La fondation de la ville et des châteaux
L'histoire de Monaco ne commença à être véritablement
connue qu'à partir du XIIIème siècle. La date du
10 juin 1215 marque la naissance de la future Principauté :
ce jour-là, les Gibelins Génois conduits par Fulco del Cassello,
qui avaient depuis longtemps mesuré l'importance stratégique
du Rocher et apprécié les avantages du port, vinrent y poser
la première pierre de la forteresse sur les bases de laquelle s'élève
aujourd'hui le Palais Princier. Ils avaient préalablement obtenu
de l'Empereur Henri VI, successeur de Frédéric 1er Barberousse,
la souveraineté de tout le pays et avaient acquis les terrains nécessaires
pour la réalisation de leur projet. La forteresse fut renforcée
par des remparts qui formèrent peu à peu une enceinte tout
autour du Rocher. Pour y attirer des habitants, ils accordèrent
aux nouveaux arrivants de précieux avantages : concessions de terres,
exemptions de taxes. Monaco devint ainsi malgré l'exiguïté
de son territoire une place importante dont la possession devait être
l'objet, au cours des trois siècles qui suivirent, de luttes continuelles,
de prises et de reprises successives par les représentants des deux
partis, les Guelfes et les Gibelins. Le Rocher de Monaco sera tour à
tour aux mains des Gibelins, les Doria et Spinola -partisans de l'Empereur-
et des Guelfes, les Fieschi et les Grimaldi -fidèles du Pape-.
Parmi les familles de l'artistocratie génoise appartenant au
parti Guelfe, une des plus brillantes était la famille Grimaldi;
son ancêtre le plus anciennement connu était un certain Otto
Canella, Consul de Gênes en 1133, dont le fils s'appelait
Grimaldi. Ce fut une branche de cette Maison Grimaldi qui devait, après
trois siècles de luttes, posséder de façon définitive
la souveraineté de Monaco.
1270 : avant-poste de la puissance génoise aux frontières
de la Provence, Monaco est resté jusqu'a la fin du XIIIème
siècle sous le contrôle des autorités de la République,
mais d'implacables guerres civiles ont opposé, à partir de
1270, les factions aristocratiques de Gênes. Au cours de ces luttes
intestines, Monaco est devenu, à plusieurs reprises, la place de
refuge de l'une des grandes familles engagées dans le conflit :
les Grimaldi. Ainsi naquit, après deux siècles d'efforts
persévérants, une nouvelle seigneurie et un nouvel État.
En 1296, à la suite d'une de ces querelles de parti, les
Guelfes et avec eux les Grimaldi furent expulsés de Gênes
et se réfugièrent en Provence.
Ils disposaient d'une véritable petite armée qu'ils employèrent
contre la forteresse de Monaco. Le 8 janvier 1297, les Guelfes conduits
par François Grimaldi, dit Malizia, s'emparent de la forteresse
: au dire d'un chroniqueur, François Grimaldi aurait pénétré
par ruse dans la place sous la robe d'un moine Franciscain. Ce fut la première
prise de possession de Monaco par les Grimaldi ; le souvenir en est resté
marqué dans leur blason dont les tenants représentent deux
moines armés d'une épée.
Dès 1301, les Grimaldi perdent le contrôle de Monaco.
Il n'y reviennent que trente ans plus tard, à la faveur d'un regain
d'influence du parti Guelfe.
Charles Grimaldi occupa le Rocher le 12 septembre 1331. En 1341,
Charles 1er acquiert les biens que possédaient les Spinola à
Monaco.
Les historiens le considèrent comme le véritable fondateur
de la Principauté dont il constitua le domaine en achetant les seigneuries
de Menton et de Roquebrune, qui devaient rester monégasques jusqu'en
1861.
Charles 1er était le fils de Rainier 1er et père de Rainier
II. Ces trois Grimaldi ont exercé de hautes fonctions auprès
du Roi de France et des comtes de Provence. Rainier 1er qui disposait d'une
flotte de galères fut nommé par Philippe Le Bel, amiral de
France et remporta contre les Flamands une brillante victoire à
Zeriksee (1304). Charles 1er mit au service du Roi Philippe VI une
armée d'arbalétriers qui prit part à la célèbre
bataille de Crécy en 1346 : sa flotte contribua au
siège de Calais. Rainier II, qui ne rentra jamais dans Monaco, fit
une glorieuse carrière de marin au service du Roi Jean Le Bon et
de la Reine Jeanne de Naples. Ses fils Ambroise, Antoine et Jean étaient
seigneurs de Monaco en 1419 ; après un partage entre les
trois frères, le Rocher et la Condamine furent attribués
à Jean qui en resta seul maître jusqu'à sa mort en
1454.
