  sur  le  tombeau 

de  saint  Mamert 510 

Vœu  émis  au  sujet  de  l'église  St.-Pierre 513 

Quelques   mots  sur  la  visite  de  la   collection  lapidaire  qui 

doit  bientôt  prendre  place  dans  cette  église 514 

Examen  des  magnifiques    fresques   gallo-romaines   trouvées 

prés  du  château  de  Pipet ld. 

2e.  Séance   du    20  septembre.  —  Présidence  de   M.    V.   Berthin, 

membre  du  Conseil  général 515 

Résumé  d'un  discours  prononcé  par  M.  V.  Berthin  à  l'ouver- 
ture de  la  séance ld. 

Aperçu  des  communications  faites  par  M.  V.  Teste  sur  les 
monuments  antiques  de  Vienne,  sur  ses  vestiges  antiques 
exhumés  et  sur  le  monument  de  l'Aiguille 515 

Quelques  mots   sur   la  conservation  et  la  consolidation  des 

monuments,  par  MM.  de  Surigny  et  de  Caumont.  .   .    .     516 

Plan  de  Vienne  soumis  à  l'examen  du  Congrès 518 

Visite  à  la  cathédrale  de  St. -Maurice 520 

—  au  temple  de  Livie 521 

—  au  musée  de  Mme.  Michoud  et  au  reste  de  la  ville.    .    .     522 

CLÔTURE    DU    CONGRÈS,     A    LYON. 

Réunion    du    Congrès   a   l'Hôtel-de-Ville   de  Lyon.    Visite  des 

restaurations  de  ce  palais,  le  27  septembre 523 

Séance    de    clôture    au    palais    St. -Pierre.    —    Présidence   de 

M.  l'abbé  Le  Petit 524 

Communications  diverses Id, 

Compte-rendu  de  la  visite  faite  par  M.  Canat  de  Chizy 
au    musée    céramique  fondé   nouvellement    au  village 

d'Aoste  (Isère) 525 

Autres  communications 526 


65Ô  TABLÉ. 

Note  sur  la  géographie  romaine  du  pays  des  Osismiens  (Finistère;, 
présentée  au  Congrès   archéologique  par  M.  le  docteur 

E.  Halléguen,  de  Chàteaulin 520 

Note  sur  Carhaix,  par  le  Même 531 

Recherches  sur  le  caractère   architectural  de   la  cathédrale  de 

Lyon,  présentées  au  Congrès  archéologique  par  M.  Savy.     535 


PROCES-VERBAL  DE    LA  SÉANCE  TEXUE  AU  MANS, 

Le  10  février  1862. 
Présidence  de  M.  le  comte  de  Maillt. 

Compte-rendu  de  l'emploi  des  fonds  votés  et  appliqués  aux 
fouilles  pratiquées  sur  la  place  du  Château  du  Mans, 
par  M.  Hucher 559 

Quelques  mots  sur  la  restauration  de  l'église  du  Pré.  .   .   .     560 

Observations  sur  les  peintures  murales  de  l'église  de  la  Cou- 
ture, suscitées  par  la  lecture  d'un  mémoire  de  M.  d'Es- 
paulart ,  intitulé  :  De  l'art  religieux-  considéré  sous 
quelques-unes  de  ses  formes 361 

Aperçu  du  travail  de  M.  David  sur  quelques  anciens  autels 

récemment  découverts  dans  le  Maine.  ........     563 

Résumé  de  l'improvisation  de  M.  Le  Pelletier,  de  la  Sarthe, 
sur  l'important  problème  de  l'époque  de  l'introduction 
du  christianisme  dans  les  Gaules 564 

Calque  in  extenso  de  l'intéressante  peinture  murale  du  XVe, 
siècle  qui  se  trouve  dans  l'église  de  Châteaux  l'Hermitage, 
par  M.  Hucher Ié. 

Communication    sur    les    singulières   inscriptions   indiquées 

comme  découvertes  auprès  de  Neuvy-sur-Baranjon  (Cher).     565 

Observations  de  M.  l'abbé  Voisin  sur  divers  monuments  de  la 

Sarthe 566 

Appréciation  d'une  brochure  de  M.  le  comte  de  Vidranges, 
intitulée  :  Des  anneaux  et  des  rouelles ,  antique  monnaie 
des  Gaulois,  par  M.  Hucher .     567 

Deux  nouvelles  planches  inédites  de  l'ouvrage  de  M.  Hucher, 


TABLE.  (>.*>7 

intitulé  :  Calques  flca  vitraux  peints  (!>■  lu  cathédrale  du 

Mans 508 

Quelques  observai  ions  sur  les  prochains  congrès   présentées 

par  M.  de  Caumont  à  la  lin  de  la  séance Id. 


