"Par les
films de Kurosawa, nous pouvons tous approcher l'âme du Japon"
Zhang Yimou (Hero)
Le
film se déroule au XVI° siècle : des paysans d'un
petit village doivent faire face aux attaques annuelles d'une bande
de brigands d'une quarantaine d'hommes, qui vient piller toutes les
récoltes. Désespérés, ils ne savent plus
que faire pour garder de quoi manger pendant le reste de l'année
: certains proposent de cacher une partie de la récolte, d'autres
prônent une solution plus radicale, qui a déjà fait
ses preuves dans d'autres villages : faire appel à des ronins.
Après une âpre discussion, qui fait ressortir les peurs
des paysans, le village décide d'envoyer quatre représentants
en ville, à la recherche de samouraïs. Le problème,
c'est qu'il n'ont que du riz à offrir à des mercenaires,
et subissent de nombreuses humiliations par des samouraïs qui ne
cherchent que de l'argent.
Le hasard les met cependant en contact avec Kambei, noble vétéran,
qui, émut par leur détresse, décide de rallier
leur cause. Il faut alors se mettre en quête d'autres samouraïs,
ce qui devient plus facile avec un leader comme Kambei.
Après avoir trouvé 5 autres ronins, le groupe se met en
route pour le village. Cependant, un intrus les suit, qui semble complètement
fou : c'est Kikuchiyo (Mifune) que le groupe, d'abord railleur, va finalement
accepter.
Après avoir monté un système de défense
dans le village (les deux groupes apprennent alors à se connaître
et à travailler ensemble), les protagonistes attendent anxieusement
la bataille finale.
Shichinin
no Samourai (Les Sept Samourais) est un des monuments du
cinéma mondial, et le film de Kurosawa qui a le plus influencé
les occidentaux et les cinéastes américains. Il fera en
effet l'objet d'un remake américain (Les Sept mercenaires
de John Sturges), mais influencera indirectement Sam Peckinpah,
Francis Ford Coppola, ou encore George Lucas qui déclarera avoir
vécu "une expérience bouleversante" et
un "véritable choc culturel" à la vue
de ce film.
Souvent catalogué comme une sorte de western nippon, il s'en
démarque pourtant en substituant aux notions de héros,
de bons et de méchants, des rapports de force et de dépendance.
De plus, Kurosawa est très éloigné des mythes fondateurs
du western : les samouraïs ne sont ni des héros ni des surhommes
(on voit Kikuchiyo pleurer devant le spectacle de la pauvreté
des paysans et Kambei déclarer après la victoire finale,
devant le spectacle des samouraïs morts : "Nous avons encore
perdu ! Ce sont les paysans les vainqueurs, pas nous !... ")
C'est en effet l'aspect social du film, totalement absent des westerns
américains, qui fait sa principale force : on voit les paysans
(personnages aussi importants que les guerriers) travailler dur pour
survivre et des ronins (samouraïs sans maître) avec des personnalités
complexes, loin de la brutale virilité affichée des héros
de western : Kambei se considère comme un loser, Kikuchiyo est
tiraillé entre ses origines paysannes et sa vie de samouraï...
Cependant si l'aspect social du film lui confère une dimension
supplémentaire, la richesse de son histoire va bien au-delà.
Car
Les sept Samouraïs est d'une complexité narrative
et d'une densité étonnante.
En effet, à travers l'attaque annuelle d'un village de
fermiers par une bande de pillards, thème loin d'être
révolutionnaire, le cinéaste tisse subtilement plusieurs
histoires distinctes ayant chacune d'elles leurs thèmes
propres.
Il y
a bien sûr toute la stratégie de défense et
sa mise en place par Kambei, l'entraînement des villageois
et les scènes d'attaques qui constituent l'aspect 'film
d'action'. Mais ces scènes de chaos sont précédées,
voir entrecoupées ou immédiatement suivies, de plans
calmes mettant en exergue ces affrontements.