Jean 1er lutta toute sa vie pour l'indépendance de sa seigneurie
que les Génois ne se résignaient pas à abandonner.
Son fils Catalan ne survécut que trois ans à son père,
il laissa pour héritier une fille qui épousa un Grimaldi
de la branche d'Antibes, Lambert. L'heureuse politique de ce seigneur aboutit
en 1489 à la reconnaissance par le Roi de France Charles
VIII et par le Duc de Savoie de l'indépendance de Monaco. Ainsi
il avait fallu près de deux siècles aux Grimaldi pour établir
de façon définitive leur souveraineté à Monaco.
Dès lors, les tentatives des génois pour reprendre la
forteresse se limitèrent à un siège qui dura plusieurs
mois et qui fut finalement repoussé par la garnison (1507).
L'indépendance de Monaco fut de nouveau confirmée cinq ans
plus tard par Louis XII qui déclara que la seigneurie était
tenue de Dieu et de l'épée. En 1512, Louis VI reconnaît
par lettres patentes, l'indépendance de Monaco, alliance perpétuelle
avec le Roi de France. Cette politique fut continuée par Jean II
et Lucien jusqu'a la mort de celui-ci assassiné en 1523 par
son cousin Barthélemy Doria. Il ne laissait qu'un fils en bas-âge,
Honoré, dont la tutelle fut confiée à son oncle Augustin,
évêque de Grasse, qui fut reconnu seigneur. Augustin ne trouva
pas auprès de François 1er l'appui que Charles VIII et Louis
XII avaient donné à son père et à ses frères.
à la suite de graves désaccords qui s'étaient élevés
entre lui et les autorités françaises, il entama avec Charles-Quint
des négociations qui aboutirent à placer Monaco sous le protectorat
espagnol. Ce fut là un acte dont les conséquences pesèrent
lourdement pendant plus d'un siècle sur la situation financière
du pays. Son auteur avant de mourir avait pu mesurer la gravité
de l'erreur qu'il avait commise : les Espagnols ne tinrent leurs engagements
que d'une façon incomplète et la garnison qu'ils installèrent
dans la place resta presque entièrement à la charge des Monégasques.
Après la mort de son oncle Augustin en 1532, Honoré
n'avait pas encore atteint sa majorité. Ce fut un Grimaldi de Gênes,
Etienne, connu sous le nom de Gubernant, qui fut son tuteur et se fit attribuer
pour sa vie entière le gouvernement de la seigneurie. Le règne
d'Honoré 1er ne connut que vers la fin une tranquillité relative
; celui de ses deux fils, Charles II et Hercule, qui régnèrent
l'un après l'autre, fut aussi rempli d'intrigues et de conflits
; Hercule périt assassiné en 1604. Son fils Honoré
était encore mineur ; sa tutelle fut confiée à son
oncle le Prince de Valdetare qui l'exerça jusqu'en 1616.
C'est lui qui persuada son neveu de prendre le titre de Prince et Seigneur
de Monaco (1612), titre qui fut reconnu par la Cour d'Espagne et
qui passa à ses successeurs.
Avec le règne d'Honoré II commence la période la
plus brillante de l'histoire de la Principauté. Dès qu'il
eut pris possession du pouvoir, le jeune souverain orienta sa politique
vers l'alliance avec la France. Les pourparlers entamés dès
1630
durèrent plus de dix ans ; le Prince trouva auprès de Richelieu
l'appui le plus favorable ; il était aidé à Paris
par son cousin Jean-Henri Grimaldi, Marquis de Courbons et seigneur de
Cagnes et par le Maréchal de Vitry, gouverneur de Provence. En
1641, le Roi Louis XIII signe à Péronne un traité
assurant à la Principauté l'amitié protectrice de
la France. Cette convention confirmait la Souveraineté Princière,
reconnaissait l'indépendance du pays, maintenait ses droits et privilèges.
Une garnison française était placée sous l'autorité
directe du Prince qui en assumait le commandement. Restait à expulser
de la forteresse la garnison espagnole qui continuait à l'occuper.
Quelques mois après, Honoré II arriva à réunir
un certain nombre de ses sujets auxquels il donna des armes et qui réussirent
à s'emparer des principaux postes, entraînant ainsi la capitulation
des Espagnols. Au cours de l'année qui suivit, le Prince fut reçu
à la Cour de France ; il obtint toutes sortes d'honneurs et d'avantages.