SÉANCE  TENUE  PAR  LA  SOCIÉTÉ   FRANÇAISE  D'ARCHÉO- 
LOGIE A  ELBEUF, 

Le  jeudi  10  juillet  1862. 

Présidence  de  M.  de  Ci.awh.lk. 

Lettre  de  M.  Pannier  sur  l'église  collégiale  de  la  Saussaye, 
près  Klheuf,  et  sur  les  églises  de  St.-Martin-la-Corneille, 
de  St.-Pierre-des-Cercneils  et  de  Tliuit-Signol Id. 

Communication  de  Mme.  Philippe-Lemaitre  sur  l'abondanle 
récolte  d'objets  antiques  découverts  à  Écaquelon,  près  de 
Montfort-sur-Risle 578 

Quelques  mots  de  M.  G.-V.  Grandin  sur  diverses  découvertes 
d'antiquités  romaines  faites  à  la  Fossc-aiix-Moutcs  à  Cau- 
debec-lès-Elbeuf 579 

Compte-rendu  présenté  par  M.  l'abbé  Cochet  sur  la  décou- 
verte récente  de  sépultures  faite  à  Tourville-la-Rivière, 
près  Elbeuf 579 

Quelques  mots  de  M.  Thaurin  sur  les  découvertes  faites  à 
Rouen,  à  l'occasion  des  démolitions  récentes  et  du  creuse- 
ment des  égouts 580 

Nécessité,  pour  l'histoire  d'Elbeuf,  de  dresser  le  plus  tôt 
possible  un  vaste  plan  des  terrains  où  l'on  découvre  des 
antiquités  et  d'un  registre  d'inscriptions  des  découvertes, 
par  M.  Bordeaux 581 

Observations  présentées  par  le  Même  sur  les  découvertes  d'an- 
tiquités que  les  travaux  du  chemin  de  fer  de  Serquigny 
à  Rouen  ont  fait  faire 5S2 

Visite  à  Pitres  et  à  l'église  d'Alisay,  par  M.  de  Caumont.  .    .      Id. 


6">î$  TABT.E. 

SÉANCE  ACADÉMIQUE   IXTERXATiONALE  TENUE  A  MVES, 

Le  17  août  18G2. 

But  et  préparation  de  celle  fêle 584 

Allocution  de  M.  le  Maire  de  Dives  à  l'arrivée  du  cortège.    .     585 
Séance   tenue   dans  la   halle  sous   la   présidence  de  M.   de 

Caumont 586 

Liste  des  notabilités  présentes  au  bureau Id. 

Discours  de  M.  de  Caumont  à  l'ouverture  de  la  séance.  .   .    .     587 

Communication  faite  par  le  Même 590 

Mémoire  de  M.  Hippeau  sur  la  conquête  d'Angleterre  par  les 

Normands 591 

Résumé  de  l'improvisation  de  M.  le  chevalier  de  Rossi  rela- 
tive à  ses  immenses  travaux  sur  les  onze  mille  inscrip- 
tions chrétiennes  des  premiers  siècles  de  notre  ère.   .   .     601 
Discours  de  M.  Challe,  d'Auxerre,  sur  les  rapports  qui  pou- 
vaient relier,   à  l'époque  de  la  conquête,  la  Bourgogne 

avec  la  Normandie  et  l'Angleterre 602 

Esquisse  présentée  par  M.  J.  Travers  sur  le  mouvement  intel- 

tellectuel  et  artistique  de  la  Normandie  au  XI*.  siècle.   .     609 


INAUGURATION    ET    BENEDICTION    DE    LA    LISTE. 

Liste  des  compagnons  de  Guillaume 617 

Cérémonie  à  l'église 621 

Banquet  dans  la  Halle 622 

Liste  des  principaux  convives 623 

Explication  de  la  partie  de  la  Tapisserie  de  Rayeux  qui  ornait 

la  salle 624 

Toasts  portés  au  banquet 625 


Cac»,  lyp.  de  A.  Hardel. 


Caen,  Imp.  de  A.  Hardel. 


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