Une
autre composante majeur du récit concerne Kikuchiyo. Il
est interprété par un magistral Mifune qui, en 17
ans de collaboration et 15 réalisations avec Kurosawa,
offre là une de ses prestations les plus abouties. Ce personnage
qui se déclare samouraï est irrésistible, totalement
extraverti et sa folie n'a d'égale que son impertinence.
Fils de paysans, on apprend qu'il s'est engagé dans ce
combat pour que ce qu'il a lui-même vécu jeune (à
savoir les attaques sanguinaires de pillards) ne se reproduise
pas. Incontournable, son inconscience passera pour du courage
lors de quelques actions d'éclat, il sera également
celui qui fera rire et qui nouera le contact entre le groupe de
samouraïs et les villageois.
L'histoire
de Katsushiro, elle symbolise le passage de l'enfance d'un apprenti
samouraï à l'âge adulte. Shino, la fille d'un
fermier, lui fera connaître son premier amour, malgré
les efforts de son père pour la protéger des samouraïs
- il lui coupera les cheveux et l'habillera de manière
fruste pour être la moins séduisante possible. Kurosawa
tourna à l'occasion l'unique scène d'amour de sa
carrière. Le fait de tuer un homme pour la première
fois marquera également Katsushiro. Tout au long du film
il mûrira, mais ni lui ni Shino ne pouvant s'opposer aux
traditionnelles séparation de classe sociale entre les
paysans et les samouraïs - "Une fermière,
s'enticher d'un samouraï ? Impossible !" crie le
père de Shino - il connaîtra son premier chagrin
d'amour. De la personne candide du début du film, il reste
un homme mélancolique et légèrement désabusé.
Les
autres personnages ont tous des traits de caractère marqués
et une identité propre, ce qui contribue à la notion
d'uvre complète.
Comme
souvent dans les films de Kurosawa, la nature occupe une place
importante : dans les moment de tension morale, un vent violent
souffle, et lors de la grande bataille finale, une pluie torrentielle
s'abat sur les combattants, tout comme durant le final de Rhapsodie
en Août, où la grand mère cours sous la
pluie battante pour noyer son chagrin.
La
musique est l'uvre de Fumio Hayasaka, qui a collaboré
de nombreuses fois avec le réalisateur. Elle est composée
de différents thèmes, chacun d'eux étant
associé à un certain groupe de personnages. Il y
a un thème pour les bandits, que l'on entend en premier
lors de leur décision d'attaquer le village, un autre pour
les paysans, et bien sur un pour les samouraïs. Cette technique
a notamment été reprise par G. Lucas et a fortement
influencée John Williams (pour la musique de Star Wars,
notamment).
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Au
final, Les sept Samouraïs est un échiquier combinant
beaucoup de genres différents - action, drame
- où
éclate le génie de Kurosawa, et s'impose comme l'une des
uvres les plus globales du cinéma. Un film unique, qui
témoigne de l'immense talent de son réalisateur et de
ses interprètes, et duquel le temps qui passe ne saurait ternir
l'éclat.
Gandolf
Pas
d'avis en ce moment.
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Shichinin
no Samourai - Les Sept Samourais
Réalisation,
production, distribution
Réalisateur : Akira Kurosawa
Scénariste : Akira Kurosawa, Shinobu Hashimoto, Hideo Oguni
Producteur : Sojiro Motoki
Production : Toho Company, Japon
Distribution : Connaissance du Cinéma, France
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Acteur(s)
Toshirô Mifune : Kikuchiyo
Takashi Shimura : Kambei Shimada
Yoshio Inaba : Gorobei Katayama
Seiji Miyaguchi : Kyuzo
Minoru Chiaki : Heihachi Hayashida
Daisuke Kato : Shichiroji
Isao Kimura : Katsushiro
Bokuzen Hidari : Yohei
Equipe Technique
Compositeur : Fumio Hayasaka
Directeur de la photographie : Asakazu Nakai
Monteur : Akira Kurosawa
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