Les seigneuries qui avaient été données à ses
prédécesseurs par Charles-Quint dans le royaume de Naples
furent remplacées par ce qu'on devait appeler en Principauté
les Terres de France : le duché de Valentinois, la vicomté
de Carlat en Auvergne et le marquisat des Baux avec la seigneurie de Saint-Rémy
en Provence. Honoré II retourna deux fois à la Cour, où
il fut reçu, avec magnificence par le Cardinal de Mazarin. Le jeune
Roi Louis XIV fut le parrain de son petit-fils, le futur Prince Louis 1er.
Les embellissements du Palais Princier au cours de ce règne furent
marquants : d'abord la construction de l'aile sud, celle qui renferme les
Grands Appartements, accessibles maintenant aux touristes. Honoré
II réunit dans son Palais des collections d'art admirables : plus
de 700 tableaux, dont beaucoup signés des plus grands maîtres,
ornaient les galeries ; des meubles somptueux, des tapisseries précieuses,
des pièces d'argenterie, des bibelots de valeur formaient un décor
d'une haute qualité artistique qui faisait l'émerveillement
des personnalités éminentes dont le Prince recevait la visite
dans son Palais. De nombreuses fêtes furent données pendant
ce règne, des manifestations artistiques, telles que des ballets
français et italiens, des bals et aussi de grandes cérémonies
religieuses en l'église Saint-Nicolas.
Honoré II mourut en 1662. Il n'avait eu qu'un fils, Hercule,
qui périt accidentellement en 1651, laissant un fils, Louis
et plusieurs filles. Honoré II eut la joie de voir réalisée
la brillante alliance de son petit-fils avec Catherine-Charlotte, fille
du Maréchal de Gramont. La jeune Princesse avait une haute situation
à la Cour de France.
Son séjour à Monaco ne dura guère : elle l'employa
pourtant à la fondation du couvent de la Visitation, plus tard devenu
un collège qui est aujourd'hui le Lycée Albert 1er.
Elle revint ensuite à Paris et devint dame d'honneur de la Princesse
Palatine. Louis 1er qui l'avait suivie prit part à la guerre des
Provinces-Unies contre l'Angleterre et à la tête de son régiment
appelé Monaco-Cavalerie prit part aux combats qui se livrèrent
en Flandres et en Franche-Comté. Il revint plus tard à Monaco
pour ménager sa santé chancelante et c'est là que
Louis XIV vint le rappeler pour lui confier l'ambassade près du
Saint-Siège. Il avait pour mission d'obtenir l'appui du Pape pour
assurer la succession du Roi d'Espagne Charles II au dauphin, fils de Marie-Thérèse.
La magnificence inouïe qu'il déploya à Rome l'obligea
à dépouiller le Palais des richesses que son grand-père
Honoré II y avait accumulées. Il mourut en 1701 sans
avoir eu à intervenir dans la succession d'Espagne.
Il avait eu de Charlotte de Gramont deux fils, Antoine, qui lui succéda,
et François-Honoré, qui fut archevêque de Besançon.
Antoine était âgé de quarante ans lorsqu'il monta sur
le trône ; il avait surtout vécu à Paris où
il était lié avec les représentants de la haute aristocratie
française et notamment avec le duc d'Orléans, le futur Régent
; il avait fait aux armées une brillante carrière comme colonel
du régiment Soissonnais-Infanterie ; sa haute taille et son dynamisme
lui avaient valu le surnom de Goliath.
Il avait épousé, en 1688, Marie de Lorraine qui
appartenait à une des plus grandes familles apparentées au
Trône de France. Elle tenait à la Cour de France une place
brillante et ne fit que de rares apparitions à Monaco ; d'ailleurs
l'entente ne régnait pas entre les époux ; Antoine 1er, à
cause de sa santé, ne s'absenta guère de Monaco. Lors de
l'invasion de la Provence en 1707 par le duc de Savoie, la Principauté,
malgré sa neutralité, eut à redouter d'être
envahie. D'importants travaux de fortifications furent exécutés
par le Prince : on peut voir, dominant la rampe qui conduit au Palais,
la tour dite de l'Oreillon qui fut achevée en 1708. La Principauté
resta en alarme jusqu'au traité d'Utrecht, signé en
1713.
Antoine 1er entretint une correspondance abondante avec les personnalités
les plus marquantes de son temps : on à publié celle qu'il
échangea avec le Maréchal de Tessé. Son goût
passionné de la musique le mit en relation avec François
Couperin et André Cardinal Destouches, directeurs de l'Opéra.
La descendance mâle des Grimaldi de Monaco s'éteignit avec
le Prince Antoine : Marie de Lorraine ne lui avait donné que des
filles. En 1715, il maria l'ainée Louise-Hippolyte avec Jacques-François-Léonor
de Matignon, héritier d'une des plus illustres familles de Normandie,
possédant de nombreuses terres et seigneuries : comté de
Torigni, duché d'Estouteville, baronnie de Saint-Lô. Jacques
de Matignon, en vertu des dispositions prises par les aïeux de son
épouse, abandonna son nom et ses armes pour ceux des Grimaldi. Louis
XIV consentit à lui donner le titre de duc de Valentinois.
A la mort de sa femme, dix mois plus tard, il fut reconnu Prince de
Monaco sous le nom de Jacques 1er, puis conserva la régence pendant
la minorité de son fils aîné, le futur Honoré
III, en faveur duquel il abdiqua, le 7 novembre 1733. Jacques 1er
acheva son existence dans une demi-retraite consacrant son temps aux magnifiques
collections artistiques réunies dans son Hôtel de Paris connu,
aujourd'hui encore, sous le nom d'Hôtel Matignon, devenu la résidence
du Premier Ministre.
Honoré III devait rester Prince Souverain de Monaco jusqu'en
1795.
Durant les premières années de son règne, il avait
pris part aux Campagnes de Flandres, du Rhin et des Pays-Bas et fut élevé
en 1748 au grade de Maréchal de Camp.
Au cours de la guerre de la succession d'Autriche en 1746-1747,
Monaco fut bloqué par les Austro-Sardes ; ils furent refoulés
après plusieurs mois par les troupes du Maréchal de Belle-Isle.
Ce fut la seule alarme du règne qui s'acheva dans la tranquillité.
Le Prince résidait beaucoup plus à Paris et dans ses terres
normandes qu'en Principauté. Il s'y trouvait cependant dans le courant
de l'été 1767 lorsque le jeune duc d'York, frère
du roi Georges III d'Angleterre, en se rendant à Gênes tomba
subitement malade et dut être débarqué dans le port
de Monaco. Il fut aussitôt logé au Palais mais malgré
les soins dont il fut entouré, il mourut au bout de quelques jours.
La Cour d'Angleterre témoigna à Honoré III une vive
reconnaissance pour son hospitalité. On visite encore au Palais
Princier la chambre, la plus belle des grands appartements, ou mourut,
le duc d'York.
Le mariage d'Honoré III avec Marie-Catherine de Brignole-Sale
fut célébré en 1757. La famille de Brignole
était l'une des plus puissantes et des plus riches d'Italie.
Cette union ne tarda pas à se briser. Irrité des succès
mondains de sa femme dans l'entourage du Prince de Condé, Honoré
III demanda et obtint la séparation. Avant ce désaccord entre
les deux époux, deux fils étaient venus au monde: Honoré,
qui devait plus tard devenir Prince de Monaco et Joseph. Le premier épousa,
en 1776, Louise d'Aumont Mazarin; ce mariage fit entrer dans la
Maison Souveraine tout l'héritage laissé par Mazarin à
sa nièce Hortense Mancini, le Duché de Rethel, la Principauté
de Château-Porcien et beaucoup d'autres domaines.
La situation des Princes et de leurs sujets monégasques était
ainsi des plus brillantes, quand éclata la Révolution. Grâce
à la sage administration du gouverneur, le Chevalier de Grimaldi,
la population vivait dans une aisance suffisante malgré le peu de
ressources du territoire de la Principauté. Le commerce maritime,
la perception du droit de mer sur les navires allant vers l'Italie contribuaient,
dans une large mesure, àa l'économie du pays.
Les Princes avec leurs fiefs de Valentinois, d'Auvergne, de Provence
et des terres de Normandie, avaient des revenus considérables qui
s'accrurent encore par l'apport des seigneuries d'Alsace. Tous ces biens
leur furent enlevés par la suppression des droits féodaux
votée par l'Assemblée Constituante dans la nuit du 4 août
1789. Honoré III tenta vainement de faire valoir ses droits
en invoquant le traité de Péronne ; à sa mort, survenue
en 1795, sa famille connut de durs embarras financiers.
A Monaco deux partis s'affrontèrent, l'un, partisan du maintien
de la souveraineté, l'autre, la Société Populaire,
voulant donner au peuple et à ses représentants le gouvernement
du pays : c'est cette dernière qui triompha.
L'entrée des troupes françaises dans le comté de
Nice, hâta la constitution du nouveau régime. Le 15 février
1793, la Convention décide la réunion de la Principauté
à la France ; elle constitua d'abord un canton, puis un chef-lieu
d'arrondissement qui fut ensuite transféré à San-Remo.
Toutes les richesses du Palais furent dispersées, les tableaux,
les objets d'art vendus aux enchères. Le Palais, après avoir
servi de logement aux soldats et aux officiers de passage, fut transformé
en hôpital puis en dépôt de mendicité.
Pendant toute la durée de la Révolution, les membres de
la Famille Princière connurent de durs moments : emprisonnés
d'abord, puis libérés à l'exception de Marie-Thérèse
de Choiseul-Stainville, femme du Prince Joseph (deuxième fils d'Honoré
III) qui périt sur l'échafaud, ils se trouvèrent aux
prises avec toutes sortes de difficultés et obligés de vendre
presque tous leurs biens. Deux d'entre eux, Honoré-Gabriel et Florestan
servirent dans l'armée française.
La situation changea complètement après l'abdication
de Napoléon le 30 mai 1814. Le premier Traité
de Paris replace la Principauté dans les rapports ou elle se
trouvait avant le 1er janvier 1792. Le Prince Honoré IV,
fils d'Honoré III, ne pouvant, à cause de sa santé
précaire, assumer la charge du pouvoir, désigna d'abord son
frère Joseph pour le remplacer : mais son fils Honoré-Gabriel
s'éleva avec force contre cette situation et son père, se
rendant à ses raisons, lui délégua sa souveraineté.
Honoré se rendit donc à Monaco en mars 1815. Au moment
ou il arrivait à Cannes, il apprit le débarquement de l'ile
d'Elbe ; arrêté par le général Cambronne, il
fut amené en pleine nuit auprès de Napoléon avec lequel
il eut un entretien.
Après la chute définitive de l'Empire, le second Traité
de Paris du 20 novembre 1815 plaça la Principauté
sous la protection du roi de Sardaigne. Un traité fut signé
le 8 novembre 1817 avec le roi Victor-Emmanuel 1er à Stupiniggi.
La situation qui en résultait pour Monaco, était beaucoup
moins avantageuse que l'alliance avec le roi de France. L'état des
finances était des plus précaires, les ressources du pays
étant très diminuées, les communes, les paroisses
et les hôpitaux accablés de dettes.
Honoré-Gabriel, devenu prince souverain sous le nom d'Honoré
V, s'efforça pendant tout son règne, 1819 à 1841,
de remédier à cet état de choses. Les mesures qu'il
prit, quoique dictées par un souci très vif de l'intérêt
général, ne furent pas toutes heureuses et indisposèrent
souvent la population. Il y eut quelques manifestations hostiles, notamment
à Menton en 1833.
A la mort d'Honoré V qui était célibataire, le
pouvoir passa à son frère Florestan ; ce Prince, passionné
surtout de littérature et de théâtre, n'était
guère préparé à l'exercice du pouvoir. Heureusement,
sa femme Caroline Gilbert de Lametz, issue d'une famille de bourgeoisie
moyenne, avait une intelligence remarquable et un sens très développé
des affaires ; elle lui fut d'un grand secours. Les premières mesures
prises pour remédier à la situation difficile qu'avaient
créée les ordonnances d'Honoré V eurent pour effet
d'apaiser un moment la population ; mais cette détente fut de courte
durée. Florestan et Caroline firent cependant tous leurs efforts
pour rétablir la prospérité.
De graves malentendus se produisirent alors avec la commune de Menton
; les habitants manifestaient depuis longtemps des sentiments d'indépendance.
Le roi de Sardaigne, Charles-Albert, ayant donné une constitution
libérale à ses sujets, les Mentonnais en réclamèrent
une semblable pour la Principauté. Celle que Florestan leur proposa
à deux reprises n'eut pas leur approbation ; après la révolution
de 1848 en France, la situation s'aggrava. Florestan et Caroline
donnèrent tous pouvoirs à leur fils Charles. Mais il était
trop tard pour apaiser les esprits : le 20 mars 1848, Menton et
Roquebrune se proclamèrent villes libres et indépendantes.
Toutefois, l'annexion au royaume de Sardaigne, malgré les efforts
de la cour de Turin, ne fut pas réalisée ; les tentatives
de Florestan et, après sa mort, celles de son fils Charles III n'aboutirent
pas non plus. Les troubles continuèrent, jusqu'au traité
de Turin qui céda à la France, en 1860, le comté
de Nice et la Savoie.
Peu après le traité du 2 février 1861, Charles
III abandonnait à la France ses droits sur Menton et Roquebrune.
Ce traité qui accordait au Prince une indemnité de quatre
millions pour la perte des deux villes, lui assurait l'indépendance
de Monaco sous sa seule autorité. Pour la première fois,
depuis trois siècles, l'indépendance de Monaco était
formellement reconnue et débarrassée de tout lien quelconque
avec un État protecteur. |